Language of document : ECLI:EU:F:2008:179

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

18 décembre 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure – Exposé sommaire des moyens dans la requête – Procédure de notation – Désignation de l’évaluateur et de l’évaluateur de contrôle – Absence d’acte faisant grief – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑64/08,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Bart Nijs, fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Bereldange (Luxembourg), représenté par Mes F. Rollinger et A. Hertzog, avocats,

partie requérante,

contre

Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. T. Kennedy, J.-M. Stenier et G. Corstens, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Boruta et M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2008, M. Nijs demande l’annulation de la décision du 27 septembre 2007 du secrétaire général de la Cour des comptes des Communautés européennes, agissant en sa capacité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), par laquelle il a désigné le directeur de la traduction de la Cour des comptes comme évaluateur du requérant et s’est désigné lui-même comme évaluateur de contrôle aux fins de la procédure de notation, ainsi que la réparation du préjudice moral prétendument subi.

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant, fonctionnaire de la Cour des comptes depuis le 1er janvier 1996, est affecté, en qualité de traducteur, à la direction de la traduction de cette institution.

3        Par décision de l’AIPN du 27 septembre 2006, une enquête administrative au titre de l’article 2 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») avait été ouverte à l’encontre du requérant en raison notamment de la teneur d’une lettre que celui-ci avait adressée à une de ses collègues. Par décision du 26 septembre 2006 prenant effet le même jour, le requérant avait été suspendu de ses fonctions.

4        Le 27 avril 2007, à la lumière du rapport clôturant l’enquête administrative, l’AIPN a saisi le conseil de discipline, qui, le 6 juillet suivant, a rendu son avis selon lequel les faits reprochés au requérant, constitutifs d’un harcèlement moral, devraient entraîner la sanction disciplinaire prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous g), de l’annexe IX du statut, à savoir le classement dans un groupe de fonctions inférieur, sans rétrogradation, ce qui équivaudrait en l’espèce au classement dans le groupe de fonctions AST, avec le maintien du grade 10.

5        Par décision du 5 septembre 2007, l’AIPN, après avoir entendu le requérant, a décidé de rétrograder ce dernier du grade AD 10, échelon 6, au grade AD 9, échelon 5, sanction prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous f), de l’annexe IX du statut, avec effet au 1er octobre 2007. Selon l’AIPN, le classement du requérant dans le groupe de fonctions AST aurait eu pour conséquence de ne plus lui permettre d’exercer les fonctions de traducteur, ce qui l’aurait privé, dans une très large mesure, de ses perspectives professionnelles à la Cour des comptes. Une telle sanction a été jugée trop sévère par l’AIPN au regard de la gravité des faits constatés.

6        La suspension du requérant de ses fonctions a été levée avec effet au 1er octobre 2007. En vertu de la décision attaquée, notifiée au requérant le 3 octobre suivant, ce dernier a repris son travail de traducteur, toutefois sous l’autorité directe du directeur de la traduction et non pas du chef de l’unité néerlandaise de la traduction. Par cette même décision, le secrétaire général de la Cour des comptes a désigné le directeur de la traduction comme évaluateur du requérant et s’est lui-même désigné comme évaluateur de contrôle aux fins de l’application de l’article 43 du statut en matière de notation.

7        Par note du 2 janvier 2008, le requérant a introduit, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation à l’encontre de la décision attaquée.

8        Cette réclamation a été rejetée par l’AIPN par décision du 29 avril 2008.

 Conclusions des parties

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« – [d]ire le recours recevable [;]

–        [l]e dire fondé[ ;]

–        [p]artant, annuler la décision du secrétaire général de la Cour des comptes, communiquée au requérant le 3 octobre 2007, de désigner le [d]irecteur de la [t]raduction […] comme évaluateur du requérant, et d’être lui-même son évaluateur de contrôle [;]

–        [c]ondamner la Cour des comptes à la réparation du préjudice moral subi par le requérant, à hauteur de 25 000 euros [;]

–        [c]ondamner la Cour des comptes aux dépens. »

10      La Cour des comptes conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      rejeter le recours comme manifestement irrecevable dans son ensemble ou, à titre subsidiaire, comme en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé ou, à titre encore plus subsidiaire, comme manifestement non fondé dans son ensemble ;

–      condamner le requérant aux dépens. »

 En droit

11      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou non fondé, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

12      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur la recevabilité du recours et décide, en application de l’article 76 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

13      Sans qu’il soit besoin d’examiner la question de savoir si la requête répond aux exigences de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, ainsi que le soutient la Cour des comptes en défense, il convient de constater que le recours en annulation n’est pas dirigé contre un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

14      En effet, en ce qu’elle désigne l’évaluateur et l’évaluateur de contrôle, la lettre du 27 septembre 2007 du secrétaire général de la Cour des comptes n’a aucune portée décisoire dès lors qu’elle se borne à informer le supérieur hiérarchique direct du requérant que, en application des articles 6 et 7 de la décision de la Cour des comptes n° 51‑2005 relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE »), il était l’évaluateur de ce dernier et qu’il en était lui-même l’évaluateur de contrôle. Une telle information découle directement des textes applicables, de telle sorte que le courrier du 27 septembre 2007 ne contient, à cet égard, aucune décision de désignation.

15      En conséquence, même en l’absence du courrier du 27 septembre 2007, la situation juridique du requérant aurait été identique, la désignation de son évaluateur et de son évaluateur de contrôle découlant de la seule application des articles 6 et 7 des DGE, ce qui n’empêche que la légalité de ces dispositions puisse le cas échéant par voie incidente, être contestée à l’occasion de l’adoption d’un acte faisant grief, tel le rapport final d’évaluation.

16      En tout état de cause, il découle d’une jurisprudence constante que constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (ordonnance du Tribunal de première instance du 7 septembre 2005, Krahl/Commission, T‑358/03, RecFP p. I‑A‑215 et II‑993, point 38 ; arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, RecFP p. I‑A‑1‑55 et II‑A‑1‑199, point 33, et ordonnance du Tribunal du 24 mai 2007, Lofaro/Commission, F‑27/06 et F‑75/06, non encore publiée au Recueil, point 57, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑293/07 P). Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, en principe, seules les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale, constituent des actes attaquables, la régularité des mesures intermédiaires pouvant cependant être contestée de façon incidente à l’occasion d’un recours dirigé contre les actes attaquables (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 avril 1965, Weighardt/Commission, 11/64, Rec. p. 365, 383, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, point 23 ; arrêt du Tribunal de première instance du 22 juin 1990, Marcopoulos/Cour de justice, T‑32/89 et T‑39/89, Rec. p. II‑281, point 21).

17      Or, à supposer même que l’on puisse attribuer une portée décisoire à la lettre du 27 septembre 2007, la désignation de l’évaluateur et de l’évaluateur de contrôle aux fins de la procédure de notation constitue une mesure intermédiaire, dont l’objectif est de préparer la décision finale portant sur l’évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite dans le service du fonctionnaire, en application de l’article 43 du statut. La régularité d’une telle mesure ne peut donc être mise en cause qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre le rapport final d’évaluation (voir, par analogie, arrêt Marcopoulos/Cour de justice, précité, point 22, à propos d’une décision de nomination des membres d’un jury de concours).

18      Il s’ensuit que la demande en annulation doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

19      Il doit en aller de même, par voie de conséquence, de la demande indemnitaire qui lui est étroitement liée, dès lors que le préjudice moral invoqué par le requérant trouverait son origine dans la prétendue illégalité de la décision attaquée (arrêt de la Cour du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, 480 ; arrêt du Tribunal de première instance du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, RecFP p. I‑A‑75 et II‑341, points 117 et 118).

20      Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre relatif aux dépens, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est que partiellement condamnée aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

22      Il résulte de la présente ordonnance que le requérant est la partie qui succombe. En outre, la Cour des comptes a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner le requérant aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      M. Nijs est condamné à l’ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kanninen

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.