Language of document : ECLI:EU:F:2009:114

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

16 septembre 2009 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Traitement prétendument illicite de données médicales – Visite médicale imposée »

Dans l’affaire F‑130/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 36.2 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne, annexé au traité CE,

Fiorella Vinci, membre du personnel de la Banque centrale européenne, demeurant à Schöneck (Allemagne), représentée par Me B. Karthaus, avocat,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. F. Malfrère et Mme F. Feyerbacher, en qualité d’agents, assistés de Me H.-G. Kamann,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. P. Mahoney (rapporteur), président, H. Kreppel et S. Van Raepenbusch, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 31 octobre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 novembre suivant), Mme Vinci demande au Tribunal, en premier lieu, de constater l’illégalité de l’insertion dans son dossier personnel, d’abord du courrier du 5 mars 2007 lui étant adressé par la direction générale des ressources humaines, du budget et de l’organisation de la Banque centrale européenne (BCE) (ci-après la « direction générale des ressources humaines ») et l’informant que le médecin-conseil de la BCE avait décidé de la soumettre à un examen médical auprès d’un expert indépendant, prévu le 8 mars 2007, ensuite du courrier, également du 5 mars 2007, adressé par la direction générale des ressources humaines à l’expert indépendant, le Pr A, afin qu’il soit procédé à l’examen médical de la requérante et, enfin, du certificat du médecin-conseil de la BCE, du 24 avril 2007, par lequel ce dernier a constaté qu’il n’y avait pas de réduction de la capacité de travail de la requérante. En deuxième lieu, elle demande au Tribunal de constater l’illégalité de l’insertion dans son dossier médical du compte rendu de l’examen médical pratiqué le 8 mars 2007 par l’équipe médicale du Pr A. En troisième lieu, elle demande au Tribunal de constater l’illégalité de la décision du président de la BCE, du 3 septembre 2007, rejetant sa réclamation du 2 août 2007 et refusant ainsi de retirer les documents précités de ses dossiers personnel et médical auxquels ils avaient été versés. En quatrième lieu, elle demande au Tribunal de constater l’illégalité de la lettre, en date du 5 mars 2007, lui enjoignant de se présenter le 8 mars 2007 auprès des services du Pr A afin d’y subir un examen médical. En cinquième lieu, elle demande la condamnation de la BCE à lui verser 10 000 euros en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi. Enfin, en sixième lieu, elle demande la condamnation de la BCE aux dépens.

 Cadre juridique

A –  Les règles relatives au personnel de la BCE

2        L’article 36 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la BCE annexé au traité CE (ci-après les « statuts du SEBC »), prévoit :

« 36.1 Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2 La Cour de justice [des Communautés européennes] est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable. »

3        L’article 12.3, des statuts du SEBC prévoit :

« Le conseil des gouverneurs adopte un règlement intérieur déterminant l’organisation interne de la BCE et de ses organes de décision. »

4        Sur le fondement des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté le 31 mars 1999 les conditions d’emploi du personnel de la BCE (JO L 125, p. 32). Cette décision a modifié une décision précédente, du 9 juin 1998, relative à l’adoption des conditions d’emploi. Les conditions d’emploi du personnel de la BCE ont été modifiées par une décision de la BCE, du 3 juin 2004, relative aux conditions et modalités des enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude au sein de la BCE en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale préjudiciable aux intérêts financiers des Communautés européennes et portant modification des conditions d’emploi du personnel de la BCE (JO L 230, p. 56).

5        L’article 7 des conditions d’emploi du personnel de la BCE, telles que modifiées par la décision du 3 juin 2004 (ci-après les « conditions d’emploi »), prévoit :

« La BCE conserve un dossier personnel pour chaque membre du personnel. Le régime applicable à ces dossiers est défini par les règles applicables au personnel conformément aux principes énoncés [...] dans la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [JO L 281, p. 31]. »

6        L’article 31 des conditions d’emploi prévoit :

« Dans les conditions fixées aux règles applicables au personnel de la BCE, les membres du personnel qui justifient être empêchés d’exercer leurs fonctions par suite de maladie ou d’accident, bénéficient d’un congé de maladie rémunéré. »

7        À cet égard, les règles applicables au personnel de la BCE (ci-après les « règles applicables au personnel ») précisent à l’article 5.13 intitulé « congé de maladie » :

« Il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 31 des conditions d’emploi comme suit :

[…]

5.13.4 L’intéressé peut consulter le médecin-conseil de la BCE à tout moment au cours de son absence. La BCE peut à tout moment convoquer l’intéressé aux fins d’un contrôle à effectuer par le médecin-conseil et l’intéressé doit se rendre disponible pour une visite du médecin-conseil à son domicile ; il doit également se soumettre à toute mesure d’ordre médical exigée par le médecin-conseil, y compris la production d’un certificat médical par rapport à une absence donnée. Le médecin-conseil peut solliciter des informations pertinentes auprès du médecin de l’intéressé. »

8        S’agissant des recours des membres du personnel de la BCE, les conditions d’emploi prévoient :

« 41. Les membres du personnel peuvent, en utilisant la procédure prévue par les règles applicables au personnel, solliciter de l’administration un examen précontentieux de leurs réclamations et griefs concernant la conformité de mesures prises à leur égard avec la politique du personnel et les conditions d’emploi […]. Les membres du personnel n’ayant pas obtenu satisfaction à la suite de la procédure d’examen précontentieux peuvent engager la procédure de réclamation prévue par les règles applicables au personnel. Ces procédures ne peuvent pas être utilisées pour contester :

i)      les décisions du conseil des gouverneurs ou les directives internes de la BCE, y compris les directives prévues par les présentes conditions d’emploi ou par les règles applicables au personnel,

ii)      les décisions pour lesquelles des procédures de recours spécifiques existent, ou

iii)      la décision de ne pas confirmer la nomination d’un membre du personnel effectuant une période d’essai.

42. Après que toutes les voies de recours internes disponibles ont été épuisées, la Cour de justice […] est compétente pour connaître de tout litige opposant la BCE à un membre ou à un ancien membre de son personnel auquel s’appliquent les présentes conditions d’emploi. Cette compétence est limitée à l’examen de la légalité de la mesure ou de la décision, sauf si le litige est de caractère pécuniaire, auquel cas la Cour […] a une compétence de pleine juridiction. »

9        À cet égard, les règles applicables au personnel précisent dans leur partie 8 :

« 8.1 Procédures d’examen précontentieux et de réclamation

Les dispositions de l’article 41 des conditions d’emploi sont appliquées comme suit :

8.1.0 Le membre du personnel qui entend engager une procédure d’examen précontentieux dispose à cet effet d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision qu’il entend soumettre à cet examen lui a été communiquée.

8.1.1 Lorsque le différend concerne au premier chef la responsabilité de la division de laquelle dépend le membre du personnel concerné, celui-ci s’adresse tout d’abord à son chef de division. Si le différend n’est pas résolu de manière satisfaisante dans le délai d’un mois, le membre du personnel peut s’adresser à son directeur général/directeur. Néanmoins, si le membre du personnel n’entend pas s’adresser à son chef de division, il peut saisir directement son directeur général/directeur.

8.1.2 Lorsque le différend concerne au premier chef la responsabilité de la [direction générale des ressources humaines], le membre du personnel s’adresse tout d’abord au directeur général adjoint de la [direction générale des ressources humaines]. Si le différend n’est pas résolu de manière satisfaisante dans le délai d’un mois, le membre du personnel peut s’adresser directement au directeur général de la [direction générale des ressources humaines]. Néanmoins, si le membre du personnel n’entend pas s’adresser au directeur général adjoint de la [direction générale des ressources humaines], il peut saisir directement le directeur général de la [direction générale des ressources humaines].

8.1.3 Le directeur général/directeur concerné notifie, par écrit, au membre du personnel sa décision motivée dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle il a été saisi de la demande.

8.1.4 Tout membre du personnel n’ayant pas obtenu satisfaction à l’issue de la procédure d’examen précontentieux ou n’ayant pas reçu de réponse du directeur général/directeur concerné dans le délai d’un mois peut engager la procédure de réclamation décrite ci-après.

8.1.5 Le membre du personnel qui entend voir mettre en oeuvre la procédure de réclamation doit adresser au président [de la BCE] un mémorandum concernant sa réclamation, accompagné de tout document pertinent, dans les deux mois suivant la date

a)      de la notification de la décision finale prise au terme de la procédure d’examen précontentieux, à l’origine de la réclamation, ou

b)      de l’expiration du délai d’un mois courant à compter de la demande adressée au directeur général/directeur, lorsqu’une telle décision n’a pas été prise.

Le mémorandum doit énoncer clairement les motifs qui fondent la contestation ainsi que l’objet de la demande.

Le président (ou en son absence, le vice-président, ou en l’absence de l’un et de l’autre, un autre membre du directoire) répond par écrit au membre du personnel dans le délai d’un mois.

[…]

8.2      Recours devant la Cour […]

Les dispositions de l’article 42 des conditions d’emploi sont appliquées comme suit :

8.2.1 Les recours devant la Cour […] doivent être formés dans un délai de deux mois. Ce délai court du jour de la notification au membre du personnel concerné de la décision finale prise au terme de la procédure de réclamation, ou de la date d’expiration du délai d’un mois applicable à la procédure de réclamation, lorsqu’une telle décision n’a pas été prise. Néanmoins, lorsque la décision finale prise au terme de la procédure de réclamation intervient après l’expiration de ce délai d’un mois mais avant l’expiration du délai de recours de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai de recours.

[…] »

10      Le règlement intérieur de la BCE, dans sa version en vigueur à la date des décisions attaquées, a été adopté par le conseil des gouverneurs le 19 février 2004 (JO L 80, p. 33, ci-après le « règlement intérieur »).

11      Aux termes de l’article 21 du règlement intérieur :

« 21.1. Les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel déterminent les relations de travail entre la BCE et son personnel.

21.2. Sur proposition du directoire et après consultation du conseil général, le conseil des gouverneurs adopte les conditions d’emploi.

21.3. Le directoire adopte les règles applicables au personnel, qui mettent en application les conditions d’emploi.

[…] »

B –  Les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel

12      Aux termes du considérant 5 du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO L 8, p. 1) :

« Un règlement est nécessaire afin de donner aux personnes des droits juridiquement protégés, de définir les obligations des responsables du traitement au sein des institutions et organes communautaires en matière de traitement des données et de créer une autorité de contrôle indépendante responsable de la surveillance des traitements de données à caractère personnel effectués par les institutions et organes communautaires. »

13      Aux termes du considérant 7 du règlement n° 45/2001 :

« Les personnes susceptibles d’être protégées sont celles dont les données à caractère personnel sont traitées par les institutions ou organes communautaires dans quelque contexte que ce soit, par exemple parce que ces personnes sont employées par ces institutions ou organes. »

14      Aux termes du considérant 23 du règlement n° 45/2001 :

« L’autorité de contrôle indépendante exerce ses missions de contrôle conformément au traité et dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle mène ses enquêtes dans le respect du protocole sur les privilèges et immunités et dans le respect du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et du régime applicable aux autres agents de ces Communautés. »

15      Aux termes du considérant 27 du règlement n° 45/2001 :

« Le traitement de données à caractère personnel effectué pour l’exécution de missions d’intérêt public par les institutions et les organes communautaires comprend le traitement de données à caractère personnel nécessaires pour la gestion et le fonctionnement de ces institutions et organes. »

16      L’article 2 du règlement n° 45/2001 prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)      ‘données à caractère personnel’ : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (ci-après dénommée [la] ‘personne concernée’) ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ;

b)      ‘traitement de données à caractère personnel’ (ci-après dénommé [le] ‘traitement’) : toute opération ou ensemble d’opérations effectuée(s) ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquée[(s)] à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ;

[…]

d)      ‘responsable du traitement’ : l’institution ou organe communautaire, la direction générale, l’unité ou toute autre entité organisationnelle qui, seule ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ; lorsque les finalités et les moyens du traitement sont déterminés par un acte communautaire spécifique, le responsable du traitement ou les critères spécifiques applicables pour le désigner peuvent être fixés par cet acte communautaire ;

[…] »

17      L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 45/2001 prévoit :

« Le présent règlement s’applique au traitement de données à caractère personnel par toutes les institutions et tous les organes communautaires, dans la mesure où ce traitement est mis en oeuvre pour l’exercice d’activités qui relèvent en tout ou en partie du champ d’application du droit communautaire. »

18      L’article 4 du règlement n° 45/2001 prévoit :

« 1. Les données à caractère personnel doivent être :

[…]

c)      adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement ;

[…] »

19      L’article 10 du règlement n° 45/2001 prévoit :

« 1. Le traitement des données à caractère personnel qui révèlent l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données relatives à la santé ou à la vie sexuelle sont interdits.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas lorsque :

[…]

b)      le traitement est nécessaire afin de respecter les obligations et les droits spécifiques du responsable du traitement en matière de droit du travail, dans la mesure où il est autorisé par les traités instituant les Communautés européennes ou d’autres actes législatifs adoptés sur la base de ces traités ou, si cela s’avère nécessaire, dans la mesure où il est accepté par le contrôleur européen de la protection des données, moyennant des garanties adéquates, […] »

20      L’article 16 du règlement n° 45/2001 prévoit :

« La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement de données si leur traitement est illicite, en particulier en cas de violation des dispositions des sections 1, 2 et 3 du chapitre II [lesquelles sections incluent, notamment, les articles 4 et 10]. »

21      L’article 32 du règlement n° 45/2001 prévoit :

« 1. La Cour […] est compétente pour connaître de tout litige relatif aux dispositions du présent règlement, y compris les demandes de réparation.

2. Sans préjudice d’un recours juridictionnel, toute personne concernée peut présenter une réclamation au contrôleur européen de la protection des données si elle estime que les droits qui lui sont reconnus à l’article 286 [CE] ont été violés à la suite du traitement de données à caractère personnel la concernant, effectué par une institution ou un organe communautaire.

L’absence de réponse du contrôleur européen de la protection des données dans un délai de [six] mois équivaut à une décision de rejet de la réclamation.

3. Les décisions du contrôleur européen de la protection des données peuvent faire l’objet d’un recours devant la Cour […]

4. Toute personne ayant subi un dommage du fait d’un traitement illicite ou de toute action incompatible avec le présent règlement a le droit d’obtenir la réparation du préjudice subi conformément à l’article 288 [CE]. »

22      L’article 33 du règlement n° 45/2001 prévoit :

« Toute personne employée par une institution ou un organe communautaire peut présenter une réclamation au contrôleur européen de la protection des données pour une violation alléguée des dispositions du présent règlement régissant le traitement des données à caractère personnel, sans passer par les voies officielles. Nul ne doit subir de préjudice pour avoir présenté au contrôleur européen de la protection des données une réclamation alléguant une violation des dispositions qui régissent le traitement des données à caractère personnel. »

23      L’article 47 du règlement n° 45/2001 prévoit :

« 1. Le contrôleur européen de la protection des données peut :

[…]

b)      saisir le responsable du traitement en cas de violation alléguée des dispositions régissant le traitement des données à caractère personnel et, le cas échéant, formuler des propositions tendant à remédier à cette violation et à améliorer la protection des personnes concernées ;

c)      ordonner que les demandes d’exercice de certains droits à l’égard des données soient satisfaites lorsque de telles demandes ont été rejetées en violation des articles 13 à 19 ;

d)      adresser un avertissement ou une admonestation au responsable du traitement ;

e)      ordonner la rectification, le verrouillage, l’effacement ou la destruction de toutes les données lorsqu’elles ont été traitées en violation des dispositions régissant le traitement de données à caractère personnel et la notification de ces mesures aux tiers auxquels les données ont été divulguées ;

f)      interdire temporairement ou définitivement un traitement ;

g)      saisir l’institution ou l’organe concerné et, si nécessaire, le Parlement européen, le Conseil [de l’Union européenne] et la Commission [des Communautés européennes] ;

h)      saisir la Cour […] dans les conditions prévues par le traité ;

i)      intervenir dans les affaires portées devant la Cour […]

[…] »

24      Dans un avis du 23 septembre 2005, rendu sur la base des dispositions de l’article 27, paragraphe 3, du règlement n° 45/2001 (relatives aux contrôles préalables des traitements), le contrôleur européen de la protection des données a constaté que les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel étaient, en ce qui concerne le traitement des données relatives aux absences des membres du personnel de la BCE pour cause de maladie ou d’accident, et sous réserve que plusieurs considérations que le contrôleur met en avant soient pleinement prises en compte, conformes au règlement n° 45/2001. Dans un avis du 20 octobre 2006, le contrôleur européen de la protection des données a constaté que les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel étaient, en ce qui concerne les dossiers médicaux conservés par le médecin-conseil de la BCE et s’agissant du traitement de données médicales dans le dossier personnel des membres du personnel, conformes au règlement n° 45/2001, dans la mesure où certaines considérations, relatives notamment au respect d’une obligation de discrétion, seraient prises en compte lors de l’exécution des traitements de données à caractère personnel.

 Faits à l’origine du litige

25      La requérante travaille depuis le 1er novembre 2000 à la direction générale des ressources humaines.

26      Durant la période comprise entre sa prise de fonctions et le 16 mars 2007, la requérante a été absente de nombreuses fois pour cause de maladie : 45,5 jours ouvrés en 2001 (dont 4,5 sans certificat d’incapacité de travail), 31 jours ouvrés en 2002 (dont 7 sans certificat d’incapacité de travail), 38 jours ouvrés en 2003 (dont 8 sans certificat d’incapacité de travail), 52,5 jours ouvrés en 2004 (dont 14,5 sans certificat d’incapacité de travail), 18,5 jours ouvrés en 2005 (dont 7,5 sans certificat d’incapacité de travail), 49 jours ouvrés en 2006 (dont 7 sans certificat d’incapacité de travail) et 26,5 jours ouvrés en 2007 (dont 4 sans certificat d’incapacité de travail).

27      Le 12 janvier 2007, un entretien a eu lieu entre la requérante et son supérieur hiérarchique. Cet entretien avait pour objet les longues et fréquentes « pauses cigarette » que l’administration reprochait à la requérante de s’accorder pendant son temps de travail. Lors de cet entretien, le supérieur hiérarchique de la requérante a, par ailleurs, attiré l’attention de celle-ci sur ses fréquentes absences pour cause de maladie. Il lui a indiqué que, conformément à l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel, elle pourrait, en cas d’absences futures, être tenue de se soumettre à une consultation du médecin-conseil de la BCE.

28      Au début du mois de février 2007, le supérieur hiérarchique de la requérante lui a adressé un courrier électronique pour lui proposer un entretien le 2 mars suivant. La requérante, qui n’avait pas répondu à ce courrier, ne s’est pas présentée à cet entretien. Le supérieur hiérarchique de la requérante s’est alors rendu dans le bureau de celle-ci où elle était présente. Au cours de l’après-midi, le supérieur hiérarchique de la requérante a adressé à celle-ci une nouvelle proposition d’entretien pour le 7 mars 2007. Il a alors été informé, par messagerie, que la requérante serait absente jusqu’au 19 mars 2007. S’étant informé auprès de la direction générale des ressources humaines des raisons de cette absence, il a appris que le médecin traitant de la requérante lui avait délivré un certificat médical attestant qu’elle était dans l’incapacité de travailler du 2 au 16 mars 2007.

29      La direction générale des ressources humaines a alors adressé à la requérante, le 5 mars 2007, un courrier l’informant que le médecin-conseil de la BCE avait décidé de la soumettre, le 8 mars 2007, à un examen médical auprès d’un expert indépendant, le Pr A. En effet, la requérante avait été la patiente du médecin-conseil de la BCE par le passé.

30      Par courrier de ce même 5 mars 2007, la direction générale des ressources humaines a demandé au Pr A de procéder à une évaluation de l’état de santé de la requérante et de sa capacité à exercer les fonctions qui lui sont attribuées au sein de la BCE afin, notamment, d’examiner la possibilité d’un éventuel aménagement de ses conditions de travail.

31      Selon le courrier du 5 mars 2007 adressé au Pr A, la demande d’examen de la requérante avait fait auparavant l’objet d’une conversation téléphonique entre le Pr A et le médecin-conseil de la BCE.

32      La requérante a été examinée le 8 mars 2007 à la Deutsche Klinik für Diagnostik par l’équipe médicale du Pr A. Sur la base de cet examen, un rapport, daté du 2 avril 2007, a été adressé au médecin-conseil de la BCE. Ce dernier a versé ce rapport au dossier médical de la requérante et a établi, sur la base dudit rapport, un certificat médical en date du 24 avril 2007 duquel il ressortait que la capacité de travail de l’intéressée n’était pas limitée.

33      La requérante a engagé une procédure précontentieuse par courrier du 3 mai 2007. Elle a, notamment, demandé au directeur général de la direction générale des ressources humaines l’effacement des données à caractère médical la concernant contenues dans les lettres du 5 mars 2007 et dans le compte rendu de l’examen médical réalisé le 8 mars 2007. Elle a également présenté une demande à fin d’indemnisation.

34      Le recours précontentieux de la requérante a été rejeté le 11 juin 2007.

35      La requérante a alors introduit auprès du président de la BCE une réclamation en date du 2 août 2007.

36      Le président de la BCE a rejeté cette réclamation par lettre du 3 septembre 2007.

37      Par ailleurs, par courrier du 3 mai 2007, la requérante a présenté une réclamation au contrôleur européen de la protection des données sur la base de l’article 33 du règlement n° 45/2001, en alléguant notamment une violation des dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), dudit règlement. Par décision du 12 novembre 2007, le contrôleur européen de la protection des données a rejeté cette réclamation.

38      Le contrôleur européen de la protection des données a estimé que les lettres du 5 mars 2007 adressées par la direction générale des ressources humaines pour l’une, à la requérante, et pour l’autre, au Pr A, constituaient un traitement de données à caractère personnel. Selon lui, ce traitement entrait dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001. En effet, le traitement en cause aurait été autorisé par des textes adoptés sur la base de l’article 36.1 des statuts du SEBC. De plus, un tel traitement aurait eu pour objectif de vérifier l’incapacité de travail à l’origine d’une absence, une telle vérification s’apparentant à une obligation et à un droit spécifique du responsable du traitement de données en matière de droit du travail. Enfin, selon le contrôleur européen de la protection des données, il aurait été inévitable en l’espèce pour atteindre cet objectif d’informer tant la requérante que le Pr A de la décision du médecin-conseil de la BCE.

 Conclusions des parties et procédure

39      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que le versement à son dossier personnel des lettres du 5 mars 2007 et du certificat médical du médecin-conseil du 24 avril 2007 est illégal ;

–        constater que le versement à son dossier médical des résultats de l’examen médical réalisé le 8 mars 2007 est illégal ;

–        constater que la décision du 3 septembre 2007 refusant d’effacer les données à caractère personnel figurant dans les documents mentionnés ci-dessus est illégale ;

–        constater que la décision l’obligeant à se soumettre à un examen médical est illégale ;

–        condamner la BCE à lui verser une somme de 10 000 euros ;

–        condamner la BCE aux dépens.

40      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête ;

–        condamner la requérante aux dépens.

41      En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la requérante a précisé à l’audience que les conclusions tendant à la constatation de l’illégalité des différentes mesures contestées devaient être regardées comme tendant à l’annulation desdites mesures.

 En droit

42      Indépendamment des conclusions indemnitaires, la requérante demande l’annulation, d’une part, des mesures relatives à l’insertion de données à caractère personnel dans son dossier personnel ainsi que dans son dossier médical et, d’autre part, de la décision l’obligeant à se soumettre à un examen médical.

A –  Sur les conclusions tendant à l’annulation, en premier lieu, d’une part, de l’insertion dans le dossier personnel de la requérante d’abord du courrier du 5 mars 2007 l’informant que le médecin-conseil de la BCE a décidé de la soumettre à un examen médical auprès d’un expert indépendant, ensuite du courrier du même jour adressé au Pr A afin qu’il soit procédé à l’examen médical de la requérante et enfin du certificat du médecin-conseil de la BCE, du 24 avril 2007, par lequel ce dernier a constaté qu’il n’y avait pas de diminution de la capacité de travail de la requérante, d’autre part, de l’insertion dans le dossier médical de la requérante du compte rendu de l’examen médical pratiqué par l’équipe médicale du Pr A et, en second lieu, de la décision du président de la BCE, du 3 septembre 2007, rejetant la réclamation introduite par la requérante et refusant ainsi l’effacement des documents précités des dossiers auxquels ils ont été versés

1.     Sur la recevabilité des conclusions

a)     Caractère d’acte faisant grief des mesures d’insertion contestées

43      Il importe de relever que les conditions de recevabilité d’un recours étant d’ordre public, le juge communautaire peut les examiner d’office. En l’espèce, il incombe au Tribunal de procéder à la qualification juridique exacte des mesures contestées afin de déterminer lesquelles sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

44      En l’absence d’une définition explicite des notions de « décision » et de « mesure » employées à l’article 42 des conditions d’emploi, il convient d’interpréter ces notions sur le modèle de l’acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») (voir arrêt du Tribunal de première instance du 18 février 2004, Esch-Leonhardt e.a./BCE, T‑320/02, RecFP p. I‑A‑19 et II‑79, point 37).

45      Le Tribunal de première instance a jugé que la BCE, lorsqu’elle procède à l’insertion de lettres concernant la transmission de communications syndicales par courrier électronique dans les dossiers personnels de ses agents, traite des données à caractère personnel en les conservant dans un fichier de données à caractère personnel et que l’insertion de ces lettres dans les dossiers personnels est ainsi susceptible, en tant que telle, de porter atteinte aux droits des requérants à se voir suffisamment protégés contre le traitement illicite de données à caractère personnel les concernant. Il en a tiré la conséquence qu’une telle insertion constituait un acte attaquable au sens de l’article 42 des conditions d’emploi (voir arrêt Esch-Leonhardt e.a./BCE, précité, points 39 à 41).

46      En l’espèce, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur le point de savoir si toute insertion, mécanique et automatique, de données dans un dossier est susceptible, en soi, de constituer un acte attaquable dans le contexte du contentieux de la fonction publique communautaire, il suffit de constater que la BCE a rejeté une demande expresse d’effacement relative aux documents litigieux, qui lui était soumise par la requérante, de telle sorte que les conclusions de la requérante contestant le versement de données à caractère personnel dans son dossier personnel et dans son dossier médical doivent être interprétées comme tendant à l’annulation de cette décision de refus.

47      En effet, au regard du considérant 5 du règlement n° 45/2001, ledit règlement a non seulement pour objet de fixer des obligations s’imposant aux institutions communautaires en matière de traitement des données, mais aussi, de conférer des « droits juridiquement protégés » aux personnes concernées. Ces droits sont définis dans la section 5 du chapitre II du règlement n° 45/2001, intitulée « Droits de la personne concernée » et l’article 16, qui figure dans cette section, prévoit que « [l]a personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement de données si leur traitement est illicite, en particulier en cas de violation des dispositions des sections 1, 2 et 3 du chapitre II ».

48      Or, d’une part, des conclusions qui tendent, comme en l’espèce, à l’annulation de l’insertion de données à caractère personnel dans un dossier, visent en substance à obtenir l’effacement desdites données et, d’autre part, en examinant la légalité d’un refus d’effacement de données à caractère personnel, le juge est susceptible de contrôler la légalité de l’ensemble des traitements dont auront fait l’objet les données en cause, notamment les opérations d’enregistrement et de conservation (c’est-à-dire d’insertion) de ces données.

b)     Respect des procédures précontentieuses prévues par les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel

49      Il ne ressort pas des pièces du dossier que, préalablement à l’introduction de la demande d’examen précontentieux prévue dans les règles applicables au personnel, la requérante ait saisi la BCE d’une demande d’effacement des données à caractère personnel.

50      Il convient donc d’examiner si, en l’absence d’une décision préalable portant refus d’effacement de données à caractère personnel, la requérante pouvait saisir directement la BCE d’une demande d’examen précontentieux.

51      La partie 8 des règles applicables au personnel prévoit l’existence de deux étapes préalables à un recours juridictionnel : tout d’abord une demande d’examen précontentieux et, ensuite, une réclamation préalable. Cependant, aucune disposition des articles 41 et 42 des conditions d’emploi et de la partie 8 des règles applicables au personnel ne prévoit une procédure spécifique de demande, préalable à ces deux étapes, dans le cas où aucune décision attaquable n’a été prise auparavant par la BCE.

52      Au regard de ces dispositions qui sont, sur ces points, sensiblement différentes de celles du statut, il n’est pas justifié ici de raisonner par analogie avec celui-ci. En effet, lorsque le statut est applicable, une réclamation préalable est nécessaire pour que le recours soit recevable et cette réclamation, introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ne peut être regardée comme une demande puisqu’il est prévu par le texte que la procédure, en cas de demande, se déroule en deux étapes (voir ordonnance du Tribunal de première instance du 6 février 1992, Castelletti e.a./Commission, T‑29/91, Rec. p. II‑77, point 32). Or, les règles applicables au personnel ne prévoyant pas une troisième étape supplémentaire en cas de demande, il doit alors être admis qu’une demande d’effacement de données présentée lors de l’engagement d’une procédure d’examen précontentieux ne méconnaît pas la procédure prévue pour les membres du personnel de la BCE en matière de voies de recours internes.

53      Il ne saurait donc être reproché à la requérante d’avoir introduit, comme c’est le cas en l’espèce, une demande d’examen précontentieux sans qu’une décision attaquable ait été prise préalablement par la BCE. En effet, la procédure préalable à l’introduction d’un recours devant le Tribunal s’est déroulée en deux étapes, conformément aux règles applicables au personnel, et c’est lors de la première de ces deux étapes qu’une décision de refus d’effacement de données à caractère personnel a été prise par la BCE.

54      En l’espèce, la demande d’effacement présentée par la requérante dans le cadre de sa demande d’examen précontentieux, en date du 3 mai 2007, concernait tant les résultats de l’expertise médicale que les lettres du 5 mars 2007 dont l’insertion est contestée. Mais ce n’est que dans la réclamation préalable, en date du 2 août 2007, qu’elle a également demandé l’effacement des données contenues dans le certificat médical du médecin-conseil de la BCE, du 24 avril 2007. Cependant, eu égard aux liens évidents existant entre les données contenues dans ce certificat et les données dont l’effacement avait été demandé dès le 3 mai 2007, le rejet de la demande d’examen précontentieux, du 11 juin 2007, doit être regardé comme un refus d’effacement de l’ensemble des données dont la requérante soutient dans sa requête qu’elles ont fait l’objet de traitements illicites.

55      Par ailleurs, dès lors qu’il suppose nécessairement l’existence d’une décision préalable, le délai de deux mois, courant à compter de la communication de la décision contestée, tel que prévu à l’article 8.1.0 des règles applicables au personnel, ne saurait s’appliquer dans le cas où, comme en l’espèce, c’est au cours d’une procédure d’examen précontentieux que naît la décision susceptible d’être contestée par la suite dans le cadre d’une réclamation puis d’un recours contentieux.

56      Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requérante, qui doivent être regardées comme dirigées contre la décision, du 11 juin 2007, de rejet de la demande d’examen précontentieux introduite par elle, sont recevables.

c)     Conclusions dirigées contre le rejet de la réclamation

57      La requérante sollicite l’annulation de la décision du président de la BCE, du 3 septembre 2007, rejetant sa réclamation. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe. Dans ces conditions, le recours devant le Tribunal, même formellement dirigé contre le rejet d’une réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal des actes faisant grief contre lesquels la réclamation a été présentée.

58      Par conséquent, les conclusions tendant à l’annulation de la décision du président de la BCE, du 3 septembre 2007, rejetant la réclamation de la requérante, doivent être regardées comme tendant à l’annulation de la décision du 11 juin 2007 rejetant sa demande d’examen précontentieux.

2.     Sur le bien-fondé des conclusions

59      La requérante développe quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’existence d’un vice de procédure. Le second moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité. Les troisième et quatrième moyens sont tirés de l’illégalité de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel au regard, d’une part de l’article 10 du règlement n° 45/2001 et, d’autre part, de la marge d’appréciation que ledit article réserve à la BCE.

60      Un cinquième moyen, tiré du détournement de pouvoir, est simplement mentionné sans la moindre précision permettant d’en apprécier le bien-fondé et doit d’emblée, pour ce motif, être rejeté.

a)     Sur le premier moyen, tiré de l’existence d’un vice de procédure

 Arguments des parties

61      La requérante soutient que la décision qui l’a soumise à un examen médical est entachée d’un vice de procédure au regard des dispositions de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel.

62      Ces dispositions prévoient qu’un membre du personnel en congé de maladie doit être prêt à répondre à toute mesure d’ordre médical demandée par le médecin-conseil de la BCE. Or, selon la requérante, la décision de la soumettre à un examen médical n’a pas été prise par le médecin-conseil de la BCE, mais par sa hiérarchie.

63      La requérante se fonde sur le fait que le courrier du 5 mars 2007 l’informant que le médecin-conseil de la BCE avait décidé de la soumettre à un examen médical auprès d’un expert indépendant le 8 mars 2007 lui a été adressé par la direction générale des ressources humaines. Elle se fonde par ailleurs sur le fait que le courrier du même jour adressé au Pr A afin qu’il soit procédé à cet examen médical, a également été envoyé par la direction générale des ressources humaines.

64      La BCE fait valoir que c’est le médecin-conseil qui est à l’initiative de la collecte des données en cause.

 Appréciation du Tribunal

65      Si le moyen invoqué ne porte pas sur la procédure suivie pour adopter la décision de refus d’effacement des données en cause, il porte sur la légalité de la collecte dont les données en cause ont fait l’objet.

66      Or, en vertu de l’article 16 du règlement n° 45/2001, « [l]a personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement de données si leur traitement est illicite, en particulier en cas de violation des dispositions des sections 1, 2 et 3 du chapitre II ». Par suite, un refus d’effacement sera illégal, si les données en cause ont fait l’objet d’un traitement illicite et, notamment, d’une collecte illicite.

67      De plus, si l’article 16 du règlement n° 45/2001 ne se réfère qu’au caractère « illicite » de ces traitements en mentionnant la violation des dispositions des sections 1, 2 et 3 de son chapitre II, il ne peut être interprété, eu égard aux termes dans lesquels il est formulé et notamment à l’emploi de l’expression « en particulier », comme limitant le contrôle de la légalité de ces traitements au seul respect des dispositions des sections du règlement n° 45/2001 qu’il mentionne. Pour autant, tout moyen tiré de l’illégalité d’un des traitements en cause ne saurait être regardé comme opérant. Il appartient par conséquent au juge d’apprécier si l’illégalité invoquée est susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée que ledit règlement a pour objet d’assurer à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

68      Par suite, en l’espèce, la requérante peut invoquer, pour demander l’annulation de la décision refusant l’effacement de données à caractère médical, l’illégalité tirée de ce que, selon elle, c’est sa hiérarchie au sein de la BCE et non le médecin-conseil, qui aurait décidé de procéder à la collecte de ces données.

69      Sur le bien-fondé du moyen, il faut relever à titre liminaire que les dispositions de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel n’imposent pas que la direction générale des ressources humaines soit absente de la procédure relative au congé de maladie et ne puisse, notamment, attirer l’attention du médecin-conseil sur l’opportunité d’un contrôle médical.

70      S’agissant de déterminer si la décision de soumettre la requérante à un examen médical a été prise par le médecin-conseil de la BCE, il convient, en premier lieu, d’indiquer que les lettres de la direction générale des ressources humaines du 5 mars 2007, eu égard aux termes dans lesquelles elles sont rédigées, n’apparaissent pas comme des décisions de ladite direction mais, pour l’une, comme une lettre informant la requérante de la décision du médecin-conseil de la soumettre à des examens médicaux et, pour l’autre, comme une transmission au Pr A de la demande du médecin-conseil de procéder auxdits examens.

71      En deuxième lieu, le médecin-conseil de la BCE a utilisé les résultats de l’examen médical pratiqué sur la requérante pour établir, en date du 24 avril 2007, le certificat par lequel il constate l’absence de réduction de la capacité de travail de l’intéressée. Cette circonstance ne permet pas d’établir, à elle seule, que la décision de soumettre la requérante à un examen médical a été prise par le médecin-conseil, mais elle permet de supposer que celui-ci n’était pas, pour le moins, en désaccord avec la réalisation d’un tel examen.

72      En troisième lieu, la BCE présente, au soutien de sa version des faits, un compte rendu circonstancié du déroulement des événements. Il ressort de ce compte rendu que la requérante ne s’est pas présentée à l’entretien qui devait avoir lieu le 2 mars 2007. Le même jour, son supérieur hiérarchique l’a rencontrée pour connaître les raisons de son absence. Plus tard dans la journée, il lui a proposé, par messagerie, une nouvelle date pour un entretien. Il a alors été informé, par messagerie, que la requérante serait absente jusqu’au 19 mars 2007. S’étant renseigné auprès de la direction générale des ressources humaines des raisons de cette absence, il a appris que le médecin traitant de la requérante lui avait délivré un certificat médical attestant qu’elle était dans l’incapacité de travailler du 2 au 16 mars 2007.

73      Le supérieur hiérarchique de la requérante a alors pris contact avec l’assistante du médecin-conseil de la BCE afin qu’elle puisse informer ce dernier, qui n’était pas présent dans les locaux de la BCE à ce moment, de la situation. Le médecin-conseil a décidé de faire examiner la requérante, qui avait été sa patiente par le passé, par un expert indépendant, le Pr A. Par téléphone, l’assistante du médecin-conseil de la BCE a alors convenu avec la secrétaire du Pr A de la date de l’examen médical et a par ailleurs informé la requérante elle-même de la décision prise par le médecin-conseil.

74      La version des faits donnée par la BCE, selon laquelle la décision du médecin-conseil a pris la forme d’instructions orales données à son assistante, n’est pas sérieusement contestée par la requérante.

75      Tout d’abord l’argument de la requérante se fondant sur l’absence d’un document écrit signé par le médecin-conseil de la BCE ne permet pas de contester utilement la version de la BCE qui s’appuie justement sur l’existence d’instructions orales.

76      De plus, si à l’audience la requérante s’est prévalue du fait que, dans des circonstances étrangères à celles de l’espèce, alors qu’elle avait été victime d’un infarctus, le médecin-conseil avait adressé aux services de la BCE un courrier demandant que l’intéressée soit examinée par un médecin extérieur à l’institution, l’existence d’un tel courrier, lequel d’ailleurs ne prend pas la forme d’une lettre type que le médecin-conseil aurait à remplir chaque fois qu’il demande qu’un membre du personnel de la BCE soit soumis à un examen médical, ne permet pas d’établir que la décision du médecin-conseil ne puisse jamais prendre la forme d’instructions orales.

77      Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité d’une telle pièce (le courrier du médecin-conseil mentionné au point précédent) produite devant le Tribunal seulement à l’occasion de l’audience, il suffit de constater que le simple fait que, dans d’autres circonstances que celles de l’espèce, mais concernant également la requérante, la décision du médecin-conseil d’ordonner un examen médical ait pris la forme d’un courrier, ne permet pas d’établir que, en l’absence d’un tel courrier, la décision de soumettre la requérante à des examens médicaux n’ait pas été prise par ledit médecin.

78      Par ailleurs, la requérante ne conteste pas le fait qu’elle a été elle-même informée par téléphone, par l’assistante du médecin-conseil, de la décision de l’envoyer en consultation auprès de l’équipe médicale du Pr A. Or, une telle information, effectuée par un agent de la BCE relevant hiérarchiquement du médecin-conseil, tend à confirmer la version des faits présentée par la BCE, selon laquelle la décision de soumettre la requérante aux examens médicaux litigieux émanait dudit médecin.

79      Enfin, le résumé des faits constatés par le contrôleur européen de la protection des données dans la décision du 12 novembre 2007 par laquelle il a rejeté la réclamation de la requérante, corrobore la version des faits selon laquelle la décision de soumettre la requérante à des examens médicaux émanait du médecin-conseil.

80      Or, la requérante s’est abstenue de mettre en cause à l’audience la validité dudit résumé, alors même qu’elle était interrogée sur ce point par le Tribunal.

81      Ainsi, il résulte de ce qui précède que la décision soumettant la requérante à des examens médicaux doit être considérée comme ayant été adoptée, contrairement à ce que soutient l’intéressée, par le médecin-conseil de la BCE. Par suite, le moyen tiré d’un vice de procédure doit être écarté.

b)     Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

82      La requérante soutient que la collecte des données en cause a été disproportionnée. En effet, selon elle, des mesures moins invasives auraient pu être prises pour vérifier la réalité d’une éventuelle incapacité de travail. De plus, elle soutient que l’examen pratiqué s’est révélé inutile, car elle a été absente du 2 au 19 mars 2007 alors que le certificat médical relatif à sa capacité d’exercer ses fonctions n’a été établi que le 24 avril 2007.

83      La BCE estime au contraire que de tels examens étaient justifiés notamment au regard d’absences fréquentes et parfois non justifiées de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

84      Le moyen invoqué porte sur le caractère disproportionné de la collecte dont les données en cause ont fait l’objet.

85      Dans la mesure où l’illégalité soulevée est susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée que le règlement n° 45/2001 a pour objet d’assurer à l’égard des traitements de données à caractère personnel, elle peut utilement, au regard des dispositions de l’article 16 dudit règlement, être invoquée par la requérante pour demander l’annulation de la décision refusant l’effacement des données ainsi collectées.

86      En l’espèce, force est de constater que la collecte de données médicales à laquelle il a été procédé a présenté un caractère très étendu. Ainsi, il n’est pas contesté que la collecte de données en cause a comporté, notamment, un examen cardiaque, un examen urologique, un examen gynécologique et une consultation psychiatrique.

87      Si les dispositions de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel autorisent la BCE, eu égard à l’emploi dans ses dispositions de l’expression très générale « toute mesure d’ordre médical », à procéder à une telle collecte, l’usage d’une telle collecte doit cependant, du fait de son caractère potentiellement invasif et des risques d’atteinte à la vie privée qu’elle implique, être limité aux situations qui le justifient.

88      D’ailleurs, l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 45/2001 prévoit que les données à caractère personnel doivent être « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement ».

89      En l’espèce, il ressort des termes de la lettre du 5 mars 2007 adressée au Pr A, laquelle était annexée à la lettre du même jour convoquant la requérante aux examens médicaux, que lesdits examens avaient pour objet, d’une part, de contrôler le caractère justifié de l’absence de l’intéressée, ce qui impliquait, dans un contexte d’absentéisme, d’examiner l’état de santé général de celle-ci, mais aussi, d’autre part, d’évaluer la nécessité de procéder à un aménagement de ses conditions de travail en raison d’éventuelles difficultés à exercer ses fonctions du fait de son état de santé.

90      Or, eu égard, d’une part, aux absences répétées de la requérante, dont un nombre non négligeable n’est pas justifié par des certificats médicaux et, d’autre part, au contexte particulier dans lequel est intervenue l’absence de la requérante ayant entraîné les mesures contestées (voir point 28), la collecte de données en cause ne saurait être regardée comme présentant un caractère excessif. En effet, la BCE a pu valablement considérer qu’un examen complet de l’état de santé de la requérante était nécessaire pour mettre fin à une situation d’absentéisme chronique qu’elle estimait insatisfaisante tant pour elle-même que pour son agent.

91      Par ailleurs, la circonstance que les résultats de l’examen médical pratiqué n’aient été reçus par le médecin-conseil de la BCE qu’après la fin du congé de maladie de la requérante, n’a pas eu pour effet d’ôter toute utilité à cette collecte de données. En effet, celle-ci est susceptible de permettre, d’une part, au médecin-conseil de la BCE de vérifier si la requérante était en droit de bénéficier d’un congé de maladie rémunéré, une décision de refus d’accorder un tel congé pouvant intervenir après que la période de congé se soit écoulée, et, d’autre part, à la BCE de prévoir un éventuel aménagement des conditions de travail de la requérante pour tenir compte de son état de santé général.

92      Par suite, le moyen doit être écarté.

c)     sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel au regard des dispositions de l’article 10 du règlement n° 45/2001

93      La requérante invoque l’illégalité, au regard de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 45/2001, de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel autorisant le médecin-conseil de la BCE à soumettre les membres du personnel à toute mesure d’ordre médical qu’il demande.

94      En vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 45/2001, les traitements de données à caractère personnel relatives, notamment, à la santé, sont interdits. Le paragraphe 2 de cet article prévoit des exceptions à cette interdiction.

95      Il appartient au Tribunal, compte tenu de l’argumentation développée par la requérante, de vérifier dans quelle mesure le traitement en cause est susceptible de relever des exceptions prévues à l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 45/2001. En effet, si tel n’était pas le cas, la collecte de ces données serait illicite et le refus d’effacement des données serait, en vertu des dispositions de l’article 16 du règlement n° 45/2001, illégal.

96      Le troisième moyen de la requérante se décompose en trois branches.

 Sur la première branche du moyen

–       Arguments des parties

97      La requérante soutient qu’en ne précisant pas la finalité du traitement qu’il prévoit, l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel méconnaît les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001.

98      La BCE fait valoir qu’une telle condition formelle n’est pas prévue par les textes.

–       Appréciation du Tribunal

99      Ainsi qu’il vient d’être indiqué, la requérante soutient qu’en ne précisant pas la finalité du traitement qu’il prévoit, l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel méconnaît les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001. Son argumentation se fonde sur une interprétation desdites dispositions, selon laquelle tout texte prévoyant un traitement de données à caractère médical doit exposer les motifs justifiant de la nécessité d’un tel traitement. Ainsi, la requérante ne conteste pas le caractère nécessaire du traitement que l’article 5.13.4 autorise, mais invoque la méconnaissance d’une condition formelle qui serait prévue par le règlement n° 45/2001.

100    Or, si les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001 prévoient que les traitements de données relevant de leur champ d’application doivent être nécessaires afin de respecter les obligations et les droits spécifiques du responsable du traitement en matière de droit du travail, il ne résulte pas de ces dispositions que tout texte prévoyant l’existence d’un traitement relatif à des « catégories particulières de données », au sens du titre de l’article 10 du règlement n° 45/2001, doive lui-même énoncer explicitement la finalité exacte de ce traitement et justifier ainsi de son caractère nécessaire.

101    En tout état de cause, si l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel ne fait pas expressément apparaître les objectifs susceptibles de justifier l’usage de la collecte de données médicales qu’il prévoit, ces objectifs se déduisent clairement du contexte dans lequel s’insère ledit article. En effet, l’ensemble des dispositions de l’article 5.13 a pour objet de préciser les conditions d’application de l’article 31 des conditions d’emploi, lequel prévoit qu’« un membre du personnel qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident, bénéficie d’un congé de maladie rémunéré ». Les mesures prévues à l’article 5.13.4 ont donc vocation à s’appliquer en cas d’absence pour congé de maladie aux fins de contrôler le caractère justifié de l’absence.

102    Ce contrôle peut d’ailleurs, selon les circonstances, concerner l’existence d’une maladie donnée, mais aussi l’état de santé général de l’intéressé, notamment dans le cas d’une absence continue ou pour des absences périodiques ou répétées. Sur ce dernier point, pour mettre fin à une situation d’absentéisme chronique, comme c’est le cas en l’espèce, l’institution est en droit, sinon obligée du fait de ses devoirs envers son personnel, d’évaluer la nécessité de procéder à l’aménagement des conditions de travail d’un membre du personnel au regard d’éventuelles difficultés de ce membre à exercer ses fonctions du fait de son état de santé.

103    Il y a lieu ici de constater que la finalité du traitement en cause relève, conformément aux dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001, des obligations et droits spécifiques du responsable du traitement, en l’espèce la BCE, en matière de droit du travail.

104    Par suite, même si, comme le suggère la requérante, le libellé de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel aurait pu être amélioré en précisant plus explicitement les finalités des mesures qu’il prévoit, la première branche du moyen doit être écartée.

 Sur la deuxième branche du moyen

–       Arguments des parties

105    L’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001 prévoit qu’un traitement de données à caractère médical doit être autorisé par les traités instituant les Communautés européennes ou par d’autres actes législatifs adoptés sur la base de ces traités.

106    Selon la requérante, la collecte de données en cause est autorisée par les règles applicables au personnel. Or, selon elle, ce texte ne peut être regardé comme un acte législatif adopté sur la base des traités. Par suite, les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001 seraient méconnues.

107    La BCE soutient que les règles applicables au personnel sont des actes législatifs adoptés sur la base des traités, au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001.

–       Appréciation du Tribunal

108    Dans l’article 2, sous b), du règlement n° 45/2001 un traitement est défini comme une opération ou un ensemble d’opérations.

109    Par conséquent, une collecte, une extraction, une consultation de données peuvent constituer chacune, de manière autonome, un traitement de données. Mais elles peuvent aussi n’être que des composantes d’un traitement de données constitué ainsi d’un ensemble d’opérations.

110    En l’espèce, le traitement en cause est un ensemble d’opérations comprenant notamment, mais pas uniquement, la collecte de données médicales et permettant à la BCE d’évaluer la capacité des personnes en congé de maladie à exercer leurs fonctions.

111    Or l’article 31 des conditions d’emploi prévoit que les membres du personnel qui justifient être dans l’incapacité d’exercer leurs fonctions pour cause de maladie ou d’accident bénéficient d’un congé de maladie rémunéré, conformément aux conditions fixées par les règles applicables au personnel.

112    Ainsi, en subordonnant le droit de bénéficier d’un congé de maladie rémunéré à la justification par le membre du personnel concerné de son incapacité à exercer ses fonctions, l’article 31 des conditions d’emploi implique nécessairement, comme corollaire, le pouvoir de l’employeur de contrôler l’existence d’une telle justification, les modalités de ce pouvoir étant susceptibles de varier, notamment, selon la fréquence des absences, ainsi qu’il a été indiqué au point 102 du présent arrêt.

113    Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, le traitement en cause est autorisé, non par les règles applicables au personnel, mais par les conditions d’emploi, lesquelles renvoient, s’agissant des modalités du traitement, aux règles applicables au personnel et, notamment, à l’article 5.13.4 en ce qui concerne spécifiquement la collecte des données.

114    Étant donné que la requérante ne conteste pas le caractère d’« actes législatifs adoptés sur la base des traités » des conditions d’emploi et qu’au contraire elle affirme, dans sa requête, que les conditions d’emploi constituent de tels actes, il n’appartient pas au Tribunal de soulever d’office cette question et, par conséquent, la deuxième branche du moyen, telle qu’elle est présentée par la requérante, doit être écartée.

115    En tout état de cause, ne peut être retenue l’argumentation de la requérante selon laquelle les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001 imposeraient que tout traitement portant sur des catégories particulières de données au sens du paragraphe 1 dudit article (notamment les données relatives à la santé) soit autorisé par un texte dont l’existence serait prévue directement dans les traités instituant les Communautés européennes.

116    En effet, une telle interprétation n’est pas conforme au libellé du texte et en particulier à l’emploi de l’expression « sur la base de » qui, si elle implique un lien entre le texte prévoyant un traitement de données et les traités, n’implique pas pour autant que ce lien soit direct.

117    En l’espèce, les règles applicables au personnel sont adoptées par le directoire de la BCE, sur la base de l’article 21 du règlement intérieur, texte dont l’existence est prévue à l’article 12, paragraphe 3, des statuts du SEBC. Par suite, elle sont adoptées, indirectement, sur la base d’un texte de droit primaire (arrêt du Tribunal de première instance du 18 octobre 2001, X/BCE, T‑333/99, Rec. p. II‑3021, point 104). Ainsi, à supposer même que le traitement en cause soit regardé comme ayant été exclusivement autorisé par les dispositions de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel, une telle autorisation ne méconnaîtrait pas les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001.

118    Par ailleurs, il est vrai que la version française de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001 prévoit qu’un traitement de données à caractère, notamment, médical, doit être autorisé par les traités ou d’autres « actes législatifs » adoptés sur la base ce ces traités. Si l’expression « actes législatifs » a, en référence au système juridique français, des implications sur la nature de l’organe qui adopte de tels actes, les autres versions linguistiques emploient une expression plus générale qui ne renvoie pas à la nécessité d’une autorisation du traitement par un acte émanant d’un organe particulier. C’est le cas de la version allemande (« Rechtsakte »), l’allemand étant en l’espèce la langue de procédure, mais aussi des versions anglaise (« legal instruments ») et italienne (« atti normativi »).

119    Par conséquent, l’expression « actes législatifs » qui est utilisée dans la version française du règlement n° 45/2001 doit être interprétée comme renvoyant à la notion d’« acte de portée normative ».

120    Or, tant les conditions d’emploi que les règles applicables au personnel sont des actes de portée normative (voir ordonnance du Tribunal de première instance du 18 avril 2002, IPSO et USE/BCE, T‑238/00, Rec. p. II‑2237, points 50 et 51).

121    Ainsi, à supposer même que la collecte de données en cause n’ait été autorisée que par les règles applicables au personnel, les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001, n’auraient pas pour autant été méconnues.

122    Enfin, l’objection soulevée à l’audience par la requérante, selon laquelle la protection effective de la vie privée ne serait pas assurée de manière suffisante si les institutions communautaires étaient en mesure de s’autoriser elles-mêmes, au moyen d’un simple texte d’application, à régir le traitement de données à caractère personnel, doit être écartée. En effet, la protection de la vie privée des membres du personnel est suffisamment assurée lorsque le texte autorisant un traitement de données est, comme en l’espèce, un acte de portée normative faisant l’objet d’une publicité suffisante (ce qui n’est pas contesté par la requérante) et que le traitement en cause présente un caractère prévisible.

123    Par suite, la deuxième branche du moyen doit être écartée.

 Sur la troisième branche du moyen

–       Arguments des parties

124    La requérante soutient, par ailleurs, que la collecte des données en cause n’a pas été acceptée par le contrôleur européen de la protection des données.

125    La BCE soutient que cet argument doit être rejeté.

–       Appréciation du Tribunal

126    S’agissant, dans les dispositions de l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001, d’une condition alternative à l’autorisation du traitement par un « acte législatif » adopté sur la base des traités instituant les Communautés européennes et dans la mesure où le Tribunal estime que cette dernière condition est remplie, il n’est pas nécessaire d’examiner cette troisième branche du moyen pour écarter celui-ci.

127    Par suite, le moyen tiré la méconnaissance par la BCE des obligations que lui impose l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001 doit être écarté.

128    D’ailleurs, sur ce point, il convient de noter, ainsi qu’il a été dit plus haut, que, saisi d’une réclamation de la requérante, le contrôleur européen de la protection des données s’est prononcé sur le caractère licite des traitements de données à caractère personnel que constituaient les lettres du 5 mars 2007 dont l’une était adressée à la requérante et l’autre au Pr A.

129    Le contrôleur européen de la protection des données a estimé que le traitement de données en cause entrait dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 10, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 45/2001.

130    Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’illégalité de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel au regard des dispositions de l’article 10 du règlement n° 45/2001 doit être écarté.

d)     Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel au regard de la marge d’appréciation qu’il réserve à la BCE

 Arguments des parties

131    La requérante a invoqué, lors de l’audience, le moyen tiré de l’illégalité de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel, lequel autorise le médecin-conseil de la BCE à soumettre les membres du personnel à toute mesure d’ordre médical. Elle soutient que les dispositions de cet article prévoient que la BCE peut imposer un examen médical à tout moment à un de ses membres, et donc pas nécessairement uniquement lorsqu’il s’agit de constater une incapacité de travail ou lorsqu’il y a un doute sur la capacité de travail de l’intéressé. Par suite, selon la requérante, la BCE peut faire usage de cette compétence pour tout motif et dispose donc d’une marge de manœuvre trop large.

132    La BCE soutient que ce moyen doit être écarté.

 Appréciation du Tribunal

133    Dans la mesure où les arguments présentés par la requérante à l’audience ne constituent pas un simple rappel de la première branche du troisième moyen, relative à l’absence de finalité du traitement de données en cause, le moyen invoqué ici porte sur la marge de manœuvre trop importante dont disposerait la BCE pour collecter des données à caractère médical.

134    L’illégalité invoquée est susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée que le règlement n° 45/2001 a pour objet d’assurer à l’égard des traitements de données à caractère personnel. Au regard des dispositions de l’article 16 du règlement n° 45/2001, la requérante peut donc s’en prévaloir pour demander l’annulation de la décision refusant l’effacement des données ainsi collectées.

135    S’agissant du bien-fondé du moyen et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur une éventuelle irrecevabilité tirée de ce que le moyen aurait été invoqué tardivement, il convient tout d’abord de rappeler que les dispositions de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel obligent les membres du personnel de la BCE à « se soumettre à toute mesure d’ordre médical exigée par le médecin-conseil ».

136    La requérante a attiré à juste titre l’attention du Tribunal sur le fait qu’il serait souhaitable, en matière médicale, c’est-à-dire dans un domaine où il incombe à l’administration d’être particulièrement vigilante quant aux risques d’atteinte à la vie privée, que la formulation des textes soit plus précise en ce qui concerne tant les objectifs poursuivis que l’étendue du pouvoir dont dispose l’institution pour atteindre ces objectifs.

137    Cependant et ainsi qu’il a été souligné aux points 101 et 102 du présent arrêt, si l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel ne fait pas expressément apparaître les objectifs susceptibles de justifier l’usage de la collecte de données médicales qu’il prévoit, ces objectifs se déduisent clairement du contexte dans lequel s’insère ledit article.

138    Ainsi, les mesures prévues à l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel ont vocation à s’appliquer, en cas d’absence pour congé de maladie, aux fins de contrôler le caractère justifié des absences, le caractère plus ou moins étendu de ce contrôle pouvant légitimement varier selon, notamment, la fréquence des absences (voir points 102 et 112 du présent arrêt).

139    Par ailleurs, même en l’absence de toute précision dans les règles applicables au personnel sur l’intensité et la portée des mesures susceptibles d’être adoptées sur le fondement de ces dispositions, l’exercice par la BCE de son pouvoir en matière de collecte de données à caractère personnel ne saurait aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire compte tenu des circonstances de fait dans lesquelles la BCE exerce ce pouvoir. Il appartient donc à la BCE de respecter le principe de proportionnalité, notamment tel qu’il est décliné en matière de protection à l’égard des traitements de données à caractère personnel par l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 45/2001. Il appartient également au juge communautaire de contrôler le respect par la BCE de ce principe.

140    Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, la marge de manoeuvre dont dispose la BCE pour faire usage des mesures prévues à l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel n’est pas illimitée. Les dispositions dudit article ne portent donc pas, par elles-mêmes, atteinte au principe de protection de la vie privée.

141    Par suite, même si un libellé plus explicite aurait pu être adopté pour tenir compte de certaines situations spécifiques telles que l’absentéisme chronique, les dispositions de l’article 5.13.4 des règles applicables au personnel ne sauraient être considérées comme illégales au motif qu’elles laisseraient à la BCE une marge de manœuvre trop large. Le quatrième moyen doit donc être écarté.

142    Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision de la BCE, du 11 juin 2007, refusant l’effacement de données à caractère personnel, doivent être rejetées.

B –  Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal constate l’illégalité de la lettre, du 5 mars 2007, enjoignant à la requérante de se présenter à un examen médical

143    La requérante n’a pas distingué parmi les moyens qu’elle invoquait, ceux qui venaient au soutien des conclusions aux fins d’annulation dirigées contre le refus d’effacement de ces données, de ceux qui venaient au soutien des conclusions aux fins d’annulation dirigées contre l’injonction qui lui était faite de se présenter à un examen médical.

144    Tous les moyens invoqués par la requérante ont été écartés comme non fondés dans la partie du présent arrêt consacrée aux conclusions dirigées contre le refus d’effacement de données à caractère personnel.

145    Par suite, il y a lieu, en l’absence de moyen spécifique venant au soutien des conclusions dirigées contre l’injonction faite à la requérante de se présenter à un examen médical, de rejeter lesdites conclusions.

C –  Sur les conclusions à fin d’indemnisation

146    La requérante demande la réparation du préjudice moral qu’elle a subi du fait de l’obligation qui lui a été faite de se soumettre à un examen médical, selon elle, irrégulier. Elle indique que l’examen en cause a comporté, notamment, un examen cardiaque, un examen urologique, un examen gynécologique et une consultation psychiatrique. Elle se prévaut de la pénibilité de tels examens.

147    Les conclusions indemnitaires sont donc fondées sur l’illégalité de la collecte des données à laquelle il a été procédé en l’espèce et, par voie de conséquence, sur l’illégalité de la décision de refus d’effacement de ces données, toutes deux contestées au titre des conclusions aux fins d’annulation. Aucune irrégularité relative à des agissements distincts de ces mesures n’est invoquée.

148    Par suite, les conclusions aux fins d’annulation ayant été rejetées, les conclusions aux fins d’indemnisation doivent l’être également.

 Sur les dépens

149    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

150    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Kreppel

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’allemand.