Language of document : ECLI:EU:C:2019:994

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

20 novembre 2019 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑678/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 septembre 2019,

Retail Royalty Co., établie à Las Vegas, Nevada (États-Unis), représentée par M. M. Dick, solicitor, ainsi que par Me J. Bogatz, Rechtsanwältin,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Fashion Energy Srl, établie à Milan (Italie),

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. M. Ilešič (rapporteur) et C. Lycourgos, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Retail Royalty Co. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2019, Fashion Energy/EUIPO – Retail Royalty (1st AMERICAN) (T‑54/18, non publié, EU:T:2019:518), par lequel celui-ci a annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 novembre 2017 (affaire R 693/2017-2), relative à une procédure d’opposition entre Retail Royalty et Fashion Energy.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphe 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

6        En l’occurrence, par son pourvoi, la requérante invoque deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], et de la violation du principe de proportionnalité énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, ainsi que la violation de l’article 109 du règlement 2017/1001.

7        La requérante précise que le premier moyen comporte quatre branches concernant, respectivement, l’interprétation erronée de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), l’application erronée et déraisonnable des exigences d’une motivation adéquate en ce qui concerne le caractère distinctif d’un signe complexe, la violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et la violation de l’article 296 TFUE, de l’article 36 du statut, qui s’applique au Tribunal en vertu de l’article 53, alinéa 1er, du statut, ainsi que de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal.

8        À l’appui de sa demande d’admission, la requérante fait valoir que chacun de ces moyens soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

9        En particulier, la requérante fait valoir, en premier lieu, que les première et troisième branches du premier moyen du pourvoi soulèvent une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, en ce que le Tribunal aurait interprété de manière manifestement erronée l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594). À cet égard, elle soutient que cet arrêt établit une règle qui prévoit uniquement une comparaison entre les parties distinctives autonomes des marques en conflit. Le Tribunal se serait écarté de cette jurisprudence en procédant au contrôle du caractère distinctif des éléments verbaux de la marque demandée par Fashion Energy (ci-après la « marque demandée »).

10      En deuxième lieu, la requérante expose que la deuxième branche du premier moyen soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, en ce que le Tribunal aurait violé le droit de la requérante à un procès équitable, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. À cet égard, elle reproche au Tribunal d’avoir retardé indûment la procédure en jugeant que le caractère distinctif de la marque demandée n’avait pas été suffisamment évalué dans son ensemble.

11      En troisième lieu, dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé son obligation de motivation. Or, selon la requérante, toute motivation qui manque de clarté menace non seulement le droit à un procès équitable, mais aussi le développement et l’unité du droit de l’Union.

12      En quatrième lieu, par son second moyen, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité, tel que consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE. Selon la requérante, toute violation d’un tel principe fondamental et essentiel est incontestablement importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt attaqué, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation évoquée au point 9 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence issue de l’arrêt du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, EU:C:2005:594), il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 15 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 7 octobre 2019, L’Oréal/EUIPO, C‑586/19 P, non publiée, EU:C:2019:845, point 16). Force est de constater que, en l’occurrence, la requérante n’a pas respecté de telles exigences.

18      En outre, il convient de souligner qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (arrêt du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, EU:C:2005:594, point 29). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42).

19      En l’occurrence, les éléments verbaux de la marque demandé n’ayant pas été considérés comme négligeables par le Tribunal, la requérante ne justifie pas, à suffisance de droit, en quoi l’appréciation du caractère distinctif de ces éléments soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argumentation figurant au point 10 de la présente ordonnance, qui concerne la deuxième branche du premier moyen du pourvoi, il y a lieu de constater que les explications fournies par la requérante dans le cadre de cette argumentation ne sont pas suffisamment claires et précises pour permettre à la Cour de comprendre en quoi consiste exactement l’erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal et quelle est concrètement la question de droit importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union que cette branche soulèverait, si bien que ladite argumentation ne répond pas aux exigences évoquées au point 15 de la présente ordonnance et n’est pas, dès lors, susceptible d’établir que la deuxième branche du premier moyen du pourvoi soulève une question importante au regard des critères énoncés à l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

21      En outre, dans l’hypothèse où, par cette argumentation, la requérante reproche au Tribunal d’avoir annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO, après avoir constaté que celle-ci avait commis une erreur dans l’appréciation du caractère distinctif des éléments verbaux de la marque demandée, sans exercer son pouvoir de réformation pour se prononcer sur l’existence d’un risque de confusion, retardant ainsi indûment la durée de la procédure, cette argumentation ne saurait, en tout état de cause, être de nature à établir que la deuxième branche du premier du moyen du pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

22      En effet, le pouvoir de réformation reconnu au Tribunal n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle d’une chambre de recours de l’EUIPO et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle une telle chambre n’a pas encore pris position (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

23      En troisième lieu, quant aux arguments évoqués aux points 11 et 12 de la présente ordonnance, force est de constater que la requérante se borne à invoquer la violation par le Tribunal de son obligation de motivation ainsi que du principe de proportionnalité sans respecter toutefois les exigences évoquées au point 15 de la présente ordonnance.

24      Dans ces conditions, il convient de conclure que l’argumentation présentée par la requérante à l’appui de sa demande d’admission de son pourvoi n’est pas de nature à établir que ce dernier soulève des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

25      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

26      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

27      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Retail Royalty Co. supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.