Language of document : ECLI:EU:T:2019:211

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

2 avril 2019 (*) (1)

« Fonction publique – Agents contractuels – Contrat à durée indéterminée – Article 47, sous c), i), du RAA – Résiliation moyennant préavis – Motifs de résiliation – Rupture du lien de confiance – Intérêt du service – Erreur manifeste d’appréciation – Devoir de sollicitude – Principe de bonne administration – Articles 30 et 41 de la charte des droits fondamentaux – Incident de procédure – Publication sur Internet de documents versés au dossier de la procédure devant le Tribunal – Article 17 du statut »

Dans l’affaire T‑492/17,

Stephan Fleig, ancien agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Berlin (Allemagne), représenté par Me H. Tettenborn, avocat,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. S. Marquardt, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 19 septembre 2016 par laquelle le directeur de la direction « Ressources humaines » du SEAE, agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, a résilié le contrat d’engagement du requérant avec effet au 19 juin 2017 et, d’autre part, à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi par suite de cette décision,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 décembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En vertu d’un contrat d’une durée initiale de trois ans couvrant la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2009, le requérant, M. Stephan Fleig, a été engagé par la Commission européenne en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III, conformément à l’article 3 bis, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »). Le requérant a été affecté à la direction générale (DG) « Relations extérieures », en tant qu’informaticien principal régional de la délégation de la Commission à Alger (Algérie, ci-après la « délégation à Alger »).

2        Le requérant a été réaffecté auprès de la délégation de la Commission à Kiev (Ukraine, ci-après la « délégation à Kiev ») à partir du 16 mars 2010, en vue d’occuper l’un des deux postes d’informaticien principal régional responsable pour plusieurs pays d’Europe orientale.

3        À partir du 29 juin 2010, le requérant a été engagé par la Commission en vertu d’un contrat à durée indéterminée. L’article 6 de ce contrat disposait que, conformément à l’article 119 du RAA, il pouvait être mis fin audit contrat pour les motifs visés aux articles 47 à 50 bis du RAA, dans les conditions fixées à ces articles.

4        Conformément à la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du Service européen pour l’action extérieure (JO 2010, L 201, p. 30), le requérant a été transféré, le 1er janvier 2011, de la Commission au Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et est resté affecté à la délégation à Kiev.

5        Le 21 janvier 2011, le requérant, inquiet du fait qu’il tombait souvent malade, a pris contact avec le service médical de la Commission à Bruxelles (Belgique, ci-après le « service médical »), responsable pour le personnel du SEAE. Le 14 avril 2011, un médecin-conseil dudit service a examiné le requérant et a conclu qu’il était en bonne santé.

6        Par la suite, le requérant a été absent pour cause de maladie du 5 au 10 octobre 2011, du 22 novembre 2011 au 14 février 2012 et, de manière permanente, à partir du 12 mars 2012.

7        En octobre 2011, le requérant a informé le SEAE qu’un problème de nature psychologique (ci-après l’« affection psychologique ») avait été décelé par un psychologue qu’il avait consulté durant ses vacances en Allemagne et qu’il suivait une psychothérapie, mais que, eu égard à la difficulté, voire à l’impossibilité, de trouver à Kiev un praticien parlant l’allemand ou l’anglais, cette psychothérapie était dispensée par téléphone, situation qu’il estimait insatisfaisante. Le SEAE lui a communiqué l’avis qu’il avait sollicité du service médical, émanant du docteur S. D., selon lequel une évacuation sanitaire, prévue en cas d’urgence médicale, ne pouvait pas être envisagée pour des raisons linguistiques. Dans un courriel adressé directement au requérant le 18 janvier 2012, le docteur S. D. lui a également indiqué qu’une évacuation sanitaire ne pouvait pas avoir lieu pour une psychothérapie hebdomadaire.

8        Par un courriel du 8 février 2012, le requérant a informé le docteur S. D. de l’existence d’un autre problème de santé, à savoir une inflammation de la glande thyroïde, survenue en octobre 2011, et qui venait de récidiver, ce qui avait justifié la réalisation d’examens approfondis (ci-après l’« affection physiologique »). Dans sa réponse du 10 février 2012, le docteur S. D. a évoqué la possibilité d’une évacuation sanitaire s’il s’avérait que l’affection physiologique nécessitait une intervention chirurgicale.

9        Le 13 mars 2012, le requérant a adressé au docteur S. D. un courriel par lequel il indiquait qu’un médecin nouvellement consulté lui recommandait de subir une telle intervention. L’attestation médicale du même jour qui était jointe à ce courriel contenait un avis selon lequel le requérant devait retourner immédiatement en Allemagne pour un plus ample traitement de ses affections physiologique et psychologique.

10      Sur la base de cette attestation, l’évacuation sanitaire d’urgence du requérant, de Kiev à Berlin (Allemagne), fut autorisée à partir du 20 mars 2012.

11      Avant son départ, le requérant a été informé des dispositions applicables en cas d’évacuation sanitaire. Il a également reçu confirmation du fait qu’il devait adresser les certificats d’incapacité de travail au docteur A.‑G., du service du contrôle médical, dont il devrait obtenir une autorisation préalable au cas où il devrait quitter Berlin. En outre, il lui a été demandé de prendre contact avec un membre du personnel identifié afin d’assurer la mise à jour de sa situation administrative dans le système informatique de gestion du personnel.

12      Le requérant a transmis la copie d’une réservation à l’hôtel NH Heinrich-Heine de Berlin pour la période du 20 au 25 mars 2012 et a indiqué qu’il chercherait une formule d’hébergement moins onéreuse pour la suite de son séjour.

13      Entre le 20 mars 2012 et le mois de janvier 2014, le requérant a résidé à divers endroits en Allemagne et a été hospitalisé dans plusieurs établissements hospitaliers établis en Allemagne pour le traitement de son affection psychologique.

14      Durant la même période, son dossier a été suivi, notamment, par le service du personnel du siège du SEAE, par la délégation à Kiev et par le service du contrôle médical, s’agissant de son congé de maladie, en la personne du docteur A.‑G., ainsi que par le service médical, s’agissant de son évacuation sanitaire, en la personne du docteur S. D., et, à partir de février 2013, s’agissant d’une procédure d’invalidité, en la personne du docteur I. D., puis du docteur K. Ce suivi a donné lieu à de multiples contacts ou tentatives de contact avec le requérant.

15      Entre les 2 et 25 mars 2013, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ainsi que cinq demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut, relatives à des allégations de manquements divers, lesquels lui auraient porté préjudice, qui auraient été commis soit durant l’exercice de ses fonctions à la délégation à Alger, soit en rapport avec la prise en charge de ses problèmes de santé depuis 2011. Cette réclamation et ces demandes avaient trait, notamment, à des carences du service médical, à la divulgation irrégulière d’informations médicales, à des faits de non-assistance à personne en danger, à des accusations mensongères qui auraient été portées contre lui, à l’utilisation abusive de ses coordonnées de contact d’urgence et à la violation de sa vie privée ainsi qu’à des faits de harcèlement moral. Ladite réclamation et lesdites demandes visaient diverses personnes, identifiées ou non, membres du personnel de la Commission ou du SEAE, et portaient sur l’ouverture de procédures d’enquête, l’engagement d’actions disciplinaires et la compensation intégrale des préjudices moraux et matériels qu’aurait subis le requérant en raison des faits ainsi dénoncés.

16      La réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut a été rejetée comme étant irrecevable et en tout cas non fondée par décision du 25 juin 2013. Les diverses demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut ont également été rejetées comme étant non fondées en fait ou en droit par décision du 14 novembre 2013. Ces décisions n’ont pas fait l’objet de recours ou de réclamation.

17      Par lettre du 29 janvier 2014, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») du SEAE a décidé de résilier le contrat d’engagement du requérant conformément à l’article 47, sous c), i), et à l’article 119 du RAA (ci-après la « décision de résiliation initiale »).

18      Cette décision était fondée sur deux motifs.

19      Le premier motif consistait dans la perte de confiance envers le requérant, imputée à son comportement, résultant, d’une part, du non-respect des obligations découlant de l’article 20 et de l’article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, relatives à la communication de l’adresse de résidence et du lieu de séjour en cas de maladie ou d’accident, étant allégué que le défaut de coopération à cet égard avait gêné les contacts du SEAE et du service médical avec le requérant, et, d’autre part, d’une coopération considérée comme insuffisante dans le cadre de la procédure d’invalidité qui était en cours. Par son second motif, l’AHCC du SEAE faisait état de l’intérêt du service, eu égard aux difficultés rencontrées au sein de la délégation à Kiev en ce qui concerne le personnel et le support informatique, fonction exercée par le requérant.

20      Le 29 avril 2014, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision de résiliation initiale sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut (ci-après la « réclamation de 2014 »).

21      Par décision du 27 août 2014, notifiée au requérant le 1er septembre suivant, l’AHCC du SEAE a rejeté ladite réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation de 2014 »).

22      Dans cette décision, l’AHCC a rappelé de manière circonstanciée l’historique des événements depuis le mois d’octobre 2011, et en particulier depuis l’évacuation sanitaire du requérant dans le courant du mois de mars 2012, en soulignant ceux qui, selon cette autorité, étaient démonstratifs des manquements reprochés au requérant. Ainsi, l’AHCC relevait plusieurs éléments factuels concrets dont il ressortait, selon elle, que, au regard de ses obligations statutaires, le requérant avait omis de tenir l’administration informée, notamment le service des ressources humaines de la délégation à Kiev, en ne lui fournissant pas en temps utile chacune des adresses auxquelles il avait successivement séjourné au cours des années 2012 et 2013

23      Il a été précisé dans la décision de rejet de la réclamation de 2014 que le défaut de coopération reproché au requérant visait son comportement non seulement dans le cadre de la procédure d’invalidité, mais aussi à l’égard du contrôle médical relatif à son congé de maladie et à son évacuation sanitaire. L’AHCC a également mentionné, en ce qui concerne la rupture du lien de confiance, le fait que le requérant avait menacé le SEAE de divulguer ou de publier des documents ou des notes relatifs à des erreurs ou à des manquements qui auraient été commis par ce service ou par la Commission et que, entre décembre 2012 et août 2013, le requérant avait introduit onze demandes ou réclamations, visant à l’ouverture d’enquêtes administratives, à l’engagement de poursuites disciplinaires ou au paiement de dommages et intérêts, demandes et réclamations qui avaient toutes donné lieu à des décisions de rejet. En outre, l’AHCC a fait état des difficultés concrètes auxquelles la délégation à Kiev aurait été confrontée en raison de l’absence prolongée du requérant, dont la charge de travail avait été entièrement reportée sur le seul membre du personnel qui exerçait les mêmes fonctions que lui.

24      Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 8 décembre 2014 par lequel il demandait notamment, en substance, l’annulation de la décision de résiliation initiale ainsi que la condamnation du SEAE à lui payer un montant correspondant à la différence entre les salaires qu’il aurait perçus en l’absence de résiliation de son contrat et les salaires et les prestations qu’il avait effectivement perçus. Afin d’appuyer ce recours, il a annexé à la requête un certain nombre de pièces.

25      Par arrêt du 5 février 2016, GV/SEAE (F‑137/14, EU:F:2016:14), le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de résiliation initiale pour violation du droit d’être entendu. Cet arrêt est devenu définitif.

26      Le 30 juin 2016, l’AHCC du SEAE a informé le requérant de son intention de mettre de nouveau fin à son contrat, conformément à l’article 47, sous c), i), du RAA, pour les motifs mentionnés dans la décision de résiliation initiale, l’invitant à faire connaître ses observations à cet égard.

27      Dans ses observations en réponse, transmises par lettre du 28 juillet 2016, le requérant a contesté le bien-fondé de ce projet de décision, réitérant l’essentiel des critiques qu’il avait émises à l’égard de la décision de résiliation initiale. Il a également souligné, s’agissant du second motif, relatif à l’intérêt du service, que l’opportunité de le licencier en 2016 ne pouvait pas être évaluée sur la base de la situation au sein de la délégation à Kiev telle que cette situation se présentait au moment de l’adoption de la décision de résiliation initiale, intervenue en 2014, en raison de la réorganisation du service informatique qui aurait entraîné le transfert des fonctions de support informatique régional vers une autre délégation.

28      Par lettre du 19 septembre 2016, le directeur de la direction « Ressources humaines » du SEAE, agissant en qualité d’AHCC du SEAE, a mis fin au contrat d’engagement du requérant avec effet au 19 juin 2017 (ci-après la « décision attaquée »). En ce qui concerne le premier motif de licenciement, en dépit des éléments invoqués par le requérant dans ses observations, l’AHCC a maintenu que le comportement de ce dernier entre le 1er janvier 2011 et la fin de l’année 2013 avait provoqué une rupture du lien de confiance entre les parties. S’agissant du second motif de licenciement, relatif à l’intérêt du service au regard de la situation de la délégation à Kiev, l’AHCC a admis que la situation au sein de cette délégation s’était modifiée depuis 2014. Néanmoins, sur la base d’un nouvel examen de la situation générale du personnel du SEAE, y compris dans les délégations, et des besoins du service, l’AHCC a considéré qu’il n’existait aucun besoin prévisible en personnel informatique supplémentaire au sein du SEAE et qu’elle ne voyait dès lors pas de possibilité de proposer au requérant un poste correspondant à sa qualification et à ses compétences professionnelles.

29      Le 18 décembre 2016, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision attaquée (ci-après la « réclamation de 2016 »).

30      Par décision du 19 avril 2017, l’AHCC du SEAE a rejeté cette réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation de 2016 »).

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2017, le requérant a introduit le présent recours.

32      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        l’indemniser du préjudice moral subi en lui octroyant un montant devant être fixé ex æquo et bono ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

33      Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

34      Par lettre du 4 décembre 2017, le SEAE a informé le Tribunal de plusieurs faits qu’il imputait au requérant et qu’il considérait comme susceptibles de constituer une violation du principe de confidentialité de la présente procédure. Cette communication a été versée au dossier de la procédure et communiquée au requérant, lequel a pu faire valoir ses observations dans le cadre de la réplique.

35      Lors de l’audience, le requérant a, en substance, contesté la recevabilité des pièces annexées à la duplique, au motif qu’elles auraient été présentées tardivement, et demandé à ce qu’elles soient écartées ou, à défaut, à pouvoir disposer du droit de présenter des observations écrites sur ces pièces.

 En droit

 Sur l’objet du recours

36      Il convient d’observer que le requérant n’a pas formellement présenté de conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation de 2016. Toutefois, dans ses conclusions en annulation de la décision attaquée, il a demandé que celle-ci soit annulée « dans [sa] version résultant [de la décision de rejet de la réclamation de 2016] ».

37      En l’espèce, par la décision de rejet de la réclamation de 2016, l’AHCC a été amenée à compléter la motivation de la décision attaquée, notamment en répondant aux griefs que le requérant avait avancés dans sa réclamation. Ainsi, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation de 2016 doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de l’acte initial faisant grief, à savoir la décision attaquée, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (arrêts du 13 juin 2012, Mocová/Commission, F‑41/11, EU:F:2012:82, point 21, et du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 35).

38      Partant, le présent recours doit être considéré comme étant dirigé contre la décision attaquée telle que complétée, en dernier lieu, par la décision de rejet de la réclamation de 2016.

 Sur les conclusions en annulation

39      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant présente trois moyens, tirés :

–        le premier, d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne les reproches formulés par l’AHCC dans la décision attaquée et l’intérêt du service invoqué dans ladite décision ;

–        le deuxième, d’une violation par le SEAE de son devoir de sollicitude, des principes de bonne administration et de proportionnalité ainsi que des articles 30 et 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ;

–        le troisième, d’une violation du droit d’être entendu concernant le motif de la décision attaquée relatif à l’intérêt du service.

40      À titre liminaire, en premier lieu, il y a lieu de relever, s’agissant des moyens présentés à l’appui des conclusions en annulation, que, au point 112 de la requête, sous les titre et sous-titre « Bien-fondé du recours » et « Premier chef de demande », le requérant renvoie, d’une part, aux considérations qui suivent et qui figurent sous des sous-titres qui permettent de les identifier comme comportant l’exposé, respectivement, des premier, deuxième et troisième moyens, et, d’autre part, « aux développements et considérations juridiques exposés dans l’exposé des faits ci-dessus ou dans la réclamation [qu’il a introduite] contre la décision attaquée ».

41      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir les moyens et un exposé de ceux-ci. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle, le cas échéant, sans autre information à l’appui (arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 191).

42      En outre, il est nécessaire que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le recours se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Corporación Empresarial de Materiales de Construcción/Commission, T‑250/12, EU:T:2015:749, point 101 et jurisprudence citée).

43      Il en découle que, premièrement, le Tribunal ne saurait se prononcer sur les mérites d’un recours en se référant à des développements juridiques qui ne sont pas contenus dans la requête. Partant, le renvoi opéré par le requérant « aux développements et considérations juridiques exposés [...] dans la réclamation [qu’il a introduite] contre la décision attaquée » ne saurait être pris en considération.

44      Deuxièmement, la partie requérante est tenue d’exposer d’une manière suffisamment systématique les développements relatifs à chaque moyen qu’elle présente, sans que le Tribunal puisse être contraint, du fait du manque de structure de la requête ou de rigueur de cette partie, de reconstituer l’articulation juridique censée soutenir un moyen en rassemblant divers éléments épars de la requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui donnant une portée qu’il n’avait pas dans l’esprit de ladite partie. En décider autrement serait contraire, à la fois, à une bonne administration de la justice, au principe dispositif ainsi qu’aux droits de la défense de la partie défenderesse.

45      Partant, il y a lieu d’apprécier le bien-fondé des moyens présentés par le requérant en examinant les articulations juridiques contenues aux points 108 et suivants de la requête, le renvoi aux développements et aux considérations juridiques exposés dans l’exposé des faits ou dans la réclamation contre la décision attaquée devant être écarté comme irrecevable.

46      En second lieu, s’agissant de la motivation de la décision attaquée, il y a lieu de constater que cette décision renvoie à la lettre de l’AHCC du SEAE du 30 juin 2016, laquelle se référait elle-même à la décision de résiliation initiale.

47      Conformément à la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus, la décision de résiliation initiale est elle-même indissociable de la décision de rejet de la réclamation de 2014. En outre, il y a lieu de relever que l’AHCC du SEAE s’est référée à de multiples reprises à cette dernière décision dans la décision de rejet de la réclamation de 2016, notamment de façon générale, dans la mesure où la réclamation de 2016 reprenait les arguments contenus dans la réclamation de 2014. À cet égard, l’AHCC du SEAE a constaté que, dès lors que la décision de résiliation initiale avait été annulée par l’arrêt du 5 février 2016, GV/SEAE (F‑137/14, EU:F:2016:14), uniquement pour violation du droit d’être entendu, il n’y avait pas d’obstacle à ce que fût adoptée une nouvelle décision identique à cette décision de résiliation initiale.

48      En conséquence, eu égard aux renvois explicite et implicites que comporte la décision attaquée, le contenu de celle-ci doit être déterminé en tenant compte des motifs de la décision de résiliation initiale telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation de 2014.

49      Partant, et conformément à ce qui a été exposé aux points 18, 19, 22 et 23 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est fondée sur deux motifs. Le premier motif de licenciement est le constat, opéré en janvier 2014, d’une grave perte de confiance et de la disparition de toute base d’une relation de confiance, en d’autres termes, d’une rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant. Ce constat est motivé par l’allégation de divers comportements du requérant depuis son évacuation sanitaire en mars 2012, la mention, dans la décision attaquée, de la date du 1er janvier 2011, qui correspond à la date du transfert du requérant de la Commission au SEAE, constituant une erreur matérielle manifeste. Les comportements visés, qui auraient été contraires au statut ainsi qu’au devoir de coopération et de loyauté du requérant envers l’administration, sont, premièrement, le non-respect de ses obligations statutaires concernant son lieu de résidence après son évacuation sanitaire, deuxièmement, un manque de coopération dans le cadre du suivi de sa situation médicale, troisièmement, la profération de menaces de divulgation ou de publication de documents ou d’informations relatifs au SEAE ou au service médical et, quatrièmement, l’introduction, en mars 2013, d’une réclamation et de plusieurs demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut ayant toutes fait l’objet de décisions de rejet. Le second motif de licenciement du requérant est l’intérêt du service.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne les reproches formulés par l’AHCC dans la décision attaquée et l’intérêt du service

50      Eu égard aux précisions contenues au point 49 ci-dessus, il y a lieu de considérer que le premier moyen comporte, en substance, deux branches, par lesquelles le requérant critique la décision attaquée en ce qu’elle comporterait des erreurs manifestes d’appréciation concernant, d’une part, le constat d’une rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant en raison de divers comportements de ce dernier et, d’autre part, l’intérêt du service.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation concernant le premier motif de licenciement, relatif à la rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant

51      Par la première branche, le requérant soutient, en substance, que le premier motif de licenciement, relatif à la rupture du lien de confiance entre le SEAE et lui-même, procède d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits qui motivent le constat de cette rupture, privant cette appréciation de toute plausibilité, tout en y mêlant des considérations relatives à la violation de certains de ses droits, du principe de proportionnalité et du devoir de sollicitude.

52      Dans la requête, il présente à cet égard trois griefs, par lesquels il critique les appréciations de l’AHCC du SEAE selon lesquelles, premièrement, il n’aurait pas satisfait à ses obligations statutaires concernant ses changements d’adresse, deuxièmement, il aurait fait preuve d’un manque de coopération dans le cadre du contrôle médical lié à son congé de maladie et, troisièmement, il aurait fait preuve d’un manque de coopération dans le cadre de la procédure d’invalidité.

53      Le SEAE conteste le bien-fondé de la présente branche.

54      Il convient de rappeler que, d’une part, en vertu de l’article 47, sous c), du RAA, l’AHCC a le pouvoir de résilier un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée en respectant le délai de préavis prévu au contrat et à l’issue duquel la décision de licenciement prend effet et, sous réserve de l’obligation de motivation qui pèse sur l’AHCC, celle-ci dispose d’un large pouvoir d’appréciation en cette matière, de sorte que le contrôle du juge de l’Union européenne est limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2011, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P, EU:T:2011:338, point 84 et jurisprudence citée).

55      D’autre part, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être détectée de façon évidente, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation. Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise en conséquence suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme justifiée et cohérente (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 95 et jurisprudence citée).

56      En tant que, dans le cadre de la présente branche, le requérant invoque, de façon complémentaire, une violation du principe de proportionnalité, il découle de la jurisprudence rappelée aux points 54 et 55 ci-dessus que ce reproche ne saurait prospérer. En effet, la régularité de la décision attaquée en ce qui concerne les appréciations sur lesquelles elle repose dépend de la question de savoir si elles sont entachées d’erreurs manifestes et, donc, de critères particuliers.

57      Par ailleurs, les arguments du requérant relatifs à de supposés manquements antérieurs du SEAE à ses obligations envers lui, tel le devoir d’assistance, à les supposer suffisamment précis pour être recevables, sont étrangers à la question de savoir si une décision de licenciement est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

58      En l’occurrence, le motif de licenciement critiqué par la présente branche, relatif à la rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant, procède d’une appréciation globale de divers comportements reprochés à ce dernier, qui, en substance, correspondraient à des manquements au statut ainsi qu’à son devoir de coopération et de loyauté envers l’administration. Par conséquent, ces comportements doivent être examinés non pas isolément, mais dans leur ensemble, pour déterminer si, comme le requérant le soutient, l’appréciation du SEAE selon laquelle le lien de confiance entre les parties a été rompu procède d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les faits pris en considération pour aboutir au constat de cette rupture.

59      En outre, le fait que la décision attaquée renvoie à la décision de résiliation initiale signifie que, du point de vue du SEAE, le constat opéré en janvier 2014 a été celui d’une rupture irrémédiable du lien de confiance avec le requérant. Il en découle que les circonstances postérieures invoquées par le requérant, en particulier le fait que les comportements qui lui avaient été reprochés, à les supposer avérés, n’auraient pas été réitérés par lui entre janvier 2014 et la date d’adoption de la décision attaquée, sont sans pertinence en ce qui concerne l’appréciation de la légalité de cette dernière décision.

60      Il y a donc lieu d’examiner si l’AHCC du SEAE a commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant le constat opéré en janvier 2014 selon lequel le lien de confiance entre le SEAE et le requérant avait été irrémédiablement rompu du fait de divers comportements de ce dernier depuis le mois de mars 2012 qui auraient été en contradiction avec le statut ainsi qu’avec son devoir de coopération et de loyauté envers l’administration.

61      À titre liminaire, il convient de relever que, concrètement, ainsi que cela résulte de la décision de résiliation initiale telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation de 2014, quatre comportements étaient reprochés au requérant, à savoir, premièrement, des lacunes dans le respect des obligations d’information ou d’obtention d’une autorisation en ce qui concerne ses lieux de résidence durant son congé de maladie, deuxièmement, un manque de coopération de sa part concernant les divers aspects liés au suivi de sa situation médicale, troisièmement, la profération de menaces de publication de certains documents ou de certains points de vue personnels sur le fonctionnement de l’institution et la mise à exécution de certaines de ces menaces et, quatrièmement, l’introduction, en mars 2013, d’une réclamation et d’une série de demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut qui reflétaient les mêmes points de vue personnels et qui ont toutes été rejetées.

62      Il y a lieu de constater que ces reproches reposent sur des éléments factuels qui leur donnent une consistance matérielle suffisante, à tout le moins, pour considérer que les appréciations opérées par l’AHCC du SEAE sont revêtues de la plausibilité requise dans le cadre d’un contrôle limité à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation, lequel ne doit donner lieu à une censure que lorsqu’une erreur est détectable de façon évidente, conformément à la jurisprudence rappelée au point 55 ci-dessus.

63      En effet, s’agissant, premièrement, de l’appréciation relative au non-respect par le requérant de ses obligations en ce qui concerne ses lieux de résidence depuis de son évacuation sanitaire en Allemagne, en mars 2012, jusqu’à la décision de licenciement initiale, appréciation critiquée dans le cadre du premier grief, il convient de rappeler qu’il découle de l’article 20 du statut que, de façon générale, les fonctionnaires doivent informer l’autorité investie du pouvoir de nomination de leur adresse et l’aviser immédiatement de tout changement de celle-ci, de l’article 59, paragraphe 1, du statut que les fonctionnaires empêchés d’exercer leurs fonctions par suite de maladie doivent aviser leur institution dans les plus brefs délais du lieu où ils se trouvent et de l’article 60, second alinéa, du statut qu’un fonctionnaire qui désire passer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation est tenu d’en obtenir préalablement l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Ces dispositions sont applicables par analogie aux agents contractuels en vertu de l’article 11, premier alinéa, première phrase, et de l’article 16 du RAA, lus conjointement avec les articles 81 et 91 du RAA.

64      En l’espèce, les éléments essentiels des obligations statutaires en la matière, à savoir tenir l’administration informée du lieu de séjour et obtenir une autorisation préalable en cas de modification de ce lieu, et leurs modalités d’application ont été rappelés au requérant au moment de l’organisation de son évacuation sanitaire. En effet, il résulte d’un courriel de sa supérieure hiérarchique, Mme R., du 16 mars 2012 que le requérant devait obtenir l’autorisation du docteur A.‑G. avant de modifier son lieu de résidence durant son congé de maladie pour quelque raison que ce soit et qu’il a été informé de la personne qu’il devait contacter à la délégation à Kiev pour le suivi de son congé de maladie.

65      Toutefois, alors que le requérant avait renseigné l’adresse d’un hôtel où il résiderait du 20 au 25 mars 2012, à savoir les cinq premiers jours après son évacuation sanitaire, il résulte de la liste de ses lieux de résidence successifs qu’il a annexée à la requête que, indépendamment de toute hospitalisation, il a changé de résidence à Berlin après le 30 mai 2012, qu’il a quitté cette ville pour séjourner à Schönau (Allemagne) à partir du 8 juin 2012, puis qu’il a de nouveau séjourné à une nouvelle adresse à Berlin à partir du 6 décembre 2012.

66      Il suffit, pour constater l’existence d’un manquement du requérant à ses obligations à cet égard, de relever que, hormis pour les cinq premiers jours de son évacuation sanitaire, l’administration n’a ni été informée préalablement des lieux où le requérant entendait séjourner, ni, a fortiori, autorisé préalablement un changement de lieu de séjour. Ainsi, dans sa réclamation de 2014, le requérant a indiqué qu’il avait avisé les divers services de sa nouvelle installation à Berlin, intervenue au début du mois de décembre 2012, entre le 31 janvier 2013 et le mois de mars 2013.

67      Le requérant soutient, en substance, avoir satisfait à peu près constamment à ses obligations en se référant soit à des communications adressées à divers services sur lesquelles se trouvait une mention de l’adresse à laquelle il résidait au moment de ces communications, soit à des certificats ou à des rapports médicaux qu’il a transmis et sur lesquels figurait son adresse. Ainsi, concrètement, il fait valoir non pas qu’il a demandé une autorisation préalablement à chaque changement de lieu de résidence durant son congé de maladie ni qu’il a communiqué aussitôt à l’administration tout changement d’adresse, mais qu’il aurait été possible pour les divers services chargés du suivi d’un aspect de son dossier de connaître son nouveau lieu de résidence assez rapidement après tout changement grâce à un examen attentif de ses communications et à une communication efficace entre ces services.

68      Force est de constater que, ce faisant, outre qu’il méconnaît la portée des obligations qui lui incombaient à cet égard, le requérant inverse les rôles respectifs de l’administration et de ses agents, et méconnaît l’équilibre de leurs droits et obligations réciproques, car, conformément au statut et au RAA, il appartient non pas à l’administration de rechercher où résident ses fonctionnaires ou agents absents pour cause de maladie, mais à ces derniers de l’informer du lieu où ils se trouvent dans les délais les plus brefs et d’obtenir une autorisation avant tout changement du lieu de séjour s’il ne s’agit pas du lieu d’affectation.

69      Les obligations imposées à cet égard en cas de congé de maladie ont notamment pour but de permettre l’exercice de la prérogative de l’institution d’organiser à tout moment un contrôle médical, conformément à l’article 59, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut. Il convient de souligner également que les obligations en matière d’information quant aux coordonnées personnelles présentent une importance particulière en cas d’absence prolongée pour cause de maladie ou d’accident, dans la mesure où cette situation implique une absence de contact physique entre l’administration et son agent, qui est de nature à compliquer les communications entre ceux-ci, outre qu’elle engendre un risque de dissolution du lien dont la persistance est cependant primordiale dans la perspective de la reprise des activités à l’issue du congé de maladie, de sorte que le maintien d’une communication efficace entre les parties n’est possible, notamment, que moyennant le respect scrupuleux desdites obligations et des prescriptions de l’institution en ce qui concerne la fourniture et l’actualisation des coordonnées personnelles.

70      Un manquement à l’article 60, second alinéa, du statut est caractérisé en tant que tel indépendamment de la question de savoir s’il a eu des conséquences concrètes (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, EU:T:2004:59, point 73). En toute hypothèse, il y a lieu de constater que les services impliqués dans le suivi des divers aspects du dossier du requérant ont été contraints de déployer des efforts pour le localiser. En outre, certains services ont été contraints d’utiliser les coordonnées personnelles d’urgence du requérant pour tenter d’entrer en contact avec lui, ce dont le requérant s’est plaint dans la demande qu’il a introduite, le 3 mars 2012, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut pour utilisation abusive de ses coordonnées de contact d’urgence et non-respect de sa vie privée, enregistrée sous le numéro D/171/13. À cet égard, l’allégation du requérant selon laquelle il était joignable par courriel et répondait généralement à ceux qu’il recevait dans un délai relativement bref procède, de nouveau, d’une inversion des rôles, dès lors que, en principe, il n’appartient pas à un agent de déterminer selon quelles voies et dans quel délai il peut être joint par l’administration.

71      Enfin, le requérant ne saurait exciper de son état de santé pour se justifier de n’avoir pas satisfait à ses obligations statutaires relatives à ses lieux de résidence. En effet, l’article 59, paragraphe 1, et l’article 60 du statut s’appliquent exclusivement en cas de congé de maladie, de sorte que, en principe, un état de maladie ne peut pas justifier un manquement au respect de l’obligation imposée par ces dispositions. Au demeurant, les très nombreuses communications que le requérant a adressées à l’administration durant son congé de maladie démontrent qu’il était capable d’assurer un suivi normal de ses affaires sur le plan administratif.

72      S’agissant, deuxièmement, de l’appréciation relative au manque de coopération du requérant dans le cadre du suivi de sa situation médicale, critiquée dans le cadre des deuxième et troisième griefs de la présente branche, il y a lieu de constater que les services impliqués dans ce suivi ont été contraints de déployer des efforts pour tenter de connaître sa situation administrative, ainsi qu’il résulte du courriel de sa supérieure hiérarchique, Mme R., du 5 juillet 2012, ou d’obtenir des informations, ainsi qu’il résulte du courriel du docteur S. D. du 24 mai 2012, dans lequel celui-ci s’étonnait de n’avoir pas été informé du traitement et de l’évolution de l’affection physiologique, alors qu’il résulte des communications échangées entre ce médecin-conseil et le requérant depuis novembre 2011 jusqu’à son évacuation sanitaire en mars 2012 que cette affection avait été un motif essentiel de décider celle-ci.

73      En outre, le requérant a fait preuve de réticences manifestes en ce qui concerne l’exercice du contrôle médical dans le cadre de son congé de maladie. Il résulte en effet des courriels échangés avec le docteur A.‑G., responsable de cet aspect de son dossier, qu’il a refusé de prêter son concours à l’organisation de plusieurs contrôles que ce médecin-conseil avait envisagé d’organiser en avril, puis en juillet, puis en septembre 2012. Or, le fait de refuser à plusieurs reprises de coopérer dans le cadre de l’exercice du contrôle médical n’est pas conforme au devoir de loyauté et de coopération qui incombe à tout fonctionnaire ou agent (voir, par analogie, arrêt du 26 juin 2014, Marcuccio/Commission, T‑20/13 P, EU:T:2014:582, point 103).

74      À cet égard encore, le requérant a inversé les rôles en posant des conditions quant à l’organisation d’un contrôle médical, alors que l’organisation de ce contrôle ressortit expressément à l’administration, conformément à l’article 59, paragraphe 1, troisième alinéa, du statut. En outre, il apparaît d’évidence que le fait pour un fonctionnaire ou un agent en congé de maladie de prêter son concours à ce contrôle relève de l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses fonctionnaires et agents, dès lors qu’il s’agit de la contrepartie manifeste du droit au congé de maladie dont ces derniers bénéficient lorsqu’ils sont empêchés d’exercer leurs fonctions par suite de maladie ou d’accident.

75      En outre, le requérant faisait une interprétation manifestement inexacte de l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéas, du statut, en soutenant qu’il y avait lieu de recourir à l’arbitrage d’un médecin indépendant.

76      Le manque de coopération du requérant à cet égard a persisté durant plusieurs mois malgré les efforts déployés par le service médical et le SEAE pour lui rappeler ses obligations découlant du statut, l’informer qu’il faisait une interprétation manifestement inexacte de l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéas, de celui-ci en soutenant qu’il y avait lieu de recourir à l’arbitrage d’un médecin indépendant et attirer son attention sur son obligation de coopérer avec l’administration et sur les conséquences administratives et disciplinaires qu’il encourait en cas de refus persistant de prêter son concours à ce contrôle, ainsi qu’il résulte des courriels du service médical des 16 juillet et 27 septembre 2012 et des courriels du SEAE des 30 septembre et 1er octobre 2012.

77      La circonstance que le requérant se soit finalement rendu à un contrôle médical dans le courant du mois de novembre 2012 n’enlève rien au fait qu’il a manqué jusqu’alors au respect de ses obligations statutaires en la matière ainsi que, par ce non-respect et sa persistance à maintenir un point de vue erroné malgré les informations précises qui lui ont été données de façon répétée, à son devoir de coopération.

78      Le déroulement de la procédure d’invalidité a lui aussi été marqué par un certain manque de coopération de la part du requérant. Il résulte du dossier que le requérant a compliqué cette procédure en refusant de désigner lui-même son médecin pour la commission d’invalidité, mais en adressant au président de la Cour de justice de l’Union européenne un courrier de dix pages et comportant plusieurs dizaines d’annexes dans lequel, sous couvert de demander la désignation par cette instance d’un médecin qui serait chargé de le représenter, il a exposé son point de vue sur de nombreuses questions étrangères à ladite procédure, alors que le recours à cette instance est prévu, à l’article 7 de l’annexe II du statut, en cas de carence de l’intéressé. À cet égard encore, il y a lieu de rappeler que l’obligation, pour un fonctionnaire ou un agent, de désigner un médecin dans le cadre d’une procédure d’invalidité constitue une obligation qui découle du devoir fondamental de loyauté et de coopération (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 1966, Alfieri/Parlement, 3/66, EU:C:1966:55, p. 634, 650).

79      Le requérant ne saurait valablement exciper d’un manque de confiance envers le service médical et l’administration pour justifier son manque de coopération. En effet, qu’il s’agisse du contrôle médical en cas de congé de maladie ou du déroulement de la procédure d’invalidité, ceux-ci sont organisés précisément par le statut d’une manière qui tient compte des possibles divergences de vue entre l’administration et la personne intéressée quant à l’état de celle-ci et de ses implications en ce qui concerne sa capacité de travail, puisque des mécanismes sont prévus en vue d’assurer un arbitrage objectif de ces divergences par un médecin indépendant, conformément à l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéas, du statut et à l’article 7 de l’annexe II de celui-ci. Il résulte par ailleurs du point 19 de l’arrêt du 10 juin 1980, M./Commission (155/78, EU:C:1980:150), que le rapport de confiance existant normalement entre un patient et son médecin est étranger à l’intervention d’un médecin dans le cadre d’une procédure de contrôle administratif.

80      En outre, il y a lieu de souligner que le manque de confiance du requérant envers le service médical était notamment justifié par des allégations relatives à une violation du secret médical qui serait survenue en avril 2012 et à des faits de non-assistance à personne en danger survenus avant son évacuation sanitaire en mars 2012, ce dont le requérant s’est plaint dans une demande d’assistance introduite le 2 mars 2013, enregistrée sous le numéro D/170/13, et une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut introduite le 24 mars suivant, enregistrée sous le numéro D/233/13, lesquelles ont été rejetées comme non fondées par décision du 14 novembre 2013, devenue définitive.

81      Il convient, en outre, de rappeler que, comme cela a été relevé au point 61 ci-dessus, le constat d’une rupture du lien de confiance était également fondé sur deux autres reproches.

82      S’agissant du troisième reproche, relatif à la profération de menaces de publication de certains documents ou de certains points de vue personnels sur le fonctionnement de l’institution et à la mise à exécution de certaines de ces menaces, il ressort de courriels adressés par le requérant les 1er et 6 juin 2012 notamment au chef du service médical ainsi qu’à Mme R., sa supérieure hiérarchique à la délégation à Kiev, que le requérant a fait part de son intention d’informer le public quant à la situation prétendument problématique de la délégation à Alger entre 2006 et 2010 ainsi que quant à ses griefs à l’égard du service médical, par l’envoi à des journaux de plusieurs pays de la copie de courriels et d’un exposé reprenant son point de vue au sujet de dysfonctionnements du service médical, ce qui amena l’administration à lui adresser certaines mises au point dans un courriel du 5 juin 2012.

83      Il ressort également du point 7 d’une note de l’administration du SEAE du 20 décembre 2012 que le requérant a publié ledit exposé sur le réseau Intranet de la DG « Relations extérieures » de la Commission et l’a en outre adressé à l’ensemble du personnel des délégations de l’Union. Par ailleurs, dans un courriel du 30 septembre 2012, le requérant a cherché à faire pression sur l’administration du SEAE en menaçant de façon à peine voilée de publier un échange de courriels par l’intermédiaire d’une liste de destinataires contenant plusieurs centaines d’agents contractuels de toutes les institutions, ce qui suscita un rappel, dans un courriel du SEAE du 1er octobre 2012, des avertissements qui avaient déjà été adressés au requérant, à la suite duquel il réitéra néanmoins son intention. Il peut également être rappelé (voir point 78 ci-dessus) que, sous couvert de demander la désignation du médecin qui le représenterait lui-même dans le cadre de la procédure d’invalidité, le 14 juin 2013, le requérant a adressé au président de la Cour de justice de l’Union européenne une lettre de dix pages divulguant de nombreuses informations non nécessaires à l’objet déclaré de cette lettre.

84      Certes, comme le soutient le requérant, les fonctionnaires et les agents ont droit à la liberté d’expression, mais, aux termes de l’article 17 bis, paragraphe 1, du statut, dans le strict respect des principes de loyauté et d’impartialité. Or, indépendamment de la confusion que le requérant entretient entre l’article 17 du statut, relatif à la divulgation d’informations obtenues dans l’exercice des fonctions, et l’article 17 bis du statut, relatif à la publication de textes dont l’objet se rattache à l’activité de l’Union, il résulte de l’ensemble des courriels échangés ayant trait à des intentions manifestées par le requérant de divulguer certains documents que ces divulgations étaient envisagées dans le cadre des différends qui l’opposaient à l’administration, de sorte qu’il était à tout le moins raisonnable que cette dernière doute de son impartialité et de sa loyauté, d’autant plus que la déclaration de ces intentions, notamment dans les communications mentionnées aux points 82 et 83 ci-dessus, pouvait raisonnablement être prise, dans le contexte dans lequel ces communications intervenaient, pour une forme de pression en vue d’obtenir satisfaction sur des questions litigieuses.

85      En outre, il y a lieu de relever que le courriel adressé par le requérant au SEAE le 18 octobre 2011, produit en annexe à la requête, établit qu’il était conscient du fait que la divulgation de certaines informations relatives à des problèmes qui, selon lui, seraient survenus dans la délégation à Alger pourrait être préjudiciable au SEAE.

86      Partant, le dossier révèle l’existence d’éléments matériels permettant de considérer que l’AHCC du SEAE a pu raisonnablement estimer que le requérant avait manqué à son devoir de loyauté, mais aussi de coopération, en menaçant de rendre publics certains documents internes et points de vue personnels dans le cadre d’échanges avec l’administration sur des questions litigieuses et en mettant partiellement ces menaces à exécution.

87      S’agissant du quatrième reproche, relatif à l’introduction d’une série de demandes ou de réclamations, il résulte du dossier que, comme cela a été mentionné au point 15 ci-dessus, dans le courant du mois de mars 2013, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut ainsi qu’une série de cinq demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut relatives à des manquements divers qui lui auraient préjudicié, qui auraient été commis soit à la délégation à Alger lorsqu’il y était en fonction, soit en rapport avec la prise en charge de ses problèmes de santé depuis 2011. Ces demandes et cette réclamation reposaient sur des allégations ayant trait, notamment, à des carences du service médical, à la divulgation irrégulière d’informations médicales, à des faits de non-assistance à personne en danger, à des accusations mensongères, à l’utilisation abusive des coordonnées de contact d’urgence et au non-respect de la vie privée ainsi qu’à des faits de harcèlement. Elles visaient diverses personnes identifiées ou non, membres du personnel du SEAE ou de la Commission, et portaient sur l’ouverture de procédures d’enquête, l’engagement d’actions disciplinaires et l’indemnisation des préjudices moraux et matériels que le requérant aurait subis en raison des faits ainsi dénoncés.

88      Ladite réclamation fut rejetée comme étant irrecevable et en tout cas non fondée par décision du 25 juin 2013. Les diverses demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut furent également rejetées comme étant non fondées en fait ou en droit par une décision du 14 novembre 2013. Ces décisions n’ont pas fait l’objet de recours ou de réclamation (voir point 16 ci-dessus).

89      Certes, il ne saurait être exclu que l’absence de recours dans le délai légal contre une décision de l’administration rejetant une demande puisse s’expliquer par d’autres raisons qu’un acquiescement de l’intéressé. Toutefois, il convient de relever, d’une part, que le requérant ne saurait valablement exciper à cet égard de sa maladie, dès lors qu’il était capable d’assurer un suivi normal de ses affaires sur le plan administratif, ainsi qu’il a été constaté au point 71 ci-dessus et ainsi qu’il résulte des suites qu’il a réservées quelques mois plus tard à la décision de résiliation initiale, notamment en introduisant une réclamation le 29 avril 2014, soit quelques semaines seulement après l’expiration du délai pour introduire une réclamation contre la décision de rejet du 14 novembre 2013 mentionnée au point 88 ci-dessus. D’autre part, dès lors que les délais prévus à l’article 90 du statut ont été institués notamment en vue d’assurer la clarté et la sécurité des relations juridiques (voir ordonnance du 5 juillet 2011, Coedo Suárez/Conseil, F‑73/10, EU:F:2011:102, point 34 et jurisprudence citée), du fait de l’absence de réclamation ou de recours du requérant, les décisions concernées sont devenues définitives, de sorte que, du point de vue de l’AHCC, il était à la fois légal et légitime de considérer que lesdites demandes étaient non fondées et de tenir compte de ce constat pour son action future, spécialement dans un domaine où elle dispose d’une large marge d’appréciation.

90      À cet égard, s’il ne peut pas être fait grief à un fonctionnaire ou à un agent de chercher à assurer la défense de ses droits, y compris en se trompant sur la portée de ceux-ci, il ne peut également pas être considéré comme déraisonnable que l’AHCC du SEAE ait perçu comme un manquement au devoir de loyauté et de coopération à l’égard de l’administration le fait d’engager dans un très court laps de temps un nombre important de procédures formelles fondées sur des accusations graves qu’elle a pu, a posteriori, légitimement considérer comme dépourvues de fondement.

91      Partant, cet élément était lui aussi de nature à conforter la conviction de l’AHCC du SEAE selon laquelle le requérant ne faisait plus preuve envers l’administration de la coopération et de la loyauté qui sont intimement liées à la relation de confiance entre celle-ci et ses agents.

92      Il ressort de l’ensemble des constatations qui précèdent qu’il ne saurait être considéré comme déraisonnable que l’AHCC du SEAE ait estimé en fin d’année 2013 que le requérant avait adopté différents comportements constituant des manquements à ses obligations statutaires ou à son devoir de loyauté et de coopération envers l’administration et que ces comportements, ou en tout cas leur accumulation, étaient tels que le lien de confiance entre les parties avait été définitivement rompu.

93      En conséquence, il y a lieu de constater que les éléments invoqués par le requérant ne sont pas suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation retenue par l’administration et mise en cause, cette appréciation pouvant toujours, malgré ces éléments, être admise comme justifiée et cohérente.

94      Ce constat n’est pas remis en cause par les autres arguments du requérant.

95      S’agissant, premièrement, de l’absence d’avertissement préalable, éventuellement sous la forme d’une procédure disciplinaire, il y a lieu de constater que la rupture du lien de confiance a résulté non pas d’un comportement unique, mais d’une succession de comportements légitimement considérés comme inappropriés, et que, ainsi qu’il a notamment été relevé aux points 76 et 83 ci-dessus, plusieurs de ceux-ci ont donné lieu à des mises au point quant à leur caractère inapproprié.

96      Ces mises au point ont été largement ignorées par le requérant. Or, indépendamment de leur portée ponctuelle, elles étaient de nature, notamment du fait de leur répétition, à amener le requérant à s’interroger de manière générale sur l’adéquation de son comportement à l’égard de l’administration. Dans ce contexte, il ne saurait être considéré qu’il aurait malgré tout fait preuve de bonne volonté, ni, d’ailleurs, que l’administration aurait fait naître chez le requérant la croyance légitime que son comportement n’entraînerait pas de conséquence juridique, y compris quant à la poursuite de son contrat.

97      En outre, il convient de rappeler que, en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AHCC en cas de faute susceptible de justifier le licenciement d’un agent temporaire, rien ne l’oblige à engager une procédure disciplinaire à l’encontre de ce dernier plutôt que de recourir à la faculté de résiliation unilatérale du contrat prévue à l’article 47, sous c), du RAA et que ce n’est que dans l’hypothèse où l’AHCC entend licencier un agent temporaire, sans préavis, en cas de manquement grave à ses obligations, qu’il convient d’engager, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du RAA, la procédure disciplinaire organisée à l’annexe IX du statut pour les fonctionnaires et applicable par analogie aux agents temporaire (arrêt du 7 juillet 2011, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P, EU:T:2011:338, point 100).

98      S’agissant, deuxièmement, de l’affection psychologique du requérant et du caractère professionnel reconnu de celle-ci, d’une part, il y a lieu de constater qu’il résulte de l’article 47, sous c), i), du RAA que le fait qu’un agent soit atteint d’une maladie ne fait pas obstacle à la résiliation de son contrat. Par ailleurs, le caractère professionnel d’une maladie est pertinent en matière de sécurité sociale, mais est dépourvu d’incidence en ce qui concerne l’application de ladite disposition. D’autre part, quant à l’allégation du requérant selon laquelle cette affection psychologique ne lui aurait pas permis de « fonctionner toujours normalement », il y a lieu de constater que ladite affection ne l’empêchait nullement de se faire conseiller par des personnes tierces, notamment sur le plan juridique, ce qu’il fit d’ailleurs, ainsi qu’il résulte du dernier alinéa du courriel qu’il a adressé le 6 juin 2012 au chef du service médical et au chef de la division « Droits et obligations » de la direction « Ressources humaines » du SEAE.

99      Par ailleurs, l’allégation du requérant selon laquelle il aurait été illégalement licencié en raison de son affection psychologique n’est pas étayée.

100    Enfin, s’agissant, troisièmement, des arguments relatifs au devoir de sollicitude, il y a lieu de les examiner dans le cadre du deuxième moyen, tiré notamment de la violation de ce devoir, le requérant renvoyant d’ailleurs, dans ce moyen, aux circonstances évoquées à ce propos dans le cadre du premier moyen.

101    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

–       Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’existence d’irrégularités et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant le second motif de licenciement, relatif à l’intérêt du service

102    Par la seconde branche du premier moyen, le requérant conteste le bien-fondé du motif de licenciement lié à l’intérêt du service, à savoir l’absence de besoin en personnel correspondant à ses qualifications. À cet égard, il fait valoir que ce motif, tel qu’il figure dans la décision attaquée, est formulé en des termes tellement vagues qu’il serait impossible d’apporter la preuve contraire. En tout cas, ledit motif serait dénué de plausibilité et procéderait d’une erreur d’analyse, car, le requérant faisant partie du personnel du SEAE au moment de son licenciement, il serait sans pertinence en ce qui concerne ce licenciement qu’il n’y ait pas de besoin de personnel supplémentaire. À titre plus subsidiaire, le requérant conteste qu’il n’y ait pas eu besoin de personnel de support informatique au sein du SEAE au moment de son licenciement et soutient que ses intérêts n’ont pas été suffisamment pris en considération à l’occasion de l’adoption de la décision attaquée.

103    Le SEAE conteste le bien-fondé de cette branche.

104    Il convient de rappeler que, dès lors qu’une décision est fondée sur plusieurs motifs indépendants, le fait qu’un de ces motifs soit valable suffit à fonder la légalité de cette décision, de sorte que les moyens ou les branches dirigés contre les autres motifs sont inopérants et n’ont donc pas à être examinés [voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 22 (non publié) et jurisprudence citée, et du 19 juillet 2017, Parlement/Meyrl, T‑699/16 P, non publié, EU:T:2017:524, point 16].

105    Or, il y a lieu de constater que la rupture du lien de confiance entre un agent et l’institution qui l’emploie est un motif suffisant, à lui seul, pour justifier, en principe, le licenciement de cet agent. En effet, la confiance mutuelle est un élément nécessaire à l’exécution des contrats des agents contractuels, de sorte que, sauf en cas d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir, l’administration, qui dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, est en principe fondée à adopter une décision de licenciement lorsqu’il existe une rupture du lien de confiance (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, EU:T:2000:292, points 63 et 64, et du 7 juillet 2011, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P, EU:T:2011:338, points 83 et 84).

106    En l’occurrence, il découle de l’examen de la première branche du présent moyen que le premier motif de licenciement dont procède la décision attaquée n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, de sorte il n’est pas requis d’examiner le bien-fondé du second motif de licenciement

107    Partant, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen, comme étant inopérante, et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation par le SEAE de son devoir de sollicitude, des principes de bonne administration et de proportionnalité ainsi que des articles 30 et 41 de la Charte

108    Le requérant soutient que, du fait de l’adoption de la décision attaquée, l’AHCC du SEAE a manqué à son devoir de sollicitude et violé les articles 30 et 41 de la Charte ainsi que le principe de proportionnalité, en ce qu’elle n’a pas tenu compte de plusieurs circonstances qui étaient de nature à influencer sa décision dans un sens favorable aux intérêts du requérant, qui auraient dès lors été méconnus.

109    À cet égard, premièrement, le requérant fait valoir que, en raison de diverses violations du droit que le SEAE aurait commises et de son état de santé, l’AHCC du SEAE devait apprécier son comportement avec indulgence.

110    À cet égard, le requérant invoque expressément les éléments suivants :

–        sa grave maladie psychique et le caractère professionnel de celle-ci ;

–        « l’historique des fautes commises par son supérieur » ;

–        le manque de soutien du SEAE concernant sa maladie et la violation des dispositions applicables en cas d’urgence psychiatrique, notamment de dépression et de stress post-traumatique ;

–        l’absence d’avertissement concernant les manquements qui lui ont été reprochés dans le cadre du licenciement ;

–        l’absence d’examen de l’imputabilité à son état de santé desdits manquements ;

–        sa loyauté, attestée par ses tentatives de contact et ses propositions constructives.

111    Deuxièmement, le SEAE aurait méconnu les intérêts du requérant. Celui-ci fait état, d’une part, de l’absence de mise en œuvre des recommandations de ses médecins quant à un changement d’environnement de travail permettant d’envisager une reprise de ses activités professionnelles, « cré[ant ainsi] les circonstances qui ont ensuite été reprochées au requérant ».

112    D’autre part, le SEAE aurait omis de mettre en balance les intérêts du service et les intérêts du requérant, en particulier eu égard aux faibles chances de ce dernier de retrouver du travail, ou du moins ne démontrerait pas qu’il a soigneusement tenu compte des intérêts du requérant ainsi que des circonstances telles que sa maladie et le caractère professionnel de celle-ci.

113    Le SEAE conteste le bien-fondé du présent moyen.

114    À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 105 ci-dessus, la confiance mutuelle est un élément nécessaire à l’exécution des contrats des agents contractuels, de sorte que, sauf en cas d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir, l’administration, qui dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation, est en principe fondée à adopter une décision de licenciement lorsqu’il existe une rupture du lien de confiance. Partant, lorsque ce lien est rompu de manière irrémédiable, les éventuelles limites à l’action de l’administration découlant du devoir de sollicitude ne sauraient, en principe, empêcher l’adoption d’une décision de licenciement fondée sur ce motif.

115    À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu du devoir de sollicitude de l’administration, qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2015, Commission/D’Agostino, T‑670/13 P, EU:T:2015:877, point 32 et jurisprudence citée).

116    Par ailleurs, l’administration dispose, à cet égard également, d’un large pouvoir d’appréciation, de sorte que le contrôle du juge est limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2015, Commission/D’Agostino, T‑670/13 P, EU:T:2015:877, point 32 et jurisprudence citée).

117    Le requérant n’exposant pas en quoi les articles 30 et 41 de la Charte ainsi que le principe de proportionnalité, à les supposer pertinents, auraient un contenu plus ample que le devoir de sollicitude, il y a lieu de vérifier si ce devoir impliquait que, bien que l’AHCC du SEAE ait constaté une rupture irrémédiable du lien de confiance entre elle et le requérant, ainsi qu’il résulte du point 59 ci-dessus, elle était empêchée malgré tout de résilier le contrat de ce dernier du fait d’une ou de plusieurs circonstances particulières liées à l’intérêt de celui-ci.

118    Or, il convient de constater que le fait qu’aucun des éléments invoqués à cet égard par le requérant n’ait conduit l’AHCC du SEAE à renoncer à licencier celui-ci ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation.

119    S’agissant, premièrement, de l’état de santé du requérant, ainsi qu’il a été exposé au point 98 ci-dessus, il résulte de l’article 47, sous c), i), du RAA que le fait qu’un agent soit atteint d’une maladie ne fait pas obstacle à la résiliation de son contrat. Partant, l’équilibre des droits et des devoirs réciproques résulte, sur ce point, expressément du RAA, de sorte que l’administration ne saurait être contrainte à ne pas en tenir compte en vertu du devoir de sollicitude.

120    Le même raisonnement vaut en ce qui concerne le caractère éventuellement professionnel d’une maladie existant au moment du licenciement, puisque l’article 47, sous c), i), du RAA n’établit aucune exception à cet égard. Au demeurant, il convient de constater que les intérêts du requérant ont été pris en considération par l’AHCC du SEAE au moment de la décision de résiliation initiale, puisqu’elle a attiré l’attention de ce dernier sur la poursuite de la procédure d’invalidité, concernant laquelle le caractère professionnel de l’affection psychologique du requérant présentait une possible incidence positive pour ce dernier.

121    S’agissant, deuxièmement, des fautes prétendument commises par le supérieur hiérarchique du requérant, il y a lieu de constater que cet élément n’est ni établi quant à sa matérialité ni explicité quant aux conséquences qu’il y aurait lieu d’en tirer sur le plan de la décision attaquée.

122    S’agissant, troisièmement, du prétendu manque de soutien du SEAE dans le cadre de la maladie du requérant et de la violation de dispositions applicables en cas d’urgence psychiatrique, ces faits ne sont pas démontrés. Il convient de relever en outre que le requérant a fait valoir certaines allégations similaires dans le cadre de la demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut introduite le 24 mars 2013 et enregistrée sous le numéro D/233/13, laquelle a été rejetée comme non fondée par décision du 14 novembre 2013, devenue définitive en l’absence de réclamation (voir point 80 ci-dessus) et que le requérant ne saurait remettre indirectement en cause dans le cadre du présent moyen. Par ailleurs, le lien entre les faits ici allégués et la décision attaquée n’est pas explicité. En toute hypothèse, ce lien ne saurait consister dans une compensation de torts entre l’administration et son agent, en vertu de laquelle certains manquements commis envers l’agent empêcheraient que des manquements ultérieurs de celui-ci puissent donner lieu à la résiliation de son contrat.

123    S’agissant, quatrièmement, de l’absence d’avertissements, il y a lieu de rappeler que de tels avertissements lui ont été donnés, ainsi qu’il a été rappelé au point 95 ci-dessus.

124    S’agissant, cinquièmement, de l’absence d’examen de l’imputabilité à son état de santé des manquements qui lui ont été reprochés, d’une part, il convient de rappeler que l’allégation du requérant selon laquelle son affection psychologique ne lui aurait pas permis de « fonctionner toujours normalement » n’est pas démontrée et que, en tout cas, cette affection ne l’empêchait pas de se faire conseiller utilement, ainsi qu’il a été relevé au point 98 ci-dessus. D’autre part, il y a lieu d’observer que le devoir de sollicitude, s’il impose à l’administration de prendre en considération l’intérêt de l’agent à l’égard duquel il est envisagé d’adopter une décision de licenciement, ne saurait la contraindre à procéder à des vérifications en l’absence d’éléments qui font présumer de l’utilité de ces vérifications. En l’occurrence, dès lors qu’aucun indice ne conduisait à présumer que les manquements reprochés au requérant dans le cadre du premier motif de licenciement pouvaient découler de son affection psychologique, il ne peut pas être reproché à l’AHCC du SEAE de ne pas avoir entamé d’investigation à cet égard.

125    S’agissant, sixièmement, de la loyauté et de la bonne volonté alléguées du requérant, celle-ci n’est pas démontrée et ne saurait être présumée dans un contexte où, précisément, un manquement à ses obligations à cet égard a été constaté à l’issue d’une appréciation exempte d’erreur manifeste. En toute hypothèse, s’il serait admissible, à titre exceptionnel, qu’un manquement ponctuel au devoir de loyauté et de coopération puisse être compensé par un comportement habituellement conforme à ce devoir, il s’impose de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce, eu égard au caractère général des reproches à cet égard dont procède la décision attaquée en son premier motif.

126    S’agissant, septièmement, de la non-prise en considération par le SEAE des recommandations des médecins du requérant quant à un changement d’environnement de travail permettant d’envisager la reprise de celui-ci, il y a lieu de constater que les reproches faits au requérant dans le cadre du premier motif de licenciement sont totalement sans rapport avec un contexte de reprise de travail, puisqu’ils concernent son comportement durant son congé de maladie. Partant, l’allégation sur laquelle repose cet argument, à la supposer démontrée, est à ce point étrangère à la décision attaquée qu’elle ne saurait être de nature à l’influencer.

127    Enfin, s’agissant, huitièmement, de l’allégation selon laquelle l’AHCC du SEAE n’aurait pas pris en considération les faibles chances du requérant de retrouver du travail, il convient de constater que de telles considérations ne sauraient être de nature à contraindre une institution à maintenir en vigueur le contrat d’un agent en cas de rupture irrémédiable du lien de confiance, dès lors que ce lien est un élément nécessaire à l’exécution de ce contrat, ainsi qu’il a été relevé au point 114 ci-dessus.

128    En conséquence, le fait que l’AHCC du SEAE n’ait pas pris en considération, au titre de son devoir de sollicitude, les divers éléments allégués par le requérant dans le cadre de la présente procédure pour renoncer à tirer les conséquences qui, en principe, devaient découler du constat de la rupture irrémédiable du lien de confiance entre les parties, à savoir la résiliation du contrat du requérant, n’apparaît pas comme étant constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation.

129    Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu quant au motif de la décision attaquée relatif à l’intérêt du service

130    Par ce moyen, le requérant soutient que la décision attaquée est illégale du fait que la résiliation de son contrat est fondée sur des considérations relatives à l’intérêt du service à propos desquelles il n’a pas pu faire valoir ses observations préalablement à l’adoption de cette décision. En effet, alors que la lettre de l’AHCC du SEAE du 30 juin 2016 l’informant de l’intention de celle-ci de résilier son contrat renvoyait à la décision de résiliation initiale, laquelle faisait état de l’intérêt du service eu égard à la situation du personnel de la délégation à Kiev telle qu’elle existait en 2014, la décision attaquée est fondée sur la situation du personnel du SEAE en 2016.

131    Le SEAE conteste le bien-fondé de ce moyen.

132    Il y a lieu de constater que, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de la réponse à la seconde branche du premier moyen, le troisième moyen doit être rejeté comme étant inopérant.

133    Il y a dès lors lieu de rejeter le troisième moyen et, par conséquent, la demande en annulation, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des pièces produites en annexe à la duplique.

 Sur les conclusions indemnitaires

134    Le requérant demande en substance que le SEAE soit condamné à réparer le préjudice moral qu’il prétend avoir subi du fait que sa santé physique et psychique aurait été affectée par la décision attaquée dans le cadre des conclusions en annulation, et ce dans une mesure extraordinaire en raison de son état de vulnérabilité. Un montant minimal de 6 000 euros serait, selon lui, approprié à cet égard.

135    Le SEAE conclut au rejet des conclusions indemnitaires dès lors que, selon lui, les conclusions en annulation qui leur sont étroitement liées doivent également être rejetées.

136    À cet égard, il suffit de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent, comme en l’espèce, un lien étroit avec des conclusions en annulation qui doivent, elles-mêmes, être rejetées comme non fondées (voir arrêt du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, EU:T:2005:447, point 207 et jurisprudence citée).

137    Dès lors que la demande d’annulation de la décision attaquée doit être rejetée, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires comme étant non fondées.

 Sur la publication sur Internet de certains documents déjà versés au dossier du Tribunal

138    Par une lettre du 30 octobre 2017, le requérant a informé le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de son intention de rendre publics, en les publiant sur Internet, un certain nombre de documents le concernant, à savoir l’ensemble des annexes jointes à la réclamation et aux demandes visées au point 87 ci-dessus ainsi qu’à la requête devant le Tribunal de la fonction publique visée au point 24 ci-dessus. Cette information était présentée comme intervenant dans le cadre de l’article 17 bis, paragraphe 2, premier alinéa, du statut.

139    À la suite d’un courriel adressé par le SEAE au conseil du requérant en réaction à cette première lettre, le requérant a adressé une seconde lettre au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité le 13 novembre 2017, soutenant que les documents concernés avaient déjà été rendus publics en 2013, dans la mesure où ils avaient été remis à une organisation non précisée ainsi qu’à « huit personnes différentes », dont sa mère. Cette publication aurait été régulière, puisqu’elle aurait fait l’objet d’une demande d’autorisation le 27 mars 2013 et que le SEAE ne se serait pas opposé à cette publication. Lesdits documents auraient été publiés sur le site Internet du requérant par l’intermédiaire de personnes en relation avec sa mère.

140    Par deux lettres des 17 et 24 novembre 2017, le SEAE a notamment indiqué au requérant que la publication de certains documents qu’il avait présentés en tant qu’annexes de sa requête dans la présente procédure constituerait une violation du principe de confidentialité de la procédure juridictionnelle en cours.

141    À la suite de la communication au requérant de la lettre du SEAE du 4 décembre 2017 informant le Tribunal des faits mentionnés aux points 138 et 139 ci-dessus (voir point 34 ci-dessus) et de la publication de divers documents intervenue entre-temps, le requérant a présenté des observations à ce sujet dans le cadre de la réplique.

142    Le requérant estime que la publication en cause n’est pas irrégulière. En effet, il réitère que les documents concernés ont préalablement fait l’objet d’une publication régulière, car la demande qu’il aurait introduite à cette fin le 27 mars 2013 aurait fait l’objet d’une autorisation implicite du SEAE, en l’absence d’objection de la part de celui-ci dans le délai de trente jours ouvrables prévu à l’article 17 bis, paragraphe 2, second alinéa, du statut. Partant, la circonstance que lesdits documents aient été produits dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ultérieure ne saurait leur avoir rendu un caractère confidentiel qu’ils avaient perdu.

143    Le SEAE conteste le bien-fondé des arguments du requérant.

144    Le requérant admet qu’ont été publiés sur Internet des documents qu’il a produits dans le cadre de la présente procédure, à savoir certains documents qui avaient été annexés aux deux demandes au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut qui ont été introduites les 20 et 24 mars 2013, enregistrées, respectivement, sous les numéros D/227/13 et D/233/13, cette dernière concernant des événements liés au traitement de son dossier médical. Même s’il a affirmé que cette publication, bien qu’elle ait eu lieu sur son propre site Internet, avait été réalisée non par lui-même, mais par des personnes non identifiées auxquelles sa mère aurait transmis les documents concernés, il reconnaît que c’est par son intermédiaire que ces documents sont sortis de la sphère de stricte confidentialité dans laquelle ils étaient initialement confinés. Toutefois, il allègue que cette sortie était régulière et a constitué une publication desdits documents.

145    Il convient de relever que les articles 17 et 17 bis du statut ont des objets différents, que le requérant confond. En effet, ledit article 17 concerne l’interdiction faite à tout fonctionnaire ou agent de divulguer des informations non publiques de toute nature, qu’elles soient fixées ou non sur un support, dont la connaissance est liée à l’exercice des fonctions de ce fonctionnaire ou de cet agent, à moins qu’il n’y ait été préalablement autorisé. Cette interdiction persiste après la cessation des fonctions. Ledit article 17 bis, quant à lui, concerne la publication de textes quelconques, portant, notamment, sur un travail, une étude ou des opinions, qui se rattachent à l’activité de l’Union. Une telle publication fait l’objet d’une protection spécifique au titre de la liberté d’expression, sous les réserves prévues à cet article et qui concernent le respect des principes de loyauté et d’impartialité, de la dignité de la fonction et de l’interdiction de divulgation d’informations dont la connaissance est liée à l’exercice des fonctions, et est soumise à une procédure d’autorisation particulière dans le cadre de laquelle l’absence de réponse dans un délai de trente jours ouvrables vaut autorisation implicite.

146    En l’espèce, la demande d’autorisation dont le requérant fait état, à savoir la lettre qu’il a adressée le 27 mars 2013 au SEAE, bien qu’elle fît référence à l’article 17 bis du statut, portait en réalité, selon ses termes exprès, mais également eu égard à son contenu, sur la divulgation d’informations, laquelle est régie par l’article 17 du statut. Partant, contrairement à ce qu’il soutient, l’absence de notification d’une décision dans un délai de trente jours ouvrables ne valait pas absence d’objection implicite. En effet, cette demande d’autorisation était régie par l’article 90, paragraphe 1, du statut, de sorte que l’autorité disposait d’un délai de quatre mois pour adopter une décision, l’absence de décision dans ce délai valant décision implicite de rejet.

147    Il ressort du dossier que le SEAE a répondu à la demande d’autorisation du requérant par lettre du 5 mai 2013, soit dans le délai de quatre mois prévu à l’article 90, paragraphe 1, du statut. Dans cette lettre, qui commençait par une brève mise au point quant à la portée de l’article 17 bis du statut, le SEAE s’est limité à autoriser la divulgation des documents concernés en vue de permettre au requérant d’obtenir une assistance dans le cadre de son dossier médical. Eu égard au principe de confidentialité inscrit à l’article 17 du statut, cette autorisation devait recevoir une interprétation stricte. En conséquence, dans le contexte de la demande du requérant et de la réponse qui lui était adressée, toute divulgation des documents visés qui n’était pas strictement liée à l’assistance personnelle du requérant dans le cadre de son dossier médical, sur le plan social, médical, psychologique ou juridique, était exclue. En cas de doute, il appartenait au requérant de s’assurer auprès du SEAE qu’une divulgation envisagée était bien couverte par l’autorisation limitée qu’il avait reçue. Il en était d’autant plus ainsi que ladite autorisation était assortie d’un rappel de ses obligations statutaires, notamment l’obligation de s’abstenir de toute divulgation non autorisée d’informations obtenues dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et le respect des principes de loyauté et d’impartialité.

148    Il résulte des considérations qui précèdent que le requérant ne saurait d’aucune façon valablement justifier la publication sur Internet de tout ou partie des documents visés par sa demande du 27 mars 2013 par référence à cette demande et à la suite réservée à celle-ci.

149    Le requérant ne saurait non plus valablement arguer de la divulgation autorisée de ces documents à des personnes qualifiées en vue de lui procurer une assistance personnelle telle que décrite au point 147 ci-dessus pour prétendre que lesdits documents ont été rendus publics avant l’introduction de la présente procédure et que leur production dans le cours de cette procédure échapperait, de ce fait, à l’obligation de non-divulgation qui s’attache aux pièces et aux écritures faisant partie d’une procédure juridictionnelle.

150    Enfin, le requérant ne saurait utilement faire valoir que la publication des documents en cause aurait été le fait de sa mère ou de personnes liées à celle-ci. En effet, outre que la publication des documents en cause sur son propre site Internet à l’intervention de personnes tierces est peu crédible, à tout le moins sans son accord, la transmission de ces documents à sa mère constituait une violation des termes de l’autorisation qui lui avait été accordée. En outre, même dans l’hypothèse où un fonctionnaire ou un agent transmet régulièrement un document confidentiel à un tiers sous le couvert d’une autorisation de divulgation, il lui appartient de s’assurer que cette personne respectera elle-même les termes de ladite autorisation. Par conséquent, même à supposer que la publication proprement dite soit intervenue sans le concours du requérant, il y aurait quand même lieu de considérer que, par la méconnaissance des limites de l’autorisation de divulgation qui lui avait été accordée, il a objectivement créé le risque de cette publication et est impliqué dans celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 16 mars 2016, One of Us e.a./Commission, T‑561/14, non publiée, EU:T:2015:917, points 58 et 59).

151    Or, il convient de rappeler que la divulgation de pièces de procédure par une partie à des personnes tierces dans une situation où ces pièces n’étaient pas transmises aux fins de la défense de la cause de cette partie constitue un abus de procédure (voir arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission, T‑135/09, EU:T:2012:596, point 108 et jurisprudence citée). Il en est a fortiori ainsi lorsque de telles pièces sont publiées, comme en l’espèce.

152    Il y a lieu de tenir compte de cet abus de procédure au niveau des dépens, dès lors que cet incident a rendu nécessaires une communication spécifique et des observations supplémentaires (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T‑174/95, EU:T:1998:127, point 139).

153    En conséquence, il y a lieu de mettre les dépens liés audit abus de procédure à la charge du requérant.

 Sur les dépens

154    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du SEAE, y compris les dépens liés à l’incident de procédure visé aux points 138 à 153 ci-dessus.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.                                                            

2)      M. Stephan Fleig est condamné aux dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 avril 2019.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’objet du recours

Sur les conclusions en annulation

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne les reproches formulés par l’AHCC dans la décision attaquée et l’intérêt du service

– Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation concernant le premier motif de licenciement, relatif à la rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant

– Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’existence d’irrégularités et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant le second motif de licenciement, relatif à l’intérêt du service

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation par le SEAE de son devoir de sollicitude, des principes de bonne administration et de proportionnalité ainsi que des articles 30 et 41 de la Charte

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu quant au motif de la décision attaquée relatif à l’intérêt du service

Sur les conclusions indemnitaires

Sur la publication sur Internet de certains documents déjà versés au dossier du Tribunal

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.