Language of document : ECLI:EU:T:2019:26

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 janvier 2019 (*)

« Clause compromissoire – Contrat Sensation conclu dans le cadre du sixième programme-cadre – Coûts éligibles – Note de débit émise par la partie défenderesse pour le recouvrement des montants avancés – Fiabilité des relevés de temps – Conflit d’intérêts »

Dans l’affaire T‑166/17,

Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA), établi à Thessalonique (Grèce), représenté par Me V. Christianos et S. Paliou, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme A. Katsimerou, MM. O. Verheecke et J. Estrada de Solà, puis par Mmes Katsimerou, A. Kyratsou et M. Verheecke, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant, à faire constater, d’une part, que la créance figurant sur la note de débit no 3241615291 de la Commission, du 29 novembre 2016, aux termes de laquelle le requérant devrait lui rembourser la somme de 197 799,52 euros provenant de la subvention qu’il a reçue au titre d’une étude sur un projet de recherche dénommé Sensation est, à concurrence d’un montant de 179 101,34 euros, dépourvue de fondement et, d’autre part, que la somme litigieuse correspond à des coûts éligibles que le requérant n’est pas tenu de rembourser,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín (rapporteur) et Mme I. Reine, juges,

greffier : M. P. Cullen, adminstrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 mai 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur le sixième programme-cadre et le projet Sensation

1        L’article 166, paragraphe 1, CE prévoyait l’adoption de programmes-cadres pluriannuels comprenant l’ensemble des actions de l’Union européenne dans les domaines de la recherche et du développement technologique. En exécution de cette disposition, la décision no 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002, relative au sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) (JO 2002, L 232, p. 1), a adopté un sixième programme-cadre (ci-après le « programme FP6 »). Ce programme était régi par le règlement (CE) no 2321/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif aux règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités et aux règles de diffusion des résultats de la recherche pour la mise en œuvre du sixième programme-cadre (JO 2002, L 355, p. 23).

2        C’est dans ce contexte qu’a été mis en place le projet « Advanced Sensor Development for Attention, Stress, Vigilance and Sleep/Wakefulness Monitoring » (ci-après le « projet Sensation »). Ce projet avait pour objet l’étude des technologies relatives aux micro- et nano-capteurs dans le but de pouvoir surveiller, détecter et prévoir, de manière discrète et financièrement rentable, en temps réel et en tout lieu, l’état physiologique des personnes en termes de vigilance, de fatigue et de stress.

3        Le 24 décembre 2003, Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA) (Centre national de recherche et de développement technologique, ci-après le « requérant » ou « EKETA »), agissant en tant que coordinateur d’un consortium, a signé la convention de subvention no 507231, relative au financement du projet Sensation (ci-après la « convention Sensation »). La durée de ce projet était de 52 mois, à savoir du 1er janvier 2004 au 30 avril 2008.

4        La convention Sensation comprend la convention principale de financement (ci-après la « convention principale ») ainsi que six annexes. La première annexe décrit le projet et la deuxième comporte les conditions générales applicables (ci-après les « conditions générales »).

B.      Sur l’évaluation du projet

5        Suspectant des membres des consortiums attributaires de divers projets subventionnés d’octroyer de manière non transparente des contrats de sous-traitance à des sociétés appartenant au personnel d’autres membres desdits consortiums, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert en 2010 une enquête concernant dix personnes, dont M. B. et Mme E. P. L’enquête a été close le 21 juin 2012 sans recommandation.

6        Par lettre du 21 décembre 2010, la Commission européenne a informé le requérant de son intention de procéder à un audit financier de cinq projets financés dans le cadre du programme FP6 et, notamment, du projet Sensation.

7        L’audit financier a été effectué du 14 au 18 mars 2011 et les 30 et 31 mars suivants dans les locaux du requérant à Thessalonique (Grèce) ainsi que le 29 mars 2011 dans les locaux de celui-ci à Athènes (Grèce).

8        Le 5 juillet 2012, la Commission a envoyé au requérant un rapport d’audit provisoire et l’a invité à présenter ses observations sur celui-ci.

9        Le 25 septembre 2012, le requérant a adressé à la Commission ses observations sur le rapport d’audit provisoire ainsi que des pièces complémentaires .

10      Par lettre du 12 mai 2015, la Commission a communiqué au requérant, d’une part, le rapport d’audit final (ci-après le « rapport d’audit »), en soulignant qu’elle approuvait ses conclusions, et, d’autre part, un addendum concernant les taux des coûts indirects pour l’année 2006.

11      Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont relevé des irrégularités relatives aux coûts de personnel et au recours à des sous-traitants.

12      En ce qui concerne les coûts de personnel, les auditeurs ont observé que six personnes affectées au projet Sensation, à savoir Mmes V., M. P. et E. P. ainsi que MM. I. T., A. T. et B., chef dudit projet (ci-après les « chercheurs en cause »), travaillaient également sur d’autres projets au même moment ou avaient d’autres occupations professionnelles. Selon les auditeurs, l’importance de ces activités professionnelles parallèles nuisait à la plausibilité des relevés de temps des intéressés. Les auditeurs ont également signalé l’existence d’un conflit d’intérêts et de relations très étroites entre des employés et le chef du projet Sensation faisant douter non seulement de la réalité de leur participation, mais aussi de la nécessité de leur implication dans le projet. Au vu de ce qui précède, les auditeurs ont considéré que les coûts salariaux des intéressés devraient être rejetés comme inéligibles.

13      Les auditeurs ont également estimé que le système d’enregistrement des relevés de temps présentait certaines faiblesses. Ils ont aussi déploré le fait qu’ils n’avaient pu rencontrer certains chercheurs ni n’avaient pu s’entretenir téléphoniquement avec eux pour vérifier les heures de travail déclarées. Les auditeurs ont, en outre, fait valoir que, si certains chercheurs avaient pu travailler sur le projet Sensation, les preuves de leurs prestations n’étaient pas conformes aux exigences de la convention Sensation et qu’ils n’étaient pas en mesure d’évaluer ce travail, non seulement en raison du caractère non fiable des relevés de temps, mais aussi en raison du caractère technique du projet.

14      Le rapport d’audit détaille, enfin, les problèmes spécifiques posés par les prestations attribuées aux chercheurs en cause.

15      En ce qui concerne les contrats de sous-traitance, les auditeurs ont estimé que le recours aux sociétés ID. et M. ne satisfaisait pas au critère du meilleur rapport qualité-prix et que la nécessité de recourir à une sous-traitance n’était pas prouvée, parce que des ressources disponibles au sein du consortium étaient déjà utilisées pour les travaux en question ou même parce que ces travaux avaient parfois déjà été effectués. S’agissant de la société ID., ils ont, en outre, relevé l’existence d’un risque de conflit d’intérêts.

16      Le 29 novembre 2016, la Commission a adressé au requérant la note de débit no 3241615291, réclamant le remboursement d’un montant de 197 799,52 euros (ci-après la « note de débit »).

17      Le 11 mai 2017, la Commission a recouvré la somme mentionnée au point 16 ci-dessus, augmentée d’intérêts de retard d’un montant de 2 123,61 euros, par voie de compensation avec des créances dont le requérant était titulaire en vertu d’autres projets subventionnés par l’Union.

18      Le 13 juillet 2017, la Commission a émis une note de crédit afin de rembourser au requérant un montant de 8 988,21 euros résultant d’une erreur de calcul des frais indirects éligibles pour les années 2004 à 2006.

19      Le 19 octobre 2017, la Commission a émis une note de crédit de 2 950 euros correspondant au coût d’une mission de sous-traitance confiée à la société M. et a versé cette somme le 28 novembre suivant.

II.    Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2017, le requérant a introduit le présent recours.

21      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé, le 18 janvier 2018, d’ouvrir la phase orale de la procédure et, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, d’inviter avant l’audience les parties à répondre à des questions par écrit. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 15 mai 2018.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juin 2018, la Commission a demandé au Tribunal de rouvrir la phase orale de la procédure en vertu de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure, au motif que, le 5 juin 2018, elle avait effectué un paiement d’un montant de 179,83 euros au titre d’intérêts de retard réclamés par le requérant.

24      Le Tribunal a estimé qu’aucune des conditions prévues à l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure n’était remplie en l’espèce, d’autant qu’il appartient aux parties de tirer les conséquences dudit paiement après la décision mettant fin à la présente instance. Le Tribunal n’a donc n’a pas ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure.

25      Dans sa requête, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la créance figurant sur la note de débit, aux termes de laquelle il doit rembourser à la Commission la somme de 197 799,52 euros provenant de la subvention qu’il a reçue pour le projet Sensation, est dépourvue de fondement à concurrence de 191 039,55 euros ;

–        constater que la somme de 191 039,55 euros correspond à des frais éligibles et qu’il n’est pas tenu de la rembourser à la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        constater que, sur la somme de 197 799,52 euros figurant sur la note de débit, un montant de 188 811,31 euros correspond à des coûts non éligibles et ne doit pas être remboursé au requérant ;

–        condamner le requérant aux dépens.

27      À la suite, d’une part, du recouvrement, par la Commission, de la somme de 197 799,52 euros augmentée d’intérêts de retard d’un montant de 2 123,61 euros et, d’autre part, de virements, par celle-ci, d’une somme de 8 988,21 euros résultant d’une erreur de calcul des frais indirects ainsi que d’une somme de 2 950 euros résultant des coûts de sous-traitance payés à la société M., le requérant conclut, dans ses réponses à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 21 ci-dessus, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la créance figurant sur la note de débit, aux termes de laquelle il doit rembourser à la Commission la somme de 197 799,52 euros provenant de la subvention qu’il a reçue pour le projet Sensation, est dénuée de fondement à hauteur de 179 101,34 euros ;

–        constater que la somme de 179 101,34 euros correspond à des frais éligibles et que la Commission :

–        doit lui restituer ladite somme, les intérêts qu’elle a perçus et des intérêts de retard, calculés à compter du 12 mai 2017 jusqu’au complet versement, au taux de 3,50 % ;

–        doit lui verser des intérêts de retard sur la somme de 8 988,21 euros au taux de 3,50 %, calculés à compter du 12 mai 2017 jusqu’au versement de cette somme le 2 octobre 2017 ;

–        doit lui verser des intérêts de retard sur la somme de 2 950 euros au taux de 3,50 %, calculés à compter du 12 mai 2017 jusqu’au versement de cette somme le 28 novembre 2017 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      Dans la duplique, telle que modifiée par ses réponses à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 21 ci-dessus, la Commission a adapté son deuxième chef de conclusions et conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de constater qu’elle n’est pas tenue de rembourser au requérant un montant de 185 861,31 euros et les intérêts perçus sur cette somme ni de lui verser des intérêts de retard.

III. En droit

A.      Remarques liminaires

29      À titre liminaire, le recours appelle des observations sur le droit applicable, sur les conditions générales d’éligibilité des coûts et sur la charge de la preuve.

1.      Sur le droit applicable

30      En substance, le requérant soutient que le montant de 179 101,34 euros correspond à des coûts éligibles en se fondant sur :

–        les points II.3, II.6, II.19 et II.20 des conditions générales ;

–        les normes internationales d’audit et, plus précisément, le principe dit du « jugement professionnel », qui comporterait, premièrement, l’obligation de recueillir des éléments probants suffisants à charge et à décharge, deuxièmement, l’obligation de fonder les conclusions de l’audit sur les éléments recueillis lors de celui-ci et, troisièmement, l’obligation d’étayer les conclusions de l’audit de telle manière qu’un auditeur expérimenté n’ayant pas participé à l’audit puisse comprendre les appréciations des auditeurs ;

–        le devoir d’impartialité des auditeurs et de la Commission ;

–        le principe de proportionnalité.

31      Dans ce contexte, il y a lieu d’identifier d’emblée les dispositions et les principes effectivement applicables au litige.

a)      Sur les dispositions réglementaires

32      Il ressort de l’article 1er de la convention Sensation que celle-ci a été adoptée en exécution du programme FP6. Il convient, par conséquent, de tenir compte de la décision no 1513/2002. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, de cette décision, les modalités de la participation financière de l’Union étaient notamment régies par le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1).

33      Il y a lieu également de prendre en considération le règlement no 2321/2002. En vertu de son article 12, paragraphe 2, le contrat conclu par la Commission avec des tiers pour la réalisation d’une action indirecte, c’est-à-dire pour une activité de recherche et de développement technologique entreprise par une entité autre que le Centre commun de recherche (JRC), fixe les droits et les obligations de tous les participants, en particulier les dispositions concernant le suivi financier de l’action indirecte, le versement de la contribution financière de l’Union et les conditions d’éligibilité des dépenses.

34      Il s’ensuit que chaque participant à l’action indirecte doit respecter les conditions financières fixées pour l’octroi du concours et que cette obligation constitue même l’un de ses engagements essentiels qui conditionne l’attribution du concours financier (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 71).

35      Plus précisément, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2321/2002, les dépenses éligibles doivent être « réelles, économiques et nécessaires à la mise en œuvre de l’action indirecte ».

36      En outre, l’article 18, paragraphes 2 et 3, du règlement no 2321/2002 dispose ce qui suit :

« 2. Conformément au contrat, la Commission prend toutes les mesures utiles en vue d’assurer la réalisation des objectifs de l’action indirecte dans le respect des intérêts financiers de [l’Union]. Au nom de ceux-ci, elle peut, si nécessaire, ajuster la contribution financière de [l’Union] en cas de violation du [...] règlement ou des stipulations du contrat.

3. La Commission [...] est en droit de procéder à des audits scientifiques, technologiques et financiers auprès des participants, en vue de s’assurer que l’action indirecte est réalisée ou a été réalisée dans les conditions déclarées par eux et conformément aux stipulations du contrat. »

37      Enfin, l’article 20 du règlement no 2321/2002 dispose que « [l]a Commission veille à ce que, lors de la mise en œuvre d’actions indirectes, les intérêts financiers de [l’Union] soient protégés par la réalisation de contrôles effectifs ».

b)      Sur la convention Sensation

38      L’article 12 de la convention principale rend applicable le droit belge et l’article 13 contient une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE.

39      Le point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales, intitulé « Obligations d’exécution », dispose ce qui suit :

« Chaque contractant a l’obligation :

[...]

l)      de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des intérêts économiques, des affinités politiques ou nationales, des liens familiaux ou affectifs ou de tout autre type d’intérêt, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet et d’informer sans délai la Commission de toute situation pouvant conduire à un tel conflit d’intérêts. »

40      Le point II.6 des conditions générales, intitulé « Sous-traitance », prévoit ce qui suit :

« 1. Les contractants doivent s’assurer qu’ils sont en mesure d’effectuer les travaux prévus comme indiqué dans l’annexe I. Cependant, lorsqu’il est nécessaire de sous-traiter certains éléments des travaux à effectuer, cela doit être clairement indiqué dans l’annexe I. Au cours de l’exécution du projet, les contractants peuvent sous-traiter des tâches de service secondaires pour des aspects qui ne relèvent pas des travaux essentiels du projet, lorsque ces tâches ne peuvent pas être exécutées directement par eux-mêmes et que le recours à la sous-traitance pour ces tâches s’avère nécessaire à l’exécution de leur part de travail dans le projet.

2. Tout contrat de sous-traitance, dont les coûts doivent être exposés comme un coût éligible, doit être attribué par appel d’offres au sous-traitant ayant soumis l’offre la plus avantageuse (meilleur rapport qualité/prix) dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement. Les aspects suivants doivent être pris en compte dans l’attribution des contrats de sous-traitance :

a)      ils ne doivent porter que sur l’exécution d’une partie restreinte du projet ;

b)      le recours à la sous-traitance doit être justifié eu égard à la nature de l’action et à ce qui est nécessaire à son exécution ;

c)      les tâches concernées doivent être mentionnées à l’annexe I ;

[…] »

41      Le point II.19 des conditions générales prévoit ce qui suit :

« Les coûts [...] encourus pour la réalisation du projet [Sensation], [pour être éligibles], doivent remplir toutes les conditions suivantes :

a)      ils doivent être réels, économiques et nécessaires à la réalisation du projet, et

b)      ils doivent être déterminés conformément aux principes comptables usuels du contractant, et

c)      ils doivent être encourus pendant la durée du projet […], et

d)      ils doivent être enregistrés dans la comptabilité du contractant qui les a encourus […] Les procédures comptables employées pour enregistrer les coûts et les recettes doivent respecter les règles comptables de l’État d’établissement du contractant ainsi que permettre le rapprochement direct entre les coûts et les recettes encourues pour la mise en œuvre du projet et les déclarations d’ensemble relatives à l’ensemble de l’activité du contractant […] »

42      Le point II.20 des conditions générales, relatif aux coûts directs, stipule ce qui suit :

« 1. Les coûts directs sont tous les coûts qui satisfont aux critères établis [au point] II.19 ci-dessus, qui peuvent être identifiés par chaque contractant conformément à son système comptable et qui peuvent être attribués directement au projet.

2. […] Les coûts directs de personnel doivent être limités aux coûts réels du personnel affecté au projet […] »

43      Le point II.21, paragraphe 1, des conditions générales, relatif aux coûts indirects, prévoit ce qui suit :

« Les coûts indirects sont tous les coûts qui satisfont aux critères établis par [le point] II.19 qui ne peuvent pas être identifiés par le contractant comme étant directement attribués au projet, mais qui peuvent être identifiés et justifiés par son système de comptabilité comme étant encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet. »

44      Le point II.29 des conditions générales, intitulé « Contrôles et audits », dispose ce qui suit :

« 1. À tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits, soit par des réviseurs ou auditeurs scientifiques ou technologiques externes, soit par les services de la Commission eux-mêmes, y compris l’OLAF. Ces audits peuvent porter sur des aspects scientifiques, financiers, technologiques et autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat […].

2. Les contractants mettent directement à la disposition de la Commission toutes les données détaillées qui peuvent être demandées par la Commission en vue de vérifier si le contrat est bien géré et exécuté.

[…]

4. Pour permettre l’exécution de ces audits, les contractants veillent à ce que les services de la Commission et tout organisme extérieur désigné par la Commission puissent, à toute heure raisonnable, se rendre sur place, en particulier dans les bureaux des contractants, pour y recueillir toutes les informations nécessaires à l’exécution de l’audit […] »

45      Le point II.31, paragraphe 1, des conditions générales prévoit ce qui suit :

« Lorsqu’un montant a été payé indûment au contractant ou lorsqu’un recouvrement est justifié dans les conditions du contrat, le contractant s’engage à rembourser à la Commission la somme en question dans les conditions et à la date précisée par elle. »

c)      Sur le droit belge

46      L’article 1134 du code civil belge prévoit, en son premier alinéa, que « [l]es conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et, en son deuxième alinéa, qu’« [e]lles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ».

47      L’article 1134, troisième alinéa, du code civil belge prévoit en outre que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. L’article 1135 du même code précise que « [l]es conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Cet article exprime donc également le principe d’exécution de bonne foi des contrats.

48      L’article 1156 du code civil belge illustre l’application du principe d’exécution de bonne foi dans l’interprétation des contrats. Il dispose en effet que doit être recherché, dans les conventions, « quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes ».

d)      Sur les normes internationales d’audit

49      S’agissant des normes internationales d’audit invoquées par le requérant, et singulièrement du principe du « jugement professionnel », il y a lieu de constater que le point II.29 des conditions générales, relatif aux audits et aux contrôles financiers, ne précise pas les conditions techniques et concrètes dans lesquelles les auditeurs doivent réaliser leur travail (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission, T‑59/11, EU:T:2014:679, point 179). En outre, contrairement à ce que le requérant suggère, les normes internationales d’audit ne ressortent pas des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission, T‑59/11, EU:T:2014:679, point 184).

50      Néanmoins, il y a lieu de rappeler que la bonne foi, qui s’impose aux parties dans le silence des contrats, oblige ces dernières à adopter un comportement objectif (arrêt du 16 juillet 2014, Isotis/Commission, T‑59/11, EU:T:2014:679, point 179).

e)      Sur les principes d’impartialité et de proportionnalité

51      S’agissant du principe d’impartialité, il ressort de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que l’impartialité est un élément du droit à une bonne administration. Or, les obligations relevant du principe général de bonne administration s’imposent aux institutions exclusivement dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités administratives et non lorsque la relation entre la Commission et la partie requérante est de nature contractuelle (arrêt du 11 décembre 2013, EMA/Commission, T‑116/11, EU:T:2013:634, point 245). Toutefois, ainsi que cela a été exposé au point 50 ci-dessus, l’obligation d’adopter un comportement objectif et impartial s’impose dans le domaine contractuel au titre du principe d’exécution de bonne foi des contrats (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2014, Isotis/Commission, T‑59/11, EU:T:2014:679, point 179, et du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, points 114 à 117).

52      S’agissant du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que celui-ci constitue un principe général de droit de l’Union, qui est consacré par l’article 5, paragraphe 4, TUE et qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Ce principe a vocation à régir tous les modes d’action de l’Union, qu’ils soient ou non contractuels, étant donné que, dans le contexte de l’exécution d’obligations contractuelles, le respect de ce principe participe de l’obligation plus générale des parties à un contrat de l’exécuter de bonne foi. Au demeurant, en vertu du droit belge applicable à la convention Sensation, l’obligation d’exécuter de bonne foi les conventions interdit à une partie d’exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente (voir, en ce sens, arrêts du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, points 73, 88 et 89, et du 26 janvier 2017, T‑703/14, non publié, EU:T:2017:34, points 156 à 158).

f)      Sur le guide pour les questions financières relatives aux actions indirectes au titre du programme FP6

53      Il convient de rappeler que la Commission a édité un guide pour les questions financières relatives aux actions indirectes au titre du programme FP6 (ci-après le « guide FP6 »).

54      À cet égard, bien qu’il n’eût pas une valeur contraignante, le guide FP6 relevait du cadre dans lequel la convention Sensation avait été conclue, dès lors qu’il était destiné à fournir, notamment, des exemples concrets ainsi que des suggestions relatives aux bonnes pratiques financières à appliquer lors de la mise en œuvre des projets financés dans le cadre du programme FP6 (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Meta Group/Commission, T‑744/14, non publié, sous pourvoi, EU:T:2017:304, point 177). En vertu du principe d’exécution de bonne foi des contrats, les indications fournies dans le guide FP6 devaient ainsi être prises en compte. Or, il ressort notamment de celui-ci que les coûts directs éligibles sont des coûts qui peuvent être associés directement au projet.

2.      Sur les conditions d’éligibilité

55      S’agissant des conditions d’éligibilité, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées (arrêts du 22 mai 2007, T‑500/04, EU:T:2007:146, point 94 ; du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 71, et du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑768/14, non publié, EU:T:2017:28, point 134).

56      Il s’ensuit que les bénéficiaires de subventions ont l’obligation de remettre à la Commission des relevés des coûts afin de lui permettre de vérifier si les fonds de l’Union ont été utilisés en conformité avec les stipulations du contrat (voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2007, Commission/IIC, T‑500/04, EU:T:2007:146, point 95, et du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 64). Ce besoin de l’Union de disposer des données nécessaires à la vérification de l’utilisation des fonds trouve lui-même son fondement dans l’obligation de bonne et saine gestion financière des ressources de l’Union qui lie la Commission conformément à l’article 317 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 128).

57      Par conséquent, le bénéficiaire d’une subvention ou d’un concours financier n’acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si est rempli l’ensemble des conditions auxquelles est subordonné l’octroi de la subvention ou du concours financier, étant entendu qu’il ne suffit pas que les projets et l’action audités aient été bien exécutés sur le plan technique. Il faut également que l’intéressé ait bien exécuté les obligations financières qui lui incombaient et, notamment, que la Commission ait pu vérifier que les coûts déclarés étaient effectivement éligibles et justifiés (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, points 146 et 152, et du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net/Commission, T‑703/14, non publié, EU:T:2017:34, point 115).

3.      Sur la charge de la preuve

58      Le requérant considère qu’il a produit des relevés pertinents du temps de travail des chercheurs en cause ainsi que d’autres éléments de preuve les confirmant. Le requérant estime dès lors qu’il incombe à la Commission de prouver qu’elle n’est pas tenue de lui rembourser les dépenses litigieuses et qu’elle ne peut se borner à dénier sans justification toute valeur probante à l’ensemble des preuves produites.

59      À cet égard, pour les motifs exposés aux points 56 et 57 ci-dessus, les coûts invoqués par le requérant ne peuvent lui être remboursés qu’à condition qu’il ait démontré leur réalité en fournissant des informations fiables permettant de vérifier si les conditions d’octroi des subventions étaient remplies et qu’il ait établi que ces coûts ont été exposés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles (arrêts du 22 mai 2007, Commission/IIC, T‑500/04, EU:T:2007:146, point 94, et du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 71).

60      Ce n’est que dans l’hypothèse où la partie requérante apporte de telles preuves par des relevés de frais et d’autres renseignements pertinents qu’il incombe à la Commission de démontrer qu’il y avait lieu d’écarter les dépenses litigieuses, en justifiant leur rejet notamment parce que ces relevés de frais ne sont pas exacts ou crédibles (ordonnance du 4 décembre 2014, Talanton/Commission, T‑165/13, non publiée, EU:T:2014:1027, point 72, et arrêt du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net/Commission, T‑703/14, non publié, EU:T:2017:34, point 84).

61      Par conséquent, lorsque les auditeurs présentent des indices concrets de l’existence d’un risque que le temps de travail déclaré ne remplit pas les conditions d’éligibilité, l’inéligibilité est présumée et il appartient au cocontractant de démontrer, par le biais d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité ont, au contraire, bien été respectées (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, sous pourvoi, EU:T:2017:533, point 106). Un rapport d’audit doit, à cet égard, être analysé comme un élément de preuve justifiant l’inéligibilité de dépenses (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 136, et du 27 avril 2016, ANKO/Commission, T‑154/14, non publié, EU:T:2016:246, point 138) s’il s’appuie sur des indices concrets.

62      En l’espèce, les auditeurs ont présenté des indices concrets dont il résulte que les heures de travail déclarées pour les chercheurs en cause ne remplissaient pas les conditions d’éligibilité posées par le point II.19 des conditions générales.

63      En effet, les auditeurs ont observé que, parallèlement à leur participation au projet Sensation, les chercheurs en cause travaillaient sur d’autres projets financés par l’Union, par l’État grec et par le secteur privé, en qualité d’indépendants ou comme associés dans des sociétés personnelles dont l’activité dépendait presque exclusivement de leurs prestations. Ils ont également relevé que ces activités parallèles étaient, dans certains cas, exercées à la fois à Athènes et à Thessalonique, que les heures de travail consacrées à ces activités parallèles pouvaient coïncider avec celles en vigueur à EKETA et que les chercheurs en cause tiraient de leurs activités professionnelles parallèles des revenus importants. Les auditeurs ont encore constaté que les relevés de temps des chercheurs en cause ne mentionnaient pas les modules de travail sur lesquels ils étaient censés travailler, ce qui nuisait aussi à leur fiabilité. Enfin, ils ont souligné que, pour certains des chercheurs en cause, il existait un risque de conflit d’intérêts résultant de relations extrêmement étroites entretenues avec le chef de projet, M. B., qui visait leurs relevés de temps.

64      Dans ce contexte, il appartenait au requérant de démontrer, par le biais d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité avaient été respectées.

65      C’est à l’aune des règles rappelées ci-dessus qu’il conviendra d’examiner les preuves fournies par les parties.

B.      Sur la contestation de la créance d’un montant de 179 101,34 euros dont la Commission s’estime titulaire

66      Au vu des remarques liminaires qui précèdent et en ce qui concerne l’inéligibilité de coûts directs de personnel, de coûts de sous-traitances et de coûts indirects que le requérant conteste, il y a lieu d’examiner dans l’ordre suivant les griefs du requérant portant :

–        premièrement, sur le manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit, car ce grief est de nature à affecter l’ensemble de la créance figurant sur la note de débit s’il s’avère fondé ;

–        deuxièmement, sur l’inéligibilité de certains coûts directs de personnel, en ce compris le grief du requérant tiré d’une violation du principe de proportionnalité ;

–        troisièmement, sur l’inéligibilité de coûts de sous-traitance ;

–        quatrièmement, sur l’inéligibilité de coûts indirects.

1.      Sur le manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit

67      Le requérant soutient que les auditeurs et la Commission ont violé leur devoir d’impartialité. Plus précisément, il prétend que le fonctionnaire responsable de l’audit a déclaré, durant celui-ci, qu’il voulait « détruire » EKETA. Une telle déclaration mettrait en cause l’objectivité et l’impartialité de l’audit, de même que celles de la note de débit qui en a entériné les conclusions.

68      Cependant, l’allégation relative aux propos imputés au fonctionnaire concerné, à la supposer établie alors qu’elle est contestée par la Commission, ne suffit pas à elle seule à faire regarder les conclusions des auditeurs, sur lesquelles la Commission s’est fondée, comme étant entachées d’un manque d’objectivité et d’impartialité. Ces conclusions sont le résultat d’un travail collégial et reposent sur une série de constatations plutôt que sur l’appréciation subjective d’un seul fonctionnaire. De plus, le requérant ne fournit pas d’éléments de nature à établir que le fonctionnaire en question, même s’il était le responsable de l’audit au sein de l’administration, était en mesure d’exercer une influence déterminante sur les appréciations de l’ensemble des auditeurs et sur la Commission.

69      Le grief tiré du manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit doit par conséquent être rejeté.

2.      Sur les coûts directs de personnel déclarés inéligibles

70      Le requérant soulève, tout d’abord, des arguments d’ordre général mettant globalement en cause les constatations des auditeurs qui ont justifié la note de débit. Le requérant conteste ensuite les motifs spécifiques à chaque chercheur en cause que la Commission a invoqués pour rejeter l’éligibilité des coûts liés à leur travail.

71      Il convient d’examiner successivement ces deux catégories d’arguments.

a)      Sur les arguments de portée générale du requérant

1)      Quant aux motifs déterminants justifiant l’inéligibilité des coûts directs des chercheurs en cause

72      Le requérant soutient, de manière générale, que les auditeurs ont fait valoir à tort, premièrement, que son système d’enregistrement des relevés de temps n’était pas fiable, deuxièmement, que le travail fourni par les chercheurs en cause n’était pas plausible en raison de leurs activités parallèles, troisièmement, que certains d’entre eux ne s’étaient pas rendus disponibles pour rencontrer les auditeurs, quatrièmement, que certains s’étaient trouvés dans une situation de conflit d’intérêts et, cinquièmement, que les auditeurs n’avaient pas été en mesure d’évaluer les preuves fournies en raison de leur caractère technique.

73      Toutefois, la Commission soutient, à juste titre, que la créance figurant sur la note de débit repose principalement sur deux motifs, à savoir, premièrement, la circonstance que les chercheurs en cause exerçaient des activités professionnelles parallèles telles que leur participation au projet Sensation dans la mesure déclarée n’était pas plausible et, deuxièmement, la mauvaise exécution, par le requérant, de ses obligations découlant du point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales en matière de prévention des risques de conflit d’intérêts. Dans le rapport d’audit, ces motifs apparaissent dans la recension des irrégularités relevées systématiquement et dans le résumé des ajustements requis à la suite de l’audit et sont explicités dans les parties consacrées à l’examen de la situation de chaque intéressé.

74      Par ailleurs, le non-respect de l’obligation de produire, lors de l’audit financier, des relevés de temps fiables pour justifier les coûts de personnel est un motif suffisant pour rejeter l’ensemble de ces coûts (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 211 et jurisprudence citée). De plus, l’existence d’un conflit d’intérêts est constitutive d’une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 141) qui pèse notamment sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union.

75      Les autres motifs figurant dans le rapport d’audit apparaissent comme étant accessoires et comme venant au soutien des deux principaux motifs mentionnés au point 73 ci-dessus.

76      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, si l’un des motifs de la décision litigieuse est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres motifs ne le seraient pas ne saurait l’invalider (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2006, SELEX Sistemi Integrati/Commission, T‑155/04, EU:T:2006:387, point 47 ; du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, points 211 et 212 ; du 28 septembre 2016, Royaume-Uni/Commission, T‑437/14, EU:T:2016:577, point 73, et du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, points 92 à 96).

77      Au vu de ce qui précède, il convient d’examiner la validité des motifs tirés du manque de fiabilité des relevés de temps des chercheurs en cause et d’un risque de conflit d’intérêts.

2)      Quant au manque de fiabilité des relevés de temps des chercheurs en cause

78      Il découle de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2321/2002, du point II.19, paragraphe 1, sous a) et d), et du point II.20 des conditions générales ainsi que du guide FP6 que la manière selon laquelle le temps de travail est enregistré doit permettre à la Commission de vérifier que les coûts déclarés représentent des charges réelles, qu’ils correspondent à la rationalité économique, qu’ils sont nécessaires à la réalisation du projet et qu’ils peuvent être directement attribués à ce dernier. La Commission n’ayant pas été directement témoin de l’exécution de ses tâches par le requérant, elle ne dispose pas d’autres moyens, pour contrôler l’exactitude des coûts de personnel déclarés par celui-ci, que ceux devant résulter, notamment, de la production de relevés de temps, lesquels doivent, de ce fait, être fiables (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 210, et du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, points 81 et 82).

79      En l’espèce, s’agissant de l’affirmation des auditeurs selon laquelle, au vu de leurs activités parallèles, il n’était pas plausible que les chercheurs en cause aient travaillé sur le projet Sensation pendant les heures déclarées dans les relevés de leur temps de travail, le requérant fait tout d’abord valoir que les contrats conclus par ceux-ci ne leur interdisaient pas de travailler sur plusieurs projets simultanément.

80      Le requérant soutient également que le point II.19 des conditions générales n’impliquait nullement que les coûts d’un chercheur seraient totalement inéligibles s’il exerçait une activité parallèle pour laquelle il percevait une rémunération élevée ou était un associé d’une société ayant réalisé un chiffre d’affaires important, ou encore s’il travaillait dans une structure distincte d’EKETA.

81      Par ailleurs, le requérant prétend avoir fourni les contrats de travail, des publications scientifiques liées au projet Sensation, des courriers électroniques, des procès-verbaux de réunion, des rapports, des documents établissant la participation à des éléments livrables de ce projet et des curriculums vitae, soit un ensemble d’éléments de preuve établissant la réalité des prestations de chaque chercheur en cause.

82      Toutefois, même si les conditions générales sont muettes quant à l’exercice d’activités parallèles, sauf en ce qui concerne les conflits d’intérêts, et même si les contrats liant EKETA à ses chercheurs n’interdisaient pas un cumul de fonctions, l’Union ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées (voir, en ce sens, arrêts du 19 janvier 2006, Comunità montana della Valnerina/Commission, C‑240/03 P, EU:C:2006:44, points 69 et 76, et du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 129). Aussi, pour qu’un projet puisse donner lieu au remboursement de ses coûts par la Commission, il faut notamment que le cocontractant ait bien exécuté ses obligations financières, dont celle de présenter des relevés de temps fiables, car seuls sont éligibles les coûts des heures effectivement ouvrées au titre du projet.

83      De surcroît, il y a lieu de rappeler que l’obligation d’exécuter de bonne foi les conventions interdit à une partie d’exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente (voir point 52 ci-dessus). En droit belge, applicable à la convention Sensation, la bonne foi implique, au demeurant, un devoir de loyauté dans la fourniture d’informations et de modération dans les exigences formulées à l’égard du cocontractant au titre du contrat, mais aussi l’obligation d’éviter toute aggravation des charges résultant, pour l’autre partie, de l’exécution de la convention.

84      En l’espèce, alors qu’il revient au requérant de démontrer que les relevés de temps qui n’ont pas été considérés comme fiables par la Commission reflétaient bien les heures effectivement consacrées au projet Sensation, les contrats de travail, les publications scientifiques, les courriers électroniques, les rapports et les procès-verbaux de réunion ne sont pas de nature à prouver la fiabilité de ces relevés. Ils ne permettent pas d’opérer, conformément aux points II.19 et II.20 des conditions générales, un rapprochement direct avec les heures déclarées par les chercheurs en cause selon une méthode raisonnable et fiable au sens du point 6.1.1 du guide FP6. En effet, ces documents nécessitaient une évaluation aussi laborieuse qu’hasardeuse pour les faire correspondre à des heures de travail.

85      À cet égard, force est de constater que les auditeurs ont fait état, dans le rapport d’audit, de leur incapacité à évaluer la somme de travail réellement accomplie par Mme M. P. ainsi que par MM. B. et A. T., non seulement en raison du caractère non fiable de leurs relevés de temps, mais aussi en raison du caractère technique du projet. Le requérant soutient, certes, qu’il incombait à la Commission de procéder en ce cas à un audit technique complémentaire ou de mobiliser, dans ses services, le personnel approprié pour assister les auditeurs dans leur travail [req/73]. Toutefois, outre qu’il résulte du point II.29 des conditions générales qu’un tel audit n’est qu’une faculté, cet argument du requérant confirme la difficulté et l’ampleur de la tâche que celui-ci entend imputer à la Commission.

86      Au demeurant, le requérant lui-même ne fournit aucune indication quant au temps de travail dont chaque document complémentaire auquel il se réfère serait le reflet. Il ne fournit pas d’avantage d’indication quant à la méthode à utiliser pour déterminer de manière fiable à partir desdits documents le temps de travail dédié au projet Sensation par chaque chercheur en cause.

87      De surcroît, comme le rapport d’audit l’a constaté, les relevés de temps ne mentionnaient pas les modules de travail sur lesquels les chercheurs en cause avaient travaillé à un moment précis. Or, la mention du projet et des modules de travail était nécessaire à l’identification des coûts directs, au sens du point II.20, paragraphe 1, des conditions générales, et aurait permis de vérifier le caractère réel des dépenses déclarées par le requérant, comme cela est requis par le point II.19, paragraphe 1, sous a), desdites conditions (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, points 101 et 102). Cette lacune a accentué le caractère aléatoire du rapprochement des documents complémentaires fournis par le requérant avec les heures déclarées dans les relevés de temps. Elle a accru la difficulté de faire le lien entre le travail effectué et ces relevés et, contrairement à ce que soutient le requérant , a contribué à nuire à la fiabilité de ceux-ci. Ainsi, même si, comme le soutient le requérant, les courriers électroniques communiqués aux auditeurs contenaient une référence aux modules de travail, l’absence de mention desdits modules dans les relevés de temps ne permettait pas d’établir aisément et avec certitude une correspondance entre les uns et les autres.

88      Il découle de tout ce qui précède que la simple production de documents, tels que les contrats, des publications scientifiques, des courriers électroniques, des rapports et des procès-verbaux de réunion, qui sont destinés à remédier au caractère non fiable des relevés de temps, mais qui nécessitent, pour la Commission, un investissement considérable en temps et en moyens pour tenter de les convertir en temps de travail, méconnaît l’obligation de collaborer de bonne foi avec celle-ci et qu’une telle méconnaissance n’aurait pas été commise par un cocontractant normalement prudent et diligent.

89      Quant aux curriculums vitae des chercheurs en cause, ils attestent de leurs compétences, mais non du fait qu’ils ont travaillé sur le projet Sensation pendant les heures déclarées.

90      Le requérant fait encore grief à la Commission de ne pas avoir comparé les relevés de temps des chercheurs en cause concernant le projet Sensation avec les relevés concernant les autres projets subventionnés par elle et dont elle disposait, cela afin de vérifier l’existence d’éventuelles contradictions. Le requérant estime également qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir produit des relevés de temps ou d’autres éléments attestant du temps consacré par les intéressés à leurs activités professionnelles parallèles dans la mesure où il ne disposait d’aucun moyen pour exiger que de tels documents lui soient remis.

91      Il y a cependant lieu de rappeler que le cocontractant qui demande le remboursement de frais doit justifier notamment de leur réalité et de leur lien avec le projet en question. De plus, dans la mesure où les auditeurs avaient contesté la fiabilité des relevés de temps sur la base d’indices concrets, il appartenait au requérant de démontrer que ces relevés reflétaient les heures effectivement consacrées au projet Sensation en dépit des activités cumulées par les chercheurs en cause (voir points 59 et 61 ci-dessus).

92      En outre, même si les relevés de temps indiquaient les programmes subventionnés par l’Union sur lesquels les chercheurs en cause travaillaient, exiger, comme le fait le requérant, que la Commission procédât à un contrôle croisé des relevés respectifs des chercheurs en cause pour rechercher d’éventuelles incohérences excède, pour les raisons exposées aux points 82 et suivants ci-dessus, ce que le requérant pouvait attendre de la Commission.

93      Dès lors que les relevés de temps n’ont pas été jugés fiables sur la base d’éléments concrets, il incombait ainsi au requérant d’établir lui-même et sous une forme raisonnablement accessible à la Commission l’absence de chevauchement des heures de travail déclarées par les chercheurs en cause dans le projet Sensation avec leurs prestations dans le cadre d’activités parallèles. À cet égard, le seul fait que les auditeurs ont reçu une liste des autres prestations des chercheurs en cause était insuffisant et il appartenait au requérant, en tant qu’employeur des intéressés, d’obtenir de ceux-ci des précisions quant au cumul de leurs activités et quant à la façon dont ils répartissaient leur temps de travail entre leurs différentes activités. À ce propos, il convient de rappeler que le point II.29, paragraphe 2, des conditions générales ne limite pas l’accès des auditeurs aux seules informations et données relatives à la convention de subvention faisant l’objet de l’audit. Selon cette stipulation, les auditeurs peuvent demander à avoir accès à toute information et donnée permettant de vérifier les bonnes gestion et exécution de cette convention, ce qui implique, en général, d’accéder à des informations et à des données allant au-delà de celles relatives à la convention en cause (arrêt du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 114).

94      En toute hypothèse, selon le requérant, même en tenant compte du travail fourni par les chercheurs en cause dans le cadre d’autres projets, leur temps de travail dans le cadre du projet Sensation consigné dans leurs relevés de temps était plausible.

95      Cependant, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 2321/2002 et du point II.19, sous a), des conditions générales, les coûts imputés à la réalisation du projet Sensation devaient être réels, de sorte que, en ce qui concerne les frais de personnel, seuls étaient éligibles les coûts des heures effectivement ouvrées au titre de ce projet (voir point 78 ci-dessus). De surcroît, et sous réserve de l’examen plus détaillé auquel il sera procédé ci-après au vu des arguments du requérant spécifiques aux coûts de chaque chercheur en cause, il ressort des constatations opérées par les auditeurs, rappelées au point 63 ci-dessus, que les heures recensées dans les relevés de temps des intéressés n’étaient pas plausibles.

96      Il découle de ce qui précède que les arguments de portée générale du requérant ne sauraient globalement remettre en question le constat des auditeurs selon lequel, au vu de leurs activités parallèles, il n’était pas plausible que les chercheurs en cause aient travaillé sur le projet Sensation pendant les heures déclarées dans les relevés de leur temps de travail.

3)      Quant à l’existence d’un risque de conflits d’intérêts

97      Les auditeurs financiers ont fait état, dans le rapport d’audit, de l’existence de conflits d’intérêts et de relations exagérément proches entre, d’une part, trois chercheurs, Mmes E. P. et V. ainsi que M. I. T., et, d’autre part, le chef du projet, M. B. Selon les auditeurs, cette situation faisait douter non seulement de la réalité du travail desdits chercheurs, mais également de la nécessité et de la rentabilité de leur participation au projet Sensation.

98      Le requérant soutient que le risque de conflit d’intérêts n’est pas un motif d’inéligibilité. Ce risque ne figurerait pas au point II.19 des conditions générales, qui énumère les conditions d’éligibilité des coûts et qui constituerait une disposition spéciale primant sur le point II.3 desdites conditions générales, relatif au conflit d’intérêts.

99      De plus, un conflit d’intérêts supposerait, d’une part, l’existence de liens ou d’intérêts communs et, d’autre part, que ces liens aient une influence sur l’exécution impartiale et objective du projet en question. Une telle influence ne devrait pas être simplement éventuelle ou hypothétique. Le risque engendré par ces liens ou ces intérêts communs devrait être précis et avéré. Par conséquent, selon le requérant, la Commission ne pouvait se limiter à invoquer l’existence de tels liens ou de tels intérêts sans apporter la preuve que ceux-ci affectaient l’exécution impartiale et objective du projet Sensation.

100    Il résulte du point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales qu’un risque de conflit d’intérêts suppose l’existence d’une convergence d’intérêts économiques, d’affinités politiques ou nationales, de liens familiaux ou affectifs ou de tout autre type d’intérêt. Cette convergence, ces affinités ou ces liens doivent donc être effectivement constatés à la suite d’une appréciation concrète de l’objet du contrat et de la situation des personnes concernées (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2018, Vakakis kai Synergates/Commission, T‑292/15, EU:T:2018:103, point 99 et jurisprudence citée). En revanche, dans la mesure où le point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales vise un « risque » de conflit d’intérêts « susceptible » de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet, il n’exige pas que soit apportée la preuve que ce conflit a ou a eu, de manière avérée, une influence sur l’exécution du contrat ou sur ses coûts.

101    En l’espèce, les auditeurs ont indiqué à suffisance de droit que le caractère non transparent des activités parallèles de Mme E. P. et ses étroites relations avec le chef de projet, M. B., qui avait été son époux, suscitaient de sérieux doutes quant à la réalité des heures déclarées au titre du projet Sensation . De même, après avoir indiqué que Mme S. V. et M. I. T. étaient les seuls associés de la société T. dont ils assumaient la plupart des activités, les auditeurs ont relevé que cette société avait réalisé 68,7 % de son chiffre d’affaires grâce à des contrats de sous-traitance qui lui avaient été attribués dans le cadre de projets cofinancés par l’Union dont le coordinateur technique était le plus souvent M. B. L’existence de liens familiaux ou économiques entre Mme E. P., Mme S. V. et M. I. T., d’une part, et M. B., d’autre part, est ainsi établie et il n’apparaît pas que ces liens aient été insusceptibles d’avoir une incidence sur l’exécution du projet et sur ses coûts.

102    Il découle par ailleurs du point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales qu’un risque de conflit d’intérêts constitue une situation anormale dans laquelle les coûts encourus sont susceptibles de n’être ni réels, ni économiques, ni même, le cas échéant, nécessaires à la réalisation du projet au sens du point II.19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales.

103    Par conséquent, la non-exécution par le cocontractant de l’obligation contractuelle imposée par le point ΙΙ.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts constitue une mauvaise exécution des obligations contractuelles qui lui incombent. Elle justifie ainsi le recouvrement des coûts en vertu, d’une part, de l’article 183 du règlement (CE, Euratom) no°2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no°1605/2002 (JO 2002, L 357, p. 1), dans sa version en vigueur à l’époque des faits, et, d’autre part, de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 2321/2002.

104    Il s’ensuit que les arguments de portée générale du requérant à l’encontre des constats de risques de conflits d’intérêts opérés par les auditeurs ne sauraient prospérer.

105    Par conséquent, sous réserve de l’examen de la situation particulière de chaque chercheur en cause, la créance figurant sur la note de débit apparaît globalement justifiée par le constat du caractère non fiable des relevés de temps des intéressés et de l’existence de conflits d’intérêts, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la validité des motifs secondaires de la Commission tirés de ce que le système d’enregistrement des relevés de temps d’EKETA n’aurait pas été fiable en soi, de ce que certains des chercheurs ne se seraient pas rendus disponibles pour rencontrer les auditeurs et de ce que ceux-ci n’auraient pas été en mesure d’évaluer les preuves fournies par EKETA en raison de leur caractère technique.

106    Il incombe au Tribunal d’examiner ci-après les arguments développés par le requérant à l’encontre des constatations opérées par les auditeurs au vu de la situation spécifique de chaque chercheur en cause.

b)      Sur les arguments spécifiques à la situation de chaque chercheur en cause

1)      Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de M. B.

107    Le requérant fait valoir que M. B. a travaillé 609 heures sur le projet Sensation en tant que chef de projet, mais que la Commission a rejeté l’ensemble des coûts le concernant, d’un montant de 21 185,07 euros.

108    Les auditeurs ont considéré que, au vu des engagements professionnels de M. B. en dehors d’EKETA, il n’était pas plausible qu’il ait travaillé sur le projet Sensation pendant le temps qu’il a déclaré entre les années 2004 et 2010. À cet égard, les auditeurs ont constaté que M. B. avait reçu un montant total de 127 638 euros d’autres entités pour lesquelles il travaillait également. Ils ont par ailleurs constaté qu’il était aussi un actionnaire de la société I. à hauteur de 72 %, que celle-ci comptait comme autre actionnaire Mme E. P., son ex-épouse, et que cette société n’employait pas de personnel, de sorte qu’elle devait compter sur ses détenteurs pour exécuter le travail qui lui était confié. Or, de 2004 à 2008, la société I. aurait réalisé un important chiffre d’affaires, oscillant entre 111 153 euros en 2006 et 204 186 euros en 2008.

109    Indépendamment de ses arguments de portée générale déjà examinés ci-dessus, le requérant soutient que, du fait qu’une année comporte 224 jours ouvrés, il était tout à fait plausible que M. B. ait travaillé sur le projet Sensation autant d’heures que celles déclarées et, en particulier, que les auditeurs ont rejeté comme inéligibles le coût salarial de M. B. pour l’année 2005, alors qu’il n’avait exercé aucune activité professionnelle parallèle cette année-là.

110    Toutefois, ainsi que cela a été exposé au point 95 ci-dessus, les coûts imputés à la réalisation du projet Sensation devaient être réels, de sorte que, en ce qui concerne les frais de personnel, seuls étaient éligibles les coûts des heures effectivement ouvrées au titre de ce projet. Or, le requérant ne conteste pas, globalement, que M. B. a exercé des activités parallèles à celles exercées dans le cadre du projet Sensation.

111    De plus, la Commission a pu mettre en cause le caractère réel et nécessaire du coût salarial de M. B., non seulement en raison de ses activités parallèles, mais aussi parce qu’il avait signé lui-même ses propres relevés de temps.

112    La signature des relevés de temps apposée par le chef de projet constitue en effet une garantie de leur fiabilité et il ne peut donc y avoir aucun doute quant à l’objectivité et à l’impartialité de ce dernier. En l’espèce, et contrairement à ce que soutient le requérant, la signature par M. B. de ses relevés de temps en sa double qualité de chercheur et de chef du projet et leur contreseing par le directeur d’EKETA ne constituaient pas une telle garantie. En effet, le contrôle des relevés de temps par le chef de projet, de programme ou de service prévu par l’article 27, paragraphe 4, du règlement intérieur de celui-ci n’a pas été respecté en l’espèce. La signature, par l’intéressé, de ses relevés de temps en sa double qualité de chercheur et de responsable du projet constituait une confusion des rôles non propice à une certification objective et impartiale de ceux-ci. Le requérant a, au demeurant, admis a posteriori qu’il y avait eu là une anomalie et a renforcé ses procédures de contrôle interne en retirant notamment à M. B. ses fonctions de chef de projet. Quant au contreseing du directeur d’EKETA, la Commission fait observer à juste titre qu’il n’était pas davantage une garantie, car, selon l’article 27, paragraphe 5, du règlement intérieur d’EKETA, le directeur signait uniquement les relevés de temps « à des fins de contrôle final et de confirmation du partage du temps contractuel de travail entre les programmes de recherche ». De surcroît, il ressort des débats à l’audience qu’EKETA employait environ 500 chercheurs, de telle sorte qu’il n’apparaît pas que son directeur ait pu certifier en pleine connaissance de cause les prestations de chacun d’entre eux. Le requérant n’a fourni, à ce sujet, aucune explication.

113    Dans ces conditions, et spécialement dans une entité aussi importante qu’EKETA, le fait que M. B. a signé ses propres relevés de temps et que ceux-ci n’ont pas été certifiés par une personne objective et impartiale agissant en connaissance de cause suffit à soulever des doutes sérieux quant à la réalité des coûts et à la fiabilité de ces relevés.

114    De surcroît, la Commission soutient à juste titre qu’elle a pu mettre en cause le caractère réel et nécessaire du coût salarial de M. B. parce que le requérant n’avait pas respecté l’obligation qui lui incombait de prévenir tout risque de conflit d’intérêts conformément au point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales.

115    En effet, il n’est pas contesté que M. B. disposait d’une large marge de manœuvre dans la désignation des chercheurs affectés au projet Sensation. Il n’est pas davantage contesté que Mme E. P., qui a été employée comme chercheuse dans le cadre de ce projet et dont les relevés de temps étaient signés par M. B., était l’ex-épouse de celui-ci et son associée dans la société I.

116    La Commission a également observé que, toujours dans le cadre du projet Sensation, M. B. avait confié à la société ID. une sous-traitance dans des circonstances établissant également un risque de conflit d’intérêts (voir points 175 à 186 ci-après).

117    La Commission se réfère aussi aux relations professionnelles ayant existé entre M. B., d’une part, et deux autres chercheurs, d’autre part, M. A. ainsi que Mme C. V., dans la mesure où M. A. était également l’associé de M. B. dans la société I. et où Mme C. V., épouse de M. A., était associée à Mme E. P. dans la société E.

118    Enfin, ainsi qu’il a déjà été exposé au point 101 ci-dessus, Mme S. V. et M. I. T., deux autres chercheurs en cause, étaient les seuls associés de la société T., dont ils assumaient la plupart des activités et dont une large part du chiffre d’affaires était réalisée grâce à des contrats de sous-traitance qui lui avaient été attribués dans le cadre de projets cofinancés par l’Union dont le coordinateur technique était la plupart du temps M. B.

119    Certes, lors de l’audience, le requérant a exposé qu’il ne saurait être tenu responsable du prétendu risque de conflit d’intérêts, car il ne pouvait en avoir connaissance. Cependant, il lui incombait précisément de prendre toutes les mesures de prévention à cet égard.

120    Certes aussi, le requérant fait remarquer que M. A. et Mme C. V. n’ont pas travaillé sur le projet Sensation, mais ont travaillé, le premier, sur le projet dit Cater et, la seconde, sur le projet Ask-it. Le requérant fait observer à cet égard que, dans l’arrêt du 4 février 2016, Isotis/Commission (T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63, point 122), le Tribunal a jugé qu’aucune disposition du contrat en cause dans cette affaire ne prévoyait la possibilité pour la Commission de rejeter les coûts déclarés par la partie requérante sur le fondement de soupçons générés par les conclusions d’un audit relatif à l’exécution d’autres contrats.

121    Toutefois, M. B. était le responsable technique des projets Cater et Ask-it et l’évocation de ses relations avec M. A. et Mme C. V. vient, en l’espèce, corroborer les constatations faites dans le cadre du projet Sensation. Or, précisément, les éléments de preuve doivent être appréciés, non pas isolément, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, par analogie, arrêts du 26 octobre 2016, Hamcho et Hamcho International/Conseil, T‑153/15, EU:T:2016:630, point 96, et du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99). Il en va a fortiori ainsi lorsque, comme en l’occurrence, c’est un même rapport d’audit qui a été établi au sujet de l’exécution de l’ensemble de ces projets.

122    Dans ce contexte, le manque de prudence dont M. B. a témoigné a pu nuire à la fiabilité de ses propres relevés de temps et conduire au rejet de ses coûts.

123    Le requérant fait finalement valoir qu’il a fourni des éléments de nature à prouver la participation de M. B. au projet Sensation, à savoir ses contrats de travail, des publications scientifiques, des courriers électroniques, des procès-verbaux de réunion, des preuves de déplacements et son curriculum vitae. Il soutient que la participation de l’intéressé au projet était évidente, car il en était le responsable.

124    Cependant, comme cela a été exposé aux points 57, 78, 82 et 95 ci-dessus, pour donner lieu au remboursement de ses coûts par la Commission, il faut que le cocontractant ait bien exécuté les obligations financières qui lui incombaient, car seuls sont éligibles les coûts des heures effectivement ouvrées. Or, pour les raisons déjà exposées aux points 84 à 89 ci-dessus, les documents complémentaires produits par le requérant, même s’ils témoignent de la participation de M. B. au projet Sensation, ne sont pas de nature à prouver la fiabilité de ses relevés de temps, dès lors que cette fiabilité apparaît contestable pour les raisons exposées ci-dessus et que ces documents ne permettent pas d’opérer, conformément aux points II.19 et II.20 des conditions générales, un rapprochement direct avec les heures déclarées.

125    À ce dernier égard, le requérant conteste le reproche déduit par les auditeurs de l’absence de mention des modules de travail dans les relevés de temps de M. B. en faisant valoir que celui-ci travaillait en qualité de chef de projet sur l’ensemble du projet Sensation. Toutefois, l’absence d’une telle indication a pu accroître la difficulté, pour les auditeurs, puis pour la Commission, de faire le lien entre les relevés de temps et les heures de travail effectivement fournies par l’intéressé au vu des activités ressortant des documents complémentaires mentionnés au point 123 ci-dessus.

126    Il découle de ce qui précède que les arguments du requérant ne remettent pas en cause l’inéligibilité des coûts déclarés en ce qui concerne M. B.

2)      Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de Mme E. P.

127    Le requérant fait valoir que Mme E. P. a travaillé 560 heures sur le projet Sensation et que la Commission a rejeté l’ensemble des coûts la concernant.

128    Les auditeurs ont constaté que Mme E. P. était une des associées dans les sociétés I. et E., qui n’employaient pas de personnel et qui devaient donc compter sur leurs actionnaires pour exécuter le travail qui leur était confié. Ils ont également observé que ces deux sociétés avaient un chiffre d’affaires oscillant, pour la première, entre 111 153 euros en 2006 et 204 186 euros en 2008 et, pour la seconde, entre 86 643 euros en 2004 et 56 660 euros en 2008. Ils ont aussi relevé que ces chiffres d’affaires résultaient, pour l’essentiel, de contrats de sous-traitance obtenus dans le cadre de projets cofinancés par l’Union et pour lesquels le requérant était soit le coordinateur, soit membre des consortiums en charge desdits projets. Les auditeurs ont par ailleurs pris en compte le fait que Mme E. P. était l’ex-épouse de M. B. et l’associée dans la société I. de M. B., le chef du projet Sensation, qui signait ses relevés de temps. Enfin, les auditeurs ont considéré que le requérant n’avait pas indiqué pourquoi il confiait des tâches à des sociétés dont Mme E. P. était actionnaire, alors qu’il employait celle-ci pour des tâches correspondantes.

129    Indépendamment de ses arguments de portée générale déjà examinés ci-dessus, le requérant prétend que la circonstance que Mme E. P. était l’ex-épouse de M. B. ne démontre pas l’existence d’une situation de conflit d’intérêts. Cette preuve serait d’autant moins apportée que les relevés de temps de Mme E. P. étaient contresignés par le directeur d’EKETA et qu’EKETA n’a confié aucune tâche aux sociétés dans lesquelles elle était associée lors de l’exécution du projet Sensation.

130    Il a toutefois été exposé au point 100 ci-dessus que le point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales appelait une appréciation des conflits d’intérêts en termes de risque et qu’il n’exigeait pas que les affinités ou liens, incontestables en l’espèce, aient, de manière avérée, une influence sur l’exécution du projet.

131    De plus, il a été constaté, au point 112 ci-dessus, que le contreseing du directeur d’EKETA n’était donné qu’à des fins de contrôle final et de confirmation du partage du temps contractuel de travail entre les programmes de recherche et qu’il n’apparaissait pas que ce directeur ait pu certifier en pleine connaissance de cause les prestations de chacun des chercheurs.

132    Le requérant conteste également le fait que, au vu de sa qualité d’actionnaire des sociétés I. et E., il n’était pas plausible que Mme E. P. ait travaillé sur le projet Sensation autant de temps qu’elle l’avait déclaré. Le requérant expose à ce propos que Mme E. P. n’a travaillé sur le projet que quatre mois en 2005.

133    Toutefois, les coûts imputés à la réalisation du projet Sensation devaient être réels, de sorte que, en ce qui concerne les frais de personnel, seuls étaient éligibles les coûts des heures effectivement ouvrées au titre de ce projet (voir point 95 ci-dessus). De surcroît, le caractère limité des prestations déclarées par Mme E. P. au titre du projet Sensation n’enlève rien au contexte constitutif d’un risque de conflit d’intérêt décrit dans le rapport d’audit. Au demeurant, en 2005, soit au moment où Mme E. P. aurait travaillé un tiers de l’année à temps plein sur le projet Sensation, les deux sociétés dans lesquelles elle était actionnaire et pour lesquelles elle travaillait ont enregistré un chiffre d’affaires de 116 519 euros et 85 000 euros.

134    Le requérant prétend, enfin, que la participation de Mme E. P. au projet Sensation est attestée par plusieurs éléments tels que son contrat de travail, des courriers électroniques, des publications scientifiques en rapport avec ce projet, sa participation à la rédaction de l’élément livrable no D 1.7.1 et des notes de frais. En outre, son curriculum vitae attesterait qu’elle était en mesure de prendre en charge les tâches lui incombant.

135    Cependant, pour les raisons rappelées au point 124 ci-dessus, les documents complémentaires produits par le requérant, même s’ils témoignent de la participation de Mme E. P. au projet Sensation, ne sont pas de nature à prouver la fiabilité de ses relevés de temps et ne permettent pas d’opérer un rapprochement direct avec les heures que celle-ci a déclarées.

136    Il s’ensuit que les arguments du requérant ne permettent pas de remettre en cause l’inéligibilité du coût salarial de Mme E. P.

3)      Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de M. A. T.

137    Le requérant soutient que M. A. T. a travaillé 3 638 heures sur le projet Sensation et que la Commission a rejeté l’ensemble des frais le concernant.

138    Les auditeurs ont notamment souligné à cet égard que les relevés de temps de M. A. T. avaient été signés par M. B.. Le requérant conteste ce grief au motif que les relevés de temps de M. A. T. étaient également signés par le directeur d’EKETA et que la Commission n’explique pas pourquoi la circonstance que ces relevés étaient également signés par M. B. nuisait à leur fiabilité.

139    En l’occurrence, en l’absence d’une situation suscitant un risque de conflit d’intérêts, le fait que M. B. a signé les relevés de temps de M. A. T. ne peut justifier l’inéligibilité des coûts de ce dernier. En effet, le fait que les auditeurs ont seulement conclu à l’inéligibilité des coûts de 6 des 26 chercheurs affectés au projet Sensation, alors même que les relevés de temps de tous ceux-ci avaient été signés par M. B., implique que la seule signature des relevés par ce dernier n’était pas un motif suffisant pour conclure à l’inéligibilité des coûts.

140    Les auditeurs ont toutefois constaté également que, parallèlement à son travail sur le projet Sensation à Thessalonique, M. A. T. avait travaillé pour l’Institute of Communication and Computer Systems (ci-après l’« ICCS ») à Athènes sur le projet Prevent de 2005 à 2008 et avait reçu 34 170 euros à ce titre. De surcroît, un audit consacré à l’ICCS à propos notamment de l’exécution des projets Sensation et Prevent aurait mis en lumière le caractère inconciliable des relevés de temps de M. A. T. sur ces deux projets avec un temps de travail quotidien fixé à 7 heures et 30 minutes au sein d’EKETA.

141    Le requérant soutient que ces constatations n’ont pas pu affecter la plausibilité des relevés de temps de M. A. T. au titre du projet Sensation. Elles apparaissent toutefois convaincantes. À cet égard, l’argument du requérant selon lequel les chevauchements d’heures de travail signifierait que seuls les relevés de l’ICCS manqueraient de fiabilité est une pure allégation. De même, le requérant ne peut soutenir qu’il lui était impossible d’exiger de ses chercheurs qu’ils lui fournissent des indications sur leurs prestations au profit d’autres entités. À cet égard, force est d’observer que, par lettre du 24 mai 2011, soit après l’exécution du projet Sensation, le requérant a informé la Commission que son conseil d’administration avait décidé de renforcer les règles d’encadrement des activités professionnelles externes de son personnel. À aucun moment, le requérant n’a fait valoir qu’il lui aurait été impossible d’adopter une telle mesure plus tôt.

142    Comme le requérant le relève, les auditeurs ont néanmoins admis que M. A. T. n’avait pas exercé d’activité parallèle en 2004. Les auditeurs ont toutefois constaté que ses relevés de temps ne mentionnaient pas le projet et les modules de travail sur lesquels il travaillait, mais indiquaient de façon générale son temps de présence dans les locaux du requérant. Cependant, pareil constat ne saurait justifier, pour l’année 2004, la conclusion selon laquelle cette lacune ne permettait pas d’établir comment les heures de travail de l’intéressé étaient réparties entre les projets auxquels il participait, puisqu’il ne cumulait précisément pas son travail sur le projet Sensation avec une autre activité.

143    À défaut d’élément contraire, la fiabilité des relevés de temps de M. A. T. pour l’année 2004 ne pouvait être mise en doute. C’est donc à tort que la Commission a rejeté comme inéligible le coût salarial de M. A. T. relatif aux 1 398 heures de travail déclarées durant cette année pour un montant de 19 522,57 euros.

144    S’agissant des prestations de M. A. T. réalisées de 2005 à 2008 en cumul avec d’autres activités, le requérant ne peut, pour les raisons rappelées au point 124 ci-dessus, prétendre qu’elles seraient attestées par plusieurs éléments tels que son contrat d’exécution des travaux, une attestation rédigée par ses soins, des photographies, des notes de frais et son curriculum vitae.

145    Il découle de ce qui précède que c’est à tort que la Commission a conclu à l’inéligibilité des coûts de M. A. T. pour l’année 2004 à concurrence d’un montant de 19 522,57 euros.

4)      Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de Mme M. P.

146    Le requérant fait valoir que Mme M. P. a travaillé 1 525,5 heures sur le projet Sensation, mais que la Commission a rejeté l’ensemble des coûts la concernant.

147    Les auditeurs ont justifié le rejet de ces coûts pour le motif que, selon les informations fournies par le requérant et Mme M. P., parallèlement à son travail à temps plein au sein d’EKETA, celle-ci exerçait également des activités au sein d’autres entités publiques ou privées et qu’elle a perçu, du fait de ses activités parallèles, au cours des années allant de 2004 à 2010, un montant de 166 882 euros. Les auditeurs ont aussi observé que les horaires de travail de l’une de ces entités, à savoir l’ICCS, se chevauchaient avec ceux d’EKETA et que les relevés de temps de Mme M. P. étaient signés par M. B.

148    Indépendamment de ses arguments de portée générale déjà examinés ci-dessus, le requérant expose que la Commission n’a nullement étayé son affirmation selon laquelle les travaux de Mme M. P. dans le cadre de différents projets se chevauchaient, alors même qu’elle finançait ces projets et qu’elle disposait de l’ensemble des relevés de temps pour prouver son grief.

149    Cet argument ne saurait cependant prospérer. Le volume des activités parallèles de Mme M. P. est attesté par les propres déclarations du requérant et de l’intéressée. De plus, comme les auditeurs l’ont constaté, 40 % des revenus que Mme M. P. a tirés de ses activités parallèles concernaient des projets de l’Union. Quant au chevauchement des horaires de travail, il résulte non seulement du caractère substantiel du cumul de fonctions de l’intéressée, mais aussi des constats des auditeurs en ce qui concerne l’ICCS.

150    La Commission a pu déduire des activités parallèles de Mme M. P. que ses relevés de temps n’étaient pas fiables, et cela d’autant plus que les déclarations de l’intéressée révèlent un manque de rigueur dans leur établissement, puisqu’elle a déclaré qu’elle ne les signait que lorsque cela lui était demandé.

151    Le requérant fait cependant valoir que la participation de Mme M. P. au projet Sensation est attestée par plusieurs éléments tels que son contrat d’exécution des travaux, des documents internes, des procès-verbaux de réunion, des notes de frais et l’élément livrable no D 4.6.2. En outre, son curriculum vitae attesterait qu’elle était en mesure de prendre en charge les tâches en cause.

152    Toutefois, pour les raisons rappelées au point 124 ci-dessus, les documents complémentaires produits par le requérant, même s’ils témoignent de la participation de Mme M. P. au projet Sensation, ne sont pas de nature à prouver la fiabilité de ses relevés de temps et ne permettent pas d’opérer un rapprochement direct avec les heures que celle-ci a déclarées. Il en va d’autant plus ainsi que les relevés de temps de l’intéressée ne mentionnaient pas les modules de travail sur lesquels elle avait travaillé à un moment précis.

153    Il s’ensuit que les arguments du requérant ne permettent pas de remettre en cause l’inéligibilité du coût salarial de Mme M. P.

5)      Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de Mme S. V. et de M. I. T.

154    Le requérant fait valoir que Mme S. V. et M. I. T. ont chacun travaillé 200 heures en 2005 sur le projet Sensation et que M. I. T. a travaillé sur celui-ci 1 100 heures en 2006, mais que la Commission a rejeté l’ensemble des coûts concernant ces prestations.

155    Les auditeurs ont justifié le rejet des coûts salariaux de Mme S. V. et de M. I. T. par le fait qu’ils exerçaient simultanément l’activité de moniteurs d’auto-école et qu’ils travaillaient sur d’autres projets de l’Union pour le compte de la société T. dont ils étaient les seuls actionnaires. En fait, 68,7 % du chiffre d’affaires de T. résultait, à l’époque du projet Sensation, de contrats de sous-traitance obtenus dans le cadre de projets cofinancés par l’Union dont le responsable était dans la plupart des cas M. B. Selon les auditeurs, un tel contexte de relations étroites avec M. B. soulevait des questions quant à l’existence d’un risque de conflit d’intérêts nuisant à la fiabilité des relevés de temps que celui-ci signait, et cela malgré la circonstance que la société T. ne s’était vu confier aucune sous-traitance dans le cadre du projet Sensation.

156    Les auditeurs ont également observé que les relevés de temps des intéressés renseignaient quotidiennement le même nombre d’heures de travail et que, de 2005 à 2009, période pendant laquelle Mme S. V. et M. I. T. ont participé à plusieurs projets, ils ont chacun enregistréexactement les mêmes prestations. De surcroît, les relevés de Mme S. V. ne mentionnaient ni le nom du projet ni le module de travail auxquels correspondaient les heures enregistrées.

157    Enfin, les auditeurs ont estimé que l’ampleur des activités de la société T., spécialement en 2005 et en 2006, était telle qu’elle impliquait un engagement complet des intéressés, inconciliable avec les prestations déclarées dans le cadre du projet Sensation.

158    Comme le soutient le requérant, il ressort cependant des relevés de temps de Mme S. V. et de M. I. T. que, contrairement à ce qui est mentionné dans le rapport d’audit, ceux-ci n’ont pas enregistré, quotidiennement et systématiquement, en 2005, le même nombre d’heures de prestations. De même, le requérant fait valoir à bon escient que la précision du temps de travail enregistré dans certains cas peut s’expliquer par le fait qu’il correspondait à la durée exacte des expériences réalisées à l’aide du véhicule spécialement aménagé par EKETA.

159    Il n’en reste pas moins que les auditeurs ont relevé à juste titre que, parallèlement au projet Sensation, Mme S. V. et M. I. T. travaillaient également pour la société T. et que celle-ci avait une activité significative. De plus, en 2005 et en 2006, à l’époque de leur contribution au projet Sensation, Mme S. V. et M. I. T. collaboraient également à deux autres projets, les projets Prevent et Aide, dont le chef de projet était M. B.

160    En outre, même si, comme le soutient le requérant, la société T., dont Mme S. V. et M. I. T. étaient associés, n’avait pas obtenu un contrat de sous-traitance dans le cadre du projet Sensation, le volume du chiffre d’affaires que cette société réalisait grâce à de tels contrats dans le cadre d’autres projets dont le responsable était dans la plupart des cas M. B. était de nature à étayer l’existence d’un risque de conflit d’intérêts. Dans un tel contexte, les relevés de temps de Mme S. V. et de M. I. T., précisément signés par M. B., pouvaient apparaître comme n’étant pas fiables.

161     Le requérant fait valoir, en toute hypothèse, que les prestations de Mme S. V. et de M. I. T. sont attestées par leurs contrats d’exécution des travaux, par l’élément livrable no D 1.7.1 ainsi que par des photographies.

162    Cependant, pour les raisons rappelées au point 124 ci-dessus, ces documents ne sont pas de nature à prouver la fiabilité des relevés de temps de Mme S. V. et de M. I. T. et ne permettent pas d’opérer un rapprochement direct avec les heures que ceux-ci ont déclarées, même s’ils témoignent de leur participation au projet Sensation.

163    Il s’ensuit que les arguments du requérant ne remettent pas en cause l’inéligibilité des coûts salariaux de Mme S. V. et de M. I. T.

c)      Sur le caractère disproportionné de la créance figurant sur la note de débit au titre des coûts directs de personnel

164    Par un argument que le Tribunal comprend comme étant formulé à titre subsidiaire, le requérant fait valoir que, à supposer que la Commission ait pu conclure au caractère inéligible de certains coûts relatifs à l’un des chercheurs en cause, elle a violé le principe de proportionnalité en rejetant l’ensemble des coûts en question.

165    Il a été exposé au point 143 ci-dessus que la Commission n’aurait pas dû écarter comme inéligible un montant de 19 522,57 euros, représentant les coûts de personnel de M. A. T. pour l’année 2004. Aussi le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité doit-il être examiné au regard des autres coûts de personnel rejetés comme inéligibles.

166    À ce propos, il y a lieu d’observer que ces autres coûts concernent seulement 6 chercheurs sur 26, qu’ils représentent un montant de 62 386,03 euros, c’est-à-dire la différence entre la somme de 81 908,60 euros et celle de 19 522,57 euros, sur un total de 476 883,84 euros De plus, et en substance, ces coûts ont été rejetés en raison, d’une part, de la violation de l’obligation de produire des relevés de temps fiables et, d’autre part, au vu de risques de conflits d’intérêts, c’est-à-dire en raison de manquements essentiels aux obligations contractuelles d’EKETA.

167    Enfin, force est de constater que le requérant ne développe aucun argument spécifique à l’appui de son grief tiré de la violation du principe de proportionnalité et qu’il ne suffit pas que les projets aient été bien exécutés pour que le cocontractant acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union si les conditions financières n’ont pas été correctement respectées (voir point 57 ci-dessus), comme c’est le cas en l’espèce.

168    Partant, l’argument tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté.

d)      Conclusion sur l’inéligibilité des coûts directs des chercheurs en cause

169    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer, d’une part, qu’il existait un ensemble d’indices suffisamment concrets démontrant qu’étaient fondés les doutes des auditeurs quant à la fiabilité des relevés de temps des chercheurs en cause et quant à la plausibilité des heures de travail déclarées. Par conséquent, il incombait au requérant d’apporter la preuve que les heures déclarées correspondaient effectivement aux heures ouvrées dans le cadre du projet Sensation. Or, les éléments complémentaires fournis par le requérant ne pouvaient suppléer l’absence de caractère fiable des relevés de temps dans la mesure où ils ne permettaient pas de déterminer les heures précisément consacrées par les chercheurs en cause au projet Sensation, tout au moins sans exiger de la Commission des vérifications excédant manifestement les limites de ce qu’un cocontractant de bonne foi était normalement en droit d’attendre de celle-ci.

170    Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si certains chercheurs ne se sont pas rendus disponibles pour rencontrer les auditeurs. Il n’y a pas lieu de se prononcer davantage sur l’existence ou non d’un manque de fiabilité comme tel du système d’enregistrement du temps de travail du requérant . Ces motifs sont en effet d’ordre secondaire (voir point 75 ci-dessus). Au demeurant, il ressort de tout ce qui précède que la créance figurant sur la note de débit est justifiée par le manque de fiabilité des relevés des chercheurs en cause en raison de la manière selon laquelle le système d’enregistrement des relevés de temps a été utilisé et non en raison de ce système en tant que tel.

171    Seul, parmi les coûts des chercheurs en cause, le montant correspondant aux coûts relatifs à l’emploi de M. A. T. durant l’année 2004 aurait dû être reconnu éligible.

172    Enfin, l’argument tiré du caractère disproportionné de la créance figurant sur la note de débit est voué au rejet.

173    Il s’ensuit qu’il n’y a lieu de condamner la Commission à rembourser au requérant que le montant de 19 522,57 euros. Conformément aux conclusions du requérant, il y a également lieu de condamner la Commission au paiement d’intérêts de retard sur cette somme au taux de 3,50 %, à compter du 12 mai 2017 jusqu’au complet versement de celle-ci.

3.      Sur les coûts de sous-traitance

174    Dans sa requête, le requérant a contesté l’inéligibilité des coûts exposés dans le cadre de contrats de sous-traitance confiés aux sociétés ID. et M.

a)      Sur l’inéligibilité des coûts liés à la sous-traitance confiée à ID.

175    Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont considéré que le coût de la sous-traitance confiée à la société ID., d’un montant de 19 950 euros, n’était pas éligible. Ils ont estimé, premièrement, que l’objet de cette sous-traitance ne pouvait être qualifié de secondaire et que la nécessité d’y recourir n’avait pas été mentionnée à l’annexe I de la convention principale, conformément au point II.6 des conditions générales. Ils ont fait valoir, deuxièmement, qu’aucun élément ne leur avait été présenté quant à la manière selon laquelle les soumissionnaires avaient pu prendre connaissance des spécifications techniques du contrat et que, troisièmement, ils n’avaient reçu aucune information quant aux critères sur la base desquels l’offre d’ID. avait été retenue. Quatrièmement, les auditeurs ont relevé qu’aucune correspondance n’avait été échangée avec l’attributaire durant l’exécution de la sous-traitance. Cinquièmement, les auditeurs ont exposé n’avoir reçu aucune précision quant au moment où l’élément livrable du projet avait été déposé et, sixièmement, que cet élément comportait seulement quatorze pages de format A 4 et deux pages de format A 3 contenant des dessins manuscrits ou réalisés par ordinateur. Septièmement, les auditeurs ont noté qu’il existait un risque de conflit d’intérêts. Ils ont observé à cet égard qu’ID était la société personnelle de Mme W., laquelle était l’épouse de M. W., qui représentait l’université de Stuttgart (Allemagne) dans le projet Sensation dont M. B. était le chef de projet. Or, les auditeurs ont également relevé que la société I., dont M. B. était un actionnaire, s’était vu au préalable attribuer, dans le cadre dudit projet, un contrat de sous-traitance par la même université.

176    Le requérant conteste tout d’abord le fait que le coût de la sous-traitance confiée à la société ID. ait été inéligible au motif qu’elle ne portait pas sur une tâche mineure et que, par conséquent, il aurait été tenu d’obtenir l’approbation préalable de la Commission. En tout état de cause, EKETA aurait informé la Commission de la nécessité de recourir à cette sous-traitance et celle-ci aurait marqué son accord sur le procédé.

177    Il y a lieu de rappeler que le point II.6, paragraphe 1, des conditions générales stipule que les cocontractants veillent à ce qu’ils puissent exécuter eux-mêmes les prestations à fournir, telles qu’identifiées à l’annexe I de la convention Sensation. La même disposition énonce également que, s’il est nécessaire de sous-traiter certains éléments des travaux à effectuer, il convient de le mentionner clairement dans ladite annexe I et que, pendant la mise en œuvre du projet, les cocontractants peuvent sous-traiter d’autres services secondaires qui ne constituent pas l’essentiel des prestations du projet, qui ne peuvent pas être directement pris en charge et qui se révèlent néanmoins nécessaires.

178    En l’occurrence, le requérant fait valoir, sans être contredit, que la sous-traitance en question portait en substance sur l’établissement de graphiques destinés à faire comprendre comment employer les capteurs utilisés dans le cadre du projet Sensation et que son coût n’a pas excédé 0,12 % du budget. Dans ces conditions, à défaut d’autre indication, le montant réduit et la nature de la prestation qui faisait l’objet de la sous-traitance conduisent à considérer que l’objet de la sous-traitance litigieuse entrait bien dans la catégorie des tâches secondaires susceptibles d’être exécutées de cette manière, sans qu’il ait été nécessaire de la prévoir d’emblée à l’annexe I de la convention principale.

179    Il n’en reste pas moins que la Commission s’est également fondée sur les conditions dans lesquelles la société ID. avait été choisie comme sous-traitant.

180    Le requérant prétend, à cet égard, que le contrat de sous-traitance a été conclu au terme d’un appel d’offres, certes sommaire, mais conforme au droit grec ainsi qu’au point II.6 des conditions générales et au guide FP6. De plus, si l’OLAF a mené une enquête à propos de sous-traitances croisées, le requérant fait valoir que celui-ci a classé l’affaire sans émettre de recommandation, de sorte qu’il ne saurait être conclu en l’espèce à l’existence d’un risque de conflit d’intérêts. En effet, selon l’article 11, paragraphe 7, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), l’OLAF clôturerait une enquête sans recommandation seulement lorsqu’il ne retiendrait aucune charge contre aucune des personnes concernées.

181    Il y a lieu de rappeler que, conformément au point II.6, paragraphe 2, des conditions générales, tout contrat de sous-traitance devait être attribué, après appel d’offres, au sous-traitant ayant soumis l’offre la plus avantageuse dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement. Or, le requérant produit seulement les trois soumissions déposées en vue de l’obtention de la sous-traitance litigieuse sans donner d’explication ni sur les spécifications techniques fournies aux soumissionnaires ni sur les critères retenus pour choisir l’offre la plus avantageuse.

182    Il ressort de surcroît des déclarations de M. B. que, en raison du coût réduit des travaux à effectuer, celui-ci s’était limité à solliciter verbalement trois offres, mais aussi qu’il connaissait déjà Mme W. et qu’aucune correspondance n’a été échangée dans le cadre de l’attribution de la sous-traitance. Par ailleurs, force est de constater que, si l’offre de la société ID. comporte quelques précisions, « basées sur [une] discussion informelle », comme l’a admis M. B., les deux autres offres se limitent à une remise de prix. Dans ces conditions, il doit être considéré que le requérant n’a pas apporté la preuve que la sous-traitance avait été attribuée dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement.

183    Au vu du constat opéré de surcroît par les auditeurs quant au risque de sous-traitances croisées (voir point 175 ci-dessus) et au vu des conditions dans lesquelles la sous-traitance litigieuse a été attribuée à ID., la Commission pouvait raisonnablement conclure que les liens économiques et professionnels entre M. B., responsable du projet Sensation au sein de l’organisme adjudicateur, et l’attributaire avaient joué un rôle déterminant dans cette attribution.

184    Certes, l’OLAF a classé son enquête sans émettre de recommandation le 8 novembre 2012. Toutefois, l’OLAF n’a pris cette décision qu’au vu des mesures administratives qui avaient déjà été prises et de l’absence de preuve susceptible de soutenir une accusation en matière pénale.

185    Il y a lieu de rappeler à ce propos que, en vertu de l’article 11, paragraphe 7, du règlement no 883/2013, si, à l’issue d’une enquête, aucune charge ne peut être retenue contre la personne concernée, le directeur général clôt l’enquête portant sur cette personne et l’en informe dans un délai de dix jours ouvrables. Cependant, contrairement à ce que le requérant considère, il ne s’ensuit pas que les constatations opérées durant l’enquête ne peuvent plus avoir de suite. Il ressort de l’article 11, paragraphe 4, et du considérant 31 dudit règlement que cette disposition ne porte pas préjudice au droit de l’institution destinataire de donner des suites, notamment disciplinaires, aux enquêtes terminées. Partant, le classement de l’enquête par l’OLAF ne constituait pas en soi un obstacle à ce que les constatations rappelées au point 175 ci-dessus puissent, d’un point de vue administratif et budgétaire, être regardées comme étant constitutives d’un risque de conflit d’intérêts rendant une dépense inéligible.

186    Il s’ensuit que le grief dirigé par le requérant contre le rejet comme inéligible du coût de la sous-traitance octroyée à ID. n’est pas fondé.

b)      Sur l’inéligibilité des coûts liés à la sous-traitance confiée à M.

187    Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont estimé que le coût de la sous-traitance confiée à la société M. pour l’établissement d’un certificat de contrôle n’était pas éligible au motif que cette société était partie au consortium attributaire du projet Sensation. Le requérant a néanmoins exposé que ces frais, d’un montant de 2 950 euros, étaient éligibles parce que la société M. avait quitté le consortium le 31 décembre 2004.

188    Au vu de cette explication, la Commission n’a plus contesté l’éligibilité du coût de la délivrance du certificat. Elle a émis une note de crédit de 2 950 euros le 19 octobre 2017 et a versé cette somme le 28 novembre suivant.

189    Le requérant demandant néanmoins le paiement d’intérêts de retard sur cette somme (voir point 27 ci-dessus), il y a lieu de faire droit à ce chef de conclusions et de condamner la Commission à verser au requérant des intérêts de retard sur la somme de 2 950 euros au taux de 3,50 %, calculés à compter du 12 mai 2017 jusqu’au 28 novembre suivant.

4.      Sur les coûts indirects

190    Le requérant fait grief à la Commission d’avoir considéré que les coûts indirects exposés pour un montant de 115 269,78 euros et correspondant au coût salarial direct des chercheurs en cause n’étaient pas éligibles. Dans la mesure où il aurait démontré au contraire que ce coût salarial était éligible, il soutient que la partie des coûts indirects se rapportant à celui-ci doit également être considérée comme éligible à concurrence 105 803,31 euros.

191    Il ressort toutefois des points 169 et 171 ci-dessus que la Commission n’a rejeté à tort comme inéligibles que les coûts directs, d’un montant de 19 522,57 euros, relatifs à l’emploi de M. A. T. durant l’année 2004. Ce n’est donc qu’au regard de ces seuls coûts directs que les coûts indirects correspondant ont été jugés erronément inéligibles.

192    Le requérant soutient en outre qu’il a versé, le 31 octobre 2014, un montant de 8 988,21 euros résultant d’un nouveau calcul des coûts indirects sur la base de nouveaux taux pour les années 2004 à 2006, mais que la Commission a inclus cette somme dans le montant qu’elle a recouvré le 11 mai 2017 par voie de compensation avec des créances dont il était titulaire. La Commission concède qu’elle a ainsi perçu deux fois le montant en question et a émis une note de crédit à ce titre.

193    Le requérant sollicitant néanmoins le paiement d’intérêts de retard sur ce montant (voir point 27 ci-dessus), il y a lieu de faire droit à ce chef de conclusions et de condamner la Commission à verser au requérant des intérêts de retard sur la somme de 8 988,21 euros au taux de 3,50 %, calculés à compter du 12 mai 2017 jusqu’au versement de cette somme le 2 octobre suivant.

IV.    Sur les dépens

194    En vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie. Dans la mesure où le requérant a succombé pour l’essentiel de son principal chef de conclusions et où la Commission a succombé sur son deuxième chef de conclusions à due concurrence, il y a lieu de décider que le requérant supportera ses propres dépens et neuf dixièmes des dépens de la Commission, celle-ci supportant un dixième de ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission européenne est condamnée à payer à Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA), premièrement, la somme de 19 522,57 euros, correspondant à un coût éligible de personnel, augmentée des coûts indirects qui y sont afférents et d’intérêts de retard sur cette somme au taux de 3,50 %, à compter du 12 mai 2017 jusqu’au complet versement de celle-ci, deuxièmement, des intérêts de retard sur la somme de 2 950 euros au taux de 3,50 %, calculés à compter du 12 mai 2017 jusqu’au 28 novembre 2017 et, troisièmement, des intérêts de retard sur la somme de 8 988,21 euros au taux de 3,50 %, calculés à compter du 12 mai 2017 jusqu’au versement de cette somme le 2 octobre 2017.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      EKETA supportera ses propres dépens et neuf dixièmes des dépens de la Commission, celle-ci supportant un dixième de ses dépens.

Kanninen

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 janvier 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur le sixième programme-cadre et le projet Sensation

B. Sur l’évaluation du projet

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Remarques liminaires

1. Sur le droit applicable

a) Sur les dispositions réglementaires

b) Sur la convention Sensation

c) Sur le droit belge

d) Sur les normes internationales d’audit

e) Sur les principes d’impartialité et de proportionnalité

f) Sur le guide pour les questions financières relatives aux actions indirectes au titre du programme FP6

2. Sur les conditions d’éligibilité

3. Sur la charge de la preuve

B. Sur la contestation de la créance d’un montant de 179 101,34 euros dont la Commission s’estime titulaire

1. Sur le manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit

2. Sur les coûts directs de personnel déclarés inéligibles

a) Sur les arguments de portée générale du requérant

1) Quant aux motifs déterminants justifiant l’inéligibilité des coûts directs des chercheurs en cause

2) Quant au manque de fiabilité des relevés de temps des chercheurs en cause

3) Quant à l’existence d’un risque de conflits d’intérêts

b) Sur les arguments spécifiques à la situation de chaque chercheur en cause

1) Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de M. B.

2) Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de Mme E. P.

3) Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de M. A. T.

4) Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de Mme M. P.

5) Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de Mme S. V. et de M. I. T.

c) Sur le caractère disproportionné de la créance figurant sur la note de débit au titre des coûts directs de personnel

d) Conclusion sur l’inéligibilité des coûts directs des chercheurs en cause

3. Sur les coûts de sous-traitance

a) Sur l’inéligibilité des coûts liés à la sous-traitance confiée à ID.

b) Sur l’inéligibilité des coûts liés à la sous-traitance confiée à M.

4. Sur les coûts indirects

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le grec.