Language of document : ECLI:EU:C:2020:367

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 mai 2020 (*)

Table des matières


Le cadre juridique

Le droit international

Le droit de l’Union

La directive 2008/115

La directive 2013/32

La directive 2013/33

Le droit hongrois

La Loi fondamentale

La loi relative au droit d’asile

La loi n o LXXXIX de 2007 sur les frontières de l’État

La loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C 924/19 PPU

L’affaire C 925/19 PPU

Sur la procédure d’urgence

Sur les questions préjudicielles

Sur la cinquième question

Sur la première question

Sur la deuxième question

Sur la recevabilité

Sur le fond

Sur les troisième et quatrième questions

Observations liminaires

Sur l’existence d’une rétention

– Sur la notion de rétention

– Sur les conditions de placement en cause au principal

Sur les conditions de rétention prévues par les directives 2013/32 et 2013/33

– Sur l’article 43 de la directive 2013/32

– Sur les articles 8 et 9 de la directive 2013/33

Sur les conditions de rétention prévues par la directive 2008/115

Sur les conséquences d’une rétention irrégulière

Sur les dépens


« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile et d’immigration – Directive 2013/32/UE – Demande de protection internationale – Article 33, paragraphe 2 – Motifs d’irrecevabilité – Article 40 – Demandes ultérieures – Article 43 – Procédures à la frontière – Directive 2013/33/UE – Article 2, sous h), et articles 8 et 9 – Rétention – Légalité – Directive 2008/115/UE – Article 13 – Voies de recours effectives – Article 15 – Rétention – Légalité – Droit à un recours effectif – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Principe de primauté du droit de l’Union »

Dans les affaires jointes C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szeged, Hongrie), par décisions du 18 décembre 2019, parvenues à la Cour le même jour, dans les procédures

FMS,

FNZ (C‑924/19 PPU)

SA,

SA junior (C‑925/19 PPU)

contre

Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság,

Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan, S. Rodin, P. G. Xuereb et I. Jarukaitis, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič, D. Šváby, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos (rapporteur) et N. Wahl, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2020,

considérant les observations présentées :

–        pour FNZ et FMS, par Mes T. Kovács, B. Pohárnok et G. Matevžič, ügyvédek,

–         pour SA et SA junior, par Mes B. Pohárnok et G. Matevžič, ügyvédek,

–        pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes C. Cattabriga, M. Condou-Durande et Z. Teleki ainsi que par MM. A. Tokár et J. Tomkin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2020,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation :

–        des articles 13, 15 et 16 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98) ;

–        des articles 6, 26, 33, 35, de l’article 38, paragraphe 4, ainsi que des articles 40 et 43 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60) ;

–        de l’article 2, sous h), ainsi que des articles 8 et 9 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96), et

–        des articles 1er, 4, 6, 18, 47 et de l’article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant respectivement, d’une part, FMS et FNZ au à l’Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alfödi Regionális Igazgatóság (direction générale nationale de la police migratoire, direction régionale de Dél-alföd, Hongrie) (ci-après l’« autorité de police migratoire de premier degré »), anciennement dénommé Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal Dél-alföldi Regionális Igazgatósága (Office de l’immigration et de l’asile, direction régionale de Dél-alföd, Hongrie), et à l’Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság (direction générale nationale de la police migratoire, Hongrie) (ci-après l’« autorité chargée de l’asile »), anciennement dénommé Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Office de l’immigration et de l’asile, Hongrie) (C‑924/19 PPU) et, d’autre part, SA et SA junior à l’autorité de police migratoire de premier degré et à l’autorité chargée de l’asile (C‑925/19 PPU), au sujet des décisions de ces autorités rejetant les demandes d’asile de FMS et de FNZ ainsi que celles de SA et de SA junior comme étant irrecevables, et ordonnant leur éloignement, assorti d’une interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire hongrois d’une durée d’un an.

3        Depuis le 1er avril 2020, ces deux litiges relèvent de la compétence de la  Szegedi Törvényszék (Cour de Szeged, Hongrie), comme cette juridiction en a informé la Cour, sans pour autant retirer les questions qui avaient été adressées par le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szeged, Hongrie).

 Le cadre juridique

 Le droit international

4        L’accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, annexé à la décision du Conseil, du 8 novembre 2007 (JO 2007, L 334, p. 45, ci-après l’« accord de réadmission conclu entre l’Union et la Serbie »), prévoit, à son article 3, intitulé « Réadmission des ressortissants des pays tiers et des apatrides » :

« 1.      À la demande d’un État membre et sans autres formalités que celles précisées dans le présent accord, la Serbie réadmet sur son territoire tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions légales d’entrée, de présence ou de séjour applicables sur le territoire de l’État membre requérant, lorsqu’il est prouvé ou peut être valablement présumé sur la base du commencement de preuve fourni, que cette personne :

a)      est ou était, lors de son entrée sur ce territoire, en possession d’un visa ou d’une autorisation de séjour en cours de validité délivré(e) par la Serbie, ou

b)      est entrée illégalement et directement sur le territoire des États membres après avoir séjourné sur, ou transité par, le territoire de la Serbie.

[...] »

 Le droit de l’Union

 La directive 2008/115

5        Les considérants 6, 13, 16, 17 et 24 de la directive 2008/115 énoncent :

« (6)      Les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. Lorsqu’ils utilisent les formulaires types pour les décisions liées au retour, c’est-à-dire les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement, les États membres devraient respecter ce principe et se conformer pleinement à l’ensemble des dispositions applicables de la présente directive.

[...]

(13)      Il convient de subordonner expressément le recours à des mesures coercitives au respect des principes de proportionnalité et d’efficacité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. [...]

[...]

(16)      Le recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas.

(17)      Les ressortissants de pays tiers placés en rétention devraient être traités humainement et dignement dans le respect de leurs droits fondamentaux et conformément aux dispositions du droit national et du droit international. Sans préjudice de l’arrestation initiale opérée par les autorités chargées de l’application de la loi, régie par la législation nationale, la rétention devrait s’effectuer en règle générale dans des centres de rétention spécialisés.

[...]

(24) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la [Charte]. »

6        L’article 3 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

3)      “retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

–        son pays d’origine, ou

–        un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

–        un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

4)      “décision de retour” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ;

[...] ».

7        L’article 5 de ladite directive prévoit :

« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

a)      de l’intérêt supérieur de l’enfant,

b)      de la vie familiale,

c)      de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement. »

8        L’article 8 de cette même directive énonce :

« 1.      Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7.

[...]

3.      Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l’éloignement.

[...] ».

9        Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/115 :

« Les États membres reportent l’éloignement :

a)      dans le cas où il se ferait en violation du principe de non-refoulement [...]

[...] »

10      L’article 12, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. »

11      L’article 13 de ladite directive, intitulé « Voies de recours », dispose :

« 1.      Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

2.      L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale.

3.      Le ressortissant concerné d’un pays tiers a la possibilité d’obtenir un conseil juridique, une représentation juridique et, en cas de besoin, une assistance linguistique.

4.      Les États membres veillent à ce que l’assistance juridique et/ou la représentation nécessaires soient accordées sur demande gratuitement conformément à la législation ou à la réglementation nationale applicable en matière d’assistance juridique et peuvent prévoir que cette assistance juridique et/ou cette représentation gratuites sont soumises aux conditions énoncées à l’article 15, paragraphes 3 à 6, de la directive 2005/85/CE [du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO 2005, L 326, p. 13)]. »

12      L’article 15 de la directive 2008/115, intitulé « Rétention », prévoit :

« 1.      À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque :

a)      il existe un risque de fuite, ou

b)      le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

2.      La rétention est ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires.

La rétention est ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit.

Si la rétention a été ordonnée par des autorités administratives, les États membres :

a)      soit prévoient qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention,

b)      soit accordent au ressortissant concerné d’un pays tiers le droit d’engager une procédure par laquelle la légalité de la rétention fait l’objet d’un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question. Dans ce cas, les États membres informent le ressortissant concerné d’un pays tiers de la possibilité d’engager cette procédure.

Le ressortissant concerné d’un pays tiers est immédiatement remis en liberté si la rétention n’est pas légale.

3.      Dans chaque cas, la rétention fait l’objet d’un réexamen à intervalles raisonnables soit à la demande du ressortissant concerné d’un pays tiers, soit d’office. En cas de périodes de rétention prolongées, les réexamens font l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire.

4.      Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5.      La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois.

6.      Les États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison :

a)      du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, ou

b)      des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires. »

13      L’article 16 de la même directive, intitulé « Conditions de rétention », est libellé comme suit :

« 1.      La rétention s’effectue en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. Lorsqu’un État membre ne peut les placer dans un centre de rétention spécialisé et doit les placer dans un établissement pénitentiaire, les ressortissants de pays tiers placés en rétention sont séparés des prisonniers de droit commun.

2.      Les ressortissants de pays tiers placés en rétention sont autorisés – à leur demande – à entrer en contact en temps utile avec leurs représentants légaux, les membres de leur famille et les autorités consulaires compétentes.

3.      Une attention particulière est accordée à la situation des personnes vulnérables. Les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés.

4.      Les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention visés au paragraphe 1, dans la mesure où ils sont utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers conformément au présent chapitre. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation.

5.      Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4. »

 La directive 2013/32

14      Les considérants 34 et 38 de la directive 2013/32 énoncent :

« (34)      Les procédures d’examen des besoins de protection internationale devraient permettre aux autorités compétentes de procéder à un examen rigoureux des demandes de protection internationale.

[...]

(38) Un grand nombre de demandes de protection internationale sont présentées à la frontière ou dans une zone de transit d’un État membre avant qu’il ne soit statué sur l’entrée du demandeur. Les États membres devraient pouvoir prévoir, dans des circonstances bien définies, des procédures d’examen de la recevabilité et/ou au fond qui permettraient de prendre une décision concernant ces demandes en de tels lieux. »

15      L’article 2 de cette directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

c)      “demandeur”, le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle aucune décision finale n’a encore été prise ;

[...]

e)      “décision finale”, toute décision établissant si le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride se voit accorder le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire en vertu de la directive 2011/95/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9)] et qui n’est plus susceptible d’un recours formé dans le cadre du chapitre V de la présente directive, que ce recours ait ou n’ait pas pour effet de permettre à un demandeur de demeurer sur le territoire des État[s] membres concernés en attendant son aboutissement ;

 f)      “autorité responsable de la détermination”, tout organe quasi juridictionnel ou administratif d’un État membre, responsable de l’examen des demandes de protection internationale et compétent pour se prononcer en première instance sur ces demandes ;

[...]

q)      “demande ultérieure”, une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel l’autorité responsable de la détermination a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 28, paragraphe 1. »

16      L’article 6 de la directive 2013/32, intitulé « Accès à la procédure », prévoit :

« 1.      Lorsqu’une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande.

Si la demande de protection internationale est présentée à d’autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes, mais qui ne sont pas, en vertu du droit national, compétentes pour les enregistrer, les États membres veillent à ce que l’enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande.

Les États membres veillent à ce que ces autres autorités qui sont susceptibles de recevoir des demandes de protection internationale, par exemple les services de police, des gardes-frontières, les autorités chargées de l’immigration et les agents des centres de rétention, disposent des informations pertinentes et à ce que leur personnel reçoive le niveau de formation nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches et responsabilités, ainsi que des instructions, pour qu’ils puissent fournir aux demandeurs des informations permettant de savoir où et comment la demande de protection internationale peut être introduite.

2.      Les États membres veillent à ce que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale aient la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais. Si les demandeurs n’introduisent pas leur demande, les États membres peuvent appliquer l’article 28 en conséquence.

3.      Sans préjudice du paragraphe 2, les États membres peuvent exiger que les demandes de protection internationale soient introduites en personne et/ou en un lieu désigné.

4.      Nonobstant le paragraphe 3, une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par le demandeur ou, si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné.

5.      Lorsque, en raison du nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides qui demandent simultanément une protection internationale, il est dans la pratique très difficile de respecter le délai prévu au paragraphe 1, les États membres peuvent prévoir de porter ce délai à dix jours ouvrables. »

17      L’article 26 de cette directive, intitulé « Placement en rétention », prévoit :

« 1.      Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur. Les motifs et les conditions de la rétention, ainsi que les garanties données aux demandeurs placés en rétention sont conformes à la directive [2013/33].

2.      Lorsqu’un demandeur est placé en rétention, les États membres veillent à prévoir la possibilité d’un contrôle juridictionnel rapide conformément à la directive [2013/33]. »

18      Aux termes de l’article 33 de la même directive, intitulé « Demandes irrecevables » :

« 1.      Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement (UE) no 604/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31)], les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive [2011/95], lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.

2.      Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

a)      une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;

b)      un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;

c)      un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;

d)      la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95] ; ou

e)      une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »

19      L’article 35 de la directive 2013/32, intitulé « Le concept de premier pays d’asile », est libellé comme suit :

« Un pays peut être considéré comme le premier pays d’asile d’un demandeur déterminé, si le demandeur :

a)      s’est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection ; ou

b)      jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ce pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement,

à condition qu’il soit réadmis dans ce pays.

En appliquant le concept de premier pays d’asile à la situation personnelle d’un demandeur, les États membres peuvent tenir compte de l’article 38, paragraphe 1. Le demandeur est autorisé à contester l’application du concept de premier pays d’asile à sa situation personnelle. »

20      L’article 38 de la même directive, intitulé « Le concept de pays tiers sûr », prévoit :

« 1.      Les États membres peuvent appliquer le concept de pays tiers sûr uniquement lorsque les autorités compétentes ont acquis la certitude que dans le pays tiers concerné, le demandeur de protection internationale sera traité conformément aux principes suivants :

a)      les demandeurs n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques ;

b)      il n’existe aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive [2011/95] ;

c)      le principe de non-refoulement est respecté conformément à la [convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], telle que modifiée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967] ;

d)      l’interdiction, prévue par le droit international, de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y est respectée ; et

e)      la possibilité existe de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, si ce statut est accordé, de bénéficier d’une protection conformément à la [convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], telle que modifiée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967].

2.      L’application du concept de pays tiers sûr est subordonnée aux règles fixées dans le droit national, et notamment :

a)      les règles prévoyant qu’un lien de connexion doit exister entre le demandeur et le pays tiers concerné, sur la base duquel il serait raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays ;

b)      les règles relatives aux méthodes appliquées par les autorités compétentes pour s’assurer que le concept de pays tiers sûr peut être appliqué à un pays déterminé ou à un demandeur déterminé. Ces méthodes prévoient un examen au cas par cas de la sécurité du pays pour un demandeur déterminé et/ou la désignation par l’État membre des pays considérés comme étant généralement sûrs ;

c)      les règles, conformes au droit international, qui autorisent un examen individuel en vue de déterminer si le pays tiers concerné est sûr pour un demandeur déterminé, ce qui, au minimum, permet au demandeur de contester l’application du concept de pays tiers sûr au motif que le pays tiers n’est pas sûr dans son cas particulier. Le demandeur est en outre autorisé à contester l’existence d’un lien entre lui-même et le pays tiers conformément au point a).

[...]

4.      Lorsque le pays tiers ne permet pas au demandeur d’entrer sur son territoire, les États membres veillent à ce que cette personne puisse engager une procédure conformément aux principes de base et garanties fondamentales énoncés au chapitre II.

[...] »

21      L’article 40 de la directive 2013/32, intitulé « Demandes ultérieures », est libellé comme suit :

« 1.      Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale dans un État membre fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans ledit État membre, ce dernier examine ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure dans le cadre de l’examen de la demande antérieure ou de l’examen de la décision faisant l’objet d’un recours juridictionnel ou administratif, pour autant que les autorités compétentes puissent, dans ce cadre, prendre en compte et examiner tous les éléments étayant les nouvelles déclarations ou la demande ultérieure.

2.      Afin de prendre une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale en vertu de l’article 33, paragraphe 2, point d), une demande de protection internationale ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95].

3.      Si l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 aboutit à la conclusion que des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95], l’examen de la demande est poursuivi conformément au chapitre II. Les États membres peuvent également prévoir d’autres raisons de poursuivre l’examen d’une demande ultérieure.

4.      Les États membres peuvent prévoir de ne poursuivre l’examen de la demande que si le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de faire valoir, au cours de la précédente procédure, les situations exposées aux paragraphes 2 et 3 du présent article, en particulier en exerçant son droit à un recours effectif en vertu de l’article 46.

5.      Lorsque l’examen d’une demande ultérieure n’est pas poursuivi en vertu du présent article, ladite demande est considérée comme irrecevable conformément à l’article 33, paragraphe 2, point d).

6.      La procédure visée au présent article peut également être appliquée dans le cas :

a)      d’une personne à charge qui introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom ; et/ou

b)      d’un mineur non marié qui introduit une demande après qu’une demande a été introduite en son nom conformément à l’article 7, paragraphe 5, point c).

En pareil cas, l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 consistera à déterminer s’il existe des éléments de fait se rapportant à la situation de la personne à charge ou du mineur non marié de nature à justifier une demande distincte.

7.      Lorsqu’une personne à l’égard de laquelle une décision de transfert doit être exécutée en vertu du règlement [no 604/2013] fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans l’État membre procédant au transfert, ces déclarations ou demandes ultérieures sont examinées par l’État membre responsable au sens dudit règlement, conformément à la présente directive. »

22      L’article 43 de la directive 2013/32, intitulé « Procédures à la frontière », est libellé comme suit :

« 1.      Les États membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur :

a)      la recevabilité d’une demande, en vertu de l’article 33, présentée en de tels lieux ; et/ou

b)      le fond d’une demande dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 31, paragraphe 8.

2.      Les États membres veillent à ce que toute décision dans le cadre des procédures prévues au paragraphe 1 soit prise dans un délai raisonnable. Si aucune décision n’a été prise dans un délai de quatre semaines, le demandeur se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire de l’État membre afin que sa demande soit traitée conformément aux autres dispositions de la présente directive.

3.      Lorsque l’afflux d’un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides introduisant une demande de protection internationale à la frontière ou dans une zone de transit rend impossible, en pratique, l’application des dispositions du paragraphe 1, ces procédures peuvent également être appliquées dès lors et aussi longtemps que ces ressortissants de pays tiers ou apatrides sont hébergés normalement dans des endroits situés à proximité de la frontière ou de la zone de transit. »

 La directive 2013/33

23      Le considérant 17 de la directive 2013/33 énonce :

« Les motifs du placement en rétention établis dans la présente directive sont sans préjudice d’autres motifs de détention, notamment les motifs de détention dans le cadre de procédures pénales, qui sont applicables en vertu du droit national, indépendamment de la demande de protection internationale introduite par le ressortissant de pays tiers ou l’apatride. »

24      L’article 2 de cette directive prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)      “demandeur”, tout ressortissant de pays tiers ou tout apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement ;

[...]

g)      “conditions matérielles d’accueil”, les conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ou en combinant ces trois formules, ainsi qu’une allocation journalière ;

h)      “rétention”, toute mesure d’isolement d’un demandeur par un État membre dans un lieu déterminé, où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement ;

[...] »

25      Aux termes de l’article 7 de ladite directive, intitulé « Séjour et liberté de circulation » :

« 1.      Les demandeurs peuvent circuler librement sur le territoire de l’État membre d’accueil ou à l’intérieur d’une zone qui leur est attribuée par cet État membre. La zone attribuée ne porte pas atteinte à la sphère inaliénable de la vie privée et donne suffisamment de latitude pour garantir l’accès à tous les avantages prévus par la présente directive.

2.      Les États membres peuvent décider du lieu de résidence du demandeur pour des raisons d’intérêt public ou d’ordre public ou, le cas échéant, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande de protection internationale.

3.      Les États membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d’accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises au cas par cas et fondées sur le droit national.

4.      Les États membres prévoient la possibilité d’accorder aux demandeurs une autorisation temporaire de quitter le lieu de résidence visé aux paragraphes 2 et 3 et/ou la zone qui leur a été attribuée visée au paragraphe 1. Les décisions sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement, et elles sont motivées lorsqu’elles sont négatives.

Le demandeur ne doit pas demander d’autorisation pour se présenter devant les autorités et les tribunaux si sa présence y est nécessaire.

5.      Les États membres font obligation aux demandeurs de communiquer leur adresse aux autorités compétentes et de leur notifier tout changement d’adresse dans les meilleurs délais. »

26      L’article 8 de la même directive, intitulé « Placement en détention », est libellé comme suit :

« 1.      Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur conformément à la directive [2013/32].

2.      Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

3.            Un demandeur ne peut être placé en rétention que :

a)      pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;

b)      pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite du demandeur ;

c)      pour statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire ;

d)      lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive [2008/115] pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ;

e)      lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige ;

f)      conformément à l’article 28 du règlement [no 604/2013].

Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national.

4.      Les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d’une garantie financière ou l’obligation de demeurer dans un lieu déterminé. »

27      L’article 9 de la directive 2013/33, intitulé « Garanties offertes aux demandeurs placés en rétention », prévoit :

« 1.      Un demandeur n’est placé en rétention que pour une durée la plus brève possible et tant que les motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 3, sont applicables.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés à l’article 8, paragraphe 3, sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention.

2.      Le placement en rétention des demandeurs est ordonné par écrit par les autorités judiciaires ou administratives. La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée.

3.      Lorsque le placement en rétention est ordonné par les autorités administratives, les États membres prévoient un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité du placement en rétention d’office et/ou à la demande du demandeur. Lorsqu’il a lieu d’office, ce contrôle est décidé le plus rapidement possible à partir du début du placement en rétention. Lorsqu’il a lieu à la demande du demandeur, il est décidé le plus rapidement possible après le lancement de la procédure pertinente. À cette fin, les États membres définissent dans leur droit national le délai dans lequel ont lieu le contrôle juridictionnel d’office et/ou le contrôle juridictionnel à la demande du demandeur.

Lorsque, à la suite du contrôle juridictionnel, le placement en rétention est jugé illégal, le demandeur concerné est libéré immédiatement.

4.      Les demandeurs placés en rétention sont informés immédiatement par écrit, dans une langue qu’ils comprennent ou dont on peut raisonnablement supposer qu’ils la comprennent, des motifs du placement en rétention et des procédures de recours contre la décision de placement en rétention prévues par le droit national, ainsi que de la possibilité de demander l’assistance juridique et la représentation gratuites.

5.      Le placement en rétention fait l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire à intervalles raisonnables, d’office et/ou à la demande du demandeur concerné, notamment en cas de prolongation, de survenance de circonstances pertinentes ou d’informations nouvelles pouvant avoir une incidence sur la légalité du placement en rétention.

6.      En cas de contrôle juridictionnel de la décision de placement en rétention prévu au paragraphe 3, les États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès à l’assistance juridique et à la représentation gratuites. Ceci comprend, au moins, la préparation des actes de procédure requis et la participation à l’audience devant les autorités judiciaires au nom du demandeur.

L’assistance juridique et la représentation gratuites sont fournies par des personnes dûment qualifiées, reconnues ou habilitées par le droit national, dont les intérêts n’entrent pas en conflit ou ne sont pas susceptibles d’entrer en conflit avec ceux du demandeur.

7.      Les États membres peuvent également prévoir qu’une assistance juridique et une représentation gratuites sont fournies :

a)      uniquement aux demandeurs qui ne disposent pas de ressources suffisantes ; et/ou

b)      uniquement sous la forme de services fournis par des conseils juridiques ou d’autres conseillers spécifiquement désignés par le droit national pour assister et représenter les demandeurs.

8.      Les États membres peuvent également :

a)      imposer des limites financières et/ou des délais concernant l’octroi de l’assistance juridique et de la représentation gratuites, à condition que ces limites et/ou délais ne restreignent pas de manière arbitraire l’accès à l’assistance juridique et à la représentation ;

b)      prévoir que le traitement réservé aux demandeurs, pour ce qui concerne les honoraires et autres frais, ne soit pas plus favorable que celui habituellement accordé à leurs ressortissants en matière d’assistance juridique.

9.      Les États membres peuvent demander le remboursement de tout ou partie des frais qu’ils ont pris en charge dès lors que la situation financière du demandeur s’est considérablement améliorée ou lorsque la décision de prendre en charge ces frais a été prise sur la base de fausses informations fournies par le demandeur.

10.      Les procédures d’accès à l’assistance juridique et à la représentation sont définies par le droit national. »

28      L’article 10 de cette directive, intitulé « Conditions de placement en rétention », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Le placement de demandeurs en rétention s’effectue en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. Lorsqu’un État membre n’est pas en mesure de fournir un hébergement dans un centre de rétention spécialisé et doit recourir à un établissement pénitentiaire, le demandeur placé en rétention est séparé des détenus de droit commun et les conditions du placement en rétention prévues par la présente directive s’appliquent.

En règle générale, les demandeurs placés en rétention sont séparés des autres ressortissants de pays tiers qui n’ont pas introduit de demande de protection internationale.

[...] »

29      Aux termes de l’article 17 de ladite directive, qui s’intitule « Règles générales relatives aux conditions matérielles d’accueil et aux soins de santé » :

« 1.      Les États membres font en sorte que les demandeurs aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils présentent leur demande de protection internationale.

[...]

3.      Les États membres peuvent subordonner l’octroi de tout ou partie des conditions matérielles d’accueil et des soins de santé à la condition que les demandeurs ne disposent pas de moyens suffisants pour avoir un niveau de vie adapté à leur santé et pour pouvoir assurer leur subsistance. 

[...] »

30      L’article 18 de la directive 2013/33, qui expose les « [m]odalités des conditions matérielles d’accueil », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsque le logement est fourni en nature, il doit l’être sous une des formes suivantes ou en les combinant :

a)      des locaux servant à loger les demandeurs pendant l’examen d’une demande de protection internationale présentée à la frontière ou dans une zone de transit ;

b)      des centres d’hébergement offrant un niveau de vie adéquat ;

c)      des maisons, des appartements, des hôtels privés ou d’autres locaux adaptés à l’hébergement des demandeurs. »

31      Intitulé « Recours », l’article 26 de cette directive dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres font en sorte que les décisions quant à l’octroi, au retrait ou à la limitation des avantages prévus par la présente directive ou les décisions prises en vertu de l’article 7 qui affectent individuellement les demandeurs puissent faire l’objet d’un recours dans le cadre des procédures prévues dans le droit national. Il est prévu, au moins en dernière instance, la possibilité de voies de recours, sur les points de fait et de droit, devant une autorité judiciaire. »

 Le droit hongrois

 La Loi fondamentale

32      L’article XIV, paragraphe 4, de l’Alaptörvény (Loi fondamentale) est ainsi libellé :

« Si ni leur pays d’origine ni d’autres pays ne les protègent, la Hongrie accorde, sur demande, le droit d’asile aux personnes ne possédant pas la nationalité hongroise qui subissent des persécutions ou craignent, à raison, d’être directement persécutées dans le pays dont elles sont ressortissantes ou dans leur pays de résidence habituelle en raison de leur race, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions religieuses ou politiques. Une personne ne possédant pas la nationalité hongroise qui est arrivée sur le territoire de la Hongrie par un pays dans lequel elle n’était pas exposée à des persécutions ou à un risque direct de persécution ne peut prétendre à bénéficier du droit d’asile. »

 La loi relative au droit d’asile

33      L’article 5, paragraphe 1, de la menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény (loi no LXXX de 2007 relative au droit d’asile) (Magyar Közlöny 2007/83, ci-après la « loi relative au droit d’asile ») dispose :

« Le demandeur d’asile a le droit

a)      conformément aux conditions prévues par la présente loi, de séjourner sur le territoire hongrois et, conformément à la réglementation spécifique, d’obtenir un permis de séjour sur le territoire hongrois ;

b)      conformément aux conditions prévues par la présente loi et à la réglementation spécifique, de recevoir des prestations, une aide et un hébergement ;

c)      d’occuper un emploi sur le lieu où se situe le centre d’accueil ou sur un lieu de travail déterminé par l’employeur public dans les neuf mois suivant l’introduction de la demande d’asile puis, après ce délai, conformément aux règles générales applicables aux ressortissants étrangers. [...] »

34      L’article 6, paragraphe 1, de cette loi est libellé comme suit :

« La Hongrie octroie le statut de réfugié au ressortissant étranger qui remplit les conditions définies à l’article XIV, paragraphe 4, première phrase, de la Loi fondamentale. »

35      L’article 12, paragraphe 1, de la loi relative au droit d’asile prévoit :

« La Hongrie octroie le statut conféré par la protection subsidiaire au ressortissant étranger qui ne remplit pas les conditions pour être reconnu en tant que réfugié mais qui court un risque d’atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine et qui ne peut pas ou, par crainte de ce risque, ne souhaite pas solliciter la protection de son pays d’origine. »

36      Aux termes de l’article 45, paragraphe 1, de cette loi :

« Le principe de non-refoulement s’applique lorsque le demandeur, dans son pays d’origine, serait exposé à un risque de persécution ou de subir les traitements visés à l’article XIV, paragraphe 3, de la Loi fondamentale en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques, et qu’il n’existe pas de pays tiers sûr qui l’accueille. »

37      L’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2018, prévoit un motif d’irrecevabilité nouveau de la demande d’asile, défini en ces termes :

« La demande est irrecevable lorsque le demandeur est arrivé en Hongrie par un pays où il n’est pas exposé à des persécutions au sens de l’article 6, paragraphe 1, ou au risque d’atteintes graves, au sens de l’article 12, paragraphe 1, ou dans lequel une protection d’un niveau adéquat est garantie. »

38      L’article 51/A de cette loi dispose :

« Si le pays d’origine sûr ou le pays tiers sûr refus[e] de prendre ou de reprendre en charge le demandeur, l’autorité compétente en matière d’asile retire sa décision et mène la procédure d’asile. »

39      L’article 71/A de la loi relative au droit d’asile, qui régit la procédure à la frontière, prévoit, à ses paragraphes 1 à 7 :

« (1)      Si le ressortissant étranger présente sa demande dans une zone de transit

a)      avant d’avoir été autorisé à pénétrer sur le territoire de la Hongrie, ou

b)      après avoir été conduit jusqu’au portail de l’installation servant à protéger l’ordre à la frontière, telle que visée dans [l’az államhatárról szóló 2007. évi LXXXIX. törvény (loi no LXXXIX de 2007 sur les frontières de l’État)] après avoir été interpellé à l’intérieur d’une bande de huit kilomètres à compter du tracé de la frontière extérieure du territoire hongrois telle que définie à l’article 2, point 2, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) [(JO 2016, L 77, p. 1)], ou des signes de démarcation de la frontière

le présent chapitre s’applique sous réserve des dispositions ci-dessous.

(2)      Dans le cadre d’une procédure à la frontière, le demandeur ne bénéficie pas des droits prévus à l’article 5, paragraphe 1, sous a) et c).

(3)      L’autorité compétente en matière d’asile statue par priorité sur la recevabilité de la demande, au plus tard dans le délai de huit jours à compter de l’introduction de celle-ci. L’autorité compétente en matière d’asile prend sans délai les mesures nécessaires à la notification de la décision rendue au cours de la procédure.

(4)      Si quatre semaines se sont écoulées depuis l’introduction de la demande, l’autorité compétente en matière de police migratoire autorise l’entrée, conformément à la règle de droit applicable.

(5)      Si la demande n’est pas irrecevable, l’autorité compétente en matière de police migratoire autorise l’entrée, conformément à la règle de droit applicable.

(6)      Si le demandeur a été autorisé à pénétrer sur le territoire de la Hongrie, l’autorité compétente en matière d’asile mène la procédure conformément aux règles générales.

(7)      Les règles de la procédure à la frontière ne sont pas applicables aux personnes vulnérables.

[...] »

40      Le chapitre IX/A de la loi relative au droit d’asile, qui vise la situation de crise engendrée par une immigration massive, comporte notamment l’article 80/I, sous i), lequel écarte l’application de l’article 71/A de cette loi.

41      Dans ce même chapitre de ladite loi, figure l’article 80/J qui dispose :

« 1.      La demande d’asile doit être introduite en personne devant l’autorité compétente et exclusivement dans la zone de transit, sauf si le demandeur d’asile :

a)      fait l’objet d’une mesure coercitive, d’une mesure ou d’une condamnation restreignant la liberté individuelle ;

b)      fait l’objet d’une mesure de rétention ordonnée par l’autorité compétente en matière d’asile ;

c)      séjourne légalement sur le territoire hongrois et ne demande pas à être hébergé dans un centre d’accueil.

[...]

4.      Pendant la durée de la procédure, les demandeurs d’asile séjournant dans la zone de transit ne bénéficient pas des droits visés à l’article 5, paragraphe 1, sous a) et c).

[...] »

42      Ledit chapitre IX/A de la même loi contient l’article 80/K qui dispose :

« 1.      Une décision de rejet qui est motivée par l’irrecevabilité de la demande, ou qui a été rendue dans le cadre d’une procédure accélérée, peut être attaquée dans le délai de trois jours. L’autorité compétente en matière d’asile transmet à la juridiction, dans les trois jours, la requête, accompagnée des documents relatifs à l’affaire et du mémoire en défense.

2.      L’autorité compétente en matière d’asile prend une décision sur la base des informations dont elle dispose, ou clôt la procédure, si le demandeur d’asile :

[...]

d)      quitte la zone de transit.

[...]

4.      La décision mettant fin à la procédure en application du paragraphe 2 ci-dessus ne peut pas être attaquée dans le cadre d’une procédure administrative contentieuse. »

 La loi no LXXXIX de 2007 sur les frontières de l’État

43      L’article 15/A de l’az államhatárról szóló 2007. évi LXXXIX. törvény (Magyar Közlöny 2007. évi 88. Száma, loi no LXXXIX de 2007 sur les frontières de l’État), relatif à la mise en place d’une zone de transit, prévoit :

« (1)      Une zone de transit peut être créée dans la zone visée à l’article 5, paragraphe 1, afin de servir de lieu de séjour temporaire aux personnes demandant à bénéficier de l’asile ou de la protection subsidiaire [...] et de lieu où se déroulent les procédures en matière d’asile et de police migratoire et qui abrite les installations nécessaires à cette fin.

(2)      Un demandeur d’asile se trouvant dans une zone de transit peut entrer sur le territoire hongrois :

a)      si l’autorité compétente en matière d’asile prend une décision lui octroyant une protection internationale ;

b)      si les conditions sont réunies pour la conduite d’une procédure d’asile, conformément aux règles générales, ou

c)      s’il convient d’appliquer les dispositions de l’article 71/A, paragraphes 4 et 5, de la loi relative au droit d’asile.

(2 bis)      Dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, l’entrée sur le territoire hongrois d’un demandeur d’asile se trouvant dans une zone de transit peut être autorisée dans les cas visés au paragraphe 2, sous a) et b)

[...]

(4)      Contrairement aux dispositions visées au paragraphe 1, dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, une installation située dans un lieu autre que celui indiqué à l’article 5, paragraphe 1, peut aussi être désignée comme zone de transit. »

 La loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers

44      Aux termes de l’article 47, paragraphe 9, sous a), de A harmadik országbeli állampolgárok beutazásáról és tartózkodásáról szóló törvény (loi no II de 2007 sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers) (Magyar Közlöny 2007. évi 1. Száma, ci-après la « loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers ») :

« L’autorité compétente en matière de police migratoire peut – d’office ou sur demande – lever une interdiction d’entrée et de séjour si celle-ci a été édictée à l’encontre d’un ressortissant de pays tiers [...] conjointement à une décision de retour rendue par l’autorité compétente en matière d’asile, ou à la suite d’une telle décision, et que ledit ressortissant de pays tiers peut démontrer qu’il a quitté le territoire des États membres de l’Union européenne en totale conformité avec cette décision de retour [...] »

45      L’article 62 de cette loi, relatif à l’attribution d’un lieu de résidence déterminé, prévoit :

« (1)      L’autorité compétente en matière de police migratoire peut ordonner à un ressortissant de pays tiers de résider dans un lieu déterminé lorsque :

[...]

f)      ledit ressortissant de pays tiers a fait l’objet d’une décision de retour et ne dispose ni des moyens matériels nécessaires à sa subsistance, ni de logement

[...]

(3)      Le ressortissant de pays tiers peut se voir attribuer un lieu de résidence obligatoire dans une structure d’hébergement collectif ou dans un centre d’accueil lorsqu’il n’est pas en mesure de subvenir à ses besoins, qu’il ne dispose ni d’un logement convenable, ni de moyens matériels ou revenus adéquats, ni d’une invitation de la part d’une personne tenue d’assurer sa prise en charge, pas plus que de membres de sa famille pouvant être obligés de pourvoir à son entretien.

(3 bis)      Dans une situation de crise engendrée par une immigration massive, une zone de transit peut également être désignée comme lieu de résidence obligatoire. »

46      L’article 65, paragraphes 3 ter et 4, de la loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers, qui régit le retour, dispose :

« (3 ter) Lorsque l’autorité compétente en matière de police migratoire modifie le pays de destination indiqué dans la décision de retour en raison d’un comportement imputable à la personne concernée, notamment lorsque le ressortissant de pays tiers a communiqué à l’autorité des faits non conformes à la vérité en ce qui concerne sa nationalité, ou parce que cela est justifié par d’autres faits ayant une incidence sur le pays de retour, il peut être fait opposition à la décision ou à l’ordonnance modificative. Cette opposition peut être formée dans les vingt-quatre heures à compter de la notification de la décision, auprès de l’autorité compétente en matière de police migratoire qui en est l’auteur. La décision rendue sur l’opposition à l’exécution n’est pas susceptible de recours. 

(4)      L’autorité compétente en matière de police migratoire transmet sans délai l’opposition à l’exécution avec le dossier de l’affaire à l’autorité compétente pour statuer sur l’opposition, et cette dernière autorité décide dans un délai de 8 jours. »

47      Le gouvernement hongrois avait initialement introduit, dans la législation nationale, les dispositions relatives à la situation de crise engendrée par une immigration massive pour les comitats du sud de la Hongrie, riverains de la frontière serbe, puis les a étendues à l’ensemble du territoire national et en a continuellement prolongé la validité, en vertu du a tömeges bevándorlás okozta válsághelyzet Magyarország egész területére történő elrendeléséről, valamint a válsághelyzet elrendelésével, fennállásával és megszüntetésével összefüggő szabályokról szóló 41/2016. (III. 9.) Korm. Rendelet [décret gouvernemental 41/2016 (III.9) relatif à la déclaration de la situation de crise engendrée par une immigration massive sur l’ensemble du territoire de la Hongrie, ainsi qu’aux règles relatives à la déclaration, à l’existence et à la cessation d’une situation de crise].

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 L’affaire C924/19 PPU

48      FMS et FNZ, qui sont des ressortissants afghans majeurs, forment un couple marié. Le 5 février 2019, ils ont présenté une demande d’asile devant l’autorité chargée de l’asile dans la zone de transit de Röszke (Hongrie).

49      À l’appui de leur demande, FMS et FNZ ont déclaré que, environ trois ans plus tôt, ils avaient quitté, pour des raisons politiques, l’Afghanistan à destination de la Turquie, munis d’un visa délivré pour une durée d’un mois en cours de validité, et que ce visa avait été prolongé de six mois par les autorités turques. Ils ont également fait valoir qu’ils sont passés par la Bulgarie et la Serbie avant d’entrer, pour la première fois, en Hongrie, qu’ils n’avaient déposé aucune demande d’asile dans un autre pays et qu’ils n’y ont fait l’objet d’aucun mauvais traitement, ni d’aucune atteinte grave au sens de l’article 15 de la directive 2011/95.

50      Le même jour, l’autorité chargée de l’asile a désigné la zone de transit de Röszke comme lieu d’hébergement de FMS et de FNZ, où ils se trouvent encore actuellement.

51      Par décision administrative du 25 avril 2019, l’autorité chargée de l’asile a rejeté la demande d’asile de FMS et de FNZ, sans examen au fond, comme étant irrecevable sur le fondement de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, au motif que ces derniers étaient arrivés en Hongrie en passant par un pays tiers sur le territoire duquel ils n’étaient pas exposés à des persécutions justifiant la reconnaissance du statut de réfugié ou à un risque d’atteintes graves justifiant l’octroi de la protection subsidiaire et que, dans les pays qu’ils avaient traversés avant d’arriver en Hongrie, une protection adéquate leur était garantie. Par cette même décision, cette autorité a affirmé que le principe de non-refoulement ne s’appliquait pas dans le cas de ces requérants en relation avec l’Afghanistan et a ordonné leur éloignement vers la Serbie.

52      FMS et FNZ ont introduit un recours contre ladite décision devant le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie), qui l’a rejeté par décision du 14 mai 2019, sans examen du bien-fondé de leur demande d’asile.

53      Par décision du 17 mai 2019, l’autorité de police migratoire de premier degré a imposé à FMS et à FNZ de séjourner dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée, en application de l’article 62, paragraphe 3 bis, de la loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers. Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C‑924/19 PPU que cette décision ne mentionnait pas les motifs sur lesquels elle était fondée et que seul le non-respect de l’obligation de fournir des informations, imposée à ladite autorité par la réglementation pertinente, pouvait être contesté devant le juge ordinaire par voie d’exception.

54      Le même jour, l’autorité de police migratoire de premier degré a contacté l’organe de police compétent pour le renvoi en Serbie afin qu’il entreprenne les démarches nécessaires à la réadmission en Serbie de FMS et de FNZ.

55      Le 23 mai 2019, l’organe de police compétent a informé l’autorité de police migratoire de premier degré de la décision de la Serbie de ne pas réadmettre FMS et FNZ sur son territoire au motif que, ceux-ci n’étant pas entrés illégalement sur le territoire hongrois en provenance du territoire serbe, les conditions d’application de l’article 3, paragraphe 1, de l’accord de réadmission conclu entre l’Union et la Serbie n’étaient pas réunies.

56      Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C‑924/19 PPU que, par la suite, bien que la Serbie n’ait pas réadmis FMS et FNZ sur son territoire, l’autorité chargée de l’asile a refusé d’examiner le bien-fondé de leur demande d’asile, au motif que, en vertu de l’article 51/A de la loi relative au droit d’asile, l’examen de la demande d’asile n’est poursuivi, en cas de refus de réadmission sur le territoire d’un pays tiers, que si la décision ayant rejeté cette demande comme irrecevable est fondée sur la notion de « pays d’origine sûr » ou sur celle de « pays tiers sûr ».

57      Par décisions des 3 et 6 juin 2019, l’autorité de police migratoire de premier degré a modifié la décision de retour, contenue dans la décision de l’autorité chargée de l’asile du 25 avril 2019, en ce qui concerne le pays de destination, et a ordonné l’éloignement sous escorte de FMS et de FNZ vers l’Afghanistan.

58      FMS et FNZ ont fait opposition à l’encontre de ces décisions modificatives devant l’autorité chargée de l’asile, agissant en tant qu’autorité de police migratoire. Par ordonnances du 28 juin 2019, leur opposition a été rejetée, sans qu’aucun recours ne puisse être formé à l’encontre de ces ordonnances, conformément à l’article 65, paragraphe 3 ter, de la loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers.

59      FMS et FNZ ont saisi la juridiction de renvoi, d’une part, d’un recours tendant à l’annulation desdites ordonnances et à enjoindre à l’autorité chargée de l’asile de mener une nouvelle procédure, en faisant valoir, d’abord, que ces mêmes ordonnances constituent des décisions de retour qui doivent pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel et, ensuite, que ces décisions de retour sont illégales. En effet, selon FMS et FNZ, l’autorité chargée de l’asile aurait dû examiner le fond de leur demande d’asile dès lors qu’ils n’avaient pas été réadmis sur le territoire de la Serbie et que l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile introduirait le concept nouveau de « pays de transit sûr », ce qui serait contraire au droit de l’Union.

60      D’autre part, FMS et FNZ ont introduit devant la juridiction de renvoi un recours administratif contentieux en carence contre l’autorité de police migratoire de premier degré, visant à faire constater que cette autorité a manqué à ses obligations en s’abstenant de leur attribuer un hébergement situé en dehors de la zone de transit de Röszke.

61      La juridiction de renvoi a joint ces deux recours.

62      Cette juridiction considère, en premier lieu, que le motif d’irrecevabilité qui a justifié le rejet de la demande d’asile de FMS et de FNZ est contraire au droit de l’Union.

63      Cela étant, elle relève, en deuxième lieu, qu’il n’existe aucune règle exigeant expressément la reprise automatique de l’examen de la demande d’asile de FMS et de FNZ, alors même que le refus de leur prise en charge par la Serbie a rendu caduc le motif d’irrecevabilité qui a justifié le rejet de cette demande.

64      Par ailleurs, si, au cours d’un éventuel nouvel examen, l’autorité compétente en matière d’asile peut invoquer un motif d’irrecevabilité prévu à l’article 33, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b) et c), de la directive 2013/32, la juridiction de renvoi estime toutefois que la demande d’asile ne pourrait être déclarée irrecevable pour les motifs se référant aux articles 35 et 38 de cette directive que pour autant que la personne concernée est réadmise sur le territoire du pays tiers concerné. Il s’ensuivrait que, s’il ne fait aucun doute que le pays vers lequel cette personne doit être éloignée ne la réadmettra pas, l’autorité chargée de l’asile ne pourrait déclarer la demande d’asile irrecevable.

65      Compte tenu de ce qui précède, la juridiction de renvoi estime que FMS et FNZ ont droit à ce que leur demande d’asile soit réexaminée et considère qu’ils relèvent encore du champ d’application de la directive 2013/32.

66      Elle s’interroge dès lors, en troisième lieu, sur le point de savoir si FMS et FNZ doivent être considérés comme étant en rétention, au sens de la directive 2013/32, et, le cas échéant, si une telle rétention est légale, le délai de quatre semaines visé à l’article 43, paragraphe 2, de ladite directive, étant dépassé dans leur cas.

67      Toutefois, et à supposer que FMS et FNZ ne disposent pas du droit à ce que leur demande d’asile soit à nouveau examinée, la juridiction de renvoi se demande, en quatrième lieu, si ces derniers doivent être considérés comme étant en rétention au sens de la directive 2008/115 et si, dans l’affirmative, cette rétention est compatible avec l’article 15 de cette directive.

68      À cet égard, la juridiction de renvoi relève, d’une part, que la zone de transit de Röszke, située à la frontière entre la Hongrie et la Serbie, serait entourée d’une haute clôture et de fils barbelés, et contiendrait des conteneurs métalliques destinés notamment à l’hébergement des ressortissants de pays tiers présents dans cette zone. La superficie du conteneur dans lequel FMS et FNZ logent ne dépasserait pas 13 m2 et ce conteneur serait équipé de lits superposés ainsi que d’armoires. La présence de policiers ou de gardiens armés serait assurée en permanence à l’intérieur et à l’extérieur de cette zone de transit, ainsi qu’aux abords immédiats de ladite clôture.

69      La zone de transit de Röszke serait divisée en plusieurs secteurs destinés à héberger, de manière séparée, les demandeurs d’asile et les ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée. Ces secteurs seraient séparés les uns des autres par des clôtures, de sorte que la possibilité de passer d’un secteur à l’autre serait extrêmement limitée. En outre, il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-924/19 PPU qu’il ne serait possible de sortir d’un secteur que deux fois par semaine pour une heure environ, en vue de se rendre dans les autres secteurs.

70      FMS et FNZ ne pourraient quitter leur secteur que lorsque leur présence serait requise aux fins d’actes de procédure les concernant ou lorsqu’ils se rendraient, sous l’escorte de policiers ou de gardiens armés, à des contrôles ou soins médicaux dans un conteneur de la zone de transit réservé à cet effet. La possibilité d’être en contact avec des personnes extérieures à cette zone – y compris avec leurs avocats – serait soumise à une autorisation préalable. FMS et FNZ ne pourraient pas quitter la zone de transit de Röszke en direction d’un autre endroit en Hongrie.

71      D’autre part, la juridiction de renvoi considère que la situation de FMS et de FNZ se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour EDH du 21 novembre 2019, Ilias et Ahmed c. Hongrie (CE:ECHR:2019:1121JUD 004728715).

72      Elle relève ainsi notamment que, au moment où a débuté le placement de FMS et de FNZ dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée, ceux-ci n’étaient pas, selon les autorités hongroises, des demandeurs d’asile et qu’ils ne sont entrés dans ce secteur ni de leur plein gré ni en provenance de Serbie, mais en provenance du secteur de cette zone de transit réservé aux demandeurs d’asile.

73      Par ailleurs, le placement dans la zone de transit de Röszke aurait été effectué sans décision motivée, sans appréciation de sa nécessité et de sa proportionnalité, et il n’existerait aucun contrôle juridictionnel permettant d’en contester la légalité. En outre, aucune règle nationale ne limiterait la durée de séjour dans le secteur de la zone de transit réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée.

74      Toujours selon cette juridiction, FMS et FNZ ne peuvent légalement quitter la zone de transit de Röszke, leur départ n’étant possible qu’au moyen d’un éloignement par avion vers leur pays d’origine, lequel est en proie à un conflit armé interne et n’est pas partie à la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], telle que modifiée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967. Leur départ dépendrait donc exclusivement de la coopération entre les autorités hongroises et les autorités de leur pays d’origine, étant entendu que ces requérants ne pourraient se rendre en Serbie, ceux-ci faisant désormais l’objet d’une décision de retour vers leur pays d’origine et les autorités serbes ayant décidé de ne pas les réadmettre.

75      La juridiction de renvoi estime que le placement de FMS et de FNZ dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée constitue une rétention qui n’est pas conforme aux exigences imposées par le droit de l’Union. Elle estime dès lors que, en vertu de l’article 47 de la Charte, elle devrait pouvoir contraindre, à titre de mesure provisoire, l’autorité responsable à attribuer à FMS et à FNZ un lieu d’hébergement situé en dehors de cette zone de transit, qui ne soit pas un lieu de rétention, jusqu’à la clôture de la procédure administrative contentieuse.

76      En cinquième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’effectivité du recours introduit contre la décision par laquelle l’autorité de police migratoire de premier degré a modifié le pays de destination mentionné dans les décisions de retour dont font l’objet FMS et FNZ.

77      En effet, cette juridiction relève, d’une part, que l’opposition à cette décision est examinée par l’autorité chargée de l’asile, alors que cette dernière est placée sous l’autorité du ministre chargé de la police, fait partie du pouvoir exécutif et n’est donc pas un organe indépendant et impartial, ainsi que, d’autre part, que la réglementation hongroise pertinente ne permet pas à la juridiction de renvoi de contrôler la décision administrative statuant sur cette opposition, le seul contrôle relatif à cette dernière décision consistant dans le pouvoir de surveillance du ministère public, lequel peut, le cas échéant, contester judiciairement la légalité d’une décision administrative en la matière.

78      Une telle situation aboutit, selon la juridiction de renvoi, à ce que la décision modifiant le pays de destination indiqué dans la décision de retour peut, en définitive, être maintenue alors même que, dans l’hypothèse où devrait être menée une nouvelle procédure d’asile concernant FMS et FNZ, ceux-ci relèveraient non pas du champ d’application de la directive 2008/115, mais de celui de la directive 2013/32.

79      Dans ces conditions, le Szegedi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szeged, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      [nouveau motif d’irrecevabilité]

Les dispositions relatives aux demandes irrecevables prévues à l’article 33 de la [directive 2013/32] peuvent-elles être interprétées en ce sens qu’elles font obstacle à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle une demande est irrecevable dans le cadre de la procédure d’asile lorsque le demandeur est arrivé en Hongrie [en passant] par un pays où il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves, ou dans lequel un niveau de protection adéquat est garanti ?

2)      [conduite d’une procédure d’asile]

a)      Faut-il interpréter l’article 6 et l’article 38, paragraphe 4, de la [directive 2013/32], ainsi que son considérant 34, qui impose une obligation d’examen des demandes de protection internationale, lus conjointement avec l’article 18 de la Charte, en ce sens que l’autorité compétente en matière d’asile d’un État membre doit garantir au demandeur la possibilité d’un déclenchement de la procédure d’asile dans le cas où elle n’a pas examiné sur le fond la demande d’asile en invoquant le motif d’irrecevabilité visé par la [première question], puis a renvoyé ledit demandeur vers un État tiers qui, toutefois, ne l’a pas réadmis [sur son territoire] ?

b)      Si la réponse à la deuxième question, sous a), est affirmative, que signifie exactement cette obligation ? Implique-t-elle une obligation d’assurer la possibilité de présenter une nouvelle demande d’asile, l’application des conséquences négatives concernant les demandes ultérieures visées à l’article 33, paragraphe 2, sous d), et à l’article 40 de la [directive 2013/32] étant alors interdite, ou signifie-t-elle que la procédure d’asile doit être engagée ou menée d’office ?

c)      Si la réponse à la deuxième question, sous a), est affirmative, est-il possible, compte tenu également de l’article 38, paragraphe 4, de la [directive 2013/32], que l’État membre – la situation de fait étant inchangée – examine de nouveau l’irrecevabilité dans le cadre de cette nouvelle procédure (et puisse ainsi appliquer tout type de procédure prévu au chapitre III de cette directive, par exemple appliquer de nouveau un motif d’irrecevabilité), ou faut-il examiner la demande d’asile sur le fond au regard du pays d’origine ?

d)      Résulte-t-il de l’article 33, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b) et c), ainsi que des articles 35 et 38 de la [directive 2013/32], lus conjointement avec l’article 18 de la Charte, qu’une des conditions cumulatives de l’application des motifs d’irrecevabilité respectivement visés, c’est-à-dire de l’adoption d’une décision fondée sur un de ces motifs, est la réadmission par le pays tiers, ou est-il suffisant de vérifier que cette condition est remplie uniquement au moment de l’exécution d’une telle décision ?

3)      [zone de transit en tant que lieu de rétention dans le cadre de la procédure d’asile] [La troisième question est pertinente] s’il y a lieu, sur le fondement des réponses apportées à la deuxième question, de mener une procédure d’asile.

a)      Faut-il interpréter l’article 43 de la [directive 2013/32] en ce sens que celui-ci s’oppose à la réglementation d’un État membre qui permet la rétention du demandeur dans une zone de transit au-delà de quatre semaines ?

b)      Faut-il interpréter l’article 2, sous h), de la [directive 2013/33] applicable en vertu de l’article 26 de la [directive 2013/32], lu conjointement avec l’article 6 et l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, en ce sens que, au-delà du délai de quatre semaines prévu à l’article 43 de la [directive 2013/32], l’hébergement en zone de transit, dans des circonstances analogues à celles de l’affaire au principal (zone dont aucun départ volontaire en quelque direction que ce soit n’est légalement possible) est une rétention ?

c)      Le placement en rétention du demandeur, au-delà du délai de quatre semaines prévu à l’article 43 de la [directive 2013/32], au seul motif que celui-ci, faute de moyens de subsistance, ne peut subvenir à ses besoins (hébergement et entretien) est-il compatible avec l’article 8 de la [directive 2013/33], applicable sur le fondement de l’article 26 de la [directive 2013/32] ?

d)      Le fait que l’hébergement constitutif d’une rétention de facto et excédant la durée de quatre semaines prévue à l’article 43 de la [directive 2013/32] n’ait pas été ordonné par une décision de placement en rétention, que le demandeur ne dispose d’aucun recours concernant la légalité du placement et du maintien en rétention, que ce placement en rétention de facto ait eu lieu sans examen de sa nécessité et de son caractère proportionné, ni des solutions de substitution envisageables, et que la durée précise de la rétention, y compris son terme, soient indéterminés est-il compatible avec les articles 8 et 9 de la [directive 2013/33], applicables sur le fondement de l’article 26 de la [directive 2013/32] ?

e)      L’article 47 de la Charte peut-il être interprété en ce sens que la juridiction d’un État membre, lorsqu’il est manifeste qu’elle est en présence d’une rétention illégale, peut, à titre de mesure provisoire, obliger l’autorité à attribuer au ressortissant d’un pays tiers, jusqu’à la clôture de la procédure administrative contentieuse, un lieu de résidence situé en-dehors de la zone de transit concernée, qui ne constitue pas un lieu de rétention ?

4)      [zone de transit en tant que lieu de rétention dans le cadre de la police des étrangers] [La quatrième question est pertinente] s’il y a lieu, sur le fondement des réponses apportées à la deuxième question, de mener non pas une procédure d’asile, mais une procédure relevant de la police des étrangers.

a)      Faut-il interpréter les considérants 17 et 24, ainsi que l’article 16 de la [directive 2008/115], lus conjointement avec l’article 6 et l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, comme signifiant que l’hébergement en zone de transit dans des circonstances analogues à celles de l’affaire au principal (zone dont aucun départ volontaire en quelque direction que ce soit n’est légalement possible) est une privation de liberté individuelle au sens de ces dispositions ?

b)      Le fait que le placement en rétention du ressortissant d’un pays tiers ait lieu uniquement au motif que celui-ci fait l’objet d’une mesure de retour et que, faute de moyens de subsistance, il ne peut pas subvenir à ses besoins (hébergement et entretien) est-il compatible avec le considérant 16 et l’article 15, paragraphe 1, de la [directive 2008/115], lus conjointement avec l’article 6 et l’article 52, paragraphe 3, de la Charte ?

c)      Le fait que l’hébergement constitutif d’une rétention de facto n’ait pas été ordonné par une décision de placement en rétention, que le ressortissant du pays tiers ne dispose d’aucun recours concernant la légalité du placement et du maintien en rétention, que ce placement en rétention de facto ait eu lieu sans examen de sa nécessité et de son caractère proportionné, ni des solutions de substitution possibles est-il compatible avec le considérant 16 et l’article 15, paragraphe 2, de la [directive 2008/115], lus conjointement avec l’article 6, l’article 47 et l’article 52, paragraphe 3, de la Charte ?

d)      L’article 15, paragraphes 1 et 4 à 6, ainsi que le considérant 16 de la [directive 2008/115], lus conjointement avec les articles 1er, 4, 6 et 47 de la Charte, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un maintien en rétention dont la durée précise, y compris son terme, sont indéterminés ?

e)      Le droit de l’Union peut-il être interprété en ce sens que la juridiction d’un État membre, lorsqu’il est manifeste qu’elle est en présence d’une rétention illégale, peut, à titre de mesure provisoire, obliger l’autorité à attribuer au ressortissant d’un pays tiers, jusqu’à la clôture de la procédure administrative contentieuse, un lieu de résidence situé en-dehors de la zone de transit concernée, qui ne constitue pas un lieu de rétention ?

5)      [recours effectif en ce qui concerne la décision modifiant le pays de destination indiqué dans la décision de retour]

Faut-il interpréter l’article 13 de la [directive 2008/115], aux termes duquel le ressortissant d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les « décisions liées au retour », lu conjointement avec l’article 47 de la Charte, en ce sens qu’il faut qu’une juridiction examine au moins une fois un recours introduit contre la décision modifiant le pays de retour, lorsque le recours prévu dans ce cas par le droit de l’État membre n’est pas un recours effectif ? »

 L’affaire C925/19 PPU

80      SA et son enfant mineur, SA junior, sont des ressortissants iraniens. Le 5 décembre 2018, ils ont présenté une demande d’asile devant l’autorité chargée de l’asile, dans la zone de transit de Röszke.

81      À l’appui de leur demande, SA a fait valoir qu’il avait quitté la République islamique d’Iran deux ans et demi plus tôt, au motif qu’il avait divorcé de son épouse, qu’il s’était rapproché de la religion chrétienne, sans pour autant être baptisé, et que, durant son enfance, il avait été victime de violences sexuelles de la part de membres de sa famille. Il a également précisé que les raisons qui l’ont contraint à quitter son pays d’origine ne sont pas politiques ou liées à une éventuelle appartenance à une communauté ethnique ou religieuse minoritaire et qu’il était arrivé en Hongrie en passant par la Turquie, la Bulgarie et la Serbie.

82      SA a encore déclaré que, après avoir quitté la République islamique d’Iran pour la Turquie et y avoir passé dix jours, sans solliciter l’asile dans ce pays, il avait séjourné environ trois mois en Bulgarie. Il a également soutenu que, après avoir été informé qu’il serait renvoyé en Iran s’il ne présentait pas, en Bulgarie, une demande de protection internationale, il y avait introduit, contre son gré, une demande d’asile. Il a, par ailleurs, affirmé qu’il avait aussi séjourné en Serbie durant plus de deux ans, sans y introduire de demande d’asile.

83      Le 5 décembre 2018, l’autorité chargée de l’asile a désigné la zone de transit de Röszke comme lieu d’hébergement de SA et de SA junior, où ils se trouvent encore actuellement.

84      Par décision administrative du 12 février 2019, l’autorité chargée de l’asile a, en vertu de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, rejeté la demande d’asile de SA et de SA junior comme étant irrecevable, sans avoir examiné son bien-fondé, et a affirmé que le principe de non-refoulement ne s’appliquait pas dans leur cas. Elle a ordonné leur éloignement vers la Serbie en relevant que ces derniers n’étaient pas exposés à un risque d’atteintes graves ou à des persécutions en Turquie, en Bulgarie et en Serbie et qu’une protection d’un niveau adéquat leur y était assurée.

85      SA et SA junior ont introduit un recours contre cette décision devant le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale), qui a été rejeté par décision du 5 mars 2019, sans que cette juridiction ne se prononce sur le bien-fondé de leur demande d’asile.

86      Par décision du 27 mars 2019, l’autorité de police migratoire de premier degré a imposé à SA et à SA junior de séjourner dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée, en application de l’article 62, paragraphe 3 bis, de la loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers. Selon la juridiction de renvoi, les motifs justifiant une telle décision n’y ont pas été mentionnés.

87      Le même jour, l’autorité de police migratoire de premier degré a contacté l’organe de police compétent pour le renvoi en Serbie afin qu’il entreprenne les démarches nécessaires à la réadmission en Serbie de SA et de SA junior.

88      Le 1er avril 2019, l’organe de police compétent a informé l’autorité de police migratoire de premier degré de la décision de la Serbie de ne pas réadmettre SA et SA junior sur son territoire pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 55 du présent arrêt.

89      Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C‑925/19 PPU que, bien que la Serbie n’ait pas réadmis SA et SA junior sur son territoire, l’autorité chargée de l’asile n’a pas examiné le bien-fondé de leur demande d’asile.

90      Par décision du 17 avril 2019, l’autorité de police migratoire de premier degré a modifié la décision de retour contenue dans la décision de l’autorité chargée de l’asile du 12 février 2019, en ce qui concerne le pays de destination, et a ordonné l’éloignement sous escorte de SA et de SA junior vers la République islamique d’Iran.

91      Ceux-ci ont formé opposition à cette décision modificative devant l’autorité chargée de l’asile, agissant en tant qu’autorité de police migratoire. Par ordonnance du 17 mai 2019, leur opposition a été rejetée.

92      SA et SA junior ont saisi la juridiction de renvoi de deux recours identiques à ceux qui ont été introduits par les requérants au principal dans l’affaire C‑924/19 PPU, tels que mentionnés aux points 59 et 60 du présent arrêt.

93      La juridiction de renvoi a joint ces deux recours et a décidé, pour des raisons en substance identiques à celles exposées aux points 62 à 78 du présent arrêt, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les mêmes questions préjudicielles que celles posées dans le cadre de l’affaire C‑924/19 PPU, telles qu’énoncées au point 79 du présent arrêt.

 Sur la procédure d’urgence

94      La juridiction de renvoi a demandé que les présents renvois préjudiciels soient soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

95      À l’appui de sa demande, cette juridiction a fait valoir que FMS, FNZ, SA et SA junior (ci-après les « requérants au principal ») sont actuellement privés, de facto, de liberté.

96      En outre, selon ladite juridiction, les conditions de rétention de FMS et de FNZ sont d’autant plus difficiles que ces derniers ont, respectivement, 63 ans et 58 ans, que l’un d’eux est diabétique et que leur maintien en rétention de fait dure depuis le 17 mai 2019. La même juridiction a également relevé que SA junior est un enfant mineur dont la santé mentale et psychique s’est dégradée depuis qu’il séjourne, avec son père, dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée.

97      Par ailleurs, la juridiction de renvoi a indiqué que les réponses de la Cour aux questions posées auront un impact direct et déterminant sur l’issue des affaires au principal, notamment, sur le maintien de la rétention dont font l’objet les requérants au principal.

98      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que les présents renvois préjudiciels portent sur l’interprétation des directives 2008/115, 2013/32 et 2013/33, qui relèvent du titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ces renvois sont, par conséquent, susceptibles d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence.

99      S’agissant, en second lieu, de la condition relative à l’urgence, il convient de souligner, premièrement, que cette condition est notamment remplie lorsque la personne concernée dans l’affaire au principal est actuellement privée de liberté et que son maintien en détention dépend de la solution du litige au principal. À cet égard, la situation de la personne concernée est à apprécier telle qu’elle se présente à la date de l’examen de la demande visant à obtenir que le renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure d’urgence (arrêt du 17 mars 2016, Mirza, C‑695/15 PPU, EU:C:2016:188, point 34 et jurisprudence citée).

100    Selon une jurisprudence constante, le placement d’un ressortissant d’un pays tiers dans un centre de rétention, que ce soit au cours de sa demande de protection internationale ou en vue de son éloignement, constitue une mesure privative de liberté (arrêts du 19 juillet 2012, Adil, C‑278/12 PPU, EU:C:2012:508, points 34 et 35 ; du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, points 23 et 25 ; du 15 février 2016, N., C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, points 40 et 41 ; du 17 mars 2016, Mirza, C‑695/15 PPU, EU:C:2016:188, points 31 et 35, ainsi que ordonnance du 5 juillet 2018, C e.a., C‑269/18 PPU, EU:C:2018:544, points 35 et 37).

101    En l’occurrence, les requérants au principal dans l’affaire C‑924 PPU et ceux dans l’affaire C‑925 PPU séjournent depuis, respectivement, le 17 mai 2019 et le 27 mars 2019, dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée.

102    Or, les présents renvois préjudiciels portent, notamment, sur le point de savoir si le maintien des requérants au principal dans ce secteur constitue une « rétention », au sens de la directive 2008/115 ou des directives 2013/32 et 2013/33, et, dans l’affirmative, si une telle rétention respecte les garanties imposées par lesdites directives.

103    Il s’ensuit, d’une part, que la question de l’existence d’une privation de liberté, qui conditionne le déclenchement de la procédure préjudicielle d’urgence dans les présentes affaires, est indissociablement liée à l’examen des questions posées dans ces affaires et, d’autre part, que le maintien des requérants au principal dans le secteur de la zone de transit réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée dépend de la réponse apportée à ces questions.

104    Deuxièmement, il ressort des décisions de renvoi que les requérants au principal font actuellement l’objet de décisions leur enjoignant de retourner vers leur pays d’origine et sont, de ce fait, susceptibles d’y être renvoyés à bref délai alors même que, selon la juridiction de renvoi, le bien-fondé des raisons justifiant la demande d’asile desdits requérants n’a jamais été examiné par une juridiction.

105    Dès lors, il ne saurait être exclu que, en application de ces décisions, qui ont été confirmées par des ordonnances dont l’annulation est poursuivie devant la juridiction de renvoi, les requérants au principal soient éloignés vers leur pays d’origine, avant l’issue d’une procédure préjudicielle qui n’est pas soumise à la procédure préjudicielle d’urgence, et que cet éloignement puisse les exposer à des traitements contraires à l’article 18 et à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte.

106    Troisièmement, il ressort également de la décision de renvoi dans l’affaire C‑925/19 PPU que l’un des requérants au principal dans cette affaire est un enfant mineur, dont la santé mentale et psychique se détériore en raison de son séjour dans la zone de transit de Röszke. Il s’ensuit qu’un retard dans la prise d’une décision juridictionnelle prolongerait la situation actuelle et risquerait ainsi de nuire sérieusement, voire de façon irréparable, au développement de cet enfant (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2018, UD, C‑393/18 PPU, EU:C:2018:835, point 26).

107    Dans ces conditions, et compte tenu de la teneur des questions posées par la juridiction de renvoi, qui sont susceptibles d’avoir un impact déterminant tant sur le maintien des requérants au principal dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée que sur le contrôle juridictionnel des décisions leur ordonnant de retourner dans leur pays d’origine, la cinquième chambre de la Cour a décidé, le 22 janvier 2020, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre les présents renvois préjudiciels à la procédure préjudicielle d’urgence.

108    Il a, par ailleurs, été décidé de renvoyer les présentes affaires devant la Cour aux fins de leur attribution à la grande chambre.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la cinquième question 

109    Par sa cinquième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13 de la directive 2008/115, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle la modification, par une autorité administrative, du pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure ne peut être contestée par le ressortissant du pays tiers concerné qu’au moyen d’un recours formé devant une autorité administrative, dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel, et, d’autre part, qu’il impose, dans de telles circonstances, à cette juridiction de se reconnaître compétente pour statuer sur le recours porté devant elle, visant à contester la légalité d’une telle modification.

110    En l’occurrence, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, selon les décisions de renvoi, après que l’autorité chargée de l’asile a rejeté, comme étant irrecevables, les demandes de protection internationale des requérants au principal et a adopté, concomitamment, les décisions de retour leur enjoignant de quitter le territoire hongrois pour la Serbie, l’autorité de police migratoire de premier degré a modifié ces dernières décisions en ordonnant auxdits requérants de quitter le territoire hongrois pour leur pays d’origine, à savoir l’Afghanistan pour FMS et FNZ ainsi que l’Iran pour SA et SA junior. La juridiction de renvoi précise, en outre, que ces requérants n’ont pu contester ces décisions modificatives qu’en formant opposition à celles-ci auprès de l’autorité visée à l’article 65, paragraphe 3 ter, de la loi sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers, et que, conformément à la dernière phrase de cette disposition, les décisions par lesquelles l’autorité chargée de l’asile, agissant en qualité d’autorité de police migratoire, a rejeté les oppositions formées par lesdits requérants ne sont pas susceptibles de recours.

111    L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 garantit au ressortissant concerné d’un pays tiers une voie de recours effective pour contester les décisions de retour, les décisions d’interdiction d’entrée sur le territoire des États membres et les décisions d’éloignement, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

112    En premier lieu, il convient d’examiner si la décision modifiant le pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure constitue une des décisions contre lesquelles cette disposition garantit une voie de recours effective.

113    Selon une jurisprudence constante, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte, des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie et, le cas échéant, de sa genèse (arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers, C‑263/18, EU:C:2019:1111, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

114    À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 3, point 4, de la directive 2008/115, une « décision de retour » s’entend d’une décision ou d’un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour. Conformément à l’article 3, point 3, de la même directive, cette obligation de retour impose à la personne concernée de rentrer soit dans son pays d’origine, soit dans un pays de transit, soit dans un autre pays tiers dans lequel elle décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel elle sera admise.

115    Il ressort dès lors du libellé même du point 4 de l’article 3 de la directive 2008/115 que le fait d’imposer ou d’énoncer une obligation de retour constitue un des deux éléments constitutifs d’une décision de retour, une telle obligation de retour ne pouvant se concevoir, au vu du point 3 de cet article, sans l’identification d’une destination, qui doit être l’un des pays visés à ce point 3.

116    Il s’ensuit que, lorsque l’autorité nationale compétente modifie le pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure, elle apporte une modification à ce point substantielle à cette décision de retour qu’elle doit être considérée comme ayant adopté une nouvelle décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de la directive 2008/115.

117    Une telle interprétation est confirmée par une analyse du contexte de cette disposition.

118    Ainsi, en vertu de l’article 5 de la directive 2008/115, lorsque l’autorité nationale compétente envisage d’adopter une décision de retour, elle doit, notamment, veiller au respect du principe de non-refoulement [voir, en ce sens,  arrêts du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 49, ainsi que du 8 mai 2018, K. A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C‑82/16, EU:C:2018:308, point 103].

119    Or, comme l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 84 de ses conclusions, le respect d’un tel principe s’apprécie à l’égard du pays vers lequel il est envisagé d’ordonner le retour de la personne concernée. Il s’ensuit que, avant qu’une modification du pays de destination puisse être entreprise, l’autorité nationale compétente doit procéder à une nouvelle évaluation du respect du principe de non-refoulement, distincte de celle qu’elle a dû réaliser à l’occasion de l’adoption de la décision de retour antérieure.

120    En outre, contrairement à ce que semble suggérer le gouvernement hongrois, la modification d’une décision de retour antérieure ne peut être considérée comme une décision d’éloignement prise à la suite de cette décision de retour, au sens de l’article 8 de la directive 2008/115. En effet, il découle de cet article 8 qu’une décision d’éloignement est prise en exécution de la décision de retour et doit, partant, respecter le contenu de cette dernière décision. Il s’ensuit qu’une décision d’éloignement ne pourrait modifier le pays de destination mentionné dans la décision de retour qu’elle exécute.

121    L’interprétation retenue au point 116 du présent arrêt est également conforme à l’objectif poursuivi par la directive 2008/115, lequel consiste à mettre en place une politique efficace d’éloignement et de rapatriement dans le respect intégral des droits fondamentaux ainsi que de la dignité des personnes concernées (arrêt du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, point 48 et jurisprudence citée).

122    En effet, l’assimilation de la décision modifiant le pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure à une nouvelle décision de retour a pour conséquence que l’autorité nationale compétente doit, lorsqu’elle envisage une telle modification de la décision de retour, veiller au respect de l’ensemble des règles procédurales prévues par la directive 2008/115 et encadrant l’adoption d’une décision de retour. Partant, cette assimilation permet de garantir une mise en œuvre de la politique d’éloignement et de rapatriement, tout à la fois effective et respectueuse des droits fondamentaux de la personne concernée.

123    Il résulte de ce qui précède qu’une modification du pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure constitue une nouvelle décision de retour, au sens de l’article 3, point 4, de la directive 2008/115, contre laquelle le ressortissant concerné d’un pays tiers doit disposer d’une voie de recours effective, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive.

124    Il convient dès lors, en deuxième lieu, de déterminer la nature de la voie de recours qui est garantie par cet article 13, paragraphe 1.

125    À cet égard, premièrement, il ressort clairement du libellé même de cette disposition qu’une telle voie de recours doit pouvoir être exercée par la personne qui fait l’objet de la décision de retour. Dès lors, contrairement à ce que semble soutenir le gouvernement hongrois, l’existence, en vertu du droit national, d’un pouvoir général de surveillance de la légalité des décisions de retour, reconnu au ministère public et habilitant uniquement ce dernier à attaquer, le cas échéant, une telle décision en justice, ne constitue pas une voie de recours satisfaisant aux exigences de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115.

126    Deuxièmement, s’il découle du libellé de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 que les décisions de retour doivent pouvoir être contestées au moyen d’une voie de recours effective devant une autorité judiciaire ou administrative ou une instance composée de membres impartiaux et indépendants, ce seul libellé ne permet pas de tirer d’autres enseignements quant aux caractéristiques de l’« autorité administrative » qui peut être appelée à connaître d’un tel recours dirigé contre une décision de retour.

127    Cela étant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les caractéristiques de la voie de recours effective visée à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 de la Charte aux termes duquel toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article (arrêts du 18 décembre 2014, Abdida, C‑562/13, EU:C:2014:2453, point 45, et du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, point 52).

128    Ainsi, s’il est vrai que, aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, les États membres peuvent prévoir dans leur réglementation que les décisions de retour sont contestées devant des autorités autres que judiciaires, une telle faculté doit néanmoins être mise en œuvre dans le respect de l’article 47 de la Charte qui exige, comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 94 de ses conclusions, que la décision d’une autorité qui ne satisfait pas elle-même aux conditions imposées par ce dernier article subisse le contrôle ultérieur d’un organe juridictionnel ayant, notamment, compétence pour se pencher sur toutes les questions pertinentes (voir, par analogie, arrêts du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund, C‑682/15, EU:C:2017:373, point 55, et du 13 décembre 2017, El Hassani, C‑403/16, EU:C:2017:960, point 39).

129    Partant, l’article 47 de la Charte impose aux États membres l’obligation de garantir, à un certain stade de la procédure, la possibilité pour le ressortissant d’un pays tiers concerné de porter devant une juridiction toute contestation relative à une décision de retour adoptée par une autorité administrative (voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2017, El Hassani, C‑403/16, EU:C:2017:960, point 41).

130    Il s’ensuit qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle le destinataire d’une décision administrative de retour ne peut pas contester la régularité de celle-ci devant au moins une instance juridictionnelle ne respecte pas les exigences de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 et de l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, point 57 et jurisprudence citée).

131    En l’occurrence, il ressort des décisions de renvoi que, en vertu de la réglementation nationale pertinente, une opposition ne peut être formée à l’encontre d’une décision administrative modifiant une décision de retour initiale qu’auprès de l’autorité chargée de l’asile et que la décision par laquelle cette autorité rejette cette opposition n’est susceptible d’aucun recours.

132    Il s’ensuit qu’une telle réglementation ne serait compatible avec l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 que si l’autorité qui a statué sur de telles oppositions pouvait être considérée comme une juridiction au sens de l’article 47 de la Charte, ce qui suppose que ladite autorité satisfasse à l’exigence d’indépendance, au sens de cet article [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117, points 37 et 41 ; du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, points 52 et 53 ; du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 120 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, points 56 et 57].

133    Il ressort des dossiers soumis à la Cour que tel n’est pas le cas.

134    En effet, il découle des décisions de renvoi que l’autorité chargée de l’asile est placée sous l’autorité du ministre chargé de la police et relève, partant, du pouvoir exécutif.

135    Or, l’aspect externe de l’exigence d’indépendance qui caractérise une juridiction au sens de l’article 47 de la Charte requiert que l’organe concerné exerce ses fonctions en toute autonomie, sans être soumis à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, étant ainsi protégé contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions [arrêts du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 121, ainsi que du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 57 et jurisprudence citée].

136    Plus particulièrement, et conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, l’indépendance des juridictions doit être garantie à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 124].

137    Il s’ensuit qu’une réglementation nationale prévoyant qu’une décision, telle que celle décrite au point 123 du présent arrêt, doit être contestée par la personne concernée devant une autorité ne satisfaisant pas aux conditions imposées par l’article 47 de la Charte, sans que soit garanti un contrôle juridictionnel ultérieur de la décision de cette autorité, est incompatible avec l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 et méconnaît, en outre, le contenu essentiel du droit consacré à l’article 47 de la Charte, en ce qu’elle prive l’intéressé de tout recours juridictionnel contre une décision de retour le concernant [voir, par analogie, arrêts du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, point 72, et du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 165].

138    En troisième lieu, il convient d’examiner si le droit de l’Union autorise, dans de telles circonstances, la juridiction de renvoi à se considérer comme compétente pour connaître des recours introduits devant elle par les requérants au principal et visant à l’annulation des décisions par lesquelles l’autorité chargée de l’asile, agissant en qualité d’autorité de police migratoire, a rejeté leurs oppositions aux décisions administratives leur enjoignant de retourner dans leur pays d’origine.

139    À cet égard, il convient de souligner, premièrement, que, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, dans l’hypothèse où il lui est impossible de procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence, a, en tant qu’organe d’un État membre, l’obligation de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à une disposition de ce droit qui est d’effet direct dans le litige dont il est saisi [arrêts du 24 juin 2019, Popławski, C‑573/17, EU:C:2019:530, points 58 et 61, ainsi que du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 160 et 161].

140    Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 47 de la Charte se suffit à lui-même et ne doit pas être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel [arrêts du 17 avril 2018, Egenberger, C‑414/16, EU:C:2018:257, point 78 ; du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, point 56, et du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 162].

141    Il en va de même de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, dès lors que les caractéristiques du recours prévu à cette disposition doivent être déterminées en conformité avec l’article 47 Charte, qui constitue une réaffirmation du principe de protection juridictionnelle effective [voir, par analogie, arrêts du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, points 55 et 56, ainsi que du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 163].

142    Deuxièmement, s’il appartient, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits individuels dérivés de l’ordre juridique de l’Union, les États membres ont toutefois la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, le respect du droit à une protection juridictionnelle effective desdits droits tel que garanti à l’article 47 de la Charte [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 115].

143    À cet égard, il convient de rappeler que, si le droit de l’Union ne contraint pas, en principe, les États membres à instituer devant leurs juridictions nationales, en vue d’assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, des voies de droit autres que celles établies par le droit national (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, EU:C:2007:163, point 40, et du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 51), il en va toutefois autrement s’il ressort de l’économie de l’ordre juridique national en cause qu’il n’existe aucune voie de recours juridictionnelle permettant, ne fût-ce que de manière incidente, d’assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, ou encore si la seule voie d’accès à un juge est pour les justiciables de se voir contraints d’enfreindre le droit (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, EU:C:2007:163, point 41, et du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 104).

144    Il appartient dès lors aux juridictions nationales de se déclarer compétentes pour connaître du recours introduit par la personne intéressée en vue de défendre les droits qui lui sont garantis par le droit de l’Union, si les règles de procédure internes ne prévoient pas un tel recours en pareil cas (voir, par analogie, arrêts du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission, C‑97/91, EU:C:1992:491, point 13, ainsi que du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 46).

145    Ainsi, l’inexistence, dans le droit de l’État membre concerné, d’une voie de recours juridictionnelle permettant de faire contrôler la légalité, au regard du droit de l’Union, d’une décision administrative de retour, telle que celle décrite au point 123 du présent arrêt, ne saurait dispenser le juge national de son obligation d’assurer la pleine efficacité de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 qui, étant doté d’effet direct, peut constituer, à lui seul, un titre de compétence directement applicable, lorsqu’il n’a pas été correctement transposé dans l’ordre juridique national.

146    Il s’ensuit que le principe de primauté du droit de l’Union ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, imposent à la juridiction de renvoi de se déclarer compétente pour connaître des recours introduits par les requérants au principal contre les décisions de l’autorité chargée de l’asile ayant rejeté leurs oppositions aux décisions administratives leur enjoignant de retourner dans leur pays d’origine, et de laisser, au besoin, inappliquée toute disposition nationale qui lui interdirait de procéder en ce sens (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Torubarov, C‑556/17, EU:C:2019:626, point 74 et jurisprudence citée).

147    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 13 de la directive 2008/115, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle la modification, par une autorité administrative, du pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure ne peut être contestée par le ressortissant d’un pays tiers concerné qu’au moyen d’un recours formé devant une autorité administrative, sans que soit garanti un contrôle juridictionnel ultérieur de la décision de cette autorité. En pareille hypothèse, le principe de primauté du droit de l’Union ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à la juridiction nationale saisie d’un recours visant à contester la légalité, au regard du droit de l’Union, de la décision de retour consistant en une telle modification du pays de destination, de se déclarer compétente pour connaître de ce recours.

 Sur la première question 

148    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 33 de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale permettant de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de l’État membre concerné par celui d’un État dans lequel il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves, au sens de la disposition nationale transposant l’article 15 de la directive 2011/95, ou dans lequel est assuré un degré de protection adéquat.

149    Aux termes de l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2013/32, outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement no 604/2013, les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95, lorsqu’une demande est considérée comme étant irrecevable en vertu de cette disposition. À cet égard, l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 énumère de manière exhaustive les situations dans lesquelles les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable [arrêts du 19 mars 2019, Ibrahim e.a., C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219, point 76, et du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 29].

150    Il convient, dès lors, de vérifier si une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, peut être considérée comme mettant en œuvre l’un des motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32.

151    À cet égard, il y a lieu d’exclure d’emblée que la réglementation nationale en cause au principal, à savoir l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, puisse constituer la mise en œuvre des motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, sous a), d) et e), de cette directive, seuls les motifs d’irrecevabilité relatifs au premier pays d’asile et au pays tiers sûr, énoncés, respectivement, aux points b) et c) de l’article 33, paragraphe 2, de ladite directive, pouvant être pris en considération à cet effet [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 33].

152    Dans ce contexte, s’agissant du motif d’irrecevabilité relatif au pays tiers sûr, prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous c), de la directive 2013/32, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme étant irrecevable lorsqu’un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 de ladite directive.

153    Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il ressort de l’article 38 de la directive 2013/32 que l’application de la notion de « pays tiers sûr », aux fins de l’article 33, paragraphe 2, sous c), de cette directive, est subordonnée au respect des conditions cumulatives prévues aux paragraphes 1 à 4 dudit article 38 [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, points 36, 40 et 41].

154    En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de la condition énoncée à l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2013/32, eu égard au libellé même de la réglementation nationale en cause au principal, il apparaît, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, que l’application du motif d’irrecevabilité tiré du premier cas de figure visé par cette réglementation n’est subordonnée qu’au respect, dans le pays tiers concerné, d’une partie seulement des principes énoncés à l’article 38, paragraphe 1, de cette directive, l’exigence du respect dans ce pays du principe de non-refoulement faisant, notamment, défaut. Ainsi, la condition énoncée à l’article 38, paragraphe 1, de ladite directive ne saurait être remplie [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 42].

155    Pour ce qui est du motif d’irrecevabilité tiré du second cas de figure visé par la réglementation nationale en cause au principal, la juridiction de renvoi n’a fourni aucune indication sur le contenu du « degré de protection adéquat » exigé par cette réglementation et, notamment, sur le point de savoir si un tel degré de protection comprend le respect, dans le pays tiers concerné, de tous les principes énoncés à l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2013/32. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas.

156    S’agissant, en second lieu, des conditions énoncées à l’article 38, paragraphe 2, de la directive 2013/32 et, notamment, de celle relative à l’existence d’un lien de connexion entre le demandeur d’une protection internationale et le pays tiers concerné, le lien que la réglementation nationale en cause au principal établit entre un tel demandeur et le pays tiers concerné est tiré du simple transit de ce demandeur par le territoire de ce pays [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 44].

157    Or, la Cour a jugé que la circonstance qu’un demandeur de protection internationale a transité par le territoire d’un pays tiers ne saurait, à elle seule, constituer un lien de connexion au sens dudit article 38, paragraphe 2 [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, points 45 à 47].

158    Par ailleurs, l’obligation imposée par l’article 38, paragraphe 2, de la directive 2013/32 aux États membres, aux fins de l’application de la notion de « pays tiers sûr », de fixer des règles prévoyant les méthodes applicables pour apprécier, au cas par cas, si le pays tiers concerné remplit les conditions pour être considéré sûr pour le demandeur, ainsi que la possibilité pour ledit demandeur de contester l’existence d’un lien de connexion avec ce pays tiers, ne saurait être justifiée si le simple transit du demandeur d’une protection internationale par le pays tiers concerné constituait un lien suffisant ou significatif à ces fins [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, points 48 et 49].

159    Il résulte de ce qui précède que le transit du demandeur d’une protection internationale par le pays tiers concerné ne peut pas constituer un « lien de connexion », au sens de l’article 38, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.

160    Par conséquent, la réglementation nationale en cause au principal ne saurait constituer une application du motif d’irrecevabilité relatif au pays tiers sûr, prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous c), de ladite directive [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 51].

161    Enfin, une telle réglementation nationale ne saurait non plus constituer une application du motif d’irrecevabilité relatif au premier pays d’asile, prévu à l’article 33, paragraphe 2, sous b), de la directive 2013/32 [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 52].

162    En effet, il suffit de relever que, selon les termes mêmes de l’article 35, premier alinéa, sous a) et b), de la directive 2013/32, un pays ne peut être considéré comme étant le premier pays d’asile d’un demandeur d’une protection internationale déterminé que si, respectivement, celui-ci s’est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection, ou s’il jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ledit pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement, à condition qu’il soit réadmis dans ce même pays [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 53].

163    Or, il ressort des dossiers soumis à la Cour que l’application du motif d’irrecevabilité prévu par la réglementation nationale en cause au principal n’est pas subordonnée à la jouissance par le demandeur d’une protection internationale, dans le pays concerné, du statut de réfugié ou d’une protection suffisante, à un autre titre, de telle sorte qu’il deviendrait inutile d’examiner le besoin d’une protection dans l’Union.

164    Par conséquent, il y a lieu de conclure qu’une réglementation nationale, telle que l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, ne peut être considérée comme mettant en œuvre l’un des motifs d’irrecevabilité prévus à l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 [arrêt du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa), C‑564/18, EU:C:2020:218, point 55].

165    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 33 de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale permettant de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de l’État membre concerné par un État dans lequel il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves, au sens de la disposition nationale transposant l’article 15 de la directive 2011/95, ou dans lequel est assuré un degré de protection adéquat.

 Sur la deuxième question 

 Sur la recevabilité

166    Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à déterminer les conséquences qu’il convient de tirer, quant au traitement à réserver aux demandes d’asile, du refus par le pays tiers concerné de réadmettre les demandeurs sur son territoire après que ces demandes ont été déclarées irrecevables sur le fondement de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile. La juridiction de renvoi s’interroge, notamment, sur le point de savoir si, dans une telle circonstance, l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), de la directive 2013/32, est tenue de réexaminer d’office les demandes d’asile déjà introduites par les requérants au principal ou si, à défaut, ceux-ci peuvent réintroduire de nouvelles demandes d’asile et, le cas échéant, si ces dernières peuvent, à nouveau, être considérées comme irrecevables pour d’autres motifs.

167    Aux termes d’une jurisprudence constante, si les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence, il n’en demeure pas moins que la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher. La justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Comme il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie [arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny zastępowany przez Prokuraturę Krajową (Régime disciplinaire concernant les magistrats), C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, points 43 à 45 et jurisprudence citée].

168    En outre, en vertu de l’article 94, sous c), du règlement de procédure, la juridiction de renvoi doit exposer de manière précise les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union (arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, point 28).

169    En l’occurrence, la juridiction de renvoi est saisie, d’une part, de recours en annulation des décisions enjoignant aux requérants au principal de retourner dans leur pays d’origine et, d’autre part, de recours en carence liés à leur placement dans la zone de transit de Röszke.

170    Toutefois, même si les litiges pendants devant la juridiction de renvoi n’ont ainsi pas directement pour objet l’examen des demandes d’asile des requérants au principal, il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que cette dernière estime nécessaire d’examiner si ces requérants peuvent encore être considérés comme des demandeurs de protection internationale, au sens des directives 2013/32 et 2013/33, afin de déterminer si le placement de ces derniers dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée doit être examiné au regard des règles encadrant la rétention des demandeurs de protection internationale prévues par ces directives.

171    Il s’ensuit que la deuxième question, sous a) et b), dans le cadre de laquelle la juridiction de renvoi demande si l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), de la directive 2013/32, est tenue de reprendre d’office l’examen des demandes d’asile des requérants au principal ou si, à défaut, ceux-ci sont néanmoins autorisés à réintroduire une demande d’asile, est pertinente pour l’issue des litiges au principal et est, partant, recevable.

172    En revanche, la deuxième question, sous c) et d), concerne, en substance, le point de savoir si les demandes d’asile introduites par les requérants au principal peuvent être à nouveau rejetées pour un motif d’irrecevabilité sans lien avec la procédure précédente, notamment pour l’un de ceux prévus à l’article 33, paragraphe 2, sous b) et c), de la directive 2013/32, et, dans l’affirmative, si le rejet de leurs demandes pour l’un de ces deux motifs d’irrecevabilité suppose qu’il ait été vérifié, au préalable, que le pays tiers, auquel se réfèrent ces deux motifs, accepte de les réadmettre sur son territoire.

173    Or, la juridiction de renvoi reste en défaut d’expliquer la raison pour laquelle elle estime qu’elle ne peut statuer sur les litiges pendants devant elle sans avoir obtenu de réponse à la deuxième question, sous c) et d).

174    Il s’ensuit que la deuxième question, sous c) et d), doit être déclarée irrecevable.

 Sur le fond

175    Par sa deuxième question, sous a) et b), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6 et l’article 38, paragraphe 4, de la directive 2013/32, lus à la lumière de l’article 18 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une demande de protection internationale est, en vertu du droit d’un État membre, déclarée irrecevable, au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de cet État membre en passant par un pays tiers dans lequel il n’était pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves, ou dans lequel était assuré un degré de protection adéquat, et que, par la suite, ce dernier pays décide de ne pas réadmettre le demandeur sur son territoire, cette demande doit être réexaminée d’office par l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), de la directive 2013/32, ou, en ce sens que, dans de telles circonstances, si une nouvelle demande était introduite par l’intéressé, celle-ci ne pourrait pas être déclarée irrecevable, en application de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de cette directive, en tant que « demande ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de ladite directive.

176    En l’occurrence, il convient de relever que, après que les demandes d’asile des requérants au principal ont été rejetées par l’autorité chargée de l’asile, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, et que ce rejet a été confirmé par une décision juridictionnelle devenue définitive, les autorités hongroises ont entrepris des démarches aux fins de faire réadmettre ceux-ci sur le territoire de la Serbie. Toutefois, ce pays tiers a refusé de faire droit à cette demande au motif que, selon lui, les requérants au principal étaient entrés légalement sur le territoire hongrois, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de l’accord de réadmission conclu entre l’Union et la Serbie.

177    Il convient par ailleurs de rappeler que, conformément au point 165 du présent arrêt, un motif d’irrecevabilité d’une demande de protection internationale, tel que celui qui est contenu à l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile, est contraire à l’article 33 de la directive 2013/32.

178    Dès lors, la Cour ne saurait être amenée à examiner, comme le suggère la juridiction de renvoi, les conséquences qui, en vertu du droit de l’Union, pourraient devoir découler du fait que le pays vers lequel, en liaison avec ce motif, les requérants au principal devaient être dirigés n’accepte pas de réadmettre ceux-ci sur son territoire.

179    Cela étant, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération avec les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi et, dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 27 et jurisprudence citée).

180    Dès lors, il convient, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, de comprendre la deuxième question, sous a) et b), comme visant à savoir si la directive 2013/32, lue en combinaison avec l’article 18 de la Charte et le principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’une demande d’asile a fait l’objet d’une décision de rejet fondée sur un motif d’irrecevabilité contraire au droit de l’Union et a été confirmée par une décision juridictionnelle définitive, l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), de la directive 2013/32, est tenue de réexaminer d’office cette demande, ou en ce sens que, dans de telles circonstances, si une nouvelle demande était introduite par l’intéressé, celle-ci ne pourrait pas être déclarée irrecevable, en application de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de cette directive, en tant que « demande ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de ladite directive.

181    Afin de répondre à cette question, il importe, en premier lieu, de déterminer si la directive 2013/32, lue en combinaison avec l’article 18 de la Charte et le principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, impose que ladite autorité responsable de la détermination réexamine d’office une demande de protection internationale qui a fait l’objet d’une décision de rejet fondée sur un motif d’irrecevabilité contraire à l’article 33 de la directive 2013/32 et confirmée par une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de la chose jugée.

182    À cet égard, il importe de relever que l’article 33 de la directive 2013/32 énumérant de manière exhaustive, comme il a été rappelé au point 149 du présent arrêt, les cas dans lesquels une demande de protection internationale peut être rejetée comme étant irrecevable, cet article énonce une règle dont le contenu est inconditionnel et suffisamment précis pour pouvoir être invoqué par un justiciable et appliqué par le juge. Il s’ensuit que cet article est doté d’un effet direct (voir, par analogie, arrêt du 25 juillet 2018, Alheto, C‑585/16, EU:C:2018:584, points 98 et 99 ainsi que jurisprudence citée).

183    L’obligation de laisser inappliquée, au besoin, une législation nationale contraire à une disposition de droit de l’Union dotée d’un effet direct incombe, non seulement aux juridictions nationales, mais également à tous les organes de l’État, en ce compris les autorités administratives, chargés d’appliquer, dans le cadre de leurs compétences respectives, le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 1989, Costanzo, 103/88, EU:C:1989:256, points 30 et 31 ; du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána, C‑378/17, EU:C:2018:979, point 38, ainsi que du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 78).

184    Il s’ensuit qu’une autorité administrative ou juridictionnelle d’un État membre lié par la directive 2013/32 ne peut pas déclarer irrecevable une demande de protection internationale sur le fondement d’un motif tel que celui prévu à l’article 51, paragraphe 2, sous f), de la loi relative au droit d’asile.

185    Il y a toutefois lieu de rappeler l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (arrêts du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, EU:C:2003:513, point 38 ; du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 52, ainsi que du 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines, C‑370/17 et C‑37/18, EU:C:2020:260, point 88).

186    Il convient également de souligner que, selon une jurisprudence constante, si une règle du droit de l’Union interprétée par la Cour doit être appliquée par une autorité administrative, dans le cadre de ses compétences, même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’intervention de l’arrêt de la Cour statuant sur la demande d’interprétation, il n’en demeure pas moins que, conformément au principe de sécurité juridique, le droit de l’Union n’exige pas qu’une autorité administrative soit, en principe, obligée de revenir sur une décision administrative ayant acquis un caractère définitif à l’expiration de délais de recours raisonnables ou par l’épuisement des voies de recours. Le respect de ce principe permet d’éviter la remise en cause indéfinie des actes administratifs entraînant des effets de droit (arrêts du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz, C‑453/00, EU:C:2004:17, points 22 et 24 ; du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor, C‑392/04 et C‑422/04, EU:C:2006:586, point 51, ainsi que du 12 février 2008, Kempter, C‑2/06, EU:C:2008:78, points 36 et 37).

187    Cela étant, il ressort également de la jurisprudence de la Cour que l’autorité administrative responsable de l’adoption d’une décision administrative est néanmoins tenue, en application du principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, de réexaminer cette décision, et éventuellement de revenir sur celle-ci, si quatre conditions sont remplies. Premièrement, l’autorité administrative dispose, selon le droit national, du pouvoir de revenir sur cette décision. Deuxièmement, la décision en cause est devenue définitive en conséquence d’un arrêt d’une juridiction nationale statuant en dernier ressort. Troisièmement, ledit arrêt est, au vu d’une jurisprudence de la Cour postérieure à celui-ci, fondé sur une interprétation erronée du droit de l’Union adoptée sans que la Cour ait été saisie à titre préjudiciel dans les conditions prévues à l’article 267, troisième alinéa, TFUE. Quatrièmement, l’intéressé s’est adressé à l’autorité administrative immédiatement après avoir pris connaissance de ladite jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz, C‑453/00, EU:C:2004:17, point 28, et du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor, C‑392/04 et C‑422/04, EU:C:2006:586, point 52).

188    La Cour a encore précisé, s’agissant de la quatrième de ces conditions, que les États membres peuvent exiger, au nom du principe de sécurité juridique, qu’une demande de réexamen d’une décision administrative devenue définitive et contraire au droit de l’Union, ainsi qu’interprété postérieurement par la Cour, soit formée devant l’administration compétente dans un délai raisonnable (arrêt du 12 février 2008, Kempter, C‑2/06, EU:C:2008:78, point 59).

189    Il s’ensuit que, à supposer même que le droit national permette à l’autorité chargée de l’asile de réexaminer une décision déclarant, en violation du droit de l’Union, une demande de protection internationale irrecevable, il n’en demeure pas moins que le droit de l’Union n’imposerait pas que cette autorité se ressaisisse d’office d’une telle demande.

190    Il résulte de ce qui précède que la directive 2013/32, lue en combinaison avec l’article 18 de la Charte et le principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, n’impose pas à l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), de la directive 2013/32, de réexaminer d’office une demande de protection internationale qui a fait l’objet d’une décision de rejet confirmée par une décision juridictionnelle définitive avant que la contrariété au droit de l’Union de ladite décision de rejet ait été constatée.

191    En second lieu, il convient de déterminer si ces mêmes dispositions du droit de l’Union s’opposent à ce que, lorsqu’une première demande de protection internationale a fait l’objet d’une décision de rejet, en méconnaissance du droit de l’Union, qui a été confirmée par une décision juridictionnelle définitive, une nouvelle demande d’asile introduite par le même demandeur puisse être déclarée irrecevable sur le fondement de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, en tant que demande « ultérieure », au sens de l’article 2, sous q), de ladite directive.

192    À cet égard, il importe de souligner que l’existence d’une décision juridictionnelle définitive par laquelle le rejet d’une demande de protection internationale pour un motif contraire au droit de l’Union a été confirmé n’empêche pas l’intéressé de déposer une demande ultérieure, au sens de l’article 2, sous q), de la directive 2013/32. Ainsi, celui-ci peut encore, nonobstant une telle décision, exercer son droit, tel qu’il est consacré à l’article 18 de la Charte et concrétisé par les directives 2011/95 et 2013/32, d’obtenir le statut de bénéficiaire d’une protection internationale, dès lors que les conditions requises par le droit de l’Union sont réunies.

193    Il découle certes de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 qu’une telle demande ultérieure peut être déclarée irrecevable lorsqu’aucun élément ou fait nouveau relatif à l’examen des conditions à remplir pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale n’apparaît d’une telle demande ou n’est présenté par le demandeur.

194    Toutefois, l’existence d’un arrêt de la Cour constatant l’incompatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale permettant de rejeter une demande de protection internationale comme étant irrecevable au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de l’État membre concerné par un État dans lequel il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves ou dans lequel est assuré un degré de protection adéquat constitue un élément nouveau relatif à l’examen d’une demande de protection internationale, au sens de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de ladite directive, de sorte que ladite demande ultérieure ne saurait être rejetée sur le fondement de cette dernière disposition.

195    Une telle conclusion s’impose même en l’absence d’une référence, faite par le demandeur visé au point précédent, à l’existence d’un tel arrêt de la Cour.

196    Au demeurant, l’effet utile du droit reconnu au demandeur d’une protection internationale et mentionné au point 192 du présent arrêt serait gravement compromis si une demande ultérieure pouvait être déclarée irrecevable pour le motif visé à l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32, alors que le rejet de la première demande est intervenu en méconnaissance du droit de l’Union.

197    En effet, une telle interprétation de cette disposition aurait pour conséquence que l’application incorrecte du droit de l’Union pourrait se reproduire à chaque nouvelle demande de protection internationale, sans qu’il soit possible d’offrir au demandeur le bénéfice d’un examen de sa demande qui ne soit pas entaché par la violation de ce droit. Un tel obstacle à l’application effective des règles du droit de l’Union concernant la procédure d’octroi d’une protection internationale ne pourrait pas raisonnablement être justifié par le principe de sécurité juridique (voir, par analogie, arrêt du 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines, C‑370/17 et C‑37/18, EU:C:2020:260, points 95 et 96).

198    À cet égard, l’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable à une demande ultérieure, au sens de l’article 2, sous q), de cette directive, lorsque l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), de ladite directive, constate que le rejet définitif de la demande antérieure est contraire au droit de l’Union. Un tel constat s’impose nécessairement à cette autorité responsable de la détermination lorsque cette contrariété découle, comme en l’occurrence, d’un arrêt de la Cour ou a été constatée, à titre incident, par une juridiction nationale. 

199    Il convient de préciser que, à l’occasion du contrôle juridictionnel de la légalité de la décision de retour, qui a été adoptée subséquemment au rejet d’une demande de protection internationale confirmé par une décision juridictionnelle revêtue de l’autorité de la chose jugée, la juridiction nationale saisie d’un recours contre la décision de retour peut, en vertu du droit de l’Union et sans que l’autorité dont est ainsi revêtue la décision juridictionnelle confirmant ce rejet s’y oppose, examiner, à titre incident, la validité d’un tel rejet lorsqu’il est fondé sur un motif contraire au droit de l’Union.

200    Enfin, il convient d’ajouter que, en l’occurrence, ladite autorité responsable de la détermination a adopté, dans chacune des deux affaires au principal, une décision rejetant la demande d’asile des requérants au principal ainsi qu’une décision leur ordonnant de quitter le territoire hongrois pour la Serbie, dans le cadre d’un seul et même acte, comme le lui permet l’article 6, paragraphe 6, de la directive 2008/115 (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, point 49). Il ressort des dossiers soumis à la Cour que ces décisions concomitantes ont été confirmées par des décisions juridictionnelles définitives.

201    Dans de telles circonstances, il importe de préciser, pour le cas où les décisions modifiant les décisions de retour initiales et ordonnant aux requérants au principal de retourner dans leur pays d’origine seraient finalement annulées, que l’autorité de la chose jugée, dont sont revêtues les décisions juridictionnelles confirmant tant les décisions rejetant les demandes d’asile que les décisions de retour adoptées concomitamment à ces décisions de rejet, ne saurait faire obstacle à ce que l’éloignement de ces requérants soit reporté, comme l’exige du reste l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/115, lorsque cet éloignement est décidé en violation du principe de non-refoulement.

202    Il doit en aller ainsi, même en l’absence de toute nouvelle circonstance survenue depuis l’adoption des décisions de retour initiales, lorsqu’il apparaît que, contrairement à ce qu’impose l’article 5 de la directive 2008/115, ni l’autorité administrative ayant rejeté les demandes de protection internationale et ordonné le retour ni la juridiction ayant statué sur la validité de ces décisions n’ont correctement examiné si le pays tiers mentionné dans ces décisions de retour initiales respecte le principe de non-refoulement.

203    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question, sous a) et b), que la directive 2013/32, lue en combinaison avec l’article 18 de la Charte et le principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’une demande d’asile a fait l’objet d’une décision de rejet qui a été confirmée par une décision juridictionnelle définitive avant que la contrariété au droit de l’Union de ladite décision de rejet a été constatée, l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), la directive 2013/32, n’est pas tenue de réexaminer d’office cette demande. L’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens que l’existence d’un arrêt de la Cour constatant l’incompatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale permettant de rejeter une demande de protection internationale comme étant irrecevable au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de l’État membre concerné par un État dans lequel il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves ou dans lequel est assuré un degré de protection adéquat, constitue un élément nouveau relatif à l’examen d’une demande de protection internationale, au sens de cette disposition. Par ailleurs, ladite disposition n’est pas applicable à une demande ultérieure, au sens de l’article 2, sous q), de cette directive, lorsque l’autorité responsable de la détermination constate que le rejet définitif de la demande antérieure est contraire au droit de l’Union. Un tel constat s’impose nécessairement à ladite autorité lorsque cette contrariété découle d’un arrêt de la Cour ou a été constatée, à titre incident, par une juridiction nationale.

 Sur les troisième et quatrième questions

 Observations liminaires

204    Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation, respectivement, des dispositions des directives 2013/32 et 2013/33 relatives à la rétention des demandeurs de protection internationale et des dispositions de la directive 2008/115 relatives à la rétention des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dans le cadre de l’examen de la légalité du placement des requérants au principal dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée.

205    La juridiction de renvoi précise, par ailleurs, que sa troisième question n’appelle de réponse que si la Cour considère que, depuis la date de leur placement dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée, les requérants au principal continuent à relever du champ d’application des directives 2013/32 et 2013/33 et, inversement, que sa quatrième question n’appelle de réponse que si la Cour estime que lesdits requérants relèvent, depuis ce placement, du champ d’application de la directive 2008/115.

206    Il convient donc de déterminer si, à compter de la date de leur placement dans ce secteur de la zone de transit de Röszke, la situation des requérants au principal doit être appréhendée au regard de la directive 2008/115 ou des directives 2013/32 et 2013/33.

207    À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que les décisions administratives par lesquelles les demandes d’asile des requérants au principal ont été rejetées n’étaient plus susceptibles de recours, au sens du chapitre V de la directive 2013/32, à la date à laquelle ceux-ci ont été placés dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée. Partant, il convient de considérer que, à cette date, leurs demandes de protection internationale avaient fait l’objet d’une décision finale, au sens de l’article 2, sous e), de la directive 2013/32.

208    Il s’ensuit que, à compter de ladite date, les requérants au principal n’étaient plus des demandeurs de protection internationale, au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2013/32 et de l’article 2, sous b), de la directive 2013/33, de sorte qu’ils ne relevaient plus du champ d’application de ces directives.

209    En deuxième lieu, il convient de souligner que, à moins qu’un droit ou un titre de séjour tel que visé à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2008/115 lui ait été accordé, le ressortissant d’un pays tiers se trouve en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, au sens de la directive 2008/115, dès le rejet de sa demande de protection internationale en premier ressort par l’autorité responsable, et ce indépendamment de l’existence d’une autorisation de rester sur ce territoire dans l’attente de l’issue du recours contre ce rejet (arrêt du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, point 59, et ordonnance du 5 juillet 2018, C e.a., C‑269/18 PPU, EU:C:2018:544, point 47).

210    Dans la mesure où il ne ressort pas des dossiers soumis à la Cour que les requérants au principal bénéficient d’un droit ou d’un titre de séjour, au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2008/115, ceux-ci doivent être considérés, à compter de la date de la décision rejetant leur demande d’asile en premier ressort, comme étant en séjour irrégulier sur le territoire hongrois. Partant, ils relèvent, à compter de cette date, du champ d’application de la directive 2008/115, la juridiction de renvoi ayant précisé qu’aucune des exceptions prévues à l’article 2, paragraphe 2, de cette directive ne leur est applicable.

211    En outre, dès lors que les décisions administratives rejetant les demandes d’asile des requérants au principal ont été confirmées par des décisions juridictionnelles, ceux-ci sont, en principe, susceptibles d’être placés en rétention à des fins d’éloignement pour autant que les conditions prévues en la matière par la directive 2008/115 sont respectées.

212    Cela étant, il importe, en troisième lieu, de souligner que, au cours de l’audience s’étant déroulée devant la Cour, les requérants au principal dans l’affaire C‑925/19 PPU ont fait état de l’introduction d’une nouvelle demande d’asile par l’un d’eux. Cette demande aurait été rejetée comme étant irrecevable, ce que ledit requérant aurait contesté par l’introduction d’un recours encore pendant devant une juridiction autre que la juridiction de renvoi.

213    Si ces éléments de fait sont avérés, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, ledit requérant doit, à compter de la date à laquelle il a présenté sa nouvelle demande d’asile, être à nouveau considéré comme un demandeur de protection internationale, relevant du champ d’application des directives 2013/32 et 2013/33. Par ailleurs, il convient d’ajouter que, même s’il relève, à compter de la date à laquelle sa demande d’asile a été rejetée en première instance, du champ d’application de la directive 2008/115, ce requérant ne saurait faire l’objet d’une mesure de rétention au titre de l’article 15 de cette directive tant que le recours introduit contre un tel rejet est pendant (arrêt du 19 juin 2018, Gnandi, C‑181/16, EU:C:2018:465, points 61 et 62).

214    Dans ces conditions, il convient, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, de répondre tant à la troisième qu’à la quatrième questions.

 Sur l’existence d’une rétention

215    Par sa troisième question, sous b), ainsi que par sa quatrième question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous h), de la directive 2013/33 et l’article 16 de la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens que l’obligation pour un ressortissant d’un pays tiers de demeurer, en permanence, dans une zone de transit, située à la frontière extérieure d’un État membre qu’il ne peut légalement quitter volontairement, en quelque direction que ce soit, est constitutive d’une « rétention », au sens de ces directives.

–       Sur la notion de rétention

216    S’agissant, en premier lieu, de la notion de « rétention », au sens de la directive 2013/33, il convient, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 113 du présent arrêt, de souligner, premièrement, que, conformément à l’article 2, sous h), de cette directive, cette notion s’entend de toute mesure d’isolement d’un demandeur de protection internationale par un État membre dans un lieu déterminé, où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement.

217    Il ressort dès lors du libellé même de cette disposition que la rétention suppose une privation, et non une simple restriction, de la liberté de mouvement qui se caractérise par le fait d’isoler la personne concernée du reste de la population dans un lieu déterminé.

218    Une telle interprétation est confirmée, deuxièmement, par la genèse de cette disposition. Ainsi, il ressort du titre 3, point 4, de l’exposé des motifs de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres [COM(2008) 815 final], à l’origine de la directive 2013/33, que le régime juridique de la rétention, instauré par cette directive, repose sur la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe relative aux mesures de détention des demandeurs d’asile, du 16 avril 2003, ainsi que sur les principes directeurs du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur les critères et les normes applicables quant à la détention des demandeurs d’asile, du 26 février 1999 (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2016, N., C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 63, et du 14 septembre 2017, K., C‑18/16, EU:C:2017:680, point 46).

219    Or, d’une part, ladite recommandation définit les mesures de détention des demandeurs d’asile comme « le fait de maintenir [ceux-ci] dans un périmètre étroitement délimité ou restreint, où ils sont privés de liberté », tout en précisant que « les personnes qui sont assujetties à des restrictions de domicile ou de résidence ne sont généralement pas considérées comme étant soumises à des mesures de détention ».

220    D’autre part, lesdits principes directeurs du HCR définissent la détention des demandeurs d’asile comme « la privation de liberté ou le confinement dans un lieu fermé qu’un demandeur d’asile n’est pas libre de quitter, y compris – mais pas seulement – les prisons ou les centres de détention, d’accueil fermé, de rétention et les établissements construits à cet effet », tout en précisant que « la différence entre la privation de liberté (détention) et les restrictions moindres à la liberté de circulation est une “différence de degré ou d’intensité, non de nature ou d’essence” ».

221    Troisièmement, le contexte dans lequel s’insère l’article 2, sous h), de la directive 2013/33 fait également apparaître que la rétention doit être comprise comme visant une mesure coercitive de dernier recours qui ne se contente pas de limiter la liberté de mouvement du demandeur de protection internationale.

222    Ainsi, l’article 8, paragraphe 2, de cette directive dispose qu’une mesure de rétention ne peut être ordonnée que si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, de ladite directive, les États membres veillent à fixer, dans leur droit national, les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d’une garantie financière ou l’obligation de demeurer dans un lieu déterminé. Cette dernière alternative à la rétention doit être comprise comme renvoyant aux restrictions à la liberté de circulation du demandeur de protection internationale qui sont autorisées par l’article 7 de la directive 2013/33, étant entendu que, conformément à cet article, de telles restrictions ne peuvent porter atteinte à la sphère inaliénable de la vie privée de ce demandeur et doivent lui donner suffisamment de latitude pour garantir l’accès à tous les avantages prévus par cette directive.

223    Il résulte de ce qui précède que la rétention d’un demandeur de protection internationale, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33, constitue une mesure coercitive qui prive ce demandeur de sa liberté de mouvement et l’isole du reste de la population, en lui imposant de demeurer en permanence dans un périmètre restreint et clos.

224    S’agissant, en second lieu, de la notion de « rétention », au sens de la directive 2008/115, il convient de relever que ni l’article 16 ni aucune autre disposition de cette directive ne contient une définition de cette notion. Cela étant, aucun élément ne permet de considérer que le législateur de l’Union ait entendu conférer à la notion de « rétention », dans le contexte de la directive 2008/115, une signification différente de celle revêtue par cette notion dans le contexte de la directive 2013/33. Au demeurant, la directive 2013/33, en particulier son article 8, paragraphe 3, sous d), vise expressément, parmi les cas admissibles de « rétention », au sens de cette directive, un cas dans lequel le ressortissant d’un pays tiers concerné est déjà retenu dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive 2008/115, ce qui conforte l’interprétation selon laquelle la notion de « rétention », au sens de ces deux directives, recouvre une seule et même réalité.

225    Il résulte de ce qui précède que la « rétention » d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre, au sens de la directive 2008/115, constitue une mesure coercitive de même nature que celle qui est définie à l’article 2, sous h), de la directive 2013/33 et décrite au point 223 du présent arrêt.

–       Sur les conditions de placement en cause au principal

226    Ainsi qu’il a été relevé aux points 68 à 70 du présent arrêt, il ressort des décisions de renvoi que les requérants au principal sont tenus, depuis la date de leur entrée sur le territoire hongrois, de demeurer en permanence dans la zone de transit de Röszke, laquelle est entourée d’une haute clôture et de fils barbelés. Selon la juridiction de renvoi, ces requérants sont logés dans des conteneurs dont la surface n’est pas supérieure à 13 m². Ils ne peuvent, sans autorisation, recevoir de visites de personnes extérieures à cette zone et leurs mouvements à l’intérieur de celle-ci sont limités et surveillés par les membres des services de l’ordre présents en permanence dans ladite zone et aux abords immédiats de celle-ci.

227    Comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 167 de ses conclusions, il découle ainsi des dossiers soumis à la Cour que le placement des requérants au principal dans la zone de transit de Röszke ne se distingue pas d’un régime de rétention.

228    À cet égard, il convient de souligner que l’argument soulevé par le gouvernement hongrois, dans ses observations écrites et au cours de l’audience, selon lequel les requérants au principal sont libres de quitter la zone de transit de Röszke pour se rendre en Serbie ne saurait remettre en cause l’appréciation selon laquelle le placement de ces requérants dans cette zone de transit ne se distingue pas d’un régime de rétention.

229    En effet, d’une part, et sans qu’il appartienne à la Cour, dans le cadre des présentes affaires, de se prononcer sur la conformité du comportement des autorités serbes à l’accord de réadmission conclu entre l’Union et la Serbie, il ressort explicitement des décisions de renvoi, et il n’a du reste pas été contesté par le gouvernement hongrois, qu’une éventuelle entrée des requérants au principal en Serbie serait considérée comme illégale par ce pays tiers et que, par conséquent, ceux-ci s’y exposeraient à des sanctions. Partant, notamment pour cette raison, ces requérants ne sauraient être considérés comme ayant une possibilité effective de quitter la zone de transit de Röszke.

230    D’autre part, comme le soulignent en substance les requérants au principal dans l’affaire C‑925/19 PPU, en quittant le territoire hongrois, ces requérants risquent de perdre toute chance d’obtenir le statut de réfugié en Hongrie. En effet, selon l’article 80/J de la loi relative au droit d’asile, ceux-ci ne peuvent déposer une nouvelle demande d’asile que dans l’une des deux zones de transit de Röszke et de Tompa (Hongrie). En outre, il découle de l’article 80/K de la même loi que l’autorité chargée de l’asile peut décider de clore la procédure de protection internationale si le demandeur quitte une de ces deux zones, sans que cette décision puisse être contestée dans le cadre d’une procédure administrative contentieuse.

231    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question, sous b), et à la quatrième question, sous a), que les directives 2008/115 et 2013/33 doivent être interprétées en ce sens que l’obligation faite à un ressortissant d’un pays tiers de demeurer en permanence dans une zone de transit dont le périmètre est restreint et clos, à l’intérieur de laquelle les mouvements de ce ressortissant sont limités et surveillés, et que ce dernier ne peut légalement quitter volontairement, en quelque direction que ce soit, apparaît comme une privation de liberté, caractéristique d’une « rétention » au sens desdites directives.

 Sur les conditions de rétention prévues par les directives 2013/32 et 2013/33

–       Sur l’article 43 de la directive 2013/32

232    Par sa troisième question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 43 de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la rétention d’un demandeur de protection internationale dans une zone de transit pour une durée supérieure à quatre semaines.

233    À titre liminaire, il y a lieu de souligner que le gouvernement hongrois conteste que les demandes d’asile des requérants au principal aient fait l’objet d’une procédure d’examen sur le fondement des dispositions nationales transposant l’article 43 de la directive 2013/32.

234    Il convient toutefois de rappeler que la juridiction de renvoi est seule compétente pour interpréter le droit national ainsi que pour constater et apprécier les faits du litige dont elle est saisie et en tirer les conséquences pour la décision qu’elle est appelée à rendre (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2007, Eind, C‑291/05, EU:C:2007:771, points 18, et du 30 janvier 2020, I.G.I., C‑394/18, EU:C:2020:56, point 50). Il s’ensuit que, s’agissant de l’application de la réglementation nationale pertinente, la Cour doit s’en tenir à la situation que ladite juridiction considère comme établie et qu’elle ne saurait être liée par des hypothèses émises par l’une des parties au principal (voir, en ce sens, arrêts du 8 juin 2016, Hünnebeck, C‑479/14, EU:C:2016:412, point 36, et du 2 avril 2020, Coty Germany, C‑567/18, EU:C:2020:267, point 22).

235    Sous le bénéfice de cette précision, il y a lieu de souligner, en premier lieu, que l’article 43, paragraphe 1, de la directive 2013/32 offre aux États membres la possibilité de prévoir, à leurs frontières ou dans leurs zones de transit, des procédures spécifiques afin de se prononcer sur la recevabilité, au titre de l’article 33 de cette directive, d’une demande de protection internationale présentée en ces lieux ou sur le fond de cette demande dans un des cas prévus à l’article 31, paragraphe 8, de ladite directive, pour autant que ces procédures respectent les principes de base et les garanties fondamentales visés au chapitre II de la même directive. En vertu de l’article 43, paragraphe 2, de la directive 2013/32, ces procédures spécifiques doivent être menées dans un délai raisonnable, étant entendu que, si aucune décision rejetant la demande de protection internationale n’a été adoptée au terme d’un délai de quatre semaines, l’État membre concerné doit accorder au demandeur le droit d’entrer sur son territoire, sa demande devant être traitée au terme de ce délai de quatre semaines conformément à la procédure de droit commun.

236    Il découle également du considérant 38 de la directive 2013/32 qu’une telle procédure à la frontière est destinée à permettre aux États membres de prendre une décision quant aux demandes de protection internationale qui sont présentées à la frontière ou dans une zone de transit d’un État membre avant qu’il ne soit statué sur l’entrée des demandeurs sur son territoire.

237    Les États membres sont ainsi autorisés à imposer aux demandeurs de protection internationale de demeurer, pour une durée maximale de quatre semaines, à leurs frontières ou dans l’une de leurs zones de transit afin d’examiner, avant de statuer sur leur droit d’entrée sur leur territoire, si leur demande n’est pas irrecevable, en vertu de l’article 33 de la directive 2013/32, ou si elle ne doit pas être déclarée comme non fondée conformément à l’article 31, paragraphe 8, de cette directive.

238    Or, une telle situation est envisagée par l’article 8, paragraphe 3, sous c), de la directive 2013/33, en vertu duquel les États membre peuvent placer en rétention un demandeur de protection internationale afin de statuer, dans le cadre d’une procédure, sur son droit d’entrer sur leur territoire. Du reste, l’article 10, paragraphe 5, et l’article 11, paragraphe 6, de la directive 2013/33 font expressément référence aux modalités de rétention d’un demandeur de protection internationale à un poste frontière ou dans une zone de transit dans le cadre de l’application des procédures spécifiques visées à l’article 43 de la directive 2013/32.

239    Il s’ensuit que l’article 43 de la directive 2013/32 autorise les États membres à placer en « rétention », au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33, les demandeurs de protection internationale se présentant à leurs frontières, dans les conditions que cet article 43 énonce et afin de garantir l’effectivité des procédures qu’il prévoit.

240    Or, il découle dudit article 43, paragraphes 1 et 2, qu’une rétention fondée sur ces dispositions ne peut excéder quatre semaines. Bien que la date à compter de laquelle ce délai commence à courir n’y soit pas précisée, il convient de considérer qu’un tel délai débute à compter de la date à laquelle la demande de protection internationale a été introduite, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2013/32, cette date devant être considérée comme celle à laquelle débute la procédure d’examen d’une telle demande.

241    Il s’ensuit que la rétention d’un demandeur de protection internationale dans une zone de transit au-delà d’une période de quatre semaines qui commence à courir à compter de l’introduction de sa demande, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2013/32, ne peut être justifiée en vertu de l’article 43, paragraphes 1 et 2, de cette directive.

242    Cela étant, il convient de relever, en deuxième lieu, que, en vertu de l’article 43, paragraphe 3, de la directive 2013/32, lorsqu’un afflux massif de demandeurs de protection internationale rend impossible l’application des procédures spécifiques instaurées par les États membres, en vertu de l’article 43, paragraphe 1, de cette directive, à leurs frontières ou dans leurs zones de transit, ces procédures peuvent continuer à être appliquées dès lors et aussi longtemps que les demandeurs de protection internationale concernés sont hébergés normalement dans des lieux situés à proximité de ces frontières ou de ces zones de transit.

243    Le paragraphe 3 de l’article 43 de la directive 2013/32 permet donc aux États membres, dans la situation spécifique d’un afflux massif de demandeurs de protection internationale, de continuer à appliquer les procédures prévues au paragraphe 1 de cet article, même si le délai de quatre semaines dans lequel ces procédures doivent normalement être menées, conformément au paragraphe 2 du même article, est dépassé.

244    Il ressort toutefois du libellé même du paragraphe 3 de l’article 43 de cette directive que de telles procédures ne peuvent être maintenues que pour autant que les demandeurs de protection internationale sont, au terme du délai de quatre semaines prévu au paragraphe 2 de cet article, hébergés normalement dans des lieux situés à proximité de la frontière ou de la zone de transit.

245    Or, en exigeant que ces demandeurs soient hébergés dans des conditions normales, l’article 43, paragraphe 3, de la directive 2013/32 a nécessairement exclu qu’ils puissent demeurer en rétention. En effet, les conditions d’hébergement normal des demandeurs de protection internationale sont régies par les articles 17 et 18 de la directive 2013/33, aux termes desquels tout demandeur de protection internationale a, en principe, le droit à une allocation financière lui permettant de se loger ou à un hébergement en nature dans un lieu autre qu’un centre de rétention.

246    Il s’ensuit que l’article 43, paragraphe 3, de la directive 2013/32 n’habilite pas un État membre à placer en rétention les demandeurs de protection internationale à ses frontières ou dans l’une de ses zones de transit au-delà du délai de quatre semaines, mentionné au point 241 du présent arrêt, même lorsqu’un afflux massif de demandeurs de protection internationale rend impossible l’application des procédures visées à l’article 43, paragraphe 1, de cette directive dans un tel délai.

247    Cela étant, il importe d’ajouter que, si, en vertu du paragraphe 2 de l’article 43 de la directive 2013/32, ces demandeurs sont, en principe, libres d’entrer sur le territoire de l’État membre concerné au terme d’un tel délai de quatre semaines, le paragraphe 3 de cet article autorise néanmoins cet État membre à limiter leur liberté de mouvement à une zone située à proximité de ses frontières ou de ses zones de transit, conformément à l’article 7 de la directive 2013/33.

248    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question, sous a), que l’article 43 de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas la rétention d’un demandeur de protection internationale dans une zone de transit pour une durée supérieure à quatre semaines.

–       Sur les articles 8 et 9 de la directive 2013/33

249    Par sa troisième question, sous c) et d), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 8 et 9 de la directive 2013/33 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, premièrement, un demandeur de protection internationale soit placé en rétention au seul motif qu’il ne peut subvenir à ses besoins, deuxièmement, cette rétention ait lieu sans l’adoption préalable d’une décision ordonnant le placement en rétention et sans qu’aient été examinées la nécessité et la proportionnalité d’une telle mesure, troisièmement, le demandeur ainsi retenu ne dispose d’aucun recours pour contester la légalité de son placement et de son maintien en rétention et, quatrièmement, la durée précise du maintien en rétention soit indéterminée.

250    En premier lieu, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33 énumère de manière exhaustive les différents motifs susceptibles de justifier un placement en rétention d’un demandeur de protection internationale et que chacun de ces motifs répond à un besoin spécifique et revêt un caractère autonome (arrêts du 15 février 2016, N., C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, point 59, et du 14 septembre 2017, K., C‑18/16, EU:C:2017:680, point 42).

251    Or, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 189 de ses conclusions, aucun des motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de cette directive ne vise l’hypothèse d’un demandeur de protection internationale qui ne peut subvenir à ses besoins.

252    En outre, s’il est vrai, comme le relève le considérant 17 de ladite directive, que les motifs de placement en rétention qui sont établis dans cette directive sont sans préjudice d’autres motifs de détention, notamment les motifs de détention dans le cadre de procédures pénales, qui sont applicables en vertu du droit national, indépendamment de la demande de protection internationale introduite par le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride, il n’en demeure pas moins que les États membres doivent veiller, lorsqu’ils instaurent de tels motifs de détention, à respecter les principes et l’objectif de la directive 2013/33 (voir, par analogie, arrêt du 6 décembre 2011, Achughbabian, C‑329/11, EU:C:2011:807, point 46).

253    Or, il ressort de l’article 17, paragraphe 3, de la directive 2013/33 que les États membres doivent donner accès aux conditions matérielles d’accueil à tout demandeur de protection internationale qui ne dispose pas des moyens suffisants pour avoir un niveau de vie adapté à sa santé et pour pouvoir assurer sa subsistance.

254    Il s’ensuit qu’un demandeur de protection internationale qui ne dispose pas de moyens de subsistance doit se voir reconnaître soit une allocation financière lui permettant de se loger, soit un hébergement en nature dans un des lieux visés à l’article 18 de ladite directive, lesquels ne sauraient se confondre avec les centres de rétention visés à l’article 10 de la même directive. Partant, l’octroi au demandeur de protection internationale ne disposant pas de moyens de subsistance d’un hébergement en nature, au sens de cet article 18, ne peut avoir pour effet de priver celui-ci de sa liberté de mouvement, sous réserve des sanctions susceptibles de lui être infligées en vertu de l’article 20 de la même directive (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2019, Haqbin, C‑233/18, EU:C:2019:956, point 52).

255    Dès lors, et sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le point de savoir si le placement en rétention d’un demandeur de protection internationale, au motif qu’il ne peut subvenir à ses besoins, est un motif de rétention indépendant de sa qualité de demandeur de protection internationale, il suffit de relever qu’un tel motif porte, en tout état de cause, atteinte au contenu essentiel des conditions matérielles d’accueil qui doivent lui être reconnues au cours de l’examen de sa demande de protection internationale et ne respecte, par conséquent, ni les principes ni l’objectif de la directive 2013/33.

256    Il résulte de ce qui précède que l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33 s’oppose à ce qu’un demandeur de protection internationale soit placé en rétention au seul motif qu’il ne peut subvenir à ses besoins.

257    En deuxième lieu, conformément à l’article 9, paragraphe 2, de la directive 2013/33, le placement en rétention d’un demandeur de protection internationale est ordonné au moyen d’un écrit, par une autorité judiciaire ou administrative, la décision de placement en rétention devant, par ailleurs, indiquer les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée.

258    En outre, l’article 8, paragraphe 2, de cette directive prévoit que le placement en rétention ne peut intervenir que lorsque cela s’avère nécessaire, sur la base d’une appréciation au cas par cas et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. Il s’ensuit que les autorités nationales ne peuvent placer en rétention un demandeur de protection internationale qu’après avoir vérifié, au cas par cas, si une telle rétention est proportionnée aux fins qu’elle poursuit (arrêt du 14 septembre 2017, K., C‑18/16, EU:C:2017:680, point 48).

259    Il résulte de ce qui précède que l’article 8, paragraphes 2 et 3, et l’article 9, paragraphe 2, de la directive 2013/33 s’opposent à ce qu’un demandeur de protection internationale soit placé en rétention sans que la nécessité et la proportionnalité de cette mesure aient été préalablement examinées et sans qu’ait été adoptée une décision administrative ou judiciaire indiquant les motifs de fait et de droit pour lesquels une telle rétention est ordonnée.

260    En troisième lieu, l’article 9, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33 exige que, lorsque le placement en rétention du demandeur de protection internationale est ordonné par une autorité administrative, les États membres prévoient un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité du placement en rétention d’office et/ou à la demande de la personne retenue. En outre, l’article 9, paragraphe 5, de cette directive prévoit que le maintien en rétention fait l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire à intervalles raisonnables, d’office ou à la demande du demandeur concerné.

261    Il résulte de ce qui précède que l’article 9, paragraphes 3 et 5, de la directive 2013/33 s’oppose à ce qu’un État membre ne prévoie aucun contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative ordonnant la rétention d’un demandeur de protection internationale.

262    En quatrième lieu, l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2013/33 dispose qu’un demandeur de protection internationale n’est placé en rétention que pour une durée la plus brève possible et tant que le motif de sa rétention est applicable, les procédures administratives liées à ce motif de rétention devant être exécutées avec toute la diligence voulue et les retards dans ces procédures qui ne sont pas imputables au demandeur ne pouvant justifier une prolongation de la durée de rétention.

263    En revanche, aucune disposition de la directive 2013/33 ne fixe un délai déterminé au-delà duquel les États membres seraient tenus de mettre fin à la rétention des demandeurs de protection internationale. À cet égard, il convient de relever que, alors que l’article 9 de la proposition de directive [COM(2008) 815 final] prévoyait expressément que la décision de placement en rétention devait préciser la durée maximale de la rétention, cette exigence n’apparaît pas dans le texte final de la directive 2013/33.

264    Il importe cependant d’ajouter que l’absence de fixation d’une durée maximale à la rétention d’un demandeur de protection internationale ne respecte son droit à la liberté, tel qu’il est consacré à l’article 6 de la Charte, que pour autant que ce demandeur bénéficie, comme l’exige l’article 9 de la directive 2013/33, de garanties procédurales effectives qui permettent de mettre un terme à sa rétention dès que celle-ci cesse d’être nécessaire ou proportionnée au regard de l’objectif qu’elle poursuit. En particulier, lorsque la rétention d’un demandeur de protection internationale n’est pas encadrée par une limite temporelle, l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), de la directive 2013/32, doit agir avec toute la diligence requise (voir, par analogie, Cour EDH, 22 juin 2017, S.M.M. c. Royaume-Uni, CE:ECHR:2017:0622JUD 007745012, § 84 et jurisprudence citée).

265    Il s’ensuit que l’article 9 de la directive 2013/33 ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre qui ne prévoit pas de délai au terme duquel la rétention d’un demandeur de protection internationale serait automatiquement considérée comme étant irrégulière, pour autant que cet État membre veille à ce que, d’une part, la rétention ne dure que tant que le motif qui la justifie demeure d’application et, d’autre part, les procédures administratives liées à ce motif soient exécutées avec diligence.

266    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question, sous c) et d), que les articles 8 et 9 de la directive 2013/33 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, premièrement, un demandeur de protection internationale soit placé en rétention au seul motif qu’il ne peut subvenir à ses besoins, deuxièmement, cette rétention ait lieu sans l’adoption préalable d’une décision motivée ordonnant le placement en rétention et sans qu’aient été examinées la nécessité et la proportionnalité d’une telle mesure et, troisièmement, il n’existe aucun contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative ordonnant la rétention de ce demandeur. En revanche, l’article 9 de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas que les États membres fixent une durée maximale au maintien en rétention pour autant que leur droit national garantisse que la rétention ne dure que tant que le motif qui la justifie demeure d’application et que les procédures administratives liées à ce motif soient exécutées avec diligence.

 Sur les conditions de rétention prévues par la directive 2008/115

267    Par sa quatrième question, sous b), c) et d), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 15 et 16 de la directive 2008/115 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, premièrement, un ressortissant d’un pays tiers soit placé en rétention au seul motif qu’il fait l’objet d’une décision de retour et qu’il ne peut subvenir à ses besoins, deuxièmement, cette rétention ait lieu sans l’adoption préalable d’une décision ordonnant le placement en rétention et sans qu’aient été examinées la nécessité et la proportionnalité d’une telle mesure, troisièmement, la personne retenue ne dispose d’aucun recours pour contester la légalité de son placement et de son maintien en rétention et, quatrièmement, la durée précise du maintien en rétention soit indéterminée.

268    En premier lieu, il ressort explicitement de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 que la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre ne peut, en l’absence d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, qui pourraient être appliquées efficacement, être justifiée qu’en vue de préparer le retour de ce ressortissant et/ou de procéder à son éloignement, en particulier lorsqu’il existe un risque de fuite ou lorsque ledit ressortissant évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

269    Ainsi, ce n’est que dans l’hypothèse où l’exécution de la décision de retour sous forme d’éloignement risque, au regard d’une appréciation de chaque situation spécifique, d’être compromise par le comportement de l’intéressé que les États membres peuvent procéder à la privation de liberté de ce dernier au moyen d’une rétention (arrêt du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 39).

270    Dès lors, la circonstance que le ressortissant d’un pays tiers fait l’objet d’une décision de retour et n’est pas en mesure de subvenir à ses besoins n’est pas suffisante pour le placer en rétention sur le fondement de l’article 15 de la directive 2008/115.

271    En effet, cette circonstance n’est pas de celles qui seraient susceptibles de menacer l’efficacité des procédures de retour et d’éloignement si une mesure de rétention n’était pas prononcée (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2009, Kadzoev, C‑357/09 PPU, EU:C:2009:741, points 68 et 70).

272    Il résulte de ce qui précède que l’article 15 de la directive 2008/115 s’oppose à ce qu’un ressortissant d’un pays tiers soit placé en rétention au seul motif qu’il fait l’objet d’une décision de retour et qu’il ne peut subvenir à ses besoins.

273    En deuxième lieu, il découle de l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2008/115 que la rétention doit être ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires au moyen d’un acte écrit qui indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est fondée. L’obligation de communiquer lesdits motifs est nécessaire tant pour permettre à la personne concernée de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (arrêt du 5 juin 2014, Mahdi, C‑146/14 PPU, EU:C:2014:1320, points 41 et 45).

274    Par ailleurs, comme l’exposent les considérants 13, 16 et 24 de la directive 2008/115, toute rétention ordonnée en vertu de cette directive est strictement encadrée par les dispositions de son chapitre IV de façon à garantir, d’une part, le respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis, et, d’autre part, le respect des droits fondamentaux des ressortissants concernés de pays tiers. Ainsi, il ressort de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive qu’une rétention ne peut être ordonnée qu’après qu’il a été examiné si d’autres mesures moins coercitives n’étaient pas suffisantes. En outre, comme le confirme le considérant 6 de cette même directive, les décisions prises en vertu de celle-ci, en ce compris les décisions de placement en rétention, doivent, conformément aux principes généraux du droit de l’Union, l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Mahdi, C‑146/14 PPU, EU:C:2014:1320, points 55 et 70).

275    Il découle de ce qui précède que l’article 15, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115 s’oppose à ce qu’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre soit placé en rétention sans que la nécessité et la proportionnalité de cette mesure aient été examinées au préalable et qu’une décision de placement en rétention, indiquant les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est fondée, ait été adoptée.

276    En troisième lieu, l’article 15, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2008/115 dispose que, si la rétention a été ordonnée par des autorités administratives, les États membres prévoient un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention soit d’office, soit à la demande du ressortissant d’un pays tiers concerné. En outre, selon l’article 15, paragraphe 3, de la même directive, en cas de périodes de rétention prolongées, le réexamen de la rétention, qui doit avoir lieu à intervalles raisonnables, doit faire l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire.

277    Il résulte de ce qui précède que l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/115 s’oppose à ce qu’un État membre ne prévoie aucun contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative ordonnant la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire de cet État membre.

278    En quatrième lieu, il ressort de l’article 15, paragraphe 1, dernier alinéa, et paragraphe 4, de la directive 2008/115 que la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier doit être aussi brève que possible et n’être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise, étant entendu que, lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement ou que les conditions ayant justifié le placement en rétention ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée doit être immédiatement libérée.

279    En outre, l’article 15, paragraphes 5 et 6, de la même directive prévoit que chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention qui ne peut pas dépasser six mois, cette période ne pouvant être prolongée que pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires et uniquement pour les cas dans lesquels, malgré tous les efforts raisonnables des autorités nationales, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération du ressortissant d’un pays tiers concerné ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires. Le dépassement de ce délai maximal n’étant, en aucun cas, autorisé, la personne retenue doit, en tout état de cause, être immédiatement remise en liberté dès que la durée maximale de rétention de dix-huit mois est atteinte (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2009, Kadzoev, C‑357/09 PPU, EU:C:2009:741, points 60 et 69).

280    Il s’ensuit que l’article 15, paragraphe 1, et paragraphes 4 à 6, de la directive 2008/115 s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, d’une part, ne prévoit pas que la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier est automatiquement considérée comme irrégulière au terme d’un délai maximal de 18 mois, et, d’autre part, ne garantit pas que cette rétention n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

281    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la quatrième question, sous b), c) et d), que l’article 15 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, premièrement, un ressortissant d’un pays tiers soit placé en rétention au seul motif qu’il fait l’objet d’une décision de retour et qu’il ne peut subvenir à ses besoins, deuxièmement, cette rétention ait lieu sans l’adoption préalable d’une décision motivée ordonnant le placement en rétention et sans qu’aient été examinées la nécessité et la proportionnalité d’une telle mesure, troisièmement, il n’existe aucun contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative ordonnant la rétention et, quatrièmement, cette même rétention puisse excéder 18 mois et être maintenue alors que le dispositif d’éloignement n’est plus en cours ou n’est plus exécuté avec toute la diligence requise.

 Sur les conséquences d’une rétention irrégulière

282    Par sa troisième question, sous e), et sa quatrième question, sous e), la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union et, en particulier, l’article 47 de la Charte doivent être interprétés en ce sens que, lorsque la rétention d’un demandeur de protection internationale ou d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre est manifestement contraire aux règles du droit de l’Union, une juridiction d’un État membre peut, à titre de mesure provisoire, obliger l’autorité nationale compétente à attribuer à la personne retenue illégalement un lieu d’hébergement qui n’est pas un lieu de rétention.

283    À titre liminaire, il importe de souligner que, selon la juridiction de renvoi, ni la décision administrative ayant ordonné le placement des requérants au principal dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux demandeurs d’asile ni celle ayant ordonné leur placement dans le secteur de cette zone de transit réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée n’est susceptible de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

284    Lors de l’audience devant la Cour, le gouvernement hongrois a néanmoins fait état de certaines dispositions procédurales qui, selon lui, permettraient que le placement dans cette zone de transit fasse l’objet d’un contrôle juridictionnel satisfaisant aux exigences du droit de l’Union.

285    Il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter le droit national, de vérifier si une juridiction dispose, en vertu de ce droit, de la possibilité de contrôler la légalité du placement et du maintien des requérants au principal dans la zone de transit de Röszke.

286    Cela étant, comme il a été souligné, en substance, au point 234 du présent arrêt, la Cour doit s’en tenir à la situation que la juridiction de renvoi considère comme établie et elle ne saurait être liée par des hypothèses émises par l’une des parties au principal.

287    Il appartient dès lors à la Cour de déterminer, en premier lieu, si, à supposer que la juridiction de renvoi considère que le placement des requérants au principal dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée constitue une rétention, celle-ci peut, en vertu du droit de l’Union, se déclarer compétente pour contrôler la régularité d’une telle rétention, malgré l’absence de toute disposition nationale permettant d’exercer un tel contrôle juridictionnel.

288    À cet égard, il convient de relever, premièrement, que l’article 15 de la directive 2008/115 est inconditionnel et suffisamment précis et qu’il est, partant, doté d’un effet direct (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2011, El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 46 et 47, ainsi que du 5 juin 2014, Mahdi, C‑146/14 PPU, EU:C:2014:1320, point 54). Pour des motifs similaires, l’article 9 de la directive 2013/33 doit aussi être considéré comme étant doté d’un tel effet.

289    En outre, l’article 15, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2008/115 et l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/33 constituent une matérialisation, dans le domaine considéré, du droit à une protection juridictionnelle effective, garanti à l’article 47 de la Charte. Comme il a été souligné au point 140 du présent arrêt, cet article 47 se suffit à lui-même et ne doit pas être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel.

290    Deuxièmement, une réglementation nationale n’assurant aucun contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative ordonnant la rétention d’un demandeur de protection internationale ou d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier constitue, non seulement, comme il a été relevé aux points 261 et 277 du présent arrêt, une violation de l’article 15, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2008/115 et de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/33, mais méconnaît aussi le contenu essentiel du droit à une protection juridictionnelle effective, garanti à l’article 47 de la Charte, en ce qu’elle empêche, de manière absolue, qu’une juridiction statue sur le respect des droits et libertés qui sont garantis par le droit de l’Union au ressortissant d’un pays tiers placé en rétention.

291    Dès lors, et pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 138 à 146 du présent arrêt, le principe de primauté du droit de l’Union ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, imposent à la juridiction de renvoi, si elle estime que les requérants au principal font l’objet d’une rétention, de se déclarer compétente pour examiner la régularité d’une telle rétention en laissant, au besoin, inappliquée toute disposition nationale qui lui interdirait de procéder en ce sens.

292    Il convient de souligner, en deuxième lieu, que l’article 15, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive 2008/115 et l’article 9, paragraphe 3, dernier alinéa, de la directive 2013/33 disposent expressément que, lorsque la rétention est jugée illégale, la personne concernée doit être libérée immédiatement.

293    Il s’ensuit que, dans un tel cas, la juridiction nationale doit être en mesure de substituer sa propre décision à celle de l’autorité administrative ayant ordonné le placement en rétention et de prononcer soit une mesure alternative à la rétention, soit la remise en liberté de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2014, Mahdi, C‑146/14 PPU, EU:C:2014:1320, point 62). Toutefois, le prononcé d’une mesure alternative à la rétention n’est envisageable que si le motif ayant justifié la rétention de la personne concernée était et demeure valable, mais que cette rétention n’apparaît pas ou n’apparaît plus nécessaire ou proportionnée au regard de ce motif.

294    Dès lors, l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2008/115 et l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2013/33 habilitent, à défaut de toute autre juridiction compétente en vertu du droit national, la juridiction de renvoi à prononcer la libération immédiate des requérants au principal si elle considère que leur placement dans le secteur de la zone de transit de Röszke réservé aux ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée constitue une rétention contraire aux dispositions du droit de l’Union qui y sont applicables.

295    En troisième lieu, s’agissant de la possibilité d’ordonner, à titre de mesures provisoires, à l’autorité administrative compétente d’attribuer aux requérants au principal un hébergement, il convient de relever, s’agissant, premièrement, du demandeur d’une protection internationale, que, si l’article 9, paragraphe 3, dernier alinéa, de la directive 2013/33 se limite à imposer qu’un tel demandeur soit immédiatement libéré, lorsqu’il apparaît que sa rétention est illégale, il n’en demeure pas moins que, après sa libération, ce dernier continue à bénéficier de sa qualité de demandeur de protection internationale et peut, ainsi, se prévaloir des conditions matérielles d’accueil, conformément à l’article 17 de cette directive. Or, comme il a été relevé au point 245 du présent arrêt, parmi ces conditions matérielles d’accueil figure l’octroi d’une allocation financière permettant audit demandeur de se loger ou l’octroi d’un hébergement en nature.

296    Par ailleurs, il découle de l’article 26 de la directive 2013/33 qu’un recours doit être ouvert au demandeur de protection internationale contre les décisions relatives notamment à l’octroi des conditions matérielles d’accueil. Il appartient dès lors à la juridiction compétente, en vertu du droit national, pour connaître d’un tel recours de veiller au respect du droit à l’hébergement du demandeur de protection internationale au cours de l’examen de sa demande, étant entendu que, comme il a été rappelé au point 254 du présent arrêt, un tel hébergement ne peut consister en une rétention de facto.

297    Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge national saisi d’un litige régi par le droit de l’Union doit être en mesure d’accorder des mesures provisoires en vue de garantir la pleine efficacité de la décision juridictionnelle à intervenir sur l’existence des droits invoqués sur le fondement du droit de l’Union (voir, notamment, arrêts du 19 juin 1990, Factortame e.a., C‑213/89, EU:C:1990:257, point 21, ainsi que du 15 janvier 2013, Križan e.a., C‑416/10, EU:C:2013:8, point 107).

298    Il s’ensuit que l’article 26 de la directive 2013/33 impose que le demandeur de protection internationale dont la rétention a pris fin puisse faire valoir, auprès de la juridiction compétente en vertu du droit national, son droit à obtenir soit une allocation financière lui permettant de se loger, soit un hébergement en nature, cette juridiction disposant, en vertu du droit de l’Union, de la possibilité d’accorder des mesures provisoires dans l’attente de sa décision définitive.

299    Il convient encore d’ajouter que, pour des motifs analogues à ceux qui ont été exposés aux points 138 à 146 du présent arrêt, le principe de primauté du droit de l’Union et le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, imposent à la juridiction de renvoi de se déclarer compétente pour connaître du recours visé au point précédent du présent arrêt, si aucune autre juridiction n’est, en vertu du droit national, compétente pour en connaître.

300    S’agissant, deuxièmement, des ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée, il y a lieu de relever que l’article 15, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive 2008/115 se limite, à l’instar de l’article 9, paragraphe 3, dernier alinéa, de la directive 2013/33, à imposer que la personne concernée soit immédiatement libérée lorsqu’il apparaît que sa rétention est illégale.

301    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la troisième question, sous e), et à la quatrième question, sous e), de la manière suivante :

–        Le principe de primauté du droit de l’Union ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à la juridiction nationale, en l’absence de disposition nationale prévoyant un contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision administrative ordonnant le placement en rétention de demandeurs de protection internationale ou de ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée, de se déclarer compétente pour se prononcer sur la légalité d’un tel placement en rétention et habilitent cette juridiction à libérer immédiatement les personnes concernées si elle estime que ce placement constitue une rétention contraire au droit de l’Union.

–        L’article 26 de la directive 2013/33 doit être interprété en ce sens qu’il impose que le demandeur de protection internationale dont la rétention, jugée illégale, a pris fin puisse faire valoir, auprès de la juridiction compétente en vertu du droit national, son droit à obtenir soit une allocation financière lui permettant de se loger, soit un hébergement en nature, cette juridiction disposant, en vertu du droit de l’Union, de la possibilité d’accorder des mesures provisoires dans l’attente de sa décision définitive.

–        Le principe de primauté du droit de l’Union et le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à la juridiction nationale, en l’absence de disposition nationale prévoyant un contrôle juridictionnel du droit à l’hébergement, au sens de l’article 17 de la directive 2013/33, de se déclarer compétente pour connaître du recours visant à garantir un tel droit.

 Sur les dépens

302    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 13 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle la modification, par une autorité administrative, du pays de destination mentionné dans une décision de retour antérieure ne peut être contestée par le ressortissant d’un pays tiers concerné qu’au moyen d’un recours formé devant une autorité administrative, sans que soit garanti un contrôle juridictionnel ultérieur de la décision de cette autorité. En pareille hypothèse, le principe de primauté du droit de l’Union ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à la juridiction nationale saisie d’un recours visant à contester la légalité, au regard du droit de l’Union, de la décision de retour consistant en une telle modification du pays de destination, de se déclarer compétente pour connaître de ce recours.

2)      L’article 33 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale permettant de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de l’État membre concerné par un État dans lequel il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves, au sens de la disposition nationale transposant l’article 15 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, ou dans lequel est assuré un degré de protection adéquat.

3)      La directive 2013/32, lue en combinaison avec l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le principe de coopération loyale découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’une demande d’asile a fait l’objet d’une décision de rejet qui a été confirmée par une décision juridictionnelle définitive avant que la contrariété au droit de l’Union de ladite décision de rejet a été constatée, l’autorité responsable de la détermination, au sens de l’article 2, sous f), la directive 2013/32, n’est pas tenue de réexaminer d’office cette demande. L’article 33, paragraphe 2, sous d), de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens que l’existence d’un arrêt de la Cour constatant l’incompatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale permettant de rejeter une demande de protection internationale comme étant irrecevable au motif que le demandeur est arrivé sur le territoire de l’État membre concerné par un État dans lequel il n’est pas exposé à des persécutions ou à un risque d’atteintes graves ou dans lequel est assuré un degré de protection adéquat, constitue un élément nouveau relatif à l’examen d’une demande de protection internationale, au sens de cette disposition. Par ailleurs, ladite disposition n’est pas applicable à une demande ultérieure, au sens de l’article 2, sous q), de cette directive, lorsque l’autorité responsable de la détermination constate que le rejet définitif de la demande antérieure est contraire au droit de l’Union. Un tel constat s’impose nécessairement à ladite autorité lorsque cette contrariété découle d’un arrêt de la Cour ou a été constatée, à titre incident, par une juridiction nationale.

4)      La directive 2008/115 et la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, doivent être interprétées en ce sens que l’obligation faite à un ressortissant d’un pays tiers de demeurer en permanence dans une zone de transit dont le périmètre est restreint et clos, à l’intérieur de laquelle les mouvements de ce ressortissant sont limités et surveillés, et que ce dernier ne peut légalement quitter volontairement, en quelque direction que ce soit, apparaît comme une privation de liberté, caractéristique d’une « rétention » au sens desdites directives.

5)      L’article 43 de la directive 2013/32 doit être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas la rétention d’un demandeur de protection internationale dans une zone de transit pour une durée supérieure à quatre semaines.

6)      Les articles 8 et 9 de la directive 2013/33 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que, premièrement, un demandeur de protection internationale soit placé en rétention au seul motif qu’il ne peut subvenir à ses besoins, deuxièmement, cette rétention ait lieu sans l’adoption préalable d’une décision motivée ordonnant le placement en rétention et sans qu’aient été examinées la nécessité et la proportionnalité d’une telle mesure, et, troisièmement, il n’existe aucun contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative ordonnant la rétention de ce demandeur. En revanche, l’article 9 de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas que les États membres fixent une durée maximale au maintien en rétention pour autant que leur droit national garantisse que la rétention ne dure que tant que le motif qui la justifie demeure d’application et que les procédures administratives liées à ce motif soient exécutées avec diligence.

7)      L’article 15 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, premièrement, un ressortissant d’un pays tiers soit placé en rétention au seul motif qu’il fait l’objet d’une décision de retour et qu’il ne peut subvenir à ses besoins, deuxièmement, cette rétention ait lieu sans l’adoption préalable d’une décision motivée ordonnant le placement en rétention et sans qu’aient été examinées la nécessité et la proportionnalité d’une telle mesure, troisièmement, il n’existe aucun contrôle juridictionnel de la légalité de la décision administrative ordonnant la rétention et, quatrièmement, cette même rétention puisse excéder 18 mois et être maintenue alors que le dispositif d’éloignement n’est plus en cours ou n’est plus exécuté avec toute la diligence requise.

8)      Le principe de primauté du droit de l’Union ainsi que le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à la juridiction nationale, en l’absence de disposition nationale prévoyant un contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision administrative ordonnant le placement en rétention de demandeurs de protection internationale ou de ressortissants de pays tiers dont la demande d’asile a été rejetée, de se déclarer compétente pour se prononcer sur la légalité d’un tel placement en rétention et habilitent cette juridiction à libérer immédiatement les personnes concernées si elle estime que ce placement constitue une rétention contraire au droit de l’Union.

L’article 26 de la directive 2013/33 doit être interprété en ce sens qu’il impose que le demandeur de protection internationale dont la rétention, jugée illégale, a pris fin puisse faire valoir, auprès de la juridiction compétente en vertu du droit national, son droit à obtenir soit une allocation financière lui permettant de se loger, soit un hébergement en nature, cette juridiction disposant, en vertu du droit de l’Union, de la possibilité d’accorder des mesures provisoires dans l’attente de sa décision définitive.

Le principe de primauté du droit de l’Union et le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à la juridiction nationale, en l’absence de disposition nationale prévoyant un contrôle juridictionnel du droit à l’hébergement, au sens de l’article 17 de la directive 2013/33, de se déclarer compétente pour connaître du recours visant à garantir un tel droit.


Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.