Language of document : ECLI:EU:F:2011:181

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

10 novembre 2011 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2008 – Examen comparatif des mérites – Procédure basée sur les rapports de notation 2005/2006 – Critère du niveau des responsabilités exercées »

Dans l’affaire F‑20/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Marc Juvyns, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.‑N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mmes K. Zieleśkiewicz et G. Kimberley, puis par Mme K. Zieleśkiewicz et M. M. Bauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme I. Boruta, faisant fonction de président (rapporteur), M. S. Van Raepenbusch et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 9 mars 2009 (le dépôt de l’original étant intervenu le 11 mars suivant), M. Juvyns demande, en substance, l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne de ne pas le promouvoir au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2008.

 Cadre juridique

2        L’article 6, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « statut » ou le « nouveau statut »), dispose :

« Afin de garantir l’équivalence entre la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘ancienne structure des carrières’) et la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur après le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘nouvelle structure des carrières’) et sans préjudice du principe de promotion fondée sur le mérite, énoncé à l’article 45 du statut, ce tableau garantit que, pour chaque institution, le nombre d’emplois vacants pour chaque grade est égal, au 1er janvier de chaque année, au nombre de fonctionnaires en activité au grade inférieur au 1er janvier de l’année précédente, multiplié par les taux fixés, pour ce grade, à l’annexe I, point B. Ces taux s’appliquent sur une base quinquennale moyenne à compter du 1er mai 2004. »

3        L’article 45, paragraphe 1, du statut prévoit :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

4        L’annexe I, point B, du statut, relative aux taux multiplicateurs de référence destinés à l’équivalence des carrières moyennes, se lit comme suit :

Grade

Assistants

Administrateurs

13

20 %

12

25 %

11

25 %

10

20 %

25 %

9

20 %

25 %

8

25 %

33 %

7

25 %

33 %

6

25 %

33 %

5

25 %

33 %

4

33 %

3

33 %

2

33 %

1

33 %

   

5        Selon l’article 10 de l’annexe XIII du statut relative aux mesures de transition nécessitées par l’entrée en vigueur du règlement no 723/2004 :

« 1. Les fonctionnaires en fonction dans les catégories C ou D avant le 1er mai 2004 sont affectés à compter du 1er mai 2006 aux parcours de carrière permettant des promotions :

a)      dans l’ancienne catégorie C, jusqu’au grade AST 7 ;

b)      dans l’ancienne catégorie D, jusqu’au grade AST 5 ;

2. Pour ces fonctionnaires, à compter du 1er mai 2004 et par dérogation à l’annexe I, [point] B, du statut, les pourcentages visés à l’article 6, paragraphe 2, du statut sont les suivants :

Parcours de carrière C

Grade

1er mai 2004 jusqu’au

après le 30 avril 2010

 

30 avril 2005

30 avril 2006

30 avril 2007

30 avril 2008

30 avril 2009

30 avril 2010

 

C*/AST 7

C*/AST 6

5 %

5 %

5 %

10 %

15 %

20 %

20 %

C*/AST 5

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

C*/AST 4

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

C*/AST 3

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

C*/AST 2

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

C*/AST 1

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

25 %

        

Parcours de carrière D

Grade

1er mai 2004 jusqu’au

après le 30 avril 2010

 

30 avril 2005

30 avril 2006

30 avril 2007

30 avril 2008

30 avril 2009

30 avril 2010

 

D*/AST 5

D*/AST 4

5 %

5 %

5 %

10 %

10 %

10 %

10 %

D*/AST 3

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

D*/AST 2

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

22 %

D*/AST 1

        

3.      Les fonctionnaires auxquels le paragraphe 1 s’applique peuvent devenir membre du groupe de fonctions des assistants sans restriction après avoir réussi un concours général ou sur la base d’une procédure d’attestation. […]

4. Avec le rapport présenté par la Commission [européenne] au titre de l’article 6, paragraphe 3, du statut, la Commission fournit aussi des informations sur les incidences financières des taux de promotion prévus dans la présente annexe et de l’intégration des fonctionnaires entrés en fonction avant le 1er mai 2004 dans le nouveau système de carrière, y compris l’application de la procédure d’attestation.

5. Le présent article ne s’applique pas aux fonctionnaires qui ont changé de catégorie après le 1er mai 2004. »

 Faits à l’origine du litige

6        Le 16 mai 1975, le requérant est entré en service auprès du secrétariat général du Conseil en tant que fonctionnaire de grade D 3. Il est ensuite devenu fonctionnaire de grade C 4 le 1er mars 1977. Il a été promu, en dernier lieu, au grade C 1, le 1er août 1992. Suite à l’entrée en vigueur du nouveau statut le 1er mai 2004, le grade C 1 a été renommé, à cette date, C*6, puis, le 1er mai 2006, AST 6.

7        Par communication au personnel no 39/08 du 29 février 2008 (ci-après la « CP no 39/08 ») le secrétaire général adjoint du Conseil, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a informé le personnel de cette institution des modalités de l’exercice de promotion 2008 et, en particulier, des éléments mis à la disposition des commissions consultatives de promotion ainsi que des listes, par parcours de carrière, grade et ordre d’ancienneté, des fonctionnaires promouvables. Le nom du requérant figurait sur la liste des 325 fonctionnaires de grade AST 6, relevant du parcours de carrière AST 1 à AST 7, promouvables afin de pourvoir à 37 emplois de grade AST 7. Par ailleurs, le secrétaire général adjoint du Conseil indiquait dans la CP no 39/08 :

« J’attire l’attention des fonctionnaires promouvables sur le fait que les commissions consultatives de promotion disposent, pour chaque fonctionnaire promouvable, des rapports de notation dont il a fait l’objet (depuis son entrée dans le grade jusqu’au dernier disponible), ainsi que d’un historique de carrière. Les derniers rapports de notation ([1er janvier] 2005-[30 juin] 2006) ont été établis au début de l’année 2007. Même si un nouvel exercice de notation vient de commencer, il y aura un certain délai avant que les rapports soient établis. L’AIPN a, dès lors, décidé de baser l’exercice de promotion 2008 sur les rapports 2005[/]2006 pour permettre de le terminer avant fin avril, ce qui n’aurait pas été possible en utilisant les nouveaux rapports. Toutes les démarches nécessaires ont été faites pour garantir la comparaison des mérites sur une base égale dans les cas où aucun rapport n’avait été rédigé pour cette période. »

8        L’auteur de la CP no 39/08 indiquait également ce sur quoi portait l’historique de carrière des fonctionnaires mis à la disposition des commissions de promotion et ajoutait que celles-ci disposaient également des relevés récapitulatifs des congés pour raison de maladie ou d’accident portant sur les trois dernières années.

9        La CP no 39/08 comportait en outre une note explicative sur les modalités de l’exercice de promotion 2008 et notamment sur l’incidence des règles du nouveau statut. Il y était mentionné que l’AIPN avait décidé de prévoir des commissions consultatives de promotion distinctes pour les fonctionnaires du groupe de fonctions des assistants (AST) selon que leur parcours de carrière autorisait des promotions jusqu’au grade 5, 7 ou 11.

10      Par communication au personnel no 35/08 du 3 mars 2008, le secrétaire général adjoint du Conseil a porté à la connaissance du personnel du Conseil les orientations données aux notateurs pour l’exercice de notation concernant la période comprise entre le 1er juillet 2006 et le 31 décembre 2007 (ci-après la « CP no 35/08 »). L’auteur y indiquait notamment :

« À l’occasion du lancement de cet exercice de notation, je tiens à féliciter les services qui, au cours de l’exercice de notation précédent, ont respecté les orientations reprises dans mon message du 8 novembre 2006[…]. Malheureusement, j’ai dû constater une nouvelle fois que, lors de ce dernier exercice, ces orientations n’ont pas été respectées uniformément au sein du [s]ecrétariat général. Une telle situation nuit à la comparabilité des rapports de notation et peut conduire à des inégalités de traitement, notamment dans le cadre de la promotion et des procédures d’attestation, de certification et d’octroi de la pension immédiate sans réduction. Ce risque d’inégalités rend difficile une gestion efficace et équitable des ressources humaines au [secrétariat général du Conseil]. »

11      Par communication au personnel no 76/08 du 29 avril 2008, le secrétaire général adjoint du Conseil a publié la liste des fonctionnaires du groupe de fonctions AST et relevant du parcours de carrière AST 1 à AST 7 proposés pour une promotion au grade supérieur au titre de l’exercice de promotion 2008 par la commission consultative de promotion compétente pour les fonctionnaires relevant de ce parcours de carrière, liste établie par grade. À la fin de la communication, il était indiqué qu’il avait décidé, en tant qu’AIPN, de suivre la proposition de ladite commission, laquelle ne comportait pas la promotion du requérant au grade AST 7.

12      Le 24 juillet 2008, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de l’AIPN de ne pas le promouvoir au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2008 et, pour autant que besoin, contre les décisions de promouvoir à ce grade des fonctionnaires moins méritants.

13      Par décision du 21 novembre 2008, réceptionnée par le requérant le 26 novembre suivant, l’AIPN a rejeté la réclamation.

 Conclusions des parties et procédure

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AIPN de ne pas le promouvoir au grade AST 7 pour l’exercice de promotion 2008 ;

–        annuler, « pour autant que de besoin », les décisions de promouvoir au grade AST 7 des fonctionnaires moins méritants ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

15      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant à l’ensemble des dépens.

16      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 20 avril 2010, la procédure dans la présente affaire a été suspendue dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice jusqu’au prononcé des décisions du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire Bouillez e.a./Conseil, enregistrée sous la référence F‑53/08, et dans l’affaire Almeida Campos e.a./Conseil, enregistrée sous la référence F‑14/09.

17      Suite aux arrêts du Tribunal mettant fin à l’instance dans les affaires F‑53/08 et F‑14/09, prononcés respectivement le 5 mai 2010 et le 15 décembre 2010, la reprise de la procédure dans la présente affaire a été signifiée aux parties le 15 décembre 2010. Celles-ci ont présenté leurs observations sur les conséquences pour la présente affaire des arrêts susmentionnés par lettres respectives du 19 janvier 2011.

18      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 11 avril 2011, la présente affaire a été jointe, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice à l’affaire Merhzaoui/Conseil, enregistrée sous la référence F‑18/09, aux fins de la procédure orale.

 En droit

19      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève, en substance, trois moyens qui doivent être compris, eu égard à ses écrits, comme étant tirés :

–        le premier, de la violation de l’article 45 du statut, de la violation du principe de bonne administration, de la violation du principe d’égalité de traitement et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ;

–        le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation ;

–        le troisième, de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du statut.

 Sur la recevabilité des moyens et des griefs soulevés par le requérant

20      Le Conseil soulève, à titre liminaire, une exception d’irrecevabilité à l’égard, d’une part, du grief, présenté dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et, d’autre part, du troisième moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du statut, au motif que le requérant ne développerait pas ce grief et ce moyen.

21      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir l’exposé des moyens et arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations.

22      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un grief soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même.

23      Il en est d’autant plus ainsi que, selon l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la phase écrite de la procédure devant le Tribunal ne comporte, en principe, qu’un seul échange de mémoires, sauf décision contraire du Tribunal. Cette particularité de la procédure devant le Tribunal explique que, à la différence de ce qui est prévu devant la Cour ou le Tribunal de l’Union européenne par l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, l’exposé des moyens et arguments dans la requête ne saurait être sommaire (arrêt du Tribunal du 9 mars 2010, N/Parlement, F‑26/09, point 70).

24      En l’espèce, il ressort des écrits du requérant que, pour soutenir l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, ce dernier allègue que les orientations données aux notateurs par le secrétaire général adjoint du Conseil n’ont pas été suivies uniformément au sein du secrétariat général, ce dont témoignerait la CP no 35/08. Cependant, le requérant ne précise pas laquelle de ces orientations n’aurait pas été respectée par les notateurs. Or, il n’appartient pas au juge de dégager de la CP no 35/08 les arguments susceptibles de constituer le fondement du grief tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement.

25      En outre, ledit grief concerne le rapport de notation du requérant établi pour la période allant du 1er janvier 2005 au 30 juin 2006 et non la décision de ne pas le promouvoir au titre de l’exercice de promotion 2008. Or, il ne ressort pas du dossier que le requérant ait contesté ce rapport de notation, soit par réclamation, soit, ainsi qu’il était en droit de le faire, en introduisant directement un recours (arrêt de la Cour du 15 mars 1989, Bevan/Commission, 140/87, point 11 ; arrêt du Tribunal de première instance du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T‑547/93, point 163). Au surplus, le présent recours a été introduit après qu’un délai bien supérieur à quatre mois se soit écoulé depuis, non seulement la date de la finalisation du rapport de notation concerné par le grief en cause, à savoir celui établi pour la période du 1er janvier 2005 au 30 juin 2006, mais également depuis la publication de la CP no 35/08, laquelle, selon le requérant, lui aurait permis de se rendre compte de la prétendue illégalité dont serait entaché ledit rapport de notation. En conséquence, le grief présenté dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, doit être rejeté comme irrecevable.

26      En ce qui concerne le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 2, du statut, force est de constater que la requête ne contient aucune argumentation au soutien de ce moyen et que, par suite, celui-ci doit être rejeté comme irrecevable.

27      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que sont uniquement recevables, le premier moyen, en ce qu’il est tiré de la violation de l’article 45 du statut, de la violation du principe de bonne administration et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, et le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 45 du statut, de la violation du principe de bonne administration et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

28      À titre liminaire, il doit être relevé que, au soutien du deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, le requérant présente notamment un grief tenant à ce que l’AIPN n’aurait pas expliqué pourquoi les mérites des fonctionnaires du groupe de fonctions AST de même grade n’ont pas été comparés entre eux par une seule et même commission consultative de promotion. Or, ce grief doit être compris comme étant tiré d’une violation de l’article 45 du statut. Par suite, il convient de l’examiner dans le cadre du premier moyen et de le regarder comme constituant la première branche dudit moyen, étant entendu que la motivation de la décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2008 sera examinée ci-dessous à titre autonome.

29      Dans ce qui est donc une deuxième branche du premier moyen, le requérant soutient que le Conseil a violé l’article 45 du statut et le principe de bonne administration en ne prenant pas les dispositions nécessaires à l’établissement, en temps utile, des rapports de notation de ses fonctionnaires pour la période allant du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2007. En effet, le requérant relève que la commission consultative de promotion et l’AIPN ont procédé à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables sur le seul fondement des rapports de notation portant sur la période allant du 1er janvier 2005 au 30 juin 2006 (ci-après les « rapports de notation 2005/2006 ») sans attendre l’établissement des rapports de notation pour la période allant du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2007 (ci-après les « rapports de notation 2006/2007 »), ni même prendre en considération d’autres éléments susceptibles de refléter le mérite des fonctionnaires promouvables pour cette dernière période. Or, selon le requérant, l’absence de prise en compte par l’AIPN des rapports de notation 2006/2007 l’aurait pénalisé, car si ces derniers avaient été pris en compte lors de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables au titre de l’exercice de promotion 2008, l’AIPN aurait pu prendre en compte le niveau important des responsabilités exercées et l’excellence de ses mérites pendant cette période.

30      Dans une troisième branche du moyen, le requérant soutient que l’administration a pris en compte, à titre principal, le nombre de ses jours d’absence. Or, selon la jurisprudence, le nombre de jours d’absence ne peut être pris en considération que comme critère subsidiaire, pour départager des fonctionnaires promouvables de mérites équivalents. Le requérant ajoute qu’en tout état de cause la prise en compte du nombre de jours d’absence supposait qu’il soit également tenu compte des motifs de ces absences et, notamment, de leur caractère justifié ou non. Or, en l’absence des rapports de notation 2006/2007, l’AIPN ne pouvait pas connaître les raisons des absences des fonctionnaires promouvables.

31      Dans une quatrième branche du moyen, le requérant allègue, en substance, que, lorsque l’AIPN a procédé à l’examen comparatif des mérites prévu à l’article 45 du statut, elle n’a pas tenu compte du niveau des responsabilités exercées. Pour soutenir sa thèse, le requérant se fonde, d’une part, sur la circonstance que la commission consultative de promotion compétente ne disposait d’aucun élément d’information sur les responsabilités qu’il avait exercées entre le 1er juillet 2006 et le 31 décembre 2007, puisque les rapports de notation 2006/2007 n’avaient pas été pris en compte et, d’autre part, sur l’absence d’explication de la part de l’AIPN quant à la manière dont elle a apprécié le niveau des responsabilités exercées.

32      Lors de l’audience, le requérant a soulevé une cinquième branche à son moyen laquelle figurait dans sa réclamation mais non dans sa requête, tirée d’une erreur de droit en ce que, à considérer que l’AIPN ait tenu compte du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables, elle ne l’aurait fait qu’à titre subsidiaire. Or, les termes « le cas échéant » figurant à l’article 45 du statut signifieraient non pas que l’AIPN peut prendre en compte le niveau des responsabilités exercées uniquement à titre accessoire, mais qu’elle doit en tenir compte dès lors qu’un fonctionnaire exerce des responsabilités d’un niveau supérieur au niveau des responsabilités correspondant à son grade.

33      En défense, le Conseil estime que la première branche du moyen est irrecevable au motif qu’elle n’aurait pas été soulevée dans la réclamation. À titre subsidiaire, le Conseil fait observer que l’article 10 de l’annexe XIII du statut prévoit des parcours de carrière différents pour les fonctionnaires des anciennes catégories C et D non attestés, ce qui justifie que les fonctionnaires relevant de ces deux anciennes catégories soient comparés séparément. En outre, selon le Conseil, un examen comparatif des mérites de l’ensemble des fonctionnaires du groupe de fonctions AST aurait eu pour effet d’annihiler l’effet utile des différents taux de promotion prévus pour chacun des grades au sein de ce groupe de fonctions par l’annexe I, point B, du statut et l’article 10 de l’annexe XIII du statut.

34      Pour le Conseil, la deuxième branche du moyen est également irrecevable au motif qu’un fonctionnaire n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et, dès lors, ne peut faire valoir à l’appui d’un moyen en annulation que des griefs qui lui sont personnels. Or, en l’espèce, la décision de l’AIPN de baser l’exercice de promotion 2008 sur les rapports de notation 2005/2006, sans attendre que soient établis les rapports de notation 2006/2007, aurait concerné, de façon non discriminatoire, l’ensemble du personnel du secrétariat général. En conséquence, cette décision ne ferait pas personnellement grief au requérant et ne pourrait donc pas être invoquée au soutien de la deuxième branche du premier moyen.

35      À titre subsidiaire, le Conseil estime qu’aucune règle ne lui imposait, dans la perspective d’adopter les décisions de promotion au titre de l’exercice 2008, d’établir les rapports de notation 2006/2007 afin de pouvoir tenir compte des 18 derniers mois précédant l’exercice de promotion. En outre, il fait valoir que l’article 43 du statut admet que les rapports de notation ne soient établis que tous les deux ans. Le Conseil ayant décidé d’établir des rapports de notation tous les 18 mois et l’exercice de promotion étant, quant à lui, annuel, il serait inévitable qu’à un moment donné les mêmes rapports de notation soient pris en compte pour deux exercices de promotion consécutifs.

36      En tout état de cause, le Conseil fait valoir qu’attendre l’achèvement complet de l’exercice de notation 2006/2007 l’aurait conduit, soit à retarder considérablement l’exercice de promotion 2008, soit à prendre le risque de ne pas recueillir tous les rapports de notation 2006/2007 en temps utile. Dans cette dernière hypothèse, les commissions consultatives de promotion auraient été dans l’impossibilité de comparer les mérites des fonctionnaires promouvables sur une base égalitaire. Aussi, en décidant de fonder l’exercice de promotion 2008 sur les rapports de notation 2005/2006, le Conseil estime que l’AIPN a agi dans les limites de ses pouvoirs et en conformité avec le principe de bonne administration.

37      Quant au grief du requérant selon lequel l’AIPN n’aurait pas tenu compte des responsabilités qu’il avait exercées puisque celles-ci figuraient dans son rapport de notation 2006/2007, le Conseil fait valoir que les responsabilités exercées par le requérant en tant que « responsable opérationnel du [s]ervice [‘]Dossiers[’] », dont il se prévaut, étaient déjà mentionnées dans son rapport de notation 2005/2006. De plus, le Conseil soutient que, même si les responsabilités exercées par le requérant au cours de la période de référence des rapports de notation 2006/2007 avaient été prises en compte, cette prise en compte n’aurait pas automatiquement entraîné la promotion du requérant, une promotion étant toujours décidée au terme d’un examen comparatif.

38      S’agissant de la troisième branche du moyen, le Conseil considère que rien ne permet d’affirmer que, comme le soutient le requérant, ses absences auraient été prises en compte à titre principal pour décider de sa non-promotion. En effet, s’il ressort de la CP no 39/08 que la commission consultative de promotion disposait des relevés récapitulatifs des congés pour raison de maladie ou d’accident portant sur les trois dernières années, le Conseil affirme que ladite commission a uniquement tenu compte de ces informations pour départager les fonctionnaires promouvables ayant fait preuve d’un mérite équivalent. Or, dans le cas du requérant, il n’a pas été nécessaire de recourir à ce critère subsidiaire, les fonctionnaires promus étant tous plus méritants que lui.

39      En ce qui concerne la quatrième branche du moyen, le Conseil fait observer qu’il ressort clairement de la réponse à la réclamation que le niveau des responsabilités a été pris en compte lors de l’examen comparatif des mérites ; en outre, aucun élément du dossier ne démontrerait que le requérant aurait exercé des responsabilités d’un niveau supérieur à celui des responsabilités exercées par d’autres fonctionnaires du même grade que lui.

40      Enfin, au sujet de la cinquième branche du moyen, soulevée à l’audience, le Conseil conteste que le niveau des responsabilités exercées n’ait pas été pris en compte à titre principal par l’AIPN.

 Appréciation du Tribunal

41      S’agissant de la recevabilité de la première branche du premier moyen, il doit être rappelé que la règle de la concordance, sur laquelle le Conseil fonde son argumentation, ne saurait intervenir que dans l’hypothèse où la requête modifie l’objet du litige, tel que présenté dans la réclamation, ou sa cause, cette dernière notion de « cause » du litige étant à interpréter au sens large. S’agissant de conclusions en annulation, telles que celles dirigées contre la décision du Conseil de ne pas promouvoir le requérant, il convient d’entendre par « cause du litige », la contestation de la légalité interne de l’acte attaqué ou, alternativement, la contestation de sa légalité externe (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement, F‑45/07, point 119). Or, en l’espèce, dans sa réclamation, le requérant a soulevé au moins un moyen visant à contester la légalité interne de la décision de non-promotion le concernant, puisqu’il s’est notamment prévalu de ce que le niveau des responsabilités effectivement exercées n’avait été appliqué comme critère de promotion qu’à titre subsidiaire, légalité interne dont relève le présent grief tiré d’une violation de l’article 45 du statut. L’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil doit donc être rejetée.

42      Sur le fond de la première branche du premier moyen, il convient de relever que, s’agissant des fonctionnaires du groupe de fonctions AST, l’article 10 de l’annexe XIII du statut prévoit des taux multiplicateurs de référence pour déterminer le nombre d’emplois vacants pour chaque grade, lesquels diffèrent selon que les différents parcours de carrière. Ainsi, s’agissant des fonctionnaires de grade AST 6, grade du requérant, le taux multiplicateur de référence applicable au 1er janvier 2008 est de 25% pour ceux qui relèvent du parcours de carrière allant jusqu’au grade AST 11 (sans restriction), alors qu’il n’est que de 10 % pour ceux qui relèvent du parcours de carrière ne permettant des promotions que jusqu’au grade AST 7. L’administration devant se conformer à ces taux, c’est à bon droit que l’AIPN a uniquement comparé entre eux les mérites des fonctionnaires du groupe de fonctions AST relevant du même parcours de carrière.

43      À cet égard la comparaison, pour les besoins de l’exercice de promotion, des fonctionnaires du groupe de fonctions AST par parcours de carrière ne méconnaît pas l’article 45 du statut, lequel impose un examen comparatif de l’ensemble des fonctionnaires promouvables, dès lors que l’article 10 de l’annexe XIII du statut déroge, en tant que loi spéciale, aux dispositions générales du statut (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, point 107 confirmant l’arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T‑58/05, point 129).

44      En conséquence, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

45      En ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen, il doit être relevé que, si, selon une jurisprudence constante, le rapport de notation constitue un élément indispensable d’appréciation chaque fois que la carrière d’un fonctionnaire est prise en considération en vue de l’adoption d’une décision concernant sa promotion (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C‑68/91, point 16), l’article 43 du statut n’impose l’établissement d’un rapport de notation que tous les deux ans. Dès lors que le statut ne prévoit pas que l’exercice de promotion doit avoir la même périodicité que l’exercice de notation, force est de constater que le statut n’exclut pas qu’une promotion soit décidée sans que l’AIPN ne dispose d’un rapport de notation récent.

46      Certes, par la deuxième branche du premier moyen, ce dont le requérant fait grief à l’administration n’est pas tant d’avoir omis de tenir compte d’une période travaillée pour décider des promotions mais de ne pas avoir retardé l’exercice de promotion afin de disposer du rapport de notation portant sur une période d’évaluation close et précédant immédiatement l’exercice de promotion. Néanmoins, compte tenu de ce que ni le statut ni les règles internes au Conseil n’imposent de synchronisation entre les exercices de notation et de promotion et que l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour organiser la procédure de promotion, il y a lieu de considérer que, même s’il aurait été souhaitable que l’administration s’efforce de disposer des rapports de notation 2006/2007 pour l’exercice de promotion 2008, l’absence de prise en compte, à titre exceptionnel, desdits rapports ne constitue pas une illégalité, particulièrement lorsque, comme en l’espèce, l’ensemble des fonctionnaires promouvables ont été traités de façon identique.

47      Il en est d’autant plus ainsi que, selon la jurisprudence, le fait pour l’AIPN de ne pas disposer du rapport de notation le plus récent d’un des candidats, lorsqu’elle procède à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, n’est pas susceptible d’entacher la procédure de promotion d’une irrégularité lorsque cette absence de rapport de notation définitif est due au déroulement normal de la procédure de notation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 15 novembre 2001, Sebastiani/Commission, T‑194/99, points 45, 46 et 49).

48      Enfin, s’il fallait considérer que le requérant soulève l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que l’administration aurait mal apprécié son niveau de responsabilités pour la période à compter du 1er décembre 2007, faute d’avoir eu à sa disposition son rapport de notation 2006/2007, il y aurait lieu de rejeter ce grief. En effet, dès lors que, à titre exceptionnel, l’AIPN peut baser un exercice de promotion sur des rapports établis pour une période expirant, comme en l’espèce, environ 19 mois avant la date de lancement de l’exercice de promotion en question, il doit être admis qu’elle est en droit d’apprécier les autres critères de l’article 45 du statut en se référant uniquement à cette même période.

49      Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

50      Au sujet de la troisième branche du moyen, il convient de rappeler que, compte tenu du nombre réduit de postes budgétaires disponibles, une institution peut, dans le cadre de l’exercice de promotion, légalement prendre en considération, à titre subsidiaire, la période d’activité effective d’un fonctionnaire et promouvoir par priorité, tous autres mérites étant égaux, d’autres fonctionnaires ayant assuré une exécution objectivement plus suivie de leurs prestations, et ainsi servi, dans une mesure nettement plus large que l’intéressé, la continuité et, partant, l’intérêt du service au cours de la période de référence (voir, arrêt du Tribunal de première instance du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, points 76 et 77).

51      En l’espèce, s’il ressort de la CP no 39/08 que la commission consultative de promotion disposait des relevés récapitulatifs des congés pour raison de maladie ou d’accident portant sur les trois dernières années des fonctionnaires promouvables, cette indication ne signifie pas nécessairement que le nombre de jours de congé pour raison de maladie ou d’accident ait été pris en compte, à titre principal, lors de l’examen comparatif des mérites. De surcroît, il a été expressément indiqué dans la réponse à la réclamation que la décision de non-promotion du requérant tenait à ce que ces fonctionnaires étaient plus méritants que celui-ci ; or, le requérant n’apporte aucun indice qui permettrait de douter de la véracité de cette affirmation.

52      En conséquence, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen sans qu’il soit besoin d’examiner si, comme le soutient le requérant, l’administration a l’obligation, dans le cadre de l’examen comparatif en vue de la promotion, de tenir compte non seulement du nombre mais également des raisons des absences d’un fonctionnaire et si, en l’espèce, cette prétendue obligation a été respectée.

53      À titre surabondant, au sujet plus spécifiquement de l’allégation selon laquelle l’administration devait prendre en compte les raisons des absences des fonctionnaires, force est de constater que cette allégation manque en droit puisque la jurisprudence mentionnée au point 51 du présent arrêt, concernant la prise en compte des jours de congé dans le cadre de l’exercice de promotion, ne prévoit pas que l’administration doive tenir compte différemment du nombre des jours de congé en fonction des motifs de ces absences. En outre, il ressort de la CP no 39/08 que les commissions consultatives de promotion disposaient d’un relevé récapitulatif des jours de congé pour raison de maladie ou d’accident, ce qui pouvait leur permettre de tenir compte du caractère justifié ou non des absences.

54      Concernant la quatrième branche du moyen, relative au niveau des responsabilités exercées, il ne ressort pas clairement des écrits du requérant si ce dernier soutient que, pour tous les promouvables, le niveau des responsabilités exercées n’aurait pas été pris en compte quelle que soit la période de référence, ou s’il se limite à prétendre que seul le niveau des responsabilités exercées durant la période 2006/2007 n’aurait pas été pris en compte ou s’il prétend que l’AIPN aurait commis à son égard une erreur manifeste d’appréciation en sous-évaluant le niveau des responsabilités qu’il a exercées durant la période 2006/2007, voire, plus généralement, depuis sa dernière promotion.

55      En tout état de cause, force est de constater que la quatrième branche du moyen, quel qu’en soit le contenu donné par le requérant, n’est pas fondée. En effet, dans la mesure où le requérant prétendrait que, pour décider des promotions, l’AIPN aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires concernés, il convient de souligner que, dans la réponse à la réclamation, l’AIPN a expressément indiqué que la commission consultative de promotion avait bien tenu compte de tous les éléments pertinents et notamment, le cas échéant, du niveau des responsabilités exercées et que cela est confirmé dans le mémoire en défense, où il est expressément dit qu’il a été tenu compte des responsabilités exercées par le requérant en qualité de « responsable opérationnel du service [‘]Dossiers[’] » durant la période couverte par le rapport de notation 2005/006. Or, le requérant n’a pas démontré, à suffisance de droit, que ces allégations sont inexactes.

56      Dans la mesure où le requérant affirmerait que l’AIPN aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires concernés pendant la période allant du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2007, la quatrième branche du moyen devrait également être rejetée comme manquant en droit. En effet, comme il a été constaté au point 53 du présent arrêt, l’AIPN peut, pour décider des promotions, se contenter, à titre exceptionnel, d’apprécier le niveau des responsabilités exercées au regard de la période correspondant au dernier rapport de notation pris en compte, et ce même lorsque ce rapport de notation a été établi pour une période expirant un an ou un an et demi avant la date de lancement de l’exercice de promotion en question.

57      Dans l’hypothèse, enfin, où le requérant invoquerait une erreur manifeste d’appréciation au sujet des responsabilités qu’il a personnellement exercées depuis sa dernière promotion, la cinquième branche du moyen serait néanmoins à rejeter, dès lors que les responsabilités dont le requérant se prévaut, à savoir celles de « responsable opérationnel du [s]ervice [‘]Dossiers[’] », étaient déjà mentionnées dans le rapport de notation 2005/2006 et que, partant, l’AIPN a pu en tenir compte.

58      Enfin, au sujet de la cinquième et dernière branche du moyen, soulevée dans la réclamation et en cours d’audience mais qui ne figurait pas dans la requête, tirée de ce que l’AIPN aurait uniquement tenu compte à titre subsidiaire du niveau des responsabilités exercées, il doit être rappelé que l’article 43 du règlement de procédure interdit, en principe, la production de moyens nouveaux, et donc de nouveaux griefs, après le premier échange de mémoires, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Or, en l’espèce, l’absence de prise en compte du niveau de ses responsabilités a été évoquée par le requérant dans sa requête, ce grief constituant la quatrième branche du présent moyen. En conséquence, la cinquième branche du premier moyen doit être considérée comme recevable, car présentant un lien étroit avec l’un des moyens soulevés dans la requête.

59      Sur le fond de la cinquième branche du premier moyen, il y a lieu de relever que, contrairement aux faits de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt Bouillez e.a./Conseil, précité, auquel le requérant se réfère et qui concernaient l’exercice de promotion 2007, il ne ressort pas des pièces du dossier que, lors de l’exercice de promotion 2008, l’AIPN aurait tenu compte du niveau des responsabilités exerçées par les fonctionnaires promouvables uniquement à titre subsidiaire. Au contraire, le rejet de la réclamation fait état de ce que « [l]es rapports de notation des fonctionnaires promouvables, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), du statut ainsi que, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées, ont constitué des éléments déterminants dans l’examen [par l’AIPN] des mérites aux fins de la promotion », et de ce que les critères subsidiaires, sans examiner leur régularité, ont été uniquement l’ancienneté dans le grade ou dans le service ainsi que l’âge.

60      Par suite, il convient de rejeter la cinquième branche du moyen comme n’étant pas fondée.

61      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

62      Le requérant fait grief à l’AIPN de ne pas avoir expliqué pourquoi les mérites de fonctionnaires relevant du groupe de fonctions AST et ayant le même grade n’ont pas été comparés entre eux par une seule et même commission consultative de promotion et comment elle a ensuite comparé les mérites de tous ces fonctionnaires. Le requérant reproche en outre à l’AIPN de ne pas avoir fourni d’explication quant à la manière dont elle a pris en compte le niveau des responsabilités exercées et dont elle a fait application de l’article 6, paragraphe 2, du statut, relatif au nombre d’emplois vacants pour chaque grade.

63      Le Conseil affirme que le moyen est irrecevable, faute d’avoir été soulevé dans la réclamation. En tout état de cause, le Conseil estime que la décision de non-promotion attaquée est suffisamment motivée.

  Appréciation du Tribunal

64      En premier lieu, il suffit de relever, pour écarter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, que, dans sa réclamation, le requérant a abordé la question de la motivation de la décision de ne pas le promouvoir au titre de l’exercice de promotion 2008, puisque, outre le fait qu’il a formellement soulevé un moyen à ce sujet, le requérant y indique expressément faire grief à l’administration de ne pas avoir précisé les critères utilisés pour procéder à la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables.

65      L’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil doit d’autant plus être rejetée qu’il est de jurisprudence constante qu’un défaut de motivation constitue un moyen d’ordre public qui peut, en tout état de cause, être examiné d’office par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, point 24 ; arrêt du Tribunal de première instance du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, point 31). Il s’ensuit qu’un tel moyen ne saurait être jugé irrecevable au motif qu’il n’a pas été soulevé dans la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2008, Skareby/Commission, F‑46/06, point 96).

66      Sur le fond du moyen soulevé, il y a lieu de souligner que, si l’AIPN n’est pas tenue de faire figurer dans les décisions de non-promotion, la motivation de ces décisions, elle est, en revanche, tenue d’apporter cette motivation au stade du rejet de la réclamation d’un candidat non promu (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Barbin/Parlement, F‑81/07, point 27).

67      De plus, il doit être précisé que l’obligation de motivation suppose que le destinataire d’une décision faisant grief soit mis à même de comprendre, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’administration. Ainsi, l’administration est tenue, en fonction de ces circonstances, de fournir à l’intéressé des éléments d’information spécifiques à son cas, sans pouvoir se contenter de considérations générales ou d’une simple référence à la régularité de la procédure suivie, étant rappelé qu’en tout état de cause, les pures clauses de style et les énonciations abstraites, dépourvues de lien direct avec les détails de l’affaire, ne satisfont pas aux exigences de motivation (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 1er mars 2005, Smit/Europol, T‑143/03, points 37 et 38).

68      En l’espèce, force est de constater que les explications fournies par le Conseil dans le rejet de la réclamation au sujet des raisons ayant conduit l’AIPN a adopter la décision de ne pas promouvoir le requérant sont stéréotypées puisqu’elles se limitent à l’affirmation selon laquelle la décision de ne pas promouvoir le requérant satisfait aux conditions légales pour le motif qu’« il ressort d’un examen comparatif des appréciations analytiques et d’ordre général des rapports de notation, des connaissances et des niveaux de responsabilités que les mérites des fonctionnaires proposés pour la promotion pouvaient être considérés comme supérieurs [à ceux du requérant] ».

69      Pour autant, la décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AST 7 au titre de l’exercice de promotion 2008 ne saurait être annulée pour violation de l’obligation de motivation. En effet, il convient de rappeler que, si l’obligation de motivation a pour but de permettre au destinataire de l’acte d’en apprécier le bien-fondé et, par suite, l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, à ce dernier, de pouvoir exercer son contrôle sur la légalité dudit acte (voir, arrêt du Tribunal du 10 septembre 2009, Behmer/Parlement, F‑124/07, point 58, et la jurisprudence citée), une décision est suffisamment motivée si elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, susceptible de lui permettre de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, notamment, arrêt du Tribunal 23 novembre 2010, Gheysens/Conseil, F‑8/10, point 63).

70      L’étendue de l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, points 31 et 32 ; du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T‑283/97, point 73, du 25 octobre 2005, Salazar Brier/Commission, T‑83/03, point 78 et du 23 novembre 2006, Lavagnoli/Commission, T‑422/04, point 69). Ainsi, s’agissant de la motivation d’une décision adoptée dans le cadre d’une procédure affectant un grand nombre d’individus, telle une procédure de promotion, il ne saurait être exigé de l’AIPN qu’elle motive sa décision à l’occasion du rejet de la réclamation au-delà des griefs invoqués dans ladite réclamation, en expliquant notamment pour quelles raisons chacun des fonctionnaires promouvables avaient des mérites supérieurs à ceux de l’auteur de la réclamation.

71      En l’espèce, il est constant que, dans sa réclamation, le requérant a soulevé, de façon suffisamment détaillée pour que l’administration en comprenne la portée, le grief tiré de ce que l’AIPN n’a tenu compte que de façon facultative du niveau des responsabilités exercées par chaque fonctionnaire promouvable, le grief tiré de ce que certains fonctionnaires auraient été promus alors que le niveau des responsabilités qu’ils exerçaient était inférieur au niveau des responsabilités exercées par le requérant, ainsi que le grief tiré de ce que le Conseil n’aurait pas pris les dispositions nécessaires à l’établissement, en temps utile, des rapports de notation 2006/2007, ce qui aurait eu pour conséquence que l’AIPN n’aurait pas pu tenir compte de l’excellence de ses mérites et du niveau effectif des responsabilités qu’il a exercées pendant la période allant du 1er juillet 2006 au 31 décembre 2007.

72      Or, le Tribunal estime que le rejet de la réclamation contenait, en réponse sur ces différents points soulevés dans la réclamation, des précisions suffisantes pour permettre au requérant d’apprécier le bien-fondé ou non des griefs qu’il avait présentés et, par suite, l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal. En effet, le rejet de la réclamation mentionnait, comme il a été constaté au point 51 du présent arrêt, que la commission consultative de promotion avait bien tenu compte de tous les éléments pertinents et notamment, le cas échéant, du niveau des responsabilités exercées et, comme il a été relevé au point 64 du présent arrêt, que « [l]es rapports de notation des fonctionnaires promouvables, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), du statut ainsi que, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées, ont constitué des éléments déterminants dans l’examen des mérites aux fins de la promotion », et que les critères subsidiaires ont uniquement été l’ancienneté dans le grade ou dans le service, ainsi que l’âge. En outre, le rejet de la réclamation a notamment rappelé que la CP no 39/08 avait expliqué les raisons du choix de l’AIPN de baser l’exercice de promotion sur les rapports de notation 2005/2006, à savoir qu’« attendre l’achèvement complet de l’exercice de notation 2006/2007, commencé le 22 février 2008 par la publication de la [communication au personnel] no 14/08, aurait conduit l’AIPN à exagérément retarder l’exercice de promotion 2008 et même à prendre le risque de ne pas recueillir tous les rapports de notation [de sorte que, d]ans cette dernière hypothèse, les commissions consultatives de promotion n’auraient pas pu effectuer la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables sur une base égale, en violation du principe d’égalité de traitement et de la jurisprudence ».

73      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

74      Aucun des moyens soulevés n’étant fondé, il convient de rejeter les conclusions en annulation de la décision du Conseil de ne pas promouvoir le requérant au titre de l’exercice de promotion 2008.

75      Le requérant ayant fondé ses conclusions tendant à l’annulation, « pour autant que de besoin », des décisions de promouvoir au grade AST 7 d’autres fonctionnaires supposés moins méritants que lui sur la prémisse que la décision de ne pas le promouvoir serait illégale, il convient, par voie de conséquence, de rejeter lesdites conclusions.

76      Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

78      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, le Conseil a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Juvyns supporte ses dépens et ceux du Conseil de l’Union européenne.

Boruta

Van Raepenbusch

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.