Language of document : ECLI:EU:T:2018:783

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

15 novembre 2018 (*)

« Dumping – Importations de ferrosilicium originaire de Russie – Rejet des demandes de remboursement de droits antidumping acquittés – Détermination de la valeur normale et du prix à l’exportation – Entité économique unique – Répercussion du droit antidumping sur les prix de revente dans l’Union – Application d’une méthode différente de celle utilisée lors d’une enquête précédente – Article 2, paragraphe 9, et article 11, paragraphes 9 et 10, du règlement (CE) no 1225/2009 [devenus article 2, paragraphe 9, et article 11, paragraphes 9 et 10, du règlement (UE) 2016/1036] – Article 18.3.1 de l’accord antidumping de l’OMC »

Dans l’affaire T‑113/15,

RFA International, LP, établie à Calgary (Canada), représentée par Mes B. Evtimov et M. Krestiyanova, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation totale ou partielle des décisions d’exécution C(2014) 9805 final, C(2014) 9806 final, C(2014) 9807 final, C(2014) 9808 final, C(2014) 9811 final, C(2014) 9812 final et C(2014) 9816 final de la Commission, du 18 décembre 2014, concernant des demandes de remboursement de droits antidumping acquittés sur les importations de ferrosilicium originaire de Russie,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et R. da Silva Passos, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, RFA International, LP, est une société liée à Chelyabinsk electrometallurgical integrated plant OAO (CHEMK) et à Kuzneckie Ferrosplavy OAO (KF), établies en Russie, actives dans la production de ferrosilicium, un alliage utilisé dans la fabrication de l’acier et du fer. La requérante possède une branche en Suisse, chargée des ventes de CHEMK et de KF à l’exportation, notamment dans l’Union européenne.

2        Le 25 février 2008, à l’issue de l’examen d’une plainte déposée par le Comité de liaison des industries de ferroalliages (Euroalliages), qui est une association de producteurs européens de ferroalliages, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 172/2008, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive des droits provisoires institués sur les importations de ferrosilicium originaire de la République populaire de Chine, d’Égypte, du Kazakhstan, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et de Russie (JO 2008, L 55, p. 6, ci-après le « règlement initial »). En application de l’article 1er du règlement initial, le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, s’établissait à 22,7 % pour les produits fabriqués par CHEMK et KF. Ces dernières ont présenté devant le Tribunal une demande d’annulation partielle du règlement initial, pour autant qu’il les concernait (affaire T‑190/08).

3        Le 30 novembre 2009, CHEMK et KF ont présenté une demande de réexamen intermédiaire partiel, ne portant que sur le dumping, au titre du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci‑après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21)], et plus précisément, de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 3, du règlement 2016/1036). Dans leur demande, CHEMK et KF ont fait valoir que les circonstances sur la base desquelles le règlement initial avait été adopté avaient changé et que les changements en cause présentaient un caractère durable.

4        Par ailleurs, en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 8, du règlement 2016/1036), entre le 30 juillet 2009 et le 10 décembre 2010, la requérante a, pour les importations des produits de CHEMK et de KF, saisi la Commission européenne, par l’intermédiaire des autorités douanières de plusieurs États membres, de demandes de remboursement de droits antidumping. Ces demandes portaient sur des droits antidumping dont la requérante s’était acquittée pendant la période comprise entre le 7 janvier 2009 et le 10 décembre 2010. L’enquête de remboursement a porté sur la période courant du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2010. La Commission a, en vue du calcul de nouvelles marges de dumping, divisé cette période en deux parties, courant respectivement du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009 (ci-après la « première période d’enquête de remboursement ») et du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010 (ci-après la « deuxième période d’enquête de remboursement »).

5        Par arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil (T‑190/08, EU:T:2011:618), le Tribunal a rejeté le recours déposé par CHEMK et KF contre le règlement initial. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour. Par arrêt du 28 novembre 2013, CHEMK et KF/Conseil (C‑13/12 P, non publié, EU:C:2013:780), la Cour a rejeté le pourvoi.

6        La procédure de réexamen intermédiaire a été clôturée par l’adoption du règlement d’exécution (UE) no 60/2012 du Conseil, du 16 janvier 2012, concluant le réexamen intermédiaire partiel, au titre de l’article 11, paragraphe 3, du [règlement de base], des mesures antidumping applicables aux importations de ferrosilicium originaire, entre autres, de Russie (JO 2012, L 22, p. 1, ci-après le « règlement intermédiaire »). La mesure antidumping en vigueur a été confirmée. Dans le cadre de l’appréciation du prix à l’exportation, le Conseil a, notamment, examiné et écarté des arguments présentés par CHEMK et KF afin de démontrer qu’elles formaient, avec la requérante, une entité économique unique (considérants 23, 24, 36 et 37 du règlement intermédiaire). CHEMK et KF ont présenté devant le Tribunal une demande d’annulation partielle du règlement intermédiaire, pour autant qu’il les concernait (affaire T‑169/12).

7        Le 10 août 2012, la Commission a adopté les décisions C(2012) 5577 final, C(2012) 5585 final, C(2012) 5588 final, C(2012) 5595 final, C(2012) 5596 final, C(2012) 5598 final et C(2012) 5611 final, concernant les demandes de remboursement de droits antidumping acquittés par la requérante sur les importations de ferrosilicium originaire de Russie (ci-après les « premières décisions sur les demandes de remboursement »). Elle a, d’une part, accueilli les demandes de remboursement portant sur la première période d’enquête de remboursement, pour autant que ces demandes aient été recevables, et, d’autre part, rejeté les demandes de remboursement portant sur la deuxième période d’enquête de remboursement. La requérante a présenté devant le Tribunal une demande d’annulation partielle des premières décisions sur les demandes de remboursement dans la mesure où elles refusaient le remboursement de droits antidumping acquittés, à l’exception de ceux dont la demande avait été déclarée irrecevable en raison de l’expiration du délai légal (affaire T‑466/12).

8        Le 28 novembre 2012, à l’issue de la publication d’un avis d’expiration prochaine des mesures antidumping découlant du règlement initial, Euroalliages a demandé l’ouverture d’un réexamen de ces mesures.

9        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 28 février 2013 (JO 2013, C 58, p. 15), la Commission, considérant que des éléments de preuve suffisants avaient été produits à cet effet, a annoncé l’ouverture du réexamen demandé.

10      L’enquête relative à la continuation ou à la réapparition du dumping a porté sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 (ci-après la « période d’enquête sur le dumping correspondant à l’année 2012 »). L’examen de la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice a été quant à lui effectué au regard de la période de quatre ans s’étendant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012.

11      Pour ce qui concerne les produits importés de Russie, seules CHEMK, KF et la requérante ainsi que six producteurs de l’Union ont coopéré à l’enquête. Aucun importateur indépendant ne l’a fait.

12      CHEMK et KF d’une part, la requérante d’autre part, assurant, respectivement, environ 78 % de la production russe de ferrosilicium et la majeure partie des importations de celle-ci dans l’Union, la Commission a considéré qu’elle pouvait prendre en compte les renseignements fournis par ces sociétés pour évaluer la probabilité de la continuation ou de la réapparition du dumping pour le produit en provenance de Russie.

13      L’enquête a été conclue par l’adoption du règlement d’exécution (UE) no 360/2014 de la Commission, du 9 avril 2014, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de ferrosilicium originaire de la République populaire de Chine et de Russie à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué conformément à l’article 11, paragraphe 2, du [règlement de base] (JO 2014, L 107, p. 13, ci-après le « règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales »). La Commission a estimé notamment qu’il existait un risque non négligeable de continuation du dumping pour les importations en provenance de Russie. En particulier, pour déterminer le prix à l’exportation au niveau de lafrontière avec l’Union pendant la période d’enquête sur le dumping correspondant à l’année 2012, la Commission a retenu que la requérante était un importateur lié à CHEMK et à KF et que, par conséquent, il fallait, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 9, du règlement 2016/1036), construire ce prix à partir du prix de première revente à un acheteur indépendant après importation dans l’Union, en en retranchant tous les coûts intervenus entre l’importation et cette revente pour les frais de vente, les frais administratifs et les frais généraux ainsi qu’une marge raisonnable pour le bénéfice. À cet égard, la Commission a indiqué avoir utilisé pour les frais susvisés les frais réels et, faute d’éléments nouveaux fournis par des importateurs indépendants, la même marge de bénéfice que celle prise en compte lors de l’enquête ayant conduit au règlement initial, à savoir 6 %. La Commission a précisé que, pendant la période d’enquête correspondant à l’année 2012, dans 99 % des cas, le prix de revente à un acheteur indépendant dans l’Union ne reflétait pas le niveau des droits antidumping et que, dans ces conditions, il fallait les déduire de ce prix pour aboutir au prix à l’exportation construit. La comparaison de la valeur normale et du prix à l’exportation ainsi construit, faite compte tenu de divers ajustements pour effectuer une comparaison équitable conformément aux dispositions de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, a conduit la Commission à conclure à l’existence d’une marge de dumping, exprimée en pourcentage du prix franco frontière de l’Union avant dédouanement, de 43 % pour la période d’enquête sur le dumping correspondant à l’année 2012. L’analyse de divers facteurs liés notamment aux capacités de production de la Russie et à l’attractivité du marché de l’Union, a ensuite conduit la Commission à conclure à l’existence d’un risque que les exportateurs russes augmentent leurs exportations vers celui-ci à des prix de dumping en cas d’expiration des mesures antidumping.

14      La Commission a également considéré, après avoir analysé divers facteurs, que le préjudice constaté se reproduirait en cas d’expiration des mesures antidumping.

15      La Commission a enfin estimé qu’aucune raison impérieuse ne s’opposait au maintien des mesures antidumping au nom de l’intérêt de l’Union.

16      Elle a en conséquence maintenu le droit antidumping de 22,7 % applicable aux exportations des produits de CHEMK et KF depuis l’entrée en vigueur du règlement initial.

17      CHEMK et KF ont présenté devant le Tribunal une demande d’annulation partielle du règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales, pour autant qu’il les concernait (affaire T‑487/14).

18      Par ailleurs, en vertu de l’article 11, paragraphe 8, du règlement de base, entre le 1er mars 2011 et le 26 juin 2013, la requérante a, pour les importations des produits de CHEMK et de KF, saisi la Commission, par l’intermédiaire des autorités douanières de plusieurs États membres, de nouvelles demandes de remboursement de droits antidumping. Ces demandes portaient sur des droits antidumping dont la requérante s’était acquittée pendant la période comprise entre le 1er octobre 2010 et le 28 décembre 2012. L’enquête de remboursement a porté sur la période courant du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2012. La Commission a, en vue du calcul de nouvelles marges de dumping, divisé cette période en deux parties, courant respectivement du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2011 (ci-après la « troisième période d’enquête de remboursement ») et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 (ci-après la « quatrième période d’enquête de remboursement »). La quatrième période d’enquête de remboursement est la même que la période d’enquête sur le dumping correspondant à l’année 2012 utilisée pour le règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales.

19      Le 18 décembre 2014, la Commission a adopté les décisions d’exécution C(2014) 9805 final, C(2014) 9806 final, C(2014) 9807 final, C(2014) 9808 final, C(2014) 9811 final, C(2014) 9812 final et C(2014) 9816 final, rejetant les nouvelles demandes de remboursement de droits antidumping acquittés par la requérante sur les importations de ferrosilicium originaire de Russie (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

20      Dans les sept décisions attaquées, qui sont identiques quant à leur motivation substantielle, hormis en ce qui concerne le rejet pour irrecevabilité de certaines demandes de remboursement en raison de leur caractère tardif, la Commission a exposé ce qui suit.

21      Après avoir rappelé que la requérante soutenait que, pour les périodes concernées, la marge de dumping avait été éliminée ou réduite en dessous du niveau du droit antidumping de 22,7 % en vigueur, la Commission a indiqué que la requérante était liée à CHEMK et à KF, ainsi qu’à AM General LLC (AMG), une société basée aux États-Unis, chargée des aspects administratifs de son activité.

22      La Commission a rejeté la position de la requérante exprimée pendant la phase administrative selon laquelle l’institution ne pourrait pas changer de méthode pour calculer la marge de dumping au regard de ce qui avait été fait pour le règlement initial et pour les premières décisions sur les demandes de remboursement, sauf à violer l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 9, du règlement 2016/1036), ainsi que l’article 18.3.1 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3). Tout en estimant à titre principal qu’elle n’avait pas changé de méthode, la Commission a avancé que les circonstances avaient significativement changé depuis la période couverte par l’enquête ayant conduit au règlement initial, qui s’étendait du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006, en mentionnant en particulier une augmentation d’environ 100 % des coûts de production de CHEMK et de KF. Elle a par ailleurs indiqué que l’article 18.3.1 de l’accord antidumping était une disposition transitoire prévue pour l’entrée en vigueur de cet accord, qui n’était plus d’actualité.

23      S’agissant de la détermination de la valeur normale des ventes de CHEMK et de KF en Russie qui, comparée à leurs prix à l’exportation, devait permettre de mesurer le niveau de l’éventuel dumping qu’ils pratiquaient pendant les troisième et quatrième périodes d’enquête de remboursement, la Commission a indiqué qu’elle était ajustée au niveau « départ usine ». Conformément au principe figurant à l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 2, du règlement 2016/1036), pour les types de produits comparables à ceux exportés vers l’Union dont les ventes à des acheteurs indépendants en Russie représentaient au moins 5 % des ventes à des acheteurs du même type dans l’Union (ventes dites représentatives), la Commission s’est basée sur les valeurs réelles des ventes et a établi leur moyenne pondérée après avoir vérifié que les autres conditions pertinentes figurant audit article 2 étaient réunies. En revanche, pour les types de produits comparables à ceux exportés vers l’Union dont les ventes à des acheteurs indépendants en Russie n’atteignaient pas 5 % des ventes à des acheteurs de même type dans l’Union (ventes dites non-représentatives), la Commission a procédé au calcul d’une valeur normale construite, ainsi que prévu à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 3, du règlement 2016/1036). À cet effet, elle a ajouté au coût de production, le cas échéant ajusté pour tenir compte des ventes intragroupe de matières premières, les frais de vente, les frais administratifs et les frais généraux ainsi que la marge bénéficiaire à leurs niveaux réels observés au cours d’opérations commerciales normales. Le niveau habituel de ces frais et de cette marge pour les ventes de CHEMK et de KF en Russie des types de produits concernés a été retenu. La Commission a également calculé des moyennes pondérées des résultats sur les deux périodes d’enquête de remboursement. Elle a précisé que la méthode alternative proposée par la requérante n’aurait abouti qu’à une baisse de 1 % de la marge de dumping pendant la troisième période d’enquête de remboursement et de 0,1 % pendant la quatrième.

24      S’agissant de la détermination du prix à l’exportation, la Commission a indiqué que celui-ci devait in fine être également ajusté au niveau « départ usine » afin de permettre une comparaison appropriée avec la valeur normale. Elle a rappelé que la requérante était une entreprise liée à CHEMK et à KF et que, par conséquent, en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, pour obtenir un prix à l’exportation fiable, il fallait construire celui-ci à partir du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union. La Commission a observé qu’il s’agissait en l’occurrence la plupart du temps d’un prix « rendu droits acquittés », c’est-à-dire tous frais pris en charge par le vendeur à l’arrivée au lieu de livraison (la requérante ayant pratiqué un tel type de prix dans 79 % des cas pendant la troisième période d’enquête de remboursement et dans 89 % des cas pendant la quatrième). La Commission a également rappelé que le prix à l’exportation était le prix à la frontière de l’Union, correspondant normalement au prix « coût assurance fret » (caf), c’est-à-dire tous frais encourus en amont du passage de la frontière inclus dans le prix. Comme dans le cadre du règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales, la Commission a indiqué que, pour construire le prix à l’exportation, elle avait déduit du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union les frais de vente, les frais administratifs et les frais généraux réels de la requérante tels qu’ils ressortaient des documents produits pendant la procédure administrative ainsi qu’une marge bénéficiaire de 6 % issue de l’observation des pratiques d’importateurs indépendants, identique à celle retenue dans le règlement initial. La Commission a précisé que la requérante soutenait que seulement environ la moitié de ses frais de vente, de ses frais administratifs et de ses frais généraux relevaient de la phase suivant le passage, par les produits en cause, de la frontière de l’Union, compte tenu de son appartenance, avec CHEMK et avec KF, à une entité économique unique. En l’absence de reconnaissance préalable, par la Commission, de cette appartenance, la requérante n’aurait cependant pas voulu fournir des éléments de preuve susceptibles de justifier son allégation d’une telle répartition de ses frais. Par conséquent, la Commission a confirmé qu’elle avait déduit tous les frais de vente, les frais administratifs et les frais généraux de la requérante pour construire le prix à l’exportation en soulignant que l’existence éventuelle d’une entité économique unique entre CHEMK, KF et la requérante ne changeait rien à cet égard, le critère suffisant de la nécessité des ajustements prévus à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base étant l’existence d’un doute sur la fiabilité du prix à l’exportation avancé par les intéressés, notamment en raison d’une association entre l’exportateur et l’importateur.

25      La Commission a ajouté qu’elle ne pouvait pas donner une suite favorable à la demande de la requérante, fondée sur l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base (devenu article 11, paragraphe 10, du règlement 2016/1036), que les droits antidumping ne soient pas déduits de son prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union dans le calcul du prix à l’exportation construit. Cette demande était justifiée par la requérante par la due répercussion, selon elle, de ces droits sur ce prix de revente, ainsi que cela avait été reconnu pour les première et deuxième périodes d’enquête de remboursement. La requérante aurait mis en avant que ses prix, déterminés comme des prix caf, avaient augmenté respectivement de 77 % et de 102 % entre la période d’enquête ayant conduit au règlement initial, qui s’étendait du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006, et les troisième et quatrième périodes d’enquête de remboursement. En ce qui concerne les prix « départ usine », ils auraient augmenté de 193 % entre la période d’enquête ayant conduit au règlement initial et la troisième période d’enquête de remboursement. Cependant, contrairement à ce qui avait été le cas pour les première et deuxième périodes d’enquête de remboursement, la Commission n’a pas estimé être en possession d’éléments justifiant la répercussion des droits antidumping sur les prix de revente à des acheteurs indépendants dans l’Union. Elle a souligné, d’une part, que les prix mis en avant par la requérante, établis comme des prix « départ usine » et caf, étaient précisément des prix ne comprenant pas les droits antidumping et, d’autre part, que les prix « rendu droits acquittés » de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union devaient couvrir tous les coûts en amont, y compris, les droits antidumping. Or, les données chiffrées fournies par la requérante ne seraient pas convaincantes sur ce point à bien des égards, notamment parce qu’elles refléteraient des moyennes, en étant par conséquent non précisément liées aux transactions pour lesquelles le remboursement de droits antidumping était demandé. S’agissant de la troisième période d’enquête de remboursement, la Commission aurait observé que l’un des producteurs vendait à perte à la requérante sur certaines ventes. Elle aurait aussi observé des incohérences concernant les coûts en fonction de la destination des produits. S’agissant de la quatrième période d’enquête de remboursement, ainsi qu’il était déjà indiqué aux considérants 71 et 83 du règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales, la Commission a estimé que, dans 99 % des cas, les prix de revente après l’importation dans l’Union ne reflétaient pas les droits antidumping, car ils ne couvraient pas les coûts, droits antidumping compris. La Commission a ajouté à cet égard que, entre la période d’enquête ayant conduit au règlement initial et la troisième période d’enquête de remboursement, les coûts de production des produits vendus dans l’Union par CHEMK et par KF avaient augmenté de 100 %, ce taux étant porté à 109 % pour la quatrième période d’enquête de remboursement.

26      Après avoir procédé aux ajustements nécessaires afin de procéder, comme prévu à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale, en l’occurrence tous deux ramenés au niveau « départ usine », la Commission a identifié une marge de dumping de 40,8 % pour la troisième période d’enquête de remboursement et de 42,8 % pour la quatrième, toutes deux supérieures au droit antidumping appliqué de 22,7 %, justifiant le rejet des demandes de remboursement.

27      C’est dans ces circonstances que la requérante a introduit le présent recours contre les décisions attaquées.

28      Par arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission (T‑466/12, EU:T:2015:151), le Tribunal a rejeté le recours déposé par la requérante contre les premières décisions sur les demandes de remboursement. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour. Par arrêt du 4 mai 2017, RFA International/Commission (C‑239/15 P, non publié, EU:C:2017:337), la Cour a rejeté le pourvoi.

29      Par arrêt du 28 avril 2015, CHEMK et KF/Conseil (T‑169/12, EU:T:2015:231), le Tribunal a rejeté le recours déposé par CHEMK et par KF contre le règlement intermédiaire. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour. Par ordonnance du 9 juin 2016, CHEMK et KF/Conseil (C‑345/15 P, non publiée, EU:C:2016:433), la Cour a rejeté le pourvoi.

30      Par arrêt de ce jour, CHEMK et KF/Commission (T‑487/14), le Tribunal rejette le recours déposé par CHEMK et par KF contre le règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales.

 Procédure et conclusions des parties

31      La requérante a introduit le présent recours par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 2015. Le mémoire en défense a été déposé 19 mai 2015.

32      Par décision du 13 juillet 2015, les parties principales ayant été entendues, la présidente de la deuxième chambre du Tribunal a suspendu la procédure, sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, jusqu’à l’intervention d’une décision de la Cour dans l’affaire C‑239/15 P.

33      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre à laquelle la présente affaire a été, par conséquent, attribuée.

34      À l’issue de la reprise de la procédure le 4 mai 2017, la réplique et la duplique ont été déposées respectivement le 24 juillet et le 28 août 2017. Par lettre du 14 septembre suivant, la requérante a demandé de manière motivée la tenue d’une audience.

35      Au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé une question écrite à la Commission pour réponse à l’audience.

36      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 11 janvier 2018.

37      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, en tout ou partie, les décisions attaquées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

38      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

39      La requérante avance trois moyens à l’appui de son recours. En substance, en premier lieu, la Commission aurait méconnu les dispositions de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base pour déterminer le prix à l’exportation des produits de CHEMK et de KF, en refusant de tenir compte du fait qu’elles constituaient une entité économique unique avec la requérante. En deuxième lieu, la Commission aurait, toujours pour déterminer le prix à l’exportation de ces produits, également méconnu les dispositions de l’article 11, paragraphes 9 et 10, du règlement de base, en déduisant les droits antidumping acquittés pendant les troisième et quatrième périodes d’enquête de remboursement du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union pour calculer le prix à l’exportation construit. La Commission aurait utilisé à cet égard une méthode différente de celle employée à l’occasion du réexamen intermédiaire pour réfuter l’existence, avancée par la requérante, d’une répercussion intégrale des droits antidumping sur le prix de revente à un acheteur indépendant dans l’Union. L’application de la même méthode aurait dû amener à ne pas les déduire de ce prix pour calculer le prix à l’exportation construit. Même en appliquant la nouvelle méthode, cette déduction n’aurait pas dû intervenir pour la troisième période d’enquête de remboursement. En troisième lieu, la Commission aurait aussi violé l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, de même que l’article 18.3.1 de l’accord antidumping, en appliquant, pour déterminer la valeur normale, une méthode différente de celle employée à l’occasion des enquêtes ayant conduit au règlement initial, au règlement intermédiaire et aux premières décisions sur les demandes de remboursement.

40      Avant d’analyser les moyens résumés ci-dessus, il convient de rappeler que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elle doit examiner (arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, point 40). Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur l’appréciation de ces situations doit être limité, au-delà de celui de l’absence d’erreur de droit, à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence d’un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1987, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 240/84, EU:C:1987:202, point 19 ; du 14 mars 1990, Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, EU:C:1990:116, point 63, et du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 37).

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base dans la construction du prix à l’exportation

41      La requérante expose, en dénonçant une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation, que la Commission n’a pas tiré les conséquences adéquates, pour la construction du prix à l’exportation, du fait que CHEMK, KF et elle-même constituaient une entité économique unique. La Commission n’aurait pas pris de position explicite à cet égard, se contentant de constater que la requérante était un importateur lié à CHEMK et à KF et de déduire tous ses frais de vente, ses frais administratifs et ses frais généraux ainsi qu’une marge bénéficiaire, de son prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union pour construire le prix à l’exportation au niveau de la frontière de l’Union. Or, dans la mesure où la requérante ferait partie d’une entité économique unique avec CHEMK et avec KF et assurerait non seulement les fonctions suivant la phase d’importation dans l’Union, mais aussi les fonctions liées aux opérations commerciales intervenues en amont, la Commission aurait dû limiter la déduction de ses frais de vente, de ses frais administratifs et de ses frais généraux à ceux afférents à la phase suivant l’importation dans l’Union. Il en serait de même pour ce qui concerne la marge bénéficiaire. À cet égard, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, viserait bien la construction d’un prix à l’exportation au niveau de la frontière de l’Union incluant les frais encourus et le bénéfice réalisé en amont du passage de celle-ci. Il serait donc erroné de soutenir, à l’instar de la Commission, que la question de l’existence d’une entité économique unique n’a pas de pertinence pour la construction d’un prix à l’exportation.

42      La requérante ajoute que, bien que manifestement consciente de son rôle en amont de l’arrivée des produits concernés à la frontière de l’Union, la Commission ne lui a jamais demandé une ventilation de ses frais entre la phase précédant l’importation dans l’Union et la suivante. Pourtant, dans ses observations sur le document d’information final de la Commission ayant précédé l’adoption des décisions attaquées, la requérante aurait indiqué qu’au moins la moitié de ces frais ne devrait pas être déduite du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union pour établir le prix à l’exportation construit. En se référant à l’arrêt du 4 mai 2017, RFA International/Commission (C‑239/15 P, non publié, EU:C:2017:337), la requérante admet dans la réplique qu’il lui incombait de fournir les preuves de la répartition de ses frais de vente, de ses frais administratifs et de ses frais généraux ainsi que de sa marge bénéficiaire, entre les opérations intervenues en amont de l’arrivée des produits en cause à la frontière de l’Union et celles intervenues en aval, mais rappelle que la Commission ne l’y a pas invitée et a fortiori n’a pas précisé selon quelles modalités elle pourrait le faire. Au vu des informations que la requérante avait cependant fournies sur son rôle en amont du passage de la frontière de l’Union, la Commission aurait, en substance, manifestement exagéré l’ampleur des ajustements pour construire le prix à l’exportation.

43      La requérante n’exclut pas que, en réalité, la Commission en soit restée à l’appréciation qu’elle avait exprimée au considérant 64 du document d’information final ayant précédé le règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales, déniant l’existence d’une entité économique unique entre elle-même, CHEMK et KF.

44      En se référant à l’hypothèse selon laquelle la Commission aurait plutôt estimé que la question de l’existence d’une entité économique unique n’avait pas de pertinence pour la construction d’un prix à l’exportation, la requérante soutient que la Commission a méconnu l’interprétation donnée par le juge de l’Union dans l’arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78), rendu sur pourvoi contre l’arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62) et dans ce dernier. Selon cette interprétation, l’existence d’une entité économique unique entre le producteur et l’importateur serait à prendre en compte pour la construction du prix à l’exportation lui-même et non seulement, comme l’affirme la Commission au considérant 68 du règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales, pour effectuer la comparaison équitable du prix à l’exportation et de la valeur normale prévue à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base.La requérante mentionne enfin les arrêts du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil (250/85, EU:C:1988:464), et du 13 octobre 1993, Matsushita Electric Industrial/Conseil (C‑104/90, EU:C:1993:837), pour illustrer la nécessité de prendre en compte une situation d’entité économique unique lorsqu’il y a lieu de construire la valeur normale. Il ressortirait de l’arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78), que la même démarche doit être observée lorsqu’il y a lieu de construire le prix à l’exportation.

45      La Commission conteste les arguments de la requérante. Pour l’essentiel, elle expose que, au cours de la procédure administrative, la requérante n’a jamais fourni d’éléments précis permettant de distinguer ce qui serait lié aux opérations intervenant en amont du passage de la frontière de l’Union et ce qui serait lié aux opérations intervenant en aval de celui-ci, alors que cela lui incombait si elle voulait qu’il soit tenu compte de cette distinction. En l’occurrence, la Commission aurait calculé, à partir du compte de résultat de la requérante et d’ajustements justifiés après une visite de vérification sur place, un taux représentatif, par rapport au chiffre d’affaires, des frais de vente, des frais administratifs et des frais généraux pour la troisième période d’enquête de remboursement et un autre pour la quatrième. Ces calculs auraient été communiqués à la requérante pendant la phase administrative. Pour ce qui est de la marge bénéficiaire, en raison de l’association entre CHEMK, KF et la requérante, qui aurait rendu la marge bénéficiaire de cette dernière peu fiable, il aurait été conforme aux dispositions de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, de se référer à une marge bénéficiaire raisonnable, en l’occurrence celle d’importateurs indépendants déjà retenue dans le règlement initial et dans le règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales.

46      Il convient tout d’abord de souligner que l’existence d’une entité économique unique entre un producteur-exportateur d’un pays tiers et l’importateur qui est chargé des opérations d’importation et de première vente dans l’Union de ses produits n’empêche pas l’application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base pour déterminer un prix à l’exportation fiable au niveau de la frontière de l’Union, bien au contraire. En effet, une telle situation correspond au cas de figure le plus poussé d’association entre l’exportateur et l’importateur, association qui justifie, aux termes de cette disposition, la construction d’un prix à l’exportation au niveau de la frontière de l’Union à partir du prix de première revente à un acheteur indépendant dans le territoire de ses États membres en appliquant les ajustements adéquats prévus aux deuxième et troisième alinéas de ladite disposition. Il est donc sans importance, au regard de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, que la Commission n’ait pas pris position dans les décisions attaqués sur l’existence d’une entité économique unique entre la requérante, CHEMK et KF, puisqu’elle y a constaté, par exemple aux considérants 43 et 63 de la décision C(2014) 9805 final, qu’elles étaient associées, au sens de cette même disposition. La requérante ne conteste d’ailleurs pas l’applicabilité de celle-ci à sa situation, mais critique la manière dont les ajustements ont été opérés par la Commission, qui n’aurait pas tenu compte de manière appropriée du fait qu’elle constituait une entité économique unique avec CHEMK et KF et des fonctions qu’elle assurait en dehors de son rôle d’importateur des produits de CHEMK et de KF agissant dans la phase suivant leur arrivée à la frontière de l’Union.

47      Néanmoins, la requérante n’a pas apporté d’éléments permettant de donner suite aux distinctions qu’elle demandait.

48      Premièrement, s’agissant des ajustements au titre des frais de vente, des frais administratifs et des frais généraux, certes, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base implique par nature, et ainsi que le confirme très explicitement son deuxième alinéa, de ne tenir compte que des opérations intervenues entre le passage de la frontière de l’Union et la première revente à un acheteur indépendant sur le territoire de ses États membres, puisque cette disposition a pour objet de déterminer par un calcul à rebours un prix à l’exportation au niveau de la frontière de l’Union. Doivent donc être exclus des ajustements les frais liés à des opérations intervenues avant le passage de ladite frontière ou concernant des exportations-importations dans des pays tiers.

49      Cependant, la requérante indique, au point 54 de la requête, qu’elle n’a pas fourni de ventilation de ses frais de vente, de ses frais administratifs et de ses frais généraux permettant de distinguer ce qui aurait trait à la phase en amont de l’arrivée à la frontière de l’Union et ce qui aurait trait à la phase en aval de celle-ci. Les exemples de postes de dépenses qu’elle a signalés, en réponse au document d’information final de la Commission ayant précédé l’adoption des décisions attaquées, comme concernant les deux phases (par exemple, commissions, salaires et bonus, frais ou revenus financiers) ne permettent pas, en effet, sans indication supplémentaire, même pour ces seuls postes, de savoir dans quelle proportion ils concerneraient les opérations intervenues avant le passage de ladite frontière. La requérante soutient certes que la Commission aurait dû lui demander elle-même des éléments sur cette ventilation qu’elle n’aurait pas eu à fournir spontanément. Toutefois, ainsi qu’il a été jugé en substance dans les arrêts du 4 mai 2017, RFA International/Commission (C‑239/15 P, non publié, EU:C:2017:337, points 34 à 44), et du 17 mars 2015, RFA International/Commission (T‑466/12, EU:T:2015:151, points 44 et 57 à 64 et jurisprudence citée), dans une situation d’association entre l’exportateur et l’importateur, comme en l’espèce, il appartient à la partie intéressée qui entend contester l’étendue des ajustements opérés sur le fondement de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, au motif que les ajustements déterminés au titre des frais de vente, des frais administratifs et des frais généraux d’importation dans l’Union seraient excessifs, de fournir d’elle-même des éléments de preuve et des calculs concrets justifiant ses allégations et, en particulier le taux alternatif par rapport au chiffre d’affaires qu’elle propose pour représenter la part de ces frais qu’elle estime appropriée. Cela est en particulier pertinent lorsque la partie intéressée soutient que la Commission n’a en sa possession que des données globales susceptibles de couvrir non seulement les opérations intervenues entre le passage de la frontière de l’Union et la première revente à un acheteur indépendant sur le territoire de ses États membres, mais aussi les opérations intervenues en amont. À cet égard, l’affirmation figurant dans la réponse au document d’information final de la Commission ayant précédé l’adoption des décisions attaquées, selon laquelle plus de la moitié de la valeur des postes de frais retenus par la Commission devrait être imputée à ces dernières opérations était beaucoup trop vague et non étayée pour être retenue.

50      Deuxièmement, s’agissant de la marge bénéficiaire de 6 % du chiffre d’affaires net de la requérante retenue par la Commission, correspondant à la marge bénéficiaire d’importateurs indépendants, représentant le bénéfice à prendre également en compte au titre des ajustements pour construire le prix à l’exportation à partir du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union, l’argumentation de la requérante, selon laquelle seule une part de cette marge est liée aux opérations effectuées en aval du passage de la frontière de l’Union et devrait être retenue, ne peut davantage prospérer.

51      En effet, d’une part, la distinction revendiquée par la requérante n’est a priori pas justifiée dans son principe pour ce qui concerne une marge bénéficiaire tirée de l’observation de l’activité d’importateurs indépendants qui, sauf cas particuliers, prennent en charge les produits à la frontière de l’Union.

52      D’autre part, même si l’on partait de la marge bénéficiaire de la requérante elle-même, celle-ci a certes proposé dans ses observations sur le document d’information final ayant précédé l’adoption des décisions attaquées, que le coût du produit exporté et le chiffre d’affaires à l’exportation représentent respectivement la part des opérations liées à l’exportation vers l’Union et la part des opérations effectuées en aval du passage de la frontière de l’Union, ce qui permettrait de répartir le bénéfice entre les deux types d’opérations. Cependant cette extrapolation n’est pas convaincante, car elle conduit à compter pour les deux catégories d’opérations les mêmes éléments, puisque le chiffre d’affaires, réalisé par la revente aux acheteurs indépendants dans l’Union, intègre nécessairement le coût du produit exporté, qu’il doit en principe couvrir.

53      Dans la requête, la requérante a ajouté que, dans la mesure où elle était un importateur appartenant à la même entité économique que CHEMK et que KF, il était normal qu’elle ne dégage elle-même qu’un bénéfice minime, voire inexistant, en substance parce qu’il n’y aurait pas besoin de rémunérer un importateur indépendant. L’essentiel du bénéfice devrait ainsi être attribué aux producteurs CHEMK et KF pour leur activité qui s’exerce en amont du passage de leurs produits à la frontière de l’Union.

54      Cependant, ainsi qu’il a été jugé dans les arrêts du 5 octobre 1988, Canon e.a./Conseil (277/85 et 300/85, EU:C:1988:467, point 32), et du 17 mars 2015, RFA International/Commission (T‑466/12, EU:T:2015:151, point 68 et jurisprudence citée), dans les situations où l’importateur est, comme en l’espèce, lié au producteur, c’est à bon droit que la Commission peut retenir comme marge bénéficiaire, au titre des ajustements pour construire le prix à l’exportation, la marge d’importateurs indépendants, en particulier parce que les données fournies par des entités associées assurant notamment la fonction d’importation dans l’Union peuvent être influencées par cette association. La Commission a donc pu valablement retenir la marge bénéficiaire de 6 % utilisée lors de l’enquête initiale, compte tenu de l’absence de coopération de tels importateurs à l’enquête de remboursement, comme cela a été exposé par exemple au considérant 47 de la décision C(2014) 9805 final.

55      Les arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP (C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78), et du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62), invoqués par la requérante au soutien de son premier moyen, ne remettent aucunement en cause l’approche retenue par la Commission, tant pour évaluer les frais de vente, les frais administratifs et les frais généraux que la marge bénéficiaire. Dans ces arrêts, la Cour et le Tribunal ont considéré, en substance, respectivement aux points 51 à 56 et aux points 177 et 178 desdits arrêts, que, en présence d’une entité économique unique comprenant le producteur, mais aussi une entité juridiquement distincte contrôlée par celui-ci chargée des fonctions de vente aux acheteurs indépendants, il y avait lieu, tant pour déterminer la valeur normale que pour construire le prix à l’exportation, de tenir compte du prix payé par le premier acheteur indépendant, mais aussi des coûts qui seraient normalement assumés par le département de vente interne du producteur si ce dernier n’avait pas eu recours pour ses ventes à une entité juridiquement distincte, afin d’éviter que ces coûts soient omis dans la détermination de ces différents prix. Ces considérations de fond sont tout aussi valables, s’agissant du prix à l’exportation, dans le cadre d’une construction de celui-ci au titre de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base que dans le cadre des ajustements qui peuvent lui être apportés pour aboutir à une comparaison équitable avec la valeur normale au titre de l’article 2, paragraphe 10, du même règlement, contexte dans lequel ont été énoncées ces considérations dans les arrêts susmentionnés. Par conséquent, il n’est pas incompatible avec ces arrêts de retirer les frais de vente, les frais administratifs et les frais généraux ainsi qu’une marge bénéficiaire correspondant à l’activité d’un importateur des produits en cause dans l’Union, du prix de leur première revente à un acheteur indépendant sur le territoire de ses États membres pour calculer un prix à l’exportation fiable lorsque l’importation est assurée, comme en l’espèce, par une entité juridiquement distincte du producteur, mais qui constitue, comme le soutient la requérante, une entité économique unique avec lui. Cette appréciation est sans préjudice de la question de la répartition de la charge de la preuve au sujet de la pertinence des ajustements à effectuer dans le cadre de l’application, respectivement, de l’article 2, paragraphe 9, et de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, qui a fait l’objet de considérations dans l’arrêt du 4 mai 2017, RFA International/Commission (C‑239/15 P, non publié, EU:C:2017:337, points 40 à 44).

56      De même, les arrêts du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil (250/85, EU:C:1988:464), et du 13 octobre 1993, Matsushita Electric Industrial/Conseil (C‑104/90, EU:C:1993:837), invoqués par la requérante pour illustrer la nécessité de prendre en compte une situation d’entité économique unique lorsqu’il y a lieu de construire la valeur normale et, par analogie, le prix à l’exportation, ne remettent pas non plus en cause l’approche retenue en l’espèce par la Commission pour évaluer les frais de vente, les frais administratifs, les frais généraux ainsi que la marge bénéficiaire à déduire du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union pour construire le prix à l’exportation. En effet si ces arrêts mentionnent, pour les cas en cause, l’existence d’une entité économique unique, c’est pour confirmer que la valeur normale a été constatée, à juste titre selon la Cour, sur la base des prix de revente pratiqués par des distributeurs liés au producteur, donc en incorporant des coûts qui auraient, dans une autre configuration, été assumés par le département de vente interne du producteur. Dans ces conditions, ces arrêts ne remettent aucunement en question l’analyse exposée aux points 46 à 50 ci-dessus.

57      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen de la requérante, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base dans la construction du prix à l’exportation est non fondé.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 11, paragraphes 9 et 10, du règlement de base dans la construction du prix à l’exportation

58      La requérante soutient, en dénonçant des erreurs de droit et une erreur manifeste d’appréciation, que, dans le calcul du prix à l’exportation construit, la Commission n’aurait pas dû déduire du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union le montant des droits antidumping qu’elle a acquittés pendant les troisième et quatrième périodes d’enquête de remboursement, dans la mesure où ceux-ci auraient été intégralement répercutés sur les prix de revente dans l’Union. La Commission aurait ainsi violé les dispositions de l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base, selon lesquelles, lorsqu’il est décidé, dans le cadre d’une enquête de remboursement, de construire le prix à l’exportation conformément à l’article 2, paragraphe 9, du même règlement, la Commission doit calculer le prix à l’exportation sans déduire le montant des droits antidumping acquittés, lorsque des éléments de preuve concluants sont présentés selon lesquels ce droit est dûment répercuté sur les prix de revente et les prix de vente ultérieurs dans l’Union. Selon la requérante, si la Commission n’avait pas déduit les droits antidumping dans le calcul du prix à l’exportation construit, la marge de dumping aurait été ramenée à un peu plus de 18 % pour la troisième période d’enquête de remboursement et à un peu plus de 20 % pour la quatrième. De plus, dans son appréciation de la réalité de la répercussion des droits antidumping sur les prix de revente, la Commission n’aurait pas analysé celle-ci au regard du prix de revente identifié à l’occasion de l’enquête ayant conduit au règlement initial, mais au regard des coûts courants de production en Russie. Ce faisant, la Commission n’aurait pas appliqué la même méthode que celle utilisée pour l’enquête de réexamen ayant conduit au règlement intermédiaire ou pour l’enquête aux fins des premières décisions sur les demandes de remboursement, sans le justifier. Dans la réplique, la requérante soutient qu’aucun changement de circonstance justifiant un changement de méthode n’est intervenu, en particulier que l’augmentation des coûts mise en avant par la Commission était déjà observée pendant les première et deuxième périodes d’enquête de remboursement. La Commission aurait par conséquent aussi violé les dispositions de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, selon lesquelles, dans toutes les enquêtes de réexamen effectuées en vertu dudit article, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, compte tenu des dispositions de l’article 2 du même règlement. En outre, même si la Commission avait été en droit de changer de méthode, exiger que les prix de revente couvrent les coûts, droits antidumping compris, pour estimer que ces derniers sont dûment répercutés sur les prix de revente, reviendrait à élargir les exigences découlant de l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base, puisque cela reviendrait à exiger que ces prix de revente incorporent un montant substantiellement plus élevé que les droits antidumping, qui sont les seuls mentionnés dans ladite disposition comme devant être répercutés sur les prix de revente pour bénéficier de leur non déduction dans le calcul du prix à l’exportation construit. La requérante souligne à cet égard que dans l’avis de la Commission concernant le remboursement des droits antidumping (JO 2014, C 164, p. 9), il est précisé :

« Lorsque le prix à l’exportation est construit conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, la Commission le calcule sans déduire le montant des droits antidumping acquittés, s’il est prouvé de manière irréfutable que le droit est dûment répercuté dans les prix de revente et les prix de vente ultérieurs au sein de l’Union. La Commission vérifie si une augmentation des prix de vente pour des clients indépendants au sein de l’Union entre la période initiale et celle couverte par l’enquête pour le remboursement incorpore les droits antidumping. »

59      Dans la réplique, la requérante ajoute que, dans l’arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission (T‑73/12, EU:T:2015:865, point 155), il a été jugé que la comparaison des prix de revente avant l’instauration des droits antidumping et pendant la période sous examen était pertinente pour déterminer si ces derniers étaient ou non répercutés pendant celle-ci sur ces prix.

60      La requérante rappelle en outre que, dans le règlement intermédiaire et dans les premières décisions sur les demandes de remboursement, la Commission a indiqué :

« [L’]’enquête a montré que les prix de revente moyens pondérés de ferrosilicium dans l’Union avaient augmenté par rapport aux prix relevés lors de l’enquête initiale. En outre, les prix de revente à l’exportation sont, dans une large mesure, supérieurs de plus de 22,7 % [le taux du droit antidumping] à ceux relevés lors de l’enquête initiale. Dès lors, il peut être conclu que le droit antidumping est dûment reflété dans les prix de revente du requérant. Par conséquent […] lors du calcul des prix à l’exportation construits conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, aucune déduction des droits antidumping n’a été effectuée. »

61      En l’espèce, dans ses observations sur le document d’information final ayant précédé l’adoption des décisions attaquées, la requérante aurait fourni à la Commission des preuves concluantes que les prix de revente des produits de CHEMK et de KF dans l’Union avaient augmenté dans une proportion supérieure au niveau du droit antidumping de 22,7 % entre la période de l’enquête ayant conduit au règlement initial et les troisième et quatrième périodes d’enquête de remboursement ayant conduit aux décisions attaquées. Ils auraient augmenté de plus de 100 %, en particulier de 193 % au stade du prix « départ usine » et de 142 % au stade du prix caf pour ce qui concerne la troisième période d’enquête de remboursement.Dans cette mesure, même si le changement de méthode opéré par la Commission était acceptable et même si le niveau d’augmentation de 100 % des coûts de production de CHEMK et de KF qu’elle a identifié était avéré, les droits antidumping, dûment répercutés, n’auraient pas dû être déduits du prix de première revente à un acheteur indépendant dans l’Union pour calculer le prix à l’exportation construit.

62      En réponse aux considérations exprimées par la Commission dans les décisions attaquées, par exemple aux considérants 78 à 83 de la décision C(2014) 9805 final, mettant en doute la fiabilité des données relatives aux augmentations de prix mentionnées au point 61 ci-dessus, la requérante observe que la Commission a cependant utilisé ces mêmes données pour calculer la valeur normale construite et le prix à l’exportation construit sans demander d’autres données pendant l’enquête.

63      Dans la réplique, sur le même aspect, en réponse à l’argument en défense de la Commission selon lequel les données sur les prix « départ usine » et caf ne seraient pas pertinentes pour évaluer la répercussion des droits antidumping sur les prix de revente dans l’Union, la requérante indique que, pour la troisième période d’enquête de remboursement, même la comparaison des prix au stade « rendu droits acquittés » aurait donné des résultats similaires, car les prix « départ usine » ou caf qu’elle a avancés auraient inclus les droits antidumping. Mais, plus fondamentalement, la Commission ne pourrait pas exiger une démonstration au stade du prix « rendu droits acquittés », aucune méthode précise n’étant imposée à l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base, la seule question étant de savoir si l’exportateur a modifié sa pratique de prix dans l’Union après l’instauration des droits antidumping, en renonçant à la marge de dumping, ce que des comparaisons au stade des prix « sortie d’usine » ou caf pourraient révéler. La requérante s’appuie à cet égard sur l’arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission (T‑73/12, EU:T:2015:865, point 66). À l’audience, la requérante a précisé qu’une comparaison des prix au stade « rendu droits acquittés » entre la période de l’enquête ayant conduit au règlement initial et les troisième et quatrième périodes d’enquête de remboursement ayant conduit aux décisions attaquées n’était en l’espèce pas possible, car, ainsi qu’il est indiqué par exemple au considérant 19 de la décision C(2014) 9805 final, pendant la première de ces périodes, les importateurs des produits de CHEMK et de KF dans l’Union pratiquaient fréquemment des prix de vente « départ usine » ou correspondant à un autre stade commercial, et pas principalement des prix « rendu droits acquittés » comme pendant les troisième et quatrième périodes d’enquête de remboursement. La requérante estime aussi infondés les autres doutes exprimés par la Commission, mentionnés au point 25 ci-dessus, liés au fait que l’un des producteurs vendait à perte à la requérante, ainsi qu’à des divergences concernant les coûts en fonction de la destination des produits. En effet, les prix de transfert intragroupe n’auraient pas d’importance pour ce qui concerne l’évolution des prix de revente pratiqués par la requérante pour des acheteurs indépendants dans l’Union et les différences de coûts en fonction de la destination des produits s’expliqueraient par les différentes qualités demandées.

64      La Commission conteste l’argumentation de la requérante. En particulier, la Commission souligne que la disposition de l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base, selon laquelle les droits antidumping ne doivent pas être déduits du prix de revente dans l’Union dans le calcul d’un prix à l’exportation construit effectué dans le cadre d’une enquête de réexamen ou de remboursement si des éléments de preuve concluants sont présentés montrant que ces droits sont dûment répercutés sur ledit prix de revente, ne se réfère pas à l’évolution dans le temps de ce dernier, mais à son analyse pendant la période d’enquête pertinente pour savoir si, à ce moment-là, il répercute, autrement dit s’il incorpore, les droits antidumping. L’avis de la Commission concernant le remboursement des droits antidumping invoqué par la requérante, cité au point 58 ci-dessus, n’indiquerait pas autre chose. En outre, il résulterait de la même disposition que la charge de la preuve de la répercussion des droits antidumping sur le prix de revente pèserait de manière exigeante sur l’entreprise qui demanderait à bénéficier de leur non-déduction dans le calcul du prix à l’exportation construit, ainsi que le démontrerait l’emploi des termes « éléments de preuve concluants ». Dès lors, le doute ne permettrait pas d’accéder à une telle demande.

65      La prise en compte des coûts de production serait dans ce contexte pertinente pour savoir si les droits antidumping sont effectivement répercutés sur le prix de revente dans l’Union. La non-couverture, par ce prix, de l’ensemble des coûts, droits antidumping compris, montrerait que ceux-ci n’y sont pas incorporés en totalité. En l’occurrence, l’enquête aurait révélé une augmentation, par rapport à la période d’enquête initiale, de 100 % des coûts de production pour la troisième période d’enquête de remboursement et de 109 % pour la quatrième, ainsi que cela est indiqué par exemple au considérant 85 de la décision C(2014) 9805 final.

66      Or, s’agissant de cette dernière période, la requérante n’aurait pas apporté d’éléments susceptibles d’infirmer la conclusion que les droits antidumping n’étaient pas dûment répercutés dans le prix de revente dans l’Union, tirée de la constatation que, dans 99 % des cas, ledit prix ne couvrait pas les coûts, droits antidumping compris [constatation exposée par exemple au considérant 84 de la décision C(2014) 9805 final, comme au considérant 71 du règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales].

67      S’agissant de la troisième période d’enquête de remboursement, la Commission rappelle les raisons, exposées dans les décisions attaquées, par exemple aux considérants 78 à 82 de la décision C(2014) 9805 final, et mentionnées au point 25 ci-dessus, pour lesquelles elle a jugé non fiables les données à partir desquelles la requérante arguait de très fortes augmentations de ses prix de revente. En particulier, l’arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission (T‑73/12, EU:T:2015:865), montrerait que se fonder sur des moyennesplutôt que sur des analyses par transaction n’est pas approprié.

68      D’une manière générale, la Commission soutient que cet arrêt montre précisément que, si plusieurs méthodes sont possibles pour appliquer l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base, certaines peuvent être plus appropriées.

69      À cet égard, il y a tout d’abord lieu de souligner que, s’agissant de l’application de l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base, il est justifié qu’en cas d’évolution significative des coûts de production des produits concernés entre la période d’enquête antérieurement prise en considération et la nouvelle période d’enquête la Commission tienne compte, pour savoir si les droits antidumping sont dûment répercutés sur les prix de revente de ces produits dans l’Union pendant cette dernière période, non pas des prix de revente relevés pendant la première de ces périodes, mais des coûts constatés pendant la nouvelle période d’enquête. Ces considérations sont valables même s’il peut être considéré qu’il y a eu un changement de méthode par rapport à ce qui a été fait dans le cadre d’une enquête précédente, comme c’est le cas en l’espèce contrairement à ce qu’a fait valoir à titre principal la Commission dans les décisions attaquées ainsi qu’il est exposé au point 22 ci-dessus.

70      Une telle pratique vise à assurer la solidité de l’analyse dans la comparaison de situations complexes sur le plan économique afin, non seulement de justifier le bien-fondé des mesures adoptées au titre de la réglementation antidumping, mais aussi d’assurer, entre les opérateurs susceptibles d’être l’objet de ces mesures, le respect du principe général du droit de l’Union d’égalité de traitement. Or, si assurer la solidité, dans l’analyse économique, de la comparaison de la situation entre deux périodes justifie, en principe, l’application de la même méthode, tel n’est pas le cas si les paramètres pertinents ont suffisamment changé pour rendre l’application de la méthode précédemment utilisée inapte à donner un résultat fiable, en l’occurrence pour apprécier si les droits antidumping ont été, ou non, dûment répercutés sur les prix de revente et les prix de vente ultérieurs dans l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 septembre 2014, Valimar, C‑374/12, EU:C:2014:2231, points 50 et 59). Comme le fait valoir la Commission, si les coûts de production ont significativement augmenté entre les deux périodes comparées, une augmentation des prix de revente dans l’Union, même importante, ne garantit pas nécessairement que les droits antidumping aient été dûment répercutés, c’est-à-dire intégralement répercutés, dans l’établissement de ces prix. Les coûts de production peuvent avoir augmenté plus que les prix. Dans ce cas, même si les nouveaux prix sont supérieurs aux anciens prix majorés des droits antidumping, les intéressés ne répercutent pas dûment les droits antidumping compte tenu de l’évolution de leurs coûts de production.

71      Les arguments avancés par la requérante dans la présente affaire ne remettent pas en cause cette analyse. Tout d’abord, contrairement à ce que la requérante soutient en substance, l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base n’implique nullement, dans la mesure où il porte sur la question de savoir si « le droit est dûment répercuté sur les prix de revente », que seul l’équivalent du droit antidumping devrait être incorporé dans le nouveau prix de revente en sus du prix de revente précédemment pratiqué pour pouvoir bénéficier d’une réponse positive. Un droit supplémentaire par rapport aux coûts normalement encourus n’est, en effet, « dûment répercuté » que s’il s’ajoute à ces autres coûts. Or, si ces autres coûts augmentent, mais que le prix de revente augmente moins, en vérité le droit n’est que partiellement ou pas du tout ajouté à ces autres coûts, même si l’équivalent du droit a été ajouté au prix de revente précédemment pratiqué. L’extrait de l’avis de la Commission concernant le remboursement des droits antidumping, mis en exergue par la requérante et cité au point 58 ci-dessus, n’est en aucune façon contradictoire avec cette analyse. Il en est de même de l’arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission (T‑73/12, EU:T:2015:865), invoqué par la requérante. En particulier, le point 155 de cet arrêt indique, lu dans son contexte, qu’une méthode autre que la comparaison des prix de revente dans l’Union pratiqués avant et après l’instauration des droits antidumping peut être appropriée pour déterminer si ces droits sont ou non répercutés sur les nouveaux prix de revente dans l’Union.

72      S’agissant des éléments concrets du cas d’espèce, pour ce qui concerne la quatrième période d’enquête de remboursement, qui correspond à l’année 2012, il y a lieu de relever que, dans les décisions attaquées, par exemple au considérant 85 de la décision C(2014) 9805 final, la Commission a constaté une augmentation significative des coûts de production par rapport à la période d’enquête initiale, de 109 %, sans être contredite à cet égard sur le fond par la requérante, notamment dans le présent recours. Dans ces conditions, pour déterminer si les droits antidumping étaient dûment répercutés sur les prix de revente dans l’Union pratiqués par la requérante pour le compte de CHEMK et de KF pendant la quatrième période d’enquête de remboursement, il était justifié que la Commission tienne compte non pas des prix de revente relevés pendant l’enquête initiale, mais des coûts de production constatés en 2012.

73      Or, dans une situation où, comme l’a relevé la Commission dans les décisions attaquées, par exemple au considérant 84 de la décision C(2014) 9805 final, les prix de revente dans l’Union ne couvrent que dans 1 % des cas le coût des produits, droit antidumping compris, il est loin d’être démontré que ces droits sont effectivement dûment répercutés.

74      Même l’augmentation de plus de 100 % des prix de revente entre la période d’enquête initiale et la quatrième période d’enquête de remboursement, mise en avant par la requérante, est insuffisante dans ce contexte pour démontrer que les droits antidumping ont été intégralement répercutés pendant la seconde de ces périodes. En effet, il suffit, comme cela est indiqué en substance au point 70 ci-dessus, que les coûts de production aient augmenté plus que les prix pratiqués pour que ceux-ci ne reflètent pas dûment les droits antidumping, compte tenu de l’évolution des coûts de production. Or, cela est a priori établi par la circonstance, relevée par la Commission, que dans 99 % des cas, le coût des produits, droit antidumping compris, n’était pas couvert par les prix de revente dans l’Union en 2012.

75      C’est donc à juste titre que la Commission a déduit le droit antidumping du prix de revente au premier acheteur indépendant dans l’Union pour calculer le prix à l’exportation construit pour la quatrième période d’enquête de remboursement, dès lors qu’il n’était pas démontré que le droit antidumping était dûment répercuté sur le premier de ces prix.

76      S’agissant de la troisième période d’enquête de remboursement, la requérante fait valoir que ses prix de revente dans l’Union ont augmenté de 193 % au stade du prix « départ usine » et de 142 % au stade du prix caf depuis la période d’enquête ayant conduit au règlement initial, ce qui permettrait largement de couvrir, tant le droit antidumping de 22,7 %, que l’augmentation des coûts de production de 100 % identifiée entre les mêmes périodes par la Commission, par exemple au considérant 85 de la décision C(2014) 9805 final. Même la comparaison au stade du prix « rendu droits acquittés » donnerait un résultat devant déboucher sur un remboursement partiel de droits.

77      Toutefois, c’est à juste titre que la Commission fait valoir, ainsi qu’elle l’a exposé dans les décisions attaquées, par exemple au considérant 78 de la décision C(2014) 9805 final, que l’analyse des prix de revente dans l’Union pour savoir dans quelle mesure ils répercutent les droits antidumping doit s’effectuer au stade de commercialisation postérieur à l’acquittement de ces droits, c’est-à-dire, par définition, à un stade de commercialisation où le prix tient compte de coûts supplémentaires au regard de ceux retenus au stade des prix « départ usine » ou caf. Il y a lieu de souligner à cet égard que, s’il est prévu dans le règlement de base que certains prix soient ajustés à un stade commercial différent de celui auquel ils sont normalement pratiqués, c’est pour assurer une comparaison équitable des prix qui ne reflètent pas nécessairement les mêmes prestations. Ainsi, l’article 2, paragraphe 10, sous d), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 10, sous d), du règlement 2016/1036] prévoit que la comparaison équitable du prix à l’exportation et de la valeur normale peut nécessiter des ajustements pour tenir compte des différences de stades commerciaux où ces prix sont pratiqués. Mais tel n’est pas le cas pour apprécier uniquement des prix de revente dans l’Union dans le contexte de l’article 11, paragraphe 10, du règlement de base, qui ne prévoit pas de tels ajustements. Au demeurant, dans la mesure où il est justifié, pour l’application de cette disposition, que dans certaines situations comme celle de l’espèce, la Commission analyse les prix de revente en tenant compte de l’ensemble des coûts supportés avant cette revente, ainsi qu’il est rappelé au point 69 ci-dessus, une analyse de prix établis au stade des prix « départ usine » ou caf, même en y rajoutant artificiellement les droits antidumping comme la requérante soutient que cela a été fait, c’est-à-dire en ne tenant pas compte d’un certain nombre des coûts supportés avant cette revente, ne serait pas cohérente. De plus, dans ces situations, il n’est pas nécessaire d’effectuer une comparaison des prix de revente dans l’Union entre deux périodes successives, comparaison qui peut souffrir, comme dans le cas présent, de la non-homogénéité dans le temps des stades commerciaux auxquels la facturation a été pratiquée par les importateurs des produits concernés à l’égard des premiers acheteurs indépendants dans l’Union. Il est en revanche indispensable de vérifier si les éléments apportés par l’importateur concerné démontrent que le prix effectivement payé par ces acheteurs pendant la période sous examen répercute dûment les droits antidumping. À cet égard, il a été constaté dans les décisions attaquées, sans que cela soit contesté par la requérante, qu’elle y vendait désormais majoritairement les produits sur la base du prix « rendu droits acquittés », c’est-à-dire englobant tous les coûts intervenant en amont de la livraison, ce qui était de nature à faciliter cette vérification.

78      Par conséquent, la requérante ne pouvait pas s’appuyer sur l’évolution des prix ramenés au stade des prix « départ usine » ou caf, même augmentés des droits antidumping, pour justifier qu’elle répercutait, pendant la troisième période d’enquête de remboursement, les droits antidumping sur ses prix de revente dans l’Union. Elle aurait dû apporter des éléments montrant que ses prix « rendu droits acquittés » pratiqués pendant ladite période couvraient tous les coûts encourus à ce stade pour les produits en cause, droits antidumping compris, ce qu’elle n’a pas pu faire. C’est donc à bon droit que la Commission a déduit le droit antidumping du prix de revente au premier acheteur indépendant dans l’Union pour calculer le prix à l’exportation construit pour la troisième période d’enquête de remboursement, dès lors qu’il n’était pas démontré que le droit antidumping était dûment répercuté sur le premier de ces prix. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les arguments échangés par les parties quant à la fiabilité ou au mode de calcul de ces prix « départ usine » et caf. Quant à l’affirmation de la requérante, exprimée dans la réplique, selon laquelle même la comparaison des prix de revente au stade « rendu droits acquittés » donnerait un résultat devant déboucher sur un remboursement partiel de droits, elle n’est en tout état de cause pas suffisamment étayée pour pouvoir être prise en considération dans le cadre du contrôle de la légalité des décisions attaquées (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 44 et jurisprudence citée).

79      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen de la requérante, tiré d’une violation de l’article 11, paragraphes 9 et 10, du règlement de base dans la construction du prix à l’exportation est aussi non fondé.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base et de l’article 18.3.1 de l’accord antidumping dans la construction de la valeur normale

80      À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, comme cela ressort par exemple des considérants 25 et suivants de la décision C(2014) 9805 final, la Commission n’a procédé, dans le cadre des décisions attaquées, à la construction de la valeur normale, au sens de l’article 2 du règlement de base, des produits concernés en Russie que lorsque, conformément au paragraphe 2 dudit article, le volume des ventes à des acheteurs indépendants du type de ferrosilicium en cause en Russie représentait moins de 5 % du volume des ventes de produits similaires à des acheteurs indépendants dans l’Union (ventes dites non représentatives). Dans les autres cas, elle a retenu la valeur normale constatée.

81      La requérante reproche à la Commission d’avoir, lorsqu’elle a procédé au calcul de la valeur normale construite, ajouté au coût de production, le cas échéant ajusté pour tenir compte des ventes intragroupe de matières premières, la valeur réelle des frais de vente, des frais administratifs et des frais généraux ainsi que du bénéfice pour les ventes en Russie du type de ferrosilicium en cause, c’est-à-dire d’avoir utilisé des données de ventes non représentatives, au lieu d’ajouter au coût de production la valeur de ces mêmes frais et du bénéfice constatés pour les types de ferrosilicium dont les ventes en Russie à des acheteurs indépendants étaient supérieures ou égales à 5 % du volume des ventes de produits similaires à des acheteurs indépendants dans l’Union, c’est-à-dire des données de ventes représentatives. La Commission aurait ainsi modifié sa méthode par rapport à ce qu’elle avait fait pour l’enquête initiale, l’enquête aux fins du règlement intermédiaire et l’enquête aux fins des premières décisions sur les demandes de remboursement. Ce faisant, la Commission aurait à nouveau violé les dispositions de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, selon lesquelles « dans toutes les enquêtes […] de remboursement, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit », mais aurait aussi violé les dispositions de l’article 18.3.1 de l’accord antidumping selon lesquelles « [p]our ce qui est du calcul des marges de dumping dans les procédures de remboursement […] les règles utilisées dans la détermination ou le réexamen le plus récent de l’existence d’un dumping seront d’application ». D’après la requérante, cette dernière disposition doit s’appliquer même si la méthode précédemment utilisée est incompatible avec cet accord. Dans cette mesure, la référence faite par la Commission, dans le document d’information finale ayant précédé les décisions attaquées, aux recommandations de l’organe de règlement des différends de l’OMC dans l’affaire Union et Norvège, dite « Saumon de Norvège », qui soutiendraient le recours à des données réelles liées aux ventes examinées, même non représentatives, serait inappropriée. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas expliqué, comme l’exigerait l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, en quoi les éléments factuels identifiés dans les décisions attaquées, par exemple au considérant 19 de la décision C(2014) 9805 final, supposés caractériser un changement de circonstances, justifiaient de ne pas utiliser les données liées à des ventes représentatives.

82      La Commission soutient, à titre liminaire, comme elle l’a exposé dans les décisions attaquées, que l’article 18.3.1 de l’accord antidumping, lu à la lumière de l’article 18.3 de celui-ci, est une disposition transitoire liée à la date d’entrée en vigueur de cet accord, le 1er janvier 1995, qui ne serait plus applicable au cas d’espèce. Elle se réfère également à l’arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission (T‑466/12, EU:T:2015:151, point 140), dont il découlerait en substance que, dans la mesure où l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ne vise pas à mettre en œuvre l’article 18.3.1 de l’accord antidumping, ce dernier ne pourrait pas être invoqué à l’encontre d’un acte de l’Union. Pour ce qui concerne la violation alléguée de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, la Commission souligne d’abord qu’elle s’est strictement conformée aux dispositions de l’article 2 du même règlement, pour déterminer la valeur normale. En particulier, pour les types de ferrosilicium dont les ventes en Russie à des acheteurs indépendants étaient inférieures à 5 % du volume des ventes de produits similaires à des acheteurs indépendants dans l’Union, pour CHEMK, deux types de produits sur cinq pendant la troisième période d’enquête de remboursement et un type de produit sur cinq pendant la quatrième ; pour KF, un type de produit sur neuf pendant la troisième période d’enquête de remboursement, la Commission aurait appliqué la première des deux méthodes prévues au paragraphe 3 dudit article pour calculer la valeur normale construite, à savoir celle consistant à ajouter au coût de production dans le pays d’origine un montant raisonnable pour les frais de vente, les frais administratifs et les frais généraux ainsi qu’une marge bénéficiaire raisonnable. À cet effet, elle aurait suivi les dispositions du paragraphe 6 du même article (devenu article 2, paragraphe 6, du règlement 2016/1036), qui indique que « [l]es montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux ainsi qu’aux bénéfices, sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire par l’exportateur ou le producteur faisant l’objet de l’enquête ». En l’occurrence, les données réelles, dont la fiabilité n’était pas en doute, étaient celles concernant les ventes des types de produits en cause, même si elles étaient inférieures à 5 % des ventes de produits similaires à des acheteurs indépendants dans l’Union et non des données concernant des ventes d’autres types de produits. La Commission indique ensuite qu’elle a appliqué exactement la même démarche pour les enquêtes précédentes concernant la requérante, CHEMK et KF, en particulier pour celle ayant conduit au règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales. La Commission rappelle enfin que cette démarche a étéentérinée par l’organe de règlement des différends de l’OMC dans l’affaire Union et Norvège, dite « Saumon de Norvège ». Rien ne permettrait donc d’identifier une violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base dans les décisions attaquées.

83      En premier lieu, force est de constater, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur tous les aspects de l’argumentation en défense de la Commission à ce propos, que l’argumentation de la requérante concernant une violation de l’article 18.3.1 de l’accord antidumping a déjà été rejetée dans l’arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission (T‑466/12, EU:T:2015:151).

84      En effet, il ressort d’une jurisprudence constante, que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions de l’Union en vertu de l’article 263, premier alinéa, TFUE. Toutefois, dans l’hypothèse où l’Union entendrait donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’occurrence où l’acte de l’Union renverrait expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartiendrait au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 134 et jurisprudence citée).

85      S’il ressort du considérant 3 du règlement de base (devenu considérant 3 du règlement 2016/1036) que celui-ci a notamment pour objet de transposer en droit de l’Union, dans la mesure du possible, les règles contenues dans l’accord antidumping, au rang desquelles figurent, en particulier, celles relatives à la durée et au réexamen des droits antidumping et qu’il s’ensuit que les dispositions de ce règlement doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l’accord antidumping (voir arrêt du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, EU:C:2003:4, points 55 à 57 et jurisprudence citée), il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait M. l’avocat général Cruz Villalón au point 74 de ses conclusions dans l’affaire Valimar (C‑374/12, EU:C:2014:118), que l’accord antidumping ne comporte pas de dispositions équivalentes à celles de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, de sorte que la règle que cette dernière disposition comporte ne saurait être considérée comme une transposition de l’une des règles détaillées dudit accord devant être interprétée en conformité avec ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, points 135 à 137).

86      En particulier, alors que l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base édicte le principe de conserver la méthode d’évaluation du dumping et du préjudice utilisée dans l’enquête ayant abouti à l’imposition d’un droit antidumping dans toutes les enquêtes de réexamen ou de remboursement de ce droit, sauf si les circonstances ont changé, l’article 18.3.1 de l’accord antidumping stipule en substance qu’à partir de l’entrée en vigueur de cet accord pour un membre de l’OMC, les règles définies dans cet accord s’appliqueront, sous réserve, pour ce qui concerne l’appréciation de la marge de dumping dans les enquêtes de remboursement, de continuer à appliquer les règles utilisées dans la détermination ou le réexamen le plus récent de l’existence d’un dumping pour le produit concerné, qui peuvent le cas échéant, pendant un certain temps après cette entrée en vigueur et selon les circonstances du cas examiné, être différentes des règles définies dans ledit accord (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, points 138 et 139). Les deux dispositions n’ont donc pas le même champ d’application temporel, mais surtout pas la même portée matérielle, notamment parce que les règles visées à l’article 18.3.1 de l’accord antidumping et la méthode visée à l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ne correspondent pas à la même notion.

87      Il s’ensuit que, comme le souligne à juste titre la Commission, l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ne met pas en œuvre l’article 18.3.1 de l’accord antidumping (arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 140), de sorte que cette dernière disposition est dépourvue de pertinence dans le cadre du présent moyen.

88      En second lieu, s’agissant de la violation alléguée de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, il ne ressort pas de l’examen du règlement initial, lu à la lumière du règlement (CE) no 994/2007 de la Commission, du 28 août 2007, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de ferrosilicium originaire de la République populaire de Chine, d’Égypte, du Kazakhstan, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine et de Russie (JO 2007, L 223, p. 1) qui l’a précédé en ce qui concerne les importations en cause dans la présente affaire, que les institutions compétentes aient procédé, en vue de l’adoption de ces règlements, au calcul de la valeur normale construite pour les types de produits dont les ventes à des acheteurs indépendants dans le pays de production étaient inférieures à 5 % des ventes de produits similaires à des acheteurs indépendants dans l’Union d’une manière différente de celle suivie pour l’élaboration des décisions attaquées, à savoir en se fondant sur les données réelles relatives aux types de produits visés. À cet égard, le considérant 44 du règlement no 994/2007 indique :

« Pour construire la valeur normale conformément à l’article 2, paragraphe 6, du [règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1) (remplacé par le règlement de base)], les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux encourus et le bénéfice moyen pondéré réalisé sur les ventes intérieures du produit similaire par les producteurs-exportateurs concernés ayant coopéré, au cours d’opérations commerciales normales pendant la période d’enquête, ont été ajoutés à leurs coûts moyens de fabrication au cours de la période d’enquête. »

89      Il en est de même s’agissant du règlement intermédiaire (voir considérant 20) et des premières décisions sur les demandes de remboursement [voir, par exemple, considérant 19 de la décision C(2012) 5577 final]. Seul le règlement adopté à l’issue du réexamen au titre de l’expiration des mesures initiales fait état, au considérant 60, de l’utilisation de données réelles ou de « données disponibles », sans plus de précisions. Certes, dans la réponse apportée à l’audience à une question écrite du Tribunal à ce propos, la Commission a exposé que cette référence à des données disponibles visait une marge bénéficiaire forfaitaire qu’elle avait envisagé d’ajouter à un prix de transfert de matière première entre KF et CHEMK dans la construction de la valeur normale. Toutefois, elle y aurait finalement renoncé en tenant compte des observations de ces dernières comme le montrerait le considérant 77 de ce règlement, si bien que ladite référence figurait de manière erronée dans ce dernier. Si la requérante a dénoncé à l’audience la motivation confuse dudit règlement, qui aurait porté préjudice à la clarté des discussions préalables à l’adoption des décisions attaquées, elle n’a pas pour autant contesté cette explication. Dès lors, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait changé de méthode pour calculer la valeur normale construite des produits de CHEMK et de KF.

90      Dans ces conditions, le troisième moyen manque en droit et en fait et le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      RFA International, LP est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

da Silva Passos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 novembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.