Language of document : ECLI:EU:F:2010:149

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

23 novembre 2010 (*)

«Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance maladie – Maladie grave – Exception d’illégalité des critères fixés par le conseil médical – Rejet de demandes de remboursement de frais médicaux»

Dans l’affaire F‑65/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni (rapporteur), président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier: M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 avril 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 2 juillet 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 6 juillet suivant), M. Marcuccio demande notamment, en premier lieu, l’annulation de la décision du 5 août 2008, prise en exécution de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 juin 2008, Marcuccio/Commission (T‑18/04, non publié au Recueil), par laquelle la Commission des Communautés européennes a rejeté sa demande du 25 novembre 2002 tendant au remboursement à 100 % des frais médicaux exposés en vue de soigner les affections en raison desquelles il est en congé de maladie depuis le 4 janvier 2002, en deuxième lieu, l’annulation de la décision rejetant sa réclamation contre ladite décision, et, en troisième lieu, la condamnation de la Commission à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices qu’il aurait subis du fait de ces décisions.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut»):

«Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions [de l’Union européenne] après avis du comité du statut, le fonctionnaire […] [est] couver[t] contre les risques de maladie. Ce taux est relevé à 85 % pour les prestations suivantes: consultations et visites, interventions chirurgicales, hospitalisation, produits pharmaceutiques, radiologie, analyses, examens de laboratoire et prothèses sur prescription médicale à l’exception des prothèses dentaires. Il est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination, ainsi que pour les examens de dépistage et en cas d’accouchement. Toutefois, les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application de l’article 73.»

3        La procédure de remboursement des frais est énoncée dans la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne, établie en exécution de l’article 72 du statut, dans sa version applicable au présent litige (ci-après la «réglementation de couverture»).

4        En ce qui concerne les demandes de remboursement des frais, l’article 11, paragraphe 2, de la réglementation de couverture dispose:

«Les demandes sont introduites par les affiliés auprès des bureaux liquidateurs au moyen de formulaires unifiés accompagnés de pièces justificatives originales […]»

5        L’article 20 de la réglementation de couverture, intitulé «Bureaux liquidateurs», précise, dans son paragraphe 3, sous a), que chaque bureau liquidateur est chargé de «recevoir et de liquider les demandes de remboursement des frais présentées par les affiliés enregistrés auprès de ce bureau et d’exécuter les paiements y afférents».

6        L’annexe I à la réglementation de couverture («Règles régissant le remboursement de frais médicaux») prévoit, dans son point IV intitulé «Cas spéciaux», ce qui suit, à son paragraphe 1:

«En cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladies mentales et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination, les frais sont remboursés à 100 %.

[…]

Toute demande introduite en vue de la reconnaissance visée au [1er] alinéa doit être adressée au [b]ureau liquidateur, accompagnée du rapport du médecin traitant de l’intéressé.

La décision est prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination ou par le bureau liquidateur compétent s’il a été désigné à cet effet par ladite autorité, après avis du médecin[-]conseil de ce bureau, émis sur la base des critères généraux établis par le [c]onseil médical.

Les remboursements prévus à 100 % ne s’appliquent pas en cas de maladie professionnelle ou d’accident ayant entraîné l’application des dispositions de l’article 73 du [s]tatut».

7        Pour l’application de l’annexe I, point IV, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, le conseil médical du régime commun d’assurance maladie (ci-après le «RCAM») a, au cours de sa réunion tenue à Ispra (Italie) le 17 juin 1999, établi les critères généraux de définition de la notion de maladie grave donnant lieu à un remboursement de 100 %. Sont ainsi considérées comme maladies graves des affections «associan[t] simultanément quoiqu’à des degrés variables», les critères suivants: un pronostic vital défavorable, une évolution chronique, la nécessité de mesures de diagnostic et/ou thérapeutiques lourdes et la présence ou le risque de handicap grave. Le conseil médical a précisé que «sur [la] base de ces critères généraux, un avis médical [devait] être donné au cas par cas, étant donné le continuum qui existe le plus souvent entre des formes bénignes et sévères d’une même affection». Parmi les exemples de maladies considérées comme graves, le conseil médical a notamment mentionné les «psychoses graves».

8        En vertu de l’article 16, paragraphe 2, de la réglementation de couverture, avant de prendre une décision sur une réclamation introduite sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN»)doit demander l’avis du comité de gestion. Le même paragraphe prévoit que le comité de gestion doit se prononcer dans un délai de deux mois et que, à défaut d’avis dans ce délai, l’AIPN peut arrêter sa décision.

 Faits à l’origine du litige

 La demande de remboursement à 100 % et les demandes subséquentes

9        Depuis le 4 janvier 2002, M. Marcuccio, fonctionnaire de la Commission, au sein de la direction générale (DG) «Développement», est en congé de maladie à son domicile de Tricase (Italie). Il a été mis à la retraite pour invalidité par une décision du 30 mai 2005, prise sur le fondement de l’article 78 du statut. Cette décision a été annulée pour insuffisance de motivation, par arrêt du Tribunal du 4 novembre 2008 (Marcuccio/Commission, F‑41/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑20/09 P).

10      Par lettre du 25 novembre 2002, à laquelle était joint un rapport établi le même jour par le docteur U., médecin traitant, contenant une description de la maladie du requérant (un syndrome anxio-dépressif de type réactionnel), ce dernier a demandé «que lui soit accordé le remboursement de 100 % des frais médicaux exposés en vue de soigner les affections en raison desquelles il est en congé de maladie depuis le 4 janvier 2002».

11      Cette demande étant restée sans réponse, de même que la réclamation formée par le requérant contre le rejet implicite de ladite demande, le requérant a saisi le Tribunal de première instance, lequel a annulé ce rejet implicite, pour absence totale de motivation (arrêt du 10 juin 2008, Marcuccio/Commission, précité).

12      Le requérant a, par la suite, présenté d’autres demandes de prise en charge de frais médicaux à 100 %, en se référant chaque fois à sa lettre du 25 novembre 2002, sans autre précision ni pièces justificatives nouvelles relatives à son affection. Les demandes présentées en ce sens par le requérant les 19 mai et 11 octobre 2004 ont fait l’objet de rejets implicites par la Commission, suivies de rejets explicites des réclamations qu’il avait formées.

13      Les recours introduits à l’encontre de ces décisions ont été rejetés comme irrecevables par le Tribunal de première instance, au motif que, en l’absence d’un quelconque élément nouveau venant à l’appui des demandes du requérant, les actes litigieux n’avaient nullement modifié la situation de celui-ci et n’étaient donc pas des actes faisant grief (arrêt du Tribunal de première instance du 9 juillet 2008, Marcuccio/Commission, T‑296/05 et T‑408/05, non publié au Recueil).

14      Le requérant, se référant toujours à la lettre du 25 novembre 2002, a ensuite présenté, d’une part, les demandes des 20 juin et 18 juillet 2005, qui ont été rejetées implicitement par la Commission, et, d’autre part, la demande du 31 mars 2006, qui a été rejetée, explicitement cette fois, par la Commission.

15      Ces décisions de rejet ont été contestées par le requérant devant le Tribunal dans deux recours, enregistrés sous les références F‑84/06 et F‑20/07. Le Tribunal a considéré que ces deux affaires devaient être regardées comme ayant le même objet que l’affaire T‑18/04 et les affaires jointes T‑296/05 et T‑408/05, alors pendantes devant le Tribunal de première instance, au sens de l’article 8, paragraphe 3, deuxième alinéa, de l’annexe I du statut de la Cour de justice et qu’il devait décliner sa compétence au profit du Tribunal de première instance (ordonnances du 19 décembre 2007, Marcuccio/Commission, F‑20/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, et Marcuccio/Commission, F‑84/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000). Les recours dans les affaires F‑84/06 et F‑20/07 ainsi renvoyés devant le Tribunal de première instance ont été enregistrés respectivement sous les références T‑144/08 et T‑143/08. Ces deux recours ont été rejetés comme irrecevables pour les mêmes raisons que celles retenues dans l’arrêt du 9 juillet 2008, Marcuccio/Commission, précité (ordonnances du Tribunal de première instance du 9 septembre 2008, Marcuccio/Commission, T‑143/08, RecFP p. I‑A‑2‑0000 et II‑A‑2‑0000, et Marcuccio/Commission, T‑144/08, RecFP p. I‑A‑2‑0000 et II‑A‑2‑0000).

16      Par ailleurs, par une note du 11 octobre 2005, le requérant a fait valoir qu’il était atteint d’une autre pathologie que celle mentionnée dans sa demande du 25 novembre 2002, à savoir une obésité, et a également sollicité la reconnaissance de ce trouble comme maladie grave ouvrant droit à un remboursement à 100 % des frais exposés. La Commission a successivement rejeté cette demande puis la réclamation formée par le requérant à l’encontre de cette décision de rejet. Le recours introduit par le requérant devant le Tribunal à l’encontre de ces deux décisions de rejet a été rejeté comme manifestement irrecevable (ordonnance du Tribunal du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission, F‑18/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000).

 Les suites de l’arrêt du 10 juin 2008, Marcuccio/Commission, précité

17      En exécution de l’arrêt susmentionné, lequel a annulé le rejet implicite de la demande du 25 novembre 2002, le bureau liquidateur d’Ispra, compétent à l’époque pour connaître du dossier du requérant, a examiné ladite demande.

18      La demande du 25 novembre 2002 a été rejetée par le chef du bureau liquidateur, par une note du 1er août 2008, rendue sur la base de l’avis du médecin-conseil, au motif que «la pathologie invoquée ne répond[ait] pas aux [quatre] critères de maladie grave (pas de risque vital ni de traitement lourd)». Le requérant affirme dans son recours que cette note ne lui a pas été notifiée et qu’il en ignore totalement les références et le contenu, à l’exception des informations qui ont été portées à sa connaissance ultérieurement dans la réponse à sa réclamation.

19      Par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception datée du 5 août 2008 (ci-après la «note du 5 août 2008»), dont le requérant a accusé réception le 3 septembre 2008, portant la mention: «Objet: arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2008 (affaire T‑18/04)», le chef du bureau liquidateur a informé le requérant qu’il rejetait la demande du 25 novembre 2002, en précisant que cette décision de refus était adoptée en exécution de l’arrêt rendu dans l’affaire T‑18/04 et sur la base de l’avis défavorable du médecin-conseil (ci-après l'«avis du médecin-conseil»).

20      Par lettre du 1er novembre 2008, le requérant a formé une réclamation à l’encontre de la note du 5 août 2008 et de la «décision y contenue».

21      Avant de prendre une décision sur cette réclamation, l’AIPN a, conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la réglementation commune, demandé l’avis du comité de gestion du RCAM. Ce dernier, réuni les 21 et 22 janvier 2009, faute de majorité requise par son règlement intérieur pour adopter un avis, n’a pas émis d’avis.

22      L’AIPN a, en conséquence, arrêté seule sa décision sur la réclamation et l’a rejetée, par décision du 4 mars 2009 (ci-après la «note du 4 mars 2009»), qui a été envoyée au requérant et reçue par celui-ci le 23 mars 2009 en langue française et le 24 avril 2009 en langue italienne.

 Procédure et conclusions des parties

23      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision, quelle qu’en ait été la forme, par laquelle la Commission a rejeté sa demande du 25 novembre 2002, et, pour autant que nécessaire, la non-application au présent litige en vertu de l’article 241 CE, de l’article 72 du statut, de la réglementation de couverture et de l’avis du médecin-conseil;

–        annuler l’avis du médecin-conseil mentionné au quatrième paragraphe, de la quatrième page de la note du 4 mars 2009;

–        annuler la note du 5 août 2008;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision, quelle qu’en ait été la forme, de rejet de la réclamation et la note du 4 mars 2009;

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 25 000 euros, en réparation des préjudices résultant des actes dont l’annulation est demandée par le présent recours, ou toute somme supérieure ou inférieure que le Tribunal considèrera juste et équitable à ce titre;

–        ordonner l’exécution d’une expertise d’office et procéder, éventuellement au moyen d’une commission rogatoire, à l’audition comme témoins de sa mère, de son frère et du docteur U.;

–        condamner la Commission à lui rembourser l’intégralité des dépens de la procédure, y compris ceux relatifs à la rédaction d’un rapport d’expertise éventuellement effectuée aux frais du requérant et d’un rapport d’expertise ordonnée d’office par le Tribunal.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours comme dénué de fondement;

–        condamner le requérant aux dépens au sens de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

25      Dans le rapport préparatoire d’audience, le juge rapporteur a invité la Commission à produire plusieurs documents avant le 26 mars 2010, notamment l'avis du médecin-conseil. La Commission a déféré à cette demande en produisant les documents sollicités dans le délai imparti, à l'exception de l'avis du médecin-conseil.

26      Les parties ont été entendues dans leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 14 avril 2010. Avant le début de l'audience, la Commission a déposé un nouveau document qui matérialiserait l'avis du médecin-conseil, que ce dernier aurait émis le 30 juillet 2008. Le requérant a reçu copie de ce document. Lors de l'audience, le requérant ne s'est pas formellement opposé à la recevabilité de ce document en raison du caractère tardif de sa communication, en précisant que cette tardiveté ne lui «posait pas problème», mais a allégué que ce document ne devrait pas être pris en considération par le Tribunal. Selon le requérant, en effet, ce document ne serait qu'une reproduction, ne serait pas signé et ne permettrait pas d'établir à quelle date l'avis du médecin-conseil a été émis, de sorte qu'il serait, pour ces raisons de forme, inutilisable et irrecevable. À l'issue de l'audience, la procédure orale a été clôturée et l'affaire a été mise en délibéré.

27      Par lettre du 22 juillet 2010, le requérant a contesté la recevabilité du document produit par la Commission lors de l'audience, au motif qu'il aurait été tardivement déposé.

28      Estimant que ledit document était susceptible d’être pertinent pour l’examen du bien fondé des conclusions du requérant, le Tribunal a, par ordonnance du 23 septembre 2010, conformément à l'article 52, deuxième alinéa, du règlement de procédure, rouvert la procédure orale, versé au dossier la lettre du requérant datée du 22 juillet 2010 et invité la Commission à présenter ses observations sur cette lettre.

29      Par lettre du 14 octobre 2010, la Commission a présenté ses observations sur la lettre du requérant.

30      Par lettre du 13 octobre 2010, le requérant a demandé au Tribunal l'autorisation de présenter ses observations sur le document déposé par la Commission à l'audience, dans l'hypothèse où ce document serait jugé recevable par le Tribunal. Le requérant estimait en effet n'avoir pas été mis en mesure d'exercer pleinement ses droits de la défense, ce document n'ayant été déposé qu'avant le début de l'audience et ne lui ayant alors pas été communiqué.

31      Par lettres du 8 novembre 2010, le Tribunal a informé les parties du versement dudit document au dossier et du rejet de la demande formulée par le requérant dans sa lettre du 13 octobre 2010. En effet, lors de l'audience, le requérant a été en mesure de présenter des observations précises sur le contenu du document en cause. Par ladite lettre, les parties ont également été avisées de la clôture de la procédure orale.

 En droit

 Sur la recevabilité du document produit par la Commission le jour de l’audience

32      Avant l’ouverture de l’audience, la Commission a produit copie d’un document constituant, selon elle, le seul support formel de l’avis litigieux du médecin-conseil. Ce document, qui a été communiqué au requérant avant l’audience, se présente sous la forme d’une capture d’écran («print screen») extraite du logiciel informatique utilisé par les médecins-conseils du RCAM pour émettre leurs avis. Sur ce document apparaissent notamment le nom du médecin-conseil, le docteur S., la date de l’avis litigieux, le 30 juillet 2008, la teneur défavorable et les motifs de l’avis émis par ce praticien selon lequel «la pathologie ne répond pas aux [quatre] critères de maladie grave (pas de risque vital ni de traitement lourd)».

33      Contrairement à ce qu’a soutenu le requérant dans sa lettre du 22 juillet 2010, la production de ce document le jour de l’audience ne le rend pas irrecevable de ce seul fait.

34      En effet, s’il est vrai que ce document a été déposé après le 26 mars 2010, date d’expiration du délai qui avait été imparti à la Commission, il a été communiqué en réponse à la demande de documents formulée par le juge rapporteur dans le rapport préparatoire d’audience. La Commission relève à juste titre, dans sa lettre du 14 octobre 2010, que ce document ne constitue pas une offre de preuve qu'elle aurait produite de sa propre initiative. En outre, ce retard peut s’expliquer par les conditions particulières d’émission d’un tel avis dans le logiciel susmentionné. Par ailleurs, le requérant a été informé par le rapport préparatoire d’audience de la demande du juge rapporteur et a pu présenter ses observations sur ce document lors de l’audience, tant sur les conditions de dépôt de ce document que sur son contenu et sa forme. Le requérant a, lors de l'audience, précisé que le document ne serait pas irrecevable en raison de son dépôt tardif mais en raison du fait qu'il ne constituerait pas un document officiel, respectueux des formes exigées de tout acte administratif. Enfin, le requérant n’a soutenu que les conditions de dépôt dudit document auraient affecté ses droits procéduraux que dans ses lettres du 22 juillet et du 13 octobre 2010, bien après l’audience.

35      Ce document est donc bien recevable.

 Sur l’objet du recours

36      En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le chef du bureau liquidateur a statué par deux décisions sur la demande de reconnaissance comme maladie grave de la pathologie invoquée par le requérant: d’une part, dans la note du 1er août 2008, il a refusé cette reconnaissance, sur la base de l’avis du médecin-conseil, au motif que cette pathologie ne répondait pas aux quatre critères de définition d’une maladie grave («pas de risque vital ni de traitement lourd») – le document produit par la Commission à l’audience fait d’ailleurs mention du 1er août 2008 comme date de la décision prise sur la demande du requérant; d’autre part, dans la note du 5 août 2008, le chef du bureau liquidateur a, de nouveau, refusé de reconnaître que la pathologie du requérant était grave, au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut, en se référant aux mêmes critères, tout en précisant, éléments qui n’apparaissaient pas dans la note du 1er août 2008, que cette décision de refus était prise en exécution de l’arrêt du 10 juin 2008, Marcuccio/Commission, précité, et au vu du rapport du docteur U. du 25 novembre 2002. Eu égard à ces derniers éléments, la note du 5 août 2008 constitue bien, comme la note du 1er août 2008, une décision faisant grief, à tout le moins une décision complétant les motifs de la note du 1er août 2008, et ne peut donc être analysée ni comme une décision purement confirmative de la note du 1er août 2008 ni comme une simple lettre de transmission de cette dernière note. En conséquence, et ainsi que la Commission l’a reconnu lors de l’audience, les notes des 1er et 5 août 2008 doivent être regardées comme constituant ensemble la prise de position expresse de la Commission sur la demande du 25 novembre 2002 (ci-après la «décision litigieuse»).

37      Ainsi, les conclusions du requérant, par lesquelles celui-ci demande l’annulation, d’une part, de la décision, quelle qu’en ait été la forme, par laquelle la Commission a rejeté sa demande du 25 novembre 2002, et, d’autre part, de la note du 5 août 2008 doivent être analysées comme dirigées contre la décision litigieuse.

38      En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la note du 4 mars 2009 que celle-ci constitue la réponse de l’AIPN à la réclamation formée le 1er novembre 2008 par le requérant. Ainsi, les conclusions par lesquelles le requérant demande l’annulation, d’une part, de la décision, quelle qu’en ait été la forme, de rejet de la réclamation et, d’autre part, de la note du 4 mars 2009, doivent être interprétées comme visant une seule et même décision à savoir la note du 4 mars 2009 (ci-après la «décision de rejet de la réclamation»).

39      En troisième lieu, si, outre l’annulation de la décision litigieuse, le requérant demande également, en tant que de besoin, l’annulation de la décision de rejet de la réclamation, il convient de constater, au vu de la jurisprudence et de la portée de ladite décision (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8; arrêt du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 13; arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, Ridolfi/Commission, F‑3/09, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 35), que ces dernières conclusions sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome et se confondent en réalité avec celles dirigées contre la décision litigieuse.

40      Il y a lieu, dès lors, de considérer que les conclusions en annulation, hormis celles qui visent l’avis du médecin-conseil qu’il conviendra d’examiner préalablement, sont seulement dirigées contre la décision litigieuse.

 Sur les conclusions dirigées contre l’avis du médecin-conseil

41      Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, seuls font grief les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier (arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Grasselli/Commission, 32/68, Rec. p. 505, points 4 à 7; arrêt du Tribunal de première instance du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 28).

42      Il est également de jurisprudence constante que les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et que ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le fonctionnaire peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés (ordonnance de la Cour du 24 mai 1988, Santarelli/Commission, 78/87 et 220/87, Rec. p. 2699, point 13; ordonnance du Tribunal de première instance du 25 octobre 1996, Lopes/Cour de justice, T‑26/96, RecFP p. I‑A‑487 et II‑1357, point 19). Ainsi si certaines mesures purement préparatoires sont susceptibles de faire grief au fonctionnaire dans la mesure où elles peuvent influencer le contenu d’un acte attaquable ultérieur, ces mesures ne peuvent toutefois pas faire l’objet d’un recours indépendant et doivent être contestées à l’occasion d’un recours dirigé contre cet acte (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 1968, Van Eick/Commission, 35/67, Rec. p. 481, 500).

43      S’agissant d’une procédure menée au titre de l’article 72, paragraphe 1, du statut, visant à la reconnaissance d’une maladie comme une maladie grave au sens de cette disposition, il est constant que, en vertu de la réglementation de couverture, la décision finale est prise par l’AIPN ou par le bureau liquidateur compétent s’il a été désigné à cet effet par ladite autorité, après avis du médecin-conseil de ce bureau. Ce n’est qu’au moment de cette prise de décision et non au moment de l’émission de l’avis du médecin-conseil que la position juridique du fonctionnaire se trouve affectée.

44      L’avis émis par le médecin-conseil doit en conséquence être considéré comme un acte purement préparatoire s’intégrant dans la procédure concernée (voir, par analogie, à propos de l’avis de la commission d’invalidité en matière de mise à la retraite, arrêt du Tribunal de première instance du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, RecFP p. I‑A‑133 et II‑403, points 48 et 49; voir également, à propos de l’avis de la commission médicale en matière de maladie professionnelle, arrêt du Tribunal de première instance du 9 mars 2005, L/Commission, T‑254/02, RecFP p. I‑A‑63 et II‑277, points 121 à 123).

45      Dès lors, pris isolément, l’avis du médecin-conseil n’est pas un acte attaquable. Les conclusions en annulation de cet avis ne sont donc pas recevables.

 Sur les conclusions tendant à la non-application au présent litige, en vertu de l’article 277 TFUE (ex-article 241 CE), de l’article 72 du statut, de la réglementation de couverture et de l’avis du médecin-conseil

 Arguments des parties

46      Le requérant soutient que, à supposer même que la Commission puisse légalement se fonder sur les critères de définition de la maladie grave appliqués dans la décision litigieuse, le Tribunal devrait déclarer ces critères inapplicables. En effet, lesdits critères seraient illogiques, vagues, imprécis et déraisonnables. Premièrement, une maladie facilement diagnostiquée mais incurable ne répondrait pas au critère relatif à la nécessité de mesures de diagnostic ou thérapeutiques lourdes. Deuxièmement, la notion de «mesures de diagnostic ou de traitement thérapeutique lourdes» serait tellement imprécise qu’elle en serait inapplicable. Troisièmement, une maladie aiguë et grave ne pourrait satisfaire au critère relatif au caractère chronique de la pathologie concernée. Quatrièmement, le critère relatif au «pronostic défavorable» serait inapplicable en raison de son caractère général et imprécis et, s’il était analysé comme se référant au pronostic de décès, il serait distinctif non des maladies graves mais des maladies incurables. Cinquièmement, l’existence d’une maladie grave ne devrait pas être appréciée de manière abstraite mais reposer sur l’examen concret de l’état de santé de la personne concernée. Le requérant ajoute, à titre surabondant, que si l’article 72 du statut et la réglementation de couverture étaient interprétés en ce sens que la notion de maladie grave dépend de son caractère purement objectif, indépendamment de la situation de la personne concernée, ces règles devraient être déclarées inapplicables en raison de leur caractère déraisonnable et illogique.

47      La Commission rétorque que les critères contestés par le requérant expriment une évaluation purement médicale, qui ne pourrait être remise en cause devant le juge. En outre, ces critères seraient généraux par leur nature même, dans la mesure où ils devraient être appliqués à chaque cas d’espèce, et légitimes. La procédure permettant d’établir si une pathologie est ou non une maladie grave serait fondée sur un examen individuel de l’état de santé de la personne concernée, sur la base d’un rapport du médecin traitant de celle-ci.

 Appréciation du Tribunal

48      Par les conclusions susmentionnées, le Tribunal estime que le requérant conteste, par voie d’exception, la légalité des critères généraux établis par le conseil médical aux fins de déterminer si une pathologie peut se voir reconnaître le caractère de maladie grave, ainsi que prévu à l’annexe I, point IV, paragraphe 1, de la réglementation de couverture.

49      À l’appui de cette exception d’illégalité, le requérant fait valoir, d’une part, que ces critères ne seraient pas pertinents dans un certain nombre de cas ou trop généraux et, d’autre part, qu’ils seraient appliqués a priori et de manière abstraite, indépendamment de l’examen circonstancié de l’état de santé de la personne concernée.

50      En premier lieu, en ce qui concerne la critique tirée de l’absence de pertinence des critères, contrairement à ce que soutient la Commission, l’examen de la légalité de ces critères ne relève pas d’une appréciation purement médicale qui échapperait au contrôle du Tribunal. En effet, il ne s’agit pas ici d’analyser si une appréciation médicale portée dans un cas d’espèce, par exemple le diagnostic émis ou la thérapie prescrite par un médecin, est ou non appropriée (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 18 septembre 2007, Botos/Commission, F‑10/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, points 39 à 41 et 62 à 76), mais d’examiner si les mesures de portée générale prises pour l’application de l’article 72 du statut sont aptes à répondre à l’intention du législateur, à savoir que des maladies «de gravité comparable» à celles mentionnées par ledit article puissent se voir reconnaître le caractère de maladie grave (pour des exemples d’exception d’illégalité de dispositions de la réglementation de couverture, voir arrêt de la Cour du 8 mars 1988, Brunotti/Commission, 339/85, Rec. p. 1379; arrêt du Tribunal de première instance du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, Rec. p. II‑1047, points 54 à 57). Un tel contrôle de légalité suppose néanmoins la prise en compte de considérations médicales, que le juge n’est pas le mieux à même d’apprécier, ce qui justifie que le contrôle juridictionnel soit limité à la censure d’éventuelles erreurs manifestes dont ces mesures de portée générale d’application de l’article 72 du statut seraient entachées (voir, en matière de pension, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, points 68 à 71, et la jurisprudence citée).

51      En l’espèce, le choix des critères retenus par le conseil médical n’apparaît pas manifestement inapproprié ou erroné au regard de l’objectif poursuivi, à savoir identifier des maladies de «gravité comparable» à celles visées à l’article 72 du statut.

52      En effet, les maladies visées à l’article 72 du statut sont susceptibles, dans un certain nombre de cas, d’avoir des conséquences physiques ou psychiques d’une particulière gravité, présentent un caractère durable ou chronique, exigent des mesures thérapeutiques lourdes nécessitant que le diagnostic préalable soit clairement posé, ce qui suppose des analyses ou investigations particulières. Ces maladies sont également susceptibles d’exposer la personne concernée à un risque de handicap grave.

53      Dans ces conditions, en retenant comme critères de définition d’une maladie grave, au sens de l’article 72 du statut, un pronostic vital défavorable, une évolution chronique, la nécessité de mesures de diagnostic ou thérapeutiques lourdes et la présence ou le risque de handicap grave, critères qui ne peuvent par nature qu’être généraux, le conseil médical s’est dûment référé aux caractéristiques principales ou communes des maladies expressément visées par ledit article.

54      Ainsi, le requérant ne saurait valablement soutenir que ces critères seraient manifestement inaptes aux fins d’établir si une pathologie doit être reconnue comme une maladie grave au sens de l’article 72 du statut, c’est-à-dire d’une gravité comparable à celles visées audit article.

55      En second lieu, en ce qui concerne la critique relative au caractère abstrait de l’application de ces critères, il résulte clairement des textes applicables, tant de l’article 72 du statut que des modalités de reconnaissance d’une maladie grave prévues par la réglementation de couverture, qu’une telle reconnaissance est subordonnée à l’examen de l’état de santé de la personne concernée et des conditions de traitement de la pathologie en cause.

56      En effet, l’article 72 du statut ne se borne pas à définir une liste de maladies graves, reconnues comme telles a priori et de manière abstraite, indépendamment de la situation de la personne concernée. Il prévoit que d’autres maladies peuvent être reconnues de gravité comparable par l’AIPN. La reconnaissance de ces autres maladies graves dépend d’un examen circonstancié de l’état de santé de la personne concernée, effectué sur la base d’un rapport du médecin traitant de celle-ci, au vu des critères fixés par le conseil médical, lesquels critères impliquent tous l’analyse précise de la situation de l’intéressé. En outre, le conseil médical, lorsqu’il a établi les quatre critères en cause, a dûment précisé qu’un avis médical devait être donné «au cas par cas», que les pathologies examinées pouvaient associer «à des degrés variables» lesdits critères et invité les médecins compétents à tenir compte du «continuum qui existe le plus souvent entre des formes bénignes et sévères d’une même affection». Le conseil médical a ainsi clairement exclu que les critères généraux qu’il a posés puissent être appliqués de manière automatique, indépendamment des données de chaque cas d’espèce.

57      L’article 72 du statut et les dispositions pertinentes de la réglementation de couverture ne sont donc pas susceptibles d’être interprétés comme excluant la prise en considération de l’état de santé de la personne concernée.

58      Dès lors, les conclusions susmentionnées ne peuvent qu’être rejetées.

 Sur les conclusions dirigées contre la décision litigieuse

59      Le requérant soulève, en substance, cinq moyens:

–        le premier moyen est tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse;

–        le deuxième moyen est tiré de «l’absence et défaut absolus de motivation, également en raison du caractère illogique, confus, incohérent et déraisonnable des moyens invoqués»;

–        le troisième moyen est tiré d’un «défaut absolu de motivation en raison de l’absence de pertinence et de l’absence totale d’instruction»;

–        le quatrième moyen est tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration;

–        le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 233 CE.

 Sur le premier moyen, tiré du défaut de motivation

60      Le requérant soutient que la décision de rejet de la demande du 25 novembre 2002 n’a pas été motivée lors de son adoption et qu’elle est ainsi entachée d’un vice initial absolu, irrémédiable et irréversible. Ni le libellé de la note du 5 août 2008 ni le cadre factuel existant à la date de la décision de rejet de la demande du 25 novembre 2002 ne feraient apparaître les éléments permettant au requérant de comprendre la motivation de ladite décision et au juge d’exercer son contrôle. L’unique élément fourni dans la note du 5 août 2008 serait la référence à l’avis du médecin-conseil. Or, une telle motivation par référence ne pourrait être admise. En outre, même à supposer que cette motivation soit admissible, la note du 5 août 2008 ne mentionnerait ni l’auteur ni les références de cet avis, ce qui susciterait un doute légitime sur l’existence même dudit avis.

61      Toutefois, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, la décision litigieuse, en se référant à l’avis du médecin-conseil selon lequel deux des critères cumulatifs de qualification d’une affection comme maladie grave n’étaient pas remplis, fait apparaître les raisons de fait et de droit pour lesquelles cette qualification n’a pas été retenue pour la pathologie du requérant. Une telle motivation par référence, bien que succincte, peut être admise (arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Parlement/Gaspari, C‑316/97 P, Rec. p. I‑7597, points 26 à 29; arrêt du Tribunal de première instance du 11 mai 2000, Pipeaux/Parlement, T‑34/99, RecFP p. I‑A‑79 et II‑337, point 18), à plus forte raison lorsque, comme en l’espèce, la décision que conteste le fonctionnaire intervient dans un contexte réglementaire dont il a déjà connaissance, notamment en raison de l’introduction de précédentes démarches analogues (ordonnance Marcuccio/Commission, T‑143/08, précitée, dans laquelle était déjà en cause l’application des critères de reconnaissance d’une maladie grave au sens de l’article 72 du statut).

62      De surcroît, si la motivation de la décision litigieuse est certes concise, elle a été précisée par la décision de rejet de la réclamation, dont les termes sont plus explicites. Le requérant a donc été mis à même de connaître les motifs du refus qui lui a été opposé et de les contester utilement devant le juge. De plus, la brièveté de cette motivation n’est pas de nature à faire obstacle au contrôle que le Tribunal doit exercer sur de telles décisions.

63      Enfin et en tout état de cause, même dans l’hypothèse où la décision litigieuse telle que précisée par la décision de rejet de la réclamation serait insuffisamment motivée, elle devrait être analysée comme comportant à tout le moins un début de motivation permettant à la Commission de fournir des informations complémentaires en cours d’instance et de s’acquitter de son obligation de motivation, ce que la Commission a fait lors de l’audience devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T‑37/89, Rec. p. II‑463, points 41 à 44; ordonnance du Tribunal du 20 mai 2009, Marcuccio/Commission, F‑73/08, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 52, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑311/09 P).

64      Ainsi, si le requérant soutient que la simple référence à l’avis du médecin-conseil, sans précision sur l’identité dudit médecin et la date à laquelle celui-ci avait émis son avis, pouvait laisser planer un doute sur le bien-fondé des décisions contestées, voire sur l’existence même d’un tel avis, il convient de relever que cet avis a été communiqué par la partie défenderesse le jour de l'audience, permettant ainsi au Tribunal d'avoir confirmation de l'existence de cet avis et d'exercer pleinement son contrôle de la légalité de la décision litigieuse et, au requérant, de vérifier le bien-fondé des motifs de cette décision (arrêt Parlement/Gaspari, précité, point 29). En outre, lors de l’audience, la Commission a apporté des clarifications supplémentaires, d’ordre linguistique, en indiquant notamment que les termes «medico di fiducia» utilisés dans la note du 1er août 2008 et «medico consiglio» utilisés dans celle du 5 août 2008 désignaient bien le même praticien, le docteur S., médecin-conseil du bureau liquidateur.

65      Le premier moyen ne peut donc qu’être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de «l’absence et défaut absolus de motivation, également en raison du caractère illogique, confus, incohérent et déraisonnable des moyens invoqués»

66      L’ensemble de l’argumentation présentée à l’appui de ce moyen vient au soutien de l’exception d’illégalité invoquée par le requérant, laquelle a été examinée aux points 42 à 52 du présent arrêt et, finalement, rejetée. Ce moyen n’a pas d’autre objet que de faire constater l’illégalité et déclarer inapplicables les dispositions du statut et de la réglementation de couverture ainsi que les critères établis par le conseil médical.

67      Ce moyen ne peut donc qu’être rejeté, pour les raisons exposées aux points visés ci-dessus.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un «défaut absolu de motivation en raison de l’absence de pertinence et de l’absence totale d’instruction»

–       Arguments des parties

68      Le requérant soutient que la Commission a considéré à tort que la pathologie décrite dans le rapport du docteur U., du 25 novembre 2002, à savoir un «syndrome anxio-dépressif de nature réactionnelle», n’était pas une maladie grave, au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut. La Commission n’aurait pas examiné si ce syndrome pouvait être analysé comme une maladie mentale expressément visée audit article, alors qu’il relèverait clairement de cette catégorie, et se serait bornée à examiner s’il pouvait être regardé comme une autre maladie de gravité comparable. Or, le requérant affirme qu’il était atteint d’une maladie mentale, au 25 novembre 2002, et avait produit les documents de nature à étayer cette thèse.

69      La Commission réfute l’argumentation du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

70      Il ressort du libellé même de l’article 72, paragraphe 1, du statut que seules des maladies d’une particulière gravité sont susceptibles d’ouvrir droit à un remboursement à 100 % des frais médicaux qui y sont liés. La notion, générale et imprécise, de «maladie mentale» mentionnée audit article ne peut donc viser que les maladies présentant objectivement une certaine gravité, et non tout trouble psychologique ou psychiatrique, quelle qu’en soit la gravité. Il n’y a en effet aucune raison de penser que, en ce qui concerne des affections de ce type, le législateur aurait entendu retenir une définition moins restrictive que pour les affections de caractère physiologique.

71      En l’absence de toute précision, à l’article 72 du statut, sur les maladies susceptibles d’être considérées comme des «maladies mentales» au sens de cette disposition, il appartient à l’administration d’examiner, dans chaque cas, au vu des critères de définition d’une maladie grave retenus par le conseil médical, si l’affection mentale ou le trouble psychologique dont est atteint le fonctionnaire est susceptible d’avoir le caractère de gravité particulière qui, seul, ouvre droit à une prise en charge à 100 % des frais médicaux.

72      En l’espèce, ainsi que le soutient à bon droit la Commission, il était donc nécessaire d’examiner au vu de ces critères si la pathologie diagnostiquée et décrite par le docteur U. dans son rapport du 25 novembre 2002, un «syndrome anxio-dépressif de nature réactionnelle», pouvait être reconnue comme une maladie grave au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut.

73      Par conséquent, contrairement à ce que prétend le requérant, le seul fait d’être atteint d’une telle affection ne lui permettait pas d’obtenir d’emblée la reconnaissance du bénéfice d’un remboursement à 100 % des frais liés à cette affection. Le requérant n’est pas davantage fondé à soutenir que la Commission aurait, à tort, appliqué la procédure d’examen fondée sur les quatre critères cumulatifs fixés par le conseil médical.

74      Quant au bien-fondé du refus de reconnaissance comme maladie grave du syndrome décrit dans le rapport du médecin traitant du 25 novembre 2002, le Tribunal rappelle qu’il n’exerce sur de telles appréciations qu’un contrôle restreint (arrêt Botos/Commission, précité, points 40 et 41).

75      Or, le requérant n’indique pas en quoi l’application des critères fixés par le conseil médical serait erronée. En particulier, il ne soutient pas dans ses écrits que le syndrome mentionné dans le rapport du docteur U. du 25 novembre 2002 pourrait avoir des conséquences d’une particulière gravité ni qu’il nécessiterait des mesures thérapeutiques lourdes.

76      Si le requérant a soutenu, lors de l’audience, qu’un syndrome tel que celui dont il est atteint pouvait être à l’origine de tentations suicidaires et donc entraîner la mort, il s’est exprimé en termes généraux et n’a pas prétendu qu’il aurait été lui-même en proie à des tourments d’une telle gravité. En outre, un tel risque suicidaire n’est pas clairement évoqué par le docteur U. dans son rapport du 25 novembre 2002. Le «préjudice grave et irréparable» évoqué par ce praticien n’est pas davantage explicité et, surtout, n’est pas présenté comme un risque pesant sur son patient à la date du rapport. Or, le requérant n’a produit aucun élément médical postérieur audit rapport qui aurait permis d’étayer le caractère de gravité de ses affections ou de démontrer leur évolution défavorable.

77      L’appréciation portée en l’espèce par la Commission n’est donc entachée ni d’erreur de droit ni d’erreur manifeste.

78      Le moyen doit, en conséquence, être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

79      Selon le requérant, la Commission aurait violé le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration, lequel est garanti par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et aurait donc la même valeur juridique que les traités.

80      Toutefois, aucune des illégalités dénoncées par le requérant n’a été constatée par le Tribunal. En outre, la seule invocation par le requérant, sans précision ni arguments juridiques, de la méconnaissance du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration ne permet pas au Tribunal d’apprécier le bien-fondé d’une telle critique.

81      Le moyen ne peut donc qu’être écarté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 233 CE

82      Le requérant fait valoir que la décision litigieuse est entachée du même vice que celui qui a justifié la censure de la décision contestée dans l’affaire T‑18/04 (arrêt du 10 juin 2008, Marcuccio/Commission, précité). La Commission aurait ainsi manqué à son obligation d’exécuter de manière substantielle et non purement formelle cet arrêt d’annulation.

83      Toutefois, il ressort de l’énoncé des faits du présent litige (points 17 à 22) que la Commission a dûment instruit la demande du 25 novembre 2002, comme elle y était tenue, pour exécuter l’arrêt du 10 juin 2008, Marcuccio/Commission, précité.

84      La Commission s’est ainsi conformée à la chose jugée par le Tribunal de première instance, et à l’obligation qui en découlait de reprendre ab initio la procédure d’examen de la demande.

85      Le requérant n’est donc pas fondé à soutenir que la décision litigieuse méconnaîtrait l’article 233 CE.

86      Le moyen ne peut qu’être rejeté.

 Sur la demande de mesures d’instruction

87      S’agissant de l’appréciation de demandes de mesures d’instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur l’affaire dont il est saisi (voir par exemple, en ce qui concerne une demande d’audition de témoin, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, Rec. p. I‑10005, points 77 et 78).

88      Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu des motifs sur lesquels est fondé le présent arrêt, il n’y a pas lieu de procéder à une expertise ni d’ordonner l’audition de témoins.

89      Le chef de conclusions susmentionné doit donc être rejeté.

90      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

92      Il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant à l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Marcuccio est condamné à l’ensemble des dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu


* Langue de procédure: l’italien.