Language of document : ECLI:EU:F:2009:15

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

18 février 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recours indemnitaire – Taxation des dépens – Incompétence manifeste – Renvoi en application de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe du statut de la Cour de justice – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑70/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Me G. Cipressa, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. J. Currall, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, H. Kreppel (rapporteur) et H. Tagaras, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 23 juillet 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 30 juillet suivant), M. Marcuccio demande en substance la condamnation de la Commission des Communautés européennes à réparer les préjudices qu’il aurait subis du fait du refus de celle-ci de lui rembourser les dépens récupérables prétendument exposés dans l’affaire T‑176/04.

 Faits à l’origine du litige

2        Par une requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 13 mai 2004, le requérant, fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale (DG) « Développement » de la Commission, a introduit un recours qui a été enregistré sous la référence T‑176/04 et qui tendait en substance à l’annulation de la décision par laquelle la Commission aurait implicitement refusé de lui fournir toute information utile sur l’existence d’un rapport médical le concernant.

3        Par ordonnance du 6 mars 2006, Marcuccio/Commission (T‑176/04, non publiée au Recueil), le Tribunal de première instance a considéré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours et a laissé à la charge de la Commission ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant avant la notification du mémoire en défense.

4        Par note datée du 22 juin 2006 et parvenue à l’administration le 30 juin suivant (ci-après la « note du 22 juin 2006 »), le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») d’une demande tendant à ce que la Commission lui rembourse « la partie des dépens dans l’affaire [T‑176/04] qu’il a supportés et au remboursement de laquelle le Tribunal [de première instance] a condamné la Commission […], ce qui correspond à un montant de 6 347,67 euros ».

5        Estimant que le silence gardé par l’AIPN sur cette demande avait donné naissance à une décision implicite de rejet (ci-après la « décision litigieuse »), le requérant a, par une nouvelle note datée du 10 janvier 2007 et intitulée « réclamation » (ci-après la « note du 10 janvier 2007 »), réitéré, dans les mêmes termes, la demande figurant dans la note du 22 juin 2006.

 Procédure et conclusions des parties

6        Le requérant a introduit le présent recours le 23 juillet 2007.

7        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

« –      [annuler] la décision […] litigieuse […] portant rejet par la [Commission] de la demande [contenue dans la note] du 22 juin 2006 ;

–        [annuler], en tant que de besoin et quelle que soit sa base juridique, la décision portant rejet de la réclamation […] du 10 janvier 2007 [introduite] à l’encontre de la décision litigieuse ;

–        [condamner] la [Commission] à verser au requérant la somme de 6 347, 67 euros (en toutes lettres : six mille trois cent quarante-sept euros [et] soixante-sept centimes) majorée des intérêts de retard et d’une réévaluation de 10 % par an comportant une capitalisation annuelle, à partir de la date de l’introduction de la [note du] 22 juin 2006 [et] jusqu’à présent, à titre d’indemnisation du préjudice matériel résultant pour le requérant de la décision litigieuse ;

–        [condamner] la [Commission] à verser au requérant la somme de 1 000 euros, à titre d’indemnisation de la perte de chance dont [il] aurait pu bénéficier s’il avait pu disposer en temps utile des sommes qui ne lui ont pas été versées, et ce injustement ;

–        [condamner] la [Commission] à verser ex aequo et bono la somme de 3 000 euros, ou toute somme inférieure ou supérieure que le Tribunal […] estimera juste et nécessaire, à titre d’indemnisation du préjudice moral et existentiel résultant pour le requérant de la décision litigieuse ;

–        [condamner] la [Commission] à verser au requérant, pour chaque journée écoulée entre le jour de l’introduction du présent recours et la date à laquelle la [Commission] aura adopté toutes les décisions nécessaires pour répondre à la demande [contenue dans la note] du 22 juin 2006, la somme de [deux] euros ou toute somme supérieure ou inférieure que le Tribunal estimera juste et équitable, somme qui devra être versée le premier jour de chaque mois en ce qui concerne les droits acquis le mois précédent, à titre d’indemnisation du dommage résultant du retard éventuel dans l’exécution de la décision faisant droit à la demande [contenue dans la note] du 22 juin 2006 ;

–        condamner la Commission aux dépens. »

8        Par acte daté du 22 août 2007 et déposé au greffe du Tribunal le 23 août suivant, la Commission a fait valoir que le recours serait devenu sans objet. Elle a expliqué que, par une lettre du 21 août 2007 adressée au requérant, elle aurait, premièrement, annoncé son intention de faire droit à la demande de remboursement des dépens de l’affaire T‑176/04, sous réserve que ces dépens fussent récupérables et raisonnables, deuxièmement, invité l’intéressé à présenter une note d’honoraires à cet effet, troisièmement, proposé de supporter, à hauteur d’une somme de 2 000 euros, les dépens exposés par le requérant dans la présente affaire (ci-après la « lettre du 21 août 2007 »). La Commission a ajouté que le fait de permettre au requérant de maintenir le présent recours malgré l’envoi de la lettre du 21 août 2007 reviendrait à l’autoriser à contourner la procédure de taxation des dépens, organisée par l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

9        Selon la Commission, la lettre du 21 août 2007 aurait été reçue par le requérant le 12 septembre 2007.

10      Par acte parvenu au greffe du Tribunal le 9 octobre 2007 (le dépôt de l’original étant intervenu le 16 octobre suivant) et intitulé « Observations [du requérant] sur la demande de non-lieu à statuer », le requérant a d’abord confirmé que la présente requête n’avait pas pour objet une taxation des dépens et que les sommes d’argent dont il demandait le versement étaient sollicitées au titre de l’indemnisation de dommages subis et non au titre du remboursement de dépens. Il a par ailleurs contesté la position de la Commission selon laquelle son recours serait devenu sans objet, expliquant que, dans la lettre du 21 août 2007, celle-ci ne lui aurait proposé le versement d’aucune somme précise en ce qui concerne les dépens de l’affaire T-176/04.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 novembre 2007, la Commission a communiqué son mémoire en défense.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ;

–        subsidiairement, rejeter le recours ;

–        en tout état de cause, condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission postérieurement au 12 septembre 2007.

13      Une réunion informelle tenue le 27 novembre 2007 n’a pu aboutir à un règlement amiable du litige.

14      Par courrier du 13 mars 2008 déposé au greffe du Tribunal le 19 mars suivant (ci-après le « courrier du 13 mars 2008 »), le requérant a demandé en substance au Tribunal que soit versée au dossier de l’affaire copie d’une lettre avec annexes qu’il avait envoyée à la Commission le 3 janvier 2008.

 En droit

 Sur la compétence

15      Il importe de rappeler à titre liminaire que le législateur a institué une procédure spécifique de taxation des dépens, lorsque, suite à un arrêt ou à une ordonnance par laquelle le Tribunal de première instance a mis fin à un litige et statué sur la charge des dépens, les parties s’opposent sur le montant et la nature des dépens récupérables. En effet, aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, « [s]’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal [de première instance] statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations ».

16      En l’espèce, il est constant que la Commission n’a pas fait droit à la demande du requérant, exprimée dans la note du 22 juin 2006 et réitérée dans la note du 10 janvier 2007, tendant à ce qu’elle lui rembourse, à hauteur de 6 347,67 euros, les dépens qu’il aurait exposés dans l’affaire T‑176/04. Dans ces conditions, il y a lieu de relever que les conclusions tendant à l’annulation de la « décision litigieuse » et de la « décision portant rejet de la réclamation […] du 10 janvier 2007 [introduite] à l’encontre de la décision litigieuse », ainsi que les conclusions tendant à la condamnation de la Commission à payer au requérant la somme de 6 347,67 euros, avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts, visent, en fait, à obtenir le paiement, par la Commission, des dépens récupérables que le requérant estime avoir exposés dans l’affaire T‑176/04. Ces conclusions doivent donc être regardées, eu égard à leur objet, comme une demande de taxation des dépens. Or, une telle demande aurait dû être soumise, en application des dispositions de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, à celui-ci. Il s’ensuit que le Tribunal est incompétent pour statuer sur les conclusions susmentionnées.

17      Il en va de même des conclusions tendant à la condamnation de la Commission « à verser au requérant, pour chaque journée écoulée entre le jour de l’introduction du présent recours et la date à laquelle la [Commission] aura adopté toutes les décisions nécessaires pour répondre à la demande [contenue dans la note] du 22 juin 2006, la somme de [deux] euros ou toute somme supérieure ou inférieure que le Tribunal estimera juste et équitable », dès lors que ces conclusions constituent un accessoire à la demande de taxation des dépens.

18      Les considérations qui précèdent ne sauraient être remises en cause par le fait que le requérant, dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, a souligné que ses conclusions n’avaient pas pour objet une taxation des dépens et que les sommes d’argent dont il demandait le versement étaient sollicitées au titre de l’indemnisation de dommages subis et non au titre du remboursement de dépens. En effet, la qualification juridique exacte des conclusions d’un recours aux fins de déterminer si la juridiction est compétente pour les examiner relève de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties. Or, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les conclusions susmentionnées visent, en fait, à la taxation des dépens récupérables prétendument exposés dans l’affaire T‑176/04.

19      En revanche, les autres conclusions de la requête n’ayant pas pour objet une demande de taxation des dépens, le Tribunal est compétent pour en connaître.

20      Dans ces conditions, le présent recours doit, en application de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe du statut de la Cour de justice, être renvoyé au Tribunal de première instance en tant qu’il vise à la taxation des dépens récupérables afférents à l’affaire T‑176/04.

 Sur la recevabilité

21      Il convient de statuer sur la recevabilité des autres conclusions de la requête.

22      À cet égard, il importe de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

24      En ce qui concerne les conclusions tendant à la condamnation de la Commission à payer au requérant, d’une part, la somme de 1 000 euros, à titre d’indemnisation de la « perte de chance dont [il] aurait pu bénéficier s’il avait pu disposer en temps utile des sommes qui ne lui ont pas été versées, et ce injustement », d’autre part, la somme de 3 000 euros, en réparation du « préjudice moral et existentiel » résultant du refus par la Commission de faire droit à ses demandes contenues dans les notes des 22 juin 2006 et 10 janvier 2007, il convient de relever que les dommages allégués résultent d’un comportement de la Commission dépourvu de caractère décisionnel. Le requérant aurait donc dû, préalablement à l’introduction desdites conclusions, saisir l’AIPN d’une demande et, ensuite, d’une réclamation contre le rejet explicite ou implicite de cette demande, aux fins d’obtenir réparation des prétendus dommages. Or, il ressort des pièces du dossier que ces exigences n’ont pas été respectées par le requérant. Il s’ensuit que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées comme manifestement irrecevables.

25      À titre surabondant, il importe de souligner que le requérant, qui n’avait assorti ses demandes de remboursement des dépens d’aucune pièce justificative, telle une note d’honoraires émanant de l’avocat chargé de le représenter dans le cadre de l’affaire T‑176/04, ne saurait prétendre que la Commission, en refusant d’accueillir lesdites demandes, aurait commis une faute. De surcroît, l’intéressé n’établit pas davantage la réalité des préjudices qu’il allègue avoir subis.

26      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède, et sans qu’il soit nécessaire de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure sollicitée par le requérant dans le courrier du 13 mars 2008, que le recours doit, pour partie, être renvoyé au Tribunal de première instance, pour partie, être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

 Sur les dépens du recours en tant que celui-ci vise à la taxation des dépens récupérables afférents à l’affaire T‑176/04

27      Le Tribunal n’étant pas compétent pour connaître du recours en tant que celui-ci vise à la taxation des dépens récupérables afférents à l’affaire T‑176/04, la décision sur les dépens est réservée.

 Sur les dépens du surplus du recours

28      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Toutefois, en vertu de cet article et de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, dudit règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

30      En l’espèce, si le requérant a succombé en ses conclusions, il ne saurait pour autant être regardé comme ayant fait exposer à la Commission des frais frustratoires ou vexatoires. Dans ces conditions, chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est renvoyé au Tribunal de première instance des Communautés européennes en tant qu’il vise à la taxation des dépens récupérables afférents à l’affaire T‑176/04.

2)      Le surplus du recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

3)      Les dépens du recours sont réservés, en tant que ledit recours vise à la taxation des dépens récupérables afférents à l’affaire T‑176/04.

4)      Chaque partie supporte ses dépens en ce qui concerne le surplus de la requête.

Fait à Luxembourg, le 18 février 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’italien.