Language of document : ECLI:EU:T:2018:383

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 juin 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale JUMBO – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) – Article 52, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑78/17,

Jumbo Africa, SL, établie à L’Hospitalet de Llobregat (Espagne), représentée par Mes M.C. Buganza González et E. Torner Lasalle, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme J. García Murillo et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

ProSiebenSat.1 Licensing GmbH, établie à Unterföhring (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 26 octobre 2016 (affaire R 227/2016-1), relative à une procédure de nullité entre ProSiebenSat.1 Licensing et Jumbo Africa,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg et B. Berke (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2017,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 8 juin 2017,

à la suite de l’audience du 2 février 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 décembre 2011, Pasa Africa, SL, devenue Jumbo Africa, SL, la requérante, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JUMBO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent à la description suivante :

–        classe 29 : « Bouillons, potages, potages déshydratés » ;

–        classe 30 : « Achards et sauces ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée le 6 février 2012 au Bulletin des marques de l’Unioneuropéenne et la marque a été enregistrée le 15 mai 2012.

5        Le 11 août 2014, ProSiebenSat.1 Licensing GmbH a déposé une demande en nullité contre la marque en cause pour tous les produits repris au point 3 ci-dessus au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001].

6        Par décision du 3 décembre 2015, la division d’annulation a fait droit à la demande d’annulation dans son intégralité. Elle a considéré que, d’une part, le terme « jumbo » était purement descriptif des produits enregistrés compris dans les classes 29 et 30, à tout le moins pour la partie anglophone de l’Union européenne et que, d’autre part, le caractère distinctif acquis par l’usage n’était pas suffisamment démontré.

7        Le 2 février 2016, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 26 octobre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours dans son intégralité. Premièrement, elle a conclu que la marque contestée avait été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 après avoir retenu que le terme « jumbo » était une référence directe et évidente à la quantité et à la nature des aliments pertinents. Deuxièmement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a estimé qu’aucun élément de la marque contestée ne permettait de considérer qu’elle était inhabituelle ou pouvait avoir une signification propre distinguant, dans la perception du public pertinent, les produits proposés par l’entreprise titulaire de la marque de l’Union européenne de ceux d’une autre entreprise. Troisièmement, elle a considéré que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve démontrant le fait que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif ou qu’elle avait été utilisée dans une partie substantielle de l’Union où l’anglais était compris.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir son recours, révoquer la décision attaquée, rétablir et déclarer la marque JUMBO valable ;

–        ordonner à l’EUIPO de mettre à disposition du Tribunal l’ensemble des documents qu’elle a produits dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a renoncé à son deuxième chef de conclusions visant à ce que le Tribunal ordonne la production de documents, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

 En droit

 Sur la recevabilité du premier chef de conclusions

12      Premièrement, l’EUIPO fait valoir que le premier chef de conclusions de la requérante est irrecevable dans la mesure où il vise la révocation de la décision attaquée, ce qui ne relèverait pas de la compétence du Tribunal.

13      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), le Tribunal peut annuler et réformer les décisions des chambres de recours. La révocation d’une décision prise par l’EUIPO est, quant à elle, prévue par l’article 80 du même règlement (devenu article 103 du règlement 2017/1001) qui dispose que l’instance qui a adopté une décision peut la révoquer dans les six mois de son adoption en cas d’erreur de procédure manifeste.

14      S’il y a lieu d’admettre que le terme juridique employé dans ce chef de conclusions ne correspond à aucun des termes utilisés à l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, il ressort néanmoins clairement des motifs de la requête que l’objectif du recours est d’obtenir l’annulation de la décision attaquée. En effet, outre le fait que les conditions d’application de l’article 80 du règlement no 207/2009 ne sont aucunement mentionnées, les points 78 et 79 de la requête indiquent que la requérante demande au Tribunal l’annulation de la décision attaquée. Par ailleurs, au soutien de sa demande, elle invoque expressément une mauvaise application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 3, ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

15      Deuxièmement, l’EUIPO relève également qu’il n’appartient pas au Tribunal de lui adresser des injonctions et que, par conséquent, la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal rétablisse la marque contestée et la déclare valable serait également irrecevable.

16      À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, le Tribunal peut annuler ou réformer les décisions des chambres de recours. Dès lors, le Tribunal n’est pas compétent pour rétablir une marque ou déclarer cette dernière valable. En effet, lorsque le juge de l’Union annule une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, en vertu de l’article 266 TFUE et de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6,du règlement 2017/1001) , de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation [voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2014, You-View.tv/OHMI – YouView TV (YouView+), T‑480/13, non publié, EU:T:2014:591, points 15 et 16].

17      Par conséquent, il convient, d’une part, de considérer que le présent recours vise l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, de déclarer irrecevable la demande adressée au Tribunal visant à rétablir et à déclarer la validité de la marque contestée.

 Sur le fond

18      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier, invoqué à titre principal, est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et, le second, invoqué à titre subsidiaire, est tiré, en substance, de la violation de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenus article 7, paragraphe 3, et article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001).

 Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009

19      À titre principal, la requérante soutient que la marque contestée n’est pas descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 pour les différents produits en cause. Elle reproche à la chambre de recours d’avoir effectué un examen in abstracto.

20      La requérante s’oppose à la définition que l’EUIPO donne du public pertinent et estime que le terme « jumbo » ne définit pas les produits, ni aucune des caractéristiques des achards ou assaisonnements pour la préparation de potages, bouillons et sauces. À cet égard, elle soutient que le critère linguistique ne saurait s’appliquer seul, dès lors qu’il existe d’autres aspects plus importants que la quantité concernant les produits désignés par la marque JUMBO, tels que le goût qu’ils apportent ou encore le fait que ces produits soient adaptés aux exigences alimentaires des pays du continent africain et aux conditions imposées par leur religion, comme l’illustrerait la version halal des produits de ladite marque.

21      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

22      Conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 dudit règlement.

23      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

24      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 empêche que les signes ou indications qui y sont visés soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [voir arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31 et jurisprudence citée, et du 12 novembre 2014, Murnauer Markenvertrieb/OHMI (NOTFALL CREME), T‑504/12, non publié, EU:T:2014:941, point 15 et jurisprudence citée].

25      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience se révèle positive, ou de faire un autre choix, si elle se révèle négative (arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 12 novembre 2014, NOTFALL CREME, T‑504/12, non publié, EU:T:2014:941, point 16).

26      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut que celui-ci présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 12 novembre 2014, NOTFALL CREME, T‑504/12, non publié, EU:T:2014:941, point 17 et jurisprudence citée). En outre, pour relever de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il suffit que le signe verbal, dans l’une au moins de ses significations potentielles, désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [arrêt du 6 février 2013, Maharishi Foundation/OHMI (TRANSCENDENTAL MEDITATION), T‑412/11, non publié, EU:T:2013:62, point 53].

27      Il convient également de rappeler que le caractère descriptif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 38, et du 12 novembre 2014, NOTFALL CREME, T‑504/12, non publié, EU:T:2014:941, point 18].

28      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen de la requérante.

29      À titre liminaire, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 6 quinquies de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée, ne sauraient être invoquées en l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante. En effet, la Cour a jugé que, lorsque le législateur de l’Union a considéré comme nécessaire d’attribuer à certaines dispositions de la convention de Paris un effet direct, il a fait expressément référence à celles‑ci dans le règlement no 40/94 (remplacé par le règlement no 207/2009, puis devenu le règlement 2017/1001) et que tel n’était pas le cas des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement [voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2008, Cassegrain/OHMI (Forme d’un sac), T‑73/06, non publié, EU:T:2008:454, point 34].

30      Il y a lieu, premièrement, de préciser les produits pour lesquels a été enregistrée la marque contestée. La demande d’enregistrement de cette dernière vise les « bouillons, potages, potages déshydratés » compris dans la classe 29 et les « achards et sauces » compris dans la classe 30. Ainsi que la chambre de recours l’a constaté, sans être contestée par la requérante, il s’agit d’aliments destinés au grand public qui requièrent un niveau d’attention du public pertinent moyen et qui s’adressent à un consommateur censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Les produits relevant des classes 29 et 30 sont des produits alimentaires de grande consommation vendus notamment en grande surface [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2011, Oetker Nahrungsmittel/OHMI – Bonfait (Buonfatti), T‑471/09, non publié, EU:T:2011:307, point 75].

31      S’agissant, deuxièmement, du public pertinent, il convient d’ajouter que la marque contestée est composée d’un mot ayant une signification notamment en anglais. Dès lors, la chambre de recours a correctement estimé que le public pertinent par rapport auquel il convenait d’apprécier le motif absolu de refus était le public anglophone de l’Union incluant, à tout le moins, les consommateurs du Royaume-Uni, irlandais, maltais et chypriotes [voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2017, La Rocca/EUIPO (Take your time Pay After), T‑755/16, non publié, EU:T:2017:663, point 22].

32      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les produits en cause sont exclusivement destinés à une clientèle d’immigrants originaires du continent africain en Europe, force est de constater qu’aucune précision dans le libellé de la demande d’enregistrement de la marque contestée ne permet de considérer que les produits visaient une telle clientèle ou des personnes particulièrement familiarisées avec la nourriture provenant d’Afrique. Les termes généraux utilisés pour la désignation des produits dans cette demande suggèrent plutôt que ces produits sont destinés à la clientèle moyenne habituelle des produits alimentaires concernés [voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI – Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, EU:T:2003:311, point 32].

33      En outre, les produits pour lesquels la marque litigieuse a été enregistrée, tels qu’énoncés ci-dessus, ne permettent pas d’emblée de faire un lien avec les consommateurs originaires du continent africain dans l’Union. En tout état de cause, à supposer que des produits alimentaires soient conçus pour convenir aux goûts d’une catégorie ciblée de consommateurs, rien n’empêche que ces produits puissent être également appréciés et achetés par un plus large public.

34      Troisièmement, en ce qui concerne la signification du mot « jumbo », il est établi qu’il signifie « très grand » pour le public anglophone de l’Union [arrêt du 18 novembre 2013, Preparados Alimenticios/OHMI – Rila Feinkost-Importe (Jambo Afrika), T‑377/10, non publié, EU:T:2013:600, point 56].

35      Quatrièmement, en ce qui concerne le lien entre le terme « jumbo » et les produits en cause, il y a lieu de relever que lesdits produits sont destinés à être commercialisés sous différents formats et en différentes quantités. Force est donc de constater, à l’instar de la chambre de recours, que pour les produits en cause relevant des classes 29 et 30 au sens de la classification de Nice, le terme « jumbo » est descriptif dans la mesure où il peut être compris comme une référence directe et évidente à leur taille ou à la quantité.

36      Ainsi, tel qu’il ressort du point 22 de la décision attaquée, le consommateur moyen pertinent pourra percevoir le terme comme décrivant le fait que le produit a une plus grande taille que celle à laquelle le consommateur pourrait normalement s’attendre ; qu’une plus grande quantité de produit est proposée à un prix plus avantageux, ou encore que le paquet ou la boîte comprend des produits supplémentaires. Le terme « jumbo » est donc susceptible d’être compris, de manière immédiate et sans effort de réflexion particulier, comme une référence à la taille du produit en lui-même, ou à la quantité de produit disponible dans un paquet ou une boîte.

37      L’argument de la requérante selon lequel le public anglophone ne pourrait pas percevoir la marque JUMBO comme offrant des produits inhabituellement grands, une quantité plus importante à un meilleur prix ou encore des formats ou emballages contenant une plus grande quantité au motif que les mentions relatives au poids et à la quantité des produits seraient clairement mises en relief sur les emballages de ses produits ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, l’indication du poids et de la quantité sur un produit ne saurait empêcher un consommateur confronté au terme « jumbo » de penser que ledit produit est plus grand qu’il ne devrait l’être habituellement.

38      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu au caractère descriptif de la marque contestée pour les produits relevant des classes 29 et 30, tels qu’indiqués dans la demande d’enregistrement.

39      Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

40      À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la notoriété de la marque contestée n’a pas à être prouvée dans les pays anglophones d’Europe, mais dans ceux où se vend le produit destiné aux ressortissants originaires du continent africain ayant émigré en Europe. À cet égard, elle aurait suffisamment démontré la notoriété de la marque contestée dans au moins trois pays de l’Union, à savoir l’Espagne, la France et le Royaume-Uni.

41      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le chevauchement entre les motifs absolus de refus énoncés à l’article 7 du règlement no 207/2009 implique, en particulier, qu’une marque verbale descriptive des caractéristiques de produits ou de services est, de ce fait, susceptible d’être dépourvue de caractère distinctif à l’égard de ces mêmes produits ou services, sans préjudice d’autres raisons pouvant justifier cette absence de caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2014, Murnauer Markenvertrieb/OHMI – Healing Herbs (NOTFALL), T‑188/13, non publié, EU:T:2014:942, point 35, et du 19 octobre 2017, Kuka Systems/EUIPO (Matrix light), T‑87/17, non publié, EU:T:2017:732, point 62]. À cet égard, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que la marque en cause avait été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 dans la mesure où le public pertinent ne percevait pas le signe verbal JUMBO comme inhabituel et qu’une partie importante de ce public comprendrait ledit signe comme faisant référence au fait que les produits étaient vendus en très grandes quantités.

43      Il convient de rappeler que, si une marque n’a pas ab initio, intrinsèquement, un caractère distinctif, elle peut l’acquérir au regard des produits ou des services en cause, à la suite de son usage.

44      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, le motif absolu visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement ne s’oppose pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

45      De même, l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 dispose, notamment, que, lorsque la marque de l’Union a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

46      Bien que la requérante ne vise explicitement que l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 dans sa requête, l’argumentation développée dans le cadre du second moyen et le contexte dans lequel est intervenue la décision attaquée permettent de comprendre ce moyen comme étant, en réalité, également tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, dudit règlement. Il y a ainsi lieu d’examiner ledit moyen au regard de ces dispositions. Il revenait donc à la requérante de démontrer devant l’EUIPO que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif, soit avant la date de dépôt de la demande de marque, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, soit entre la date d’enregistrement, et celle de la demande en nullité, en application de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2008, Bateaux-mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX-MOUCHES), T‑365/06, non publié, EU:T:2008:559, points 37 et 38].

47      Aux fins d’apprécier si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances dans lesquelles le public pertinent est confronté à cette marque (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, EU:C:2006:421, point 71).

48      Les éléments susceptibles de démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée doivent être appréciés globalement. Dans le cadre de cette appréciation, peuvent être pris en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 49 et 51, et du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 31). Si, sur la base de tels éléments, une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée, il doit en être conclu que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, et par l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 est remplie [voir, par analogie, arrêt du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, EU:T:2003:54, point 50 et jurisprudence citée].

49      Par ailleurs, afin d’apprécier si les motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement no 207/2009 doivent être écartés en raison de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, seule est pertinente la situation existant dans la partie du territoire de l’Union où les motifs de refus ont été constatés [voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 83, et du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, EU:T:2000:95, point 27]. En l’espèce, il s’agit de la partie anglophone de l’Union.

50      En l’espèce, la requérante a produit devant l’EUIPO plusieurs documents visant à rapporter la preuve du caractère distinctif de la marque contestée acquis par l’usage.

51      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir analysé les documents qu’elle a soumis au regard du public anglophone de l’Union et non au regard des consommateurs d’origine africaine ayant émigré dans l’Union. Cet argument ne saurait prospérer dès lors qu’il ressort de l’examen du premier moyen et du point 29 de la décision attaquée que les motifs de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 s’appliquent au public anglophone de l’Union. À cet égard, la requérante n’indique pas les raisons pour lesquelles les éléments de preuve concernant des pays tiers sont pertinents au regard du public anglophone de l’Union.

52      S’agissant du territoire de l’Union, la requérante soutient qu’elle a suffisamment démontré la notoriété, en d’autres termes, le caractère distinctif acquis, au moins pour la France, l’Espagne et le Royaume-Uni. Les éléments de preuve pertinents, produits devant la chambre de recours, sont les suivants :

–        une enquête réalisée par une société française de marketing et de recherche intitulée « Comportement de consommation des bouillons en tablettes ou en poudre des originaires d’Afrique subsaharienne vivant en Île de France »;

–        une déclaration sous serment émise par l’entreprise titulaire de la marque de l’Union européenne concernant les ventes des produits portant la marque JUMBO de 2012 à 2014 en France, au Royaume-Uni et en Espagne ;

–        une déclaration sous serment émise par l’entreprise titulaire de la marque de l’Union européenne concernant les investissements de la société en matière de publicité et de marketing en France, au Royaume-Uni et en Espagne.

53      Premièrement, il y a lieu de constater que la requérante n’avance aucun argument dans sa requête visant à démontrer que la marque contestée présente un quelconque caractère distinctif acquis par l’usage en Irlande, à Malte et à Chypre, un territoire qui, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours, au point 30 de la décision attaquée, est compris dans la partie anglophone de l’Union.

54      Deuxièmement, s’agissant de la France et de l’Espagne, le territoire que couvrent ces deux pays ne saurait en aucun cas être considéré comme compris dans la partie anglophone de l’Union. En tout état de cause, il ne ressort pas des documents mentionnés au point 52 ci-dessus, en ce qu’ils visent ces pays, qu’ils concernaient un public anglophone.

55      Troisièmement, quant au Royaume-Uni, il y a lieu de rappeler que, pour apprécier la valeur probante de déclarations telles que celles présentées en l’espèce, il faut tout d’abord vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 42, et du 16 novembre 2011, Dorma/OHMI – Puertas Doorsa (doorsa FÁBRICA DE PUERTAS AUTOMÁTICAS), T‑500/10, non publié, EU:T:2011:679, point 49].

56      En l’espèce, les déclarations sous serment ont été établies par le responsable juridique de Pasa Africa, précédente titulaire de la marque contestée, au nom de la société. Elles ne sauraient présenter le même caractère fiable et crédible qu’une déclaration provenant d’une personne tierce ou indépendante de la société en cause, ne sont dès lors pas suffisantes à elles seules et ne constituent qu’un indice nécessitant d’être corroboré par d’autres éléments probants.

57      Or, aucun autre élément soumis par la requérante devant l’EUIPO ne permet de démontrer à suffisance de droit le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée au Royaume-Uni au sens de la jurisprudence rappelée au point 49 ci-dessus. En effet, ainsi que le souligne l’EUIPO dans son mémoire en réponse, les autres preuves produites, en ce qu’elles visent le Royaume-Uni, font, en substance, des références d’ordre général sur l’usage de la marque JUMBO sur ce territoire et sur le fait qu’elle s’adresse aux consommateurs d’origine africaine.

58      Il découle de tout ce qui précède que c’est dès lors à juste titre que la chambre de recours a conclu, aux points 30 et 31 de la décision attaquée, qu’aucun élément de preuve produit par la requérante devant l’EUIPO ne démontrait que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 pour le public pertinent.

59      Dès lors, il convient de rejeter également le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

61      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Jumbo Africa, SL supportera ses propres dépens ainsi que ceux de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Prek

Buttigieg

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.