Language of document : ECLI:EU:F:2012:80

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

13 juin 2012 (*)

« Fonction publique – Ancien fonctionnaire – Sécurité sociale – Accident – Clôture de la procédure d’application de l’article 73 du statut – Application dans le temps du barème annexé à la nouvelle version de la réglementation relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle – Durée de la procédure »

Dans l’affaire F‑31/10,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Christian Guittet, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Cannes (France), représenté par Me L. Levi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents, assistés de Me J.-L. Fagnart, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 mars 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 14 mai 2010, M. Guittet, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demande, notamment, l’annulation de la décision du 27 juillet 2009 par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a clôturé la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et a fixé son atteinte à l’intégrité physique et psychique (ci-après l’« AIPP ») à 64,5 %.

 Cadre juridique

 Statut

2        En vertu de l’article 73, paragraphes 1 et 2, du statut :

« 1.      Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions [de l’Union] après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. […]

2.      Les prestations garanties sont les suivantes :

[…]

b)      [e]n cas d’invalidité permanente totale :

[p]aiement à l’intéressé d’un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident ;

c)      [e]n cas d’invalidité permanente partielle :

[p]aiement à l’intéressé d’une partie de l’indemnité prévue [sous] b), ci-dessus, calculée sur la base du barème fixé par la réglementation prévue au paragraphe 1 ci-dessus.

[…]

Les prestations énumérées ci-dessus peuvent être cumulées avec celles qui sont prévues au chapitre 3 ci-dessous. »

 Réglementation de couverture prise en application de l’article 73 du statut

 Champ d’application et dispositions transitoires

3        Le 1er janvier 2006 est entrée en vigueur la réglementation commune aux institutions de l’Union européenne relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle (ci-après la « réglementation de couverture » ou la « nouvelle réglementation de couverture ») prévue à l’article 73, paragraphe 1, du statut, laquelle a succédé à la précédente réglementation commune de couverture modifiée en dernier lieu le 18 juillet 1997 (ci-après l’« ancienne réglementation de couverture »).

4        L’article 1er de la réglementation de couverture est rédigé comme suit :

« La présente réglementation fixe, en exécution de l’article 73 du statut, les conditions dans lesquelles l’assuré est couvert dans le monde entier contre les risques d’accident et de maladie professionnelle.

Est assuré au titre de la présente réglementation :

–        le fonctionnaire ;

–        l’agent temporaire ;

–        l’agent contractuel. »

5        L’article 30 de la réglementation de couverture prévoit les dispositions transitoires suivantes :

« [L’ancienne réglementation de couverture] est abrogée.

Toutefois, elle demeure applicable pour tout projet de décision adopté en vertu de l’article 20, paragraphe 1, avant le 1er janvier 2006 […] »

6        L’article 31 de la réglementation de couverture prévoit :

« La [nouvelle réglementation de couverture] entre en vigueur le premier jour du mois suivant celui au cours duquel le commun accord des institutions prévu à l’article 73, paragraphe 1, du statut aura été constaté par le président de la Cour de justice [de l’Union européenne].

Elle est applicable à partir de la même date. »

 Notion d’invalidité permanente

7        L’article 11 de la réglementation de couverture, intitulé « Invalidité permanente », est rédigé comme suit :

« 1.      L’invalidité permanente totale ou partielle est mesurée par l’[AIPP] telle que fixée par le barème européen d’évaluation des atteintes à l’intégrité physique et psychique, figurant en annexe A.

Les modalités pratiques d’utilisation du barème figurant en annexe B sont d’application.

[...]

2.      En cas d’invalidité permanente totale de l’assuré résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, l’[AIPP] est de 100 % et le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, [sous] b), du statut lui est versé.

3.      En cas d’invalidité permanente partielle de l’assuré résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, [sous] c), du statut et déterminé en fonction des taux prévus au barème […] lui est versé.

4.      La lésion de membres ou organes déjà infirmes n’est indemnisée que par différence entre l’état avant et après l’accident.

5.      [...]

6.      L’indemnité totale résultant de plusieurs invalidités provenant du même accident s’obtient par addition, sans pouvoir dépasser ni le capital intégral assuré pour l’invalidité permanente totale, ni la somme partielle assurée pour la perte totale ou la perte complète de l’usage du membre et de l’organe blessé. »

8        L’ancienne réglementation de couverture prévoyait en son article 12 :

« 1.      En cas d’invalidité permanente totale du fonctionnaire résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, [sous] b), du statut lui est versé.

2.      En cas d’invalidité permanente partielle du fonctionnaire résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital déterminé en fonction des taux prévus au barème d’invalidité figurant en annexe lui est versé. »

 Indemnité complémentaire

9        L’article 13 de la réglementation de couverture prévoit que, sur avis des médecins désignés par les institutions ou de la commission médicale visée à l’article 22, une indemnité complémentaire à l’indemnité versée en cas d’invalidité permanente partielle est accordée à l’assuré pour le préjudice esthétique, le préjudice sexuel (hormis la reproduction), les douleurs exceptionnelles non objectivées mais médicalement plausibles, l’atteinte aux activités de loisirs spécifiques à l’assuré. Cette indemnité est déterminée en fonction de la grille d’évaluation des préjudices particuliers spécifiques figurant en annexe C à la réglementation de couverture.

 Dispositions procédurales

10      L’article 18 de la réglementation de couverture prévoit que les décisions relatives à la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement ou à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie, ainsi qu’à la fixation du degré d’invalidité permanente, sont prises par l’AIPN suivant la procédure prévue à l’article 20 de cette même réglementation, sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et, si l’assuré le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l’article 22 de ladite réglementation.

11      En vertu du paragraphe 3 de l’article 19 de la réglementation de couverture, intitulé « Consolidation des lésions » :

« La décision portant fixation du degré d’invalidité intervient après la consolidation des lésions de l’assuré. Les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle sont consolidées lorsque ces séquelles sont stabilisées ou qu’elles ne s’atténueront que très lentement et d’une façon très limitée. À cet effet, l’assuré est tenu de transmettre un rapport médical constatant la consolidation de son état en y indiquant la nature des lésions. Toutefois, le ou les médecins désignés par l’institution ou la commission médicale prévue à l’article 22 peuvent se prononcer sur la consolidation même en l’absence de ce rapport médical.

[…] »

12      L’article 20 de la réglementation de couverture dispose comme suit :

« 1.      Avant de prendre une décision en vertu de l’article 18, l’[AIPN] notifie à l’assuré ou à ses ayants droits le projet de décision, accompagné des conclusions du ou des médecins désignés par l’institution. L’assuré ou ses ayants droit peuvent demander que le rapport médical complet soit transmis au médecin de leur choix ou que celui[-]ci leur soit communiqué.

2.      L’assuré ou ses ayants droit peuvent, dans un délai de [60] jours, demander que la commission médicale prévue à l’article 22 donne son avis. La demande de saisine de la commission médicale doit préciser le nom du médecin représentant l’assuré ou ses ayants droit [et être] accompagnée du rapport de ce médecin précisant les questions médicales contestées au médecin ou aux médecins désignés par l’institution aux fins de l’application des dispositions de la présente réglementation.

3.      Si, à l’expiration de ce délai, aucune demande de consultation de la commission médicale n’a été déposée, l’[AIPN] prend la décision telle que le projet en a été notifié. »

13      L’ancienne réglementation de couverture prévoyait en son article 20, premier alinéa :

« La décision portant fixation du degré d’invalidité intervient après la consolidation des lésions du fonctionnaire. [À] cet effet, le fonctionnaire est tenu de transmettre un rapport médical constatant la guérison ou la consolidation de son état en y indiquant la nature des lésions. »

14      Aux termes de l’article 22 de la réglementation de couverture, intitulé « Commission médicale » :

« 1.      La commission médicale est composée de trois médecins désignés :

–        le premier, par l’assuré ou ses ayants droit,

–        le deuxième, par l’[AIPN],

–        le troisième, du commun accord des deux médecins ainsi désignés.

À défaut d’accord sur la désignation du troisième médecin, dans un délai de deux mois à compter de la désignation du deuxième médecin, le troisième médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice à l’initiative d’une des parties.

Quel que soit son mode de désignation, le troisième médecin doit disposer d’une expertise en matière d’évaluation et de réparation du dommage corporel.

2.      L’institution établit le mandat confié à la commission médicale. Ce mandat couvre les questions d’ordre médical soulevées par le rapport du médecin représentant l’assuré ou ses ayants droit et d’autres rapports médicaux pertinents transmis au titre de l’article 20, paragraphe 2.

Les honoraires et frais des médecins composant la commission médicale sont fixés conformément à un barème arrêté par les [c]hefs d’administration des institutions […], selon la complexité du dossier confié à la commission médicale.

Avant de confirmer le mandat donné à la commission médicale, l’institution informe l’assuré ou ses ayants droit des honoraires et frais qui sont susceptibles de rester à leur charge en application du paragraphe 4. En aucun cas l’assuré ou ses ayants droit [ne] peuvent récuser le troisième médecin à cause du montant des honoraires et frais demandés par celui-ci. Toutefois, et à tout moment, il leur est loisible de renoncer à la procédure de saisine de la commission médicale. Dans ce cas, les honoraires et frais du médecin choisi par l’assuré ou ses ayants droit, et la moitié des honoraires et frais du troisième médecin, restent à leur charge pour la partie des travaux accomplis.

L’assuré ou ses ayants droit demeurent redevables envers son médecin des sommes convenues avec lui, indépendamment de ce qu’accepte de payer l’institution.

3.      La commission médicale examine de manière collégiale la totalité des documents disponibles et susceptibles de lui être utiles pour ses appréciations et toute décision est adoptée à la majorité. Il appartient à la commission médicale de régler sa propre procédure et de fixer les modalités de son fonctionnement. Le troisième médecin est chargé du secrétariat et de la rédaction du rapport. La commission médicale peut demander des examens complémentaires et consulter des experts afin de compléter le dossier ou obtenir des avis utiles pour mener à bien sa mission.

La commission médicale ne peut émettre des avis médicaux que sur les faits qui sont soumis à son analyse ou qui sont portés à sa connaissance.

Si la commission médicale, dont la mission se limite à l’aspect purement médical du dossier, estime qu’elle se trouve en présence d’un litige d’ordre juridique, elle se déclare incompétente.

Au terme de ses travaux, la commission médicale consigne ses conclusions dans un rapport qui est adressé à l’[AIPN].

Sur la base de ce rapport l’[AIPN] notifie à l’assuré ou [à] ses ayants droit sa décision accompagnée des conclusions de la commission médicale. L’assuré ou ses ayants droit peuvent demander que le rapport complet de la commission soit transmis au médecin de leur choix ou que celui[-]ci leur soit communiqué.

4.      Les frais des travaux de la commission médicale sont supportés par l’institution dont relève l’assuré.

Toutefois, lorsque l’avis de la commission médicale est conforme au projet de décision de l’[AIPN], l’assuré ou ses ayants droit doivent supporter les honoraires et frais accessoires du médecin qu’ils ont choisi et la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin, le solde étant à la charge de l’institution.

[…] »

15      L’ancienne réglementation de couverture prévoyait, en son article 23, relatif à la commission médicale :

« 1.      La commission médicale est composée de trois médecins désignés :

–        le premier, par l’[AIPN],

–        le deuxième, par le fonctionnaire ou ses ayants droit,

–        le troisième, du commun accord des deux médecins ainsi désignés.

[À] défaut d’accord sur la désignation du troisième médecin, dans un délai de deux mois à compter de la désignation du deuxième médecin, le troisième médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice […] à l’initiative d’une des parties.

Au terme de ses travaux, la commission médicale consigne ses conclusions dans un rapport qui est adressé à l’[AIPN] et au fonctionnaire ou à ses ayants droit.

2.      Les frais des travaux de la commission médicale sont supportés par l’institution dont relève le fonctionnaire.

Dans le cas où le médecin désigné par le fonctionnaire réside hors du lieu d’affectation de ce dernier, le fonctionnaire supporte le supplément d’honoraires qu’entraîne cette désignation, à l’exception des frais de transport en première classe chemin de fer ou en classe économique avion qui sont remboursés par l’institution. Cette disposition n’est pas applicable lorsqu’il s’agit d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions, ou sur le chemin du travail, ou d’une maladie professionnelle.

Lorsque l’avis de la commission médicale est conforme au projet de décision de l’[AIPN] notifié au fonctionnaire ou à ses ayants droits en vertu de l’article 21, ceux-ci doivent supporter les honoraires et frais accessoires du médecin qu’ils ont choisi et la moitié des honoraires et frais accessoires du troisième médecin, le solde étant à la charge de l’institution, sauf lorsqu’il s’agit d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions ou sur le chemin du travail.

Toutefois, dans des cas exceptionnels et par décision de l’[AIPN] prise après avis du médecin désigné par celle-ci, tous les frais visés aux alinéas précédents peuvent être pris à charge par l’institution. »

 Faits à l’origine du litige

16      Le requérant a été victime d’un grave accident le 8 décembre 2003. Cet accident a eu pour conséquence sa mise en invalidité, sur le fondement de l’article 78 du statut, à compter du 1er juillet 2005.

17      Par ailleurs, à la suite de la déclaration d’accident introduite par l’épouse du requérant, la Commission a ouvert une procédure sur le fondement de l’article 73 du statut.

18      Le 10 avril 2005, le médecin désigné par l’institution a établi un rapport intermédiaire en vue de la fixation d’une indemnité provisionnelle. Dans ce rapport, il estimait que le taux d’invalidité permanente au moment de la consolidation serait d’au moins 20 %.

19      Le 30 mai 2005, le requérant s’est adressé à l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO), lui demandant de réexaminer le dossier, afin de fixer la fraction non litigieuse du taux d’invalidité permanente « à un niveau correspondant mieux à la réalité ».

20      Le PMO a fait suite à cette demande du requérant et a demandé au médecin désigné par l’institution de fixer avec précision la fraction non litigieuse du taux d’invalidité permanente en tenant compte, le cas échéant, des arguments avancés par le requérant en faveur d’un taux plus élevé.

21      Dans un deuxième rapport intermédiaire, daté du 1er juillet 2005, le médecin désigné par l’institution a estimé que la fraction non litigieuse du taux d’invalidité permanente pouvait être fixée à 40 %.

22      Sur la base de ce rapport, le PMO a, par décision du 8 août 2005, octroyé au requérant une indemnité provisionnelle d’un montant 381 812,22 euros. Le requérant a reçu le paiement de cette indemnité au mois de novembre 2005.

23      Entre-temps, s’agissant de la consolidation de ses lésions, le requérant avait transmis au PMO un rapport, établi le 28 juin 2005 par un médecin choisi par ses soins, indiquant que ses lésions étaient consolidées. La Commission indique, sans être contestée sur ce point, que ce rapport a été communiqué au PMO le 30 juin 2005.

24      Dans un rapport daté du 21 septembre 2006 établi au titre de l’article 20, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, le médecin désigné par l’institution a constaté que les séquelles du requérant étaient consolidées depuis le 28 juin 2005 ; il a indiqué, en faisant application de la nouvelle réglementation de couverture, que le requérant présentait un taux d’AIPP de 62 % se décomposant de la façon suivante : 37 % pour les séquelles ORL (12 % pour la perte auditive, 3 % pour les acouphènes, 20 % pour les troubles de l’équilibre et 2 % pour l’olfaction), 15 % pour les séquelles rhumatologiques et 10 % pour les séquelles psychoaffectives. Il a en outre constaté que le requérant souffrait d’un préjudice esthétique permanent de 3/7, justifiant une indemnité complémentaire de 1,5 %.

25      Par un projet de décision du 7 novembre 2006, l’AIPN a, sur le fondement du rapport du médecin désigné par l’institution, du 21 septembre 2006, octroyé au requérant un capital de 606 126,90 euros, correspondant à une AIPP de 63,5 %, capital pour le solde duquel il convenait de déduire le montant de l’indemnité provisionnelle qui lui avait été accordée, soit 381 812,22 euros. En fin d’année 2006, le requérant a ainsi perçu un versement de 224 314,68 euros, en complément de l’indemnité provisionnelle déjà versée.

26      En désaccord avec le projet de décision du 7 novembre 2006, le requérant a, par courrier du 18 janvier 2007, demandé la saisine de la commission médicale.

27      Le médecin désigné par le requérant et le médecin désigné par l’institution n’étant pas parvenus à trouver un accord sur le nom du troisième médecin devant siéger au sein de la commission médicale, le requérant a, par courrier du 5 mai 2007, saisi le président de la Cour de justice aux fins de la désignation d’office dudit médecin. Le 25 juillet 2007, prenant acte de la désignation et de l’acceptation de sa mission par le troisième médecin, le PMO a mandaté ce dernier au nom de la commission médicale.

28      La commission médicale a tenu deux séances, les 3 janvier et 13 octobre 2008, à la suite desquelles le troisième médecin a établi un rapport daté du 12 novembre 2008 (ci-après le « rapport de la commission médicale »).

29      Le rapport de la commission médicale confirme que le requérant présente un taux d’AIPP de 62 % et que le préjudice esthétique permanent de 3/7 justifie une indemnité complémentaire de 1,5 %. En outre, il constate que le requérant souffre d’un préjudice d’agrément de 2/7, justifiant une indemnité complémentaire de 1 %.

30      Le rapport de la commission médicale confirme également la date de consolidation des lésions du requérant, soit le 28 juin 2005.

31      Le rapport de la commission médicale a été signé par le médecin désigné par l’institution.

32      Par courriers des 2 décembre 2008, 21 janvier 2009 et 28 mars 2009, le médecin désigné par le requérant a fait part de son désaccord avec le rapport de la commission médicale, qu’il a finalement signé et renvoyé au troisième médecin le 28 mars 2009. S’agissant des conclusions auxquelles parvenait ledit rapport, le médecin désigné par le requérant a ainsi fait valoir que la commission médicale aurait dû utiliser l’ancien barème d’évaluation des AIPP, ce qui aurait conduit à un taux d’invalidité permanente plus élevé.

33      Le rapport de la commission médicale a été reçu par le PMO le 9 juin 2009. Au vu de ce rapport, l’AIPN, par décision du 27 juillet 2009, a reconnu au requérant un taux d’AIPP atteignant au total 64,5 %, et lui a indiqué que le solde du capital lui étant dû, s’élevant à 9 543,31 euros et correspondant à un taux d’AIPP de 1 %, lui serait versé. La somme en cause a été versée au requérant le 9 novembre 2009.

34      Le 23 octobre 2009, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de l’AIPN du 27 juillet 2009. La réclamation a été complétée par un argumentaire détaillé, daté du 8 décembre 2009. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 15 février 2010.

 Conclusions des parties

35      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AIPN, du 27 juillet 2009, clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut à la suite de l’accident du 8 décembre 2003 et lui reconnaissant un taux d’AIPP de 64,5 % ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision du 15 février 2010 rejetant la réclamation du requérant ;

–        par voie de conséquence, conclure à l’évaluation du taux de son AIPP sur la base de la réglementation de couverture et du barème d’évaluation des AIPP en vigueur au jour de l’accident et jusqu’au 1er janvier 2006, et à la reprise de l’examen de la demande introduite par lui au titre de l’article 73 du statut par une commission médicale composée de façon impartiale, indépendante et neutre qui puisse travailler rapidement, de façon indépendante et sans a priori ;

–        condamner la Commission aux intérêts de retard sur le capital dû au titre de l’article 73 du statut à un taux de 12 % sur une période s’étant ouverte au plus tard le 8 décembre 2004 jusqu’à complet paiement du capital ;

–        condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts, fixés ex æquo et bono à 50 000 euros pour le préjudice moral subi du fait de la décision contestée ;

–        fixer l’allocation de dommages et intérêts à 15 000 euros pour le préjudice matériel subi ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non recevable et à tout le moins non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur l’objet du litige

37      Outre l’annulation de la décision du 27 juillet 2009, par laquelle l’AIPN a décidé de lui reconnaître un taux d’AIPP de 64,5 % (ci-après la « décision du 27 juillet 2009 »), le requérant sollicite l’annulation de la décision du 15 février 2010 portant rejet de sa réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camόs Grau/Commission, T‑309/03, point 43).

38      Les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation introduite à l’encontre de la décision du 27 juillet 2009 étant, en l’espèce, dépourvues de contenu autonome, le recours doit être regardé comme formellement dirigé contre cette dernière décision.

 Sur les conclusions aux fins d’annulation

39      Au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation le requérant invoque huit moyens, tirés :

–        le premier, de l’illégalité du barème d’évaluation des AIPP qui lui a été appliqué ;

–        le deuxième, de la violation d’une convention conclue entre la Communauté européenne et une société d’assurance, ainsi que de la violation de l’article 73 du statut au motif que la Commission aurait fait prévaloir les intérêts « des assureurs » ;

–        le troisième, de la violation du délai raisonnable, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ;

–        le quatrième, de la violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité, ainsi que de l’atteinte aux droits acquis ;

–        le cinquième, du caractère non opposable de la nouvelle réglementation de couverture ;

–        le sixième, de l’irrégularité de la désignation du troisième médecin de la commission médicale et de la violation du principe de bonne foi ;

–        le septième, de la violation des principes de collégialité, d’indépendance, d’impartialité et de neutralité devant présider aux travaux de la commission médicale ;

–        le huitième, de la violation par la commission médicale de son mandat, d’une erreur manifeste entachant le rapport de la commission médicale et d’une motivation irrégulière de celui-ci.

40      Il convient d’examiner tout d’abord le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité, ainsi que de l’atteinte aux droits acquis.

 Sur le moyen tiré de l’atteinte aux droits acquis et de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité

–       Sur la recevabilité du moyen

41      La Commission soutient que le moyen en cause est irrecevable. En effet, il aurait déjà été invoqué par le requérant dans le cadre d’une réclamation que celui-ci avait précédemment introduite au cours de la même procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut. Or, cette réclamation aurait, selon la Commission, fait l’objet d’une décision de rejet du 31 juillet 2006, laquelle, n’ayant pas été contestée, serait devenue définitive.

42      Cependant, il ne fait aucun doute et il n’est d’ailleurs pas contesté par la Commission que la décision du 27 juillet 2009 est un acte faisant grief et que le rejet de la réclamation, dont se prévaut la Commission, est antérieur à cette décision.

43      Or, le requérant est recevable à soulever tout moyen, argument ou fait susceptible de mettre en cause la légalité d’un acte faisant grief et ce, même s’il a déjà invoqué ce même moyen, argument ou fait au soutien d’une réclamation antérieure visant un acte distinct (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 septembre 2011, A/Commission, F‑12/09, point 136, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑595/11 P).

–       Sur le bien-fondé du moyen

44      Aux termes des articles 30 et 31 de la nouvelle réglementation de couverture, l’ancienne réglementation de couverture est abrogée et la nouvelle réglementation entre en vigueur le premier jour du mois suivant celui au cours duquel le commun accord des institutions prévu à l’article 73, paragraphe 1, du statut aura été constaté par le président de la Cour de justice et est applicable à partir de cette date. En l’espèce, le commun accord des institutions prévu à l’article 73, paragraphe 1, du statut ayant été constaté par le président de la Cour de justice le 13 décembre 2005, la nouvelle réglementation de couverture est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. L’article 30, deuxième alinéa, de la nouvelle réglementation de couverture précise toutefois que l’ancienne réglementation de couverture, qu’il faut comprendre comme incluant le barème d’évaluation des AIPP qui lui était annexé, « demeure applicable pour tout projet de décision [adopté par l’AIPN] avant le 1er janvier 2006 », c’est-à-dire pour tout projet de décision adoptée avant cette date et concernant la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement ou l’origine professionnelle d’une maladie, la fixation du degré de l’AIPP et le montant du capital correspondant.

45      Le requérant soutient que l’application à son égard du barème d’évaluation des AIPP annexé à la nouvelle réglementation de couverture porte atteinte aux droits qu’il a acquis sous l’empire des dispositions de l’ancienne réglementation de couverture. Il fait valoir que l’accident, la déclaration d’accident, voire la consolidation des lésions, font naître des droits acquis dans le chef de l’assuré à leurs dates respectives. Par suite, alors même qu’aucun projet de décision n’avait encore été adopté par l’AIPN dans le cadre de la procédure ouverte à la suite de l’accident du 8 décembre 2003, le barème d’évaluation des AIPP qui était annexé à l’ancienne réglementation de couverture aurait dû lui être appliqué.

46      Le requérant excipe ainsi de l’illégalité de l’article 30 de la réglementation de couverture, en ce qu’il ne prévoirait le maintien du barème d’évaluation des AIPP qui était annexé à l’ancienne réglementation de couverture aux procédures engagées avant le 1er janvier 2006, date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de couverture, que dans l’hypothèse où la procédure serait, à cette date, arrivée au stade du projet de décision adopté par l’AIPN, alors que, dès lors que l’accident, la déclaration d’accident ou la consolidation des lésions seraient intervenus avant le 1er janvier 2006, l’ancienne réglementation de couverture devrait continuer à s’appliquer jusqu’à la fin de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut.

47      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon un principe généralement reconnu, une règle nouvelle s’applique, sauf dérogation, immédiatement aux situations à naître, ainsi qu’aux effets futurs des situations nées, sans être cependant entièrement constituées, sous l’empire de la règle ancienne (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 février 1978, Bauche et Delquignies, 96/77, point 48 ; du 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, point 21 ; du 5 février 1981, P./Commission, 40/79, point 12 ; du 10 juillet 1986, Licata/CES, 270/84, point 31, et du 29 janvier 2002, Pokrzeptowicz-Meyer, C‑162/00, point 50 ; ordonnance de la Cour du 13 juin 2006, Echouikh, C‑336/05, point 54 ; arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, points 61 à 63 ; arrêts du Tribunal du 30 novembre 2006, Balabanis et Le Dour/Commission, F‑77/05, point 39, et du 4 septembre 2008, Lafili/Commission, F‑22/07, point 84).

48      En l’espèce, il y a donc lieu de vérifier si, au moment où la nouvelle réglementation de couverture est devenue applicable, soit le 1er janvier 2006, le requérant se trouvait, ainsi qu’il le prétend, dans une situation entièrement constituée sous l’empire du barème d’évaluation des AIPP qui était annexé à l’ancienne réglementation de couverture. Ce n’est que dans cette hypothèse qu’il pourrait effectivement être reconnu que le barème de la nouvelle réglementation de couverture – lequel barème ne saurait, au demeurant, être regardé comme une règle de procédure [voir, a contrario, arrêt de la Cour du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, C‑121/91 et C‑122/91, points 22 et 23] – a été appliqué de manière rétroactive au requérant. Dans ce cas, il y aurait lieu d’examiner l’exception d’illégalité soulevée par le requérant et, plus particulièrement, la légalité de l’application rétroactive du barème de la nouvelle réglementation de couverture au regard des principes de sécurité juridique et de respect de la confiance légitime.

49      Avant d’examiner cette question, il importe de souligner que, selon l’article 12, paragraphe 2, de l’ancienne réglementation de couverture, ainsi d’ailleurs que selon l’article 11, paragraphe 3, de la nouvelle réglementation de couverture, le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, sous c), du statut, en cas d’invalidité permanente partielle, est déterminé en fonction des taux prévus au barème d’évaluation des AIPP annexé à chacune de ces réglementations.

50      Dans ces conditions, pour que la situation d’un assuré soit entièrement constituée sous l’empire du barème d’évaluation des AIPP qui était annexé à l’ancienne réglementation de couverture, il doit être établi que, au plus tard le jour précédant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de couverture, soit le 31 décembre 2005, sa situation était telle qu’elle permettait de faire naître un droit à la fixation de son AIPP selon les taux prévus au barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture.

51      À cet égard, il convient d’observer que la seule survenance de l’accident ou de la maladie professionnelle ne suffit pas à faire naître, dans le chef de l’assuré, un droit à la fixation de son AIPP.

52      Il est vrai que l’article 73 du statut prévoit que le fonctionnaire est « couvert dès le jour de son entrée en service » contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. Cette disposition prévoit également que les prestations couvrant ces risques sont « garanties » au fonctionnaire.

53      Toutefois, si le législateur de l’Union a instauré un régime d’assurance contre les risques d’accident et de maladie professionnelle, les institutions, agissant au titre de l’article 73, paragraphe 1, du statut, ont fait dépendre l’ouverture du droit aux prestations d’assurance en cause, et donc leur versement, du respect d’un certain nombre de conditions.

54      Ainsi, en vertu de l’article 20, premier alinéa, de l’ancienne réglementation de couverture, comme d’ailleurs de l’article 19, paragraphe 3, de la nouvelle réglementation de couverture, la décision portant fixation du degré d’AIPP ne peut intervenir qu’après la consolidation des lésions de l’assuré, la consolidation étant l’état d’une victime dont les lésions se sont fixées de manière telle qu’elles ne paraissent plus susceptibles de guérison ou d’amélioration et qu’un traitement n’est plus, en principe, indiqué si ce n’est pour en éviter une aggravation (arrêt du Tribunal de première instance du 21 mai 1996, W/Commission, T‑148/95, point 36).

55      Cela signifie, ainsi que la Cour l’a jugé dans son arrêt du 14 juillet 1981, Suss/Commission (C‑186/80, point 15 ; voir également arrêt du Tribunal du 17 février 2011, Strack/Commission, F‑119/07, point 88), que le droit au versement de l’indemnité visée à l’article 73, paragraphe 2, sous c), du statut en cas d’invalidité permanente partielle, comme en l’espèce, ne naît qu’à la consolidation de l’ensemble des lésions. Aussi, ce n’est qu’à compter de cette date que l’assuré dispose d’un droit à voir fixer son AIPP.

56      La situation de l’assuré, au regard de son droit à la fixation du taux de son AIPP, étant entièrement constituée au moment de la consolidation de ses lésions, l’assuré doit, en principe, se voir appliquer le barème d’évaluation des AIPP en vigueur à la date de cette consolidation.

57      Au demeurant, il convient de souligner que, contrairement à ce que soutient la Commission, la situation de l’assuré en matière de couverture contre les risques d’accident ou de maladie professionnelle se distingue nettement de celle du lauréat d’un concours en matière de droit au classement en grade, dont il était question dans l’arrêt Centeno Mediavilla e.a./Commission, précité (points 63 à 68). En effet, le classement en grade du lauréat d’un concours est subordonné à la nomination de l’intéressé. Or, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation s’agissant de la nomination des lauréats à un concours, ce large pouvoir d’appréciation étant le corollaire du fait que les textes ne prévoient pas que les lauréats d’un concours sont titulaires, en cette qualité, d’un droit à être nommé. Au contraire, l’indemnisation de l’assuré à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle ne résulte pas d’un choix de l’administration, effectué au titre d’un large pouvoir d’appréciation dont elle disposerait, mais de la constatation d’une invalidité permanente après la consolidation.

58      Certes, il est vrai, ainsi que l’observe la Commission, que, à la date de la consolidation des lésions, l’assuré n’est encore créancier que d’une « dette de valeur », et non d’une « dette de somme », le montant dû n’étant fixé qu’au moment de l’adoption de la décision de l’AIPN fixant, sur la base des appréciations médicales, le taux d’AIPP et le montant du capital correspondant.

59      Toutefois, si la créance de l’assuré n’est liquide qu’au moment de l’adoption de la décision de l’AIPN, sur la base de l’avis du médecin de l’institution ou de la commission médicale, fixant le montant du capital dû, une telle décision, qui clôture, en principe, la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut, suppose qu’au préalable ait été fixé le taux d’AIPP de l’assuré. Or, la question qui se pose, en l’espèce, est précisément celle de déterminer le barème d’évaluation des AIPP en fonction duquel il appartient au médecin désigné par l’institution et, le cas échéant, à la commission médicale, d’évaluer l’AIPP d’un assuré dont la consolidation des lésions corporelles ou psychiques est intervenue avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de couverture.

60      Enfin, si la date d’adoption par l’AIPN du projet de décision fixant le taux d’AIPP de l’assuré et le montant du capital correspondant devait être retenue comme date pertinente pour la détermination du barème d’évaluation des AIPP applicable, ainsi qu’il ressort de l’article 30 de la nouvelle réglementation de couverture, cela pourrait conduire à l’application de règles différentes à des personnes dont la consolidation des lésions aurait pourtant eu lieu au même moment, selon le degré de célérité dont aurait fait preuve l’administration lors du traitement de leurs dossiers respectifs, et ce, non sans risque d’arbitraire (voir, à propos de la détermination du droit applicable en matière de liquidation de droits à pension complémentaire, arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement, T‑439/09, points 39 et 40).

61      En l’espèce, il ressort du dossier et, en particulier, du rapport du médecin désigné par l’institution, du 21 septembre 2006, que la date de consolidation des lésions du requérant a été fixée au 28 juin 2005. C’est donc à compter de cette date que le requérant détenait le droit à voir calculer son taux d’AIPP en fonction du barème d’évaluation des AIPP annexé à la réglementation de couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle applicable à cette date, c’est-à-dire selon le barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture.

62      Compte tenu des considérations qui précèdent, il apparaît que l’article 30 de la réglementation de couverture, en ce qu’il prévoit que le barème qui est annexé à cette réglementation est applicable, en l’absence de projet de décision de l’AIPN fixant le taux d’AIPP, aux assurés, victimes d’un accident ou d’une maladie professionnelle, dont les lésions ont été consolidées avant la date de son entrée en vigueur, soit le 1er janvier 2006, vise, s’agissant de ces assurés, des situations entièrement constituées sous l’empire du barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture. L’article 30 de la réglementation de couverture donne donc à cet égard une portée rétroactive au barème qui lui est annexé.

63      Or, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte de l’Union voie son point de départ fixé à une date antérieure à son entrée en vigueur (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C‑110/97, point 151, et la jurisprudence citée).

64      Cependant, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêts de la Cour du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, point 20 ; du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, point 45, et Pays-Bas/Conseil, précité, point 151).

65      En l’espèce, les conditions mentionnées au point précédent n’apparaissent pas remplies. Tout d’abord, la Commission n’a pas établi l’existence d’un but exigeant l’application rétroactive de la nouvelle réglementation de couverture. À cet égard, l’argument tiré des insuffisances du barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture, lequel, pour reprendre les termes des Informations administratives no 91‑2005 du 19 décembre 2005, annonçant au personnel de la Commission l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de couverture, serait « vétuste, difficile à utiliser, et sans dimension européenne » [l’ancien barème ayant été le « Barème [o]fficiel [b]elge des [i]nvalidités » (BOBI)], n’explique pas, de façon convaincante, pourquoi il était nécessaire, pour atteindre l’objectif de modernisation dudit barème, de lui conférer une portée rétroactive.

66      Ensuite, l’application du barème d’évaluation des AIPP annexé à la nouvelle réglementation de couverture à des assurés, victimes, avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2006, de cette nouvelle réglementation de couverture, d’un accident ou d’une maladie professionnelle et dont les lésions ont été consolidées avant cette même date, a nécessairement porté atteinte à la confiance légitime de ces assurés.

67      À supposer même, ainsi que l’a observé la Commission au cours de l’audience, que l’application du barème d’évaluation des AIPP annexé à la nouvelle réglementation de couverture puisse, selon la nature des lésions en cause, aboutir tantôt à une augmentation de la couverture du risque d’accident ou de maladie professionnelle, tantôt à une diminution de celle-ci, par comparaison avec le barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture, l’unité et l’application uniforme d’une réglementation de couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle adoptée d’un commun accord des institutions exigent, en principe, que l’entrée en vigueur de cette réglementation survienne à la même date dans toutes les institutions et pour l’ensemble de leur personnel, sauf disposition contraire destinée précisément à protéger les droits acquis sous l’empire de la réglementation ancienne (voir, par analogie, arrêt Racke, précité, point 16). Certes, il ne saurait être interdit aux institutions d’étendre, pour des situations nées et définitivement constituées sous l’empire de l’ancienne réglementation de couverture, le bénéfice de la nouvelle réglementation de couverture si elle est plus favorable aux assurés, mais aucune disposition transitoire en ce sens ne figure dans la nouvelle réglementation de couverture.

68      Il résulte de tout ce qui précède que la nouvelle réglementation de couverture doit être déclarée illégale en ce qu’elle prévoit l’application du barème qui lui est annexé aux assurés, victimes d’un accident ou d’une maladie professionnelle, dont les lésions ont été consolidées antérieurement à son entrée en vigueur.

69      C’est donc à tort que la commission médicale, lorsqu’elle a rendu son rapport, le 9 juin 2009, puis l’AIPN, lorsqu’elle a adopté la décision du 27 juillet 2009, ont fait application du barème d’évaluation des AIPP annexé à la nouvelle réglementation de couverture. Il y a lieu, en conséquence, d’annuler pour ce motif la décision du 27 juillet 2009, sans qu’il soit besoin de statuer, dans le cadre des présentes conclusions en annulation, sur les autres moyens invoqués par le requérant.

 Sur les conclusions indemnitaires

70      Le requérant invoque l’existence de trois préjudices distincts : un préjudice qui justifierait le paiement d’intérêts de retard, un préjudice matériel et un préjudice moral.

 Sur le paiement d’intérêts de retard

71      Le requérant demande au Tribunal de condamner la Commission aux intérêts de retard sur le capital dû au titre de l’article 73 du statut.

72      Le requérant ne précise pas dans la partie de ses écritures relative à cette demande indemnitaire sur la base de quelle faute il présente ladite demande. Cependant, il indique, de manière plus générale, que la responsabilité de la Commission doit être engagée au titre des illégalités qu’il a invoquées au soutien de ses conclusions en annulation.

73      Au regard des moyens et griefs qu’il a invoqués à ce titre, il est clair que le requérant entend fonder sa demande de versement d’intérêts moratoires sur le grief tiré de ce que l’administration n’aurait pas statué dans un délai raisonnable.

74      Il convient donc d’examiner si le délai d’adoption de la décision du 27 juillet 2009 a été déraisonnable.

75      Tout d’abord, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 20 de l’ancienne réglementation de couverture prévoient que l’assuré est tenu de transmettre un rapport médical constatant la consolidation de son état, afin que l’AIPN puisse adopter une décision fixant le taux d’AIPP.

76      Or, en l’espèce, ce n’est que par le rapport du 28 juin 2005 établi par un médecin choisi par le requérant et communiqué au PMO le 30 juin 2005 que celui-ci a été informé de la consolidation des lésions du requérant, intervenue le 28 juin 2005.

77      Par suite, s’agissant de la période comprise entre le 8 décembre 2003, date de l’accident, et le 30 juin 2005, date de la réception par le PMO du rapport du médecin désigné par le requérant relatif à la consolidation des lésions, le délai ainsi écoulé est donc imputable, pour la plus grande part au moins, au requérant.

78      Ensuite, le délai d’environ quinze mois au terme duquel le médecin désigné par l’institution a établi son rapport, en date du 21 septembre 2006, destiné à l’AIPN, n’apparaît pas déraisonnable. En effet, ledit médecin a fondé son appréciation sur six examens complémentaires réalisés durant cette période et relevant d’au moins quatre spécialités médicales différentes (psychiatrie, ophtalmologie, rhumatologie, oto-rhino-laryngologie).

79      Par la suite, le projet de décision de l’AIPN, du 7 novembre 2006, fixant le taux d’AIPP du requérant et le montant du capital octroyé en conséquence a été communiqué à celui-ci le 21 novembre de la même année, c’est-à-dire dans le délai de trois mois à compter de la date d’établissement du rapport du médecin désigné par l’institution, ce qui n’apparaît pas déraisonnable.

80      En désaccord avec le projet de décision de l’AIPN, du 7 novembre 2006, fixant son taux d’AIPP et le montant de son indemnité, le requérant a demandé la saisine de la commission médicale par courrier du 18 janvier 2007.

81      Le médecin désigné par le requérant et le médecin désigné par l’institution n’étant pas parvenus à trouver un accord sur le nom du troisième médecin devant siéger au sein de la commission médicale, le requérant a, par courrier du 5 mai 2007, saisi le président de la Cour de justice aux fins de la désignation d’office dudit médecin.

82      Le 25 juillet 2007, prenant acte de la désignation et de l’acceptation de sa mission par le troisième médecin, le PMO a mandaté ce dernier au nom de la commission médicale.

83      Ainsi, le délai qui s’est écoulé entre la date du projet de décision du 7 novembre 2006 et le 25 juillet 2007, date à laquelle la commission médicale a pu commencer ses travaux, résulte donc des développements mêmes de la procédure et n’est pas imputable à l’inaction de la Commission.

84      Par la suite, le rapport de la commission médicale a été établi le 12 novembre 2008, c’est-à-dire environ quinze mois après que la commission médicale a été en mesure de débuter ses travaux. Un tel délai n’apparaît pas déraisonnable compte tenu des circonstances de l’espèce.

85      En effet, un premier rapport de la commission médicale, certes non complet, a été rédigé par le troisième médecin dès le 10 janvier 2008, après la tenue, le 3 janvier précédent, de la première réunion de la commission médicale. Cependant, ce rapport a donné lieu à divers échanges de courriers, dont un courrier émanant du médecin désigné par le requérant, deux courriers émanant du requérant lui-même et un courrier émanant du médecin désigné par l’institution.

86      Dans le rapport, du 12 novembre 2008, qu’il a établi au nom de la commission médicale, le troisième médecin a indiqué, notamment, que l’un des courriers du requérant était accompagné de « nombreuses et volumineuses annexes » relatives aux activités extraprofessionnelles du requérant. Mentionnant également que le requérant, dans un courrier du 28 février 2008, avait formulé de nouvelles remarques concernant l’aide d’une tierce personne, le troisième médecin a précisé :

« [P]ersonnellement, nous avons été surpris par l’importance de sa demande compte tenu des doléances exprimées lors de la première [réunion] et ce, également compte tenu des questions précises que nous lui avions adressées lors de cette première [réunion]… »

87      S’il ne saurait être reproché à un assuré, dans le cadre d’une procédure diligentée au titre de l’article 73 du statut, de faire parvenir à la commission médicale toute la documentation ou toutes les remarques qu’il estime nécessaires pour permettre à celle-ci de se prononcer, il est clair que la production de pièces volumineuses, de même que la communication, en cours de procédure, de nouvelles remarques portant sur des questions abordées antérieurement, participent à l’allongement du délai d’adoption d’une décision clôturant la procédure.

88      Par ailleurs, toujours dans le rapport de la commission médicale du 12 novembre 2008, le troisième médecin a indiqué qu’il avait été difficile de convenir, en particulier avec le médecin désigné par le requérant, d’une date pour une deuxième réunion de la commission médicale et que celle-ci n’avait pu se tenir que le 13 octobre 2008.

89      Certes, dans un courrier du 2 décembre 2008, le médecin désigné par le requérant a indiqué qu’il avait proposé les dates des 26 et 29 septembre 2008 pour la réunion de la commission médicale et que celles-ci n’avaient pas convenu aux autres membres de la commission médicale. Cependant, ces initiatives du médecin désigné par le requérant ne permettent pas de l’exempter de sa part de responsabilité dans l’allongement du délai nécessaire à la fixation de la date de la deuxième réunion de la commission médicale.

90      Ainsi, au regard des développements qui précèdent, le délai de quinze mois environ, qui s’est écoulé entre le 25 juillet 2005, date à laquelle la commission médicale a été en mesure de débuter ses travaux, et le 12 novembre 2008, date du rapport de la commission médicale, n’apparaît pas déraisonnable.

91      Par la suite, ce n’est que le 9 juin 2009 que le rapport de la commission médicale a finalement été communiqué au PMO, soit environ sept mois après que le troisième médecin a établi ledit rapport. Cependant, ce délai s’explique, en partie au moins, par le fait que le médecin désigné par le requérant a d’abord demandé au troisième médecin chargé de la rédaction du rapport de la commission médicale, par courriers des 2 décembre 2008 et 21 janvier 2009, la modification du rapport – avec le contenu duquel les deux autres membres de la commission médicale étaient en accord – et, n’obtenant pas celle-ci, n’a renvoyé ledit rapport assorti de sa signature que le 28 mars 2009.

92      Enfin, sur la base du rapport de la commission médicale qu’elle avait reçu le 9 juin 2009, l’AIPN a adopté la décision du 27 juillet 2009 et l’a communiquée au requérant qui en a pris connaissance le 9 août 2009. Le délai de deux mois qui s’est ainsi écoulé entre le 9 juin 2009, date à laquelle l’AIPN a disposé du rapport de la commission médicale, et le 9 août 2009, date à laquelle elle a fait parvenir au requérant la décision du 27 juillet 2009, n’apparaît pas déraisonnable.

93      Au final, aucun des délais écoulés lors des différentes étapes de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision du 27 juillet 2009 n’apparaît déraisonnable.

94      De plus, même en prenant en compte l’effet cumulatif de l’ensemble de ces délais et la part imputable à des retards de l’administration, il ressort des éléments mentionnés aux points précédents que la décision du 27 juillet 2009 n’a pas été adoptée dans un délai déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, point 394).

95      Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter les conclusions du requérant visant à obtenir la condamnation de la Commission au paiement d’intérêts de retard sur le capital qui lui a déjà été versé.

96      Cependant, le requérant semble inclure dans le capital sur la base duquel les intérêts moratoires doivent être calculés non seulement le capital qui lui a déjà été versé, mais également le capital supplémentaire qui, selon lui, lui sera versé sur la base du barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture.

97      S’agissant de conclusions visant à obtenir le versement d’intérêts de retard sur les sommes supplémentaires qui seraient dues au requérant du fait de l’application du barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture, un tel versement implique non seulement qu’il soit établi avec suffisamment de certitude que le requérant puisse bénéficier d’un taux d’AIPP supérieur à celui qui lui a été reconnu par la décision du 27 juillet 2009 mais également que le taux d’AIPP dont il bénéficiera sur la base de ce barème puisse déjà être fixé. Or, tel n’est pas le cas. Par suite, à supposer même que le requérant soit regardé comme présentant de telles conclusions, elles seraient prématurées et devraient donc être rejetées.

 Sur le préjudice matériel

98      Le requérant inclut dans le préjudice matériel qu’il aurait subi à la fois des frais liés au fonctionnement de la commission médicale, des frais liés à la reprise des travaux de la commission médicale à la suite de l’annulation de la décision du 27 juillet 2009 et des frais et honoraires de son conseil pour la phase préalable au recours.

99      S’agissant des frais liés au fonctionnement de la commission médicale, ces frais comprennent les honoraires du médecin désigné par le requérant, des frais de déplacement et des frais divers. Le requérant évalue l’ensemble de ces frais à la somme de 5 500 euros.

100    Cependant, le requérant ne renvoie, dans ses écritures, à aucune pièce du dossier susceptible de justifier un tel montant.

101    Or, selon la jurisprudence, le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir, à titre d’exemple, arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, point 27).

102    De plus, la requête ne contient aucune offre de preuve sur ce point. Or, en vertu de l’article 39, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal, la requête contient les offres de preuve s’il y a lieu.

103    En l’absence des éléments de preuve mentionnés aux points précédents, il doit être conclu que le requérant n’a pas justifié l’étendue du préjudice allégué, alors même qu’il était en mesure de le faire puisqu’il s’agit de versements qu’il aurait effectués. Il convient donc de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant concernant les frais de fonctionnement de la commission médicale.

104    S’agissant des frais liés à la reprise des travaux de la commission médicale, il appartiendra à l’AIPN, au terme de la procédure diligentée à nouveau à la suite du présent arrêt d’annulation, d’adopter une décision relative à la prise en charge des frais des travaux de la commission médicale. Pour le moment, il est donc prématuré de statuer sur ce chef de préjudice.

105    S’agissant des frais et honoraires du conseil du requérant pour la phase préalable au recours, il y a lieu de rappeler que le déroulement de la procédure précontentieuse, telle qu’organisée par le statut, n’implique pas qu’un fonctionnaire soit représenté à ce stade, la contrepartie de cette situation étant que, selon une jurisprudence constante, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations ou les demandes de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture. Par suite, il y a lieu de constater que, sauf circonstances exceptionnelles, un fonctionnaire ne peut obtenir le remboursement des frais et des honoraires de ses conseils pour la phase précontentieuse dans le cadre d’un recours en indemnité. Or, rien dans le dossier ne permet d’établir l’existence de telles circonstances exceptionnelles (arrêt du Tribunal de première instance du 10 décembre 2008, Nardone/Commission, T‑57/99, points 139 et 140).

106    Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter les conclusions visant à obtenir la condamnation de la Commission au paiement d’une indemnité au titre du préjudice matériel.

 Sur le préjudice moral

107    En l’espèce, la requête ne comporte pas de démonstration sur le point de savoir si le préjudice moral au titre duquel le requérant demande réparation serait insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de la décision du 27 juillet 2009 et les mesures que l’AIPN sera tenue de prendre à la suite de cette annulation.

108    Tout d’abord, l’illégalité retenue par le Tribunal et tirée de la méconnaissance des droits acquis n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier l’octroi d’une indemnité au titre du préjudice moral.

109    De plus, le requérant se borne à reprocher à la Commission la manière, selon lui indigne, dont il a été traité lors de la procédure suivie au titre de l’article 73 du statut, puis lors de la procédure précontentieuse.

110    Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que la décision du 27 juillet 2009, ni d’ailleurs le rejet de la réclamation du 16 février 2010, comportent une appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser. Il en va de même du rapport de la commission médicale du 27 novembre 2008 sur lequel ces deux décisions se fondent.

111    Toutefois, force est de constater que, par l’effet du présent arrêt d’annulation, le requérant se trouve de nouveau dans une position d’attente quant au règlement définitif de la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut à la suite de l’accident du 8 décembre 2003. Un tel prolongement de la situation d’attente et d’incertitude, provoqué par l’illégalité de la décision du 27 juillet 2009, constitue un préjudice moral qu’il convient d’évaluer ex æquo et bono à la somme de 2 500 euros.

112    À cet égard, étant donné que le préjudice moral en question résulte directement de la décision du 27 juillet 2009, la Commission ne saurait utilement se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée du fait qu’elle aurait déjà statué, par une décision devenue définitive, sur une demande indemnitaire équivalente, introduite par le requérant au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

113    Par suite, la Commission doit être condamnée à verser au requérant la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral.

 Sur les conclusions aux fins d’obtenir, en substance, une nouvelle évaluation de l’AIPP par une commission médicale composée de façon impartiale et sur la base de l’ancienne réglementation de couverture

114    Selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions à l’administration ou de faire des déclarations en droit dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (voir, par exemple, arrêt du Tribunal de première instance du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, point 16).

115    Le requérant demande au Tribunal de conclure à l’évaluation du taux de son AIPP sur la base du barème d’évaluation des AIPP annexé à l’ancienne réglementation de couverture, ainsi qu’« à la reprise de l’examen de la demande introduite par le requérant au titre de l’article 73 du statut par un commission médicale composée de façon impartiale, indépendante et neutre qui puisse travailler rapidement, en toute indépendance et sans a priori ». Dans la mesure où le requérant présente ainsi des conclusions tendant à obtenir une déclaration en droit ou une injonction à l’encontre de l’administration, ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

116    Au final, la décision du 27 juillet 2009 est annulée et la Commission est condamnée à verser au requérant une somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral. Pour le reste, les conclusions du requérant doivent être rejetées.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

118    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la Commission est la partie qui succombe pour l’essentiel. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 27 juillet 2009 clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne à la suite de l’accident du 8 décembre 2003 dont a été victime M. Guittet est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à verser à M. Guittet la somme de 2 500 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Guittet.

Van Raepenbusch

Barents

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.