Language of document : ECLI:EU:C:2018:754

Affaire C343/17

Fremoluc NV

contre

Agentschap voor Grond- en Woonbeleid voor Vlaams-Brabant (Vlabinvest ABP) e.a.

(demande de décision préjudicielle,
introduite par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel)

« Renvoi préjudiciel – Libertés fondamentales – Articles 21, 45, 49 et 63 TFUE – Directive 2004/38/CE – Articles 22 et 24 – Droit de préemption d’une agence publique sur des terrains situés dans son ressort en vue de la réalisation de logements sociaux – Logements attribués par priorité à des personnes privées qui présentent “un lien social, économique ou socio‑culturel substantiel” avec la partie du territoire correspondant audit ressort – Situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un État membre – Irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle »

Sommaire – Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 20 septembre 2018

Questions préjudicielles – Recevabilité – Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire – Portée de l’obligation dans le domaine des libertés fondamentales – Question soulevée à propos d’un litige cantonné à l’intérieur d’un seul État membre – Absence d’indication de l’élément de rattachement rendant l’interprétation sollicitée nécessaire à la solution du litige – Irrecevabilité

(Art. 267 TFUE ; règlement de procédure de la Cour, art. 94)

La demande de décision préjudicielle introduite par le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique), par décision du 19 mai 2017, est irrecevable.

Il convient d’emblée de constater que la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du traité FUE relatives à la liberté de circulation des personnes, à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, ainsi que d’actes pris en exécution de ces dispositions, dans une situation dans laquelle, comme la juridiction de renvoi le relève elle-même, tous les éléments du litige au principal sont cantonnés dans un seul État membre. Or, selon la jurisprudence constante de la Cour, ces dispositions du traité FUE, ainsi que les actes pris en exécution de celles-ci, ne trouvent pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 33 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 47 et jurisprudence citée).

Aux points 50 à 53 de l’arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874), la Cour a rappelé les quatre hypothèses dans lesquelles il pouvait, néanmoins, s’avérer nécessaire, pour la solution des litiges au principal, de procéder à l’interprétation des dispositions des traités relatives aux libertés fondamentales bien que tous les éléments desdits litiges soient cantonnés à l’intérieur d’un seul État membre, la conduisant à déclarer recevables ces demandes de décision préjudicielle.

La Cour a ajouté que, dans le contexte d’une situation telle que celle en cause au principal, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre, il appartient à la juridiction de renvoi de lui indiquer, conformément à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union relatives aux libertés fondamentales un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige (arrêts du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C‑268/15, EU:C:2016:874, point 55 ; du 8 décembre 2016, Eurosaneamientos e.a., C‑532/15 et C‑538/15, EU:C:2016:932, point 47, ainsi qu’ordonnance du 31 mai 2018, Bán, C‑24/18, non publiée, EU:C:2018:376, point 18).

Il résulte de ces exigences que, pour considérer qu’il existe un tel lien de rattachement, la seule affirmation, par la juridiction de renvoi, selon laquelle il ne peut être exclu que des ressortissants établis dans d’autres États membres aient été ou soient intéressés à faire usage des dispositions de l’Union relatives aux libertés fondamentales pour exercer des activités sur le territoire de l’État membre ayant édicté la réglementation nationale en cause et, partant, que cette réglementation, indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et aux ressortissants d’autres États membres, soit susceptible de produire des effets qui ne sont pas cantonnés à cet État membre, ne saurait suffire.

En effet, la demande de décision préjudicielle doit faire ressortir les éléments concrets, à savoir des indices non pas hypothétiques mais certains, tels que des plaintes ou des requêtes introduites par des opérateurs situés dans d’autres États membres ou impliquant des ressortissants de ces États, permettant d’établir, de manière positive, l’existence du lien de rattachement exigé. Plus particulièrement, la juridiction de renvoi ne peut se contenter de soumettre à la Cour des éléments qui pourraient permettre de ne pas exclure l’existence d’un tel lien ou qui, considérés de manière abstraite, pourraient constituer des indices en ce sens, mais doit, au contraire, fournir des éléments objectifs et concordants permettant à la Cour de vérifier l’existence dudit lien (voir, par analogie, arrêts du 6 octobre 2016, Tecnoedi Costruzioni, C‑318/15, EU:C:2016:747, points 20 et 22, et du 19 avril 2018, Oftalma Hospital, C‑65/17, EU:C:2018:263, points 39 et 40).

(voir points 18, 20, 22, 28, 29, 33 et disp.)