Language of document : ECLI:EU:C:2019:814

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

2 octobre 2019 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande d’enregistrement de la marque figurative comportant l’élément verbal Djili – Marque nationale verbale antérieure comportant l’élément verbal GILLY – Motif relatif de refus »

Dans l’affaire C‑293/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 10 avril 2019,

Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam, établie à Dulovo (Bulgarie), représentée par Me C.-R. Romiţan, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, M. C. G. Fernlund (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 février 2019, Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam/EUIPO – Lupu (Djili) (T‑231/18, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:82), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 31 janvier 2018 (affaire R 1902/2017-5), relative à une procédure d’opposition entre M. Victor Lupu et Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam (ci-après la « décision litigieuse »).

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique tiré, en substance, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la [marque de l’Union européenne] (JO 2009, L 78, p. 1).

3        Par son pourvoi, la requérante a également demandé, conformément à l’article 55 du règlement de procédure de la Cour, la suspension de la procédure dans la présente affaire jusqu’au prononcé d’une décision des juridictions roumaines, ayant force de chose jugée, sur la validité de la marque nationale enregistrée par M. Lupu.

4        Le 13 mai 2019, l’EUIPO a déposé ses observations sur cette demande de suspension.

 Sur le pourvoi

5        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

6        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire et, partant, de rejeter la demande de suspension introduite par la requérante.

7        Mme l’avocate générale a, le 23 juillet 2019, pris la position suivante :

« 1.      Le 1er juin 2016, la requérante a soumis à l’EUIPO une demande d’enregistrement du signe figuratif Image not founden tant que marque de l’Union européenne (ci-après la “marque litigieuse”), au titre du règlement n° 207/2009, tel que modifié, qui a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), pour des produits et des services relevant notamment de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

2.      Le 31 août 2016, M. Lupu a fait opposition à l’enregistrement de la marque litigieuse pour l’ensemble des produits énumérés dans cette classe 29, sur le fondement de la marque verbale antérieure roumaine GILLY, enregistrée le 21 septembre 2009 pour des produits relevant de ladite classe. La disposition invoquée à l’appui de cette opposition était l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Par sa décision du 31 juillet 2017, la division d’opposition de l’EUIPO a rejeté l’opposition formée par M. Lupu, en concluant à l’absence de risque de confusion entre la marque litigieuse et la marque verbale antérieure. Cette décision de la division d’opposition a été annulée le 31 janvier 2018 par la cinquième chambre de recours de l’EUIPO (ci-après la “chambre de recours”, au motif qu’un risque de confusion entre les marques en conflit ne pouvait être exclu. Le 4 avril 2018, la requérante a saisi le Tribunal, afin de solliciter l’annulation de la décision de la chambre de recours, le rejet du recours formé par M. Lupu et la condamnation de ce dernier aux dépens. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a confirmé la décision de la chambre de recours, en qualifiant de non fondé le moyen soulevé par la requérante et tiré, en substance, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Le Tribunal a notamment considéré qu’aucun des arguments soulevés par la requérante n’était susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours relative à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, en raison de ce que, à la fois, celles-ci présentaient un faible degré de similitude visuelle, étaient très similaires, sinon identiques, sur le plan phonétique, et portaient sur des produits en partie identiques et en partie fortement similaires.

3.      Pour le surplus, je renvoie la Cour à la lecture de l’arrêt attaqué.

4.      Par son pourvoi, la requérante invite la Cour à annuler l’arrêt attaqué et à condamner M. Lupu aux dépens.

5.      Le pourvoi est fondé, en substance, sur un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ledit moyen étant divisé en trois branches.

6.      Par ce moyen unique, pris dans sa première branche, la requérante conteste, en substance, les constatations du Tribunal portant sur la comparaison visuelle des marques en conflit. Ainsi, la requérante fait notamment valoir que, aux fins d’une telle comparaison visuelle, il convient de procéder à une comparaison des signes dans leur ensemble, en tenant compte de leur apparence visuelle et de leur stylisation. La requérante soutient, par ailleurs, que les signes en conflit diffèrent par leurs lettres initiales et que les contours et les formes des lettres des signes en cause sont très différents.

7.      Selon moi, cet argument est, en tout état de cause, manifestement irrecevable.

8.      Conformément à l’article 256 TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêts du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 49, et du 6 septembre 2012, United States Polo Association/ OHMI, C‑327/11 P, non publié, EU:C:2012:550, point 62). Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves [voir, notamment, arrêt du 7 mai 2009, Waterford Wedgwood/Assembled Investments (Proprietary), C‑398/07 P, non publié, EU:C:2009:288, point 41 et jurisprudence citée].

9.      L’appréciation de la similitude visuelle des signes en conflit est une question d’ordre factuel (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, points 50 et 51, ainsi que ordonnance du 20 janvier 2015, Longevity Health Products/OHMI, C‑311/14 P, non publiée, EU:C:2015:23, point 34 et jurisprudence citée).

10.      En l’espèce, il apparaît, par conséquent, que la requérante cherche à obtenir un réexamen des faits, sans toutefois prétendre et, a fortiori, établir que ceux-ci ont été dénaturés.

11.      Selon moi, cet argument est donc manifestement irrecevable.

12.      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante soutient que l’apparence visuelle et la stylisation des signes sont pertinentes aux fins de la comparaison visuelle de ceux-ci, son argument est également manifestement non fondé.

13.      En effet, nonobstant le fait que le Tribunal a rappelé au point 30 de l’arrêt attaqué que, dans la mesure où ladite marque antérieure est une marque verbale, l’apparence visuelle et la stylisation du signe demandé sont dépourvues de pertinence aux fins de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2007, Ontex/OHMI – Curon Medical (CURON), T‑353/04, non publié, EU:T:2007:47, point 74 et jurisprudence citée], il ne saurait être contesté que le Tribunal a procédé, aux points 29 et 31 de son arrêt, à la comparaison visuelle des éléments verbaux des signes en conflit et a conclu qu’il n’existait qu’un faible degré de similitude visuelle entre lesdits signes.

14.      Cet argument est donc manifestement dénué de fondement.

15.      Par le moyen unique invoqué à l’appui de son pourvoi, pris dans sa deuxième branche, la requérante soutient que la conclusion du Tribunal relative à la comparaison phonétique des signes en conflit est inexacte et que le Tribunal a ignoré toutes ses allégations à ce sujet.

16.      La requérante fait ainsi valoir que la référence à la prononciation des termes “djinn” et “gimnastic” ne serait pas pertinente aux fins de la comparaison phonétique des signes en conflit. Elle relève aussi que la prononciation respective des termes “djili” et “gilly” dans la langue roumaine diffère en ce que, selon elle, la combinaison des lettres “g” et “i” se prononce [gi] et non [ʤi].

17.      À l’instar de la similitude visuelle, l’appréciation de la similitude phonétique des signes en conflit est une question de nature factuelle (arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, points 50 et 51). Cette question ne peut faire l’objet d’un pourvoi, sauf dans le cas d’une dénaturation des faits imputable au Tribunal, non alléguée ni établie en l’espèce.

18.      À ce titre, l’argument avancé par la requérante est manifestement irrecevable.

19.      En outre, s’agissant de l’affirmation selon laquelle le Tribunal a ignoré “toutes” les allégations formulées par la requérante, il doit être relevé que celle-ci est, à l’évidence même, dénuée de fondement. Le Tribunal a, en effet, dûment examiné les éléments avancés par la requérante, portant notamment sur la pertinence de la référence à la prononciation des mots “djinn” et “gimnastic”, et sur la prononciation des combinaisons de lettres “dji” et “gi”, aux points 33 à 39 de l’arrêt attaqué. Ainsi, il ne saurait être question d’un quelconque défaut de motivation imputable au Tribunal.

20.      À cet égard, la deuxième branche du moyen unique est donc, selon moi, manifestement non fondée.

21.      Enfin, s’agissant de la troisième branche dudit moyen, la requérante prétend que le Tribunal a commis une erreur dans son appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit, en omettant de prendre en considération tous les facteurs pertinents à cet égard. En particulier, selon la requérante, le Tribunal a omis d’analyser le comportement de l’opposant, M. Lupu, qui se serait rendu coupable d’usurpations préjudiciables à son égard.

22.      Cet argument me semble à la fois manifestement irrecevable et manifestement non fondé.

23.      Dans la mesure où la requérante cherche, en substance, à obtenir un réexamen des faits et des facteurs que le Tribunal a jugés comme étant pertinents, il suffit de rappeler qu’un tel réexamen ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, EU:C:2010:488, point 49 et jurisprudence citée).

24.      Étant donné que la requérante n’allègue et n’établit aucune dénaturation des faits, son argument est manifestement irrecevable, pour les motifs exposés ci-dessus.

25.      Enfin, cet argument se révèle également manifestement non fondé, dans la mesure où, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le Tribunal a pris en considération ses allégations relatives à la stratégie d’usurpation mise en œuvre par M. Lupu. Le Tribunal a précisé, aux points 15 à 19, 47 et 49 de l’arrêt attaqué, les motifs pour lesquels l’argumentation fondée sur le comportement de M. Lupu ne pouvait prospérer dans le contexte d’une procédure d’opposition fondée sur le règlement 2017/1001.

26.      Par conséquent, eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi en vertu de l’article 181 du règlement de procédure, au motif que celui-ci est, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. »

8        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par Mme l’avocate générale, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

9        En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

10      En l’espèce, la présente ordonnance ayant été adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié à la partie défenderesse et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens autres que ceux relatifs à la demande de suspension introduite par la requérante et, en tout état de cause, l’EUIPO n’ayant pas conclu à la condamnation de la requérante, il convient de décider qu’Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam supportera uniquement ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Et Djili Soy Dzhihangir Ibryam supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.