Language of document : ECLI:EU:T:2019:233

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 avril 2019 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Secteurs des fruits et légumes – Aides aux groupements de producteurs – Dépenses effectuées par la Pologne – Faiblesses dans les contrôles clés – Vérification des plans de reconnaissance et des critères de reconnaissance – Contrôles relatifs aux demandes d’aide – Cohérence économique – Caractère raisonnable des dépenses – Défaillances systémiques – Risque pour le FEAGA – Corrections forfaitaires de 25 % »

Dans l’affaire T‑51/17,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, Mmes K. Straś, M. Pawlicka et B. Paziewska, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes K. Skelly et A. Stobiecka-Kuik, puis par Mmes Stobiecka-Kuik et D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2016/2018 de la Commission, du 15 novembre 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 312, p. 26), en ce qui concerne les corrections forfaitaires appliquées à l’égard de la République de Pologne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu-Matei (rapporteur), juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Procédure d’apurement et décision attaquée

1        Dans le contexte des contrôles des aides octroyées aux groupements de producteurs dans le secteur des fruits et légumes (ci-après les « GP »), la Commission européenne a engagé, à partir de 2010, plusieurs procédures d’apurement de conformité relatives aux aides octroyées à ce titre en Pologne. En l’espèce, est concernée la deuxième desdites procédures, qui vise les exercices financiers 2012 et 2013.

2        Ainsi, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’apurement de conformité prévu à l’article 31 du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), alors en vigueur, la Commission a ouvert une enquête concernant les exercices budgétaires 2012 et 2013 et, en particulier, des dépenses effectuées par la République de Pologne dans le domaine de la politique agricole commune au titre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus ». Entre les 18 et 22 novembre 2013, la Commission a procédé à des contrôles sur place auprès de quatre GP établis en Pologne, à savoir Carota sp. z o.o., GARDEN sp. z o.o., FRUIT FAMILY sp. z o.o. et SOSKA OWOCE I WARZYWA sp. z o.o. (ci-après « SOSKA »). Elle a également vérifié, notamment pour les GP AGRO-NORTH sp. z o.o. et AGREA sp. z o.o., la manière dont l’Agencja Restrukturyzacji i Modernizacji Rolnictwa (agence pour la restructuration et la modernisation de l’agriculture, Pologne, ci-après l’« ARMA ») contrôlait les demandes d’aide ainsi que la manière dont le Ministerstwo Rolnitcwa (ministère de l’Agriculture polonais) contrôlait le statut de reconnaissance des GP.

3        Le 14 février 2014, la Commission a, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de son règlement (CE) no 885/2006, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), alors en vigueur, informé la République de Pologne que, à la suite de son enquête, elle considérait que certaines dépenses imputées au Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) n’avaient pas été effectuées conformément à la réglementation de l’Union européenne. Par conséquent, la Commission a demandé à la République de Pologne de l’informer des mesures correctives qui allaient être prises afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation. La République de Pologne a répondu par lettres des 13 mars et 4 avril 2014.

4        Par lettre du 15 mai 2014, la Commission a transmis à la République de Pologne des observations complémentaires et l’a invitée à une réunion bilatérale, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. La République de Pologne a fourni des informations supplémentaires par lettres des 12 et 13 juin 2014.

5        Le 26 juin 2014 s’est tenue la réunion bilatérale entre la Commission et la République de Pologne, dont le procès-verbal a été communiqué à cette dernière le 27 août 2014. À la suite de cette réunion, la Commission a maintenu sa position relative à certains aspects litigieux exposés dans la lettre du 14 février 2014. Le 24 octobre 2014, la République de Pologne a envoyé à la Commission des informations complémentaires sur lesdits aspects.

6        Le 24 avril 2015, la Commission a, conformément à l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, ainsi qu’à l’article 16, paragraphe 1, de son règlement no 885/2006, et conformément à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, ainsi qu’à l’article 40, paragraphe 1, de son règlement d’exécution (UE) no 908/2014, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), communiqué officiellement à la République de Pologne qu’elle maintenait les conclusions auxquelles elle était parvenue dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité en cause, selon lesquelles la mise en œuvre du système de contrôle du régime d’aide aux GP en Pologne n’était pas conforme aux règles de l’Union et les défaillances constatées étaient systémiques, ce qui entraînait un risque très élevé de perte pour le FEAGA et justifiait une correction financière forfaitaire de 25 %. Elle lui a également indiqué que, par conséquent, elle envisageait d’écarter du financement de l’Union certaines dépenses effectuées au titre du FEAGA pour la période allant du 14 février 2012 au 15 octobre 2013, et ce pour un montant total de 141 790 848,94 euros (montant net de 115 800 948,62 euros) (ci-après la « communication officielle »).

7        Le 3 juin 2015, la République de Pologne a, en application de l’article 40 du règlement d’exécution no 908/2014, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation et, le 30 novembre 2015, l’organe de conciliation a, conformément à l’article 40, paragraphe 4, dudit règlement, envoyé à la République de Pologne son rapport du 25 novembre 2015, tel que visé à l’article 36, sous c), dudit règlement.

8        Le 27 avril 2016, la République de Pologne a reçu la position finale de la Commission, selon laquelle celle-ci maintenait sa position exprimée dans la communication officielle et proposait d’écarter du financement de l’Union le montant net de 115 800 948,62 euros. En particulier, la Commission a précisé que l’application par la République de Pologne du système de contrôle relatif aux vérifications des plans de reconnaissance des GP et de leurs investissements dans le cadre desdits plans était gravement déficitaire, entraînant un risque élevé de pertes pour le FEAGA. La Commission a estimé que, dès lors qu’il existait des preuves d’irrégularités systémiques et de négligences généralisées dans la lutte contre les pratiques irrégulières, l’application d’une correction forfaitaire de 25 % au montant total des dépenses exposées par les GP au cours de la période allant du 14 février 2012 au 15 octobre 2013 s’imposait en raison de la gravité et de la persistance des défaillances identifiées dans le système des contrôles clés.

9        Par sa décision d’exécution (UE) 2016/2018, du 15 novembre 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 312, p. 26, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a notamment appliqué à la République de Pologne, d’une part, une correction forfaitaire de 25 % au titre de l’année 2012, soit un montant de 38 984 850,50 euros et, d’autre part, une correction forfaitaire de 25 % au titre de l’année 2013, soit un montant de 76 816 098,12 euros, à la suite de l’exclusion de certaines dépenses effectuées par cette dernière dans le secteur des fruits et légumes au titre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus », pendant la période comprise entre le 14 février 2012 et le 15 octobre 2013, et imputées au FEAGA.

10      La décision attaquée a été adoptée conformément à l’article 52, paragraphes 1 à 3, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), qui a abrogé le règlement no 1290/2005 à partir du 1er janvier 2014.

11      La Commission a fondé la décision attaquée, en ce qu’elle visait la République de Pologne, sur les faiblesses constatées dans les contrôles clés relatifs à la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus » et en particulier en ce qui concerne la vérification des plans de reconnaissance et des critères de reconnaissance des GP.

12      La Commission a justifié l’imposition des corrections forfaitaires par les motifs ci-après, exposés dans le rapport de synthèse du 25 octobre 2016 joint à la décision attaquée (ci-après le « rapport de synthèse »).

13      En premier lieu, en matière de reconnaissance des GP, la Commission faisait grief à la République de Pologne que les contrôles effectués par ses autorités étaient insuffisants pour assurer une reconnaissance appropriée et une adéquation des plans de reconnaissance. Elle a dès lors estimé que les autorités polonaises avaient enfreint les dispositions de l’article 36 et de l’article 39, paragraphe 3, de son règlement d’exécution (UE) no 543/2011, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), relatives à la présentation et à la mise en œuvre des plans de reconnaissance et, partant, qu’elles n’avaient pas effectué les contrôles requis à l’article 113 de son règlement (CE) no 1580/2007, du 21 décembre 2007, portant modalités d’application des règlements (CE) no 2200/96, (CE) no 2201/96 et (CE) no 1182/2007 du Conseil dans le secteur des fruits et légumes (JO 2007, L 350, p. 1), et à l’article 111 de son règlement d’exécution no 543/2011, ce qui devait être qualifié d’« absence des contrôles clés ». De plus, selon la Commission, les contrôles requis à l’article 112 du règlement d’exécution no 543/2011 étaient absents ou sévèrement déficients et donc inefficaces, ce qui constituait des « faiblesses dans les contrôles clés ». En outre, la Commission a estimé que les autorités polonaises ne s’étaient pas acquittées des obligations découlant de l’article 116 du règlement d’exécution no 543/2011 concernant le recouvrement de l’aide versée au GP qui n’avait pas été reconnu dans les délais. Enfin, la Commission a conclu que les défaillances constatées en matière de contrôles de reconnaissance étaient systémiques et qu’il existait un risque de perte très élevé pour le FEAGA.

14      En second lieu, en matière d’éligibilité des dépenses proposées dans les plans de reconnaissance et réalisées à l’occasion de la mise en œuvre desdits plans par les GP, la Commission faisait grief à la République de Pologne que les autorités polonaises avaient utilisé une définition des conditions relatives à la cohérence économique et au caractère raisonnable des dépenses avec une portée beaucoup plus étroite que celle résultant de la réglementation applicable. Partant, les contrôles effectués conformément à ces définitions ne couvraient pas les aspects obligatoires prévus à l’article 111, paragraphe 2, et à l’article 112 du règlement d’exécution no 543/2011. En outre, selon la Commission, les contrôles effectués par les autorités polonaises visant à prévenir, à dépister et à corriger les irrégularités dont il est question à l’article 145 du même règlement présentaient de graves lacunes. Enfin, la Commission a considéré que, même si, en raison des limites de la portée de ses vérifications, il n’était pas possible de délimiter pleinement les effets financiers, les erreurs matérielles constatées avaient un effet substantiel. Partant, selon la Commission, les défaillances constatées en matière de contrôles de dépenses étaient systémiques et il existait un risque de perte très élevé pour le FEAGA.

B.      Audit de la Cour des comptes et plan d’action

15      Le système de contrôle de l’aide octroyée par l’Union aux GP en Pologne au titre de l’exercice financier 2013 a fait également l’objet d’un audit de la part de la Cour des comptes de l’Union européenne. Ainsi, le 13 mai 2014, à la suite de deux visites de contrôle effectuées respectivement du 16 au 27 septembre et du 28 au 29 novembre 2013, la Cour des comptes a rendu ses constatations préliminaires (ci-après le « rapport du 13 mai 2014 »), lesquelles ont été confirmées dans sa position finale. Le résultat de cet audit est mentionné dans le rapport annuel de la Cour des comptes, du 4 septembre 2014, sur l’exécution du budget relatif à l’exercice 2013 (JO 2014, C 398, p. 1).

16      La Commission et la Cour des comptes ayant révélé des déficiences généralisées dans le système de contrôle polonais en ce qui concerne l’aide aux GP et la Commission ayant imposé en conséquence des corrections financières à la République de Pologne, les autorités polonaises se sont engagées à mettre en œuvre des mesures correctives concernant le système de soutien aux GP. Ainsi, le 14 novembre 2014, la République de Pologne a présenté le plan d’action contenant des mesures correctives (ci-après le « plan d’action »).

17      Le plan d’action a été mis en œuvre pour 204 GP et comportait, entre autres, des actions relatives au suivi des déficiences relevées lors des audits de la Commission et de la Cour des comptes et à l’examen ex post de la régularité de l’octroi du statut de préreconnaissance et des paiements auxdits GP depuis 2009, donc notamment pendant la période concernée en l’espèce.

18      Dans le cadre des contrôles ex post effectués par l’ARMA, conformément au plan d’action, celle-ci a rendu un avis négatif sur la régularité de l’octroi du statut de préreconnaissance pour 51 GP, soit 25 % des 204 GP relevant dudit plan. Par conséquent, à la fin de septembre 2015, huit des 51 GP ont perdu le statut de préreconnaissance (pour six GP la préreconnaissance a été retirée et deux autres GP ont été déclarés en faillite) et, dans le cas de trois autres GP, l’ARMA leur a adressé des demandes de recouvrement de l’aide versée pour un montant total de 26 544 835,93 zlotys polonais (PLN) (environ 6 580 000 euros). De même, pour 43 des 51 entités ayant fait l’objet d’une appréciation négative de la part de l’ARMA jusqu’au 30 juin 2015, le président du second organisme payeur, l’Agencja Rynku Rolnego (agence du marché agricole, Pologne, ci-après l’« AMA »), a annulé les décisions relatives à leur préreconnaissance et à l’approbation de leurs plans de reconnaissance en considérant qu’elles avaient été adoptées en violation manifeste du droit. Enfin, lors d’un nouveau contrôle élargi effectué au cours de la période allant d’octobre 2015 à mars 2018 pour 182 GP, l’AMA a constaté des irrégularités dans l’octroi du statut de préreconnaissance pour treize autres GP.

II.    Faits postérieurs à l’introduction du recours

19      Le 26 juin 2017, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2017/1144 écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 165, p. 37, ci-après la « décision de remboursement »), par laquelle elle a notamment opéré un remboursement au titre de l’exercice financier 2012 d’un montant total de 12 517 258,69 euros sur le compte de la République de Pologne pour la période allant du 16 octobre 2011 au 13 février 2012, qui avait été pris en considération dans la décision attaquée pour établir la base de la correction pour ledit exercice financier.

III. Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2017, la République de Pologne a introduit le présent recours.

21      Le 10 juillet 2018, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre), au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre avant l’audience. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 septembre 2018. Le Tribunal a invité la République de Pologne à répondre par écrit à certaines questions. La République de Pologne ayant déféré à cette demande dans le délai imparti, la Commission a déposé ses observations écrites sur les renseignements produits.

23      La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle écarte du financement de l’Union les sommes de 38 984 850,50 euros et de 76 816 098,12 euros dépensées par l’organisme payeur agréé par elle-même ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        à titre principal, condamner la République de Pologne aux dépens à l’exception de ceux afférents au troisième moyen pour lesquels chacune des parties devrait supporter ses propres dépens et, à titre subsidiaire, limiter proportionnellement les dépens qui lui seront imputés au troisième moyen.

IV.    En droit

25      La République de Pologne invoque trois moyens à l’appui du recours.

26      En réponse à une question écrite du Tribunal, la République de Pologne a indiqué que, à la suite de l’adoption de la décision de remboursement, elle renonçait au troisième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 4, sous a), du règlement no 1306/2013, ce qu’elle a confirmé lors de l’audience et ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

27      Dès lors, il convient d’examiner seulement les deux premiers moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013 et, le deuxième, de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du même règlement.

A.      Observations liminaires

28      Selon l’article 317 TFUE, la Commission est chargée de l’exécution du budget de l’Union en coopération avec les États membres. À cette fin, elle est habilitée à décider, au moyen d’actes d’exécution, si les dépenses effectuées par les États membres sont conformes au droit de l’Union.

29      Ainsi, conformément à l’article 52 du règlement no 1306/2013, la Commission, en tant que responsable de la gestion globale du FEAGA, écarte du financement de l’Union des dépenses qui n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union. Il en résulte que la Commission est tenue de poursuivre l’objectif du législateur dans les limites fixées par les règlements concernés et que le soutien aux marchés agricoles n’est pas accordé de manière discrétionnaire, mais uniquement lorsqu’il est conforme aux conditions énoncées dans les textes applicables.

30      En effet, selon une jurisprudence constante, les fonds agricoles européens ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du 27 février 2013, Pologne/Commission, T‑241/10, non publié, EU:T:2013:96, point 20 et jurisprudence citée).

31      À cet égard, il convient de souligner que, dans le cadre des règlements relatifs au financement de la politique agricole commune, en raison de la finalité desdits règlements, une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses s’impose. En effet, la gestion de la politique agricole commune dans des conditions d’égalité entre les opérateurs économiques des États membres s’oppose à ce que les autorités nationales d’un État membre, par le biais d’une interprétation large d’une disposition déterminée, favorisent les opérateurs de cet État, au détriment de ceux des autres États membres où une interprétation plus stricte est maintenue. Une pareille distorsion de la concurrence entre les États membres, si elle se produisait malgré les moyens disponibles pour assurer l’application uniforme du droit de l’Union dans l’ensemble de l’Union, ne pourrait être financée par le FEAGA, mais devrait, en tout état de cause, rester à la charge de l’État membre concerné (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, points 82 à 84 et jurisprudence citée).

32      Selon une jurisprudence constante, à la lumière du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres sont tenus, en ce qui concerne les dépenses à la charge du budget de l’Union, d’organiser un système efficace de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que toutes les conditions matérielles et formelles sont correctement observées. En outre, les États membres ont l’obligation générale de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer de la régularité des opérations financées par le FEAGA, de prévenir et de poursuivre les irrégularités et de récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences, même si l’acte du droit de l’Union ne prévoit pas expressément l’adoption de telle ou telle mesure de contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, point 81 et jurisprudence citée).

33      D’ailleurs, selon l’article 9, paragraphe 1, sous a), i), du règlement no 1290/2005 alors en vigueur, les États membres devaient prendre, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union et, en particulier, pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par les fonds de l’Union (arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 40).

34      Il y a lieu de souligner en outre que, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du fonds certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, il lui appartient, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de la politique agricole commune, non de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allègement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 31 et jurisprudence citée).

35      En effet, la gestion des deniers du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union. Ce régime, fondé sur la confiance entre les autorités nationales et l’Union, ne comporte aucun contrôle systématique de la part de la Commission, que celle-ci serait d’ailleurs matériellement dans l’impossibilité d’assurer. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEAGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 32 et jurisprudence citée).

36      C’est en conséquence à l’État membre qu’il incombe de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 33 et jurisprudence citée).

37      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 34 et jurisprudence citée).

38      Ainsi, il y a lieu de vérifier si l’État membre concerné a démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission ou l’absence de risque de perte ou d’irrégularité pour le fonds sur la base de l’application d’un système de contrôle fiable et efficace (voir arrêt du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 22 et jurisprudence citée).

39      Par ailleurs, selon la jurisprudence, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent éventuellement appliqué serait plus efficace (arrêt du 10 novembre 2005, Italie/Commission, C‑307/03, non publié, EU:C:2005:667, point 40).

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs avancés par la République de Pologne au soutien de ses premier et deuxième moyens.

B.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013

41      Le premier moyen, qui s’articule en deux branches, est tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013, au motif que la correction financière a été appliquée sur la base de constatations factuelles inexactes et d’une interprétation erronée du droit de l’Union applicable.

42      Par la première branche, la République de Pologne fait valoir, en substance, que, contrairement à l’appréciation de la Commission, les montants écartés du financement de l’Union par la décision attaquée ont été dépensés de manière conforme aux dispositions du droit de l’Union.

43      À cet égard, elle soutient que les prétendus manquements auraient été établis sur la base d’une interprétation erronée des dispositions du droit de l’Union applicables aux GP.

44      Par ailleurs, la Commission n’aurait pas prouvé que le régime de contrôles mis en place par les autorités polonaises n’était pas conforme aux dispositions du droit de l’Union. Le système de contrôle mis en place par les autorités polonaises et appliqué lors de la mise en œuvre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus » aurait été à la fois fiable et efficace, tout en fonctionnant de manière régulière.

45      Par la seconde branche, la République de Pologne conteste les défaillances retenues par la Commission à l’égard du système de contrôle polonais des GP.

1.      Sur la première branche, relative aux interprétations prétendument erronées des dispositions du droit de l’Union applicable aux GP

46      Cette branche comporte, en substance, deux sous-branches, prises, la première, de l’interprétation des dispositions du droit de l’Union relatives aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » et de « caractère raisonnable » des dépenses et, la seconde, de l’interprétation de l’article 116 du règlement d’exécution no 543/2011.

a)      Sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union relatives aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » et de « caractère raisonnable des dépenses »

47      La République de Pologne reproche à la Commission d’avoir, d’une manière générale, mal identifié l’objectif de l’aide destinée aux GP et, partant, du plan de reconnaissance et des investissements qui y sont inclus, ce qui aurait eu comme conséquence, d’une part, une interprétation non justifiée des conditions de « cohérence économique » et de « nécessité des investissements » relatives aux plans de reconnaissance et, d’autre part, l’application de critères d’appréciation de l’éligibilité des dépenses arbitraires et dépourvus de base légale.

48      À cet égard, tout d’abord, la République de Pologne conteste l’interprétation de la Commission selon laquelle les dispositions concernant les GP devraient être analysées dans le cadre de la politique agricole commune en matière de soutien aux organisations de producteurs (ci-après les « OP »), alors que les statuts juridiques et organisationnels des GP et des OP présenteraient des différences fondamentales. En particulier, la République de Pologne soutient que l’aide accordée aux GP a pour seul objectif de permettre à ceux-ci d’être reconnus comme OP et vise à contribuer au respect futur par les GP des conditions de reconnaissance. Partant, selon la République de Pologne, l’appréciation par la Commission de la conformité avec le droit de l’Union des conditions d’octroi du soutien dans le cadre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus » au regard des objectifs du soutien aux OP est injustifiée.

49      Ensuite, la République de Pologne conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle l’efficacité des plans de reconnaissance du point de vue de leur cohérence économique aurait dû être mesurée par rapport à la hausse du chiffre d’affaires en prenant en compte la valeur de la production commercialisée (ci-après la « VPC »), alors qu’elle a été mesurée par rapport à la quantité de produits vendus par les GP. À cet égard, la République de Pologne soutient que, en l’absence de définition de la cohérence économique et de critères quelconques dans le droit de l’Union, de lignes directrices permettant aux autorités des États membres d’examiner la cohérence économique des plans de reconnaissance au regard de certains critères ou, au moins, d’une communication de la part de la Commission contenant sa définition de cette notion, il revient aux États membres d’arrêter des dispositions en ce sens. Par conséquent, la définition contenue dans les procédures de l’ARMA répondrait aux exigences d’évaluation adéquate des plans de reconnaissance et de l’éligibilité des dépenses.

50      Enfin, la République de Pologne considère que la conclusion de la Commission selon laquelle les dépenses proposées par les GP dans les plans de reconnaissance, dont les investissements, auraient dû être évaluées par rapport à leur rendement escompté après une analyse économique et financière favorable et non par rapport à l’unique critère de nécessité évalué sur la base du volume de la production commercialisée par les GP n’a pas de base légale.

51      La Commission conteste ces arguments.

52      En l’espèce, dans la mesure où les parties s’opposent, notamment, sur la portée des vérifications relatives aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance des GP, de « nécessité des investissements » figurant dans lesdits plans et de « caractère raisonnable des dépenses » proposées dans ces plans, sur lesquelles devaient porter les contrôles des États membres relatifs aux GP, il convient, tout d’abord, de déterminer les règles pertinentes imposant la vérification desdites conditions et leur interprétation et, ensuite, d’examiner si la Commission n’a pas commis d’erreur en imposant les corrections forfaitaires litigieuses sur la base d’interprétations erronées.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la gestion financière partagée du FEAGA, les États membres étaient censés instituer un système de contrôle des GP, dans la période pertinente en l’espèce, en particulier au titre du règlement no 1580/2007 et, à partir du 22 juin 2011, au titre du règlement d’exécution no 543/2011.

54      Le système de contrôle des GP comportait, d’une part, des contrôles préalables à l’approbation des plans de reconnaissance présentés par les GP et, d’autre part, des contrôles relatifs aux demandes d’aide présentées par ceux-ci.

55      Ainsi, conformément à l’article 113, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris à l’identique dans l’article 111, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b) et c), du règlement d’exécution no 543/2011, avant d’approuver le plan de reconnaissance d’un GP en vertu de l’article 125 sexies, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008 (JO 2008, L 121, p. 1), les États membres devaient vérifier, par tous les moyens utiles, notamment la cohérence économique du plan de reconnaissance ainsi que l’admissibilité et le caractère raisonnable des dépenses proposées dans lesdits plans.

56      Conformément à l’article 114, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans l’article 112, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement d’exécution no 543/2011, à la suite de la présentation d’une demande d’aide par un GP, les États membres devaient effectuer des contrôles sur place afin de s’assurer du respect des conditions d’octroi de l’aide pour l’année considérée. Ces contrôles portaient en particulier sur le respect des critères de reconnaissance pour l’année considérée, sur la VPC ainsi que sur la mise en œuvre des mesures figurant dans le plan de reconnaissance et sur les dépenses réalisées.

57      Il ressort d’une lecture combinée des dispositions du règlement no 1580/2007 et du règlement d’exécution no 543/2011, qui sont relatives aux contrôles incombant aux autorités nationales s’agissant des GP, ainsi que de la note interprétative no 2008-33 de la Commission d’octobre 2008 que la « cohérence économique », la « nécessité des investissements » et le « caractère raisonnable des dépenses » représentent en effet des conditions pour que, d’une part, les plans de reconnaissance présentés par les GP soient acceptés et lesdits GP obtiennent ainsi la préreconnaissance et, d’autre part, les demandes d’aide présentées par les GP soient approuvées et les aides octroyées à ceux-ci.

58      Il convient de remarquer que les divergences d’interprétation des parties relatives aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » prévues dans lesdits plans et de « caractère raisonnable » des dépenses proposées dans ceux-ci trouvent leur origine, en grande partie, dans l’acception différente qu’elles ont du rôle des GP dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes et, partant, de l’objectif de l’aide octroyée par l’Union à ceux-ci.

59      Pour sa part, la Commission soutient que le rôle des GP ne peut pas être séparé de celui des OP, qui sont des instruments d’équilibre des marchés dans le secteur des fruits et légumes. Comme la politique de marché est axée sur la nécessité, pour les producteurs, de s’organiser afin d’améliorer leur position de négociation en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché, cet objectif devrait être poursuivi tant par les OP que par les GP. Partant, afin d’accorder la préreconnaissance aux GP ou d’octroyer le versement d’une aide à ceux-ci, les autorités polonaises devaient vérifier que les conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » prévues dans lesdits plans et de « caractère raisonnable » des dépenses proposées dans ceux-ci étaient remplies par rapport, respectivement, aux conditions du marché et aux objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des fruits et légumes.

60      La République de Pologne est d’avis que ses autorités devaient se limiter à vérifier lesdites conditions par rapport à l’unique objectif des GP qui ressortirait de la réglementation pertinente, à savoir celui de remplir, à l’issue de la période transitoire, les critères leur permettant d’être reconnus en tant qu’OP, sans qu’il ait été besoin de se reporter aux conditions du marché et aux objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des fruits et légumes.

61      À cet égard, il convient de noter, tout d’abord, que la possibilité de constituer des GP était prévue durant la période pertinente en l’espèce par les dispositions de droit dérivé relatives à l’organisation commune de marché dans le secteur des fruits et légumes contenues dans le règlement no 1234/2007.

62      Ainsi, conformément à l’article 125 sexies du règlement no 1234/2007, les GP dans les États membres qui avaient adhéré à l’Union le 1er mai 2004 ou après cette date pouvaient être constitués, en tant qu’entité juridique ou que partie clairement définie d’une entité juridique, à l’initiative d’agriculteurs qui cultivaient un ou plusieurs produits du secteur des fruits et légumes, en vue d’être reconnus comme OP. À cette fin, ces GP présentaient aux autorités nationales un plan de reconnaissance échelonné afin d’être préreconnus et de bénéficier ainsi d’une période transitoire maximale de cinq ans pour répondre aux conditions nécessaires à la reconnaissance en tant qu’OP, conformément à l’article 122 du même règlement (ci-après la « période transitoire »). Avant d’accepter le plan de reconnaissance, l’État membre informait la Commission de ses intentions et des conséquences financières probables de celles-ci. L’acceptation dudit plan de reconnaissance équivalait à une préreconnaissance et faisait courir la période transitoire.

63      Les modalités d’application du règlement no 1234/2007 couvrant les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés dans la période pertinente en l’espèce étaient définies dans le règlement no 1580/2007 et, à partir du 22 juin 2011, dans le règlement d’exécution no 543/2011, lequel a abrogé et remplacé le premier. Les dispositions relatives aux GP du règlement d’exécution no 543/2011 ont repris, en substance, celles du règlement no 1580/2007.

64      Ainsi, les articles 38 à 44 du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans les articles 36 à 42 du règlement d’exécution no 543/2011, fixent des règles détaillées en ce qui concerne notamment la présentation, le contenu, l’approbation et la mise en œuvre du plan de reconnaissance des GP, les activités principales de ceux-ci et la VPC.

65      Conformément à l’article 38, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et à l’article 36, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, les États membres arrêtent notamment les règles pour l’élaboration, le contenu et la mise en œuvre des plans de reconnaissance ainsi que les procédures administratives pour l’approbation, le contrôle et la réalisation desdits plans.

66      Conformément à l’article 39 du règlement no 1580/2007 et à l’article 37 du règlement d’exécution no 543/2011, le projet de plan de reconnaissance doit comporter notamment une description de la situation de départ, en particulier en ce qui concerne le nombre de membres producteurs, qui doit donner toutes les précisions voulues sur les adhérents, la production, y compris la VPC, la commercialisation et l’infrastructure, y compris l’infrastructure détenue par les membres individuels du GP si elle est destinée à être utilisée par le GP lui-même.

67      Le règlement no 1234/2007 prévoyait que, pendant la période transitoire, les GP pouvaient déjà se voir accorder des aides et posait les principes généraux gouvernant l’aide financière nationale, en tant que mesure d’intervention sur le marché agricole, tant au niveau de son octroi que de son remboursement par la Commission.

68      Ainsi, en vertu de l’article 103 bis, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement no 1234/2007, au cours de la période transitoire, les États membres pouvaient accorder aux GP qui avaient été constitués en vue d’être reconnus comme OP deux types d’aides, à savoir, d’une part, des aides destinées à encourager leur constitution et à faciliter leur fonctionnement administratif [sous a)] et, d’autre part, des aides destinées à couvrir une partie des investissements nécessaires à la reconnaissance et figurant à ce titre dans le plan de reconnaissance [sous b)].

69      Conformément à l’article 103 bis, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007, les aides accordées aux GP au titre du paragraphe 1 du même article devaient être remboursées par l’Union conformément aux règles adoptées par la Commission pour le financement de ces mesures, et notamment aux seuils et aux plafonds applicables à chaque type d’aide et au degré de financement de l’Union.

70      S’agissant des aides destinées à encourager la constitution des GP et à faciliter leur fonctionnement administratif, l’article 103 bis, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 prévoyait notamment qu’elles soient définies pour chaque GP sur la base de leur production commercialisée et s’élèvent pour la première, la deuxième, la troisième, la quatrième et la cinquième année, respectivement, à 10 %, à 10 %, à 8 %, à 6 % et à 4 % de la VPC.

71      Au niveau des modalités d’application du règlement no 1234/2007, les articles 45 à 51 du règlement no 1580/2007, dont le contenu a été repris dans les articles 43 à 49 du règlement d’exécution no 543/2011, fixaient des règles détaillées en ce qui concerne notamment le financement des plans de reconnaissance et les aides aux investissements requises pour la reconnaissance des GP ainsi que les conséquences de la reconnaissance.

72      Avant le 5 avril 2012, date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution (UE) no 302/2012 de la Commission, du 4 avril 2012, modifiant le règlement d’exécution no 543/2011 (JO 2012, L 99, p. 21), il n’existait pas de plafond annuel pour la participation financière de l’Union à l’aide accordée aux GP, ni de limite pour la participation de l’Union à l’aide à l’investissement visée à l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007.

73      Le règlement d’exécution no 302/2012 a ainsi introduit, à l’article 47, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, un plafond de 10 000 000 euros par année civile pour la participation financière de l’Union à l’aide accordée aux GP et, au paragraphe 3 du même article, une limite pour la participation de l’Union à l’aide à l’investissement, déterminée pour chaque GP sur la base de sa VPC.

74      Bien qu’aucun plafond ne fût appliqué à l’aide à l’investissement avant le 5 avril 2012, conformément à la note interprétative no 2008-33 de la Commission, « les autorités nationales compétentes ne d[evai]ent accepter que les investissements nécessaires dans un plan de reconnaissance pour remplir les critères de reconnaissance, compte tenu de la situation initiale du [GP] ».

75      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, afin de soutenir son interprétation présentée au point 60 ci-dessus, la République de Pologne fait référence à l’article 103 bis, paragraphe 1, aux articles 122, 125 ter et 125 sexies du règlement no 1234/2007 et aux articles 23 et 37 du règlement d’exécution no 543/2011.

76      Il convient dès lors d’identifier, à l’aune de la jurisprudence et des dispositions invoquées par la République de Pologne dans ses écritures, le rôle des GP dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes et l’objectif de l’aide destinée aux GP, tels qu’ils résultent de la législation de l’Union applicable, afin de déterminer la portée des conditions de cohérence économique, de nécessité des investissements et de caractère raisonnable des dépenses auxquelles les plans de reconnaissance des GP devaient répondre.

77      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’un texte de droit dérivé de l’Union exige une interprétation, il doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions du traité (voir arrêt du 25 février 2015, Pologne/Commission, T‑257/13, non publié, EU:T:2015:111, point 37 et jurisprudence citée).

78      Selon une jurisprudence également constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 29 juin 2017, Royaume-Uni/Commission, T‑27/16, non publié, EU:T:2017:457, point 38 et jurisprudence citée).

79      Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au point 31 ci-dessus, dans le cadre des règlements relatifs au financement de la politique agricole commune, en raison de la finalité desdits règlements, une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses s’impose (voir arrêt du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, point 82 et jurisprudence citée).

80      S’agissant du contexte et de l’objectif de la réglementation, d’une part, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le règlement no 1234/2007 et le règlement d’exécution no 543/2011 établissent une organisation commune des marchés, notamment dans le secteur agricole des fruits et légumes. Or, conformément à l’article 40, paragraphe 1, TFUE, le rôle de l’organisation commune des marchés agricoles est d’atteindre les objectifs prévus à l’article 39 TFUE, notamment d’assurer le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production, de stabiliser les marchés, de garantir la sécurité des approvisionnements et d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. Par conséquent, dans la mesure où les GP sont des acteurs importants du secteur des fruits et légumes qui agissent dans le cadre de l’organisation commune des marchés, ce que la République de Pologne ne conteste pas, leurs activités trouvent leur encadrement juridique et des limites à leur champ d’application dans les objectifs énoncés à l’article 39 TFUE. Il convient dès lors de considérer, ainsi que la République de Pologne l’a elle-même reconnu lors de l’audience, que les GP sont soumis aux exigences de la politique agricole commune.

81      D’autre part, pour acquérir le statut d’OP, une entité donnée doit remplir, conformément à l’article 125 ter, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, certains critères parmi lesquels figure précisément l’obligation d’offrir la garantie suffisante de pouvoir réaliser ses activités convenablement tant dans la durée qu’en termes d’efficacité et de concentration de l’offre, d’assurer une gestion commerciale et comptable appropriée de ses activités et de couvrir un volume ou une VPC minimaux, déterminés par les États membres et calculés sur la même base que la VPC. Ainsi, les GP qui ont, conformément à l’article 125 sexies, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1234/2007, un caractère transitoire s’insèrent dans le contexte des actions des OP et doivent à long terme, ainsi que le souligne à bon droit la Commission, réaliser les mêmes objectifs que les OP. D’ailleurs, cette conclusion correspond au considérant 29 du règlement d’exécution no 543/2011, selon lequel, pour favoriser la création d’OP stables et en mesure de contribuer d’une façon durable à la réalisation des objectifs du secteur des fruits et légumes, il convient qu’une préreconnaissance ne soit accordée qu’aux GP qui peuvent démontrer leur capacité à se conformer à toutes les exigences relatives à la reconnaissance dans un laps de temps déterminé. Par ailleurs, conformément au considérant 33 du même règlement, par souci de cohérence et en vue de faciliter le passage au statut de GP reconnu, il convient d’appliquer aux GP des règles identiques à celles applicables aux OP en ce qui concerne leurs activités principales et la VPC.

82      Il résulte de ce qui précède que, à part leur caractère temporaire et transitoire, les GP ont, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, le même rôle dans le secteur des fruits et légumes que les OP et doivent contribuer à la réalisation des mêmes objectifs dudit secteur, à savoir notamment s’organiser afin d’améliorer leur position de négociation en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché.

83      C’est donc par rapport à ce rôle qu’il convient de considérer l’objectif des aides destinées aux GP, telles qu’elles sont prévues à l’article 103 bis du règlement no 1234/2007.

84      À cet égard, bien que, conformément à l’article 103 bis du règlement no 1234/2007, lu en combinaison avec l’article 125 sexies du même règlement, les aides que l’Union peut accorder aux GP soient destinées à encourager leur constitution, à faciliter leur fonctionnement administratif et à permettre à ces derniers de répondre aux critères de reconnaissance fixés pour les OP, la prise en charge des dépenses effectuées à ces fins au titre de fonds de l’Union est, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, strictement circonscrite au respect des objectifs du secteur financé, conformément à la jurisprudence citée aux points 30 et 31 ci-dessus.

85      Cette conclusion est d’ailleurs confortée par le considérant 1 du règlement no 1290/2005, selon lequel le financement des mesures d’intervention, telles que les aides accordées aux GP, devait être assuré afin de contribuer à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune.

86      Or, parmi les objectifs de la politique agricole commune tels qu’exposés au point 80 ci-dessus figure notamment celui d’assurer le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production. Dès lors, il convient de considérer que la production et la commercialisation des fruits et légumes par les GP sans finalité commerciale est, comme l’affirme la Commission, contraire à l’un des objectifs de l’organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes.

87      À cet égard, il convient de remarquer que l’interprétation soutenue par la République de Pologne aurait pour conséquence que des plans de reconnaissance déconnectés du marché seraient acceptés et que la préreconnaissance serait accordée à des GP dont l’objectif ne serait pas d’améliorer ou ne pourrait pas être d’améliorer la position de négociation de leurs membres en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché, mais uniquement d’obtenir la reconnaissance en tant qu’OP. Par conséquent, des dépenses liées à la constitution et au fonctionnement administratif de ces GP ainsi qu’à des investissements énormes seraient éligibles, dès lors qu’elles répondraient à la condition que les GP mettent effectivement à la disposition de leurs membres, le cas échéant, les moyens techniques nécessaires pour la collecte, le stockage, le conditionnement et la commercialisation des produits par rapport au seul volume de la production, même si l’augmentation du volume de la production de certains produits déterminée par lesdits moyens techniques pourrait déstabiliser les marchés correspondants.

88      Or, d’une part, il est important de souligner, à l’instar de la Commission, qu’une telle interprétation contreviendrait aux objectifs de la politique agricole commune en matière de soutien aux GP, dès lors que, dans le cadre de l’organisation commune des marchés, l’article 40, paragraphe 2, TFUE limite les mesures qui peuvent être prises aux seules mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l’article 39 TFUE, notamment ceux consistant à stabiliser les marchés et à assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

89      D’autre part, une interprétation stricte des dispositions contenues à l’article 103 bis du règlement no 1234/2007 ouvrant droit à des remboursements de la part des fonds de l’Union, lues à la lumière des objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des fruits et légumes, exige que des aides accordées par les États membres aux GP sans vérifier qu’ils puissent s’organiser afin d’améliorer leur position de négociation en vue de satisfaire la demande et de stabiliser les prix aux conditions du marché soient exclues d’un financement de l’Union.

90      Partant, l’interprétation formelle proposée par la République de Pologne à l’égard du rôle différent des GP par rapport à celui des OP dans le secteur des fruits et légumes, qui aboutirait à financer des mesures pouvant déstabiliser les marchés en cause, ne peut pas être retenue.

91      À cet égard, il convient de relever que la Commission n’est pas tenue de prendre en charge, pour le fonds, les dépenses effectuées par un État membre qui sont fondées sur une application objectivement erronée, même si elles résultent d’une interprétation adoptée de bonne foi du droit de l’Union, sauf si l’interprétation erronée du droit de l’Union peut être imputée à une institution de l’Union (arrêt du 19 juin 2009, Espagne/Commission, T‑369/05, non publié, EU:T:2009:213, point 67). Or, force est de constater que la République de Pologne n’apporte aucun élément permettant de conclure que l’interprétation qu’elle avance des notions de cohérence économique, de nécessité des investissements et de caractère raisonnable des dépenses était imputable à un comportement de la Commission. Bien au contraire, il ressort des constatations effectuées par la Commission lors de son enquête que l’interprétation en cause n’est pas le fait d’un comportement de cette institution.

92      Par ailleurs, s’agissant de la référence faite par la République de Pologne à l’arrêt du 10 septembre 2008, France/Commission (T‑370/05, EU:T:2008:328, points 55 à 58), il y a lieu de relever que, dans la mesure où la réglementation applicable dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt prévoyait expressément la compétence des États membres d’arrêter les dispositions régissant le champ d’application précis de l’aide à octroyer, la solution retenue dans ledit arrêt ne s’applique pas en l’espèce.

93      S’agissant des conditions de cohérence économique, de nécessité des investissements et de caractère raisonnable des dépenses, en vertu desquelles les plans de reconnaissance et les demandes d’aide des GP doivent être évalués, il convient de remarquer, à l’instar de la Commission, que, bien qu’elles ne soient ni définies par la réglementation applicable ni expliquées, ainsi que le soutient à bon droit la République de Pologne, par le biais de lignes directrices ou de recommandations émises par la Commission, elles doivent répondre aux exigences de rationalité et d’efficacité, conformément aux objectifs de la politique agricole commune exposés au point 80 ci-dessus.

94      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République de Pologne selon lequel la Commission considérerait à tort que la portée et l’ampleur des investissements qu’un GP doit mettre en œuvre pour satisfaire aux conditions de reconnaissance des OP devaient reposer sur le critère de la VPC, dans la mesure où ce critère a été introduit seulement par le règlement d’exécution no 302/2012.

95      À cet égard, il y a lieu de remarquer que, tout d’abord, la Commission ne reproche pas à la République de Pologne d’avoir dépassé la limite pour la participation à l’aide à l’investissement, telle qu’introduite à l’article 47, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011, par le règlement d’exécution no 302/2012, pour des GP auxquels ce dernier règlement ne s’appliquait pas. Ensuite, étant donné que l’objet du règlement d’exécution no 302/2012 a été notamment d’introduire une limite pour la participation financière de l’Union à l’aide à l’investissement visée à l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007, son entrée en vigueur n’est pertinente que pour l’application de ladite limite. Partant, l’argument de la République de Pologne tiré du fait que le règlement d’exécution no 302/2012 ne concernerait que les GP qui ont été reconnus après la date de son entrée en vigueur, à le supposer avéré, est dénué de pertinence.

96      Par ailleurs, le fait que le règlement d’exécution no 302/2012, à l’instar de l’article 103 bis, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, a introduit, à l’article 47, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011, des taux d’aides également pour l’aide à l’investissement, par rapport au même critère de la VPC, ne saurait exclure la pertinence dudit critère pour l’évaluation de la cohérence économique des plans de reconnaissance acceptés avant la date de son entrée en vigueur ou pour l’évaluation du caractère nécessaire et raisonnable des investissements qui avaient été proposés dans lesdits plans.

97      Dès lors, l’argument de la République de Pologne selon lequel l’aide à l’investissement visée par l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007 ne dépendrait pas des résultats des actions du GP, notamment de la VPC et du chiffre d’affaires obtenus par le GP et ses membres, ne saurait prospérer. En effet, les contrôles réguliers de la cohérence économique des plans de reconnaissance et du caractère raisonnable des estimations par rapport aux conditions du marché, notamment sur les prix des produits commercialisés sur le marché par le GP, sur le retour et la rentabilité des investissements, sont nécessaires pour apprécier si le plan de reconnaissance est efficace et si les actions et les investissements sont raisonnables. En l’absence d’une référence quelconque à la VPC réalisée par le GP et aux résultats financiers obtenus par celui-ci, il ne serait pas possible d’apprécier si les investissements effectués par le GP méritaient de continuer à être financés et si la situation commerciale du GP s’améliore. Il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le GP, dont les recettes sont nulles ou très faibles en dépit des investissements réalisés, n’améliore certainement pas sa position commerciale en vue de mieux concentrer l’offre et de commercialiser la production de ses membres, conformément aux activités que les GP sont censés réaliser en vertu de l’article 41, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011.

98      Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la Commission a considéré que les autorités polonaises devaient, premièrement, vérifier la cohérence économique des plans de reconnaissance par rapport aux conditions du marché en prenant en compte l’augmentation de la VPC et non celle de la quantité de produits commercialisés et en tenant compte des incidences des opérations des GP sur le marché et, deuxièmement, vérifier les investissements et apprécier le caractère raisonnable des dépenses d’investissement approuvées dans le plan de reconnaissance, d’une part, par rapport aux conditions du marché définies par l’offre et la demande et, d’autre part, dans leur contexte, en les rapportant au potentiel de production du GP et au caractère raisonnable du coût de l’investissement.

b)      Sur l’interprétation de l’article 116 du règlement d’exécution no 543/2011

99      La République de Pologne soutient que la Commission a interprété d’une manière erronée l’article 116 du règlement d’exécution no 543/2011 en ce qu’elle a considéré que la reconnaissance d’un GP après l’expiration du délai de quatre mois prévu à l’article 49, paragraphe 4, du même règlement devait conduire automatiquement au recouvrement de l’aide reçue. À cet égard, elle considère que ni l’interprétation littérale de l’article 116, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 ni l’interprétation téléologique dudit règlement ne permettent de conclure à une obligation absolue de récupérer l’aide versée dans une telle hypothèse. La République de Pologne fait valoir que, en effet, dans le cas du GP AGRO-NORTH, bien que la période de fonctionnement en tant que GP ait pris fin au 31 décembre 2012 et que la décision concernant sa reconnaissance en tant qu’OP ait été adoptée le 7 juin 2013, soit après l’expiration du délai de quatre mois, le dépassement dudit délai serait intervenu dans des circonstances particulières liées à l’ouverture d’une instruction par le parquet, ce qui aurait entraîné la prolongation de la période de reconnaissance.

100    La Commission conteste l’interprétation proposée par la République de Pologne.

101    À cet égard, il convient de noter que, conformément au libellé de l’article 116, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, les États membres sont tenus de recouvrir un certain pourcentage de l’aide versée au GP, dans l’hypothèse où, au terme de la période fixée par l’État membre en vertu de l’article 49, paragraphe 4, du même règlement, le GP n’est pas reconnu en tant qu’OP. Le taux de l’aide à récupérer est établi à 100 % si la non‑reconnaissance résulte d’un acte délibéré ou d’une négligence grave du GP et à 50 % dans tous les autres cas, y compris dans le cas d’une prolongation de la procédure de reconnaissance déterminée par l’ouverture d’une instruction pénale et non imputable, en principe, au GP.

102    L’article 49, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, quant à lui, prévoit que les États membres fixent le délai commençant à courir après la mise en œuvre du plan de reconnaissance dans lequel le GP est reconnu en tant qu’OP et que ce délai ne peut excéder quatre mois.

103    Ainsi, s’agissant de la période fixée en vertu de l’article 49, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, à laquelle renvoie l’article 116, paragraphe 2, du même règlement, il y a lieu d’observer que, si les États membres sont libres d’établir cette période dans le cadre de pouvoirs administratifs qui leur sont conférés par ce règlement, ils sont néanmoins tenus de fixer l’échéance de cette période dans le cadre d’un délai maximal de quatre mois.

104    Il résulte de ces dispositions que, dans la mesure où la période fixée par l’État membre en vertu de l’article 49, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011 a été dépassée, l’obligation de recouvrement intervient automatiquement. En effet, une interprétation littérale du libellé de l’article 116, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 permet de conclure que, dans la mesure où l’hypothèse mentionnée se confirme, les États membres n’ont pas de marge d’appréciation quant à l’opportunité du recouvrement, bien que le motif de dépassement du délai leur ait été imputable et que le GP ait obtenu ultérieurement la reconnaissance.

105    Cette conclusion sur le caractère obligatoire du recouvrement de l’aide versée aux GP, tirée de l’interprétation littérale de l’article 116, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, est confortée par une interprétation téléologique de ce même règlement, qui vise, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, à instaurer une responsabilité à l’égard des États membres, qui sont les principaux responsables du financement des GP.

106    En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 79 ci-dessus, dans le cadre des règlements relatifs au financement de la politique agricole commune, en raison de la finalité desdits règlements, une interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses s’impose, de telle sorte qu’une distorsion de la concurrence entre les États membres, si elle se produisait malgré les moyens disponibles pour assurer l’application uniforme du droit de l’Union dans l’ensemble de l’Union, ne pourrait être financée par le FEAGA, mais devrait, en tout état de cause, rester à la charge de l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T‑343/11, non publié, EU:T:2013:468, point 84 et jurisprudence citée).

107    Il résulte de tout ce qui précède que, ainsi que le souligne la Commission, les circonstances avancées par les autorités polonaises pour justifier le retard dans la prise de la décision de reconnaissance du GP AGRO-NORTH après l’expiration du délai de quatre mois visé à l’article 49, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011 ne pouvaient pas constituer un motif pour ne pas demander un recouvrement d’au moins 50 % de l’aide accordée, conformément à l’article 116, paragraphe 2, sous b), du même règlement.

108    Partant, la première branche du premier moyen ne peut qu’être écartée.

2.      Sur la seconde branche, relative à l’absence de défaillances dans le système de contrôle polonais relatif aux GP

109    Cette branche comporte, en substance, trois sous-branches, relatives, la première, aux contrôles de la reconnaissance des GP, la deuxième, aux contrôles des dépenses et, la troisième, aux contrôles visant à prévenir, à dépister et à corriger les irrégularités mentionnées à l’article 145 du règlement d’exécution no 543/2011.

a)      Considérations liminaires

110    Il ressort du rapport de synthèse, dont les conclusions ont été exposées aux points 13 et 14 ci-dessus, que la Commission avait reproché à la République de Pologne des faiblesses dans le système de contrôle des aides accordées aux GP découlant, en substance, d’une interprétation des dispositions du droit de l’Union qui s’est avérée, conformément aux conclusions intermédiaires figurant aux points 93 et 98 ci-dessus, erronée.

111    Par conséquent, il convient d’analyser, dans le cadre de la présente branche, les arguments de la République de Pologne dans la mesure où ceux-ci visent à démontrer que, en dépit de l’interprétation différente de celle de la Commission, le système de contrôle polonais relatif aux GP avait respecté, pendant la période pertinente en l’espèce, toutes les exigences découlant du droit de l’Union.

112    Les arguments avancés par la République de Pologne au soutien de cette branche doivent toutefois être examinés à la lumière des considérations de principe relatives aux conditions strictes du financement des mesures d’aide dans le cadre de la politique agricole commune, aux obligations des États membres d’organiser un système efficace de contrôle à cet égard et à la charge de la preuve s’agissant de l’existence et de l’efficacité dudit système, telles qu’exposées aux points 32 à 39 ci-dessus.

113    À cet égard, s’agissant de la charge de la preuve, il convient de noter, à l’instar de la Commission, que les prétendus éléments de preuve invoqués dans la requête pour établir le respect de toutes les exigences en matière de contrôles sont principalement fondés sur un renvoi général aux dispositions du droit polonais ou à des formulaires et instructions générales destinés aux autorités responsables des contrôles et ne sont pas conformes aux exigences requises par la jurisprudence constante rappelée aux points 34 à 38 ci-dessus.

114    De même, les prétendues preuves produites en tant qu’annexes A.16 à A.31 de la requête ne sont pas non plus conformes aux principes concernant la précision des informations contenues dans les annexes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, EU:T:2005:455, point 57). En effet, il ressort de ces documents que, en ce qui concerne les demandes relatives aux GP GARDEN, Carota, AGREA et AGRO-NORTH, les autorités polonaises se réfèrent de façon fragmentaire à certaines décisions ou comptes rendus sans indiquer clairement la conclusion de la Commission qu’elles contestent en lien avec les documents cités.

115    Par ailleurs, il convient de relever que, ainsi qu’il a été exposé au point 18 ci-dessus, lors des contrôles ex post effectués au cours des périodes allant respectivement de décembre 2014 à juin 2015 et d’octobre 2015 à mars 2018, les autorités polonaises ont constaté elles-mêmes des irrégularités relatives à l’octroi du statut de préreconnaissance pour 51 GP, soit 25 % des 204 GP vérifiés dans le cadre du plan d’action, et ultérieurement pour encore treize des 182 GP revérifiés. En outre, ainsi qu’il a été indiqué par la République de Pologne lors de l’audience et comme cela a ensuite été attesté par les informations qu’elle a communiquées à la demande du Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, parmi tous les GP ayant obtenu une préreconnaissance et les OP ayant été reconnues, qui opéraient en Pologne depuis l’année 2004, selon la situation prévalant le 26 septembre 2018, 25 entités ayant bénéficié de 280 466 329,74 PLN (environ 66 millions d’euros) provenant du budget de l’Union sont soit en faillite soit en liquidation.

116    Or, les irrégularités constatées par les autorités polonaises lors des contrôles ex post ainsi que la perte de viabilité économique justifiant l’ouverture de procédures de faillite ou de liquidation ne font que confirmer les doutes soulevés par la Commission quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de contrôle portant sur la reconnaissance des GP et la mise en œuvre des plans de reconnaissance par ceux-ci.

117    De même, il ressort du rapport annuel de la Cour des comptes sur l’exécution du budget relatif à l’exercice 2013 (voir point 15 ci-dessus) que l’audit qu’elle a effectué, relatif au système de contrôle de l’aide octroyée par l’Union aux GP en Pologne en 2013, a mis au jour d’importantes insuffisances concernant les procédures de contrôle appliquées aux fins de la reconnaissance des GP. Ainsi, sur les 40 cas qu’elle a examinés, la Cour des comptes en a relevé neuf dans lesquels les GP ne remplissaient pas les critères d’éligibilité.

118    Enfin, il convient de souligner qu’il résulte également du rapport de l’organe de conciliation que la République de Pologne a admis, lors de la procédure de conciliation, l’existence de certaines défaillances dans son système de contrôle des GP et qu’une correction financière forfaitaire de 10 % était raisonnable.

119    C’est ainsi à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments invoqués par la République de Pologne au soutien de sa thèse relative à la régularité du système de contrôle qu’elle a mis en place.

b)      Sur les contrôles de la reconnaissance des GP

120    La République de Pologne soutient, en substance, qu’elle a respecté toutes les obligations découlant du droit de l’Union applicable dans la période pertinente en l’espèce. À cet égard, elle conteste, premièrement, les prétendues violations de l’article 36 et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011, imputées par la Commission, lesquelles n’auraient pas été suffisamment motivées, deuxièmement, les prétendues irrégularités dans les contrôles relatifs à la qualité technique des plans de reconnaissance, avec référence en particulier au cas du GP Carota, troisièmement, les prétendues conséquences négatives découlant du partage de compétences de contrôle entre les urzędy marszałka województwa (bureaux des maréchaux de voïvodie, Pologne, ci-après les « bureaux des maréchaux ») et les directeurs des départements régionaux de l’ARMA, quatrièmement, la prétendue absence de contrôle de la cohérence économique des plans de reconnaissance et du caractère raisonnable des dépenses et, cinquièmement, les prétendues irrégularités retenues plus spécifiquement dans le cas des GP AGREA et AGRO-NORTH.

121    La Commission conteste la position de la République de Pologne.

1)      Sur les prétendues violations de l’article 36 et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011

122    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 36 du règlement d’exécution no 543/2011 impose aux États membres notamment l’obligation d’arrêter les règles relatives à l’élaboration, au contenu et à la mise en œuvre des plans de reconnaissance, alors que l’article 39, paragraphe 3, de ce règlement permet aux États membres d’approuver les modifications apportées aux plans de reconnaissance, après l’examen des justifications qui leur sont présentées.

123    En l’espèce, il ressort des éléments du dossier, et en particulier de la communication officielle, que la mission d’audit avait révélé des « dispositions inadéquates et insuffisantes concernant les règles d’élaboration, de contenu et de mise en œuvre des plans de reconnaissance par les GP entraînant des non-conformités généralisées à l’article 36 et à l’article 39, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011, applicables à tous les GP ». Il est également précisé dans ladite communication que ces non-conformités avaient été confirmées en ce qui concerne les GP AGREA, Carota et AGRO-NORTH, soit trois GP sur un total de six GP audités. Sur la base notamment de cette constatation, les auditeurs de la Commission avaient considéré que l’application du système de contrôle relatif notamment aux vérifications des plans de reconnaissance des GP était gravement déficiente et conduisait à un risque très élevé de perte pour le FEAGA.

124    Il ressort par ailleurs de la décision attaquée que la Commission a appliqué à la République de Pologne des corrections forfaitaires de 25 % au titre des exercices financiers 2012 et 2013, après avoir constaté l’existence de faiblesses dans ses contrôles clés, en particulier en ce qui concerne la vérification des plans de reconnaissance et des critères de reconnaissance des GP.

125    De plus, il y a lieu de signaler que, à titre principal, la Commission a reproché aux autorités polonaises, dans la communication officielle tout comme dans le rapport de synthèse et dans la décision attaquée, des défaillances liées aux contrôles de reconnaissance des GP. Or, lesdits contrôles étaient régis pendant la période pertinente en l’espèce par les dispositions contenues à l’article 113 du règlement no 1580/2007 ainsi qu’aux articles 111 et 112 du règlement d’exécution no 543/2011.

126    Il s’ensuit qu’il résulte des pièces du dossier, ainsi que le fait d’ailleurs valoir la Commission, que la violation de l’article 36 et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011 était étroitement liée aux défaillances constatées dans le système de contrôles s’agissant des contrôles en matière de reconnaissance des GP, de sorte que la République de Pologne ne saurait utilement prétendre ne pas avoir compris ce qui lui avait été reproché. En effet, selon une jurisprudence constante, dans le contexte particulier de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes du FEAGA, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEAGA la somme litigieuse (voir arrêt du 22 septembre 2011, Italie/Commission, T‑500/09, non publié, EU:T:2011:517, point 51 et jurisprudence citée).

127    Dans ces circonstances, eu égard au lien étroit qui pourrait être retenu entre le non-respect de l’article 36 et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011 et la constatation des défaillances dans le système de contrôle polonais, la violation desdits articles doit être analysée dans le contexte des irrégularités retenues à l’égard des plans de reconnaissance vérifiés.

2)      Sur la qualité technique des plans de reconnaissance

128    Il convient de relever que, afin d’établir le respect de toutes les exigences relatives à la qualité technique des plans de reconnaissance découlant du droit de l’Union, la République de Pologne ne fait qu’un renvoi général aux dispositions du droit polonais ou à des formulaires et instructions générales destinés aux autorités responsables des contrôles, sans contester toutefois tous les griefs soulevés par la Commission à cet égard.

129    Ainsi, il ressort des éléments du dossier, et en particulier de la communication officielle et du rapport de synthèse, que les plans de reconnaissance présentés par les GP manquaient de clarté et de précision et ne contenaient pas d’éléments obligatoires, tels que la planification de la production, la stratégie commerciale et le développement des canaux de commercialisation et de promotion, qui auraient permis aux autorités polonaises d’apprécier la cohérence économique et le caractère raisonnable des dépenses. En outre, bien que la réglementation polonaise ait prévu les informations et données obligatoires devant figurer dans le plan de reconnaissance, les plans de reconnaissance étaient à plusieurs égards déconnectés du marché, car les prix étaient exogènes et inexpliqués, car les informations relatives aux clients, aux contrats, aux chaînes de distribution, aux marques, aux actifs incorporels et à la stratégie étaient très limitées et car le caractère raisonnable des dépenses se limitait au caractère raisonnable du coût des biens et ne comprenait aucune étude financière ou économique à l’appui de la décision d’acheter les biens souvent au moyen de transactions sans lien de dépendance et économiquement injustifiées.

130    Pour étayer ses affirmations, la Commission s’est notamment référée au GP Carota, qui avait obtenu, sur une période de cinq ans, dix approbations différentes de nombreuses versions de son plan de reconnaissance. Ainsi, lors du contrôle auprès dudit GP, les auditeurs ont constaté que lesdits plans de reconnaissance avaient une portée trop limitée et n’étaient pas suffisamment détaillés. En effet, la stratégie de vente, lorsqu’il y en avait une, était générale et vague et certains de ses éléments essentiels faisaient défaut, notamment la planification de la production en fonction des débouchés et des prix de vente des produits. Les auditeurs en ont conclu que lesdits plans avaient été utilisés comme levier pour obtenir des prêts et pour permettre au GP d’entamer des négociations avec les fournisseurs et de supporter les coûts y afférents. Les plans de reconnaissance ne contenaient donc pas les détails nécessaires pour leur conférer un caractère définitif.

131    À cet égard, la République de Pologne fait valoir que tous les documents exigés par le droit national et le droit de l’Union figuraient dans le plan de reconnaissance initial déposé par le GP Carota, auquel avaient été jointes 32 annexes comprenant notamment les décomptes, le devis quantitatif pour l’exécution des travaux de construction, les offres commerciales et la documentation du projet.Elle ajoute que, en effet, la très grande précision dudit plan aurait déterminé les modifications successives de celui-ci à la suite de l’évolution des éléments extérieurs, indépendants du groupement, tels que le prix des produits ou des services. Selon elle, les informations qu’elle a communiquées après la réunion bilatérale sur le GP Carota montreraient que ce groupement disposait d’une stratégie commerciale bien conçue visant de nombreux canaux de distribution. En outre, ledit groupement avait signé des contrats de vente de ses produits à l’étranger, notamment en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en République tchèque et en Hongrie. La République de Pologne fait état sur ce point notamment d’une lettre du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais du 24 octobre 2014 qu’elle avait annexée à la requête.

132    Premièrement, force est de constater que la République de Pologne se borne à faire référence aux canaux de distribution qui avaient été prévus respectivement dans le plan initial et dans les plans modifiés du GP Carota, sans toutefois étayer l’existence des autres conditions du marché, et plus précisément de la planification de la production en fonction des débouchés et des prix de vente des produits. Lesdites conditions ne ressortent d’ailleurs pas non plus des informations communiquées par la République de Pologne à la Commission sur ledit groupement par ladite lettre du 24 octobre 2014. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 130 ci-dessus, c’est précisément cet aspect qui avait fondé la conclusion de la Commission relative à l’absence de précision et de caractère définitif des plans présentés par le GP Carota.

133    Deuxièmement, la République de Pologne admet, ainsi qu’il a été indiqué aux points 48 à 50 ci-dessus, que les contrôles de ses autorités ne portaient pas sur les conditions du marché, dans la mesure où ils devaient se limiter à vérifier l’aptitude des mesures proposées dans les plans de reconnaissance à permettre le respect par les GP, dans le futur, des conditions de reconnaissance en tant qu’OP.

134    Or, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été conclu au point 98 ci-dessus dans le cadre de la première branche du premier moyen, les autorités polonaises devaient vérifier la cohérence économique des plans de reconnaissance et apprécier le caractère nécessaire des investissements proposés ainsi que le caractère raisonnable des dépenses d’investissement approuvées dans lesdits plans, d’une part, par rapport aux conditions du marché définies par l’offre et la demande et, d’autre part, dans leur contexte, en les rapportant au potentiel de production du GP et au caractère raisonnable du coût des investissements.

135    Troisièmement, il ressort du procès-verbal de la réunion bilatérale que les autorités polonaises ont soutenu lors de cette réunion que, étant donné que les membres des GP n’avaient pas d’expérience managériale, toutes les variables contenues dans leurs plans de reconnaissance, relatives à leurs activités autres que la production, étaient nécessairement exogènes. Or, un tel argument n’est pas de nature à justifier un financement au titre du FEAGA et, partant, l’absence de contrôle de la cohérence économique des plans de reconnaissance et l’absence de sérieux des estimations contenues dans ceux-ci.

136    Il s’ensuit que la Commission a dûment justifié, conformément à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, sa position selon laquelle il n’y avait pas d’assurances suffisantes quant au caractère adéquat des contrôles effectués par les autorités polonaises concernant la qualité technique des plans de reconnaissance de tous les GP et, en particulier, du groupement Carota. En l’absence d’éléments de preuve documentés, les doutes sérieux et raisonnables éprouvés par la Commission dans les conclusions du rapport de synthèse accompagnant la décision attaquée ne peuvent manifestement pas être dissipés.

137    Partant, le grief de la République de Pologne relatif à la prétendue qualité technique des plans de reconnaissance doit être écarté.

3)      Sur l’absence d’incidence du partage de la compétence relative aux contrôles de reconnaissance sur la qualité de ceux-ci

138    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort de l’économie des règlements no 1290/2005 et no 1306/2013 que les mesures d’intervention publique ne peuvent être financées que si les dépenses ont été effectuées par les organismes payeurs agrées, chargés par les États membres de certaines obligations relatives à l’intervention publique. L’exécution des tâches relatives, notamment, à la gestion ou au contrôle des mesures d’intervention, à l’exception du paiement des aides, peut toutefois être déléguée, conformément à l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1290/2005 et à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1306/2013. L’organisme payeur doit néanmoins assurer une supervision adéquate des tâches ainsi déléguées et reste pleinement responsable du contrôle de la reconnaissance des GP.

139    Il est constant que, dans le cadre du système mis en place par la République de Pologne pendant la période pertinente en l’espèce, les compétences de contrôle des GP étaient partagées entre, d’une part, l’organisme payeur et, d’autre part, les bureaux des maréchaux.

140    Ainsi, il appartenait au bureau du maréchal, compétent en raison du siège social du GP, de procéder au contrôle sur place visé à l’article 113, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011. En revanche, le contrôle visé à l’article 113, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011 relevait tant de la compétence du bureau du maréchal que de celle du directeur du département régional de l’ARMA. En effet, ce dernier évaluait, en vertu de l’article 9, paragraphe 2, de la ustawa z dnia 19 grudnia 2003 r. o organizacji rynków owoców i warzyw, rynku chmielu, rynku suszu paszowego oraz rynków lnu i konopi uprawianych na włókno (loi polonaise du 19 décembre 2003 sur l’organisation des marchés de fruits et de légumes, du marché du houblon, du marché du fourrage séché et des marchés du lin et du chanvre cultivés pour leurs fibres), le plan de reconnaissance des GP ayant fait une demande de préreconnaissance ainsi que les modifications du plan concernant l’exactitude des informations qui y étaient indiquées, sa cohérence économique, sa qualité technique, le sérieux de ses estimations, la programmation de son exécution, la justification de sa durée, l’éligibilité des investissements proposés, le caractère raisonnable des dépenses liées à ces investissements et la durée d’adhésion au GP.

141    Bien que les plans de reconnaissance fussent en définitive approuvés par les bureaux des maréchaux, les fiches de contrôle de ces derniers ne mentionnaient pas explicitement la cohérence économique ni le caractère raisonnable des dépenses. Sur ces deux points, lesdits bureaux s’appuyaient exclusivement sur les résultats des contrôles effectués par l’organisme payeur, sauf si l’avis était négatif.

142    À cet égard, il convient de souligner que la République de Pologne se borne à invoquer le principe de l’autonomie procédurale dans l’organisation du système de contrôle, sans toutefois répondre aux critiques de la Commission relatives à l’absence d’analyse économique des plans de reconnaissance, avec pour effet l’approbation de projets non rentables ou fondés sur des informations financières incorrectes ou peu fiables, qui aurait été la conséquence dudit partage de compétences.

143    Ainsi, la République de Pologne reconnaît qu’il revenait aux bureaux des maréchaux d’approuver les plans de reconnaissance des GP, sans qu’ils aient toutefois la compétence de vérifier la cohérence économique desdits plans et le caractère raisonnable des dépenses proposées dans ceux-ci. Dans le même temps, l’ARMA, en qualité d’organisme payeur chargé d’assurer la bonne gestion financière des crédits budgétaires et l’exécution des paiements en faveur des GP, après avoir vérifié que ceux-ci remplissaient les critères d’admissibilité et que les paiements au titre de l’aide étaient nécessaires et dus, n’avait pas de compétence de contrôle à l’égard des décisions des bureaux des maréchaux relatives à l’approbation des plans de reconnaissance.

144    Or, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, la Commission n’a pas critiqué la délégation des tâches en matière de contrôle de la reconnaissance des GP aux bureaux des maréchaux. La Commission a soutenu, en revanche, que les autorités polonaises n’avaient pas assuré de contrôle approprié des plans de reconnaissance.

145    C’est précisément cet aspect qui a amené la Commission à considérer, à bon droit, que, à cause des dispositions inadéquates et insuffisantes, les autorités polonaises ne vérifiaient pas la cohérence économique des plans de reconnaissance, le sérieux des estimations et le caractère raisonnable des dépenses.

146    À cet égard, il convient de relever que la République de Pologne n’explique pas en quoi ledit partage de compétences n’a pas influé sur la qualité des contrôles préalables à l’approbation des plans de reconnaissance des GP, dans la mesure où l’objet même du contrôle exercé par chacune des deux entités susmentionnées était partagé et où elles agissaient en toute indépendance l’une de l’autre, de sorte qu’aucune des deux ne disposait d’un pouvoir d’appréciation complet et global sur l’application de toutes les conditions prévues à l’article 113 du règlement no 1580/2007 et à l’article 111 du règlement d’exécution no 543/2011.

147    À cet égard, il convient de relever que, dans son rapport final du 25 novembre 2015, l’organe de conciliation, après avoir résumé les positions des parties, a indiqué, au point 6, qu’il considérait que « la participation d’un tiers, à savoir les bureaux des maréchaux, à la procédure de vérification du processus de reconnaissance f[aisai]t naître une incertitude administrative en ce qui concerne non seulement l’autorité et la responsabilité de l’organisme payeur, mais aussi la protection des intérêts financiers du F[EAGA] ».

148    Par ailleurs, les constatations de la Commission ont été confirmées ultérieurement par la Cour des comptes lors de son audit opéré en 2013. En effet, dans le rapport du 13 mai 2014, celle-ci a notamment relevé que, d’une manière générale, les dossiers des bureaux des maréchaux ne contenaient pas d’éléments de preuve établissant qu’avaient été réalisés des contrôles exhaustifs concernant la cohérence économique et la qualité technique des plans de reconnaissance, le sérieux des estimations, la programmation de leur exécution et l’admissibilité des investissements proposés, notamment la question de savoir s’ils étaient nécessaires pour satisfaire aux critères de reconnaissance complète en tant qu’OP.

149    Il s’ensuit que, dans la mesure où pendant la période de référence en l’espèce les bureaux des maréchaux étaient responsables en ultime ressort de l’approbation des plans de reconnaissance des GP et où les fiches des contrôle utilisées par ceux-ci ne mentionnaient pas explicitement la cohérence économique ni le caractère raisonnable des dépenses, ce que la République de Pologne ne conteste d’ailleurs pas, il ne saurait être valablement soutenu, ainsi que le fait cette dernière, qu’un système de contrôle avec un partage des compétences comme celui mis en place par la République de Pologne était efficace.

150    Partant, ce grief doit être écarté.

4)      Sur la vérification de la cohérence économique des plans de reconnaissance et du caractère raisonnable des dépenses

151    Il ressort des éléments du dossier, et en particulier de la lettre d’observations et du rapport de synthèse, que les auditeurs de la Commission ont constaté que les autorités polonaises ne vérifiaient pas, lors de la procédure d’approbation des plans de reconnaissance des GP, la cohérence économique desdits plans, le sérieux des estimations ou le caractère raisonnable des dépenses.

152    À cet égard, ils ont relevé, tout d’abord, que l’efficacité des plans de reconnaissance était mesurée par les autorités nationales sur la base du volume de la production et des ventes et non sur la base de la hausse du chiffre d’affaires par rapport à la VPC, ce que les autorités polonaises n’ont d’ailleurs pas contesté. Cependant, les conditions du marché étaient absentes de toute considération dans les plans de reconnaissance, malgré le fait que le marché était très concentré, car trois chaînes de magasins le contrôlaient, la plus importante ayant une part de marché d’environ 40 %.

153    Il a également été constaté dans le rapport de synthèse que les autorités polonaises ne se préoccupaient pas de savoir si les contributions des membres du GP étaient fondées sur leurs capitaux propres ou sur des obligations (crédits bancaires). Les achats constituaient le seul élément pris en compte dans le plan de reconnaissance pour apprécier le caractère raisonnable des dépenses d’investissement. Aucune évaluation n’avait été effectuée concernant des contrats de location ou de crédit-bail ou d’autres types de contrats de licence. Or, à la fin de la mise en œuvre des plans de reconnaissance, lorsque l’aide de l’Union prend fin ou est considérablement réduite, la rentabilité des GP dépend dans une large mesure du choix opéré entre les différentes variantes susmentionnées.

154    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a considéré que les contrôles relatifs à la vérification de la cohérence économique des plans de reconnaissance présentés par les GP et du caractère raisonnable des dépenses proposées dans ces plans, auxquels les autorités polonaises étaient tenues, conformément à l’article 113, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement d’exécution no 543/2011, étaient absents.

155    Ces éléments, qui sont de nature à caractériser l’existence d’un doute sérieux et raisonnable, ne peuvent être écartés au motif, invoqué par la République de Pologne, que, en substance, la cohérence économique, telle que définie dans les procédures de l’ARMA, avait été contrôlée.

156    Premièrement, il convient de constater que les prétendus éléments de preuve invoqués dans la requête pour établir la réalité des vérifications de la cohérence économique des plans de reconnaissance représentent des formulaires contenant des instructions générales destinés aux autorités responsables des contrôles. Or, l’existence de telles informations générales et abstraites ne permet pas à la République de Pologne de démontrer que les contrôles de reconnaissance considérés par la Commission comme absents quant aux vérifications de la cohérence économique et du caractère raisonnable des dépenses étaient, en définitive, réguliers. En particulier, la constatation de l’existence d’instructions à suivre pour la réalisation des contrôles ne démontre en rien que ces instructions précisaient les méthodes d’évaluation de la cohérence économique et du caractère raisonnable des dépenses, ni que ces méthodes ont été suivies.

157    Deuxièmement, ainsi qu’il a été exposé dans le cadre de la première branche du premier moyen, la République de Pologne ne conteste pas que ses autorités ont vérifié l’efficacité des plans de reconnaissance et le caractère raisonnable des dépenses proposées dans ces plans par rapport au volume des ventes des GP et non par rapport à la VPC.

158    Or, ainsi qu’il a été conclu dans le cadre de la première branche du premier moyen, l’utilisation du critère du volume des ventes, au lieu de celui de la VPC, était de nature à porter atteinte aux objectifs de la politique agricole commune et plus précisément à ceux du financement du secteur des fruits et légumes. En outre, conformément à la conclusion intermédiaire exposée au point 90 ci-dessus, le critère du volume de la production aboutirait à financer des mesures pouvant déstabiliser les marchés en cause, ce qui contreviendrait aux objectifs de l’organisation commune des marchés.

159    Dès lors, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, que la Commission a, conformément à la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus, présenté des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable quant à l’existence de contrôles relatifs à la vérification de la cohérence économique des plans de reconnaissance et du caractère raisonnable des dépenses proposées dans lesdits plans, de sorte qu’il incombait ensuite aux autorités polonaises de présenter la preuve la plus détaillée et complète possible de la réalité de leurs contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 36 et 37 ci-dessus.

160    Par ailleurs, les constatations de la Commission ont été confirmées ultérieurement par la Cour des comptes lors de son audit opéré en 2013. En effet, dans le rapport du 13 mai 2014, la Cour des comptes a notamment relevé qu’une période de remboursement escomptée de plus de 40 ans, qui ne tenait pas compte des coûts directs et indirects liés au transport, au stockage, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation ainsi que des frais généraux, constituait un indice sérieux de l’absence de vérification de la cohérence économique des investissements proposés dans le plan de reconnaissance. Le fait que de telles situations aient été approuvées par l’organisme payeur et les bureaux des maréchaux indiquait que ces entités n’avaient pas effectué l’analyse économique requise des plans de reconnaissance, avec pour effet que des projets non rentables ou fondés sur des informations financières incorrectes ou peu fiables ont été soutenus.

161    Or, aucun des arguments que la République de Pologne a invoqués ne démontre l’inexactitude des appréciations de la Commission, telles que confirmées par ledit rapport de la Cour des comptes, et ne permet donc de remettre en cause la décision de lui imposer une correction forfaitaire pour les faiblesses généralisées dans les contrôles préalables à l’approbation des plans de reconnaissance des GP qu’elle a effectués au titre de l’article 113 du règlement no 1580/2007 et de l’article 111 du règlement d’exécution no 543/2011.

162    Il s’ensuit que, en l’absence d’éléments de preuve documentés, les doutes exprimés par la Commission dans les conclusions du rapport de synthèse accompagnant la décision attaquée ne peuvent manifestement pas être levés.

163    Partant, ce grief doit être écarté.

5)      Sur la situation des GP AGREA et AGRO-NORTH

164    S’agissant de la situation du GP AGREA, ainsi que la Commission l’a relevé dans la communication officielle, la dernière modification du plan de reconnaissance de ce GP, du 15 octobre 2012, prévoyait l’augmentation de l’investissement avec plus de 200 millions de PLN (environ 49 millions d’euros). Bien que cette augmentation correspondît aux estimations du volume de la production de la dernière année d’activité du GP, elle ne correspondait pas à la VPC de ce GP, qui avait été estimée pour sa cinquième année d’activité à 46,4 millions de PLN (environ 11 millions d’euros), mais qui a été de seulement 24 millions de PLN (environ 6 millions d’euros). Partant, il convient de considérer, à l’instar de la Commission, qu’un tel déséquilibre entre le volume estimé de la production et une diminution de la VPC de presque 50 % ne peut être expliqué que par des stocks accumulés ou des prix nettement inférieurs à ceux prévus. Or, une telle conclusion suffit pour conclure que l’application, en pratique, du critère du volume de la production, afin d’apprécier le caractère raisonnable des dépenses proposées dans le plan modifié, ne correspondait pas aux objectifs du secteur des fruits et légumes, tels qu’exposés au point 82 ci-dessus.

165    À cet égard, il convient de préciser que l’argument de la République de Pologne selon lequel les 24 millions de PLN ne concernaient qu’un semestre de la dernière année de réalisation du plan de reconnaissance du GP AGREA et selon lequel la VPC réelle dudit groupement durant la dernière année de mise en œuvre du plan de reconnaissance s’élevait à 39,03 millions de PLN (environ 9,6 millions d’euros), soit 84 % de la VPC prévue, ne peut qu’être rejeté, dans la mesure où la République de Pologne n’a pas étayé ses affirmations avec des preuves appropriées. En effet, le document auquel la République de Pologne fait référence dans la requête n’est qu’une lettre du ministère de l’Agriculture et du Développement rural polonais contenant des informations complémentaires, adressée à la Commission dans le cadre de la procédure administrative. Partant, il ne peut pas être considéré comme une preuve de la VPC du groupement AGREA pour la dernière année de mise en œuvre du plan de reconnaissance.

166    S’agissant du groupement AGRO-NORTH, il convient de remarquer que la République de Pologne se limite à soutenir que ses autorités ont procédé à des contrôles des documents et à des contrôles sur place à la suite de la demande d’aide du 2 juillet 2012, avant que l’avis d’ouverture de la procédure pénale ne soit transmis à l’ARMA. Or, il ressort des éléments du dossier, et en particulier de la lettre d’observations et de la communication officielle, que la Commission reprochait aux autorités polonaises, à titre principal, d’avoir reconnu ce GP en tant qu’OP le 7 juin 2013, d’une part, avec un retard significatif par rapport à la date d’expiration de la période transitoire et, d’autre part, malgré la procédure pénale antifraude en cours relative à de sérieuses irrégularités déterminées par des décisions prises par le GP et le fait que la VPC réelle au cours de la dernière année était sensiblement inférieure à l’objectif fixé dans le plan de reconnaissance. Ce n’est qu’à titre secondaire que la Commission leur a reproché de n’avoir effectué un contrôle sur place de ce GP, conformément au règlement no 1234/2007, au règlement no 1580/2007 et au règlement d’exécution no 543/2011, qu’après l’ouverture officielle de ladite procédure pénale, en dépit de déclarations publiques relatives à la situation dudit GP.

167    À cet égard, il convient de constater que la République de Pologne reconnaît dans la réplique que le contrôle sur place, effectué du 25 octobre au 7 novembre 2012, ainsi que d’autres contrôles menés ultérieurement avaient confirmé les irrégularités de la documentation de la demande d’aide du 2 juillet 2012. Ainsi, les inexactitudes des faits concernant la réalisation de l’investissement visé par ladite demande et le risque de violation des engagements afférents aux investissements ayant bénéficié de subventions antérieures, conjugués à l’ouverture de la procédure pénale, ont déterminé, d’une part, la suspension de l’examen des nouvelles demandes de subvention et, d’autre part, l’adoption d’une décision de recouvrement des fonds versés. Cependant, la République de Pologne ne présente pas de justifications à l’égard de la décision de reconnaissance dudit GP en tant qu’OP du 7 juin 2013.

168    Or, dans la mesure où, ainsi que le souligne la Commission sans être contredite par la République de Pologne, l’enquête pénale relative à ce GP était toujours pendante au moment de l’adoption de la décision de reconnaissance et des contrôles de l’ARMA ayant décelé des irrégularités concernant le non-respect par le GP de ses engagements concernant les investissements subventionnés, il convient de considérer que la Commission a conclu à juste titre à l’absence de contrôle clé de la reconnaissance du GP AGRO-NORTH.

169    Partant, sans qu’il soit besoin d’analyser l’argument de la République de Pologne présenté dans la réplique relatif à l’erreur que la Commission aurait commise à l’égard de la devise dans laquelle était exprimée dans la réglementation nationale la VPC minimale, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a conclu à la violation de l’article 113 du règlement no 1580/2007 et de l’article 111 du règlement d’exécution no 543/2011 dans le cas du GP AGRO-NORTH.

170    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de constater que les défaillances systémiques constatées par la Commission en l’espèce dans les contrôles liés à la reconnaissance et ceux des plans de reconnaissance des GP n’ont pas été contredites par des éléments de preuve concrets et documentés apportés par la République de Pologne.

171    Partant, ce grief doit être écarté.

c)      Sur les contrôles des dépenses

172    La République de Pologne fait valoir que l’évaluation administrative de l’admissibilité et du caractère raisonnable des dépenses proposées dans les plans de reconnaissance a été effectuée et que les sources de financement des investissements prévus dans les plans ont été validées, le droit de l’Union ne prévoyant aucune restriction à cet égard.

173    Ainsi, la République de Pologne soutient que ses autorités n’ont accepté que les investissements prévus dans les plans de reconnaissance qui, par leur nature et leur portée, étaient nécessaires au respect des critères de reconnaissance des OP par les GP préreconnus. Selon elle, les autorités polonaises avaient évalué, sur la base de la situation de départ du groupement concerné décrite dans le plan de reconnaissance et du développement prévu de la production et des ventes pendant la période de mise en œuvre du plan de reconnaissance, si la réalisation des actions et des investissements permettrait réellement au groupement concerné de respecter les conditions de reconnaissance des OP. Elle rappelle que le contrôle comprenait l’examen de la nature et de la taille des investissements afin de déterminer leur caractère nécessaire.

174    Quant au grief de la Commission tiré de la violation de l’article 112 du règlement d’exécution no 543/2011, notamment en ce qui concerne l’audit du GP Carota, la République de Pologne fait valoir que les demandes de ce GP ont été soumises à des contrôles sur place fréquents, tant « à la demande » que sur la base d’une analyse des risques.

175    S’agissant des GP FRUIT FAMILY et SOSKA, la République de Pologne conteste la position de la Commission selon laquelle ses autorités auraient omis de contrôler le caractère réel et raisonnable des dépenses en l’absence d’estimation de l’investissement, ce qui rendrait les contrôles contraires à l’article 111, paragraphe 2, sous c), du règlement d’exécution no 543/2011. Elle fait valoir que ses autorités avaient correctement effectué lesdits contrôles et appliqué les règles visant à éliminer les cas de surestimation des prix par rapport à la valeur marchande du bien d’investissement, afin d’éviter un subventionnement excessif des investissements et l’obtention injustifiée des fonds publics par le demandeur, conformément au manuel sur les procédures de mise en œuvre de l’aide aux GP.

176    La Commission réfute les arguments de la République de Pologne.

177    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007, au cours de la période transitoire autorisée conformément à l’article 125 sexies du même règlement, les États membres pouvaient accorder aux GP des aides destinées à couvrir une partie des investissements nécessaires à la reconnaissance et figurant à ce titre dans le plan de reconnaissance, qui étaient octroyées directement ou par l’intermédiaire d’établissements de crédit.

178    Ainsi qu’il a été exposé au point 55 ci-dessus, conformément à l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1580/2007 et à l’article 111, paragraphe 2, sous c), du règlement d’exécution no 543/2011, les autorités nationales étaient obligées de procéder à des contrôles préalables à l’approbation des plans de reconnaissance des GP, relatifs notamment à la vérification de l’admissibilité et du caractère raisonnable des dépenses proposées dans lesdits plans. Un élément essentiel de ces contrôles visait les dépenses liées aux investissements appréciés comme étant nécessaires à la reconnaissance et pour lesquels les GP pouvaient bénéficier d’une aide conformément à l’article 103 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1234/2007, ainsi qu’il a été exposé au point 177 ci-dessus.

179    Une obligation de contrôle similaire à celle exposée au point 178 ci-dessus était prévue à l’article 112 du règlement d’exécution no 543/2011 pour chaque demande d’aide présentée par les GP, s’agissant notamment de la mise en œuvre des mesures figurant dans les plans de reconnaissance et des dépenses réalisées sur la base desdits plans.

180    En l’espèce, il ressort de la communication officielle et du rapport de synthèse que la Commission reproche à la République de Pologne le fait que ses autorités n’ont pas effectué de contrôles appropriés de l’éligibilité des dépenses des GP, conformément à la réglementation de l’Union. À cet égard, la Commission fait grief aux autorités polonaises d’avoir utilisé une définition des conditions relatives à la cohérence économique et au caractère raisonnable des dépenses avec une portée beaucoup plus étroite que celle ressortant du règlement d’exécution no 543/2011 et, partant, que les contrôles effectués conformément à ces définitions ne couvraient pas les aspects obligatoires prévus à l’article 111, paragraphe 2, et à l’article 112 de ce règlement.

181    Ainsi, il ressort des éléments du dossier, et en particulier de la communication officielle, que, d’une part, l’audit effectué par la Commission a mis en lumière de graves défaillances dans le système de contrôle des GP relatives notamment à la vérification de la nécessité des investissements proposés par les GP dans les plans de reconnaissance et, partant, du caractère raisonnable des dépenses réalisées à ces fins, en ce qui concernait tant les contrôles préalables à l’approbation desdits plans de reconnaissance que ceux relatifs aux demandes d’aide présentées par les GP. D’autre part, les contrôles concernant la rentabilité des investissements proposés dans le cadre des plans de reconnaissance faisaient défaut.

182    En premier lieu, pour étayer ses conclusions relatives à l’insuffisance des contrôles relatifs à la vérification de la nécessité des investissements, la Commission fait référence, tant dans la communication officielle que dans le rapport de synthèse, aux GP Carota, FRUIT FAMILY et SOSKA, pour lesquels ses auditeurs avaient procédé à des contrôles administratifs et sur place.

183    Premièrement, s’agissant du GP Carota, il ressort des pièces du dossier que l’audit de la Commission a fait apparaître que ce groupement cherchait généralement à obtenir tout d’abord l’approbation de son plan de reconnaissance, afin de pouvoir ensuite contracter des crédits bancaires en se servant de la future aide de l’Union comme garantie et pour rembourser ces crédits. Ensuite, malgré l’incapacité de ce groupement à rembourser ses créances fiscales, les investissements qu’il avait proposés ont été approuvés par les autorités polonaises, sans qu’ait été effectué de contrôle approfondi ni même de contrôle de base pour vérifier si ledit GP était en mesure de réaliser les activités prévues à l’article 125 ter, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1234/2007. La Commission a alors conclu qu’il était justifié de supposer que les décisions du GP Carota et des banques en matière de financement des investissements étaient dictées non par le rendement escompté de l’investissement, mais par la disponibilité du financement au titre du régime d’aides de l’Union. Enfin, la Commission a constaté que ni les plans dudit GP ni les contrôles des autorités polonaises n’avaient tenu compte de la réalité économique et commerciale des transactions et des activités de ce GP et de la rentabilité des investissements dans le cadre des plans de reconnaissance.

184    Ainsi, il ressort du rapport de synthèse que les autorités polonaises avaient approuvé, dans le cadre du plan de reconnaissance du GP Carota, un investissement relatif à la construction d’une installation de stockage de carottes comprenant quatorze chambres frigorifiques avec une capacité approximative de 17 000 tonnes, pour lequel le permis de construire n’avait pas encore été délivré ni même demandé. À la suite de la suspension de l’aide de l’Union, ce GP s’est retrouvé dans une situation financière très difficile et, partant, n’a pas pu réaliser ledit investissement conformément au plan approuvé.

185    En outre, la Commission indique que, bien que la situation des dépenses du GP Carota ne fût pas résolue au moment de la visite de contrôle de ses auditeurs en novembre 2013 et que ce GP ne respectât pas les exigences de l’article 125 ter, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1234/2007, en raison de son incapacité à rembourser les obligations restant dues et ses futures obligations fiscales, le 22 avril 2013, il a été reconnu en tant qu’OP. De l’avis de la Commission, cet ordre des événements indiquait clairement qu’une interprétation souple avait été appliquée pour déterminer si un plan de reconnaissance devrait être mis en œuvre efficacement.

186    Deuxièmement, dans le cas des GP FRUIT FAMILY et SOSKA, l’audit de la Commission a montré que, lorsque ces deux GP ont présenté des demandes d’aide, ils ont également envoyé des évaluations d’après une méthode comparative. Toutefois, dans aucun des deux cas, l’organisme payeur ne possédait l’évaluation effectuée par l’expert qu’il avait agréé et relative aux dépenses importantes liées à la construction de l’infrastructure. La Commission a constaté que des évaluations relatives aux dépenses liées à la construction de l’infrastructure n’étaient pas exigées systématiquement. Les autorités polonaises ne demandaient de telles évaluations qu’en cas de doute. Cependant, une partie des coûts de construction était liée à des solutions particulières pour lesquelles il n’existait pas de prix standard dans les systèmes informatiques polonais et qui nécessitaient donc une évaluation au cas par cas. La Commission a souligné que, tant pour le GP FRUIT FAMILY que pour le GP SOSKA, les documents afférents aux contrôles ne comportaient pas de pièces susceptibles de justifier les coûts. À cet égard, les autorités polonaises ont réaffirmé que, avant mai 2013, il n’y avait pas de documents analytiques et de pistes d’audit qui auraient pu montrer le caractère, l’étendue et la rigueur des contrôles effectués par l’organisme payeur. La Commission a donc constaté qu’il n’y avait pas de certitude suffisante sur les contrôles du caractère réel et raisonnable des dépenses en l’absence d’estimation des investissements et, partant, qu’ils n’étaient pas conformes à l’article 111, paragraphe 2, sous c), du règlement d’exécution no 543/2011.

187    En second lieu, la Commission a relevé que les contrôles concernant la rentabilité des investissements proposés dans le cadre des plans de reconnaissance faisaient défaut.

188    Tout d’abord, pour étayer ses affirmations, au point 1.1.2.1 de la communication officielle, la Commission a fait référence notamment aux lignes directrices de l’organisme payeur concernant le caractère raisonnable des dépenses, selon lesquelles le montant de dépenses était vérifié sur la base du « volume prévu pour la dernière année de mise en œuvre du plan de reconnaissance approuvé », un critère qu’elle considère inadéquat. Les autorités polonaises ont confirmé que, conformément auxdites lignes directrices, le groupement bénéficiait d’une aide financière pour couvrir une partie des coûts d’investissement, notamment lorsque l’investissement, ou une partie de celui-ci, était adapté au volume de production des fruits et légumes des membres du groupement.

189    Lors de l’enquête, les auditeurs ont constaté que les intérêts cumulés versés aux établissements financiers, capitalisés sur le compte des immobilisations, contribuaient de manière significative à la nette augmentation du total des actifs. Afin d’atteindre un rendement marginal des actifs qui soit supérieur aux taux d’intérêt versés aux banques, les ventes devaient être beaucoup plus importantes et les prix devaient être beaucoup plus élevés.

190    Analysant les explications présentées par les autorités polonaises dans leur réponse à la lettre d’observations, les déclarations des représentants de l’organisme payeur tout au long de la mission d’audit et les documents relatifs à l’analyse des plans de reconnaissance par les bureaux des maréchaux, la Commission a conclu que les décisions de mise en œuvre des énormes investissements avaient été influencées par la disponibilité illimitée du financement fourni par le régime d’aide et non par le rendement attendu de l’investissement.

191    Les auditeurs de la Commission ont conclu, sur la base des documents contrôlés, que le choix de recourir massivement à des emprunts auprès d’établissements financiers avait déjà certaines conséquences, indépendamment de la solidité financière des GP et de la nécessité des investissements que ces emprunts servaient à financer. Il ressort ainsi de la lettre d’observations que deux très grands GP, à savoir Carota et AGRO-NORTH, inclus dans l’échantillon audité par la Commission, présentaient des signes évidents de tensions financières, voire d’effondrement, principalement en raison de la suspension des paiements par l’organisme payeur ainsi que de leur incapacité presque totale à céder des actifs liquides. En l’absence de flux de trésorerie dans le cadre de l’aide de l’Union, les GP n’étaient pas en mesure de remplir leurs obligations à l’égard des établissements financiers. Malgré l’incapacité du groupement Carota à rembourser ses créances fiscales restant dues, les investissements avaient été approuvés par les autorités polonaises, alors que, en cas de suspension de l’aide de l’Union, le groupement n’était pas en mesure de rembourser ces investissements et ses dettes financières à l’égard des établissements financiers.

192    Dans le cas du GP AGRO-NORTH, il a été retenu que son activité commerciale en 2012 était très faible. Aucun paiement n’avait été fait à ce GP au cours de la période couverte par le rapport annuel de 2012 de l’ARMA. Cela a conduit à la suspension des paiements et à un retard dans l’approbation de la reconnaissance du GP en tant qu’OP, notamment à cause d’une enquête ouverte pour irrégularités et fraude présumée. Dans l’intervalle, selon des informations fournies par des représentants du bureau régional de l’organisme payeur compétent, des créanciers du GP avaient déjà saisi des actifs, à savoir une partie du matériel, ce GP n’étant pas en mesure de rembourser les créances détenues par les établissements financiers au titre d’investissements et de crédits.

193    Par ailleurs, dans le cas du GP AGREA, ni la nécessité de réaliser les investissements inclus dans le plan de reconnaissance ni la cohérence économique du plan de reconnaissance n’avaient été analysées.

194    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, conformément à la conclusion préliminaire tirée dans le cadre de la première branche du premier moyen, l’approche que la République de Pologne avait suivie pour vérifier les conditions de la « nécessité des investissements » et du « caractère raisonnable des dépenses » s’est avérée contraire aux objectifs de la politique agricole commune et à ceux des aides accordées aux GP, de telle sorte que la conclusion de la Commission relative au risque très élevé pour le FEAGA découlant de l’utilisation par les autorités polonaises, lors des contrôles relatifs aux dépenses, d’une définition ayant une portée beaucoup plus étroite desdites conditions que celle résultant du règlement no 1234/2007 ainsi que du règlement no 1580/2007 et du règlement d’exécution no 543/2011 ne peut qu’être confirmée.

195    Ensuite, il convient de constater que les irrégularités exposées par la Commission dans le rapport de synthèse relatifs aux GP Carota, FRUIT FAMILY et SOSKA (voir points 183 à 186 ci-dessus) confirment la thèse de la Commission selon laquelle il n’y avait pas d’assurances suffisantes quant à l’adéquation des contrôles effectués par les autorités polonaises concernant, d’une part, la nécessité des investissements réalisés par lesdits GP pour devenir des OP et, d’autre part, le caractère raisonnable des dépenses proposées dans les plans de reconnaissance à cette fin et effectuées sur leur base, ce qui constitue une violation de l’article 111, paragraphe 2, sous c), du règlement d’exécution no 543/2011 et de l’article 112, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous b), du même règlement.

196    En effet, par rapport à la nature même de la défaillance identifiée lors de la procédure administrative, relative notamment aux vérifications de la nécessité des investissements proposés dans les plans de reconnaissance par les GP et du caractère raisonnable des dépenses liées à ces investissements, sans prendre en compte les objectifs de la politique agricole commune et ceux des mesures d’aide dans le secteur des fruits et légumes, ce que la République de Pologne ne conteste d’ailleurs pas, il y a lieu de considérer, contrairement à ce que soutient cette dernière, que la Commission a, conformément à la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus, présenté des éléments de preuve du doute sérieux et raisonnable à l’égard des contrôles effectués par les autorités polonaises et relatifs aux dépenses des GP, de sorte qu’il incombait ensuite à ces dernières de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de leurs contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 36 et 37 ci-dessus.

197    Or, aucun des arguments que la République de Pologne a invoqués ne démontre l’inexactitude des appréciations de la Commission et ne permet donc de remettre en cause la décision de lui imposer une correction forfaitaire pour les faiblesses généralisées dans le système de contrôle relatif aux dépenses d’investissement effectuées par les GP en Pologne.

198    Premièrement, s’agissant du GP Carota, la République de Pologne se borne à soutenir que, durant les cinq années de mise en œuvre du plan de reconnaissance, ledit groupement a été soumis à sept contrôles sur place, tant « à la demande » que sur la base d’une analyse des risques, qui n’ont pas révélé d’irrégularités significatives. En outre, elle fait valoir que l’efficacité du système de contrôle des dépenses de ce groupement découlerait du contrôle lors duquel les autorités polonaises ont détecté que l’utilisation du matériel agricole dudit groupement n’était pas conforme à sa destination, à la suite duquel l’ARMA a décidé le recouvrement du montant principal avec intérêts.

199    La République de Pologne n’évoque cependant pas tous les autres griefs soulevés par la Commission dans sa position finale à propos des investissements approuvés quant au GP Carota (voir points 183 à 185 ci-dessus). Or, la Commission fait valoir dans sa communication officielle, sans être contredite par la République de Pologne, que les autorités polonaises ont reconnu, dans leur réponse au compte rendu de la réunion bilatérale, que les investissements réalisés par ce groupement dépassaient le niveau approuvé dans le plan de reconnaissance, qu’ils avaient donc été sous-évalués et qu’une aide avait été demandée pour des coûts d’investissement payés par compensation des créances entre le groupement et le contractant de la construction de l’installation de stockage de carottes. C’est précisément à la suite de la constatation desdites irrégularités que les autorités polonaises ont procédé à la suspension des paiements au profit de ce groupement.

200    Quant au contrôle sur place du 23 septembre 2011, lors duquel les services de l’ARMA ont détecté que la récolteuse de haricots verts, achetée par le GP Carota à l’aide des fonds versés dans le cadre du marché des fruits et légumes, avait été utilisée sur des parcelles cadastrales appartenant à un producteur agricole qui n’était pas membre dudit groupement, il convient de constater qu’il visait à éliminer les effets d’une fraude commise par ledit groupement au sens de l’article 115 du règlement d’exécution no 543/2011. Or, l’efficacité d’un contrôle sur place ayant donné lieu à un recouvrement ne suffit pas à lever les doutes sérieux et raisonnables que la Commission a soulevés quant aux faiblesses dans les contrôles visés à l’article 112 du règlement d’exécution no 543/2011 et relatifs à la vérification de la nécessité et de la rentabilité des investissements du GP Carota.

201    Deuxièmement, s’agissant des GP FRUIT FAMILY et SOSKA, il ressort de la lettre d’observations que la Commission a considéré que, en l’absence d’une évaluation comparative effectuée préalablement à l’approbation des demandes d’aide soumises par ces GP, elle ne disposait pas d’une assurance suffisante qu’il n’y avait pas d’autres dépenses non admissibles, en raison des quantités, de la nature des travaux effectués ou de volumes supplémentaires, au-delà de celles engendrées par des prix unitaires anormaux.

202    Or, ainsi qu’il a été exposé au point 186 ci-dessus, lors de la procédure administrative, les autorités polonaises ont confirmé que, avant mai 2013, il n’y avait pas de documents analytiques et de pistes d’audit qui auraient pu montrer le caractère, l’étendue et la rigueur des contrôles effectués par l’organisme payeur, aspect confirmé à nouveau d’ailleurs par la République de Pologne dans la requête. Dans ces conditions, l’allégation de la République de Pologne, selon laquelle les investissements de ces GP ne devaient pas être évalués par un expert agréé désigné à cet effet par l’ARMA en absence de tout doute quant à une éventuelle majoration des prix, n’est pas de nature à infirmer les doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de contrôle, exprimés par la Commission conformément à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus.

203    Il s’ensuit que, à défaut d’éléments de preuve établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et efficace des GP, la République de Pologne n’a pas démontré l’inexactitude des appréciations de la Commission relatives aux faiblesses dudit système, telles que relevées dans le rapport de synthèse accompagnant la décision attaquée.

204    Par ailleurs, les constatations de la Commission ont été confirmées ultérieurement par la Cour des comptes lors de son audit opéré en 2013. En effet, dans le rapport du 13 mai 2014, la Cour des comptes a mentionné que le contrôle effectué indiquait explicitement l’absence de cohérence économique des investissements proposés dans les plans de reconnaissance. Elle a constaté que, dans six des quatorze cas examinés sous cet angle, la période de remboursement des investissements inclus dans les plans de reconnaissance était supérieure à 40 ans (nettement supérieure dans trois cas : 76, 148 et 307 ans).

205    Il y a dès lors lieu d’écarter le grief relatif aux contrôles des dépenses.

d)      Sur les contrôles visant à prévenir, à dépister et à corriger les irrégularités

206    La République de Pologne conteste la conclusion de la Commission relative aux prétendues irrégularités dans le contrôle effectué en vertu de l’article 145 du règlement d’exécution no 543/2011 visant à établir l’existence d’éléments laissant supposer que le GP GARDEN ait créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier de paiements. Elle soutient à cet égard que, bien que le GP GARDEN ait acheté un bien immobilier auprès du seul membre de son conseil d’administration et que le paiement ait été effectué depuis le compte du groupement sur les comptes bancaires appartenant à celui-ci, l’aide qui lui a été accordée a incontestablement contribué à atteindre l’objectif poursuivi, à savoir créer l’infrastructure nécessaire pour que le groupement soit reconnu comme OP. Par conséquent, selon elle, en l’absence d’éléments de preuve objectifs selon lesquels le demandeur d’aide ne visait qu’à obtenir un avantage contraire aux objectifs du régime défini dans le règlement no 1234/2007 et dans le règlement d’exécution no 543/2011, les autorités polonaises ne pouvaient pas refuser d’approuver l’investissement en cause.

207    La Commission conteste cette argumentation.

208    À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, la Commission n’établit pas, dans la décision attaquée, que le GP GARDEN avait créé des conditions artificielles pour obtenir le financement de l’investissement en cause. Ce que reproche la Commission aux autorités polonaises est en fait une insuffisance dans le contrôle relatif aux conditions dans lesquelles l’acquisition du bien en cause était intervenue, conformément à l’article 145 du règlement d’exécution no 543/2011.

209    En effet, la Commission considère que, étant donné le lien personnel entre les parties à la transaction, les autorités polonaises auraient dû exclure tout doute quant à la création de conditions artificielles par le GP GARDEN pour obtenir le financement de l’acquisition du bien immobilier auprès du seul membre de son conseil d’administration. Or, selon elle, les autorités polonaises se seraient limitées à accepter les explications dudit GP, ce qui constituerait une faiblesse dans la réalisation d’un contrôle clé.

210    Partant, les critiques que la République de Pologne soulève à l’égard de la Commission qui n’aurait pas étayé les conditions cumulatives résultant de la jurisprudence pour retenir une pratique abusive à l’encontre du GP GARDEN sont dénuées de pertinence.

211    S’agissant de l’étendue du contrôle auquel les autorités polonaises devaient soumettre le GP GARDEN, il y a lieu de vérifier si, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 34, 36 et 37 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a retenu que les autorités polonaises n’avaient pas suffisamment vérifié si ledit groupement avait créé artificiellement les conditions nécessaires pour l’investissement en cause et, de ce fait, que leurs contrôles visant à prévenir, à dépister et à corriger les irrégularités, dont il est question à l’article 145 du règlement d’exécution no 543/2011, présentaient de graves lacunes.

212    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 145 du règlement d’exécution no 543/2011, aucun paiement n’est effectué en faveur des bénéficiaires dont il est établi qu’ils ont créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier de tels paiements et obtenir ainsi un avantage contraire aux objectifs du régime de soutien concerné.

213    Selon une jurisprudence constante, l’application des règlements de l’Union ne saurait être étendue jusqu’à couvrir des pratiques abusives d’opérateurs économiques (voir arrêt du 12 septembre 2013, Slancheva sila, C‑434/12, EU:C:2013:546, point 27 et jurisprudence citée).

214    En l’espèce, il résulte des éléments du dossier que, formellement, l’investissement du GP GARDEN remplissait les critères d’éligibilité requis pour l’octroi d’une aide à la reconnaissance des GP en vertu de l’article 103 bis, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, ayant comme but, ainsi que le relève la République de Pologne, la création de l’infrastructure nécessaire pour que le groupement soit reconnu comme OP.

215    Cependant, tant dans la lettre d’observations que dans la communication officielle, la Commission a relevé que, outre l’absence de contrôle de la nécessité dudit investissement, elle avait identifié une absence de contrôles relatifs aux circonstances de l’acquisition de l’immeuble par le GP GARDEN, en l’absence d’une analyse de marché préalable à l’acquisition et en présence du lien personnel entre les parties à la transaction. La même conclusion est reprise dans le rapport de synthèse accompagnant la décision attaquée.

216    Ainsi, il ressort en particulier de la lettre d’observations et de la communication officielle que, au soutien de sa constatation concernant l’existence de faiblesses dans la vérification des dépenses exposées par le GP GARDEN, la Commission s’est appuyée sur les résultats des contrôles administratif et sur place concernant la parcelle 3/1 dudit GP, dont l’acquisition, selon la Commission, présentait une forme artificielle. Selon la Commission, tout d’abord, le bien immobilier faisant l’objet de l’investissement avait été acheté au seul membre du conseil d’administration du GP GARDEN, son président, qui le représentait et était habilité à prendre toute décision. Ensuite, l’assemblée générale extraordinaire qui avait décidé de l’acquisition du bien du président par ledit groupement n’avait pas envisagé d’autres possibilités. À cet égard, la Commission a souligné que les autorités polonaises n’avaient pas présenté de preuve montrant qu’elles avaient confirmé le bien-fondé de l’acquisition du bien par rapport à d’autres possibilités d’acquisition. Enfin, les auditeurs de la Commission ont constaté, lors de contrôles sur place, que, selon la disposition des installations actuelles et futures, une partie substantielle du terrain n’aurait pas été utilisée par le groupement pour ses activités commerciales ou industrielles, car l’accès aux locaux de stockage du groupement, tout comme aux appareils de tri et de conditionnement, n’était possible qu’en passant par un entrepôt appartenant au président de celui-ci. Ces circonstances n’étant pas contestées par les autorités polonaises, la Commission a considéré que les autorités polonaises n’avaient pas vérifié, lors du contrôle relatif à la demande d’aide présentée par le GP GARDEN, le bien-fondé de la décision d’acquérir l’actif en cause. Cette circonstance constituait, selon la Commission, une irrégularité dans un mécanisme clé du contrôle.

217    Il s’ensuit que, à supposer même que l’aide accordée au GP GARDEN ait contribué à atteindre l’objectif poursuivi par celui-ci, à savoir la création de l’infrastructure nécessaire pour que le groupement soit reconnu comme OP, ainsi que le soutient la République de Pologne, les circonstances objectives du cas d’espèce et les éléments de preuve objectifs, tels qu’exposés au point 215 ci-dessus, ont permis à la Commission de soulever des doutes sérieux et raisonnables, conformément à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, quant aux conditions de l’acquisition du bien en cause et aux contrôles relatifs à ladite acquisition.

218    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble comme non fondé.

C.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013

219    Par le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, la République de Pologne soutient que le montant de la correction forfaitaire appliquée a été manifestement excessif au regard du risque de pertes financières pour le budget de l’Union occasionné par les déficiences identifiées.

220    La République de Pologne fait valoir, en substance, en se référant à nouveau aux arguments de fond exposés dans le cadre du premier moyen, que, étant donné que les autorités polonaises avaient effectué tous les contrôles requis par les dispositions applicables, le FEAGA n’a pas été exposé à un risque de pertes. Elle ajoute que, à supposer que le système de contrôle des GP et OP instauré par les autorités polonaises ait présenté certaines insuffisances, ces manquements seraient négligeables au point qu’ils ne pourraient exposer le budget de l’Union qu’à un risque de pertes mineur. De ce fait, selon elle, en adoptant la décision attaquée, la Commission aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences financières, en ne tenant pas compte du fait que les éventuels manquements présentaient un caractère marginal et que le risque de pertes financières pour le budget de l’Union était mineur.

221    La Commission réfute l’argumentation de la République de Pologne.

222    À titre liminaire, il convient de constater que, par le présent moyen, la République de Pologne conteste, en substance, d’une part, la réalité des manquements reprochés pour justifier l’absence d’effets desdits manquements sur le budget de l’Union et, d’autre part, l’appréciation de la Commission relative aux effets desdits manquements, en les supposant établis.

223    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé au point 28 ci-dessus, selon l’article 317 TFUE, la Commission est chargée de l’exécution du budget de l’Union en coopération avec les États membres. À cette fin, elle est habilitée à décider, au moyen d’actes d’exécution, si les dépenses effectuées par les États membres sont conformes au droit de l’Union.

224    Ainsi, il découle de l’article 52 du règlement no 1306/2013, qui a remplacé, à partir du 1er janvier 2015, l’article 31 du règlement no 1290/2005 en matière d’apurement de conformité, que, lorsque la Commission considère que des dépenses relevant du champ d’application notamment de mesures soutenant les marchés agricoles n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union, elle adopte une décision excluant ces dépenses du financement de l’Union.

225    Lors de l’évaluation des montants à exclure, conformément à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, la Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence au moyen d’efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison notamment de la nature du cas, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union.

226    Conformément aux orientations contenues dans le document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations de la Commission »), lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer le niveau réel des dépenses irrégulières, et donc le montant des pertes financières subies par le budget de l’Union, la Commission applique des corrections forfaitaires s’élevant à 2, à 5, à 10 ou à 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte. Des taux de correction supérieurs, jusqu’à 100 %, peuvent être décidés dans des cas exceptionnels.

227    Aux fins du calcul des dépenses inéligibles, les orientations de la Commission prévoient des corrections forfaitaires à hauteur notamment de 25 % des dépenses lorsque la mise en œuvre du système de contrôle est complètement absente ou gravement déficiente et qu’il existe des indices d’irrégularités très fréquentes et de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses et que, par conséquent, il existe un risque de pertes particulièrement élevées pour le FEAGA.

228    Selon l’annexe 2 des orientations de la Commission, l’État membre a toujours la possibilité de démontrer, au moyen de vérifications supplémentaires ou de suppléments d’informations, que la carence n’était pas aussi sérieuse qu’elle le paraissait ou que le risque de pertes réel était moins important que le montant de la correction proposée. Ces arguments doivent être soigneusement étudiés et commentés avant de prendre les décisions finales concernant le taux de correction à appliquer. Si des éléments objectifs présentés par l’État membre montrent que la perte maximale probable est limitée à un montant inférieur à celui de la correction proposée, la perte maximale doit être prise en compte.

229    Il y a lieu de constater que, à l’instar des dispositions du règlement no 1290/2005, les dispositions du règlement no 1306/2013 ne permettent à la Commission de mettre à la charge du FEAGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles et laissent à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette organisation commune. La Commission ne dispose à cet égard d’aucune marge d’appréciation. En effet, la finalité de la procédure d’apurement des comptes du FEAGA, qui est de vérifier si les restitutions et les interventions ont été effectuées selon les règles de l’Union et de garantir de ce fait les mêmes conditions concurrentielles aux opérateurs économiques, serait mise en péril si la Commission pouvait, après avoir constaté l’irrégularité d’une pratique nationale, se prévaloir d’une marge d’appréciation pour l’accepter ou la rejeter du financement du budget de l’Union, en fonction de ses effets plus ou moins graves sur le plan financier pour le FEAGA (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 novembre 2010, Italie/Commission, T‑95/08, non publié, EU:T:2010:464, point 49 et jurisprudence citée).

230    En outre, même des irrégularités qui, par hypothèse, n’auraient pas d’effet financier précis peuvent sérieusement influer sur les intérêts financiers de l’Union ainsi que le respect du droit de l’Union et justifier l’application de corrections financières par la Commission (voir arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 42 et jurisprudence citée).

231    Par ailleurs, en ce qui concerne le montant de la correction financière, la Commission peut aller jusqu’à refuser la prise en charge par le FEAGA de l’intégralité des dépenses exposées si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants. Cependant, la Commission doit respecter le principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. En effet, selon la jurisprudence, le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 3 mars 2016, Espagne/Commission, T‑675/14, non publié, EU:T:2016:123, point 51 et jurisprudence citée).

232    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une correction arrêtée par la Commission, conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière, tend à éviter la mise à la charge des fonds de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction. La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations de la Commission permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (voir arrêt du 12 mai 2016, Italie/Commission, T‑384/14, EU:T:2016:298, point 57 et jurisprudence citée).

233    En l’espèce, la Commission a imposé à la République de Pologne une correction financière forfaitaire de 25 % à la suite de l’exclusion de certaines dépenses, exposées pendant la période comprise entre le 14 février 2012 et le 15 octobre 2013 et imputées au FEAGA, en raison de faiblesses concernant les contrôles clés relatifs à la mesure d’aide « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus », en particulier en ce qui concerne la vérification des plans de reconnaissance et des critères de reconnaissance. Elle a considéré que tant les défaillances constatées en matière de contrôles de reconnaissance que celles constatées en matière de contrôles de dépenses étaient systémiques et qu’il existait un risque de perte très élevé pour le FEAGA dans chacun des deux cas, ce qui justifiait une correction forfaitaire de 25 % pour chaque catégorie, conformément à ses observations. Toutefois, compte tenu de la règle imposant d’appliquer le taux le plus élevé pour l’un des manquements reprochés, une seule correction forfaitaire d’un taux de 25 % a été appliquée.

234    Premièrement, s’agissant du grief tiré de la prétendue absence de défaillances justifiant une correction financière, il convient de rappeler que, dans le cadre du premier moyen, l’existence de ces défaillances a été confirmée.

235    Par conséquent, dans la mesure où il a été constaté, dans le cadre de l’examen du premier moyen, que la Commission était fondée à conclure que le système de contrôle polonais, relatif aux aides aux GP dans le secteur des fruits et légumes, présentait des faiblesses généralisées et que, de ce fait, la République de Pologne ne s’était pas conformée à ses obligations d’organiser un système efficace de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que toutes les conditions matérielles et formelles requises dans le cadre de la mesure « Fruits et légumes – Groupements de producteurs préreconnus » étaient correctement observées, de prévenir et de poursuivre les irrégularités et de récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences, eu égard à la jurisprudence citée au point 229 ci-dessus, certaines dépenses effectuées au titre de ladite mesure ne peuvent pas être prises en charge par le FEAGA. En revanche, une partie desdites dépenses resteront à la charge de la République de Pologne.

236    Deuxièmement, s’agissant des griefs tirés, d’une part, de la prétendue absence de risque pour le budget de l’Union et, d’autre part, de la prétendue erreur d’appréciation dans l’établissement du taux de la correction appliquée, il y a lieu de relever que, si l’argumentation développée et l’ensemble des documents cités à son appui visent principalement à démontrer que les autorités polonaises se sont conformées aux obligations découlant de la réglementation applicable en l’espèce, la République de Pologne n’avance en revanche aucun argument pertinent afin de justifier la prétendue absence de risque de perte ou un taux réduit pour la correction forfaitaire appliquée.

237    Or, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié, EU:T:2008:37, point 105, et du 5 juillet 2012, Grèce/Commission, T‑86/08, EU:T:2012:345, point 196). Ce principe est valable tant en ce qui concerne les allégations relatives aux prétendues erreurs d’appréciation desdites conséquences financières qu’en ce qui concerne les éventuelles prétendues violations du principe de proportionnalité.

238    À cet égard, dans la mesure où la qualité des contrôles clés constitue un élément déterminant du système de contrôle devant être mis en place pour assurer la régularité des dépenses du FEAGA, la Commission a raisonnablement pu conclure que le risque de pertes pour celui-ci était significatif et a donc pu imposer la correction forfaitaire litigieuse.

239    Partant, il y a lieu de considérer que la République de Pologne n’apporte pas d’éléments de nature à inverser le doute sérieux et raisonnable que la Commission a éprouvé à l’égard du système de contrôle polonais relatif aux aides accordées aux GP. Il s’ensuit que, en imposant, en l’espèce, une correction financière ne s’élevant qu’à 25 % des dépenses déclarées par la République de Pologne, au titre du financement des aides aux GP pour la période allant du 14 février 2012 au 15 octobre 2013, alors que les faiblesses dans les contrôles clés effectués par les autorités polonaises témoignaient d’un système de contrôle gravement défaillant qui ne répondait pas aux exigences de la réglementation de l’Union, la Commission n’a pas violé l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013.

240    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République de Pologne relatif à une prétendue violation des orientations de la Commission au motif que cette dernière ne l’aurait pas informée de la possibilité de lui appliquer le facteur de pondération relatif à l’existence des difficultés d’interprétation de la condition de « cohérence économique ».

241    À cet égard, d’une part, il est constant entre les parties que la République de Pologne n’a notifié ni avant l’audit de la Commission ni lors de celui-ci des difficultés d’interprétation des dispositions du droit de l’Union applicables aux GP qui auraient pu altérer la qualité des contrôles auxquels elle était tenue. En revanche, elle a maintenu une interprétation différente et contraire à celle de la Commission des dispositions du droit de l’Union relatives aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » et de « caractère raisonnable des dépenses » tout au long de la procédure administrative.

242    Or, selon une jurisprudence constante, à supposer même que le règlement no 1580/2007 et le règlement d’exécution no 543/2011 aient pu être perçus comme étant équivoques à l’égard de la condition de la cohérence économique des plans de reconnaissance, ainsi que le soutient la République de Pologne, celle-ci ne saurait invoquer des difficultés liées à l’interprétation d’un texte de l’Union pour en différer unilatéralement la mise en œuvre. Il incombe au contraire à l’État concerné de soumettre ces difficultés à l’appréciation de la Commission en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 4, paragraphe 3, TUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 33 et jurisprudence citée).

243    D’autre part, ainsi que la République de Pologne le relève, l’application dudit facteur est une possibilité prévue dans les observations de la Commission à son égard. Dans l’exercice de cette faculté, la Commission est libre d’apprécier souverainement la valeur qu’il convient d’attribuer aux différents éléments de fait et de preuve qui lui ont été soumis ou qu’elle a pu elle‑même rassembler. Toutefois, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir utilisé cette faculté en l’absence de tout indice de l’existence d’une telle difficulté en l’espèce.

244    Compte tenu de ces éléments, le deuxième moyen ne saurait être accueilli.

245    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

V.      Sur les dépens

246    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, en vertu de l’article 135, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

247    En l’espèce, la République de Pologne a entièrement succombé en ses conclusions. En outre, la Commission a expressément conclu à la condamnation de la République de Pologne aux dépens, hormis ceux afférents au troisième moyen, tiré de l’erreur dans le calcul de la base de la correction financière pour l’année 2012, auquel celle-ci a renoncé en cours d’instance, pour lesquels la Commission a demandé, à titre principal, que chaque partie supporte ses propres dépens. À cet égard, dans le cadre de l’examen du présent recours, il est apparu que la renonciation de la République de Pologne au troisième moyen est intervenue à la suite de l’adoption de la décision de remboursement, ainsi qu’il a été relevé au point 26 ci-dessus.

248    Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en condamnant la République de Pologne à supporter, outre ses propres dépens, trois quarts des dépens exposés par la Commission et en condamnant cette dernière à supporter un quart de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Pologne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens exposés par la Commission européenne.

3)      La Commission supporteun quart de ses propres dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure d’apurement et décision attaquée

B. Audit de la Cour des comptes et plan d’action

II. Faits postérieurs à l’introduction du recours

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Observations liminaires

B. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1306/2013

1. Sur la première branche, relative aux interprétations prétendument erronées des dispositions du droit de l’Union applicable aux GP

a) Sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union relatives aux conditions de « cohérence économique » des plans de reconnaissance, de « nécessité des investissements » et de « caractère raisonnable des dépenses »

b) Sur l’interprétation de l’article 116 du règlement d’exécution no 543/2011

2. Sur la seconde branche, relative à l’absence de défaillances dans le système de contrôle polonais relatif aux GP

a) Considérations liminaires

b) Sur les contrôles de la reconnaissance des GP

1) Sur les prétendues violations de l’article 36 et de l’article 39, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011

2) Sur la qualité technique des plans de reconnaissance

3) Sur l’absence d’incidence du partage de la compétence relative aux contrôles de reconnaissance sur la qualité de ceux-ci

4) Sur la vérification de la cohérence économique des plans de reconnaissance et du caractère raisonnable des dépenses

5) Sur la situation des GP AGREA et AGRO-NORTH

c) Sur les contrôles des dépenses

d) Sur les contrôles visant à prévenir, à dépister et à corriger les irrégularités

C. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le polonais.