Language of document : ECLI:EU:F:2009:133

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

29 septembre 2009 *(1)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance accidents et maladies professionnelles – Maladie professionnelle – Recours en carence – Incompétence du Tribunal – Renvoi au Tribunal de première instance »

Dans l’affaire F‑64/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 232 CE,

Kay Labate, veuve de M. Mario Labate, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tarquinia (Italie), représentée par MI. Forrester, QC,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, H. Kreppel et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 22 juin 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 juin suivant), Mme Labate conclut notamment à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la Commission des Communautés européennes s’est illégalement abstenue d’agir, au sens de l’article 232 CE ;

–        ordonner à la Commission de prendre les mesures pour se conformer à l’ordonnance rendue par le Tribunal le 1er février 2008 dans l’affaire F‑77/07, Labate/Commission (non encore publiée au Recueil) ;

–        accorder à la présente affaire le traitement prioritaire approprié et rendre un arrêt dans un délai de six semaines ;

–        ordonner toute autre mesure pouvant s’avérer nécessaire ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 Faits à l’origine du litige

2        Le 14 octobre 2003, M. Labate a, en application de l’article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), demandé à la Commission de reconnaître l’origine professionnelle du cancer du poumon dont il était atteint.. Il soutenait dans sa demande que cette affection avait pour origine le tabagisme passif qu’il avait constamment subi durant ses 29 années de service au sein de la Commission.

3        Le 13 février 2004, M. Labate a été déclaré dans l’incapacité totale et permanente d’exercer ses fonctions et s’est vu attribuer une pension d’invalidité.

4        Par décision du 18 octobre 2004, la Commission a refusé de reconnaître l’origine professionnelle de la maladie de l’intéressé. Ce dernier a contesté cette décision et demandé qu’une commission médicale soit saisie de son dossier.

5        Le 6 mai 2006, M. Labate est décédé des suites de sa maladie.

6        Le 6 octobre 2006, se fondant sur un avis défavorable de la commission médicale, daté du 3 juillet 2006, la Commission a rejeté la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de M. Labate.

7        Le 31 juillet 2007, Mme Labate, épouse de feu M. Labate, a saisi le Tribunal d’un recours, enregistré sous la référence F‑77/07, tendant notamment à l’annulation de la décision du 6 octobre 2006.

8        Par lettre du 19 octobre 2007, la Commission a informé le Tribunal qu’elle avait décidé de retirer la décision du 6 octobre 2006 et de confier un nouveau mandat à la commission médicale, en demandant à celle-ci de procéder avec toute la diligence nécessaire. Dans cette lettre, la Commission précisait que la requérante avait été informée de ce retrait. En se déclarant prête à payer les frais raisonnables exposés par celle-ci pour introduire sa requête, la Commission demandait au Tribunal de ne pas statuer sur le recours F‑77/07. À la même lettre était jointe une copie d’un courrier du 17 octobre 2007, par lequel le chef du secteur « Accidents et maladies professionnelles » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) informait la requérante qu’une « obligation de motivation plus approfondie [des conclusions de la commission médicale] se justifi[ait] certainement sur certains aspects » et qu’il avait donc « décidé d’annuler la décision du 6 octobre 2006 » et « d’établir un mandat complémentaire à l’intention des membres de la commission médicale en leur demandant de revoir, compléter et justifier leurs nouvelles conclusions, quelles qu’elles soient ».

9        Par l’ordonnance Labate/Commission, précitée, le Tribunal a jugé, notamment, qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation dirigées contre la décision du 6 octobre 2006 et a condamné la Commission aux entiers dépens.

10      Par lettres des 26 février, 13 mars et 15 avril 2008, la requérante s’est enquise auprès de la Commission de l’état d’avancement des travaux de la commission médicale.

11      Dans une lettre du 12 novembre 2008, la requérante a déploré que la commission médicale ne se soit pas encore réunie.

12      Par ordonnance du 20 janvier 2009, tenant compte du volume de travail et de l’investissement inhabituels justifiés par les particularités de l’affaire F‑77/07, le Tribunal a fixé à 21 568,90 euros le montant des dépens récupérables par la requérante dans ladite affaire (ordonnance Labate/Commission, F‑77/07 DEP, non encore publiée au Recueil).

13      Par lettre du 20 février 2009, la requérante a formellement invité la Commission à prendre position sur la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de son époux, conformément à l’article 232 CE. Ladite lettre se termine par les termes suivants : « Cette lettre constitue une invitation à agir en application de l’article 232 CE. Si nous ne recevons pas une réponse satisfaisante dans un délai de deux mois, nous serons dans l’obligation d’engager un recours en carence conformément à l’article 232 CE. »

14      Par lettre du 9 mars 2009, la Commission a indiqué à la requérante qu’elle partageait ses inquiétudes relatives au retard de la procédure devant la commission médicale, mais a néanmoins précisé qu’une réunion de celle-ci s’était déjà tenue le 15 décembre 2008 et qu’une deuxième réunion de cette commission était fixée au 16 mars 2009.

15      Par lettre du 8 mai 2009, la requérante a réitéré sa demande tendant à ce qu’une décision de la Commission soit prise dans les meilleurs délais, en tout état de cause avant le 30 juin 2009, date à laquelle devait expirer le délai de deux mois suivant le terme du délai de même durée, dans lequel la Commission devait prendre une décision, qui était mentionné dans la lettre du 20 février 2009, faute de quoi elle saisirait « le Tribunal ».

16      Par lettre du 12 mai 2009, la Commission a répondu à la requérante que le rapport final de la commission médicale avait été envoyé le matin même par le secrétariat du docteur C. aux deux autres médecins membres de la commission médicale pour signature et que la Commission prendrait sa décision dès qu’elle recevrait ce rapport.

 Sur la compétence du Tribunal

17      En premier lieu, il ressort clairement des pièces du dossier, en particulier des termes de la lettre du 20 février 2009 susmentionnée et des conclusions de la requête, que la requérante a formé un recours en carence au sens de l’article 232 CE, en se référant audit article et en se conformant aux règles procédurales prévues par celui-ci, à savoir l’envoi d’une invitation préalable à agir à l’institution dont la carence est alléguée et le respect des délais de deux mois fixés par le deuxième alinéa du même article.

18      Or, en vertu de l’article 225, paragraphe 1, premier alinéa, CE et de l’article 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le Tribunal de première instance des Communautés européennes est compétent pour connaître en première instance des recours en carence formés par les particuliers.

19      En deuxième lieu, il convient de souligner que le conseil de la requérante, interrogé sur ce point par le greffe du Tribunal, a précisé que le dépôt de la requête auprès du greffe du Tribunal et non auprès du greffe du Tribunal de première instance n’était pas le fruit d’une erreur de sa part. Le Tribunal n’a donc pu transmettre immédiatement cette requête au Tribunal de première instance, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe du statut de la Cour de justice.

20      En troisième lieu, il est constant que la requête ne tend pas à l’annulation d’un acte, explicite ou implicite, que la Commission aurait adopté et qui ferait grief à la requérante. Le libellé même de la requête, clairement présentée comme fondée sur l’article 232 CE, fait obstacle à une requalification de ses conclusions (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 6 juillet 2009, Marcuccio/Commission, T‑176/04 DEP, non publiée au Recueil, points 23 à 27). Le présent recours ne peut donc, en tout état de cause, sous peine de déformer l’objet du litige défini par la requérante, être interprété comme introduit sur le fondement de l’article 91 du statut, en vertu duquel le Tribunal a compétence pour statuer sur tout litige entre les Communautés et l’une des personnes visées audit statut et « portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne ». En conséquence, même si le litige opposant la requérante à la Commission a pour origine la relation d’emploi entre cette institution et M. Labate, et qu’il se meut, de ce fait, dans le champ d’application de l’article 236 CE, le présent recours ne peut être analysé comme soulevant une contestation qui, en dépit des termes des conclusions de la partie requérante, devrait, en raison d’une règle de compétence d’ordre public, ressortir au Tribunal.

21      Certes, la question peut se poser de savoir si la requérante est, dans le présent litige, recevable à introduire un recours en carence sur le fondement de l’article 232 CE.

22      En effet, d’abord, l’intéressée est une « personne visée au statut » au sens de l’article 91 du même texte et se trouve en litige non pas avec la Commission en tant qu’institution communautaire, mais avec l’autorité qui, au sein de la Commission, est investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), c’est-à-dire la Commission en qualité d’employeur. Ensuite, la requérante conteste un refus d’agir de l’AIPN qu’il lui serait loisible de critiquer par les voies de droit prévues par les articles 90 et 91 du statut, lesquelles permettent notamment de mettre en cause l’inaction de l’administration par un recours dirigé contre la décision implicite de rejet d’une demande (voir, par analogie, ordonnance du Tribunal de première instance du 9 juillet 2009, Infeurope/Commission, T‑176/08, non publiée au Recueil, points 36 à 40). Enfin, même si tel ne semble pas être le cas en l’espèce, il n’est pas exclu qu’une « personne visée au statut » utilise de façon concomitante l’action en carence et la procédure statutaire de contestation, ce qui pourrait susciter des difficultés d’ordre procédural, tenant à la détermination tant de la juridiction compétente que des règles de recevabilité applicables, voire même qu’une « personne visée au statut », à travers un recours en carence, privilégie la compétence du Tribunal de première instance au détriment du Tribunal, pourtant juge de droit commun du contentieux de la fonction publique communautaire.

23      Toutefois, le Tribunal estime que l’examen de cette question n’incombe qu’au juge compétent pour statuer sur les recours en carence formés par les particuliers, à savoir le Tribunal de première instance.

24      Il résulte de ce qui précède que les conditions de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe du statut de la Cour de justice sont réunies.

25      Dès lors, il y a lieu de renvoyer l’affaire F‑64/09 devant le Tribunal de première instance pour que celui-ci statue.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours enregistré sous la référence F‑64/09, Labate/Commission, est renvoyé au Tribunal de première instance.

2)      Les dépens de l’instance sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 septembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


1* Langue de procédure : l’anglais.