Language of document : ECLI:EU:F:2008:150

Document de travail

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

27 novembre 2008 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée – Rapport d’évaluation défavorable – Harcèlement moral »

Dans l’affaire F‑35/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Bettina Klug, ancien agent temporaire de l’Agence européenne des médicaments, demeurant à Londres (Royaume-Uni), initialement représentée par Me W. Grupp, avocat, puis par Me S. Zickgraf, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne des médicaments (EMEA), représentée par M. V. Salvatore et Mme S. Vanlievendael, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann et N. Rößler, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 juin 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2007, Mme Klug a introduit le présent recours tendant à faire condamner l’Agence européenne des médicaments (EMEA) à proroger le contrat de travail conclu le 7 février 2002, ayant pris effet au 1er juillet 2002 pour une durée de cinq ans, à lui verser une indemnité de 200 000 euros au titre du préjudice moral subi, ainsi qu’à retirer son rapport d’évaluation pour la période du 31 décembre 2004 au 31 décembre 2006 (ci-après le « rapport d’évaluation 2004/2006 ») et à établir un nouveau rapport sur la base de la décision que prendra le Tribunal.

 Cadre juridique

 Régime applicable aux agents temporaires

2        Aux termes de l’article 2 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA ») :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

a)      l’agent engagé en vue d’occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire ;

[…] »

3        L’article 8, premier alinéa, du RAA dispose :

« L’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat de cet agent engagé pour une durée déterminée ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée déterminée. Tout renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée. »

4        Aux termes de l’article 14 du RAA :

« L’agent temporaire peut être tenu à effectuer un stage dont la durée ne peut dépasser six mois.

[…]

Un mois au plus tard avant l’expiration de son stage, l’agent temporaire fait l’objet d’un rapport sur son aptitude à s’acquitter des tâches que comportent ses fonctions, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service. Ce rapport est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations. L’agent temporaire qui n’a pas fait preuve de qualités suffisantes pour être maintenu dans son emploi est licencié. Toutefois, l’autorité visée à l’article 6, premier alinéa, peut, à titre exceptionnel, prolonger le stage pour une durée maximale de six mois, éventuellement avec affectation de l’agent temporaire à un autre service.

En cas d’inaptitude manifeste de l’agent temporaire en stage, un rapport peut être établi à tout moment du stage. Ce rapport est communiqué à l’intéressé, qui peut formuler par écrit ses observations. Sur la base de ce rapport, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement peut décider de licencier l’agent temporaire avant l’expiration de la période de stage, moyennant un préavis d’un mois.

L’agent temporaire en stage licencié bénéficie d’une indemnité égale à un tiers de son traitement de base par mois de stage accompli. »

5        Selon l’article 47 du RAA :

« Indépendamment du cas de décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

[…]

b)      pour les contrats à durée déterminée :

i)      à la date fixée dans le contrat ; 

[…]»

 La procédure interne d’établissement des rapports d’évaluation

6        Les rapports d’évaluation de l’EMEA sont établis conformément aux « lignes directrices relatives aux rapports d’évaluation » dans leur version révisée du 18 janvier 2002 (ci-après les « lignes directrices »). Conformément au point A des lignes directrices, les rapports d’évaluation sont établis tous les deux ans et pour la première fois deux ans après l’expiration du stage.

7        Conformément au point D 15 des lignes directrices, l’évaluation des performances d’un agent donne lieu à une appréciation littérale, choisie parmi les quatre mentions suivantes : « excellent », « très bien », « satisfaisant » et « insatisfaisant ».

8        La responsabilité de l’établissement des rapports d’évaluation incombe, pour l’essentiel, à l’évaluateur.

9        Conformément au point C des lignes directrices, l’évaluateur peut nommer un notateur qui prépare l’évaluation, fixe les objectifs et les critères d’évaluation des prestations conjointement avec l’agent et évalue celui-ci en permanence. Le notateur rédige également le premier projet de rapport d’évaluation.

10      La procédure d’établissement des rapports d’évaluation peut être résumée comme suit.

11      Selon le point D 1 des lignes directrices, le service du personnel envoie à l’évaluateur avec copie à l’agent, normalement deux mois avant la validation du rapport d’évaluation, le formulaire de rapport d’évaluation rempli des seules données factuelles concernant l’agent. Ensuite, le notateur, conformément au point D 2 des lignes directrices, collecte et évalue des informations sur l’agent en lui demandant de s’évaluer lui-même. Conformément aux points C 6 et E 8, il peut également interroger les personnes qui travaillent normalement avec l’agent et même demander des informations à des tiers, concernant des aspects dont il n’aurait pas pu se rendre compte directement. Si le notateur constate des difficultés au niveau des prestations effectuées par l’agent, il est tenu de se procurer des informations supplémentaires à cet égard afin de pouvoir prendre d’éventuelles mesures correctrices.

12      Par la suite, conformément au point D 9 des lignes directrices, une discussion a lieu entre le notateur et l’agent. Si l’agent n’est pas d’accord avec le contenu de l’évaluation provisoire, il peut, conformément au point D 12, demander un deuxième entretien avec le notateur ou, ultérieurement, avec l’évaluateur et solliciter la présence d’un tiers à ce deuxième entretien. Le rapport d’évaluation, une fois signé par le notateur et l’agent, est envoyé à l’évaluateur qui le valide définitivement par sa signature.

13      Si le deuxième entretien prévu dans la phase de discussion entre le notateur et l’agent n’aboutit pas à une évaluation sur laquelle l’agent donne son accord, celui-ci peut, conformément au point F 1 des lignes directrices, demander une révision par l’évaluateur. Si l’agent n’est pas d’accord avec la réponse de l’évaluateur, il peut, en indiquant ses motifs, demander une révision de l’évaluation par le directeur exécutif de l’EMEA. Conformément au point F 2 des lignes directrices, le directeur exécutif de l’EMEA statue définitivement sur la demande de révision et, par conséquent, sur le rapport d’évaluation.

14      Enfin, conformément à l’article 14, troisième alinéa, du RAA, avant la fin de son stage, l’agent temporaire fait l’objet d’un rapport sur son aptitude à s’acquitter des tâches que comportent ses fonctions, ainsi que sur son efficacité et sa conduite dans le service.

 Faits à l’origine du litige

 Le contrat d’emploi de la requérante

15      La requérante a été engagée par l’EMEA, au titre d’un contrat conclu le 7 février 2002 et prenant effet le 1er juillet 2002, en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du RAA, en vue d’exercer les fonctions d’administrateur dans le secteur « Sécurité et efficacité des médicaments » de l’unité « Évaluation avant autorisation pour les médicaments humains ».

16      L’article 5 du contrat d’emploi dispose que ce dernier « est conclu pour une période de cinq ans[ ; i]l est renouvelable » (« This contract runs for a period of five years. It can be renewed. »).

17      Pendant la durée de son engagement, la requérante était chargée de traiter les demandes d’autorisation de mise sur le marché de certains médicaments à usage humain. Dans le cadre des tâches qui lui étaient attribuées, la requérante devait faire rapport au « chef de groupe » du « groupe thérapeutique anti-infectieux », en l’occurrence, M. A.

18      Le chef de groupe devait faire rapport au « chef de secteur » du secteur « Sécurité et efficacité des médicaments », à savoir, successivement, du début des activités de la requérante au sein de l’EMEA à septembre 2004, Mme M., d’octobre 2004 à novembre 2005, Mme S. R., cette dernière étant également chef du secteur « Conseil scientifique et médicaments orphelins », et, de décembre 2005 à la fin du contrat de la requérante, M. L. O. L’adjointe au chef de secteur était Mme P.-A.

19      Le supérieur hiérarchique du chef de secteur « Sécurité et efficacité des médicaments », pendant toute la durée du contrat de la requérante, était M. L. C., chef de l’unité « Évaluation avant autorisation pour les médicaments à usage humain ».

20      Par lettre du 19 décembre 2006, le directeur de l’EMEA a rappelé à la requérante que son contrat d’emploi allait expirer le 30 juin 2007.

21      Le 12 janvier 2007, la requérante a introduit une réclamation, au titre de l’article 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), auquel renvoie l’article 46 du RAA, contre la décision du 19 décembre 2006, d’une part, en faisant valoir que le chef de secteur dont elle relevait, M. L. O., l’avait informée le 14 décembre 2006 du fait que son contrat d’emploi ne serait pas renouvelé en raison des insuffisances soulignées dans son rapport d’évaluation 2004/2006 et, d’autre part, en demandant que, dans le cadre de l’examen de sa réclamation, l’EMEA applique la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle par analogie avec l’article 51 du statut.

22      Par lettre du 23 janvier 2007, le directeur de l’EMEA a rejeté la réclamation de la requérante, en contestant l’existence de tout lien entre la fin du contrat d’emploi de l’intéressée et le rapport d’évaluation 2004/2006, la procédure d’établissement de ce dernier n’ayant pas encore été clôturée.

 Le rapport d’évaluation 2004/2006

23      À titre liminaire, il convient de constater que le rapport d’évaluation pour la période 2002/2004 a été définitivement adopté le 18 mars 2005 et signé par la requérante le 7 avril suivant. Ce rapport contient deux appréciations « excellent » pour les rubriques relatives aux connaissances techniques requises et au sens des responsabilités. Pour les huit autres rubriques, la requérante a reçu l’appréciation « très bien ». Les commentaires détaillés sont globalement positifs, même si la rubrique relative au comportement contient l’appréciation suivante : « [La requérante] doit éviter les interruptions dans le travail des autres en faisant un meilleur usage des courriers électroniques et des réunions planifiées. » (« Bettina needs to avoid interruptions in other staff work by better use of emails and planned meetings. »)

24      S’agissant de la procédure d’établissement du rapport d’évaluation 2004/2006, la requérante a eu, le 5 décembre 2006, un entretien avec M. A., à l’issue duquel ce dernier a remis à la requérante un projet préliminaire, encore incomplet, du rapport d’évaluation 2004/2006. L’EMEA observe que M. A. n’était pas à proprement parler compétent pour intervenir dans l’évaluation des prestations de la requérante, mais précise que M. L. O., le notateur, avait uniquement demandé à M. A. de préparer un premier projet de rapport d’évaluation 2004/2006.

25      Le 14 décembre 2006, le notateur, après avoir formellement établi un premier projet de rapport d’évaluation 2004/2006, a eu un entretien avec la requérante, en présence de Mme P.-A.

26      Par lettre du 20 décembre 2006 adressée au notateur, la requérante a demandé un deuxième entretien avec ce dernier, lequel entretien a eu lieu le 18 janvier 2007 en présence d’un membre du service du personnel de l’EMEA et d’une représentante du comité du personnel.

27      Par lettre du 23 janvier 2007, le notateur a informé la requérante que le projet de rapport d’évaluation 2004/2006 ne serait pas modifié.

28      Par note du 26 janvier 2007, la requérante a demandé une révision du rapport d’évaluation 2004/2006 par l’évaluateur, M. L. C. En outre, par lettre du 14 février 2007, elle en a demandé la révision par le directeur exécutif de l’EMEA lui-même en tant qu’évaluateur d’appel. La requérante estimait que le rapport d’évaluation 2004/2006 était injuste dans la mesure où ses points forts n’y étaient pas suffisamment mis en évidence, alors qu’elle avait mené à bien un grand nombre de procédures et de projets et que le projet initial de rapport d’évaluation, établi par son supérieur hiérarchique direct, M. A., lequel projet était positif, ainsi que les déclarations également positives d’autres collègues, n’avaient pas été pris en considération.

29      À la suite d’une discussion avec la requérante, intervenue le 22 février 2007, l’évaluateur a modifié le rapport d’évaluation 2004/2006 en faveur de l’intéressée et lui a transmis une version modifiée le 16 mars 2007.

30      La requérante, n’étant pas d’accord avec le contenu du rapport d’évaluation 2004/2006 tel que modifié, a adressé, le 26 mars 2007, au directeur exécutif de l’EMEA, une nouvelle demande de révision.

31      Par lettre du 19 juillet 2007, le directeur exécutif de l’EMEA a fait droit à la deuxième demande de révision présentée par la requérante et a abrogé le rapport d’évaluation 2004/2006, tel que modifié le 16 mars 2007. En même temps, il a informé la requérante qu’elle recevrait prochainement un nouveau rapport d’évaluation 2004/2006. Par lettre du 1er août 2007, l’EMEA a transmis à la requérante un nouveau projet de rapport d’évaluation 2004/2006 en la priant de présenter ses observations éventuelles dans un délai de quinze jours. La requérante n’a pas donné suite à cette invitation.

32      Le rapport d’évaluation 2004/2006 a été définitivement adopté le 20 novembre 2007.

 Conclusions des parties et procédure

33      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner l’EMEA à proroger son contrat d’emploi, conclu le 7 février 2002 ;

–        condamner l’EMEA à lui verser une indemnité de 200 000 euros pour le préjudice moral subi ;

–        condamner l’EMEA à retirer son rapport d’évaluation 2004/2006 et à établir un nouveau rapport sur la base de la décision que prendra le Tribunal.

34      L’EMEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, subsidiairement, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

35      Par acte séparé parvenu au greffe du Tribunal le 17 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 18 juillet suivant), l’EMEA a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de la requête. Les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité sont parvenues au greffe du Tribunal le 13 septembre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 14 septembre 2007).

36      Par ordonnance du 18 octobre 2007, conformément à l’article 114, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), le Tribunal a joint au fond l’exception d’irrecevabilité et ordonné la poursuite de la procédure.

37      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité l’EMEA à déposer, avant l’audience, une copie du rapport d’évaluation 2004/2006, dans sa version définitive. La partie défenderesse a déféré à cette demande.

38      Lors de l’audience, le Tribunal a posé aux parties la question de savoir si la requérante avait contesté, par voie de réclamation, le rapport d’évaluation 2004/2006, dans sa version définitive. À défaut de toute indication en ce sens, le Tribunal a estimé qu’il pouvait être considéré que la requérante n’avait pas introduit une telle réclamation.

 Sur la demande tendant à obtenir la condamnation de l’EMEA à proroger le contrat d’emploi de la requérante

 Sur l’exception d’irrecevabilité

39      L’EMEA observe, en premier lieu, que la conclusion visant à la condamner à proroger le contrat d’emploi de la requérante est irrecevable à double titre. D’une part, ce chef de conclusion contiendrait une injonction à l’encontre de l’EMEA, tendant à obtenir le renouvellement du contrat de la requérante, arrivé à son terme, ce qui échapperait à la compétence du Tribunal. D’autre part et en tout état de cause, la décision du 19 décembre 2006 ne serait pas un acte faisant grief contre lequel la requérante serait en droit d’introduire une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, mais une simple communication confirmant la date d’expiration de son contrat d’emploi, ainsi que le prévoyait ledit contrat.

40      La requérante estime que son recours est recevable, le chef de conclusions correspondant bien au prescrit de l’article 46 du RAA, en liaison avec l’article 90, paragraphe 2, et l’article 91, paragraphe 2, du statut.

41      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’incombe pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, d’adresser des injonctions aux institutions communautaires. En effet, en cas d’annulation d’un acte, l’institution concernée est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (arrêts du Tribunal de première instance du 9 juin 1994, X/Commission, T‑94/92, RecFP p. I‑A‑149 et II‑481, point 33 ; du 8 juin 1995, P/Commission, T‑583/93, RecFP p. I‑A‑137 et II‑433, point 17 ; du 9 juin 1998, Chesi e.a./Conseil, T‑172/95, RecFP p. I‑A‑265 et II‑817, point 33, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 63).

42      Toutefois, à la lumière des arguments développés au fond, tant par la requérante que par l’EMEA, il y a lieu d’interpréter le premier chef de conclusion comme tendant à obtenir l’annulation de la décision de ne pas proroger le contrat litigieux telle qu’elle ressort du courrier du 19 décembre 2006 (ci-après la « décision attaquée »).

43      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de l’EMEA, selon lequel la décision attaquée ne serait pas un acte faisant grief, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 5 du contrat litigieux, celui-ci est renouvelable, de telle sorte que la décision attaquée, en confirmant la date d’expiration du contrat, ne pouvait être comprise par la requérante que comme un refus de l’EMEA de proroger ledit contrat. Une telle décision, ayant pour effet de priver un agent temporaire du maintien de sa relation de travail au sein d’une agence de l’Union européenne, est, par nature, un acte affectant directement et immédiatement les intérêts de l’intéressé, en modifiant de manière caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 15 octobre 2008, Potamianos/Commission, non encore publié au Recueil, point 23 ; arrêt du Tribunal du 28 juin 2007, Bianchi/ETF, F‑38/06, non encore publié au Recueil, points 92 à 94).

44      Il convient, en conséquence, de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée à l’encontre du premier chef de conclusion.

 Sur le fond

45      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, premièrement, de la violation des règles de l’EMEA relatives à l’établissement des rapports d’évaluation, deuxièmement, du caractère arbitraire de la décision attaquée, troisièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation et, quatrièmement, de la violation des principes d’« autolimitation » de l’administration et de l’égalité de traitement.

46      Il y a lieu de traiter ensemble ces différents moyens.

 Arguments des parties

47      La requérante estime que la décision attaquée a été prise au motif que son travail durant la période de référence couverte par le rapport d’évaluation 2004/2006 était insuffisant, de telle sorte qu’elle n’aurait pas mérité le renouvellement de son contrat d’emploi.

48      Selon la requérante, elle serait en droit d’obtenir le renouvellement de son contrat d’emploi, ainsi que le prévoit l’article 5 de celui-ci et conformément aux principes « d’autolimitation » de l’administration et d’égalité de traitement.

49      Certes, la requérante reconnaît qu’une telle prorogation relève du pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration. Toutefois, l’exercice de celui-ci ne saurait être entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Or, selon la requérante, le rapport d’évaluation 2004/2006 a été établi en violation des règles adoptées par l’EMEA en matière d’établissement des rapports d’évaluation.

50      La requérante fait valoir à cet égard que, pour bien exercer son pouvoir d’appréciation, l’administration a besoin de critères objectifs, sur la base desquels les prestations de l’intéressé peuvent être appréciées. Le rapport d’évaluation, qui dégagerait de tels critères, pourrait ainsi objectivement servir de référence.

51      En l’espèce, seule une très bonne évaluation des prestations de la requérante aurait pu être considérée comme exempte de toute erreur d’appréciation.

52      La requérante ajoute que, afin de ne pas renouveler son contrat, l’EMEA aurait cherché à éviter d’établir un bon rapport d’évaluation, contrairement à la pratique suivie en son sein.

53      Par ailleurs, la requérante estime qu’elle aurait fait l’objet de brimades et de railleries de la part de son ancien chef de secteur, constitutives de harcèlement moral. Son travail aurait été dénigré dans le but de porter atteinte à sa dignité et à sa personnalité. Elle aurait été traitée de « stupide » et, sous le prétexte de la mauvaise qualité de son travail, aurait subi une surveillance de plus en plus étroite, pour lui faire accroire que ses prestations étaient vraiment insuffisantes. En dépit de ses bonnes qualifications professionnelles et malgré le fait qu’elle soit experte dans son secteur, elle n’aurait plus pu participer à des réunions, ce qui témoignerait également du harcèlement dont elle aurait été victime.

54      L’EMEA conteste l’existence de tout lien entre la fin de son contrat à durée déterminée et son rapport d’évaluation 2004/2006.

55      Les relations de travail entre la requérante et ses supérieurs hiérarchiques, en particulier Mme S. R. et M. L. O., auraient certes été délicates en raison de la qualité des prestations de la requérante, mais il se serait agi, en réalité, de relations hiérarchiques normales de supérieur à subordonné dans le cadre d’une relation d’emploi.

56      Mme S. R. aurait constaté, à partir d’octobre 2004, certaines faiblesses dans les prestations de la requérante. Aussi, sur conseil de M. L. C., aurait-elle décidé de soumettre la requérante non seulement au rapport d’évaluation bisannuel, mais aussi à des évaluations supplémentaires.

57      L’EMEA souligne, par ailleurs, que la décision de ne pas renouveler un contrat d’emploi conclu pour une durée déterminée relève de son large pouvoir d’appréciation, le contrôle de la juridiction communautaire étant limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste dans l’évaluation de l’intérêt du service et de détournement de pouvoir.

58      Or, l’EMEA n’aurait commis aucune erreur manifeste d’évaluation. Selon une jurisprudence constante, l’autorité compétente serait certes tenue, conformément au devoir de sollicitude qui pèse sur elle lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, et notamment l’intérêt de l’agent concerné.

59      Toutefois, il serait également de jurisprudence constante que les agents temporaires n’ont aucun droit au renouvellement de leur contrat à durée déterminée.

60      En l’espèce, la requérante n’aurait pas obtenu d’assurances précises et inconditionnelles quant au renouvellement de son contrat. Il est vrai, ainsi que la requérante le soutient, que l’EMEA renouvelle la majeure partie des contrats à durée déterminée conclus avec des agents temporaires. Toutefois, contrairement aux allégations de la requérante, il n’est pas de pratique constante de renouveler inconditionnellement tous les contrats. L’EMEA se réserverait, en effet, toujours le droit de mettre fin à des contrats à durée déterminée à la date de leur expiration sans autres conditions ni plus ample motivation. C’est ainsi que, dans le passé, bon nombre de contrats à durée déterminée n’auraient pas été renouvelés.

61      Dans ces conditions, la requérante n’aurait pas établi l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement.

62      Quant au grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, il devrait également être rejeté. Selon une jurisprudence constante, les institutions communautaires ne seraient pas tenues de motiver la fin et le non-renouvellement du contrat à durée déterminée d’un agent temporaire. En effet, la fin d’un contrat à durée déterminée résulterait, conformément à l’article 47, sous b), i), du RAA, automatiquement du contrat lui-même et un agent temporaire ne saurait prétendre à son renouvellement. Il n’y aurait donc, en l’espèce, aucune raison d’invoquer un non-usage du pouvoir discrétionnaire.

63      En somme, reconnaître à un agent temporaire un droit au renouvellement d’un contrat d’emploi conclu pour une durée déterminée viderait de sens la nature du contrat à durée déterminée visé à l’article 8, paragraphe 1, du RAA.

64      Enfin, la requérante n’aurait pas établi sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, l’existence d’un détournement de pouvoir.

 Appréciation du Tribunal

65      Il convient de rappeler, tout d’abord, qu’il est de jurisprudence constante que la résiliation d’un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée, conformément à l’article 47, paragraphe 2, du RAA et dans le respect du préavis prévu au contrat (voir, notamment, arrêt de la Cour du 26 février 1981, De Briey/Commission, 25/80, Rec. p. 637, point 7 ; arrêts du Tribunal de première instance du 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T‑45/90, Rec. p. II‑33, points 97 et 98 ; du 17 mars 1994, Hoyer/Commission, T‑51/91, RecFP p. I‑A‑103 et II‑341, point 36, et du 14 juillet 1997, B/Parlement, T‑123/95, RecFP p. I‑A‑245 et II‑697, point 70), ainsi que la résiliation anticipée d’un contrat d’agent temporaire conclu pour une durée déterminée (voir arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, RecFP p. I‑A‑277 et II‑1267, point 51) relèvent d’un large pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente, le contrôle du juge communautaire devant, dès lors, se limiter, indépendamment du contrôle du respect de l’obligation de motivation, à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

66      À plus forte raison, il en va de même lorsqu’il s’agit non pas d’une résiliation anticipée, mais du non-renouvellement d’un contrat d’agent temporaire conclu pour une durée déterminée, le renouvellement du contrat n’étant qu’une simple faculté, subordonnée à la condition qu’il soit conforme à l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, RecFP p. I‑A‑37 et II‑239, points 50 et 64).

67      Il convient d’ajouter que, selon une jurisprudence également constante, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, et notamment l’intérêt de l’agent concerné. Cela résulte en effet du devoir de sollicitude de l’administration, qui reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents (arrêts Pyres/Commission, précité, point 51, et du Tribunal de première instance du 1er mars 2005, Mausolf/Europol, T‑258/03, RecFP p. I‑A‑45 et II‑189, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 38 ; arrêts du Tribunal de première instance du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T‑13/95, RecFP p. I‑A‑167 et II‑503, point 52, et Dejaiffe/OHMI, précité, point 53).

68      Par conséquent, en l’espèce, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification de l’absence d’erreur manifeste dans l’évaluation de l’intérêt du service ayant pu justifier le non-renouvellement du contrat d’emploi de la requérante, et de détournement de pouvoir, ainsi qu’à l’absence d’atteinte au devoir de sollicitude qui pèse sur l’EMEA lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur la reconduction d’un contrat qui la lie à l’un de ses agents.

69      Or, la requérante n’a pas fourni d’éléments objectifs, pertinents et concordants pouvant établir à suffisance de droit que l’EMEA, en adoptant la décision attaquée, aurait violé de manière manifeste les limites qui s’imposent à l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service ou méconnu le devoir de sollicitude qui pèse sur l’administration.

70      En effet, la requérante se borne à affirmer que seule une très bonne évaluation de ses prestations, dans le cadre de son rapport d’évaluation 2004/2006, aurait été exempte de toute erreur d’appréciation, que le renouvellement des contrats à durée déterminée relève d’une pratique constante au sein de l’EMEA, que celle-ci aurait cherché à éviter d’établir un rapport positif quant à ses prestations afin de ne pas renouveler son contrat et qu’elle aurait fait l’objet de brimades et de railleries, constitutives de harcèlement moral, de la part de son supérieur hiérarchique.

71      À cet égard, il convient, en premier lieu, de constater que, au jour de l’adoption de la décision attaquée, le rapport d’évaluation 2004/2006 n’était pas définitivement établi, ce qui explique l’affirmation de l’EMEA selon laquelle ladite décision a été prise indépendamment de ce dernier rapport. Dans ces conditions, à défaut pour la requérante d’établir à suffisance de droit que ce sont bien les prétendues appréciations négatives portées dans les versions provisoires du rapport d’évaluation 2004/2006 qui ont motivé la décision de non-prorogation de son contrat, ses arguments tirés de telles appréciations provisoires ne sont pas pertinents, puisqu’ils ne sauraient, comme tels, établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par l’autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après l’« AHCC »).

72      En deuxième lieu, quant à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, en raison du fait que l’EMEA n’aurait pas suivi la pratique interne de renouveler les contrats arrivés à leur terme, le fait qu’il ait été souvent procédé au renouvellement de contrats n’établit nullement, ainsi que la partie défenderesse l’a souligné à juste titre, l’existence d’une pratique inconditionnelle, l’institution conservant toujours le droit de ne pas donner de suite à un contrat à durée déterminée arrivé à son terme et ne contenant aucune condition particulière de nature à donner à l’intéressé la garantie que la relation de travail sera poursuivie.

73      En troisième lieu, quant au prétendu harcèlement moral dont la requérante aurait fait l’objet, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, bien que l’article 24 du statut, applicable en l’espèce en vertu du renvoi contenu à l’article 11 du RAA, soit conçu avant tout en vue de protéger les fonctionnaires et les agents des Communautés européennes contre des attaques émanant de tiers, l’obligation d’assistance prévue par cet article existe également dans le cas où l’auteur des faits envisagés par cette disposition est un autre fonctionnaire ou agent des Communautés (arrêt de la Cour du 14 juin 1979, V./Commission, 18/78, Rec. p. 2093, point 15 ; arrêt du Tribunal de première instance du 21 avril 1993, Tallarico/Parlement, T‑5/92, Rec. p. II‑477, point 30).

74      À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution demande, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, l’assistance de l’institution et apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, points 15 et 16 ; arrêt Tallarico/Parlement, précité, point 31). L’obligation d’assistance comporte, notamment, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, les plaintes en matière de harcèlement moral et d’informer le plaignant de la suite réservée à sa plainte.

75      En l’espèce, force est de constater que la réclamation du 12 janvier 2007, dirigée contre la décision attaquée, ne contient aucun développement sur les comportements des supérieurs hiérarchiques de nature à établir l’existence du harcèlement. De plus, la procédure précontentieuse, visant à obtenir l’assistance de l’institution contre des comportements relevant du harcèlement moral n’a pas été engagée.

76      En effet, ainsi que l’EMEA l’a relevé à juste titre, la requérante n’a pas introduit de demande au titre de l’article 24 du statut, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du même statut, contenant à tout le moins un commencement de preuve quant à la réalité des attaques dont elle affirme avoir été l’objet. L’administration n’a donc pas été mise en mesure de prendre position sur les comportements incriminés. De plus, l’EMEA affirme, sans que cela soit sérieusement contesté par la requérante, n’avoir eu connaissance des accusations de cette dernière qu’à l’occasion du présent recours.

77      Dans ces conditions, la position de la requérante visant à établir que la décision attaquée serait intimement liée au harcèlement moral et, en particulier, aux mesures de dénigrement qu’elle aurait subies de la part de son ou de ses supérieurs hiérarchiques, ne saurait valablement prospérer à l’appui du recours.

78      En quatrième et dernier lieu, il convient d’observer que la décision du 23 janvier 2007 rejetant la réclamation de la requérante est intervenue dans un contexte caractérisé par plusieurs entretiens entre celle-ci et ses supérieurs hiérarchiques. Bien que leur objet soit différent, ces entretiens ont permis à l’intéressée de faire valoir ses intérêts, notamment en ce qui concerne son expérience professionnelle ainsi que ses qualifications.

79      De plus, si, en vertu du devoir de sollicitude, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle apprécie l’intérêt du service, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, notamment l’intérêt de l’agent concerné, la prise en compte de l’intérêt personnel de ce dernier ne saurait aller jusqu’à interdire à ladite autorité de ne pas renouveler un contrat à durée déterminée malgré l’opposition de cet agent, dès lors que l’intérêt du service l’exige.

80      Compte tenu de tout ce qui précède, il n’a pas été établi que l’autorité compétente a, au regard du large pouvoir d’appréciation dont elle jouit en matière de renouvellement des contrats d’agent temporaire, commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il n’était pas dans l’intérêt du service de renouveler le contrat d’emploi de la requérante ni méconnu le devoir de sollicitude qui pèse sur elle.

81      En conséquence, les conclusions en annulation de la décision attaquée doivent être rejetées.

 Sur la demande visant à obtenir une indemnité pour préjudice moral

 Arguments des parties

82      La requérante demande une indemnité pour préjudice moral d’un montant de 200 000 euros.

83      Selon l’EMEA, la requérante tenterait de fonder sa demande indemnitaire sur les allégations selon lesquelles elle aurait été victime d’un harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques.

84      L’EMEA considère que la demande d’indemnité pour préjudice moral est irrecevable dans la mesure où, la requérante ne l’ayant pas préalablement informé des prétendus griefs tirés du harcèlement moral et ne lui ayant pas demandé son assistance au titre de l’article 24, paragraphe 1, du statut, le recours n’aurait pas été précédé d’une procédure précontentieuse conforme à l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut.

85      L’EMEA ajoute que la requérante n’a fourni aucun élément de nature à étayer ses affirmations concernant la prétendue existence d’un harcèlement. En particulier, l’introduction par Mme S. R. d’évaluations semestrielles intermédiaires, dont la requérante a fait l’objet, ne serait pas constitutive d’un harcèlement moral.

86      Conformément à l’article 43, paragraphe 1, du statut et à l’article 15, paragraphe 2, du RAA, « un rapport périodique » est « établi au moins tous les deux ans ». Il en résulterait qu’une période d’évaluation de deux ans constitue une limite maximale, le statut n’excluant pas une évaluation régulière à intervalles plus courts.

87      Des évaluations intermédiaires supplémentaires seraient même avantageuses non seulement pour l’EMEA, mais aussi pour ses agents. La requérante n’aurait pas démontré en quoi elle aurait été lésée par une mesure qui avait été prise dans son intérêt. Pour le reste, elle n’aurait avancé aucun élément de nature à établir que Mme S. R. aurait cherché, par les évaluations intermédiaires, à nuire à son intégrité.

 Appréciation du Tribunal

88      Il convient d’observer, à titre liminaire, que l’argumentation avancée par la requérante au soutien de sa demande indemnitaire pour préjudice moral n’est pas claire quant à l’identification du comportement reproché à l’administration.

89      D’abord, si une telle demande doit être comprise comme étant liée à la décision de ne pas proroger le contrat de la requérante, elle doit être rejetée dès lors que le recours en annulation n’a pas permis de remettre en cause la légalité de ladite décision.

90      Ensuite, s’il convient de comprendre la demande indemnitaire comme tendant à réparer le préjudice résultant du défaut d’assistance par l’administration en dépit du harcèlement moral que la requérante prétend avoir subi, il convient de rappeler qu’il ressort du point 76 du présent arrêt que l’intéressée n’a pas engagé de procédure précontentieuse visant à obtenir l’assistance de l’institution contre de prétendus comportements relevant du harcèlement moral. Dans ces conditions, aucune faute ne saurait être imputée à l’administration pour défaut d’assistance.

91      Enfin, si le fondement de la demande en indemnité réside dans le harcèlement moral prétendument subi, comme tel, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire qui allègue un dommage ne résultant pas d’un acte faisant grief au sens du statut, ne peut entamer la procédure précontentieuse qu’en introduisant auprès de l’autorité investie du pouvoir de nomination ou de l’AHCC une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, dont le rejet éventuel constituera une décision lui faisant grief contre laquelle il pourra introduire une réclamation, laquelle pourra, le cas échéant, faire l’objet d’un recours en annulation et/ou d’un recours en indemnité (voir arrêts du Tribunal de première instance du 13 juillet 2006, Andrieu/Commission, T‑285/04, RecFP p. II‑A‑2‑775, et du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, non encore publié au Recueil, point 31, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant la Cour, affaire C‑52/07 P).

92      Or, en l’espèce, force est de constater que, non seulement la requérante n’a pas introduit de demande d’assistance, mais elle n’a pas demandé, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, l’indemnisation du préjudice résultant des comportements vexatoires qu’elle aurait subis, constitutifs, selon elle, de harcèlement moral. Par conséquent, la requérante n’ayant pas suivi la procédure précontentieuse requise par le statut, sa demande indemnitaire ainsi comprise doit être rejetée comme irrecevable.

93      En tout état de cause, non seulement les éléments apportés par la requérante ne constituent pas des indices d’un harcèlement moral, mais la requérante n’a pas apporté la preuve qui lui incombe du lien de causalité entre les faits dénoncés, s’ils devaient être regardés comme constitutifs de harcèlement, et le préjudice qu’elle prétend avoir subi.

94      Par conséquent, la conclusion visant à obtenir une indemnité pour le préjudice moral prétendument subi doit être rejetée comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondée.

 Sur la demande visant à condamner l’EMEA à retirer le rapport d’évaluation 2004/2006 et à établir un nouveau rapport sur la base de la décision que prendra le Tribunal

 Arguments des parties

95      Selon l’EMEA, la conclusion visant à la condamner à retirer le rapport d’évaluation 2004/2006 et à établir un nouveau rapport sur la base de la décision que prendra le Tribunal est irrecevable puisqu’elle serait prématurée. En effet, ledit rapport d’évaluation aurait fait l’objet d’une réclamation datée du 26 mars 2007. Or, à la date d’introduction du présent recours, à savoir le 16 avril 2007, le délai de quatre mois dans lequel devait intervenir la réponse de l’administration n’était pas encore expiré, ce délai étant fixé au 26 juillet 2007.

96      La requérante estime que son recours est recevable, le chef de conclusions en cause correspondant bien au prescrit de l’article 46 du RAA, en liaison avec l’article 90, paragraphe 2, et l’article 91, paragraphe 2, du statut. Elle soutient en même temps que son courrier du 26 mars 2007 ne peut être qualifié de réclamation, car il ne viserait qu’à relater les événements survenus après l’introduction de la réclamation du 12 janvier 2007.

 Appréciation du Tribunal

97      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une réclamation administrative et le recours subséquent doivent tous deux être dirigés contre un acte faisant grief au requérant, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut, l’acte faisant grief étant celui qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 6 ; arrêts du Tribunal de première instance du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, RecFP p. I‑A‑247 et II‑737, point 23 ; du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑391/94, RecFP p. I‑A‑269 et II‑787, point 34, et ordonnance du Tribunal de première instance du 22 mars 2006, Strack/Commission, T‑4/05, RecFP p. I‑A‑2‑83 et II‑A‑2‑361, point 35).

98      Il semble découler de l’argumentation de la requérante, que celle-ci entend, par le présent recours, demander l’annulation du rapport d’évaluation 2004/2006, dans sa version provisoire du 14 décembre 2006.

99      Toutefois, à la lumière de la procédure d’établissement d’un rapport d’évaluation au sein de l’EMEA, il ressort des faits de l’espèce que :

–        une première discussion a eu lieu entre le notateur, M. L. O., et la requérante le 14 décembre 2006 ;

–        n’étant pas d’accord avec le contenu de l’évaluation provisoire, la requérante a demandé un deuxième entretien avec le notateur, qui a eu lieu le 18 janvier 2007 ;

–        par la suite, n’étant pas satisfaite, la requérante a demandé le 26 janvier 2007 une révision par l’évaluateur, M. L. C. ; à la suite d’une discussion avec la requérante intervenue le 22 février 2007, l’évaluateur a modifié le contenu du rapport par décision du 16 mars 2007 ;

–        la requérante a alors demandé le 26 mars 2007 une révision de l’évaluation par le directeur exécutif ; la décision du directeur exécutif est intervenue le 19 juillet 2007, soit après l’introduction du présent recours, la requérante étant ainsi informée de ce qu’elle recevrait bientôt une nouvelle version du rapport d’évaluation 2004/2006 sur lequel elle pourrait présenter ses observations.

100    Dans ces conditions, les demandes de révision, adressées, dans un premier temps, à l’évaluateur et, dans un second temps, au directeur exécutif de l’EMEA ne peuvent pas être qualifiées de réclamation. Il s’agit de différentes étapes de la procédure d’établissement du rapport d’évaluation définitif.

101    Ainsi qu’il ressort du point 32 du présent arrêt, la version définitive du rapport d’évaluation 2004/2006 a été établie après l’introduction du présent recours.

102    Il résulte de ce qui précède que le présent chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable en raison de son caractère prématuré. La requérante n’a d’ailleurs pas attaqué la décision définitive, établissant le rapport d’évaluation 2004/2006, laquelle est intervenue après l’introduction du présent recours.

103    Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

104    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

105    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 novembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kanninen

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’allemand.