Language of document : ECLI:EU:C:2020:968

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

26 novembre 2020 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission préalable des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande d’admission ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑418/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 septembre 2020,

Scorify UAB, établie à Vilnius (Lituanie), représentée par Me V. Viešūnaitė, advokatė,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Scor SE, établie à Paris (France), représentée par Mes C. de Callataÿ et T. de Haan, avocats,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, M. N. Piçarra (rapporteur) et M. S. Rodin, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. G. Hogan, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Scorify UAB demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 juillet 2020, Scorify/EUIPO ‑ Scor (SCORIFY) (T‑328/19, non publié, ci-après l’ « arrêt attaqué », EU:T:2020:311), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 26 mars 2019 (affaire R 1639/2018-4), relative à une procédure d’opposition entre Scor SE et Scorify UAB.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante invoque quatre arguments, par lesquels elle fait valoir que les questions de droit soulevées par son pourvoi, ayant trait à des violations de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) n° 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), sont importantes pour l’unité de la jurisprudence.

7        Par le premier argument, la requérante fait valoir que, dans le cadre de l’appréciation de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, le Tribunal a, aux points 80 à 88 de l’arrêt attaqué, en méconnaissance de la jurisprudence pertinente et, par conséquent, en violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2017/1001, accordé une importance excessive aux quatre premières lettres « s », « c », « o » et « r » que les signes en cause partageaient, lesquelles formaient l’intégralité de la marque antérieure et étaient placées au début de l’élément dominant de la marque litigieuse. Il aurait ainsi négligé l’effet produit par l’élément figuratif et le suffixe « ify » dans la marque litigieuse. Or, cet élément et ce suffixe non seulement seraient susceptibles de produire un effet fort, mais leurs effets cumulés seraient, en outre, considérables lors d’une appréciation globale.

8        Le Tribunal aurait ainsi méconnu, premièrement, la jurisprudence selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23 et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 25).

9        Le Tribunal aurait méconnu, deuxièmement, la jurisprudence selon laquelle ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude peut se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42 et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 35) et que, aux fins de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ses composants en les comparant à celles des autres composants, la position relative des différents composants dans le configuration de la marque complexe n’étant prise en compte que de manière accessoire [arrêt du 22 avril 2008, Casa Editorial el Tiempo/OHMI – Instituto Nacional de Meteorología (EL TIEMPO), T‑233/06, non publié, EU:T:2008:121, point 45].

10      Par le deuxième argument, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, aux points 67 à 70 de l’arrêt attaqué, commis une erreur d’appréciation dans la comparaison phonétique des signes en cause et, par suite, violé encore l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2017/1001. Cette erreur entacherait également la conclusion à laquelle celui-ci est parvenu au point 70 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les signes en cause présentaient un degré moyen de similitude sur le plan phonétique. Dans le cadre de cette comparaison, le Tribunal n’aurait, en fait, tenu compte ni des fins très différentes des signes en cause, ni de la différence de rythme et d’intonation de ceux-ci, en l’espèce influencés par le suffixe « ify » dans la marque litigieuse. Or, ces éléments joueraient un rôle très important dans la manière dont les signes en cause sont perçus phonétiquement.

11      La requérante soutient que les motifs figurant aux points susvisés de l’arrêt attaqué sont non seulement entachés d’une insuffisance de motivation sur ce point, mais méconnaissent, en outre, le principe de la comparaison phonétique des marques ainsi que la règle selon laquelle l’impression d’ensemble produite sur le plan phonétique par un signe est particulièrement influencée par le nombre et la séquence de ses syllabes ainsi que par le rythme et l’intonation de celui-ci, telle que consacrée par une jurisprudence constante [arrêts du 25 février 2016, FCC Aqualia/OHMI – Sociedad General de Aguas de Barcelona (AQUALOGY), T‑402/14, non publié, EU:T:2016:100, points 65 et 66 et du 29 janvier 2020, Vinos de Arganza/EUIPO – Nordbrand Nordhausen (ENCANTO), T‑239/19, non publié, EU:T:2020:12, point 33].

12      La question de droit ainsi soulevée présenterait une importance, car elle permettrait de confirmer qu’il ne suffit pas, afin de motiver une similitude sur le plan phonétique des signes en conflit, de prendre seulement en compte quelques lettres de ces signes qui coïncident en dépit de la différence dans les syllabes ainsi que de rythme et d’intonation de ceux-ci.

13      Par le troisième argument, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir, en méconnaissance de la jurisprudence pertinente et, encore une fois, en violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2017/1001, pris en compte, lors de l’examen de l’appréciation globale du risque de confusion, aux points 80 à 88 de l’arrêt attaqué, la perception par le public pertinent des marques en cause, et ce malgré le fait qu’il a jugé, au point 38 de l’arrêt attaqué, que le public pertinent était composé du grand public et des professionnels de l’Union manifestant un niveau d’attention élevé.

14      Il résulterait, en effet, de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion exige un processus itératif de pondération de tous les facteurs pertinents [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17 et du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 72]. Il ressortirait, plus particulièrement, de la jurisprudence que la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans le cadre de cette appréciation (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 23 et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 25).

15      Par le quatrième argument de la demande d’admission, la requérante soutient que le Tribunal a, au point 66 de l’arrêt attaqué, appliqué une jurisprudence ne présentant pas de pertinence pour l’affaire, et aurait, en conséquence, mal interprété l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2017/1001.

16      En effet, la jurisprudence constante sur laquelle le Tribunal s’est fondé au point 66 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la partie initiale des éléments verbaux d’une marque est susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que les parties suivantes [voir, notamment, arrêt du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 62] s’appliquerait dans des circonstances factuelles propres aux affaires ayant donné lieu à cette jurisprudence, caractérisées par l’indépendance de la partie initiale de la marque en cause, perçue comme un mot par le public pertinent, par rapport à d’autres éléments de celle-ci. Ces circonstances factuelles n’étant pas réunies à l’égard de la marque litigieuse, ladite jurisprudence ne serait, par conséquent, pas pertinente en l’espèce.

17      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 16 septembre 2019, Kiku/OCVV, C‑444/19 P, non publiée, EU:C:2019:746, point 11, ainsi que du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13).

18      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et  l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut a pour but de limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma-A/EUIPO, C‑199/20 P, non publiée, EU:C:2020:662, point 10).

19      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant, tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause, que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

20      Une demande d’admission ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

21      En l’occurrence, s’agissant des premier et deuxième arguments figurant dans la demande d’admission du pourvoi, qui se recoupent et qu’il convient d’examiner conjointement, la requérante reproche au Tribunal de s’être écarté de la jurisprudence pertinente, mentionnée aux points 8, 9 et 11 de la présente ordonnance, dans le cadre de l’appréciation de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, et d’avoir insuffisamment motivé son appréciation dans le cadre de la comparaison sur le plan phonétique.

22      Il convient de constater à cet égard que, si la requérante identifie ainsi des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, elle n’explique pas à suffisance ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi de telles erreurs de droit, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi.

23      Il ressort, en effet, de la jurisprudence que le fait qu’un pourvoi soulève certaines questions de droit propres à l’arrêt sous pourvoi ne permet pas, en soi, de considérer que ce pourvoi doit être admis par la Cour. À cette fin, le requérant au pourvoi doit plutôt démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’il invoque, son pourvoi soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 18). Par ailleurs, s’agissant, plus particulièrement, de l’argumentation tirée de ce que le Tribunal se serait écarté de la jurisprudence pertinente, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur de la demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que le présent pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. À cette fin, le demandeur doit respecter l’ensemble des exigences énoncées au point 19 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 17). Or, force est de constater que, en l’occurrence, la requérante n’a pas respecté l’ensemble de ces exigences.

24      S’agissant des troisième et quatrième arguments de la demande d’admission par lesquels la requérante reproche au Tribunal respectivement de ne pas avoir tenu compte, lors de l’examen de l’appréciation globale du risque de confusion, de la perception par le public pertinent des marques en cause, composé du grand public et des professionnels de l’Union, manifestant un niveau d’attention élevé, et d’avoir appliqué, dans le cadre de la comparaison des signes en cause sur le plan visuel, une jurisprudence qui ne serait pas pertinente en l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante n’allègue nullement ni démontre que les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal soulèvent une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

25      Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

26      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

27      En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

28      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Scorify UAB supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.