Language of document : ECLI:EU:T:2018:936

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale MULTIFIT – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑98/18,

Multifit Tiernahrungs GmbH, établie à Krefeld (Allemagne), représentée par Mes N. Weber et L. Thiel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Sesma Merino, Mme D. Walicka, MM. M. Fischer et M. Eberl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 15 novembre 2017 (affaire R 846/2017-1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal MULTIFIT en tant que marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 19 avril 2018,

à la suite de l’audience du 13 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 novembre 2016, la requérante, Multifit Tiernahrungs GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MULTIFIT.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5, 28 et 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Compléments alimentaires, aliments diététiques à usage vétérinaire pour animaux » ;

–        classe 28 : « Jouets pour animaux domestiques » ;

–        classe 31 : « Aliments pour animaux ; foin ; os à mâcher ; sable (litière pour animaux), en particulier sable pour cages d’oiseaux ; litières ».

4        Par décision du 16 mars 2017, l’examinateur a refusé la demande d’enregistrement sur le fondement des dispositions combinées de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenus, respectivement, article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001], pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 27 avril 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 [devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001], contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 15 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a noté que la marque demandée était composée de mots usuels directement compris par toute personne. Elle a estimé que le néologisme « multifit » avait une signification claire résultant de l’association de deux éléments lexicalement compris et du caractère usuel du mot « multi » en tant que préfixe dans les combinaisons les plus diverses. S’agissant du terme « fit », elle a souligné que, en raison de ses nombreuses utilisations à des fins publicitaires, le consommateur était déjà lassé de ce mot et le comprendrait uniquement comme un message publicitaire et non comme une indication de l’origine des produits visés. La chambre de recours a considéré qu’il y avait absence de caractère distinctif dans le contexte desdits produits, dans la mesure où le signe susciterait plutôt, auprès du consommateur pertinent, des associations positives à caractère promotionnel et élogieux, en ce qui concerne les produits qui soutiennent de différentes façons la forme physique et sont convenables pour de nombreux animaux. Enfin, la chambre de recours a indiqué que l’usage concret de la marque demandée, mentionné par la requérante sans pour autant faire référence à l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, ne saurait remettre en cause ces conclusions.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit 

9        À l’appui de son recours, la requérante soulève un unique moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

10      Elle soutient, en substance, que la marque demandée dispose du caractère distinctif minimal requis pour faire l’objet d’un enregistrement en tant que marque de l’Union européenne.

11      L’EUIPO conteste cette argumentation.

12      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

13      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, point 34 et jurisprudence citée].

14      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services (voir arrêt du 24 février 2016, Forme d’une bouteille à contours sans cannelures, T‑411/14, EU:T:2016:94, point 35 et jurisprudence citée).

15      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation. Afin d’apprécier le caractère distinctif de telles marques, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 35 et 36 et jurisprudence citée).

16      En outre, le simple fait qu’une marque est perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux, elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif (arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 44).

17      La connotation élogieuse d’une marque verbale n’exclut pas que celle-ci soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne. Ainsi, une telle marque peut concomitamment être perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services. Il en découle que, pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle est simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 45).

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

19      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré que les produits visés par la marque demandée étaient destinés tant au grand public, notamment les propriétaires d’animaux, qu’aux spécialistes, notamment les commerçants exerçant dans une animalerie. Elle a ajouté que, étant donné que la marque demandée était composée de termes anglais, le public pertinent comprenait les consommateurs anglophones au sein de l’Union. Elle a également précisé que les commerçants spécialisés portaient une attention particulière à la sélection et à l’origine des produits qu’ils étaient susceptibles de proposer ensuite à la vente et que le grand public faisait preuve d’un degré légèrement accru d’attention en choisissant des produits pour un animal domestique, afin d’offrir à ce dernier un environnement et une nourriture adaptés. La chambre de recours en a conclu que le degré d’attention était celui d’un public averti dans le domaine des produits en question, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Ces appréciations de la chambre de recours, au demeurant non contestées par la requérante, doivent, eu égard à la nature des produits visés par la marque demandée et à ladite marque, être maintenues.

20      En deuxième lieu, s’agissant des produits visés par la marque demandée, force est de constater qu’ils ont pour objectif de favoriser le bien-être animal.

21      En troisième lieu, s’agissant de l’appréciation par la chambre de recours de la signification de la marque demandée, il y a lieu de noter que cette dernière est composée de deux termes anglais du langage courant, à savoir « multi » et « fit ». Ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours, le terme « multi » est un élément verbal qui signifie « plusieurs, beaucoup » et qui est utilisé comme préfixe dans un grand nombre de mots anglais comme « multimedia » ou « multicolour ». La chambre de recours a noté que le terme « fit » pouvait avoir plusieurs significations et qu’il pouvait ainsi signifier « convenable, correct » ou encore « en bonne condition physique ». La requérante ne conteste pas le sens ainsi attribué par la chambre de recours auxdits termes.

22      En l’espèce, il suffit donc de constater que, compte tenu des termes qui la composent, la signification de la marque demandée retenue par la chambre de recours, telle que rappelée au point 21 ci-dessus, est exempte d’erreur.

23      En quatrième lieu, s’agissant de la compréhension que le public pertinent aura de la marque demandée, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le terme « multifit » est composé de la même façon que de nombreux termes comprenant le préfixe « multi » qui sont parfaitement compréhensibles. La marque demandée, dans son ensemble, sera donc aisément comprise par le public pertinent, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours, comme signifiant « convient à de nombreux égards » ou « en bonne forme physique à de nombreux égards ».

24      La requérante fait également valoir que le public pertinent ne reconnaîtra pas de message publicitaire dans le signe en cause dans la mesure où ce-dernier ne constitue pas un slogan publicitaire. Elle estime que la marque demandée véhicule un message neutre qui n’est pas susceptible de faire apparaître quelqu’un ou quelque chose sous un éclairage positif. Elle ajoute que les termes composant ledit signe ne s’apparentent ni à une indication de qualité ni à une invitation à l’achat.

25      Toutefois, force est de constater, ainsi que l’a considéré à bon droit la chambre de recours, que la marque demandée présente un caractère élogieux, étant donné qu’elle met l’accent sur des aspects positifs des produits visés, en tant qu’elle suggère qu’ils sont corrects, convenables ou permettent d’être en forme physique à plusieurs égards. Par suite, ladite marque sera donc perçue spontanément par le public pertinent comme vantant les mérites des produits qu’elle vise et donc comme étant de nature laudative. Dès lors, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la marque demandée ne véhicule pas un message neutre et peut être considérée comme une indication de qualité ou une incitation à l’achat.

26      La requérante soutient, en outre, que la marque demandée conduit à attribuer des qualités humaines aux produits qu’elle vise, de sorte qu’elle présente une certaine originalité apte à faire obstacle au motif de refus de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle ajoute que l’emploi du préfixe « multi » associé au terme « fit » ne lui confère pas une signification concrète, dans la mesure où il s’agit d’une association inhabituelle de deux termes nécessitant une interprétation. Elle considère que, au vu du préfixe « multi », le public doit se demander pourquoi un produit, à supposer qu’il soit effectivement en mesure de le faire, apporte une bonne forme physique, aide à être en bonne forme physique, ou convient de différentes façons ou à de nombreux égards. Elle estime que les différentes significations de la marque demandée envisagées par la chambre de recours démontrent qu’elle est « dépourvue d’un contenu sémantique clair excluant la fonction d’indication de l’origine ».

27      À cet égard, il convient de rappeler que, pour autant que des marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques ne sont pas descriptives au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, elles peuvent exprimer un message objectif, même simple, et être néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57).

28      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 23 ci-dessus, le public pertinent comprendra, sans la moindre réflexion, que la combinaison des termes « multi » et « fit » signifie « convient à de nombreux égards » ou « en bonne forme physique à de nombreux égards ». En effet, étant donné que, notamment dans le milieu publicitaire, le préfixe « multi » est couramment associé à des termes très divers, que l’élément « fit » est usuel et courant et que la combinaison de ces deux éléments ne comporte aucune particularité qui violerait les règles linguistiques, syntaxiques ou grammaticales de la langue anglaise, la marque demandée constitue un message publicitaire ordinaire qui n’est pas susceptible de déclencher un processus cognitif auprès du public concerné, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours.

29      Compte tenu de ces circonstances, la requérante ne saurait valablement faire valoir , au demeurant en invoquant des décisions de l’EUIPO fondées sur l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, que le fait que la marque demandée puisse être comprise de deux façons différentes démontre qu’elle est dépourvue d’un contenu sémantique clair et, partant, qu’elle requiert, dans une certaine mesure, une interprétation et déclenche un processus cognitif. En outre, dès lors que la requérante soutient que, compte tenu de son caractère vague, individuel et même subjectif et bien qu’elle puisse susciter des sentiments positifs, la marque demandée ne décrit pas les propriétés ou les qualités des produits qu’elle vise, il convient de rappeler que la seule absence d’information relative à la nature des produits concernés ne saurait être suffisante pour conférer un caractère distinctif à un signe [voir arrêt du 30 juin 2004, Norma Lebensmittelfilialbetrieb/OHMI (Mehr für Ihr Geld), T‑281/02, EU:T:2004:198, point 31 et jurisprudence citée].

30      Par ailleurs, s’agissant de l’argument soulevé par la requérante selon lequel la chambre de recours elle-même n’a pas pu démontrer le caractère descriptif du signe et s’est donc contentée de refuser l’enregistrement de la marque demandée au motif d’une prétendue absence de caractère distinctif, il y a lieu de rappeler (voir point 29 ci-dessus) que la circonstance que la marque demandée ne décrive pas les propriétés des produits qu’elle vise ne signifie pas pour autant qu’elle permette d’identifier l’origine desdits produits et, partant, qu’elle présente un caractère distinctif. Par suite, un tel argument ne peut être qu’écarté.

31      En cinquième lieu, la requérante fait valoir que ce que le public pertinent associe au message véhiculé par la marque demandée dépend d’appréciations individuelles et subjectives de l’acheteur. Toutefois, il y a lieu de relever que le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié par rapport à la perception qu’en a le public pertinent dans son ensemble et non par rapport aux appréciations individuelles des individus qui le composent. Par suite, un tel argument doit être écarté.

32      Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

33      Les autres arguments de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause une telle conclusion.

34      En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que la question du caractère distinctif d’une marque était sans lien avec son caractère descriptif.

35      La chambre de recours a estimé que les motifs absolus de refus liés à l’absence de caractère distinctif et au caractère descriptif avaient chacun un domaine d’application et n’étaient ni interdépendants ni exclusifs les uns des autres. Elle a cependant noté que le fait qu’un signe ne soit pas descriptif n’induisait pas automatiquement qu’il soit distinctif. Elle a, en effet, rappelé que ce caractère pouvait faire défaut si le public pertinent ne pouvait percevoir dans ce signe une indication de l’origine commerciale des produits.

36      Force est de constater que cette considération de la chambre de recours n’est entachée d’aucune erreur. En effet, certes, le chevauchement entre les motifs absolus de refus implique, en particulier, qu’une marque verbale descriptive des caractéristiques de produits ou de services est, de ce fait, susceptible d’être dépourvue de caractère distinctif à l’égard de ces mêmes produits ou services, sans préjudice d’autres raisons pouvant justifier cette absence de caractère distinctif (voir ordonnance du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, EU:C:2010:153, point 52 et jurisprudence citée). Il existe donc un lien entre l’article 7, paragraphe 1, sous b), et l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

37      Néanmoins, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours (voir point 35 ci-dessus), le fait qu’un signe ne soit pas descriptif n’induit pas automatiquement qu’il soit distinctif [arrêt du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus), T‑360/00, EU:T:2002:244, point 30].

38      En deuxième lieu, la requérante soutient que le fait que la marque demandée produise un effet positif ne s’oppose pas à sa protection. Elle invoque, à cet égard, une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO qui aurait reconnu que le simple fait de susciter des associations et un sentiment général positif ne constituait pas un obstacle à l’enregistrement.

39      À cet égard, il convient de rappeler que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73).

40      Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 74 et jurisprudence citée).

41      Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 75).

42      Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 76 et jurisprudence citée).

43      Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77 et jurisprudence citée).

44      En l’espèce, indépendamment de ce qui a pu être le cas pour certaines demandes antérieures d’enregistrement de signes suggérant des sentiments positifs, la présente demande d’enregistrement se heurtait, eu égard aux produits pour lesquels l’enregistrement était demandé et à la perception par les milieux intéressés, au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

45      En tout état de cause, force est de constater que la décision de la chambre de recours citée dans la requête a été prise sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et non sur celui de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Il en est de même, au demeurant, de l’arrêt du 2 décembre 2008, Ford Motor/OHMI (FUN) (T‑67/07, EU:T:2008:542), auquel se réfère la requérante.

46      En troisième lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu le fait que le caractère distinctif requis dépend certainement aussi de l’utilisation du signe et ce nonobstant l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Elle affirme qu’un signe qui est communément utilisé ne permet pas au consommateur de distinguer, de façon immédiate et certaine, les produits du titulaire de la marque constituée par ce signe de ceux des autres entreprises. Or, la requérante note que, s’agissant des produits qu’elle vise, la marque demandée n’est ni habituelle ni usuelle et n’est utilisée, sur le marché, par aucune autre entreprise.

47      À cet égard, il convient de rappeler que la preuve de l’usage effectif du signe dont l’enregistrement est demandé, par le public pertinent ou dans les communications commerciales et publicitaires émanant de concurrents, n’est pas un facteur pertinent dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 [voir arrêt du 27 juin 2013, International Engine Intellectual Property Company/OHMI (PURE POWER), T‑248/11, non publié, EU:T:2013:333, point 38 et jurisprudence citée].

48      En effet, ce n’est que dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 qu’il y a lieu d’apprécier l’usage effectif d’un signe dont l’enregistrement est demandé. Ainsi, cette disposition permet l’enregistrement d’une marque dépourvue, à l’origine, de caractère distinctif, lorsque celle-ci a acquis, pour les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

49      Or, en l’espèce, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, la requérante n’a pas invoqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, ni soutenu que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait au sens de cette disposition. Dans ces conditions, elle ne saurait utilement se prévaloir ni de l’usage effectif et concret qu’elle aurait fait de la marque demandée ni de la circonstance qu’aucune autre entreprise n’utiliserait cette dernière. En effet, de telles considérations sont dénuées de pertinence en l’espèce, en ce qu’elles ne sauraient conférer à la marque demandée un caractère distinctif et permettre, ainsi, son enregistrement.

50      Par suite, la requérante n’est pas fondée à faire valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte de l’utilisation du signe en cause dans le commerce.

51      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen unique doit être rejeté et, par suite, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Multifit Tiernahrungs GmbH est condamnée aux dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.