Language of document : ECLI:EU:T:2019:65

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

7 février 2019  (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Article 42 quater du statut – Mise en congé dans l’intérêt du service – Égalité de traitement – Interdiction de la discrimination fondée sur l’âge – Erreur manifeste d’appréciation – Droit d’être entendu – Devoir de sollicitude – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑11/17,

RK, ancienne fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, représentée initialement par Mes L. Levi et A. Tymen, puis par Me Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par MM. A. Troupiotis et J. A. Steele, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision non datée du Conseil de placer la requérante en congé dans l’intérêt du service sur le fondement de l’article 42 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et, en tant que de besoin, de la décision du 27 septembre 2016 rejetant la réclamation introduite par la requérante et, d’autre part, à la réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg (rapporteur), F. Schalin, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 1er juin 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») a été modifié, notamment, par le règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15).

2        Les considérants 1, 3, 7 et 12 du règlement no 1023/2013 énoncent :

« (1)      L’Union européenne, qui compte plus de 50 institutions et agences, devrait continuer à disposer d’une administration publique européenne d’un niveau de qualité élevé tel qu’elle puisse réaliser ses objectifs, mettre en œuvre ses politiques et actions et accomplir ses missions de la meilleure manière possible conformément aux traités, pour répondre aux défis, sur les plans intérieur et extérieur, auxquels elle devra faire face à l’avenir, et servir les intérêts des citoyens de l’Union.

[…]

(3)      Compte tenu de la taille de la fonction publique européenne par rapport aux objectifs de l’Union et à sa population, une réduction des effectifs au sein des institutions et des agences de l’Union ne devrait pas aboutir à entraver celles-ci dans l’exécution des missions, devoirs et fonctions auxquels elles sont tenues et pour lesquels elles sont habilitées en vertu des traités. Il y a lieu, à cet égard, de rendre transparents les frais de personnel qu’occasionnent toutes les catégories de personnel à chacune des institutions et agences qui les emploient.

[…]

(7)      Dans le cadre d’un objectif plus vaste, il convient d’optimiser la gestion des ressources humaines d’une fonction publique européenne qui se caractérise par son excellence, sa compétence, son indépendance, sa loyauté, son impartialité et sa stabilité, ainsi que par sa diversité culturelle et linguistique et par des conditions de recrutement attrayantes.

[…]

(12) Dans ses conclusions du 8 février 2013 sur le cadre financier pluriannuel, le Conseil européen a souligné que le nécessaire assainissement des finances publiques à court, moyen et long terme exigeait de chaque administration publique et de son personnel un effort particulier pour améliorer l’efficacité et l’efficience et pour s’adapter à l’évolution du contexte économique. En réalité, cet appel rappelait l’objectif de la proposition de la Commission, présentée en 2011, modifiant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, qui s’efforçait de garantir un bon rapport coût-efficacité et reconnaissait que les défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’Union européenne exigent, de la part de chaque administration publique et de chaque membre de son personnel, un effort particulier en vue d’une efficacité accrue et d’une adaptation à l’évolution du contexte socio-économique en Europe […] »

3        L’article 1er, point 24, du règlement no 1023/2013 a prévu l’ajout, au chapitre 2 du titre III du statut, d’une section 7, intitulée « Congé dans l’intérêt du service », contenant une seule disposition, l’article 42 quater. Aux termes de cette disposition :

« Au plus tôt cinq ans avant l’âge de sa retraite, le fonctionnaire qui compte au moins dix ans d’ancienneté peut être mis en congé dans l’intérêt du service par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, pour des besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences au sein des institutions.

Le nombre annuel total de fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service n’est pas supérieur à 5 % du nombre total des fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente. Le nombre total de fonctionnaires pouvant être mis en congé selon ce calcul est attribué à chaque institution en fonction du nombre de fonctionnaires en service qu’elle comptait au 31 décembre de l’année précédente. Pour chaque institution, ce nombre est arrondi au nombre entier supérieur le plus proche.

Ce congé n’a pas le caractère d’une mesure disciplinaire.

La durée de ce congé correspond en principe à la période restant à courir jusqu’à ce que le fonctionnaire concerné atteigne l’âge de la retraite. Cependant, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut décider, à titre exceptionnel, de mettre un terme à ce congé et de réintégrer le fonctionnaire dans son emploi.

Le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service qui atteint l’âge de la retraite est mis à la retraite d’office.

Le congé dans l’intérêt du service obéit aux règles suivantes :

a)       le fonctionnaire peut être remplacé dans son emploi par un autre fonctionnaire ;

b)       le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service cesse de participer à l’avancement d’échelon et à la promotion de grade.

Le fonctionnaire mis en congé dans l’intérêt du service bénéficie d’une indemnité calculée conformément à l’annexe IV.

À sa demande, cette indemnité est soumise à la contribution au régime de pensions, calculée sur la base de ladite indemnité. Dans ce cas, la période de service du fonctionnaire en congé dans l’intérêt du service est prise en compte pour le calcul des annuités de sa pension d’ancienneté au sens de l’article 2 de l’annexe VIII.

Aucun coefficient correcteur n’est appliqué à l’indemnité. »

4        Le règlement no 1023/2013 est entré en vigueur le 1er novembre 2013 et l’article 42 quater du statut est applicable depuis le 1er janvier 2014. 

5        La requérante, RK, est une ancienne fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne. Elle est entrée en service au sein du secrétariat général du Conseil (ci-après le « SGC ») le 16 mars 1989 et a été titularisée le 16 septembre 1989. Elle a été affectée au cours de sa carrière à différentes directions générales et services. Du 1er avril 2013 au 30 juin 2016, elle était affectée à un poste d’assistant à l’unité « Développement du personnel » (ci-après l’« UDP ») au sein de la direction générale A (Administration).

6        Par la communication au personnel no 71/15, du 23 octobre 2015 (ci-après la « CP 71/15 »), le secrétaire général du Conseil a fourni des informations sur la mise en œuvre de l’article 42 quater du statut par l’institution. Aux termes de cette communication :

« […] Les institutions de l’UE doivent constamment innover et se moderniser, ce qui implique que les fonctionnaires doivent acquérir de nouvelles compétences et mettre à jour leurs connaissances pour s’adapter aux nouvelles évolutions. Ces nouvelles compétences peuvent être liées, par exemple, à de nouveaux outils informatiques, à de nouveaux systèmes mis en place pour la production de documents du Conseil européen/du Conseil, à de nouvelles procédures en matière de marchés publics ou d’audit interne, à de nouvelles méthodes de travail ou à de nouveaux modes de gestion ou d’organisation.

Le congé dans l’intérêt du service vise à permettre aux fonctionnaires qui éprouvent des difficultés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail d’être mis en congé avant d’avoir atteint l’âge de la retraite. […]

Pour 2015, cinq (5) possibilités sont disponibles au sein du Conseil et du Conseil européen […] ».

7        Le 12 novembre 2015, la requérante a eu un entretien avec la chef de l’UDP au cours duquel cette dernière a informé la requérante de son intention de suggérer à l’administration de considérer sa mise en congé dans l’intérêt du service, conformément à l’article 42 quater du statut.

8        Le déroulement et le contenu de cet entretien sont résumés dans une note de la chef de l’UDP du 18 novembre 2015, adressée à la directrice des ressources humaines et de l’administration du personnel (ci-après la « directrice RHAP »). Dans le cadre de cette note, la chef de l’UDP demandait à l’administration le placement de la requérante en congé dans l’intérêt du service, en vertu de l’article 42 quater du statut.

9        Le 25 novembre 2015, la requérante a été reçue par la directrice RHAP, en présence d’un fonctionnaire accompagnant la requérante, d’un observateur désigné par le comité du personnel et du chef de l’unité des conseillers juridiques de l’administration. Lors de cet entretien, la directrice RHAP a présenté à la requérante le cadre juridique de l’article 42 quater du statut et lui a résumé les raisons pour lesquelles elle considérait que cette disposition pouvait lui être appliquée. La requérante a exprimé son désaccord avec la mesure envisagée.

10      À l’issue de cet entretien, en date du 25 novembre 2015, la directrice RHAP a adressé une note au directeur général de l’administration, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), recommandant le placement de la requérante en congé dans l’intérêt du service sur la base de l’article 42 quater du statut, à partir du 31 décembre 2015. À cette note étaient annexés la note de la chef de l’UDP du 18 novembre 2015 ainsi qu’un aperçu de l’historique de carrière de la requérante.

11      Par note du 30 novembre 2015, le directeur général de l’administration a informé la requérante de son intention de la placer en congé dans l’intérêt du service et l’a invitée à formuler ses observations dans un délai de dix jours ouvrables.

12      La requérante a présenté ses observations écrites le 7 décembre 2015, dans lesquelles elle a demandé à l’AIPN de revoir son intention de lui appliquer l’article 42 quater du statut et, en tout état de cause, de reconsidérer cette application pour l’exercice 2015 afin de pouvoir disposer d’un délai suffisant pour se préparer à la mise en congé d’un point de vue financier et psychologique.

13      Le 8 décembre 2015, la requérante a été entendue par le directeur général de l’administration.

14      Par une décision non datée du directeur général de l’administration en sa qualité d’AIPN, dont la requérante a accusé réception le 4 février 2016, celle-ci a été placée en congé dans l’intérêt du service avec effet au 30 juin 2016. Les raisons avancées pour l’adoption de cette mesure envers la requérante étaient exposées au point 10 de la décision susvisée.

15      En premier lieu, au point 10, sous a), de la décision susvisée, il était indiqué que l’UDP, à laquelle la requérante était affectée, procédait à l’adaptation de ses méthodes de travail dans la droite ligne des réformes menées aussi dans les autres services de la direction « Ressources humaines et administration du personnel ». Cette évolution consistait principalement à instaurer des processus et des procédures automatisés, à mettre en place de nouvelles activités, à numériser les systèmes de gestion des tâches et d’autres procédures ainsi qu’à adopter les solutions informatiques interinstitutionnelles applicables à l’ensemble des systèmes de suivi des ressources humaines. Il était indiqué que le rythme de cette évolution devait être maintenu afin de respecter les nouvelles approches en matière de ressources humaines et d’administration du personnel mises en place au sein du SGC.

16      En deuxième lieu, au point 10, sous b), de la décision susvisée, il était précisé que la réalisation de telles réformes exigeait de la part du personnel un savoir-faire approprié et un certain degré de flexibilité et d’adaptabilité.

17      [confidentiel]

18      [confidentiel]

19      [confidentiel]

20      [confidentiel]

21      L’AIPN précisait aussi que la décision visée au point 14 ci-dessus prendrait effet le 30 juin 2016 afin de donner à la requérante le temps nécessaire pour se préparer à sa mise en congé du point de vue psychologique et financier.

22      Par note du 8 février 2016, la chef de l’unité « Droits individuels » a communiqué à la requérante des informations relatives à ses droits financiers relatifs au congé dans l’intérêt du service.

23      Le 29 avril 2016, la requérante a introduit une réclamation contre la décision visée au point 14 ci-dessus en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Cette réclamation a été rejetée par décision explicite du secrétaire général du Conseil du 27 septembre 2016.

II.    Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 janvier 2017, la requérante a introduit le présent recours.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2017, la requérante a demandé que l’anonymat lui soit accordé en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 17 février 2017, le Tribunal a fait droit à cette demande.

26      Le 4 avril 2017, le Conseil a déposé un mémoire en défense.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mai 2017, le Parlement européen a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 juin 2017, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la requête et ses annexes fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard du Parlement.

29      Le 14 juin 2017, la requérante a déposé la réplique.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2017, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la réplique et ses annexes fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard du Parlement.

31      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 28 juin 2017, le Parlement a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Il était précisé que la communication à la partie intervenante des actes signifiés et, le cas échéant, à signifier aux parties principales serait limitée à une version non confidentielle et qu’une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité serait, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections qui pourraient être présentées à ce sujet.

32      Le Parlement n’a pas déposé d’objection dans le délai imparti sur les demandes de traitement confidentiel susvisées introduites par la requérante.

33      Le 28 juillet 2017, le Conseil a déposé la duplique.

34      Le 18 août 2017, le Parlement a déposé son mémoire en intervention.

35      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2017, la requérante a demandé que certaines informations contenues dans la duplique fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard du Parlement. Celui-ci n’a pas déposé d’objection dans le délai imparti sur cette demande.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2017, le Conseil a indiqué qu’il n’avait pas d’observations sur le mémoire en intervention du Parlement.

37      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2017, la requérante a soumis ses observations sur le mémoire en intervention du Parlement.

38      Le 18 octobre 2017, le greffe du Tribunal a signifié aux parties la clôture de la phase écrite de la procédure.

39      Par lettre du 7 novembre 2017, la requérante a formulé une demande motivée, au titre de l’article 106 du règlement de procédure, aux fins d’être entendue dans le cadre de la phase orale de la procédure.

40      Sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, le 10 avril 2018, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

41      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à déposer certains documents. Les parties ont déféré à ces invitations dans le délai imparti.

42      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 1er juin 2018.

43      La phase orale de la procédure a été close par décision du président de la deuxième chambre élargie du Tribunal du 17 juillet 2018, à la suite du dépôt par le Conseil des deux séries de documents demandés par le Tribunal lors de l’audience et par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure.

44      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision visée au point 14 ci-dessus et, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation du 27 septembre 2016 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») ;

–        condamner le Conseil au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis ;

–        condamner le Conseil à l’ensemble des dépens.

45      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

46      Le Parlement conclut au rejet du recours.

III. En droit

A.      Sur l’objet du recours

47      Dans le cadre du premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision visée au point 14 ci-dessus et, « en tant que de besoin », l’annulation de la décision de rejet de la réclamation. Il convient dès lors de clarifier la relation entre ces deux décisions et de déterminer, ainsi, l’objet du présent recours.

48      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, points 7 et 8), sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T‑281/04, EU:T:2006:334, point 26).

49      En effet, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable, de sorte que les conclusions dirigées contre cette décision sans contenu autonome par rapport à la décision initiale doivent être regardées comme dirigées contre l’acte initial (voir arrêt du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, point 141 et jurisprudence citée).

50      Une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (arrêt du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T‑585/16, EU:T:2017:613, point 18).

51      En l’espèce, la requérante fait valoir que la demande d’annulation de la décision de rejet de la réclamation est recevable, puisque cette décision contient des éléments nouveaux par rapport à la décision visée au point 14 ci-dessus, sans préciser, néanmoins, quels sont ces éléments. Le Conseil et le Parlement n’ont pas pris position sur la problématique relative à la définition de l’objet du recours et, à titre plus général, n’ont pas contesté la recevabilité de la demande en annulation dirigée contre les deux décisions mentionnées dans le premier chef de conclusions de la requérante.

52      À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que la réclamation et le recours devant le Tribunal ont été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut.

53      Ensuite, il convient de constater que la décision de rejet de la réclamation confirme la décision visée au point 14 ci-dessus et sa motivation. Par ailleurs, la décision de rejet de la réclamation, sans qu’il y soit procédé à un réexamen de la situation de la requérante en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, répond à ses griefs soulevés dans la réclamation et, à cette occasion, complète la motivation fournie dans la décision visée au point 14 ci-dessus. Dans ces circonstances, il convient de considérer que le seul acte faisant grief à la requérante est la décision visée au point 14 ci-dessus (ci-après la « décision attaquée ») et que la légalité de cette décision doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, points 20 et 21).

B.      Sur la recevabilité de certains documents déposés par le Conseil le 6 juin 2018

54      Il y a lieu de rappeler que, lors de l’audience, le Tribunal a invité le Conseil à déposer, dans un délai d’une semaine, les documents cités aux notes en bas de page nos 8 et 9 de la décision de rejet de la réclamation. Or, le 6 juin 2018, le Conseil a déposé non seulement les deux documents susvisés (annexes E.1 et E.6 de l’acte de procédure du 6 juin 2018), mais également quatre autres documents qui n’étaient pas visés par la demande du Tribunal (annexes E.2 à E.5 de l’acte de procédure du 6 juin 2018) et a présenté le contenu de ces derniers documents aux points 4 à 7 de l’acte de procédure du 6 juin 2018. Il s’ensuit que les documents contenus aux annexes E.2 à E.5 susvisés, le document contenu dans l’annexe E.1 concernant la réunion de l’UDP du 29 janvier 2015, non visé non plus par la demande du Tribunal, ainsi que les développements consacrés aux points 4 à 7 de l’acte de procédure du 6 juin 2018 sont déclarés irrecevables en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, dans la mesure où ils ne sont pas visés par la demande du Tribunal formulée lors de l’audience et où le Conseil n’a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle ils n’ont pas été déposés antérieurement.

C.      Sur la demande en annulation

55      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante soulève quatre moyens, le premier constituant une exception d’illégalité dirigée contre l’article 42 quater du statut, le deuxième, tiré de la violation de cette disposition ainsi que de la CP 71/15, d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation, le troisième, tiré de la violation du droit d’être entendu et, le quatrième, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

1.      Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 42 quater du statut

a)      Observations liminaires

56      La requérante soutient que l’article 42 quater du statut est illégal dans la mesure où il enfreint le principe d’égalité en droit et le principe de non-discrimination fondé, notamment, sur l’âge, consacrés aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), et l’article 1er quinquies du statut.

57      Dans ce contexte, la requérante fait valoir que l’article 42 quater du statut, dans la mesure où il s’applique explicitement aux fonctionnaires et agents « [a]u plus tôt cinq ans avant l’âge de [leur] retraite », introduit une différence de traitement fondée sur l’âge telle que définie par l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78. Selon la requérante, cette différence de traitement n’est pas objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78. Par ailleurs, même s’il devait être considéré que l’article 42 quater du statut poursuit un tel objectif légitime, les moyens utilisés pour l’atteindre ne seraient ni appropriés ni nécessaires au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78.

58      Le Conseil et le Parlement contestent l’argumentation de la requérante et concluent au rejet du présent moyen.

59      À titre liminaire, il convient de déterminer les dispositions à l’aune desquelles l’exception d’illégalité soulevée par la requérante doit être examinée.

60      À cet égard, il convient de relever que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union européenne, consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux, dont le principe de non-discrimination énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de cette charte est une expression particulière (arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 29).

61      Par ailleurs, l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux précise que les dispositions de celle-ci s’adressent, notamment, aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité.

62      Il s’ensuit que la légalité de l’article 42 quater du statut, lequel a été introduit dans le statut par le règlement no 1023/2013, doit être appréciée à l’aune de la norme supérieure que constitue l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, visé par l’argumentation de la requérante, qui interdit toute discrimination fondée, notamment, sur l’âge.

63      En ce qui concerne l’invocation par la requérante de la directive 2000/78, il y a lieu de présenter, à titre liminaire, ses dispositions pertinentes.

64      L’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »

65      L’article 2 de la directive 2000/78, intitulé « Concept de discrimination », dispose dans ses premier et deuxième paragraphes :

« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a)       une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;

b)       une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :

i)       cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires […] »

66      L’article 6 de la directive 2000/78, intitulé « Justification des différences de traitement fondées sur l’âge », prévoit dans son premier paragraphe :

« Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :

a)       la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;

b)       la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;

c)       la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite. »

67      Ensuite, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 288, troisième alinéa, TFUE que les directives lient les États membres qui en sont destinataires quant au résultat à atteindre. Il s’ensuit que la directive 2000/78, ainsi qu’il est précisé d’ailleurs à son article 21, est adressée aux États membres et non aux institutions. Par conséquent, les dispositions de cette directive ne peuvent être considérées comme imposant, en tant que telles, des obligations aux institutions, dans l’exercice de leurs pouvoirs législatifs ou décisionnels (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 septembre 2003, Rinke, C‑25/02, EU:C:2003:435, point 24, et du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, EU:T:2008:160, point 43), et ne peuvent pas davantage, en tant que telles, fonder une exception d’illégalité de l’article 42 quater du statut (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 52).

68      Cependant, même si la directive 2000/78 ne peut, en tant que telle, être source d’obligations pour les institutions de l’Union, dans l’exercice de leurs pouvoirs législatifs ou décisionnels en vue de régir les relations de travail entre elles-mêmes et les membres de leur personnel, il n’en reste pas moins que les règles ou les principes édictés ou dégagés dans cette directive peuvent être invoqués à l’encontre de ces institutions lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme l’expression spécifique de règles fondamentales des traités et de principes généraux qui s’imposent directement auxdites institutions (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2016, Todorova Androva/Conseil e.a., T‑366/15 P, non publié, EU:T:2016:729, point 34 et jurisprudence citée).

69      La Cour a déjà reconnu que la directive 2000/78 concrétise, dans le domaine de l’emploi et du travail, le principe de non-discrimination en fonction de l’âge qui constitue un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2014, Vital Pérez, C‑416/13, EU:C:2014:2371, point 24 et jurisprudence citée).

70      Il s’ensuit que, si les dispositions de la directive 2000/78 ne peuvent pas fonder, en tant que telles, l’exception d’illégalité de l’article 42 quater du statut, elles peuvent constituer une source d’inspiration pour la détermination des obligations du législateur de l’Union dans le domaine de la fonction publique de l’Union, tout en tenant compte des spécificités de celle-ci. C’est de cette manière que le Tribunal tiendra compte en l’espèce de la directive 2000/78.

71      En ce qui concerne l’invocation par la requérante de l’article 1er quinquies du statut, il convient de rappeler que cette disposition prévoit l’interdiction de toute discrimination, notamment de celle fondée sur l’âge, dans l’application du statut. Cette disposition a été insérée dans le statut par le règlement (CE, Euratom) n o 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1).

72      Dans la mesure où l’article 1 er quinquies du statut figure dans le même acte, de nature réglementaire, que l’article 42 quater du statut, à savoir dans le statut, et occupe dès lors le même rang que celui-ci dans la hiérarchie des normes, cette disposition ne constitue pas une norme à l’aune de laquelle la légalité de l’article 42 quater du statut peut être appréciée. Au demeurant, la requérante a clarifié que la référence à l’article 1 er quinquies du statut avait été faite dans la seule mesure où cette disposition consacre le principe général d’égalité en droit et le principe de non-discrimination fondé, notamment, sur l’âge.

73      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la légalité de l’article 42 quater du statut doit être appréciée à l’aune de l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux tout en tenant compte, dans les limites exposées au point 70 ci-dessus, de la directive 2000/78.

74      Ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 60 ci-dessus), l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux énonce le principe de non-discrimination, lequel constitue une expression particulière du principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de cette charte.

75      Selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 30 et jurisprudence citée).

76      Il convient d’examiner, dans un premier temps, si l’article 42 quater du statut institue une différence de traitement fondée sur l’âge et, dans un second temps, dans l’affirmative, si cette différence de traitement est, toutefois, conforme à l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux en ce qu’elle répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 35).

b)      Sur l’existence d’une différence de traitement fondée sur l’âge

77      Il y a lieu de rappeler que l’article 42 quater du statut s’applique « [a]u plus tôt cinq ans avant l’âge de [l]a retraite » des fonctionnaires concernés. Le Conseil a précisé que cette disposition est applicable à des fonctionnaires se trouvant dans une fourchette d’âge comprise entre 55 et près de 66 ans. Il ressort du cadre réglementaire applicable et des explications du Conseil fournies dans la cadre de sa réponse écrite à une question du Tribunal que cette fourchette d’âge est déterminée sur le fondement du raisonnement qui suit.

78      En ce qui concerne les fonctionnaires entrés en service avant le 1er janvier 2014, il convient de prendre en considération l’article 22, paragraphe 1, cinquième alinéa, de l’annexe XIII du statut, prévoyant :

« Sauf disposition contraire du présent statut, l’âge de la retraite du fonctionnaire en service avant le 1er janvier 2014 à prendre en compte dans toutes les références à l’âge de la retraite figurant dans le présent statut est déterminé conformément aux dispositions ci-dessus. »

79      Cet âge de la retraite varie entre 60 et 65 ans selon l’âge du fonctionnaire à la date du 1er mai 2014, ainsi qu’il ressort du contenu des quatre premiers alinéas de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe XIII du statut.

80      En ce qui concerne les fonctionnaires entrés en service après le 1er janvier 2014, l’âge de la retraite est fixé à 66 ans en vertu de l’article 52, premier alinéa, sous a), du statut.

81      Il s’ensuit que, dès lors que la mise en congé dans l’intérêt du service peut être appliquée aux fonctionnaires ayant 10 ans d’ancienneté et qui sont, au plus tôt, à cinq ans de l’âge de la retraite, celle-ci concerne potentiellement les fonctionnaires qui ont entre 55 ans (pour ceux qui avaient 60 ans et plus au 1er mai 2014 et dont l’âge de la retraite était donc fixé à 60 ans) et 66 ans (pour ceux qui ont été recrutés après le 1er janvier 2014 et dont l’âge de la retraite a été donc fixé à 66 ans).

82      Dans la mesure où l’article 42 quater du statut s’applique uniquement aux fonctionnaires se trouvant dans une fourchette d’âge comprise entre 55 ans et 66 ans et ne s’applique pas aux fonctionnaires plus jeunes qui n’entrent pas dans la fourchette d’âge susvisée, cette disposition institue une différence de traitement fondée sur l’âge.

83      Il convient de relever que le Conseil émet des doutes sur la question de savoir si l’article 42 quater du statut peut relever de la notion de discrimination au sens de l’article 2 de la directive 2000/78, dans la mesure où il ne se réfère pas à un « âge donné », mais à l’âge de la retraite des fonctionnaires concernés qui peut varier. Il s’agirait, dès lors, d’une mesure d’accompagnement au départ à la retraite destinée à atténuer l’« effet couperet » de ce départ et non pas à discriminer en fonction d’un âge précis par rapport à un autre. Pour corroborer ce raisonnement, le Conseil relève aussi que l’application de l’article 42 quater du statut est soumise à une deuxième condition indépendante de l’âge, celle de l’existence d’une ancienneté de dix ans au moins.

84      Cette argumentation du Conseil concerne la justification de la différence de traitement fondée sur l’âge, qui est présente dans l’article 42 quater du statut, et ne remet pas en cause l’existence de cette différence de traitement. Dans la mesure où cette disposition vise uniquement les fonctionnaires entrant dans une fourchette d’âge particulière, identifiée clairement, elle introduit une différence de traitement fondée directement sur l’âge, nonobstant la circonstance que la fourchette d’âge susvisée est déterminée en fonction de l’âge de la retraite des fonctionnaires concernés. La question de savoir si cette différence de traitement constitue une discrimination prohibée par l’article 21 de la charte des droits fondamentaux constitue une question distincte de celle relative à l’existence d’une différence de traitement.

85      Par ailleurs, toujours en réponse à l’argumentation du Conseil exposée au point 83 ci-dessus, il y a lieu de constater que le fait que l’article 42 quater du statut prévoit d’autres conditions non liées à l’âge, comme celle relative à l’ancienneté des fonctionnaires concernés et celle relative à l’existence des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », ne neutralise pas le fait que, lorsque ces conditions sont remplies, les fonctionnaires qui entrent dans la fourchette d’âge en cause sont traités différemment des fonctionnaires qui n’entrent pas dans ladite fourchette.

86      Selon la jurisprudence, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité d’une façon différente des situations comparables, entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 39 et jurisprudence citée). Il résulte de cette jurisprudence qu’il convient de vérifier, en l’espèce, si la différence de traitement en fonction de l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, entraîne un désavantage pour les fonctionnaires entrant dans la fourchette d’âge en cause par rapport à ceux qui n’y entrent pas (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 33).

87      En l’espèce, les fonctionnaires entrant dans la fourchette d’âge en cause et soumis, dès lors, potentiellement à la mesure prévue par l’article 42 quater du statut peuvent se voir imposer, contre leur volonté, un changement de leur position administrative en ce qu’ils cessent d’être en « activité » au sens de l’article 36 du statut et se voient placés en « congé dans l’intérêt du service ». Par ailleurs, ces fonctionnaires cessent de bénéficier d’une évolution de leur carrière dans la mesure où, en vertu de l’article 42 quater, sixième alinéa, sous b), du statut, ils cessent de participer à l’avancement d’échelon et à la promotion de grade.

88      Les fonctionnaires qui ne sont pas soumis à l’application de l’article 42 quater du statut ne subissent pas de tels désavantages sur le plan de leur carrière.

89      Par ailleurs, les fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service subissent incontestablement une réduction de leurs revenus professionnels résultant, notamment, du fait qu’ils cessent de percevoir le traitement de base, celui-ci étant remplacé par une indemnisation prévue au septième alinéa de l’article 42 quater du statut. En vertu de cette disposition, cette indemnité est calculée conformément à l’annexe IV du statut, ce qui signifie que les fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service perçoivent pendant les trois premiers mois de l’application de la mesure une indemnité mensuelle égale à leur traitement de base, du quatrième au sixième mois de l’application de la mesure une indemnité mensuelle égale à 85 % du traitement de base et du septième mois jusqu’au terme du congé, à savoir jusqu’à l’arrivée de l’âge de la retraite, une indemnité mensuelle égale à 70 % du traitement de base. Selon le neuvième alinéa de l’article 42 quater du statut, aucun coefficient correcteur n’est appliqué à cette indemnité. Par ailleurs, le préjudice financier susvisé est potentiellement aggravé par la circonstance que les fonctionnaires concernés cessent de participer à l’avancement d’échelon et à la promotion de grade, ainsi qu’il a déjà été relevé.

90      Les fonctionnaires qui n’entrent pas dans la fourchette d’âge en cause et qui ne sont, dès lors, pas susceptibles de se voir appliquer l’article 42 quater du statut ne subissent pas les désavantages financiers identifiés au point 89 ci-dessus.

91      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’article 42 quater du statut institue une différence de traitement fondée sur l’âge.

c)      Sur le respect des critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux

92      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

93      En l’espèce, il y a lieu de constater que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, est prévue par la « loi » au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, dans la mesure où cette disposition trouve son origine dans le règlement no 1023/2013 (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 37).

94      Par ailleurs, il convient de constater que la différence de traitement susvisée porte sur une question de portée limitée dans le cadre de la fonction publique de l’Union, celle de la mise en congé dans l’intérêt du service de certains fonctionnaires remplissant un certain nombre de conditions, parmi lesquelles celle relative à l’âge. Par conséquent, cette différence de traitement « respecte le contenu essentiel » du principe de non-discrimination au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 38 et jurisprudence citée).

95      Pour corroborer cette conclusion, il y a lieu de relever que l’article 42 quater, deuxième alinéa, du statut prévoit que le nombre annuel total des fonctionnaires mis en congé dans l’intérêt du service ne peut pas être supérieur à 5 % du nombre total des fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente. Il s’avère ainsi que, compte tenu de ce plafond et des conditions d’application de l’article 42 quater du statut, prévus au premier alinéa de cette disposition, le nombre annuel de fonctionnaires qui peuvent être placés en congé dans l’intérêt du service est très limité, ainsi qu’il ressort également des réponses écrites du Conseil et du Parlement à une question posée par le Tribunal. À titre d’exemple, le Conseil a indiqué que, en son sein, quatre fonctionnaires ont été mis en congé dans l’intérêt du service au cours de chacune des années 2015 à 2017 sur un total de 2 757 fonctionnaires en service au Conseil au 31 décembre 2017.

96      Le Tribunal examinera la question de savoir si les deux conditions restantes, prévues par l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, permettant de justifier la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut, sont remplies en l’espèce. Ces conditions sont celle relative à l’existence d’un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union auquel la différence de traitement répond et celle relative à la proportionnalité.

1)      Sur la question de savoir si la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union

97      Le Conseil, soutenu par le Parlement, fait valoir, en substance, que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, poursuit trois objectifs d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. En premier lieu, cette différence de traitement poursuivrait l’objectif d’optimisation de l’investissement des institutions relatif à la formation professionnelle en leur permettant de concentrer ledit investissement sur les fonctionnaires ayant encore une période d’emploi raisonnable avant la retraite. En deuxième lieu, la différence de traitement susvisée poursuivrait l’objectif d’accompagnement des fonctionnaires proches de la retraite qui ne parviennent pas à acquérir de nouvelles compétences ni à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail des institutions. En troisième lieu, cette différence de traitement poursuivrait, en substance, l’objectif de maintien d’une structure d’âge équilibrée entre jeunes fonctionnaires et fonctionnaires plus âgés, laquelle favoriserait, à son tour, l’embauche et la promotion desdits jeunes fonctionnaires, l’échange d’expériences et l’innovation ainsi que la diversité géographique.

98      La requérante conteste l’existence des trois objectifs susvisés. Elle soutient que le seul objectif poursuivi par l’article 42 quater du statut est celui de la réduction des coûts et des effectifs des institutions « en se débarrassant » des fonctionnaires qui se trouvent les plus proches de la retraite et qui bénéficieraient d’une rémunération élevée. Or, cet objectif ne constituerait pas un objectif légitime « de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle » au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78, justifiant la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut.

99      En premier lieu, il convient de vérifier l’existence des objectifs invoqués par les institutions. À cet égard, il convient de tenir compte des dispositions de l’article 42 quater du statut et, le cas échéant, de son contexte général permettant l’identification de l’objectif sous-tendant la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par celui-ci (voir, par analogie, arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, points 56 et 57 ; du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 39, et du 6 novembre 2012, Commission/Hongrie, C‑286/12, EU:C:2012:687, point 58).

100    En ce qui concerne le premier objectif invoqué, celui de l’optimisation de l’investissement relatif à la formation professionnelle, il convient de relever, tout d’abord, que l’application de l’article 42 quater du statut est soumise à la condition de l’existence de « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences ». La référence à l’« acquisition de nouvelles compétences » démontre le rapport entre la disposition susvisée et la formation professionnelle.

101    Ensuite, il ressort du dossier et, notamment, des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 que le règlement no 1023/2013 et, par conséquent, l’article 42 quater du statut ont été adoptés dans un contexte de rigueur budgétaire de l’administration publique européenne, de volonté des États membres d’amélioration de son efficacité et de sa performance et de réduction progressive des effectifs des institutions, à hauteur de 5 % pour la période 2013-2017.

102    Par ailleurs, il convient de rappeler que les considérations contenues aux considérants 1, 3, 7 et 12 du règlement no 1023/2013 évoquent, premièrement, le besoin pour l’Union de continuer à disposer d’une administration publique de qualité élevée (considérant 1) qui serait capable d’exécuter les missions conférées aux institutions dans un contexte de réduction des effectifs (considérant 3), deuxièmement, le besoin d’optimisation de la gestion des ressources humaines (considérant 7) et, troisièmement, tout en renvoyant aux conclusions susvisées du Conseil européen, le besoin d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience, le besoin d’adaptation à l’évolution du contexte économique et l’effort de garantir un bon rapport coût-efficacité (considérant 12).

103    Les considérants susvisés du règlement no 1023/2013 démontrent la volonté du législateur de l’Union de poursuivre l’objectif de gestion efficace des dépenses afférentes à l’administration publique européenne en matière de rapport coût-efficacité, permettant, ainsi, le maintien du niveau de qualité élevée de cette administration et permettant, en fin de compte, à l’Union de réaliser ses objectifs, de mettre en œuvre ses politiques et d’accomplir ses missions dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs des institutions. Eu égard à cette constatation et aux considérations contenues au point 100 ci-dessus, il y a lieu de conclure que l’existence de l’objectif d’optimisation de l’investissement consacré à la formation professionnelle des fonctionnaires, poursuivi par le législateur de l’Union par le biais de la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut, se trouve établie.

104    En second lieu, sans qu’il soit besoin de vérifier l’existence des deux autres objectifs invoqués par les institutions, il convient d’examiner si le premier objectif invoqué dont l’existence a été établie constitue un objectif « d’intérêt général reconnu […] par l’Union » au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

105    Le premier objectif invoqué vise, en substance, la bonne gestion de l’argent public en matière de rapport coût-efficacité, dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs des institutions. À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 310, paragraphe 5, TFUE, le budget de l’Union est exécuté conformément au principe de bonne gestion financière. Par ailleurs, l’article 30, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), prévoit que les crédits soient utilisés conformément au principe de bonne gestion financière, à savoir conformément aux principes d’économie, d’efficience et d’efficacité. L’article 30, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 966/2012 précise que le principe d’efficience vise le meilleur rapport entre les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. Il résulte de ces dispositions que l’objectif du législateur de l’Union d’assurer, par le biais de la différence de traitement en fonction de l’âge instituée par l’article 42 quater du statut, l’optimisation des dépenses des institutions en matière de formation professionnelle constitue un objectif « d’intérêt général reconnu par l’Union ».

106    Par ailleurs, dans la mesure où le premier objectif invoqué vise la politique de formation professionnelle des institutions, il s’insère dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78, qui mentionne, parmi les objectifs légitimes pouvant justifier des différences de traitement fondées sur l’âge instituées par des mesures nationales, celui relatif à la formation professionnelle. Il s’ensuit que, sur le fondement également de la directive susvisée, laquelle constitue une source d’inspiration pour la détermination des obligations du législateur de l’Union en l’espèce (voir point 70 ci-dessus), le premier objectif invoqué constitue un objectif « d’intérêt général reconnu par l’Union » au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, par analogie, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, points 42 et 43).

107    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répond à, au moins, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

108    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante présentée au point 98 ci-dessus. En effet, indépendamment de la question, soulevée par cette argumentation, de savoir si l’objectif de réduction des coûts et des effectifs des institutions peut constituer, en tant que tel, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, force est de constater que la requérante ne démontre pas qu’il constituerait le seul objectif poursuivi par l’article 42 quater du statut. À cet égard, il convient de rappeler que l’existence de, à tout le moins, un autre objectif légitime poursuivi par le législateur de l’Union, en l’occurrence l’objectif d’optimisation de l’investissement consacré à la formation professionnelle des fonctionnaires, a été établie.

109    La différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répondant à, au moins, un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, il convient d’examiner si cette différence de traitement respecte le principe de proportionnalité au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 39).

2)      Sur la proportionnalité

110    L’examen de la proportionnalité de la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, implique d’examiner si cette différence de traitement est appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 44).

111    À cet égard, par analogie avec la large marge d’appréciation reconnue au législateur national en ce qui concerne la définition des mesures susceptibles de réaliser un objectif déterminé en matière de politique sociale et d’emploi (arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, point 68 ; du 5 mars 2009, Age Concern England, C‑388/07, EU:C:2009:128, point 51, et du 9 septembre 2015, Unland, C‑20/13, EU:C:2015:561, point 57), il convient de reconnaître au législateur de l’Union une large marge d’appréciation dans la définition des mesures susceptibles de réaliser un objectif d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. Compte tenu de cette large marge d’appréciation, le contrôle du juge porte, en l’espèce, sur la question de savoir s’il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur de l’Union d’estimer que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, puisse être appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif légitime invoqué (voir, par analogie, arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, point 72 ; du 12 janvier 2010, Petersen, C‑341/08, EU:C:2010:4, point 70, et du 9 septembre 2015, Unland, C‑20/13, EU:C:2015:561, point 65).

112    En ce qui concerne le premier objectif invoqué, relatif à l’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle, il convient de rappeler que l’article 42 quater du statut a été adopté dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs des institutions. Ainsi qu’il ressort du dossier, il s’agit d’une réduction progressive de 5 % des effectifs pour la période 2013-2017, applicable à l’ensemble des institutions, des organes et des agences de l’Union. La disposition susvisée a également été adoptée dans un contexte de volonté d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de l’administration publique européenne en matière de rapport coût-efficacité, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 12 du règlement no 1023/2013.

113    Le Conseil a précisé que, dans un tel contexte, et afin d’assurer à effectif décroissant des missions qui évoluent, les institutions doivent modifier leurs méthodes de travail et il est exigé des fonctionnaires qu’ils s’adaptent et acquièrent régulièrement des compétences nouvelles. À ces circonstances s’ajouteraient également les possibilités offertes par l’informatisation et la dématérialisation des procédures, conduisant à une diminution des besoins en ce qui concerne les emplois moins qualifiés. L’ensemble de ces circonstances obligerait les institutions à investir massivement dans la formation continue de leurs fonctionnaires.

114    Le Conseil a soutenu que, eu égard à ces éléments, l’article 42 quater du statut permet aux institutions de concentrer l’investissement consacré à la formation professionnelle aux fonctionnaires ayant encore une durée de carrière raisonnable avant la retraite et d’offrir une forme de préretraite aux fonctionnaires en fin de carrière.

115    En effet, il ne saurait être contesté que, en présence de besoins d’acquisition de nouvelles compétences par les fonctionnaires et, dès lors, de la nécessité pour les institutions d’investir en matière de formation professionnelle dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs, la mise en congé des fonctionnaires qui approchent l’âge de la retraite libérerait des fonds relatifs à leur formation professionnelle qui pourraient être consacrés à la formation professionnelle des fonctionnaires plus jeunes, qui ont une plus longue carrière devant eux au sein des institutions. Il s’ensuit que cette mise en congé contribue à l’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle en ce qu’elle sert à l’amélioration du rapport entre les coûts relatifs à ces investissements et les bénéfices obtenus par les institutions. Il convient dès lors de conclure que, eu égard à la large marge d’appréciation dont bénéficie le législateur de l’Union (voir point 111 ci-dessus), la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, constitue un moyen approprié pour atteindre le premier objectif poursuivi par le législateur de l’Union.

116    En ce qui concerne l’appréciation de la question de savoir si la différence de traitement susvisée dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, il convient de la replacer dans le contexte réglementaire dans lequel elle s’insère et de prendre en considération tant le préjudice qu’elle peut occasionner aux fonctionnaires concernés que les bénéfices qu’en tirent, notamment, les institutions (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, point 53).

117    S’agissant des bénéfices tirés par les institutions, il convient de constater que l’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle, visée par la différence de traitement fondée sur l’âge, contribue à ce que les institutions puissent, en fin de compte, continuer à accomplir leurs missions dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction des effectifs.

118    Par ailleurs, en replaçant la différence de traitement susvisée dans le contexte de l’article 42 quater du statut et du statut en général, il convient d’observer que la mise en congé dans l’intérêt du service est, en fin de compte, un outil de gestion du personnel à la disposition des institutions, dans la mesure où elle constitue une position administrative supplémentaire dans laquelle les fonctionnaires peuvent être placés, qui s’ajoute aux autres positions administratives que constituent, selon l’article 35 du statut, l’activité, le détachement, le congé de convenance personnelle, la disponibilité, le congé pour services militaires et le congé parental ou familial.

119    En outre, il convient de constater qu’il n’existe pas dans le statut de dispositions qui constitueraient des « alternatives » à la mesure prévue à l’article 42 quater du statut. En particulier, et dans la mesure où la requérante se réfère à l’article 51 du statut relatif à l’insuffisance professionnelle, il y a lieu de relever que cette disposition vise à constater et à sanctionner l’accomplissement insatisfaisant des tâches par un fonctionnaire et opère indépendamment des considérations relatives à l’intérêt du service, tandis que la mesure adoptée en vertu de l’article 42 quater du statut opère dans l’intérêt du service.

120    En tant qu’outil additionnel de gestion du personnel, l’article 42 quater du statut est, ipso facto, bénéfique pour les institutions.

121    En ce qui concerne le préjudice causé aux fonctionnaires concernés, il convient de tenir compte des considérations énoncées aux points 87 à 89 ci-dessus.

122    Dans le même temps, il convient de relever que, ainsi que le Conseil le soutient également à juste titre, ces fonctionnaires sont mis en congé dans l’intérêt du service à des conditions financières raisonnables. En effet, il y a, notamment, lieu de rappeler que les fonctionnaires concernés reçoivent une indemnité mensuelle jusqu’à la fin du congé dont le calcul, précisé au point 89 ci-dessus, n’est pas considéré par le Tribunal comme étant déraisonnable. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du huitième alinéa de l’article 42 quater du statut, les fonctionnaires concernés peuvent continuer à contribuer au régime de pension et à augmenter, ainsi, le montant de leur pension. La condition relative aux dix ans d’ancienneté, prévue par l’article 42 quater du statut, contribue aussi au caractère proportionnel de la mesure prévue par cette disposition, dans le sens où, ainsi que le Parlement le note à juste titre, elle aboutit à réserver l’application de cette mesure à des fonctionnaires dont le niveau de salaire et de droits à pension est tel qu’il atténue les inconvénients financiers de la mise en congé. Enfin, il importe de rappeler que, premièrement, la mesure prévue à l’article 42 quater du statut est soumise à un ensemble de conditions prévues au premier alinéa de cette disposition, deuxièmement, son adoption n’est pas obligatoire pour les institutions, lesquelles disposent d’une large marge d’appréciation quant à cette adoption, et, troisièmement, le nombre annuel total de fonctionnaires pouvant faire l’objet de cette mesure est plafonné à 5 % du nombre total de fonctionnaires de toutes les institutions ayant pris leur retraite l’année précédente (voir point 95 ci-dessus).

123    Eu égard à l’ensemble des considérations contenues aux points 117 à 122 ci-dessus, il n’apparaît pas déraisonnable pour le législateur de l’Union d’estimer nécessaire de prévoir la mise en congé dans l’intérêt du service uniquement pour les fonctionnaires qui entrent dans la fourchette d’âge en cause et non pas pour les fonctionnaires qui n’entrent pas dans cette fourchette, aux fins d’atteindre l’objectif légitime d’optimisation des investissements relatifs à la formation professionnelle. Il convient, dès lors, de conclure que la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, est proportionnelle au premier objectif légitime invoqué.

124    Dans la mesure où la proportionnalité de la différence de traitement fondée sur l’âge a été établie par rapport au premier objectif légitime invoqué, il convient de conclure que cette différence de traitement, instituée par l’article 42 quater du statut, n’enfreint pas l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux en ce qu’elle répond aux critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci. Par conséquent, l’exception d’illégalité invoquée contre l’article 42 quater du statut doit être rejetée.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 42 quater du statut et de la CP 71/15 ainsi que d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation

125    La requérante soutient que la décision attaquée enfreint l’article 42 quater du statut et la CP 71/15 et qu’elle est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de fait. Dans ce contexte, elle conteste, en substance, l’évaluation des « besoins organisationnels », au sens de la disposition susvisée du statut, tant au sein de l’UDP qu’au sein du SGC dans son ensemble, et fait valoir que le Conseil reste en défaut de démontrer de quelle manière les prétendus changements des méthodes de travail du SGC entraîneraient davantage de difficultés d’adaptation pour elle que pour tout autre fonctionnaire de l’institution. La requérante soutient aussi que ses rapports de notation ne démontrent pas un défaut de capacité d’adaptation de sa part à de nouvelles exigences du service.

126    Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

a)      Sur la détermination du cadre juridique applicable en l’espèce et sur l’intensité du contrôle juridictionnel

127    Il y a lieu de rappeler que l’article 42 quater du statut prévoit explicitement que la mise en congé des fonctionnaires concernés s’effectue dans l’intérêt du service. Il prévoit, également, comme condition de son application l’existence de « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences au sein des institutions ».

128    Par ailleurs, il convient de rappeler que, par la CP 71/15, le secrétaire général du Conseil a fourni des informations sur la mise en œuvre de l’article 42 quater du statut par cette institution. Il ressort de cette communication et des précisions fournies dans le cadre de la décision de rejet de la réclamation (voir, notamment, point 29 de cette décision) que, pour l’application de l’article 42 quater du statut, le Conseil prend en compte les deux éléments suivants : d’une part, il prend en compte les « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences » au sein de l’institution, en ce sens qu’il évalue si l’institution doit adapter et moderniser ses méthodes de travail et son organisation et si cette modernisation nécessite l’acquisition de nouvelles compétences de la part des fonctionnaires concernés, et, d’autre part, il prend en compte la capacité desdits fonctionnaires à acquérir de telles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail.

129    Le Conseil a précisé, au point 29, sous ii), de la décision de rejet de la réclamation, que l’appréciation du second élément identifié au point 128 ci-dessus comportait nécessairement un élément de pronostic dans le sens où il s’agit d’évaluer, sur la base des informations dont dispose l’AIPN au moment où elle prend sa décision, s’il est raisonnable de présumer que les fonctionnaires concernés auront des difficultés à s’adapter à l’évolution ultérieure de l’environnement de travail.

130    Il ressort du cadre juridique, constitué en l’espèce par l’article 42 quater du statut tel que précisé par la CP 71/15, laquelle lie le Conseil, que l’évaluation des deux éléments identifiés au point 128 ci-dessus est une évaluation prospective.

131    La requérante conteste la légalité de l’interprétation de l’article 42 quater du statut faite par le Conseil. D’une part, elle soutient que celui-ci, par le biais de la CP 71/15, a dénaturé cette disposition en prévoyant que la mise en congé dans l’intérêt du service sera appliquée aux « fonctionnaires qui éprouvent des difficultés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail ». D’autre part, elle fait valoir que, en raison de cette dénaturation illégale, le raisonnement du Conseil, présenté au point 83 de la défense, selon lequel il s’agirait « d’évaluer le potentiel d’un fonctionnaire à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail », doit également être écarté dans la mesure où il se fonderait sur des supputations non autorisées par le libellé de l’article 42 quater du statut.

132    Cette argumentation de la requérante impose de contrôler la compatibilité de l’approche du Conseil, telle que décrite dans la CP 71/15 et explicitée dans la décision de rejet de la réclamation et dans ses écritures devant le Tribunal, avec la norme supérieure que constitue l’article 42 quater du statut (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2015, Barnett/CESE, F‑20/14, EU:F:2015:107, point 52 et jurisprudence citée).

133    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 42 quater du statut fait explicitement référence à l’« intérêt du service ». Ainsi que le Conseil l’a précisé dans le cadre de sa réponse écrite à une question posée par le Tribunal, les « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », visés également par cet article, constituent un aspect spécifique de l’intérêt du service.

134    Dans la mesure où les « besoins organisationnels » sont liés à l’« acquisition de nouvelles compétences » et ne constituent qu’un aspect spécifique de l’intérêt du service dans le cadre de l’article 42 quater du statut, il y a lieu de conclure que le libellé de cette disposition n’interdit pas au Conseil de prendre en compte, au titre des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », la capacité des fonctionnaires concernés « à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail », aux termes de la CP 71/15.

135    Cette prise en compte d’un élément personnel aux fonctionnaires concernés n’est pas non plus contraire à la ratio legis de l’article 42 quater du statut. En effet, dans la mesure où il a été établi que cette disposition poursuit l’objectif d’optimisation des investissements des institutions liés à la formation professionnelle en matière de rapport coût-efficacité, il apparaît compatible avec cet objectif que le Conseil prenne en compte, aux fins de la détermination des coûts des investissements relatifs à la formation professionnelle, la capacité des fonctionnaires concernés d’acquérir de nouvelles compétences et de s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail. Cette prise en compte d’un élément personnel aux fonctionnaires concernés apparaît également justifiée par la circonstance que l’application de l’article 42 quater du statut entraîne des conséquences défavorables pour eux et qu’elle peut leur être imposée contre leur volonté (voir points 87 à 89 ci-dessus). Il s’ensuit que cette prise en compte d’un élément personnel aux fonctionnaires concernés leur rend l’application de cette disposition moins rigide.

136    Dès lors, il y a lieu de conclure que l’évaluation par le Conseil de la capacité des fonctionnaires concernés à acquérir de nouvelles connaissances et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail est compatible avec l’article 42 quater du statut.

137    Par ailleurs, dans la mesure où cette évaluation vise la poursuite de l’intérêt du service, elle doit nécessairement porter sur la capacité future (le potentiel) des fonctionnaires concernés à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail et doit comporter, ainsi, un élément de pronostic, comme le Conseil le fait valoir à juste titre. Dans l’hypothèse contraire, cette évaluation ne poursuivrait pas l’intérêt du service. Dès lors, il convient également de conclure que l’élément de pronostic compris dans l’évaluation du second élément identifié au point 128 ci-dessus est compatible avec l’article 42 quater du statut.

138    Il ressort du cadre juridique constitué par l’article 42 quater du statut et la CP 71/15 que le Conseil était, en l’espèce, dans l’obligation d’évaluer deux éléments au titre des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », à savoir, en premier lieu, les besoins organisationnels futurs de l’institution nécessitant l’acquisition de nouvelles compétences et, en second lieu, la capacité de la requérante d’acquérir les nouvelles compétences préalablement identifiées, dans le but d’évaluer, en fin de compte, le rapport coût-efficacité que représenterait l’investissement relatif à la formation professionnelle de la requérante, conformément à l’objectif poursuivi par l’article 42 quater du statut.

139    En ce qui concerne l’intensité du contrôle juridictionnel de l’évaluation des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences », la requérante a contesté la considération formulée au point 27 de la décision de rejet de la réclamation selon laquelle l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’application de l’article 42 quater du statut. Selon la requérante, en raison du fait que la mesure adoptée en vertu de cette disposition a des conséquences dommageables pour les fonctionnaires concernés, le contrôle juridictionnel de cette mesure devrait être approfondi.

140    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences » constituent un aspect spécifique de l’intérêt du service dans le cadre de l’article 42 quater du statut. Or, il ressort de la jurisprudence que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer l’intérêt du service, quel que soit l’examen dans le cadre duquel ou la décision pour laquelle il doit être pris en compte (voir arrêt du 16 mai 2018, Barnett/CESE, T‑23/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2018:271, point 36 et jurisprudence citée). En particulier, un tel large pouvoir d’appréciation a été reconnu aux institutions pour la résiliation d’un contrat d’agent temporaire (arrêt du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, point 53). Il s’ensuit que, même en suivant la logique de l’argumentation de la requérante présentée au point 139 ci-dessus, il n’y a aucune raison de ne pas reconnaître aux institutions un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’évaluation des « besoins organisationnels liés à l’acquisition de nouvelles compétences » compte tenu du fait que la mise en congé dans l’intérêt du service n’engendre pas, pour les fonctionnaires concernés, de conséquences plus lourdes que celles causées par une résiliation anticipée d’un contrat de travail. Par ailleurs, et en tout état de cause, ainsi que le Conseil le fait observer également à juste titre, l’intérêt du fonctionnaire concerné ne constitue pas un élément déterminant l’étendue de la marge d’appréciation de l’AIPN dans l’évaluation de l’intérêt du service, mais doit être pris en considération par celle-ci au titre de son devoir de sollicitude. Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante exposée au point 139 ci-dessus doit être rejetée.

141    Il découle du large pouvoir d’appréciation reconnu à l’administration en ce qui concerne l’application de l’article 42 quater du statut que le Tribunal ne peut remettre en cause cette application qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation, d’inexactitude matérielle ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, point 53 et jurisprudence citée, et du 16 mai 2018, Barnett/CESE, T‑23/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2018:271, points 36 et 38).

b)      Sur l’évaluation des besoins organisationnels futurs

142    À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort du dossier que le Conseil a évalué, en l’espèce, les besoins organisationnels non seulement de l’unité à laquelle la requérante était affectée, à savoir l’UDP, mais également ceux de l’institution, à savoir du SGC, dans son ensemble. La requérante a contesté cette approche du Conseil et a soutenu que les prétendus besoins organisationnels justifiant une décision adoptée sur le fondement de l’article 42 quater du statut doivent être liés uniquement à l’unité à laquelle les fonctionnaires concernés sont affectés. Si tel n’était pas le cas, il y aurait risque d’arbitraire exercé par les institutions.

143    Cette analyse de la requérante doit être rejetée. Tout d’abord, elle ne trouve pas appui sur le libellé de l’article 42 quater du statut, qui fait référence aux « besoins organisationnels […] au sein des institutions ». Par ailleurs, compte tenu de la large marge d’appréciation dont bénéficie le Conseil en ce qui concerne l’évaluation des besoins organisationnels et, en fin de compte, de l’intérêt du service, l’approche consistant à prendre en compte, en l’espèce, non seulement les besoins organisationnels de l’UDP, mais également ceux de l’ensemble du SGC, n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation. En effet, le Conseil a expliqué, sans être contesté, que la requérante occupe un poste général et est, dès lors, susceptible d’être affectée, pour des besoins organisationnels et dans l’intérêt du service, à un poste en dehors de l’UDP ou de la direction générale de l’administration. Par conséquent, en raison de cette potentialité de réaffectation de la requérante, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste en évaluant les besoins organisationnels non seulement de l’UDP, mais également de l’ensemble du SGC.

144    Ensuite, la requérante conteste que le Conseil a démontré en l’espèce l’existence de besoins organisationnels futurs au niveau de l’UDP et du SGC dans son ensemble. S’agissant de l’évaluation de ces besoins organisationnels au niveau de l’UDP, elle soutient, notamment, que le passage d’un système informatisé à un autre ne constitue pas, en soi, un changement « important », contrairement à ce que soutiendrait le Conseil dans la décision de rejet de la réclamation, seule l’informatisation en tant que telle constituant un tel changement. Or, selon la requérante, cette informatisation avait déjà eu lieu au sein de l’UDP. La requérante conteste également la pertinence, en ce qui la concerne, des changements des méthodes de travail au sein du SGC, invoqués par le Conseil, et fait grief à celui-ci de ne pas avoir expliqué de quelle manière ces changements l’affecteraient spécifiquement. En effet, il reviendrait au Conseil de démontrer, outre la réalité des réformes, que celles-ci vont entraîner des difficultés pour la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à celles-ci.

145    Il ressort du point 10, sous a), de la décision attaquée que le Conseil a identifié, au titre des besoins organisationnels futurs de l’UDP, l’instauration de méthodes et de procédures automatisées, comme la politique d’archivage électronique, et la numérisation des systèmes de gestion des tâches et des procédures. Par ailleurs, au point 30 de la décision de rejet de la réclamation, il est précisé que l’UDP travaille depuis le mois de novembre 2014, au moins, sur un projet visant le remplacement de l’outil Ariane par celui de la Commission européenne, appelé Sysper, et sur la mise en place de l’outil commun « Learning Management System ». Cette information se trouve corroborée notamment par la note de la chef de l’UDP du 18 novembre 2015 (voir point 8 ci-dessus).

146    Au point 10, sous d), de la décision attaquée, le Conseil a précisé, notamment, que l’ensemble des services du SGC était concerné par l’évolution constante du domaine informatique. Au point 31 de la décision de rejet de la réclamation, le secrétaire général du Conseil a explicité que de nombreux changements des méthodes de travail ont eu lieu ou sont en cours de réalisation au sein du SGC, auxquels le personnel du SGC, et plus particulièrement le personnel AST, devait s’adapter. Ces changements consistaient à informatiser davantage les méthodes de travail, notamment en remplaçant les agendas sur papier par le système « Outlook », en finalisant les textes par le biais des « track-changes », en distribuant les textes par courriel au lieu du courrier interne et en remplaçant les formulaires sur papier par des formulaires électroniques.

147    Il ressort des éléments qui précèdent que le Conseil a évalué en l’espèce les besoins organisationnels futurs de l’UDP et du SGC dans son ensemble. Par ailleurs, la requérante n’avance pas d’éléments d’information précis et spécifiques aux fins de contester la réalité de ces besoins organisationnels et de démontrer l’existence d’erreurs de fait ou d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le Conseil. En particulier, son allégation selon laquelle elle n’était pas informée de l’existence des nouveaux besoins organisationnels au sein de l’UDP ne démontre pas l’absence de ces nouveaux besoins. Au demeurant, cette allégation est non fondée dans la mesure où le Conseil a produit devant le Tribunal des documents mentionnés dans les notes en bas de page nos 8 et 9 de la décision de rejet de la réclamation démontrant que la requérante avait été informée de l’existence de projets informatiques affectant l’UDP, visés au point 145 ci-dessus. Il convient, dès lors, de conclure que la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause l’appréciation par le Conseil des besoins organisationnels futurs.

148    Il convient, ensuite, de contrôler la légalité des appréciations du Conseil relatives à la capacité de la requérante à acquérir les nouvelles compétences exigées et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail. À cet égard, l’argumentation de la requérante, présentée au point 144 ci-dessus, relative à la nature et à l’importance des réformes au sein de l’UDP et à la pertinence des réformes au sein du SGC envers elle, sera examinée dans le cadre de cet examen, dans la mesure où elle implique la mise en rapport des besoins organisationnels avec la capacité de la requérante à acquérir les nouvelles compétences exigées et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail.

c)      Sur la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail

149    [confidentiel]

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151    [confidentiel]

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157    En premier lieu, la requérante conteste l’approche du Conseil consistant à tenir compte de ses rapports de notation pour les années 2011 et 2012. Selon la requérante, la prise en compte de ces rapports n’était pas pertinente dans la mesure où, d’une part, ils étaient plus anciens que les rapports de notation pour les années 2013 et 2014, lesquels seraient de bonne qualité, et, d’autre part, elle a été réaffectée à partir du 1er avril 2013. Selon la requérante, sa capacité d’adaptation devait être évaluée au regard de ses véritables fonctions et au regard des véritables besoins du service et non pas au regard des besoins passés ou hypothétiques.

158    À cet égard, il convient de relever que la prise en compte par le Conseil des rapports de notation de la requérante pour les années 2011 et 2012, dont, au demeurant, le contenu n’a pas été contesté par la requérante, n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, si ces rapports sont, certes, moins pertinents que les rapports plus récents, il n’en reste pas moins que, de manière générale, la prise en compte de rapports concernant plusieurs années de travail des fonctionnaires concernés, et non pas uniquement une ou deux années, permet d’arriver à des conclusions plus solides en ce qui concerne leurs capacités d’adaptation à l’évolution de l’environnement de travail.

159    En deuxième lieu, la requérante soutient que ses rapports de notation pour les années 2013 et 2014 étaient de bonne qualité, notamment en ce qui concernait la compétence « Adaptation aux exigences du service », et que le Conseil a tenté d’utiliser les rares critiques émises dans ces rapports pour justifier la décision attaquée. Or, ces critiques ne seraient pas pertinentes aux fins de l’évaluation de sa capacité à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail.

160    [confidentiel]

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167    [confidentiel]

168    [confidentiel]

169    [confidentiel]

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171    En quatrième lieu, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante exposée au point 144 ci-dessus, il convient de relever que, certes, il ne ressort pas du dossier que les besoins organisationnels futurs de l’UDP et du SGC dans son ensemble consistaient en le passage d’un environnement de travail non informatisé à un environnement de travail informatisé. En d’autres termes, ces besoins organisationnels n’impliquaient pas de changements radicaux des méthodes de travail. Cela étant, compte tenu des informations dont disposait le Conseil sur les compétences et l’attitude professionnelles de la requérante et couvrant plusieurs années et des services différents, telles que résumées au point 167 ci-dessus, il convient de considérer que le Conseil pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, présumer que la requérante aurait de grandes difficultés à s’adapter à des changements de méthodes de travail moins radicaux et consistant en une évolution des systèmes informatiques.

172    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que les appréciations du Conseil relatives à la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail ne sont pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation. Il s’ensuit que, compte tenu également du rejet des griefs de la requérante concernant l’appréciation par le Conseil des besoins organisationnels futurs, le présent moyen doit être rejeté.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

173    La requérante soutient que son droit d’être entendue a été violé du fait que la note du 25 novembre 2015 de la directrice RHAP ne lui avait pas été communiquée durant la procédure précontentieuse. Cette note aurait été prise en compte par l’AIPN dans le cadre de l’adoption de la décision attaquée. N’ayant pas eu connaissance de cette note ni de son contenu, la requérante affirme n’avoir pas pu se défendre de manière utile et effective avant l’adoption de la décision attaquée.

174    Le Conseil conteste l’argumentation de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

175    À titre liminaire, il convient de relever que la décision attaquée plaçant la requérante en congé dans l’intérêt du service contre son gré constitue incontestablement un acte lui faisant grief dans la mesure où elle a entraîné, notamment, un changement de sa position administrative et la cessation de son activité professionnelle au sein du Conseil et lui a causé un préjudice financier. Il s’ensuit que l’adoption de cette décision nécessite l’application du principe du respect des droits de la défense, principe fondamental du droit de l’Union, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, EU:C:2007:756, point 46 et jurisprudence citée).

176    Les droits de la défense, désormais consacrés par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, lequel, selon le juge de l’Union, est d’application générale (arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 84, et du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 81), recouvrent, tout en étant plus étendus, le droit procédural, prévu au paragraphe 2, sous a), dudit article, de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée ; du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 31, et du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 54 et jurisprudence citée).

177    Conformément à une jurisprudence bien établie, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39 et jurisprudence citée).

178    Le droit d’être entendu conféré à tout destinataire d’une décision lui faisant grief poursuit un double objectif : d’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief est adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, point 49 ; du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 38, et du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, points 37 et 59).

179    Il ressort des considérations qui précèdent que, en l’espèce, la décision attaquée ne pouvait être adoptée qu’après que la requérante eut été mise en mesure de faire connaître utilement et effectivement son point de vue au sujet des éléments servant de fondement à cette décision, dans le cadre d’un échange oral ou écrit engagé par l’AIPN et dont la preuve incombe à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, EU:C:2007:756, point 47). À cet égard, il convient de rappeler que la décision attaquée était fondée, notamment, sur des considérations relatives aux besoins organisationnels de l’UDP et du SGC dans son ensemble et à la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail. Ces considérations de la décision attaquée étaient largement fondées sur les considérations contenues dans les points 4.1 à 4.5 de la note de la directrice RHAP du 25 novembre 2015 qui n’a pas été communiquée à la requérante durant la procédure précontentieuse. Il convient de vérifier si ce défaut de communication a porté atteinte au droit d’être entendu de la requérante, ainsi que celle-ci le fait valoir.

180    À cet égard, il convient de rappeler que la requérante a eu un entretien avec la chef de l’UDP le 12 novembre 2015 et un entretien avec la directrice RHAP le 25 novembre 2015. Même s’il n’y a pas de compte rendu de ces entretiens, il ressort des notes du 18 novembre 2015 et du 25 novembre 2015, respectivement rédigées par ces deux supérieurs hiérarchiques de la requérante, que, lors de ces entretiens, celle-ci a été informée tant des besoins organisationnels au sein de l’UDP et du SGC que des raisons pour lesquelles l’administration considérait qu’elle ne disposait pas de la capacité à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail. La requérante n’a pas contesté devant le Tribunal qu’elle a reçu ces deux éléments d’information lors de ces entretiens.

181    Eu égard à l’existence de ces deux entretiens, il convient de conclure que la requérante a pu faire valoir, de manière utile et effective, son point de vue sur les deux éléments d’information susvisés, dans le cadre de ses observations écrites du 7 décembre 2015 adressées à l’AIPN. Ainsi, elle a pu, notamment, soutenir que, dans son poste, il n’y avait pas de changements de logiciels ou de méthode de travail envisagés et a pu contester, notamment sur le fondement des rapports de notation des années 2013 et 2014, les considérations de l’administration selon lesquelles elle éprouvait des difficultés à acquérir de nouvelles compétences.

182    Par ailleurs, les deux entretiens susvisés lui ont permis de faire valoir de manière utile et effective son point de vue lors de son audition du 8 décembre 2015 par le directeur général de l’administration en sa qualité d’AIPN.

183    Sur le fondement des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le défaut de la communication à la requérante, avant l’adoption de la décision attaquée, de la note de la directrice RHAP du 25 novembre 2015 n’a pas porté atteinte à son droit d’être entendue. Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA (T‑658/13 P, EU:T:2015:356), invoqué par la requérante. En effet, le cas d’espèce se distingue de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt susvisé dans la mesure où, en l’espèce, contrairement à cette dernière affaire, la requérante, d’une part, a été informée, lors des deux entretiens susvisés avec ses supérieurs hiérarchiques, des principales raisons ayant justifié l’adoption de la mesure litigieuse à son égard et, d’autre part, a été entendue à deux reprises par l’AIPN avant l’adoption de cette mesure, tant par voie écrite qu’oralement. Or, il ressort des faits tels que présentés au point 14 de l’arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA (T‑658/13 P, EU:T:2015:356), que la requérante dans cette affaire n’avait pas été informée des principales raisons justifiant l’adoption de la mesure litigieuse consistant, notamment, en une décision de non-renouvellement de contrat pour une durée indéterminée, préalablement à cette adoption, ni n’avait été entendue par l’AIPN (arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 62).

184    Sur le fondement de l’ensemble de considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

185    La requérante soutient que le fait que la note de la directrice RHAP du 25 novembre 2015 ne lui a pas été communiquée constitue une violation du devoir de sollicitude de la part du Conseil, dans la mesure où, en ne lui communiquant pas cette note, le Conseil ne lui a pas donné l’opportunité de s’exprimer sur les possibilités de sa réaffectation dans d’autres services du SGC, possibilités prétendument examinées dans la note susvisée.

186    [confidentiel]

187    [confidentiel]

188    Le Conseil conteste les griefs de la requérante.

189    À titre liminaire, il y a lieu de relever que la notion de devoir de sollicitude, telle que développée par la jurisprudence, reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’administration et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’administration prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêts du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, point 22, et du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, EU:C:1994:273, point 38).

190    En même temps, il ressort de la jurisprudence que les exigences du devoir de sollicitude incombant à l’administration ne sauraient empêcher l’AIPN d’adopter les mesures qu’elle estime nécessaires dans l’intérêt du service (voir arrêt du 13 janvier 1998, Volger/Parlement, T‑176/96, EU:T:1998:1, point 76 et jurisprudence citée). Le juge de l’Union a également précisé que, si l’autorité qui statue sur la situation d’un fonctionnaire doit tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné, cette considération ne saurait empêcher que l’autorité procède à une rationalisation des services si elle l’estime nécessaire (voir arrêt du 13 janvier 1998, Volger/Parlement, T‑176/96, EU:T:1998:1, point 76 et jurisprudence citée).

191    C’est à l’aune de ces principes que les griefs de la requérante doivent être examinés.

192    En ce qui concerne le premier grief, présenté au point 185 ci-dessus, il convient de rappeler que, dans sa note du 25 novembre 2015, la directrice RHAP a examiné et écarté la solution d’une réaffectation de la requérante tant au sein de la direction des ressources humaines et de l’administration du personnel qu’au sein du SGC, en se fondant sur les besoins organisationnels futurs de ces services en matière d’évolution de leurs systèmes informatiques et sur la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences. Or, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du troisième moyen d’annulation, la requérante a eu la possibilité de soumettre de manière utile et effective ses observations sur les deux éléments susvisés dans le cadre de sa note du 7 décembre 2015 et lors de son audition par l’AIPN le 8 décembre 2015. Il s’ensuit que le défaut de communication de la note de la directrice RHAP du 25 novembre 2015 à la requérante n’a pas véritablement porté atteinte à ses intérêts et ne constitue pas une violation du devoir de sollicitude incombant au Conseil.

193    En ce qui concerne le deuxième grief de la requérante, présenté au point 186 ci-dessus, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du dossier, lors de la procédure précontentieuse, la requérante demandait à l’administration de ne pas lui appliquer l’article 42 quater du statut et, à titre subsidiaire, de reporter cette application au-delà de la date du 31 décembre 2015 initialement prévue.

194    Eu égard à la jurisprudence citée au point 190 ci-dessus, le Conseil ne pouvait pas, au titre de la prise en compte de l’intérêt de la requérante, renoncer à lui appliquer l’article 42 quater du statut. Néanmoins, il a, au titre de cet intérêt, reporté la date d’effet de sa mise en congé jusqu’au 30 juin 2016, donnant ainsi suite à sa demande. Il s’ensuit que le Conseil a agi en l’espèce conformément à son devoir de sollicitude envers la requérante.

195    En ce qui concerne le troisième grief de la requérante, il suffit de rappeler que celle-ci n’a pas démontré, dans le cadre du deuxième moyen d’annulation, que la décision du Conseil de la placer en congé dans l’intérêt du service était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Dans la mesure où l’appréciation de l’intérêt du service par le Conseil n’était pas manifestement erronée, il convient de conclure que le troisième grief de la requérante doit être rejeté. [confidentiel]

196    Sur le fondement des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté et, par conséquent, la demande en annulation.

D.      Sur la demande indemnitaire

197    La requérante soutient que la décision attaquée lui a causé un préjudice matériel et un préjudice moral.

198    Le préjudice matériel consisterait essentiellement en une perte de revenus due à la décision attaquée et le Conseil devrait tirer toutes les conséquences de son annulation en ce qui concerne la rémunération de la requérante, en tenant compte, notamment, de l’atteinte à la progression dans sa carrière.

199    Le préjudice moral de la requérante aurait pour origine la décision attaquée elle-même, qui serait injustifiée et fondée sur des motifs erronés. Cette décision aurait porté atteinte à la confiance de la requérante en son institution. Le préjudice moral subi serait aggravé par les circonstances dans lesquelles la décision attaquée a été adoptée. [confidentiel]. La requérante évalue son préjudice moral à 10 000 euros ex æquo et bono.

200    Le Conseil conclut, à titre principal, au rejet de la demande indemnitaire de la requérante.

201    Il convient de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 69 et jurisprudence citée).

202    En l’espèce, force est de constater que la demande indemnitaire de la requérante est étroitement liée à la demande en annulation qui a été rejetée, dans la mesure où le préjudice, tant matériel que moral, invoqué par la requérante, trouverait son origine dans la décision attaquée et les circonstances de son adoption. Dans ces circonstances, la demande indemnitaire doit être rejetée et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

203    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Cependant, conformément à l’article 135 du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut, d’une part, décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. D’autre part, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

204    En l’espèce, il convient de relever que la note de la directrice RHAP du 25 novembre 2015 n’a pas été annexée à la décision de rejet de la réclamation, contrairement à ce qui a été indiqué au point 43 de celle-ci. Cette note a été communiquée à la requérante uniquement lors de la procédure contentieuse, à savoir dans le cadre de la défense soumise par le Conseil.

205    Il convient également de relever que deux documents, mentionnés aux notes en bas de page nos 8 et 9 de la décision de rejet de la réclamation et relatifs à l’évaluation des besoins organisationnels effectuée dans le cadre de celle-ci, n’ont pas été annexés non plus à cette décision contrairement à ce qui était indiqué dans ces notes en bas de page. Ces deux documents ont finalement été communiqués à la requérante postérieurement à l’audience, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal (voir point 54 ci-dessus).

206    Le Tribunal considère que l’omission par le Conseil de joindre les trois documents susvisés à la décision de rejet de la réclamation, malgré l’indication contraire dans celle-ci, a notamment rendu plus difficile la préparation de la requête. L’omission de joindre les documents visés au point 205 ci-dessus a contribué également à la prolongation de la phase orale de la procédure.

207    Dans ces conditions, le Tribunal estime que l’attitude du Conseil justifie qu’il supporte ses propres dépens et que, de surcroît, il soit condamné à supporter 20 % des dépens exposés par la requérante. 

208    Le Parlement supportera ses propres dépens, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      RK supportera 80 % de ses propres dépens.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens et 20 % des dépens exposés par RK.






4)      Le Parlement européen supportera ses propres dépens.

Prek

Buttigieg

Schalin

Berke

 

      Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur l’objet du recours

B. Sur la recevabilité de certains documents déposés par le Conseil le 6 juin 2018

C. Sur la demande en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 42 quater du statut

a) Observations liminaires

b) Sur l’existence d’une différence de traitement fondée sur l’âge

c) Sur le respect des critères énoncés à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux

1) Sur la question de savoir si la différence de traitement fondée sur l’âge, instituée par l’article 42 quater du statut, répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union

2) Sur la proportionnalité

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 42 quater du statut et de la CP 71/15 ainsi que d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation

a) Sur la détermination du cadre juridique applicable en l’espèce et sur l’intensité du contrôle juridictionnel

b) Sur l’évaluation des besoins organisationnels futurs

c) Sur la capacité de la requérante à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à l’évolution de l’environnement de travail

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

D. Sur la demande indemnitaire

IV. Sur les dépens


* Langue de procédure: le français.