Language of document : ECLI:EU:C:2019:439

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

22 mai 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne figurative comportant les éléments verbaux Cuervo y Sobrinos LA HABANA 1882 – Règlement (CE) no 207/2009 – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Appréciation des similitudes entre les signes en conflit par le Tribunal – Analyse de nature factuelle – Obligation de motivation – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑780/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 décembre 2018,

Cuervo y Sobrinos 1882 SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes S. Ferrandis González et K. Gibas, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

A. Salgado Nespereira SA, établie à Ourense (Espagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. C. G. Fernlund (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Cuervo y Sobrinos 1882 SL demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 octobre 2018, Cuervo y Sobrinos 1882/EUIPO – A. Salgado Nespereira (Cuervo y Sobrinos LA HABANA 1882) (T‑374/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:669), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 mars 2017 (affaire R 1141/2016-4), relative à une procédure de nullité entre A. Salgado Nespereira SA et elle-même.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) et d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué.

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 26 mars 2019, pris la position suivante :

« 1.      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens.

2.      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement [no 207/2009] commise, selon la requérante, par le Tribunal dans le cadre de l’analyse du risque de confusion entre les signes en conflit. Ce moyen est divisé en deux branches.

3.      Par la première branche, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu à la similitude des signes en conflit, en considérant que l’élément verbal “cuervo y sobrinos” de la marque contestée constitue la partie dominante et la plus distinctive de cette dernière en raison notamment de sa taille, par rapport à l’élément figuratif, à savoir un écusson, de cette marque. Selon la requérante, ledit élément verbal et l’élément figuratif du signe en cause occupent une place équivalente. Par conséquent, c’est l’impression globale produite par la marque contestée qui devait être prise en compte.

4.      En vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’appréciation des similitudes entre les signes en conflit est une analyse de nature factuelle qui échappe, sous réserve de dénaturation, au contrôle de la Cour (arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 50 et jurisprudence citée). Il en va ainsi aussi de l’appréciation de l’élément dominant [arrêt du 11 décembre 2008, Gateway/OHMI, C‑57/08 P, non publié, EU:C:2008:718, points 49 et 50 ; ordonnances du 29 novembre 2012, Hrbek/OHMI, C‑42/12 P, non publiée, EU:C:2012:765, point 43, et du 6 décembre 2016, Novomatic/EUIPO, C‑342/16 P, non publiée, EU:C:2016:931, point 4 (prise de position de l’avocat général Wathelet, point 19)].

5.      Une quelconque dénaturation n’ayant pas été invoquée, il résulte de ce qui précède que la requérante se borne à remettre en cause l’analyse factuelle portant sur la similitude entre les signes en conflit.

6.      Par conséquent, je propose à la Cour de rejeter la première branche du premier moyen comme étant manifestement irrecevable.

7.      Par la seconde branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de la typographie particulière de l’élément verbal “cuervo y sobrinos” de la marque contestée lors de son appréciation de la similitude visuelle des signes en conflit et de ne pas avoir comparé ces derniers dans leur ensemble. Elle avance en substance que, grâce à la typographie extrêmement stylisée des termes “cuervo y sobrinos”, la marque contestée produit une impression d’ensemble différente de celle des marques antérieures.

8.      À cet égard, il convient de noter que l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2012, United States Polo Association/OHMI, C‑327/11 P, non publié, EU:C:2012:550, point 44 et jurisprudence citée ; du 15 octobre 2015, Debonair Trading Internacional/OHMI, C‑270/14 P, non publié, EU:C:2015:688, point 33 et jurisprudence citée, et du 26 juillet 2017, Continental Reifen Deutschland/Compagnie générale des établissements Michelin, C‑84/16 P, non publié, EU:C:2017:596, point 97 et jurisprudence citée). Si l’évaluation de ces facteurs est une question de fait qui échappe au contrôle de la Cour, l’omission de prendre en compte tous ces facteurs est en revanche constitutive d’une erreur de droit et peut, en tant que telle, être soulevée devant la Cour dans le cadre d’un pourvoi [voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Union Investment Privatfonds/UniCredito Italiano, C‑317/10 P, EU:C:2011:405, point 45 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 20 septembre 2017, Anton Riemerschmid Weinbrennerei und Likörfabrik/EUIPO, C‑158/17 P, non publiée, EU:C:2017:701, point 6 (prise de position de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona, point 14 et jurisprudence citée)].

9.      D’une part, ainsi que l’a constaté, en substance, le Tribunal aux points 25 et 26 de l’arrêt attaqué, l’élément verbal “cuervo y sobrinos” de la marque contestée constitue l’élément dominant et le plus distinctif de cette marque. D’autre part, ainsi qu’il ressort du constat établi au point 27 de cet arrêt, les marques antérieures sont des marques verbales ne consistant qu’en un élément verbal, à savoir “cuervo y sobrinos”. Il en résulte que le Tribunal n’avait pas l’obligation d’examiner l’argument concernant la typographie de l’élément verbal “cuervo y sobrinos”.

10.      Par conséquent, je propose à la Cour de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant manifestement non fondée.

11.      Par son second moyen, la requérante soutient que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation. Plus particulièrement, la requérante soutient que le Tribunal n’a pas exposé de manière détaillée les raisons pour lesquelles il n’a pas inclus la typographie de la marque contestée dans son appréciation de la similitude des signes en conflit.

12.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et la motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 19 mars 2015, MEGA Brands International/OHMI, C‑182/14 P, EU:C:2015:187, point 54 et jurisprudence citée ; ordonnances du 15 octobre 2015, Cantina Broglie 1/OHMI, C‑33/15 P, non publiée, EU:C:2015:705, point 35 et jurisprudence citée ; du 12 juillet 2016, Pérez Gutiérrez/Commission, C‑604/15 P, non publiée, EU:C:2016:545, point 27 et jurisprudence citée, ainsi que arrêt du 5 octobre 2017, Wolf Oil/EUIPO, C‑437/16 P, non publié, EU:C:2017:737, point 30 et jurisprudence citée).

13.      En l’espèce, par les motifs figurant aux points 27 à 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu, implicitement mais nécessairement, en les écartant, aux arguments avancés par la requérante.

14.      Je propose donc à la Cour de rejeter le deuxième moyen comme manifestement non fondé.

15.      Au regard de ce qui précède, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi en partie en tant que manifestement irrecevable et en partie en tant que manifestement non fondé. »

6        Il convient d’ajouter, à l’égard de la seconde branche du premier moyen, que, au point 26, dernière phrase, de l’arrêt attaqué, le Tribunal a implicitement mais nécessairement pris en considération la typographique particulière de l’élément verbal « Cuervo y Sobrinos » de la marque contestée, en rejetant le caractère distinctif de l’élément verbal « la habana 1882 » de cette dernière, au motif que ce dernier élément verbal était, « contrairement à l’élément verbal “Cuervo y Sobrinos”, [...] écrit en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique ». Par ailleurs, dans ce contexte et quant au second moyen du pourvoi, le fait que le Tribunal a retenu que l’élément verbal « Cuervo y Sobrinos » de la marque contestée constituait l’élément dominant de cette dernière implique nécessairement que la typographie dudit élément verbal était négligeable dans l’impression d’ensemble de la marque contestée, comme la requérante l’a d’ailleurs elle-même mentionné et admis dans son pourvoi.

7        Par conséquent, pour ce motif, ainsi que pour ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, pour partie, manifestement irrecevable, et, pour partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

8        En application de l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle–ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que Cuervo y Sobrinos 1882 supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejetécomme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

2)      Cuervo y Sobrinos 1882 SL supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.