Language of document : ECLI:EU:C:2016:323

Affaire C‑358/14

République de Pologne

contre

Parlement européen
et

Conseil de l’Union européenne

« Recours en annulation – Rapprochement des législations – Directive 2014/40/UE – Articles 2, point 25, 6, paragraphe 2, sous b), 7, paragraphes 1 à 5, 7, première phrase, et 12 à 14, ainsi que 13, paragraphe 1, sous c) – Validité – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Produits du tabac contenant du menthol – Base juridique – Article 114 TFUE – Principe de proportionnalité – Principe de subsidiarité »

Sommaire – Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 4 mai 2016

1.        Rapprochement des législations – Article 114 TFUE – Champ d’application – Interdiction de mise sur le marché de certains produits – Inclusion

(Art. 114 TFUE)

2.        Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Mesures pouvant être prises pour réglementer les ingrédients – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Violation du principe de proportionnalité – Absence

(Art. 5, § 4, TUE ; art. 114, § 3, TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 7)

3.        Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Mesures pouvant être prises pour réglementer les ingrédients – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Compatibilité avec l’article 114 TFUE

(Art. 114 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, 15e considérant et art. 2, point 25, et 7)

4.        Droit de l’Union européenne – Principes – Proportionnalité – Portée – Pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union – Contrôle juridictionnel – Limites

(Art. 5, § 4, TUE)

5.        Droit de l’Union européenne – Principes – Principe de subsidiarité – Portée – Limitation de la compétence de l’Union en fonction de la situation d’un État membre plus avancé que d’autres – Exclusion

(Art. 5, § 3, TUE)

6.        Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Mesures pouvant être prises pour réglementer les ingrédients – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Violation du principe de subsidiarité – Absence

(Art. 5, § 3, TUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 1er et 7)

7.        Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Appréciation de l’obligation de motivation en fonction des circonstances de l’espèce – État membre ayant participé à la procédure législative – Moyen inopérant

(Art. 296 TFUE)

1.        Lorsqu’il existe des obstacles aux échanges ou qu’il est vraisemblable que de tels obstacles vont surgir dans le futur, au motif que les États membres ont pris, ou sont en train de prendre, à l’égard d’un produit ou d’une catégorie de produits des mesures divergentes de nature à assurer un niveau de protection différent et à entraver de ce fait la libre circulation du ou des produits dans l’Union, l’article 114 TFUE habilite le législateur de l’Union à intervenir en arrêtant les mesures appropriées dans le respect, d’une part, du paragraphe 3 de cet article et, d’autre part, des principes juridiques mentionnés dans le traité FUE ou dégagés par la jurisprudence, notamment du principe de proportionnalité.

À cet égard, par l’expression « mesures relatives au rapprochement » figurant à l’article 114 TFUE, les auteurs du traité ont voulu conférer au législateur de l’Union, en fonction du contexte général et des circonstances spécifiques de la matière à harmoniser, une marge d’appréciation quant à la technique de rapprochement la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité, notamment dans des domaines qui se caractérisent par des particularités techniques complexes. En fonction des circonstances, ces mesures peuvent consister à obliger l’ensemble des États membres à autoriser la commercialisation du ou des produits concernés, à assortir une telle obligation d’autorisation de certaines conditions, voire à interdire, provisoirement ou définitivement, la commercialisation d’un ou de certains produits.

(cf. points 36-38)

2.        L’interdiction de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant, tel que le menthol, contenue à l’article 7 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, ne méconnaît pas le principe de proportionnalité.

En effet, cette interdiction est apte à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes et est également appropriée pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes. Or, certains arômes sont particulièrement attrayants pour ces derniers et facilitent l’initiation à la consommation de tabac. À cet égard, dès lors que le législateur de l’Union pouvait soumettre l’ensemble des arômes caractérisants au même régime juridique car leurs caractéristiques objectives sont, en substance, similaires à celles des autres produits du tabac contenant un arôme caractérisant, en ce que leur arôme masque ou atténue l’âpreté de la fumée du tabac, l’aptitude de ladite interdiction à atteindre l’objectif de protection de la santé humaine ne saurait être remise en cause uniquement pour un arôme donné.

En outre, force est de constater que le législateur de l’Union a veillé à ce que les conséquences économiques et sociales négatives de l’interdiction de l’utilisation du menthol en tant qu’arôme caractérisant soient atténuées. En effet, le législateur de l’Union a procédé à une mise en balance entre, d’une part, les conséquences économiques de ladite interdiction et, d’autre part, l’impératif d’assurer, conformément à l’article 114, paragraphe 3, TFUE, un niveau élevé de protection de la santé en ce qui concerne un produit caractérisé par ses propriétés cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. À cet égard, le seul fait qu’un acte législatif de l’Union serait de nature à affecter davantage un État membre que d’autres n’est pas susceptible de porter atteinte au principe de proportionnalité, dès lors que les conditions de son application sont remplies. En effet, la directive 2014/40 a un impact dans tous les États membres et suppose qu’un équilibre entre les différents intérêts en présence, compte tenu des objectifs poursuivis par cette directive, soit assuré. Dès lors, la recherche d’un tel équilibre prenant en considération non pas la situation particulière d’un seul État membre, mais celle de l’ensemble des États membres de l’Union, ne saurait être regardée comme étant contraire au principe de proportionnalité.

(cf. points 50, 81, 82, 84, 99, 102, 103)

3.        L’interdiction de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant, qu’il s’agisse du menthol ou d’un autre arôme, contenue à l’article 7 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, a pu valablement être adoptée sur le fondement de l’article 114 TFUE.

En effet, d’une part, il ressort du considérant 15 de la directive 2014/40 qu’il existait, lorsque la même directive a été adoptée, des divergences importantes entre les réglementations des États membres, certains d’entre eux ayant établi différentes listes d’arômes autorisés ou interdits, alors que d’autres n’ont pas adopté de réglementation particulière sur ce point. De même, il paraît vraisemblable que, en l’absence de mesures prises au niveau de l’Union, des régimes disparates applicables aux produits du tabac contenant un arôme caractérisant, y compris le menthol, auraient été mis en œuvre au niveau national. D’autre part, puisque le marché des produits du tabac est un marché dans lequel les échanges entre les États membres représentent une part relativement importante, les règles nationales relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces produits, notamment celles qui concernent leur composition, sont dès lors par nature susceptibles, en l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union, de constituer des obstacles à la libre circulation des marchandises. Partant, l’élimination des divergences entre les réglementations nationales en ce qui concerne la composition des produits du tabac ou la prévention de l’évolution hétérogène de celles-ci, y compris par l’interdiction, à l’échelle de l’Union, de certains additifs, vise à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits concernés.

Par ailleurs, rien n’indique que le législateur de l’Union n’ait pas respecté la marge d’appréciation que lui confère l’article 114 TFUE quant à la technique de rapprochement la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité en instaurant, à l’article 7, paragraphes 2 à 5, de la directive 2014/40, des mécanismes ayant pour objet la détermination des produits du tabac contenant un arôme caractérisant au sens de l’article 2, point 25, de cette directive. Au contraire, ces mécanismes dynamiques présentent des avantages par rapport à l’adoption de listes d’arômes interdits ou autorisés, qui sont susceptibles d’être rapidement rendues caduques par l’évolution constante des stratégies commerciales des fabricants ou facilement contournées.

(cf. points 57, 58, 62, 64, 66, 68, 69)

4.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 78, 79, 97)

5.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 111, 114, 119)

6.        L’interdiction de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant, tel que le menthol, contenue à l’article 7 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, ne méconnaît pas le principe de subsidiarité.

En effet, à supposer même que le second volet du double objectif poursuivi par la directive 2014/40, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, puisse être mieux atteint au niveau des États membres, il n’en demeure pas moins que la poursuite dudit objectif à un tel niveau serait susceptible de consolider, sinon d’engendrer, des situations dans lesquelles certains États membres autoriseraient la mise sur le marché de produits du tabac contenant certains arômes caractérisants, alors que d’autres l’interdiraient allant ainsi à l’exact opposé de l’objectif premier de la même directive, à savoir l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes. Il résulte de l’interdépendance des deux objectifs visés par la directive 2014/40 que le législateur de l’Union pouvait légitiment estimer que son action devait comporter l’instauration d’un régime de mise sur le marché de l’Union des produits du tabac contenant un arôme caractérisant et que, en raison de cette interdépendance, ce double objectif pouvait être mieux réalisé au niveau de l’Union.

(cf. points 116-118)

7.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 122, 125)