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ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

14 août 2015 (*)

«Procédure accélérée»

Dans les affaires jointes C‑307/15 et C‑308/15,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par la cour provinciale d’Alicante (Audiencia Provincial de Alicante, Espagne), par décisions du 15 juin 2015, parvenues à la Cour le 25 juin 2015, dans les procédures

Ana María Palacios Martínez (C‑307/15),

contre

Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA (BBVA),

et

Banco Popular Español SA (C‑308/15),

contre

Emilio Irles López,

Teresa Torres Andreu,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

vu la proposition de M. E. Levits, juge rapporteur,

l’avocat général, M. P. Mengozzi, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Les deux demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, d’une part, Mme Palacios Martínez à Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA (BBVA) et, d’autre part, Banco Popular Español SA à M. Irles López et à Mme Torres Andreu au sujet des effets de la nullité de clauses relatives aux taux d’intérêt dans des contrats de prêt hypothécaire.

3        Il ressort des décisions de renvoi que M. Irles López et Mme Torres Andreu ont conclu, par acte authentique du 1er juin 2001, avec Banco Popular Español SA, un contrat de prêt hypothécaire. Mme Palacios Martínez a souscrit, auprès de Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA (BBVA), un contrat similaire le 28 juillet 2006. Ces emprunteurs ont introduit des recours individuels en constatation de nullité d’une clause, dite «clause plancher», stipulée dans ces contrats, qui garantit à ces établissements financiers que le taux d’intérêt minimal ne sera en aucun cas inférieur à une valeur prédéterminée, en invoquant notamment le caractère abusif de cette clause.

4        Les juridictions saisies en première instance de ces recours y ont fait droit au vu d’un arrêt, du 9 mai 2013, de la Cour suprême (Tribunal Supremo) ayant déclaré les clauses de ce type nulles.

5        Dans l’affaire C‑307/15, la juridiction saisie en première instance a considéré que la nullité de la «clause plancher» n’avait un effet rétroactif qu’à compter de la date de cet arrêt de la Cour suprême, alors que, dans l’affaire C‑308/15, la juridiction saisie en première instance a retenu, comme point de départ des effets de la nullité de cette clause, la date de la conclusion du contrat de prêt hypothécaire en cause.

6        La cour provinciale d’Alicante indique que, en vertu de la jurisprudence de la Cour suprême, l’effet rétroactif d’une décision judiciaire constatant la nullité d’une clause contractuelle en raison de son caractère abusif au sens de la directive 93/13 est limité à la date à laquelle ce constat a été, pour la première fois, effectué.

7        La cour provinciale d’Alicante précise, toutefois, que la jurisprudence de la Cour suprême se fonde sur l’arrêt RWE Vertrieb (C‑92/11, EU:C:2013:180) et ne concerne que les déclarations de nullité faisant suite à une action en cessation générale de l’utilisation d’une clause abusive.

8        La cour provinciale d’Alicante doute, toutefois, de la pertinence de l’application de cette jurisprudence aux déclarations de nullité faisant suite à une action individuelle, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, selon lequel les consommateurs ne sont pas liés par une clause déclarée nulle en raison de son caractère abusif.

9        Dans ce contexte, la cour provinciale d’Alicante a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour à titre préjudiciel. Cette juridiction a également demandé à la Cour de soumettre les affaires C‑307/15 et C‑308/15 à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

10      Par décision du président de la Cour du 10 juillet 2015, ces deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

11      Selon l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, à la demande de la juridiction de renvoi ou, à titre exceptionnel, d’office, le président de la Cour peut, lorsque la nature de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, décider de soumettre un renvoi préjudiciel à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions de ce règlement.

12      À l’appui de sa demande, la juridiction de renvoi fait valoir que la crise économique que traverse actuellement le royaume d’Espagne a donné lieu à de très nombreuses procédures portant sur la même problématique. Une réponse rapide aux questions qu’elle soulève lui permettrait de résoudre rapidement de très nombreux litiges ayant le même objet.

13      À cet égard, s’agissant du nombre d’affaires susceptibles de dépendre du dénouement des affaires au principal, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le nombre important de personnes ou de situations juridiques potentiellement concernées par la décision qu’une juridiction de renvoi doit rendre après avoir saisi la Cour à titre préjudiciel n’est pas susceptible, en tant que tel, de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier le recours à une procédure accélérée (voir, notamment, ordonnances du président de la Cour KÖGÁZ e.a., C‑283/06 et C‑312/06, EU:C:2006:602, point 9; Banco Primus, C-421/14, EU:C:2014:2367, point 10, ainsi que Fernández Oliva e.a., C‑568/14 à C‑570/14, EU:C:2015:100, point 18).

14      En outre, il est également de jurisprudence constante que de simples intérêts économiques, pour importants et légitimes qu’ils soient, ne sont pas de nature à justifier à eux seuls le recours à une procédure accélérée (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2013:218, point 14; Rabal Cañas, C‑392/13, EU:C:2013:877, point 16, ainsi que Indėlių ir investicijų draudimas et Nemaniūnas, C‑671/13, EU:C:2014:225, point 11).

15      Dans ces conditions, les demandes de la juridiction de renvoi tendant à ce que les affaires C‑307/15 et C‑308/15 soient soumises à une procédure accélérée ne sauraient être accueillies.

Par ces motifs, le président de la Cour ordonne:

Les demandes de la cour provinciale d’Alicante tendant à ce que les affaires C‑307/15 et C‑308/15 soient soumises à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour sont rejetées.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.