Language of document : ECLI:EU:F:2012:149

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

6 novembre 2012 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Renvoi au Tribunal après annulation – Invalidité – Mise à la retraite pour cause d’invalidité – Composition de la commission d’invalidité – Régularité – Conditions »

Dans l’affaire F‑41/06 RENV,

ayant pour objet le renvoi du recours F‑41/06 initialement introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Marcuccio, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés par Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, E. Perillo (rapporteur) et R. Barents, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a été renvoyée au Tribunal par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 juin 2011, Commission/Marcuccio (T‑20/09 P, ci-après l’« arrêt de renvoi »), annulant partiellement l’arrêt du Tribunal du 4 novembre 2008, Marcuccio/Commission (F‑41/06, ci-après l’« arrêt initial »), qui avait statué sur le recours parvenu au greffe du Tribunal le 12 avril 2006, par lequel M. Marcuccio demandait, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 30 mai 2005, l’ayant mis à la retraite pour cause d’invalidité ainsi que d’une série d’actes connexes à ladite décision et, d’autre part, la condamnation de la Commission à lui payer des dommages et intérêts.

 Cadre juridique

2        L’article 2, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa rédaction applicable au litige (ci-après le « statut »), dispose :

« Chaque institution détermine les autorités qui exercent en son sein les pouvoirs dévolus par le présent statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination. »

3        L’article 53 du statut prévoit :

« Le fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions. »

4        L’article 59, paragraphe 4, du statut dispose :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination peut saisir la commission d’invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans. »

5        L’article 78 du statut dispose :

« Dans les conditions prévues aux articles 13 à 16 de l’annexe VIII, le fonctionnaire a droit à une allocation d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions.

[…]

Le taux de l’allocation d’invalidité est fixé à 70 % du dernier traitement de base du fonctionnaire. Toutefois, cette allocation ne peut être inférieure au minimum vital.

[…] »

6        Aux termes de l’article 7 de l’annexe II du statut :

« La commission d’invalidité est composée de trois médecins désignés :

–        le premier par l’institution dont relève le fonctionnaire intéressé,

–        le second par l’intéressé,

–        le troisième du commun accord des deux médecins ainsi désignés.

En cas de carence du fonctionnaire intéressé, un médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice des Communautés européennes.

[À] défaut d’accord sur la désignation du troisième médecin dans un délai de deux mois à compter de la désignation du second médecin, le troisième médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice des Communautés européennes à l’initiative d’une des parties. »

7        L’article 9 de l’annexe II du statut dispose :

« Le fonctionnaire peut soumettre à la commission d’invalidité tous rapports ou certificats de son médecin traitant ou des praticiens qu’il a jugé bon de consulter.

Les conclusions de la commission sont transmises à l’autorité investie du pouvoir de nomination et à l’intéressé.

Les travaux de la commission sont secrets. »

8        L’article 15 de l’annexe VIII du statut prévoit :

« Tant que l’ancien fonctionnaire bénéficiant d’une allocation d’invalidité n’a pas atteint l’âge de 63 ans, l’institution peut le faire examiner périodiquement en vue de s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette allocation. »

 Faits à l’origine du litige

9        Le requérant, alors fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale (DG) « Développement » de la Commission, a été affecté à Luanda (Angola) au sein de la délégation de la Commission en Angola en tant que fonctionnaire stagiaire à compter du 16 juin 2000, puis comme fonctionnaire titulaire à compter du 16 mars 2001.

10      Le 29 octobre 2001, alors qu’il ouvrait des courriers parvenus à la délégation par valise diplomatique et provenant du siège de la Commission à Bruxelles (Belgique), le requérant est entré en contact avec une poudre blanche contenant, selon lui, des traces du bacille de l’anthrax. Le 3 décembre 2002, le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») d’une demande visant à obtenir la reconnaissance de cet accident au titre de l’article 73 du statut. La décision implicite de rejet de cette demande a été annulée par arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 5 juillet 2005, Marcuccio/Commission (T‑9/04).

11      À compter du 4 janvier 2002, le requérant s’est trouvé en congé de maladie à son domicile à Tricase (Italie).

12      Par décision du 18 mars 2002, l’AIPN a réaffecté le requérant au siège de la DG « Développement » à Bruxelles. Par arrêt du 24 novembre 2005, Marcuccio/Commission (T‑236/02), le Tribunal de première instance a rejeté le recours du requérant visant à l’annulation de la décision de réaffectation du 18 mars 2002 et à la condamnation de la Commission à lui payer des dommages et intérêts. Sur pourvoi du requérant, la Cour de justice des Communautés européennes, par arrêt du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission (C‑59/06 P), a annulé l’arrêt Marcuccio/Commission, précité, et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal de première instance. Par arrêt du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission (T‑236/02, faisant l’objet d’un pourvoi actuellement pendant devant la Cour, affaire C‑617/11 P), le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision de réaffectation du 18 mars 2002 et a rejeté l’intégralité des conclusions indemnitaires de la requête.

13      À la suite des absences prolongées du requérant pour maladie, la Commission, par décision du 14 février 2003 notifiée au requérant par note du 20 février suivant, a saisi la commission d’invalidité, en application de l’article 59, paragraphe 4, du statut.

14      Par note du 27 mars 2003, parvenue à la Commission le 15 avril 2003, le requérant a désigné le docteur U. pour le représenter au sein de la commission d’invalidité.

15      Par note du 26 mai 2003, reçue par le requérant le 30 mai suivant, celui-ci a été informé de la désignation du docteur M. chargé de représenter la Commission au sein de la commission d’invalidité.

16      Le 14 juillet 2003, le requérant a informé l’AIPN, par l’intermédiaire du directeur général de la DG « Développement », de sa nouvelle adresse à Tricase, demandant toutefois que tout acte de la Commission continue à lui être envoyé à son ancienne adresse.

17      Par note du 14 octobre 2003, que le requérant admet avoir reçue, la Commission l’a informé que le docteur M. avait pris contact avec le docteur U. pour s’accorder sur la nomination du troisième médecin de la commission d’invalidité (ci-après le « troisième médecin ») et l’a invité à s’abstenir de toute activité susceptible de retarder ou d’empêcher la procédure de constitution de la commission d’invalidité. Elle l’a également informé que, en l’absence d’accord quant à la désignation du troisième médecin, la Commission saisirait le président de la Cour de justice pour qu’il commette d’office ce troisième médecin.

18      Par note du service médical de la Commission (ci-après le « service médical ») du 6 février 2004, le requérant a été informé qu’il serait soumis à un examen médico-légal. À cette note était annexée la copie d’une autre note, portant également la date du 6 février 2004, dont l’original avait été adressé au docteur C., directeur de l’Azienda U.S.L. LE/2 de Maglie (Italie), et qui décrivait de manière détaillée l’examen médical auquel ce médecin était invité à procéder.

19      Le docteur M. et le docteur U. n’étant pas parvenus à s’accorder pour désigner le troisième médecin, le président de la Cour de justice a, le 14 juillet 2004, sur demande de la Commission, commis d’office le docteur Ba. en qualité de troisième médecin.

20      Par lettre du 11 octobre 2004, le service médical a convoqué le requérant au cabinet du docteur Ba. à Rome (Italie) afin d’y être examiné par la commission d’invalidité le 4 novembre 2004. Cet examen n’a cependant pas eu lieu, le docteur U. ayant présenté sa démission par lettre du 26 octobre 2004, parvenue à la Commission le 3 novembre suivant par télécopie. En outre, le requérant, qui prétend n’avoir reçu la convocation à cet examen médical que le 8 novembre 2004, était absent du lieu où aurait dû se tenir ledit examen.

21      Par note du 17 novembre 2004, la Commission a informé le requérant qu’il lui appartenait, du fait de la démission du docteur U., de désigner un autre médecin pour le représenter au sein de la commission d’invalidité (ci-après la « note du 17 novembre 2004 »). Le requérant soutient qu’il n’a pas reçu cette note.

22      Par lettre du 20 décembre 2004, la Commission a demandé au président de la Cour de justice de commettre d’office un médecin pour représenter le requérant au sein de la commission d’invalidité.

23      Par note du 4 janvier 2005, le requérant a été convoqué une nouvelle fois pour un examen médical devant se tenir le 20 janvier 2005 dans les locaux du service médical à Bruxelles. Toutefois, par note du 13 janvier 2005, envoyée à la Commission le 17 janvier 2005 et parvenue à celle-ci le 21 janvier suivant, le requérant a informé le service médical qu’il ne pourrait, pour des raisons de santé, se rendre à cet examen. À cette note était annexé un certificat médical du 13 janvier 2005 indiquant que l’intéressé était dans l’impossibilité de se déplacer pendant une période estimée à dix jours.

24      Le 25 février 2005, le docteur Bi., du service médical, a rendu visite au requérant à son domicile de Tricase, sans toutefois effectuer un examen médical de l’intéressé.

25      Le docteur M., membre de la commission d’invalidité chargé de représenter la Commission, ayant été, pour des raisons de santé, empêché de poursuivre son mandat au sein de la commission d’invalidité, la Commission a désigné, le 7 mars 2005, le docteur Bi. pour le remplacer.

26      Par lettre du 15 avril 2005, que le requérant indique avoir reçue le 23 mai suivant, la Commission l’a informé que, à la suite de la lettre de la Commission du 20 décembre 2004, le président de la Cour de justice avait commis d’office le professeur S. afin de le représenter « pour une nouvelle commission d’invalidité ».

27      Selon la Commission, le docteur Bi., membre de la commission d’invalidité désigné par la Commission, et le professeur S., membre de la commission d’invalidité désigné par le président de la Cour de justice pour représenter le requérant, se seraient accordés, le 27 avril 2005, sur la désignation du docteur Ma. comme troisième médecin.

28      Par lettre recommandée du 3 mai 2005, dont un exemplaire a été envoyé à chacune des deux adresses indiquées par le requérant dans sa lettre du 14 juillet 2003, la commission d’invalidité a invité, une nouvelle fois, le requérant à se soumettre à un examen médical devant avoir lieu, le 27 mai 2005, au cabinet du professeur S., médecin chargé de représenter le requérant, à Lecce (Italie). Selon la Commission, l’exemplaire de la lettre du 3 mai 2005 envoyé à l’ancienne adresse du requérant aurait été remis au requérant le 8 juin 2005, tandis que l’exemplaire envoyé à la nouvelle adresse du requérant n’aurait pu être délivré et aurait été retourné à l’expéditeur. Toutefois, toujours selon la Commission, l’intéressé aurait, dès le 11 mai 2005, été informé de ce que l’exemplaire envoyé à sa nouvelle adresse aurait été déposé au bureau de poste de Tricase.

29      Par note du 6 mai 2005, le requérant a communiqué à la Commission une troisième adresse à Tricase. Il précisait toutefois que la Commission, si elle l’estimait opportun, pouvait continuer à lui envoyer ses courriers à sa première adresse de Tricase à moins que ces courriers ne soient urgents, auquel cas ils devraient lui être envoyés à sa troisième adresse à Tricase.

30      Par note du 23 mai 2005, le requérant a contesté, notamment, la nomination du professeur S. pour le représenter au sein de la commission d’invalidité (ci-après la « note du 23 mai 2005 »).

31      Le requérant ne s’étant pas présenté à l’examen médical devant avoir lieu le 27 mai 2005 à Lecce, la commission d’invalidité s’est rendue le jour même à Tricase dans le but de rencontrer l’intéressé à son domicile. Cette tentative n’ayant pas abouti, la commission d’invalidité a établi un procès-verbal dans lequel elle constatait son impossibilité d’examiner le requérant tout en émettant l’hypothèse que celui-ci serait atteint d’un « syndrome anxio-dépressif » (ci-après le « procès-verbal du 27 mai 2005 »). La commission d’invalidité a également procédé à l’appréciation de l’état de santé de l’intéressé en se fondant sur le dossier médical produit au cours de la procédure et a estimé, dans un avis daté du 27 mai 2005 (ci-après l’« avis de la commission d’invalidité »), que celui-ci devait être regardé comme atteint d’une invalidité permanente et totale.

32      La première page de l’avis de la commission d’invalidité était libellée comme suit :

« La commission d’invalidité composée des :

1°Dr [Bi.] désignée par la [Commission]

2°Prof [S.] désigné par la Cour […],

3°Dr [Ma.] [désigné d’un commun accord par le docteur Bi. et le professeur S.]

a, lors de sa réunion du 27 mai 2005, décidé, après examen [de la documentation] de M. Luigi M[arcuccio], né le 7 [juillet] 1965, fonctionnaire auprès de la Commission européenne, que celui-ci

est atteint/[…]

d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière et que pour ce motif il est obligé:

–        de suspendre son activité à la Commission,

[…]

La commission d’invalidité déclare que l’invalidité de M. Luigi Marcuccio

[…]/ne résulte pas

–        d’un accident survenu dans l’exercice de ses fonctions,

–        d’un acte de dévouement accompli dans un intérêt public ou

–        du fait d’avoir exposé ses jours pour sauver une vie humaine

[signatures des trois membres de la commission d’invalidité] »

33      La mention « de la documentation » au vu de laquelle aurait été examiné l’état de santé du requérant a été rajoutée à la main sur le texte dactylographié de l’avis.

34      Par décision du 30 mai 2005, notifiée au requérant par une note datée du même jour et à laquelle était annexé l’avis de la commission d’invalidité, l’AIPN a, en application de l’article 53 du statut, mis le requérant à la retraite à compter du 31 mai 2005 et lui a accordé le bénéfice d’une allocation d’invalidité fixée conformément à l’article 78, troisième alinéa, du statut (ci-après la « décision du 30 mai 2005 »).

35      La décision du 30 mai 2005 était libellée ainsi :

« Vu le statut […], en particulier son article 53 ;

vu la décision de la Commission du 28 avril 2004 relative à l’exercice des pouvoirs conférés par le [s]tatut à l’[AIPN] ;

vu la décision du 14 février 2005 de l’[AIPN], de soumettre à la commission d’invalidité le cas de M. Luigi M[arcuccio], fonctionnaire de grade A*8 auprès de la [DG « Développement »];

vu [l’avis de la commission d’invalidité] qui constat[e] que M. Luigi Marcuccio est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son grade;

[…] ».

36      Par lettre du 8 juin 2005, reçue par la commission d’invalidité le 21 juin suivant, le requérant s’est plaint de ne pas avoir reçu la convocation à l’examen médical prévu pour le 27 mai 2005.

37      Par note du 10 juin 2005, le service médical a rejeté les griefs que le requérant avait formulés dans sa note du 23 mai 2005 (ci-après la « note du 10 juin 2005 »).

38      Le 2 août 2005, le requérant a présenté une réclamation tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 30 mai 2005 ainsi que des actes de désignation des membres de la commission d’invalidité, et, d’autre part, à la réparation du préjudice prétendument subi. Dans sa réclamation, le requérant critiquait, notamment, le défaut de motivation dont serait entachée la décision du 30 mai 2005. Le 20 août 2005, le requérant a présenté un complément à cette réclamation.

39      Par note du 18 novembre 2005, le requérant a demandé que lui soit fournie une motivation plus concrète concernant l’avis de la commission d’invalidité.

40      Par décision du 16 décembre 2005, communiquée au requérant dans sa version en langue française au moyen d’une note datée du même jour, l’AIPN a rejeté l’ensemble de la réclamation du 2 août 2005. Une décision de rejet du complément à la réclamation a également été prise le 22 décembre 2005.

41      À la demande du requérant, une version en langue italienne de la décision du 16 décembre 2005 rejetant la réclamation lui a été communiquée par une note du 19 janvier 2006.

 Procédure et conclusions des parties devant le Tribunal et le Tribunal de l’Union européenne

42      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 12 avril 2006, le requérant a introduit le recours ayant abouti à l’arrêt initial.

43      Pour un exposé plus complet des conclusions du requérant dans l’affaire F‑41/06, il y a lieu de se reporter au point 42 de l’arrêt initial.

44      Les cinq moyens d’annulation soulevés par le requérant, tels que résumés au point 57 de l’arrêt initial, étaient tirés :

« –      du ‘[d]éfaut absolu de motivation, en raison notamment du manque de logique, de la redondance, des contradictions et des incohérences’ ;

–        de la ‘[v]iolation des droits de la défense et de l’article 9 de l’annexe II [d]u [s]tatut’ ;

–        de l’existence de ‘[v]ices de procédure, [d’une] violation du droit applicable et [d’une] violation des [règles matérielles]’ ;

–        de la ‘[v]iolation du devoir de sollicitude et du devoir de bonne administration’ ;

–        du ‘[d]étournement de pouvoir et de la violation du principe ‘neminem laedere’ ».

45      Dans son mémoire en défense, la Commission a conclu au rejet du recours.

46      Par l’arrêt initial, le Tribunal a estimé que n’étaient recevables que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 30 mai 2005 (arrêt initial, point 56). Le Tribunal a ensuite examiné le premier moyen soulevé à l’appui desdites conclusions et annulé la décision du 30 mai 2005 pour défaut de motivation. Le Tribunal ne s’est pas prononcé sur les autres moyens et griefs soulevés par le requérant à l’appui de ses conclusions en annulation de la décision du 30 mai 2005. Le Tribunal a condamné la Commission à verser au requérant la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral et a rejeté le recours pour le surplus. Enfin, le Tribunal a condamné la Commission à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens du requérant et a décidé que le requérant supporterait le tiers de ses propres dépens.

47      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal de première instance le 16 janvier 2009, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt initial, demandant l’annulation de cet arrêt et le renvoi de l’affaire devant le Tribunal.

48      Le requérant a déposé un mémoire en réponse, par lequel il a également formé un pourvoi incident contre l’arrêt initial. Les conclusions du requérant, qui sont exposées au point 26 de l’arrêt de renvoi, tendaient, en substance, au rejet du pourvoi principal, à l’annulation de l’arrêt initial pour autant qu’il limitait le montant à lui verser à la somme de 3 000 euros et pour autant qu’il rejetait le recours pour le surplus, et à la condamnation de la Commission au paiement de dommages et intérêts.

49      Par l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a accueilli le pourvoi principal dans son intégralité et annulé l’arrêt initial dans la mesure où le Tribunal a annulé la décision du 30 mai 2005 et dans la mesure où il a condamné la Commission à verser au requérant la somme de 3 000 euros.

50      Le Tribunal de l’Union européenne a estimé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant, aux points 66 et 68 de l’arrêt initial, que, au stade de la réponse à la réclamation, l’AIPN n’avait pas fourni une motivation adéquate.

51      S’agissant de l’indemnité pour préjudice moral, le Tribunal de l’Union européenne a estimé que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant, au point 82 de l’arrêt initial, que la décision du 30 mai 2005, dans la mesure où elle concluait à l’invalidité totale et permanente du requérant et à son incapacité à effectuer les tâches correspondant à ses fonctions, comportait une appréciation négative de ses capacités, de sorte que l’annulation de cette décision ne constituait pas en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par cet acte.

52      Le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le pourvoi incident dans son intégralité.

53      En conséquence de l’annulation partielle de l’arrêt initial, le Tribunal de l’Union européenne a renvoyé l’affaire devant le Tribunal par les motifs suivants :

« 131. En l’espèce, il ressort du point 71 de l’arrêt [initial] que le Tribunal […] n’a pas statué sur les autres griefs et moyens soulevés par M. Marcuccio à l’appui de ses conclusions en annulation, notamment ceux concernant la régularité de la composition de la commission d’invalidité. Dans ces circonstances, le Tribunal considère que le présent litige n’est pas en état d’être jugé. Dès lors, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal […] pour qu’il statue sur les moyens, à l’exception du premier, résumés au point 57 de l’arrêt [initial]. »

54      Le Tribunal de l’Union européenne a notamment annulé les points 4 et 5 du dispositif de l’arrêt initial qui condamnaient, d’une part, la Commission à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens du requérant et, d’autre part, le requérant à supporter le tiers de ses propres dépens. L’affaire ayant été renvoyée devant le Tribunal, les dépens afférents à la procédure de pourvoi ont été réservés.

55      Par lettre du 17 juin 2011, le greffe du Tribunal a, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, informé le requérant qu’il avait la possibilité de déposer un mémoire d’observations écrites.

56      Le mémoire d’observations écrites du requérant est parvenu au greffe du Tribunal le 19 août 2011 et, en application de l’article 114, paragraphe 2, du règlement de procédure, a été communiqué à la Commission.

57      Le mémoire d’observations écrites de la Commission est parvenu au greffe du Tribunal le 7 octobre 2011, date à laquelle la procédure écrite a été clôturée. Ce mémoire a été communiqué au requérant par lettre du greffe du 25 octobre 2011.

58      Par mémoire d’observations écrites adressé par télécopie le 9 janvier 2012, l’original étant parvenu au greffe du Tribunal le 13 janvier 2012, le requérant a demandé au Tribunal d’examiner, au besoin d’office, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision du 30 mai 2005.

59      La Commission a présenté des observations écrites sur cette demande le 20 février 2012.

60      Par mémoire adressé par télécopie le 20 mars 2012, l’original étant parvenu au greffe du Tribunal le 26 mars 2012, le requérant a présenté des observations écrites complémentaires sur le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision du 30 mai 2005.

61      La Commission a présenté, le 27 avril 2012, des observations écrites sur les observations complémentaires du requérant.

 Conclusions des parties dans l’instance après renvoi

62      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 30 mai 2005 ;

–        condamner la Commission à réparer son préjudice moral.

63      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens afférents aux procédures engagées devant le Tribunal dans les affaires F‑41/06 et F‑41/06 RENV et devant le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T‑20/09 P.

 En droit

1.     Sur les conclusions en annulation

64      Il appartient au Tribunal de se prononcer sur les moyens tirés, en premier lieu, de la violation des droits de la défense et de l’article 9, de l’annexe II du statut ; en deuxième lieu, de ce que la décision du 30 mai 2005 serait entachée de vices de procédure, d’une violation du droit applicable et d’une violation des règles matérielles ; en troisième lieu, de la violation du devoir de sollicitude et de bonne administration ; en quatrième lieu, de ce que l’administration aurait commis un détournement de pouvoir et aurait violé le principe « neminem laedere ». Au préalable, il convient cependant d’examiner le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 30 mai 2005, de la violation des formes substantielles et du défaut de motivation

 Sur le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 30 mai 2005, de la violation des formes substantielles et du défaut de motivation

65      À titre liminaire, il convient de rappeler que les moyens tirés de l’incompétence de l’auteur d’un acte faisant grief, de la violation des formes substantielles et de l’absence ou de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée sont des moyens d’ordre public qu’il appartient au Tribunal d’examiner d’office (arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, point 64 ; arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 juillet 2010, Commission/Putterie-De-Beukelaer, T‑160/08 P, point 61, et la jurisprudence citée).

 Sur le grief tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 30 mai 2005 et de la violation des formes substantielles

–       Arguments des parties

66      Le requérant fait valoir que la décision du 30 mai 2005 n’émanerait ni du directeur général du personnel, qui serait l’AIPN compétente pour décider de la mise à la retraite d’un fonctionnaire pour cause d’invalidité, ni d’une personne titulaire d’une délégation de pouvoirs.

67      La Commission conclut à ce que le moyen soit écarté.

–       Appréciation du Tribunal

68      Il est constant que la décision du 30 mai 2005, qui provient de la direction C « Politique sociale » de la DG « Personnel et administration », dirigée au moment des faits par Mme S., a été signée, par ordre de cette dernière, par M. M., chef d’unité au sein de ladite direction C. Il n’est pas non plus contesté que M. M. était, à l’époque des faits, le fonctionnaire le plus ancien et de surcroît le plus âgé de la direction en cause.

69      Aux termes de l’article 6 de la décision de la Commission du 28 avril 2004, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN et par le régime applicable aux autres agents à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, à laquelle la décision du 30 mai 2005 fait référence, « les personnes auxquelles [les délégations de pouvoirs] sont confiées sont suppléées, en cas d’empêchement, selon les règles générales de suppléance fixées par le [r]èglement intérieur de la Commission ». Or, l’article 24 dudit règlement intérieur, qui organise au sein de la Commission un régime de suppléance automatique en cas d’absence ou d’empêchement d’un fonctionnaire, prévoit, dans la version applicable en l’espèce (JO 2000 L 308, p. 26), que « la suppléance est exercée par le subordonné présent le plus ancien et, à ancienneté égale, le plus âgé, dans la catégorie et le grade les plus élevés ».

70      Il résulte de ce qui précède que la décision du 30 mai 2005, signée, par ordre du directeur compétent de la direction C « Politique sociale », par M. M., chef d’unité au sein de ladite direction et fonctionnaire le plus ancien et de surcroît le plus âgé de cette direction, pouvant donc valablement à ce double titre suppléer le directeur, a été adoptée conformément aux dispositions pertinentes de la décision susmentionnée de la Commission, du 28 avril 2004, et de l’article 24 du règlement intérieur de la Commission. Par conséquent, cette décision n’est entachée ni d’incompétence ni d’une violation des formes substantielles.

 Sur le grief tiré du défaut de motivation

–       Arguments des parties

71      Le requérant fait valoir que la décision du 30 mai 2005 serait entachée d’un défaut de motivation en ce qu’elle ne contiendrait aucune référence aux dispositions pertinentes en matière de délégations de pouvoirs et de signature et qu’elle ne préciserait pas le contenu de ces dispositions.

72      La Commission conclut à ce que le grief soit écarté.

–       Appréciation du Tribunal

73      S’agissant du grief tiré du défaut de motivation en raison de l’absence, dans la décision du 30 mai 2005, d’indications relatives aux délégations de pouvoirs et de signature, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, point 131, et la jurisprudence citée).

74      Dans le cas d’espèce, s’agissant d’une décision administrative interne adressée par les services compétents de la Commission à l’un de ses fonctionnaires, ladite institution n’était pas tenue d’indiquer, spécifiquement, les références aux dispositions légales internes concernant le régime de suppléance ni, a fortiori, de citer le contenu de ces dispositions. En outre, en ce qui concerne la délégation de pouvoirs, il convient de rappeler que la décision du 30 mai 2005 fait référence à la décision susmentionnée de la Commission, du 28 avril 2004. En définitive, ce qui, en termes de sécurité juridique, est déterminant pour le fonctionnaire, destinataire d’une décision administrative susceptible de lui faire grief, est que celui-ci puisse clairement comprendre de quel service provient la décision en cause et quel est le statut juridique ou la qualité pour agir de son signataire.

75      Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l’incompétence de l’auteur de la décision du 30 mai 2005, de la violation des formes substantielles et de l’absence ou de l’insuffisance de motivation de la décision doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense et de l’article 9 de l’annexe II du statut

 Arguments des parties

76      Les griefs soulevés au soutien de ce moyen sont au nombre de trois. Le requérant fait valoir que, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision du 30 mai 2005, son droit de désigner un médecin pour le représenter au sein de la commission d’invalidité aurait été méconnu, qu’il aurait été privé de la possibilité d’être soumis à une visite médicale et que la commission d’invalidité n’aurait pas examiné la documentation qu’il avait envoyée.

77      La Commission conclut au rejet de l’ensemble de ces griefs.

 Appréciation du Tribunal

78      À titre liminaire, il convient d’observer que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Ce principe, qui exige normalement que, dans le cadre de ce type de procédures contradictoires, l’intéressé soit entendu par l’autorité compétente avant l’adoption de l’acte lui faisant grief, s’applique tant en matière disciplinaire que dans les autres matières relevant de la fonction publique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, points 30 et 31, et la jurisprudence citée).

79      Ceci étant, les travaux d’une commission d’invalidité ne se situent pas dans le cadre d’une procédure administrative contradictoire ouverte à l’encontre d’un fonctionnaire et ne visent pas non plus à trancher un conflit entre l’administration et son employé. La finalité des travaux d’une commission d’invalidité est d’établir des constatations médicales permettant à l’administration de décider si et dans quelle mesure le fonctionnaire concerné est atteint d’une invalidité. De ce fait, l’audition du fonctionnaire par une telle commission n’est pas imposée par des principes relatifs aux droits de la défense (arrêt de la Cour du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, 2/87, point 16).

80      En revanche, dans le cadre des procédures administratives spéciales telle que la procédure de mise en invalidité, le fonctionnaire concerné peut se prévaloir de droits procéduraux qui sont propres à ces procédures et donc distincts des droits de la défense (arrêt du Tribunal du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, point 48).

81      Ainsi, au cours des travaux d’une commission d’invalidité, les intérêts du fonctionnaire sont, en premier lieu, représentés et sauvegardés par la présence au sein de la commission, en vertu de l’article 7 de l’annexe II du statut, du médecin qui le représente. En deuxième lieu, la désignation du troisième médecin d’un commun accord par les deux membres nommés par chaque partie ou, à défaut d’accord, par le président de la Cour de justice constitue une garantie d’impartialité dans la conduite des travaux de la commission d’invalidité (arrêt Biedermann/Cour des comptes, précité, point 10). En troisième lieu, en vertu de l’article 9 de l’annexe II du statut, le fonctionnaire concerné peut soumettre à la commission d’invalidité tous rapports ou certificats des praticiens qu’il a consultés.

82      Telles sont les prémisses juridiques sur la base desquelles il y a lieu d’examiner chacun des trois griefs soulevés dans le cadre du deuxième moyen.

–       Sur le premier grief

83      Le premier grief est tiré de la méconnaissance du droit du fonctionnaire à la désignation d’un médecin de sa confiance pour le représenter au sein de la commission d’invalidité. Le requérant fait valoir que la Commission a illégalement chargé le président de la Cour de justice de nommer d’office un médecin en lieu et place du docteur U. qu’il avait désigné pour le représenter au sein de la commission d’invalidité. Le requérant soutient, en effet, qu’il ignorait que le docteur U. avait démissionné.

84      Par ce grief, le requérant soulève, en substance, la violation de l’article 7 de l’annexe II du statut.

85      En raison de l’importance du rôle et du mandat que les dispositions pertinentes du statut confient à la commission d’invalidité, le juge de l’Union est appelé à exercer un contrôle strict des règles relatives à la constitution et au fonctionnement régulier de cette commission. Au premier rang de celles-ci figure la règle inscrite à l’article 7 de l’annexe II du statut, laquelle assure au fonctionnaire que ses droits et intérêts seront sauvegardés par la présence, au sein de la commission, d’un médecin ayant sa confiance (arrêt du Tribunal de première instance du 21 mars 1996, Otten/Commission, T‑376/94, point 47). L’existence des conditions justifiant la désignation d’office de ce médecin doit donc être vérifiée soigneusement, en tenant compte non seulement du comportement du fonctionnaire concerné, mais de tous les éléments utiles mis à la disposition du juge de l’Union.

86      En l’espèce, la carence du requérant, au sens de l’article 7 de l’annexe II du statut, est suffisamment établie. Il résulte, en effet, d’un faisceau d’indices concordants que le requérant ne pouvait pas ignorer que le médecin qu’il avait désigné, le docteur U., avait, par la suite, démissionné.

87      Ainsi, la lettre du 26 octobre 2004, par laquelle le docteur U. a présenté sa démission, a été transmise à la Commission le 3 novembre 2004 par une télécopie expédiée d’une imprimerie de Tricase, lieu du domicile du requérant et non lieu d’établissement du cabinet du médecin.

88      En outre, le jour où la commission d’invalidité devait se réunir, le 4 novembre 2004, le docteur U., dont la démission avait été transmise la veille à la Commission, a établi un certificat médical concernant l’état de santé du requérant, que ce dernier a d’ailleurs transmis le jour même à la Commission. Rien ne permet donc d’affirmer que s’était produite entre le requérant et le docteur U. une rupture de dialogue de nature à entraîner la démission de ce dernier de son mandat sans qu’il en avertisse en même temps le requérant.

89      À l’audience du 22 mai 2012, l’avocat du requérant a, par ailleurs, signalé que le requérant avait de bonnes relations avec le docteur U.

90      Par conséquent, en l’absence de déclaration, ou de toute autre manifestation de volonté, du docteur U. par laquelle celui-ci aurait pu reconnaître ne pas avoir informé le requérant de sa décision de renoncer au mandat que ce dernier lui avait confié, le Tribunal ne peut que se baser sur les indices dont il dispose, lesquels conduisent à reconnaître – eu égard également aux règles de déontologie professionnelle qui régissent les relations entre le patient et son médecin de confiance – que le requérant ne pouvait pas ne pas savoir que le docteur U., son médecin de confiance, avait démissionné de la commission d’invalidité comme membre chargé de le représenter au sein de cette commission.

91      Quoiqu’il en soit, les informations que, dans le cadre d’une procédure d’invalidité, le fonctionnaire et le médecin désigné par ses soins pour le représenter au sein de ladite commission peuvent s’échanger, au sujet en particulier de l’existence ou du maintien du mandat du médecin ainsi désigné ou des modalités d’exécution dudit mandat, relèvent du cadre des relations contractuelles et de confiance qui existent entre ce médecin et le fonctionnaire qu’il représente. Dès lors, sauf en cas de soupçons graves et d’indices manifestes quant à l’origine effective des communications que les membres de la commission d’invalidité ou les services compétents de l’institution reçoivent directement de la part du médecin désigné par le requérant, la décision de ce médecin informant les autres membres de la commission de sa démission du mandat que le fonctionnaire lui a confié n’emporte pas pour ces derniers ou pour les services de l’institution l’obligation de vérifier que cette décision a été effectivement portée aussi à la connaissance du fonctionnaire que le médecin est censé représenter. En effet, dans le cadre desdites relations contractuelles et de confiance existant entre le médecin et le fonctionnaire qu’il représente, la connaissance d’une telle décision de la part dudit fonctionnaire est en principe donnée pour acquise.

92      Par conséquent, à partir du moment où la démission du docteur U. a été régulièrement communiquée aux deux autres membres de la commission d’invalidité, il appartenait aux services compétents de la Commission de prendre les mesures appropriées afin de procéder à son remplacement. Chose qui a été faite en invitant le requérant, par la note du 17 novembre 2004, à désigner un nouveau médecin. Le requérant n’a cependant pas procédé à la désignation d’un nouveau médecin. C’est donc en raison de cette carence que la Commission a demandé par lettre du 20 décembre 2004 qu’un médecin soit commis d’office par le président de la Cour de justice pour représenter le requérant.

93      En outre, même si le requérant indique ne pas avoir reçu la note du 17 novembre 2004, il est constant que : a) le docteur Bi., membre du service médical, a rendu visite au requérant, le 25 février 2005 à son domicile de Tricase ; b) par lettre du 15 avril 2005, la Commission a informé le requérant de la désignation d’office du professeur S. pour le représenter au sein de la commission d’invalidité et c) par lettre recommandée du 3 mai 2005, le requérant a, de nouveau, été invité par la commission d’invalidité à se soumettre à une visite médicale devant avoir lieu le 27 mai 2005, précisément au cabinet du professeur S. à Lecce. Or, l’ensemble de ces faits montre à suffisance que l’allégation du requérant selon laquelle il n’aurait pas reçu la note du 17 novembre 2004 et n’aurait pas été informé de ce que le docteur U. avait démissionné constitue un prétexte visant à établir une prétendue irrégularité dans la composition de la commission d’invalidité. Il est aussi constant qu’à aucun moment de la procédure, même pas après la lettre de la Commission, du 15 avril 2005, l’informant de la désignation d’office du professeur S. pour le représenter au sein de la commission d’invalidité, le requérant n’a proposé aux services de la Commission un médecin de son choix pour remplacer le docteur U.

94      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier grief soulevé doit être écarté.

–       Sur le deuxième grief

95      Par le deuxième grief, le requérant dénonce le fait qu’il n’a jamais eu la possibilité d’être soumis à une visite médicale dans la mesure où, par deux fois, il a reçu la convocation de la commission d’invalidité après la date à laquelle cette visite aurait dû avoir lieu.

96      D’une part, il y a lieu de rappeler que les dispositions pertinentes du statut, en particulier celles de son annexe II, n’imposent pas à la commission d’invalidité de procéder à l’examen médical du fonctionnaire intéressé.

97      D’autre part, comme il résulte de l’exposé des faits figurant aux points 20 à 23 du présent arrêt et tels que résumés dans le point 100 ci-après, la circonstance qu’en l’espèce la commission d’invalidité n’a pas pu donner effectivement suite à sa demande de soumettre le requérant à une visite médicale est essentiellement due au manque de coopération, voire au comportement obstructif de ce dernier.

98      En effet, dans le cas où la commission d’invalidité estime qu’il est opportun d’examiner le fonctionnaire, il appartient à ce dernier, dans le cadre du devoir de loyauté et de coopération qui incombe à tout fonctionnaire en vertu de l’article 21 du statut, de déployer toute la diligence nécessaire pour se conformer aux invitations à se présenter devant la commission d’invalidité.

99      Or, comme l’a indiqué le Tribunal de l’Union européenne, au point 84 de l’arrêt de renvoi, le requérant a refusé, à maintes reprises, de coopérer avec la commission d’invalidité et a fait obstruction au mandat de celle-ci.

100    À cet égard, et par souci d’économie procédurale, il suffit, dans le présent arrêt, de rappeler que, après avoir été convoqué, une première fois, à un examen médical qui devait avoir lieu le 4 novembre 2004 (voir point 20 du présent arrêt), le requérant a été de nouveau convoqué, par courrier du 4 janvier 2005, à une visite médicale prévue pour le 20 janvier 2005, à Bruxelles. Le requérant a cependant informé le service médical qu’il ne pourrait pas se rendre à cet examen pour des raisons de santé, en annexant à sa lettre du 13 janvier 2005, parvenue au service médical le 21 janvier 2005, un certificat médical du 13 janvier 2005 indiquant qu’il se trouvait dans l’impossibilité de se déplacer pendant une période estimée à dix jours.

101    Par lettre recommandée du 3 mai 2005, dont un exemplaire a été envoyé à chacune des deux adresses indiquées par le requérant dans sa lettre du 14 juillet 2003 (voir point 28 du présent arrêt), la commission d’invalidité a invité une nouvelle fois le requérant à se soumettre à un examen médical devant avoir lieu le 27 mai 2005 à Lecce, ville proche de son domicile. Le requérant ne s’est cependant pas rendu à cette convocation.

102    Il résulte de ce qui précède que si le requérant n’a pas subi d’examen médical, c’est en raison de sa propre attitude, consistant à refuser, à plusieurs reprises, de collaborer avec la commission d’invalidité.

103    En pareilles circonstances, l’absence de visite médicale n’est donc pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure d’invalidité en question. Par ailleurs, le requérant n’invoque à cet égard aucune erreur manifeste d’appréciation de la part des membres de la commission d’invalidité.

104    Aussi, et dans le seul souci de préciser le cadre juridique dans lequel s’est inscrite l’action de la commission d’invalidité en question, il convient de rappeler que, dans le cas d’espèce, la commission d’invalidité avait été saisie par l’AIPN sur la base spécifique de l’article 59, paragraphe 4 du statut, c’est-à-dire « du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans ». Or, comme le juge de l’Union l’a souligné, dans le cas régi par l’article 59, paragraphe 4 du statut, la saisine de la commission d’invalidité ne relève pas d’un pouvoir discrétionnaire de l’AIPN. Au contraire, un tel pouvoir est strictement délimité et expressément circonscrit par les conditions fixées par l’article 59, paragraphe 4, du statut lui-même (arrêt du Tribunal de première instance du 16 juin 2000, C/Conseil, T‑84/98, point 66).

105    Il s’ensuit que, dans le cas d’espèce, face à l’impossibilité de pouvoir soumettre le requérant à une visite médicale du fait du comportement obstructif de ce dernier, la commission d’invalidité a pu en tout état de cause progresser dans ses travaux sur la base de la saisine décidée par l’AIPN aux termes et dans les conditions fixées par l’article 59, paragraphe 4, du statut, et donc par rapport à un cadre médical couvrant des congés de maladie du requérant dépassant douze mois pendant une période de trois ans.

106    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être écarté.

–       Sur le troisième grief

107    Le requérant fait valoir que la commission d’invalidité n’a pas examiné la documentation qu’il lui avait envoyée.

108    Il ressort de l’article 9 de l’annexe II du statut, que le fonctionnaire peut soumettre à la commission d’invalidité tous rapports ou certificats médicaux. Selon une jurisprudence bien établie, pour qu’une commission d’invalidité émette valablement un avis médical, il faut qu’elle soit en mesure de prendre connaissance de la totalité des documents susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations (arrêt du Tribunal de première instance du 15 décembre 1999, Nardone/Commission, T‑27/98, point 68, et la jurisprudence citée).

109    En l’espèce, il ressort du procès-verbal du 27 mai 2005 que la commission d’invalidité s’est référée à la documentation fournie par le requérant. Par ailleurs, ainsi que l’a relevé le Tribunal de l’Union européenne au point 67 de l’arrêt de renvoi, la décision de rejet de la réclamation fait expressément référence à l’expertise médicale réalisée par le docteur U., lequel représentait initialement le requérant au sein de la commission d’invalidité, et qui avait été transmise à la commission d’invalidité par le requérant lui-même le 14 février 2004.

110    Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, il y a lieu d’écarter le troisième grief et par voie de conséquence la totalité du deuxième moyen.

 Sur le moyen tiré de ce que la décision du 30 mai 2005 serait entachée de vices de procédure, d’une violation du droit applicable et d’une violation des règles matérielles

111    Sous l’intitulé de ce moyen, le requérant soulève, en substance, neuf griefs distincts.

 Sur le premier grief

112    Le premier grief est tiré de ce que le requérant aurait été privé de la possibilité d’être soumis à une visite médicale. Ce grief étant le même que le deuxième grief soulevé à l’appui du deuxième moyen (voir points 95 et suivants du présent arrêt), il y a lieu de le rejeter sur la base de la même motivation que celle apportée au rejet du deuxième grief du deuxième moyen.

 Sur le deuxième grief

113    Selon le requérant, la Commission a saisi un organe incompétent et a violé le secret professionnel en communiquant à l’Azienda U.S.L. LE/2 de Maglie des informations le concernant.

114    En vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (arrêt du Tribunal du 15 février 2011, AH/Commission, F‑76/09, point 29, et la jurisprudence citée).

115    Il importe d’ajouter que, la représentation par un avocat étant obligatoire devant le Tribunal, le rôle essentiel de l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, est précisément de faire reposer les conclusions de la requête sur une argumentation en droit suffisamment compréhensible et cohérente, compte tenu du fait que la procédure écrite devant le Tribunal ne comporte en principe qu’un seul échange de mémoires (voir arrêt AH/Commission, précité, point 31).

116    En l’espèce, le grief susmentionné n’est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au Tribunal d’y répondre. Il y a donc lieu de le rejeter comme étant irrecevable.

 Sur le troisième grief

117    Le troisième grief est tiré de ce que l’AIPN aurait saisi deux commissions d’invalidité.

118    Ce grief manque en fait. Si l’AIPN a pu évoquer l’existence d’une « nouvelle commission d’invalidité » dans la lettre du 15 avril 2005 par laquelle le requérant a été informé de la désignation d’office du professeur S. pour le représenter, la Commission a néanmoins clairement précisé, à l’audience du 22 mai 2012, qu’elle ne soutenait pas que deux commissions d’invalidité distinctes auraient été constituées.

119    En réalité, la circonstance selon laquelle, finalement, tous les membres de la commission d’invalidité ont été, à différents stades de la procédure et pour des raisons différentes, remplacés par d’autres médecins n’implique pas, nécessairement, que l’AIPN aurait saisi dans le temps deux commissions d’invalidité distinctes. En effet, il y a lieu de différencier la décision de saisir, en vertu de l’article 59, paragraphe 4, du statut, la commission d’invalidité du cas de l’intéressé ‑ décision qui, en l’espèce, n’a jamais été modifiée ou remise en question par l’AIPN compétente – des décisions individuelles concernant la composition ratione personae de ladite commission qui, lorsque cela s’avère indispensable, peuvent être modifiées tout au long des travaux de celle-ci.

120    Ainsi, le remplacement progressif d’un ou de plusieurs membres d’une commission d’invalidité, aboutissant même au changement complet de sa composition, ne rend pas automatiquement caduque l’existence de cette commission ni son mandat.

121    Or, dans le cas d’espèce, il est constant que l’AIPN a saisi, aux termes de l’article 59, paragraphe 4, du statut et sur la base de faits et circonstances qui n’ont pas changé par la suite, une seule commission d’invalidité laquelle, sur la base de ce mandat, s’est prononcée sur le dossier dont elle avait été saisie, le changement de son entière composition, qui s’est rendu progressivement nécessaire au cours de ses travaux, étant intervenu régulièrement, tant en ce qui concerne la désignation du médecin du requérant (voir les points 83 à 94 du présent arrêt) qu’en ce qui concerne la désignation du troisième médecin (voir points 131 à 140 ci-après).

122    Il s’ensuit que ce troisième grief doit être rejeté.

 Sur le quatrième grief

123    Le quatrième grief est tiré de ce que, en demandant, par note du 6 février 2004, que le requérant soit soumis à une évaluation médico-légale, comprenant notamment des tests psychiatriques, l’AIPN aurait violé « le principe de droit selon lequel il n’est pas permis de soumettre ou de faire soumettre la personne à des examens médicaux qui ne sont pas prévus expressément par les dispositions légales ».

124    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 59, paragraphe 1, du statut, applicable en l’espèce, permet à l’institution de soumettre, à tout moment, un fonctionnaire en congé de maladie à un contrôle médical, que la commission d’invalidité prévue par le paragraphe 4 du même article ait été constituée ou non. S’agissant du contenu de ce contrôle, il appartient au service médical de l’institution dont relève le fonctionnaire de décider, en fonction de l’état de santé de celui-ci, quel type d’examens s’avère opportun ou indispensable. En raison de sa nature, une telle décision échappe au contrôle du Tribunal, sauf en cas d’erreur manifeste. Or, rien dans les écritures du requérant ne permet au Tribunal de considérer que l’examen médico-légal recommandé par le service médical en date du 6 févier 2004 n’était manifestement pas approprié au cas du requérant.

125    Il y a donc lieu de rejeter ce grief.

 Sur le cinquième grief

126    Le cinquième grief est tiré, en substance, de ce que le droit du fonctionnaire à la désignation d’un médecin de sa confiance pour le représenter au sein de la commission d’invalidité aurait été méconnu. Ce grief est le même que le premier grief soulevé à l’appui du deuxième moyen et doit donc être rejeté.

 Sur le sixième grief

127    Ce grief est tiré de ce que le troisième médecin initialement désigné par le président de la Cour de justice aurait été illégalement « destitué ».

–       Arguments des parties

128    Dans la requête, le requérant soutient que le docteur Bi., médecin désigné par l’AIPN en remplacement du docteur M., et le professeur S., médecin désigné d’office pour représenter le requérant en remplacement du docteur U., ne pouvaient pas légalement « destituer » le docteur Ba., troisième médecin désigné par le président de la Cour de justice, et remplacer celui-ci par le docteur Ma.

129    Dans ses observations écrites présentées dans le cadre de la présente instance après renvoi, le requérant ajoute qu’aucun élément ne laisse penser que le nouveau troisième médecin aurait été régulièrement désigné par les deux nouveaux membres de la commission d’invalidité et que l’AIPN ne pouvait pas revenir sur une décision prise par le président de la Cour de justice le 14 juillet 2004.

130    La Commission relève qu’aux termes de l’article 7, premier alinéa, de l’annexe II du statut, le troisième médecin est, en principe, nommé d’un commun accord entre le médecin désigné par l’institution et le médecin désigné par le fonctionnaire intéressé. En l’espèce, deux nouveaux médecins ayant été respectivement désignés pour le compte de l’AIPN et du requérant, il aurait été nécessaire de leur garantir le choix, d’un commun accord, du troisième médecin.

131    Dans ses observations écrites présentées dans le cadre de la présente instance après renvoi, la Commission ajoute qu’en tout état de cause, l’avis de la commission d’invalidité a été rendu à l’unanimité. Ainsi, à supposer même que la nomination du troisième médecin ait été irrégulière, l’avis de la commission d’invalidité aurait été le même. En toute hypothèse, le requérant n’apporterait aucun élément permettant de démontrer que l’avis de la commission d’invalidité aurait pu être différent.

–       Appréciation du Tribunal

132    Il est constant que, faute d’accord entre le premier médecin désigné par l’AIPN, le docteur M., et le médecin nommé par le requérant, le docteur U., le président de la Cour de justice a désigné le docteur Ba. en qualité de troisième médecin. Cependant, au cours des travaux de la commission d’invalidité, le docteur M. a renoncé, pour des raisons de santé, au mandat que lui avait confié l’AIPN. Le docteur U. a, quant à lui, démissionné de la commission d’invalidité. Or, les deux membres de la commission d’invalidité qui les ont respectivement remplacés dans le cadre de la prérogative qui leur est reconnue par l’article 7 de l’annexe II du statut, ont procédé, d’un commun accord, à la désignation d’un nouveau troisième médecin, en remplacement du docteur Ba., qui avait été désigné par le président de la Cour de justice, précisément à cause de l’absence d’accord entre leurs prédécesseurs sur le choix du troisième médecin.

133    Cette désignation d’un nouveau troisième médecin d’un commun accord entre les deux nouveaux membres de la commission d’invalidité, laquelle a pour effet le remplacement du troisième médecin désigné par le président de la Cour de justice, doit être considérée, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme conforme aux dispositions de l’article 7 de l’annexe II du statut.

134    En effet, tout d’abord, ni la lettre ni l’esprit de l’article 7 de l’annexe II du statut n’empêchent soit l’institution soit le fonctionnaire de modifier, en cas de besoin, le choix du médecin chargé de les représenter au sein de la commission d’invalidité, notamment lorsque ce médecin n’est plus disponible (arrêt du Tribunal de première instance du 23 novembre 2004, O/Commission, T‑376/02, point 42).

135    Ensuite, il convient de relever qu’en l’espèce, la désignation d’office du membre de la commission d’invalidité chargé de représenter le requérant, intervenue à la suite de la démission du docteur U., que le requérant avait initialement désigné aux mêmes fonctions, est devenue nécessaire à cause de la carence du requérant, voire de son obstruction, à désigner son nouveau médecin de confiance pour le représenter au sein de la commission d’invalidité. Dès lors, comme il ressort des points 83 à 94 du présent arrêt, la désignation d’office par le président de la Cour de justice du médecin chargé de représenter le requérant au sein de la commission d’invalidité a été régulière. Par ailleurs, cette désignation d’office ne signifie pas que le médecin ainsi désigné ne soit pas censé agir pour le compte et dans l’intérêt du fonctionnaire qu’il est chargé de représenter au sein de la commission d’invalidité. Au contraire, dans l’exercice de ses prérogatives statutaires, ce médecin agit dans l’intérêt du fonctionnaire qu’il représente et il est donc, à ce titre, pleinement habilité à désigner, en application de l’article 7, premier alinéa, de l’annexe II du statut, le troisième médecin, en accord avec le médecin désigné par l’institution.

136    Par conséquent, à partir du moment où, au sein de la commission d’invalidité, les premier et deuxième médecins sont censés exercer les fonctions qui sont les leurs, l’un, dans l’intérêt de l’institution et l’autre, dans celui du fonctionnaire intéressé, il y a lieu d’admettre que ces deux médecins doivent aussi pouvoir exercer pleinement les prérogatives qui leur sont reconnues par le statut. Dès lors, du moment qu’ils sont appelés à assumer le mandat de membre d’une commission d’invalidité, ces deux médecins doivent pouvoir désigner le troisième médecin, précisément dans l’intérêt du bon déroulement des travaux de la commission d’invalidité, soit en décidant de garder le troisième médecin déjà en place soit, en raison par exemple de leur préférence pour un médecin ayant une spécialisation autre que celle du médecin désigné d’office par le président de la Cour de justice, en décidant de désigner, d’un commun accord, un troisième médecin de leur confiance.

137    Dans le cas contraire, l’obligation de garder au sein de la commission d’invalidité le troisième médecin désigné d’office auparavant par le président de la Cour de justice, aurait comme conséquence, pour les deux médecins appelés à remplacer leurs prédécesseurs, de limiter fortement, voire d’exclure, l’intérêt de l’un et/ou de l’autre à devenir membre d’une telle commission d’invalidité, où il y aurait en fait déjà un troisième membre pratiquement inamovible, et dont les connaissances médicales pourraient ne pas correspondre aux exigences professionnelles que les premier et deuxième médecins considèrent, en revanche, d’un commun accord comme nécessaires pour mener à bien le mandat de la commission d’invalidité.

138    Or, dans le cas d’espèce, rien ne permet de considérer qu’un tel accord n’était pas justifié. En effet, comme l’indique précisément l’article 7 de l’annexe II du statut, le commun accord des deux médecins ainsi désignés sur le nom du troisième médecin précède la désignation d’office de la part du président de la Cour de justice, qui par conséquent n’intervient et ne demeure valable qu’à « défaut d’accord » entre les deux médecins en question.

139    En l’occurrence, il convient aussi de rappeler que la désignation du troisième médecin par le président de la Cour de justice ne constitue pas un acte à caractère judiciaire mais un acte de nature administrative (arrêt du Tribunal de première instance du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, point 80), lequel, en raison de cette nature, ne saurait exclure nécessairement toute possibilité d’un accord entre les médecins concernés, comme cela s’est produit dans les circonstances particulières du cas d’espèce.

140    En définitive, puisque l’article 7 de l’annexe II du statut a pour objet d’assurer, autant que possible, que le troisième médecin ait la confiance tant du médecin de l’institution que du médecin du fonctionnaire intéressé (arrêt Biedermann/Cour des comptes, précité, point 10), les deux membres de la commission d’invalidité, chargés respectivement de représenter l’institution et le fonctionnaire intéressé, ne sauraient être privés de la compétence qu’ils tiennent du premier paragraphe dudit article, à savoir celle de désigner d’un commun accord le troisième médecin, à cause d’une précédente désignation d’office par le président de la Cour de justice.

141    Compte tenu des considérations qui précèdent, ce n’est que par souci d’exhaustivité que sera examiné l’argument, avancé à titre subsidiaire par la Commission, selon lequel l’avis de la commission d’invalidité ayant été rendu à l’unanimité, l’éventuelle irrégularité entachant la désignation du troisième médecin n’aurait aucune incidence sur la légalité de la décision du 30 mai 2005. L’argument ne saurait cependant prospérer. Le respect du principe de collégialité impose, en effet, que chacun des membres de la commission d’invalidité puisse être à même d’exposer son point de vue devant les deux autres membres (arrêt du Tribunal du 14 septembre 2011, Hecq/Commission, F‑47/10, point 52) et puisse ainsi, avoir l’occasion d’influencer, le cas échéant, leurs opinions respectives. Il ne peut donc être exclu, par principe, que si un autre membre de la commission d’invalidité avait été désigné comme troisième médecin, son point de vue aurait pu conduire la commission d’invalidité à adopter un autre avis. Un avis rendu à l’unanimité par une commission d’invalidité ne saurait valablement régulariser, a posteriori, une éventuelle irrégularité affectant la légalité de la composition de cette commission.

142    En définitive, la composition de la commission d’invalidité étant, dans le cas d’espèce, régulière, il y a lieu de rejeter le sixième grief.

 Sur le septième grief

143    Le septième grief est tiré de ce que la commission d’invalidité aurait illégalement préconisé que le requérant soit soumis à un examen médical de révision tous les deux ans. Le requérant soutient que la commission d’invalidité, en émettant cette recommandation visant à lui faire subir, en vertu de l’article 15 de l’annexe VIII du statut, un examen médical périodique de révision, aurait statué ultra petita.

144    Aux termes de l’article 15 de l’annexe VIII du statut, tant que l’ancien fonctionnaire bénéficiant d’une allocation d’invalidité n’a pas atteint l’âge de 63 ans, l’institution peut le faire examiner périodiquement en vue de s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette allocation.

145    En effet, l’activité du fonctionnaire qui a été déclaré en état d’invalidité permanente totale n’est que suspendue, l’évolution de sa situation au sein des institutions étant subordonnée à la persistance des conditions ayant justifié cette invalidité. Or, cette situation peut être contrôlée à échéances régulières (arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C-198/07 P, point 47).

146    En se bornant à rappeler que l’institution pouvait faire examiner périodiquement le requérant et en lui recommandant, sans que l’AIPN ne soit liée par cette suggestion, de procéder à un nouvel examen périodique après une période de deux ans, puis sur une base annuelle, la commission d’invalidité n’a commis aucune irrégularité.

147    Partant, il y a lieu de rejeter le septième grief.

 Sur le huitième grief

–       Arguments des parties

148    Le huitième grief est tiré de ce que le secret des travaux de la commission d’invalidité aurait été violé. Le requérant soutient que le signataire de la note du 10 juin 2005 qui lui avait été transmise par le service médical (voir point 37 du présent arrêt) aurait été « parfaitement au courant des ennuis qu’il [avait] éprouvés à l’occasion de la procédure » et que l’AIPN savait que l’avis de la commission d’invalidité avait été rendu à l’unanimité. Le secret couvrant les travaux de la commission d’invalidité aurait donc été violé.

149    La Commission conclut à ce que ce grief soit écarté.

–       Appréciation du Tribunal

150    L’article 9 de l’annexe II du statut distingue nettement dans son deuxième alinéa, « les conclusions de la commission » transmises à l’AIPN et au fonctionnaire concerné, et dans son troisième alinéa, les « travaux de la commission » qui sont et doivent en revanche rester « secrets ».

151    Le caractère « secret » des travaux de la commission d’invalidité s’explique en raison de leur nature, contenu et implications d’origine médicale. C’est pour ces raisons que les travaux de la commission d’invalidité ne sauraient être communiqués ni à l’AIPN ni au fonctionnaire concerné. En revanche, les actes, à caractère administratif ou procédural de la même commission, qui sortent du cadre de ses responsabilités médicales, comme la répartition finale des votes en son sein ou les conclusions auxquelles elle parvient à l’issue de ses travaux, n’ont pas de raison d’être soumis à l’exigence du secret médical et peuvent être communiqués à l’AIPN et au fonctionnaire intéressé.

152    Ainsi, le fait que l’avis de la commission d’invalidité a été rendu à l’unanimité n’étant pas une circonstance de nature médicale ou susceptible d’avoir des incidences de nature médicale, la connaissance par l’AIPN de ce fait ne constitue pas une violation de l’article 9, alinéa 3, de l’annexe II du statut.

153    Quant à l’argument du requérant portant sur le fait que « le signataire de la note du 10 juin 2005 était parfaitement au courant des ennuis qu’il a éprouvés à l’occasion de la procédure », cet argument n’est pas assorti de précisions suffisantes et doit être rejeté comme étant irrecevable au regard de l’article 35 du règlement de procédure.

154    Il y a donc lieu de rejeter le huitième grief.

 Sur le neuvième grief

155    Le neuvième grief est tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas communiqué au requérant le prénom du médecin qu’elle avait désigné pour la représenter au sein de la commission d’invalidité, mais seulement son nom de famille.

156    Il y a lieu de relever que ce grief a été soulevé pour la première fois lors de l’audience du 22 mai 2012. Le présent grief n’étant pas fondé sur des éléments de droit ou de fait nouveaux et ne constituant, ni implicitement ni indirectement, l’ampliation d’un moyen qui aurait été énoncé antérieurement, il doit être rejeté comme étant irrecevable au regard de l’article 43 du règlement de procédure (arrêt du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission, précité, point 88).

157    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter la totalité du troisième moyen.

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de sollicitude et du principe de bonne administration

158    Le requérant estime que les faits qu’il a exposés montrent que la Commission a violé le principe de sollicitude et le principe de bonne administration. En particulier, il fait grief à la Commission d’avoir omis de l’informer de la démission du médecin qu’il avait désigné pour le représenter au sein de la commission d’invalidité, le docteur U., et soutient que la constitution de la commission d’invalidité était illégale.

159    Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner ce moyen au fond. En effet, à le supposer recevable, ce moyen repose sur les mêmes griefs que ceux qui ont été rejetés précédemment et doit dès lors et, en tout état de cause, être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen tiré de ce que l’administration aurait commis un détournement de pouvoir et aurait violé le principe « neminem laedere ».

160    Le requérant soutient que divers aspects de la procédure suivie révèleraient un détournement de pouvoir et une violation du principe « neminem laedere ».

161    Or, les affirmations du requérant ne sont nullement étayées, aucun élément relatif à un détournement de pouvoir ou à une violation du principe « neminem laedere » ne ressortant des écritures du requérant. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen comme non recevable au regard des prescriptions de l’article 35 du règlement de procédure.

162    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que tous les moyens soulevés à l’appui des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 30 mai 2005 doivent être écartés et, par voie de conséquence, lesdites conclusions rejetées.

2.     Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

163    Le requérant soutient que dès lors que le Tribunal de l’Union européenne a annulé le point 2 du dispositif de l’arrêt initial condamnant la Commission à lui verser la somme de 3 000 euros, il appartiendrait au Tribunal de se prononcer à nouveau sur les conclusions aux fins de la réparation du préjudice moral.

164    La Commission soutient que dans l’arrêt de renvoi le Tribunal de l’Union européenne a établi que l’annulation éventuelle suffisait à dédommager le préjudice moral découlant de la décision du 30 mai 2005.

 Appréciation du Tribunal

165    Aux termes de l’article 13, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour de justice, « [e]n cas de renvoi, le Tribunal […] est lié par les points de droit tranchés par la décision du Tribunal de l’Union européenne ».

166    En l’espèce, il ressort expressément du point 131 de l’arrêt de renvoi, sous le titre « [s]ur les conséquences de l’annulation partielle de l’arrêt attaqué », que le Tribunal de l’Union européenne a décidé qu’il y avait « lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal […] pour qu’il statue sur les moyens, à l’exception du premier, résumés au point 57 de l’arrêt [initial] » (voir le point 53 ci-dessus). Or, les moyens autres que le premier moyen résumés au point 57 de l’arrêt initial ne sont soulevés qu’à l’appui des conclusions à fin d’annulation de la décision du 30 mai 2005.

167    En outre, au sujet de l’indemnité pour préjudice moral, l’arrêt de renvoi précise au point 76 :

« [L]e Tribunal […] a commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré, au point 82 de l’arrêt [initial], que la décision du 30 mai 2005, dans la mesure où elle concluait à l’invalidité totale et permanente [du requérant] et à son incapacité à effectuer les tâches correspondant à ses fonctions, comportait une appréciation négative de ses capacités, de sorte que l’annulation de cette décision ne constituait pas en elle-même la réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral causé par cet acte. »

168    Il résulte de ce qui précède que le Tribunal est tenu de se prononcer uniquement sur les seuls moyens soulevés à l’appui des conclusions à fin d’annulation et de ne pas se prononcer à nouveau sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral, ces dernières conclusions devant être regardées comme ayant été définitivement rejetées par le Tribunal de l’Union européenne.

169    Par ces motifs, il convient donc d’écarter l’ensemble des moyens et de rejeter le recours.

 Sur les dépens

170    Il convient en premier lieu de relever que, dans ses observations écrites présentées dans la présente instance sur renvoi, le requérant n’a pas demandé que la Commission soit condamnée à supporter les dépens.

171    Quoi qu’il en soit, dans l’arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a annulé les points 4 et 5 du dispositif de l’arrêt initial, qui condamnaient, respectivement, la Commission à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens du requérant et le requérant à supporter le tiers de ses propres dépens. Par ailleurs, le Tribunal de l’Union européenne a réservé les dépens afférents à la procédure de pourvoi engagée devant lui. Il appartient donc au Tribunal, dans le présent arrêt, de statuer sur l’ensemble des dépens afférents aux procédures engagées devant lui et à la procédure de pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, conformément à l’article 115 du règlement de procédure.

172    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

173    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter l’ensemble des dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Marcuccio supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par la Commission européenne dans les affaires F‑41/06, F‑41/06 RENV et T‑20/09 P.

Kreppel

Perillo

Barents

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 novembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l’italien.