Language of document : ECLI:EU:T:2019:882

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Suppression – Responsabilité – Préjudices matériel et moral – Faute de service »

Dans l’affaire T‑100/18,

Christine Wehrheim, demeurant à Offenbach (Allemagne), représentée par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. F. von Lindeiner et Mme A. Andrzejewska, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant à obtenir réparation des préjudices matériel et moral que la requérante aurait prétendument subis du fait de l’erreur commise par la BCE lors de la fixation de ses droits pécuniaires au moment de son engagement ayant entraîné l’octroi d’une indemnité de dépaysement qui a ensuite été supprimée,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. E. Buttigieg, faisant fonction de président, B. Berke (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 mai 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er juillet 2014, la requérante, Mme Christine Wehrheim, de nationalité allemande et finlandaise, a commencé à travailler à la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), après avoir pu bénéficier d’un congé de convenance personnelle accordé par la Commission européenne dont elle était une fonctionnaire affectée à Bruxelles (Belgique). Elle a été engagée sur la base d’un contrat d’une durée de trois années avec un classement au dernier échelon de la bande de salaire C. À la suite d’un congé pour maladie pris par la requérante du 27 mars au 17 juillet 2015, la fin de son contrat à durée déterminée a été reportée au 22 octobre 2017 au lieu du 30 juin 2017. À partir du 23 octobre 2017, la requérante a poursuivi son activité à la BCE dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, avec maintien de son salaire.

2        Avant de décider de quitter son poste à Bruxelles pour travailler à la BCE, la requérante avait échangé plusieurs courriels avec le service des ressources humaines de la BCE concernant les conditions de son recrutement. Elle avait ainsi été informée, après examen de sa situation, qu’elle aurait le droit à une indemnité de dépaysement qui lui a effectivement été versée à partir du 1er juillet 2014.

3        Le 7 juillet 2016, l’administration de la BCE a informé la requérante que l’indemnité de dépaysement lui avait été accordée par erreur et qu’il pourrait lui être demandé de rembourser cette indemnité indûment perçue depuis son entrée en service à la BCE.

4        Par une lettre du 13 mars 2017 (ci-après la « décision du 13 mars 2017 »), l’administration de la BCE a indiqué à la requérante qu’elle arrêterait le versement de l’indemnité de dépaysement à partir du mois d’avril 2017 dans la mesure où les conditions prévues à l’article 17 des conditions d’emploi du personnel de la BCE adoptées par la décision 1999/330/CE de la BCE, du 9 juin 1998, relative à l’adoption des conditions d’emploi du personnel de la BCE, modifiée le 31 mars 1999 (JO 1999, L 125, p. 32, ci-après les « conditions d’emploi »), et à l’article 3.7.2 des règles applicables au personnel de la BCE (ci-après les « règles du personnel ») n’étaient pas remplies.

5        La BCE a finalement renoncé à demander le remboursement de l’indemnité de dépaysement versée entre juillet 2014 et mars 2017.

6        Par un courrier du 29 mars 2017, la requérante a écrit à la directrice générale des ressources humaines de la BCE dans le but de trouver une solution amiable afin de réparer cette perte pécuniaire qu’elle estimait injuste. À cette fin, elle a proposé à la BCE de la reclasser au premier échelon de la bande de salaire supérieure, à savoir la bande D, ce qui devait augmenter son salaire d’environ 500 euros et a ajouté qu’elle était disposée à accepter toute autre solution lui permettant de maintenir le niveau de son salaire initial.

7        Par un courriel du 12 avril 2017, la directrice générale adjointe de la BCE a accusé réception de la lettre datée du 29 mars 2017. Tout en présentant ses excuses pour l’erreur commise, elle a expliqué que, après avoir analysé soigneusement la situation, il était impossible de donner une suite favorable au courrier de la requérante.

8        Par un courrier du 10 mai 2017, la requérante a introduit une demande d’examen précontentieux auprès de la directrice générale des ressources humaines de la BCE en application de l’article 41 des conditions d’emploi du personnel. Premièrement, elle a, à titre principal, demandé l’annulation de la décision du 13 mars 2017, réceptionnée le 15 mars suivant, en invoquant la violation d’une condition essentielle de son contrat de travail et, à titre subsidiaire, au cas où la décision contestée serait maintenue, a demandé son reclassement à un échelon supérieur de la bande salariale D. Deuxièmement, elle a réclamé, au titre de son préjudice matériel, la prise en charge des frais de déménagement et de déplacement résultant de sa recherche d’un nouvel appartement à concurrence de la somme de 1 079,10 euros. Troisièmement, elle a indiqué qu’elle se réservait le droit de réclamer le remboursement des frais médicaux, estimés à 1 238,87 euros à la date de ce courrier, qui correspondaient aux frais engagés depuis juillet 2016, soit à partir du moment où l’administration de la BCE l’avait informée de l’erreur qu’elle avait commise en ce qui concernait le paiement de l’indemnité de dépaysement.

9        Par une lettre du 3 juillet 2017 (ci-après la « décision du 3 juillet 2017 »), la BCE, tout en s’excusant de son erreur, a rejeté la demande d’examen précontentieux relative à la décision du 13 mars 2017 et a indiqué qu’elle ne voyait pas de possibilité de promouvoir la requérante à un poste dans la bande salariale D. Par ailleurs, la BCE a accepté de rembourser les frais liés au déménagement de la requérante à condition qu’elle fournisse la preuve de ces frais. En ce qui concerne les frais médicaux et les frais de déplacement pour la recherche d’un appartement, la BCE a relevé que les motifs pour de telles demandes n’étaient pas clairs en raison du fait que la requérante bénéficiait de l’assurance médicale de la BCE et qu’elle avait récemment opté pour un titre de transport public accordant des réductions (ECB Job Ticket).

10      Par un courrier du 3 septembre 2017, la requérante a adressé une réclamation au président de la BCE par laquelle elle réitérait son avis quant à la violation d’un des éléments essentiels du contrat qu’elle avait signé avec la BCE et alléguait également une violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans la mesure où elle n’aurait pas été entendue avant l’adoption de la décision du 13 mars 2017. Elle a ainsi demandé l’annulation des décisions du 13 mars 2017 et du 3 juillet 2017 et, dans l’hypothèse où la décision du 13 mars 2017 serait maintenue, elle a demandé une promotion à un poste de la bande de salaire D lui permettant d’augmenter son salaire de 500 euros environ.  

11      Dans cette même réclamation, la requérante a réitéré sa demande de paiement, au titre du préjudice matériel, des frais de déménagement et de déplacement liés à la recherche d’un appartement en précisant qu’elle réclamait le paiement d’une somme forfaitaire de 1 000 euros s’ajoutant au montant de 1 079,10 euros déjà demandé parce qu’elle devait, une nouvelle fois, changer d’appartement. En outre, la requérante a indiqué qu’elle réclamait le remboursement du montant des frais médicaux non pris en charge par l’assurance médicale de la BCE, à savoir 20 % de ces frais. Enfin, la requérante a demandé au président de la BCE de lui accorder une compensation financière adéquate en cas de rejet de sa réclamation pour le préjudice moral qu’elle estimait avoir subi à cause du stress et de l’incertitude de sa situation, soulignant également qu’elle subirait une perte financière significative pour les années futures.

12      Par un courrier du 24 octobre 2017 adressé au président de la BCE, la requérante a indiqué qu’elle renonçait à sa demande d’annulation de la décision du 13 mars 2017 tout en déclarant maintenir sa demande de compensation financière basée sur la faute que la BCE avait, à son avis, commise en l’informant, lors de l’échange de courriels en février 2014, avant qu’elle ne rentre au service de la BCE, qu’elle avait le droit à l’indemnité de dépaysement. À cet égard, la requérante a évalué son préjudice matériel en calculant la différence entre sa rémunération avec et sans l’indemnité de dépaysement à partir d’avril 2017 et jusqu’à la fin de sa carrière au sein de la BCE. En outre, la requérante a réclamé la réparation d’autres dommages comprenant des frais de déménagement ainsi qu’un préjudice psychologique résultant du stress et de la médication complémentaire. Elle a estimé cette partie du préjudice à 2 000 euros.  

13      Par un courriel du 6 novembre 2017, le service juridique de la BCE a demandé à la requérante de lui confirmer la compréhension de son courrier du 24 octobre 2017. De même, la requérante a été informée que, dans ces conditions, le délai initialement prévu pour donner une réponse à la réclamation, soit le 2 novembre 2017, ne serait pas maintenu. Aucune réponse n’a été donnée à ce courriel.

14      Par décision du 21 décembre 2017, le président de la BCE a rejeté tant les demandes formulées par la requérante dans la lettre du 3 septembre 2017 que celles formulées dans la lettre du 24 octobre 2017.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2018, la requérante a introduit le présent recours.

16      Le 2 mai 2018, la BCE a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

17      Le 10 juillet 2018, la requérante a déposé au greffe du Tribunal la réplique.

18      Le 12 septembre 2018, la BCE a déposé au greffe du Tribunal la duplique.

19      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé une question écrite aux parties, pour réponse orale à l’audience.

20      Lors de l’audience, la requérante a produit un document expliquant les motifs de la prolongation de son premier contrat de travail avec la BCE. Après avoir entendu la BCE, le Tribunal a décidé de verser ce document au dossier, tout en réservant sa décision sur sa recevabilité.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        censurer la décision du 3 juillet 2017 rejetant sa demande d’indemnisation pour le préjudice subi du fait d’avoir supprimé son indemnité de dépaysement et, pour autant que de besoin, censurer la décision du 21 décembre 2017 rejetant sa réclamation contre la décision du 3 juillet 2017 ;

–        condamner la BCE au paiement de la différence de rémunération résultant du retrait de l’indemnité de dépaysement, aussi longtemps qu’elle sera engagée au sein de celle-ci au titre d’un contrat à durée indéterminée, à concurrence de la somme de 700,53 euros par mois depuis le mois d’avril 2017 ;

–        condamner la BCE au paiement des coûts de déménagement complémentaires à la somme de 1 079,10 euros déjà acceptée, à savoir une somme de 1 000 euros ;

–        condamner la BCE au paiement de la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        augmenter ces sommes des intérêts au taux légal jusqu’à complet paiement ;

–        condamner la BCE aux dépens.

22      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance, y compris les siens.

 En droit

 Sur la recevabilité du document produit par la requérante à l’audience

23      Bien que le document versé par la requérante lors de l’audience eût pu être versé lors du dépôt de la requête devant le Tribunal, il convient de relever que la production de ce document a été faite dans le cadre de la réponse que les parties ont apportée à la mesure d’organisation de la procédure que le Tribunal leur avait adressée. Les parties ont effectivement indiqué que la prolongation du contrat à durée déterminée de la requérante était liée au report d’une période de congé pour maladie de cette dernière et ont souligné que le document versé au dossier ne servait qu’à soutenir leur réponse orale lors de l’audience.

24      Au vu de ces éléments, le document en question est recevable dans le cadre de la présente procédure.

 Sur le premier chef de conclusions

25      S’agissant du premier chef de conclusions de la requérante, pour autant que celui‑ci doive être compris en ce sens que la requérante demande une annulation des décisions des 3 juillet 2017 et 21 décembre 2017, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante dégagée en matière de fonction publique, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et que, par conséquent, les conclusions en annulation ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (voir arrêt du 14 octobre 2004, I/Cour de justice, T‑256/02, EU:T:2004:306T‑256/02, point 47 et jurisprudence citée).

26      Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation présentées par la requérante, le présent recours n’ayant pas d’autre objet que celui d’obtenir réparation des dommages que celle-ci estime avoir subis du fait d’un comportement présumé fautif de la BCE.

 Observations liminaires relatives à l’analyse des demandes indemnitaires

27      En premier lieu, il convient de relever que, en vertu des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une action en indemnité doit normalement débuter par une demande adressée à l’administration et se poursuivre par une réclamation dirigée contre le rejet de cette demande. En effet, selon une jurisprudence constante, dès lors que cette procédure en deux étapes n’a pas précédé la saisine du Tribunal, le recours doit être rejeté comme irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance du 7 février 2017, Stips/Commission (T‑593/16, non publiée, EU:T:2017:71, points 32 et 33 et jurisprudence citée).

28      Par analogie avec cette jurisprudence, dès lors qu’un membre du personnel de la BCE souhaite demander réparation de dommages causés par une faute ou une omission de la BCE, dépourvues de caractère décisionnel, ce membre doit respecter une procédure précontentieuse. Celle-ci est prévue à l’article 8.1 des règles du personnel et comporte trois étapes. Tout d’abord, le membre du personnel de la BCE doit adresser une demande au directeur général des ressources humaines ou à son adjoint qui doit lui répondre dans un délai de deux mois. Ensuite, s’il n’est pas satisfait de la réponse donnée ou s’il n’a pas reçu de décision motivée dans un délai de deux mois, l’intéressé peut demander l’examen précontentieux de la décision implicite de rejet de la demande ou de la réponse reçue au directeur général des ressources humaines ou à son adjoint. Enfin, le membre du personnel qui n’est pas satisfait de la décision rendue à la suite de la procédure d’examen précontentieux ou qui n’a pas reçu de décision dans les deux mois suivant sa demande peut introduire une réclamation auprès du président de la BCE. Ce dernier doit alors notifier sa décision à l’intéressé dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la demande lui a été présentée.

29      Ces trois étapes précontentieuses sont un préalable obligatoire à l’introduction d’un recours contentieux. En effet, l’article 8.2 des règles du personnel dispose que les recours devant la Cour de justice de l’Union européenne sont formés dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le membre du personnel concerné est informé de la décision finale prise dans le cadre d’une procédure de réclamation, ou à l’expiration de la période de deux mois qui s’applique dans la procédure de réclamation sans qu’une décision finale ait été prise. Cet article précise également que si la décision finale dans une procédure de réclamation est prise après ce délai de deux mois, mais avant l’expiration du délai de deux mois pour l’introduction d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, le délai de recours court à nouveau.

30      En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union européenne est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 173 et jurisprudence citée). Il s’agit là de conditions cumulatives, de sorte que le défaut de l’une de celles-ci suffit pour rejeter des conclusions indemnitaires (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, points 174 et 175).

31      Lorsqu’elle agit en tant qu’employeur, l’Union est soumise à une responsabilité accrue se manifestant par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur sans qu’il soit nécessaire, pour établir la responsabilité non contractuelle d’une institution dans le contentieux de la fonction publique de l’Union, de démontrer l’existence d’une « violation suffisamment caractérisée » ou d’une « méconnaissance manifeste et grave » par l’institution des limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 23 octobre 2018, McCoy/Comité des régions, T‑567/16, EU:T:2018:708T‑567/16, point 164 et jurisprudence citée).

32      Pour être réparable, le dommage doit être réel et certain (arrêt du 5 décembre 2017, Spadafora/Commission, T‑250/16 P, non publié, EU:T:2017:866, point 120).

33      S’agissant du lien de causalité, il faut en principe que la partie requérante apporte la preuve d’une relation directe et certaine de cause à effet entre la faute commise par l’institution et le préjudice invoqué (arrêt du 28 septembre 1999, Hautem/BEI, T‑140/97, EU:T:1999:176, point 85). En ce sens, il convient d’analyser si la faute est la cause déterminante du dommage.

34      Ainsi qu’il ressort des chefs de conclusions du recours, exposés au point 21 ci-dessus, la requérante présente trois demandes indemnitaires distinctes, à savoir, premièrement, une demande de réparation d’un préjudice matériel correspondant à la différence de rémunération résultant de la suppression de l’indemnité de dépaysement, deuxièmement, une demande de réparation d’un préjudice matériel correspondant à des frais de déménagement et, troisièmement, une demande de réparation d’un préjudice moral. Le Tribunal examinera, successivement, chacune desdites demandes tant en ce qui concerne leur recevabilité que, le cas échéant, leur bien fondé.

 Sur la demande visant à obtenir la somme de 700,53 euros par mois à partir du mois d’avril 2017 aussi longtemps que la requérante sera au service de la BCE

35      La BCE estime que la demande de réparation d’un préjudice matériel correspondant à la différence de rémunération de la requérante résultant de la suppression de l’indemnité de dépaysement est irrecevable. Elle observe que cette demande indemnitaire apparaît, pour la première fois, dans le courrier de la requérante du 24 octobre 2017 et que, en conséquence, la procédure précontentieuse n’a pas été pas respectée à son égard. La BCE considère que le désistement, par le courrier du 24 octobre 2017, de la demande d’annulation de la décision du 13 mars 2017 entraîne le désistement des demandes indemnitaires présentées dans le cadre de la procédure précontentieuse dans la mesure où celles-ci seraient étroitement liées à cette demande en annulation.

36      La requérante considère que sa demande est recevable.  Elle fait valoir qu’elle a toujours soutenu une argumentation visant à obtenir une indemnisation du fait d’une faute commise par l’administration de la BCE dans le cadre de l’évaluation de ses droits individuels.  

37      En premier lieu, ainsi qu’il a été énoncé aux points 28 et 29 ci-dessus, un recours strictement indemnitaire introduit contre la BCE doit, pour être recevable devant le Tribunal, avoir préalablement été conduit dans le respect de trois étapes précontentieuses.

38      Il convient de rappeler que la finalité d’une procédure précontentieuse est de permettre un règlement amiable des différends nés entre les fonctionnaires ou agents et l’administration. Cette dernière doit donc être clairement informée des griefs soulevés par le membre de son personnel pour être en mesure de lui proposer une solution pour régler le litige et éviter le recours contentieux (arrêt du 20 novembre 2018, Barata/Parlement, T‑854/16, non publié, EU:T:2018:809, point 16).

39      L’importance du respect de cette phase précontentieuse a notamment eu pour conséquence l’instauration de la règle de concordance entre la requête et la réclamation afin d’éviter que le fonctionnaire ou l’agent ne fasse valoir certains griefs, voire l’ensemble de ceux-ci, uniquement lors de la phase contentieuse, avec pour conséquence que toute possibilité de règlement extrajudiciaire du litige se trouve significativement réduite. Dans ces circonstances, en effet, n’étant pas en mesure de connaître avec une précision suffisante les griefs ou desiderata de l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 1996, Weir/Commission, T‑361/94, EU:T:1996:37, point 27), l’administration n’aurait aucune possibilité de faire droit aux prétentions de celui-ci ou, le cas échéant, de proposer une solution amiable.

40      Il convient toutefois de relever que le juge de l’Union a considéré que cette règle de concordance ne devait pas avoir pour effet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, du moment que les demandes présentées au juge de l’Union ne modifiaient ni la cause ni l’objet de la réclamation. En ce sens, il est de jurisprudence constante que, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture (voir arrêt du 20 novembre 2018, Barata/Parlement, T‑854/16, non publié, EU:T:2018:809, point 18 et jurisprudence citée).

41      Il en découle que le juge de l’Union doit faire preuve d’une certaine tolérance quant à la formulation des arguments présentés par les parties requérantes lors de leurs échanges avec l’administration concernée. Il peut notamment prendre en compte un argument qui, sans être formulé expressément, ressort clairement des développements contenus dans les demandes faites à l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, T‑401/11 P, EU:T:2014:625, point 109).

42      En l’espèce, il convient d’examiner si, comme le prétend la BCE, il y a lieu de considérer que la demande indemnitaire visant à l’octroi de la somme de 700,53 euros par mois, compensant ainsi l’arrêt du versement de l’indemnité de dépaysement, a été présentée pour la première fois dans la lettre du 24 octobre 2017. Dans le cadre de cet examen, il y a lieu de s’attacher au contenu des différents courriers échangés entre la BCE et la requérante afin de vérifier si la procédure précontentieuse telle qu’elle est établie a été respectée et si son objectif, à savoir permettre à l’administration de comprendre les desiderata de la requérante, a été atteint.

43      La requérante, informée en juillet 2016 de l’erreur commise par l’administration concernant l’octroi de l’indemnité de dépaysement, s’est vu notifier l’arrêt du versement de cette indemnité, à partir d’avril 2017, par la décision du 13 mars 2017.

44      Le 29 mars 2017, la requérante a adressé à la directrice générale des ressources humaines de la BCE une lettre dans laquelle elle sollicitait un arrangement permettant de maintenir le salaire qui lui avait été versé depuis son entrée en fonction auprès de la BCE suggérant en ce sens un reclassement de sa position dans la bande de salaire D alors qu’elle était classée au dernier échelon de la bande de salaire C. Il était également signalé qu’elle accueillerait toute autre solution convergeant vers le maintien de sa rémunération, demandant donc implicitement à ne pas subir les effets annoncés par la décision du 13 mars 2017.

45      Le 12 avril 2017, la directrice générale adjointe des ressources humaines de la BCE a répondu négativement à la demande du 29 mars 2017.

46      Le 10 mai 2017, la requérante a introduit une demande d’examen précontentieux. Si, certes, elle a demandé l’annulation de la décision du 13 mars 2017, elle a également mentionné qu’elle n’était pas satisfaite de la réponse apportée le 12 avril 2017 à son courrier du 29 mars 2017 inscrivant ainsi cette lettre dans la deuxième étape de la procédure précontentieuse prévue à l’article 8.1 des règles du personnel. En outre, il ressort clairement de cette demande qu’elle invitait l’administration à trouver une solution qui tendrait vers le maintien de sa rémunération.

47      Le 3 juillet 2017, la directrice générale des ressources humaines de la BCE a répondu à la demande du 10 mai 2017 en accordant uniquement le remboursement des frais de déménagement sur présentation d’une preuve de paiement de ces frais.

48      Le 3 septembre 2017, la requérante a introduit une réclamation auprès du président de la BCE contre la décision du 3 juillet 2017, s’inscrivant ainsi dans la troisième étape de la procédure précontentieuse obligatoire avant qu’un recours strictement indemnitaire ne soit soumis au Tribunal. Il ressort du contenu de cette demande qu’elle réclamait une nouvelle fois le maintien de son salaire et soulignait qu’il n’était pas acceptable qu’elle supporte l’erreur que l’administration avait commise lors du calcul de ses droits pécuniaires.

49      Dans la lettre du 24 octobre 2017, la requérante a apporté certaines modifications à la réclamation présentée le 3 septembre 2017, mais n’a cependant pas modifié son souhait que sa rémunération soit maintenue, en ce qu’elle a demandé que lui soit versé l’équivalent de l’indemnité de dépaysement qu’elle aurait dû toucher jusqu’à la fin de son lien contractuel avec la BCE.

50      Il découle de l’examen qui précède que c’est donc à tort que la BCE soutient que la demande indemnitaire contenue dans la décision du 24 octobre 2017 consistant à obtenir le maintien du salaire de la requérante par le versement de l’équivalent mensuel d’une indemnité de dépaysement a été présentée pour la première fois à l’administration dans ladite lettre. S’il y a lieu d’admettre que l’origine du présent recours indemnitaire se cristallise dans la lettre du 13 mars 2017 annonçant officiellement l’arrêt du paiement de l’indemnité de dépaysement, il ressort clairement de l’action engagée par la requérante qu’elle visait en réalité non pas à contester la légalité de cette décision, notamment en remettant en cause l’application des dispositions relatives à l’octroi de l’indemnité de dépaysement au personnel de la BCE, mais à obtenir une compensation financière du fait de l’erreur commise par la BCE lors de son engagement.

51      Si l’objet de la demande indemnitaire invoqué dans le deuxième chef de conclusions de la requérante a clairement pu être identifié dans chacun des courriers adressés à la BCE, il y a également lieu d’admettre que la cause de cette demande en réparation ressortait par ailleurs clairement de ces courriers. En effet, cette demande se fondait sur l’erreur commise par la BCE en 2014 lors de la fixation des droits pécuniaires de la requérante. À cet égard, il y a lieu d’observer que cette demande a été introduite devant le juge de l’Union avec le même objet et la même cause que celle soumise à l’administration.

52      Par conséquent, la présente demande est recevable en ce qu’elle respecte la procédure précontentieuse établie par la BCE.

53      En second lieu, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un recours en indemnité doit être déclaré irrecevable lorsqu’il tend, en réalité, au retrait d’une décision individuelle devenue définitive et qu’il aurait pour effet, s’il était accueilli, d’annihiler les effets juridiques de cette décision (voir arrêt du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T‑514/93, EU:T:1995:49, points 59 à 61 et jurisprudence citée). Ainsi, comme cela est relevé par la BCE, la requérante ne peut pas contourner le caractère définitif d’une décision en demandant réparation d’un préjudice matériel que cette même décision lui aurait causé.

54      Or, en l’espèce, la décision du 13 mars 2017 par laquelle la BCE a décidé d’arrêter de verser à la requérante l’indemnité de dépaysement à partir du mois d’avril 2017 n’a pas fait l’objet d’un recours en annulation devant le juge de l’Union et, en conséquence, est devenue définitive. Dès lors, la requérante ne peut pas, dans le cadre du présent recours en indemnité, demander au Tribunal de condamner la BCE au versement mensuel d’une somme équivalente à l’indemnité de dépaysement dont elle se trouve privée du fait de la décision du 13 mars 2017. En effet, faire droit à une telle demande reviendrait à annihiler les effets de ladite décision devenue définitive.

55      En conséquence, la demande indemnitaire visant à obtenir le paiement d’une somme équivalente à une indemnité de dépaysement doit être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur la demande visant à obtenir la condamnation de la BCE au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de frais de déménagement

56      La BCE estime qu’il s’agit d’une demande indemnitaire manifestement irrecevable, car soulevée pour la première fois au stade de la requête et, par ailleurs, manifestement non fondée.

57      La requérante estime que la procédure précontentieuse a été respectée. Elle demande la condamnation de la BCE au paiement de la somme de 1 000 euros pour compenser les frais d’un nouveau déménagement qu’elle doit effectuer et qui, selon elle, n’aurait pas lieu si elle n’avait pas dû déménager pour occuper un logement dont le loyer était adapté à son nouveau salaire diminué du montant de l’indemnité de dépaysement. Elle précise que son actuel propriétaire a décidé de mettre en vente son bien et qu’elle devra en conséquence déménager.

58      En l’espèce, la requérante demande le remboursement des frais de déménagement dans la mesure où ce déménagement serait lié à la réduction de son salaire due à l’erreur commise par l’administration dans la fixation de ses droits pécuniaires lors de son recrutement.

59      Avant d’examiner la recevabilité de cette demande, contestée par la BCE, il convient d’identifier précisément le préjudice dont la requérante demande réparation.

60      En effet, lors de l’audience, la requérante a indiqué que la somme de 1 000 euros visée par la deuxième demande indemnitaire était liée au premier déménagement ayant eu lieu à la suite de l’annonce par la BCE de la réduction de sa rémunération et qu’il s’agissait d’un « reliquat » des frais engendrés par celui-ci et non des frais liés au deuxième déménagement annoncé qui n’était pas encore intervenu.

61      Or, il ressort clairement de la phase précontentieuse et des observations écrites déposées devant le Tribunal que cette demande n’est pas liée au déménagement dont le remboursement des frais a été accepté par la BCE, mais constitue une nouvelle demande liée à un autre déménagement qui, au jour de l’audience, ne s’était pas réalisé. Dès lors, il y a lieu de relever que cette demande de 1 000 euros apparaît pour la première fois dans la réclamation du 3 septembre 2017 dans laquelle la requérante a signalé que le remboursement d’une facture de 1 079,10 euros, dont elle avait réclamé le paiement au titre de son déménagement mentionné dans sa demande du 10 mai 2017, avait été accepté, puis a indiqué qu’elle devait une nouvelle fois déménager et réclamait à ce titre la somme de 1 000 euros complémentaire. La requérante précisait également qu’il s’agissait d’une estimation provisoire des frais qu’elle devrait encourir pour un nouveau déménagement.

62      Outre le fait que cette demande est liée à un événement futur hypothétique et incertain, elle aurait dû être présentée au titre de l’article 8.1.1 des règles du personnel en tant que nouvelle demande indemnitaire et n’a, en conséquence, pas été faite dans le respect de la procédure précontentieuse établie par la BCE, ainsi rappelée au point 28 ci-dessus.

63      En tout état de cause, ce deuxième déménagement ne trouve aucunement sa cause dans un quelconque comportement illégal de la BCE, mais dans le fait que l’actuel propriétaire de la requérante a décidé de mettre en vente son bien, de sorte que les nouveaux acquéreurs l’habiteront et qu’elle devra déménager.

64      Il convient, par conséquent, de considérer la demande relative aux frais de déménagement d’un montant de 1 000 euros comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

 Sur la demande visant à obtenir la condamnation de la BCE au paiement de la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral

65      La BCE soutient que la présente demande indemnitaire est irrecevable dans la mesure où la requérante n’en a fait état ni au stade de sa demande d’examen précontentieux ni dans sa réclamation. Cette demande aurait été soulevée pour la première fois dans le courrier du 24 octobre 2017 et n’aurait pas fait l’objet d’une procédure précontentieuse préalablement à l’introduction du présent recours. À titre surabondant, la BCE est d’avis que la demande liée au préjudice moral manque de clarté depuis le début.

66      Par ailleurs, la BCE soutient que le recours ne respecte pas le principe de concordance, la requérante n’ayant pas fait valoir, dans sa réclamation, que l’erreur commise par la BCE dans la fixation de ses droits pécuniaires au moment de son engagement constituerait un manquement à l’obligation d’assistance, de sollicitude et de bonne administration de la BCE.

67      La requérante estime que la procédure précontentieuse a été respectée et soutient qu’elle a clairement invoqué les moyens de droit relatifs à l’existence d’un manquement ou d’une faute commise par l’administration.

68      En ce qui concerne la somme de 2 000 euros réclamée au titre d’un dommage moral, la requérante souligne qu’elle vise la réparation du stress subi en raison des conséquences matérielles liées à la réduction de sa rémunération telles que les déménagements, la réorganisation de sa vie et de ses dépenses et la remise en question de sa position et d’un éventuel changement de travail pour éviter une telle diminution de rémunération.

 Sur la recevabilité

69      En premier lieu, ainsi qu’il ressort des points 38 à 41 ci-dessus, pour analyser la recevabilité de la présente demande en ce qui concerne le respect de la procédure précontentieuse, il convient d’analyser le contenu des différents courriers adressés par la requérante à la BCE dans le cadre de cette procédure afin de déterminer si, comme le soutient cette dernière, la demande de préjudice moral qui est soumise au Tribunal est apparue pour la première fois dans la lettre du 24 octobre 2017.

70      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la première demande adressée à la BCE, le 29 mars 2017, la requérante demandait à l’administration de trouver un arrangement à l’amiable afin de remédier à la situation qu’elle trouvait profondément injuste. Elle ajoutait que ces circonstances avaient eu des conséquences sur sa santé dans la mesure où elle subissait un stress lié à la nécessité de trouver un nouvel appartement avec un loyer moins élevé, adapté à ses nouveaux revenus.

71      Dans la demande d’examen précontentieux du 10 mai 2017, la requérante mentionnait que la réduction de sa rémunération avait eu pour conséquence qu’elle avait dû déménager en dehors de Francfort-sur-le-Main dans un quartier moins cher que le précédent, l’éloignant ainsi de son cercle familial et amical et qu’elle avait, en conséquence, dû « se réadapter à une nouvelle vie et un nouvel environnement ».

72      Dans la réclamation adressée au président de la BCE le 3 septembre 2017, la requérante soulignait qu’elle avait souffert d’un préjudice moral pendant plus d’une année dû au stress et à l’incertitude de sa situation. Elle relevait plus généralement que la réduction de ses revenus lui causait du stress et avait profondément affecté sa vie privée et sa santé. Dans la lettre du 24 octobre 2017, la requérante invoquait un dommage psychologique lié au stress et à la médication complémentaire, estimant ce préjudice à 2 000 euros.

73      Dans la requête, comme cela est mentionné au point 68 ci-dessus, la requérante demandait la réparation du préjudice moral en raison du stress subi en conséquence de l’erreur de la BCE dans la fixation, au moment de son engagement, de ses droits pécuniaires incluant, ainsi qu’il s’est révélé ensuite à tort, l’indemnité de dépaysement. Elle évalue ce préjudice à 2 000 euros.

74      Il résulte de ce rappel de la correspondance entre la BCE et la requérante dans le cadre de la procédure précontentieuse que cette dernière a clairement soutenu, tout au long de ses échanges avec la BCE, avoir subi du stress en raison du retrait de l’indemnité de dépaysement à la suite de l’erreur commise par la BCE lors de la fixation de ses droits pécuniaires au moment de son engagement. Or, c’est précisément ledit stress que la requérante identifie dans sa requête comme étant à l’origine du préjudice moral subi. C’est donc à tort que la BCE soutient que le préjudice moral ainsi allégué devant le Tribunal a été présenté pour la première fois dans la lettre du 24 octobre 2017.

75      En deuxième lieu, s’agissant du respect de la règle de concordance, il y a lieu de relever que la requérante demande de constater que l’erreur commise par la BCE dans la fixation de ses droits pécuniaires au moment de son recrutement constitue un manquement à son obligation d’assistance, de sollicitude et de bonne administration.

76      Ainsi qu’il a été rappelé au point 38 ci-dessus, la règle de concordance se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse qui a pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre l’administration et leur personnel (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 72).

77      Il s’ensuit que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 73 et jurisprudence citée).

78      Dans ce contexte, il doit en particulier être souligné que le seul changement de fondement juridique d’une contestation ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause de celle-ci. C’est ainsi que plusieurs fondements juridiques peuvent soutenir une seule et même prétention et, partant, une seule et même cause. En d’autres termes, le fait d’invoquer la violation d’une disposition spécifique dans la requête, qui n’était pas invoquée dans la réclamation, n’implique pas nécessairement que la cause du litige ait été, de ce fait, modifiée. Il convient en effet de s’attacher à la substance de ladite cause et non pas au seul libellé de ses fondements juridiques, le juge de l’Union devant vérifier s’il existe un lien étroit entre ses fondements et s’ils se rattachent substantiellement aux mêmes prétentions (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 85).

79      En l’espèce, même s’il est vrai que, dans la lettre du 24 octobre 2017, la requérante ne fait expressément valoir qu’une violation du devoir de sollicitude, il y a lieu d’observer que le principe de bonne administration lui est étroitement lié (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, point 101). En revanche, l’obligation d’assistance invoquée dans la requête ne saurait trouver de lien avec l’argumentation développée dans la phase précontentieuse.

80      En effet, il convient de rappeler que, dans le cadre du système contentieux institué par le statut, l’obligation d’assistance, telle qu’elle est visée à l’article 24 dudit statut, a pour finalité de donner aux fonctionnaires et aux agents en activité une sécurité pour le présent et pour l’avenir afin, dans l’intérêt général du service, qu’ils puissent s’acquitter au mieux de leurs fonctions. Le devoir d’assistance vise la défense des fonctionnaires, par l’institution concernée, contre des agissements de tiers et non contre les actes de l’institution même (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 66). En outre, une obligation d’assistance peut également être spécifiquement prévue dans certaine situation. Le Tribunal a en effet jugé que, dans le cadre d’une demande d’accès à un document, il incombait à la BCE, en application de la décision 2004/258/CE de la BCE, du 4 mars 2004, relative à l’accès aux documents de la BCE (JO 2004, L 80, p. 42), d’assister le demandeur, notamment en lui indiquant les documents qu’elle détenait et qui étaient analogues à ceux visés par la demande d’accès ou étaient susceptibles de contenir une partie ou l’intégralité des informations recherchées par le demandeur (arrêt du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 31).

81      En l’espèce, rien dans les échanges qui se sont tenus lors de la phase précontentieuse ne permettait de comprendre que l’administration aurait manqué d’assister la requérante face à un tiers ou qu’elle aurait manqué à une obligation d’assistance spécifique en 2014.

82      En conséquence, il convient d’admettre que la demande en réparation du préjudice moral a été faite dans le respect de la procédure précontentieuse et du principe de concordance en ce qui concerne la prétendue violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration et qu’elle est, en conséquence, recevable à cet égard.

 Sur le fond

83      Il convient d’examiner si, s’agissant de la demande en réparation du préjudice moral, les trois conditions permettant d’engager la responsabilité de la BCE sont réunies en l’espèce.

–       Sur l’existence d’un comportement fautif de la BCE

84      Il convient d’examiner si l’erreur commise par la BCE lors du recrutement de la requérante ayant pour conséquence l’attribution d’une indemnité de dépaysement à laquelle elle n’avait pas droit constitue une faute de service permettant d’engager sa responsabilité, ainsi que le fait valoir la requérante. Ainsi qu’il ressort de l’examen du respect de la règle de concordance aux points 75 à 82 ci-dessus, cet examen doit porter sur le respect par la BCE de son devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

85      Bien qu’il n’existe pas de définition précise de la notion de faute de service, il est généralement admis que celle-ci correspond à une action ou à une omission par un ou des agents de l’administration dans l’exercice de leurs fonctions se traduisant par un manquement aux obligations du service. Cette faute, contrairement à la faute personnelle, n’est pas imputable aux agents du service, mais au service lui-même et, partant, à l’administration (arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil, T‑75/14, EU:T:2017:813, point 74).

86      Les obligations de bonne administration et de sollicitude sont des principes établis dans le contentieux de la fonction publique qui régissent les relations entre les institutions et les organes de l’Union et leurs administrés. La jurisprudence relative à ces principes est applicable également au personnel de la BCE (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Donati/BCE, F‑63/09, EU:F:2012:193, point 94).

87      En premier lieu, en ce qui concerne le devoir de sollicitude, il convient de rappeler que cette obligation implique que, lorsqu’elle statue sur la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, et ce même dans le cadre de l’exercice d’un large pouvoir d’appréciation, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision. Il lui incombe, ce faisant, de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire ou de l’agent concerné (arrêts du 13 décembre 2012, Donati/BCE, F‑63/09, EU:F:2012:193, point 94, et du 23 octobre 2013, Solberg/OEDT, F‑124/12, EU:F:2013:157, point 43). Cette mise en balance des intérêts ne peut trouver à s’appliquer lorsque l’administration a une compétence liée et applique une disposition afin de fixer des droits pécuniaires. En ce sens, la requérante ne peut invoquer le devoir de sollicitude afin d’obtenir des avantages que la réglementation de la BCE ne permet pas de lui octroyer.

88      Il convient donc de conclure à l’absence de violation du devoir de sollicitude de la part de la BCE et, partant, à l’absence de comportement fautif à cet égard.

89      En second lieu, quant au principe de bonne administration, il y a lieu de souligner que ce principe comporte notamment l’obligation de diligence qui implique que l’administration doit agir avec soin et prudence. Le juge de l’Union a déjà admis que l’obligation de diligence est inhérente au principe de bonne administration et qu’une administration pouvait engager sa responsabilité non contractuelle pour comportement illicite lorsqu’elle n’agissait pas avec toute la diligence requise et causait, de ce fait, un préjudice [arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission, C‑47/07 P, EU:C:2008:726, points 91 et 92]. Une telle obligation s’applique à une institution dans son comportement avec les administrés.

90      En ce sens, au point 43 de l’arrêt du 11 avril 2016, Zink/Commission (F‑77/15, EU:F:2016:74), le Tribunal de la fonction publique a jugé qu’une erreur technique non imputable au bénéficiaire de l’indemnité indue ayant entraîné le défaut de versement de cette indemnité constituait une faute de service de la Commission due au comportement négligent de ses services.

91      En l’espèce, il ressort du dossier (voir point 2 ci-dessus), et cela n’est pas contesté par la BCE, que, en février 2014, avant de quitter son poste à Bruxelles et de signer le contrat d’engagement avec la BCE, la requérante a explicitement sollicité cette dernière afin de savoir, notamment, si elle avait le droit à l’indemnité de dépaysement. Lors des échanges qui ont suivi cette sollicitation, la requérante a répondu aux demandes de renseignements de l’administration de la BCE de manière complète et transparente en indiquant, notamment, qu’elle avait été recrutée par la Commission à partir de l’Allemagne et que, travaillant à ce moment-là en Belgique, elle bénéficiait de l’indemnité de dépaysement.

92      En réponse à cette sollicitation et sur la base des informations fournies par la requérante en toute transparence concernant sa situation professionnelle, la BCE a confirmé que celle-ci était éligible à l’indemnité de dépaysement, ce qui a, d’ailleurs, été reflété dans la fixation des droits pécuniaires de la requérante lors de son engagement dans la mesure où cette indemnité de dépaysement lui a été effectivement accordée. Ce n’est qu’en juillet 2016, soit deux années après son engagement, que la BCE s’est aperçue que la requérante n’y avait pas droit et a adopté la décision du 13 mars 2017 lui retirant ce bénéfice qu’elle avait perçu pendant 33 mois.

93      En s’appuyant sur l’arrêt du 11 juillet 1980, Kohll/Commission (137/79, EU:C:1980:200), la BCE soutient qu’une erreur dans l’interprétation des dispositions applicables ne saurait constituer une faute de service pouvant engager la responsabilité de l’administration. Lors de l’audience, elle a précisé que l’erreur dans la fixation des droits de la requérante provenait très certainement d’une interprétation restrictive donnée par l’administration au terme « organisation internationale » contenu à l’article 3.7.2 des règles du personnel, en ce sens qu’une distinction pouvait être faite entre les notions d’organisations internationales et d’organisations de l’Union.

94      À cet égard, il importe de relever que, dans l’arrêt du 11 juillet 1980, Kohll/Commission (137/79, EU:C:1980:200, point 14), le juge de l’Union a considéré que, « sauf exception, l’adoption d’une interprétation inexacte n’[était] pas, par elle-même, constitutive d’une faute de service ». Ainsi, alors qu’une interprétation inexacte n’est pas, par elle-même, constitutive d’une faute de service, le fait pour une administration de fournir un renseignement erroné peut, selon les circonstances, entraîner une responsabilité de celle-ci (conclusions de l’avocat général Mayras dans l’affaire Kohll/Commission, 137/79, EU:C:1980:132, point 3).

95      Or, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, telles qu’elles sont rappelées aux points 91 et 92 ci‑dessus, l’erreur dans la fixation des droits pécuniaires de la requérante lors de son engagement, admise par la BCE, relève d’un manquement au devoir de bonne administration de cette dernière, plus particulièrement à son devoir de diligence, et est constitutive d’une faute de service pouvant engager sa responsabilité non contractuelle.

96      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la BCE selon lequel la reconnaissance d’une faute de service dans la présente affaire rendrait inutile l’article 21a des conditions d’emploi prévoyant les conditions de la répétition de l’indu en ce qu’elle aurait pour conséquence de priver la BCE, dans un tel cas, du droit de récupérer des montants indûment payés, mais générerait au contraire une obligation de réparer un préjudice.

97      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 21a des conditions générales dispose, à l’instar de l’article 85 du statut, que « toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance ».

98      Dans la mesure où l’actuel article 21a des conditions d’emploi est identique à l’article 85 du statut, il convient de faire référence à la jurisprudence visant ledit article 85 du statut. Ainsi, en ce qui concerne la première des conditions d’application de la répétition de l’indu, il appartient à l’administration de prouver que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement. La seconde condition, relative au caractère évident de l’irrégularité, serait remplie lorsqu’il s’agit d’une irrégularité qui n’échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent. À cet égard, il conviendrait de tenir compte, dans chaque espèce, de la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires (arrêt du 24 février 1994, Stahlschmidt/Parlement, T‑38/93, EU:T:1994:23, points 18 et 19).

99      Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que l’application de l’article 85 du statut présuppose précisément que l’administration ait commis une erreur en procédant à un versement irrégulier (arrêt du 24 février 1994, Stahlschmidt/Parlement, T‑38/93, EU:T:1994:23, point 23).

100    Il convient ainsi d’en déduire que les conditions d’engagement de la répétition de l’indu ne se confondent pas avec celles permettant l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, telles qu’elles sont rappelées au point 30 ci-dessus. Les conditions énoncées au point 98 ci-dessus, si elles sont remplies, permettent à l’administration de récupérer les sommes versées indûment, à la suite d’une erreur de l’administration, en tenant compte du comportement du bénéficiaire. En matière de responsabilité non contractuelle de l’Union, outre la constatation d’un comportement illégal de l’administration, il convient également d’examiner si les deux autres conditions énoncées au point 30 ci-dessus sont remplies, notamment si le dommage a été effectivement causé par le seul comportement de l’administration.

101    Ainsi, l’effet utile de l’article 21a des conditions d’emploi invoqué par la BCE ne saurait être remis en cause par la constatation, dans les circonstances de l’espèce, d’une faute de service pouvant engager sa responsabilité non contractuelle.

–       Sur le préjudice et le lien de causalité

102    À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, dans la réplique, la requérante précise que le stress qu’elle a subi est lié à l’« incertitude dans laquelle elle s’est retrouvée après avoir été avertie de l’erreur commise par l’administration et du fait qu’une décision suivrait sans toutefois en connaître les tenants et aboutissants et surtout l’échéance » et reproche à l’administration d’avoir mis une année pour prendre sa décision de retrait. Dès lors que le préjudice visé dans la réplique semble trouver sa cause non plus dans l’erreur commise en 2014 lors de la fixation des droits pécuniaires de la requérante, mais dans le temps pris par la BCE en 2017 pour fixer définitivement lesdits droits, en l’occurrence pour prendre la décision de lui retirer le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, cette nouvelle demande formulée pour la première fois devant le Tribunal dans la réplique est irrecevable, en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par ailleurs, il convient de constater que la requérante étend, dans sa réplique, l’étendue de son dommage moral à la réparation pour la « médication supplémentaire engendrée ». Il convient également de rejeter cette nouvelle demande en ce qu’elle n’a pas été invoquée dans la requête.

103    Premièrement, s’agissant du préjudice moral invoqué, il y a lieu d’admettre, ainsi qu’il ressort notamment du point 72 ci-dessus, que l’étendue du dommage moral n’a pas toujours été définie avec précision. En effet, dans son courrier du 3 septembre 2017, la requérante mentionnait un préjudice moral lié au stress et à l’incertitude de sa situation alors que, dans son courrier du 24 octobre 2017, son préjudice moral était lié au stress et à la médication complémentaire. Cependant, il convient également de constater que la requérante a, lors des différentes étapes constituant la procédure précontentieuse, toujours invoqué l’impact de l’erreur de la BCE dans la fixation de ses droits pécuniaires sur son état de santé et demandé au Tribunal de lui accorder une réparation pour le stress subi en tant que conséquence de cette erreur.

104    À cet égard, la requérante précise que la réduction de salaire découlant du retrait de l’indemnité de dépaysement ne lui permettait plus d’assumer le paiement de son précédent loyer, le remboursement de son crédit, l’organisation de quelques voyages privés et l’inscription à une formation d’homéopathie.

105    La BCE ne conteste pas que la requérante a effectivement quitté le quartier dans lequel elle s’était établie et s’est installée dans un nouvel appartement se trouvant dans un autre quartier. Par ailleurs, la BCE a accordé à la requérante le remboursement des frais de ce déménagement. Il convient d’admettre qu’un tel déménagement a assurément dû être une source de stress pour la requérante notamment, en ce qu’elle était contrainte de changer son environnement de vie.

106    En revanche, la requérante n’avance aucun élément concret pour démontrer l’impossibilité, à la suite de la réduction de son salaire, de rembourser un crédit ou de poursuivre une formation professionnelle, qui serait à l’origine de son préjudice moral. En tout état de cause, de telles conséquences seraient plutôt de nature matérielle. Or, la requérante n’a formulé aucune demande indemnitaire portant sur un tel préjudice matériel.

107    Deuxièmement, s’agissant du lien de causalité, il y a lieu de reconnaître qu’il existe un lien entre la faute commise par la BCE en 2014 dans la fixation des droits pécuniaires de la requérante lors de son recrutement et les conséquences dues à l’arrêt du versement de l’indemnité de dépaysement, en l’occurrence le stress lié au déménagement et au changement de l’environnement de vie à la suite de la réduction de sa rémunération.

108    En effet, si une réduction de salaire ne saurait automatiquement engendrer un déménagement, il doit être reconnu que, en l’espèce, la somme mensuelle que la requérante s’est vu retirer, dont le calcul fait dans la requête n’a pas été contesté par la BCE, et qui lui a été versée pendant 33 mois, représentait une part non négligeable de ses revenus et qu’une telle réduction l’a obligée à trouver un logement avec un loyer moins élevé.

109    En outre, il peut être déduit du remboursement, dans les circonstances de l’espèce, par la BCE des frais liés au déménagement que cette dernière établissait elle‑même un lien entre la réduction de la rémunération de la requérante et ledit déménagement.

110    Il s’ensuit qu’il est très probable que le déménagement de la requérante dans un appartement situé dans un autre quartier n’aurait pas eu lieu sans la réduction de son salaire.

111    Au demeurant, il convient de relever que la BCE n’a invoqué aucune faute de la part de la requérante qui aurait pu être prise en compte dans l’analyse de l’origine du dommage.

112    Ainsi, il convient de conclure que le préjudice moral invoqué par la requérante trouve sa cause dans le comportement fautif de la BCE et qu’il ne ressort pas des éléments soumis au Tribunal que cette faute de service serait imputable, même partiellement, à la requérante.

113    Il résulte de ce qui précède qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en condamnant la BCE à verser à la requérante, au titre de la réparation du préjudice moral subi, la somme de 1 000 euros.

 Sur le cinquième chef de conclusions

114    La requérante conclut à ce que les sommes qui lui seront versées soient augmentées des intérêts au taux légal jusqu’à complet paiement.

115    S’agissant du préjudice moral, et pour autant que ce chef de conclusions doive être compris en ce sens que la requérante demande le versement d’intérêts moratoires, le montant accordé devra être majoré de ces intérêts à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement. Le taux de ces intérêts sera celui fixé par la BCE pour ses opérations principales de refinancement, majoré de 3,5 points de pourcentage.

 Sur les dépens

116    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, l’article 134, paragraphe 3, du même règlement prévoit que si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

117    En l’espèce, la requérante et la BCE ayant partiellement succombé en leurs demandes, le Tribunal décide que chaque partie supportera ses dépens.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La Banque centrale européenne (BCE) est condamnée à payer la somme de 1 000 euros à Mme Christine Wehrheim au titre du préjudice moral, augmentée d’intérêts, à compter du prononcé du présent arrêt, au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement majoré de 3,5 points de pourcentage, et ce jusqu’à la date de paiement par la BCE du montant de 1 000 euros. 

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Mme Wehrheim et la BCE supporteront leurs propres dépens.

Buttigieg

Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 décembre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

R. da Silva Passos


*      Langue de procédure : le français.