Language of document : ECLI:EU:C:2018:800

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

4 octobre 2018 (*)

« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) n° 207/2009 – Article 52, paragraphe 1, sous a) – Procédure de nullité – Marque verbale TSA LOCK – Rejet de la demande en nullité – Date pertinente pour l’examen d’une cause de nullité absolue – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire C‑326/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 mai 2018,

Safe Skies LLC, établie à New York (États-Unis), représentée par Me V. Schwepler, Rechtsanwältin,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Travel Sentry Inc., établie à Windermere (États-Unis),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Safe Skies LLC demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 mars 2018, Safe Skies/EUIPO – Travel Sentry (TSA LOCK) (T‑60/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:164), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 novembre 2016 (affaire R 233/2016-4), relative à une procédure de nullité entre Safe Skies et Travel Sentry Inc.

2        À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (ci-après le « règlement n° 207/2009 »).

 Sur le pourvoi

3        En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

4        Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

5        M. l’avocat général a, le 4 septembre 2018, pris la position suivante :

« 1.      Pour les raisons qui seront exposées ci-après, je propose à la Cour, conformément à l’article 181 de son règlement de procédure, de rejeter le pourvoi par lequel Safe Skies demande l’annulation de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 24 novembre 2016, comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. Dans ces conditions, la requérante devra supporter ses propres dépens, conformément à l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement.

2.      Selon le moyen unique de la requérante, au point 25 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait violé les articles 7 et 52 du règlement n° 207/2009 en jugeant que la seule date pertinente aux fins de l’analyse de l’existence d’un motif absolu de refus d’enregistrement de la marque en cause dans une procédure de nullité est celle du dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque.

3.      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la seule date pertinente aux fins de l’analyse de l’existence d’un motif absolu de refus dans une procédure de nullité est celle du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. De plus, le Tribunal a estimé que la possibilité de prendre en considération des éléments postérieurs à la date de dépôt de la demande d’enregistrement, loin d’infirmer cette interprétation, la conforte. En application de ce raisonnement, le Tribunal a, au point 26 de l’arrêt attaqué, écarté de l’analyse de la conformité de la marque contestée à l’article 7 du règlement n° 207/2009 les éléments de preuve comportant une date postérieure à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et qui contenaient des éléments qui ne concernaient pas la situation à cette date.

4.      Premièrement, la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte des éléments de preuve qui sont postérieurs à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, mais antérieurs à la date de cet enregistrement. Selon la requérante, la possibilité admise par la jurisprudence de prendre en compte des éléments postérieurs à la date de la demande d’enregistrement d’une marque confirme la pertinence non seulement des circonstances existant à la date du dépôt de cette demande, mais également des circonstances existant à la date de l’enregistrement de la marque en cause. La requérante vise ainsi à soutenir que la date pertinente aux fins de l’analyse de l’existence de motifs de refus dans une procédure de nullité est la date d’enregistrement de la marque en cause.

5      À cet égard, il y a lieu de rappeler, comme l’a fait le Tribunal au point 25 de l’arrêt attaqué, qu’il est de jurisprudence constante que la seule date pertinente aux fins de l’examen d’une demande de nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 est celle du dépôtde la demande d’enregistrement de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2009, Frosch Touristik/OHMI – DSR touristik (FLUGBÖRSE), T‑189/07, EU:T:2009:172, points 18 et 19 ainsi que jurisprudence citée].

6.      Je relève que la Cour a expliqué que cette conclusion trouve son fondement dans un parallélisme entre l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 et l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement. En effet, l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, auquel l’article 52, paragraphe 1, sous a), de celui-ci fait référence, doit être interprété en ce sens que le caractère distinctif d’une marque doit avoir été acquis par un usage antérieur au dépôt de la demande. Ainsi, un demandeur ne saurait se prévaloir, au cours de la procédure d’enregistrement, du caractère distinctif acquis par un usage postérieur au dépôt de la demande d’enregistrement (ordonnance du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225, point 52 et jurisprudence citée). Cette interprétation relative à la date pertinente aux fins de l’analyse de l’existence d’un motif absolu de refus est, selon la Cour, également applicable dans une procédure de nullité, telle que prévue à l’article 52 du règlement n° 207/2009, lorsqu’une marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 de ce règlement (voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225, point 54).

7.      D’autre part, s’il est vrai que la Cour, dans son ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI (C‑192/03 P, EU:C:2004:587, point 41 et jurisprudence citée), a accepté que le Tribunal prenne en compte des éléments qui, bien que postérieurs à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause, permettaient de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date, elle a précisé que cette prise en compte sert uniquement à confirmer ou à mieux apprécier la portée de l’utilisation de cette marque au cours de la période pertinente, ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de la même période.

8.      Dans ces conditions, c’est à bon droit que le Tribunal a, au point 25 de l’arrêt attaqué, estimé que la circonstance que la jurisprudence admette la prise en compte d’éléments postérieurs à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, loin d’infirmer l’interprétation selon laquelle la seule date pertinente aux fins de l’analyse de l’existence d’un motif de refus dans une procédure de nullité est celle du dépôt de la demande d’enregistrement, la conforte [voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2009, Frosch Touristik/OHMI – DSR touristik (FLUGBÖRSE), T‑189/07, EU:T:2009:172, points 18 et 19 ainsi que jurisprudence citée].

9.      Il s’ensuit que l’argument de la requérante ne saurait prospérer et doit, selon moi, être rejeté comme étant manifestement non fondé.

10.      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la conclusion du Tribunal selon laquelle la seule date pertinente aux fins de l’analyse de l’existence d’un motif absolu de refus dans le cadre d’une procédure de nullité serait la date du dépôt de la demande d’enregistrement est contraire au libellé des articles 52 et 7 du règlement n° 207/2009. En effet, selon la requérante, la référence explicite de ces articles à l’enregistrementde la marque permet de déduire que l’EUIPO doit également prendre en considération de nouveaux développements intervenus pendant la période d’enregistrement.

11.      Il convient de noter, à cet égard, que, comme la Cour l’a déjà constaté au point 57 de l’ordonnance du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik (C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225), l’article 52 du règlement n° 207/2009, qui renvoie à l’article 7 de ce règlement, se limite à prévoir les différentes situations dans lesquelles une marque de l’Union européenne peut être déclarée nulle, mais ne fournit aucune indication quant à la date pertinente afin de procéder à l’examen des causes de nullité absolue. En effet, en utilisant les expressions “sont refusées à l’enregistrement” à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et la marque “a été enregistrée” à l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, le législateur de l’Union détermine les situations dans lesquelles une marque doit être refusée à l’enregistrement ou annulée et non la date pertinente pour l’examen des motifs absolus de refus ou des causes de nullité absolue [voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2009, Frosch Touristik/OHMI – DSR touristik (FLUGBÖRSE), T‑189/07, EU:T:2009:172, point 23, confirmé par l’ordonnance du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225, point 57].

12.      Partant, les arguments de la requérante, tirés du libellé des dispositions pertinentes, sont, à mon sens, manifestement non fondés.

13.      Troisièmement, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir, au point 26 de l’arrêt attaqué, écarté certains éléments de preuve de l’analyse de la conformité de la marque contestée à l’article 7 du règlement n° 207/2009.

14.      Concernant les éléments de preuve qui sont postérieurs à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, mais antérieurs à la date d’enregistrement de cette marque, la requérante soutient que ces éléments auraient dû être pris en considération aux fins de l’analyse de la conformité de ladite marque.

15.      Ce faisant, la requérante tente de remettre en cause la date retenue par la Cour comme date pertinente pour l’analyse d’un motif absolu de refus dans le cadre d’une procédure de nullité, à savoir la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, et de la remplacer par la date d’enregistrementde cette marque. Un tel argument va manifestement à l’encontre de la jurisprudence précitée.

16.      Concernant les documents portant une date postérieure à la date d’enregistrement de la marque contestée, la requérante allègue que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, tous les éléments de preuve qui permettent d’établir les circonstances existant à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ou à la date d’enregistrement de celle-ci auraient dû être considérés comme étant pertinents.

17.      À cet égard, il convient de faire une distinction entre les documents qui permettent de tirer des conclusions sur les circonstances existant à la date d’enregistrementde la marque en cause et ceux qui permettent de tirer des conclusions sur les circonstances existant à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de cette marque.

18.      Au regard des éléments de preuve qui permettent de tirer des conclusions sur les circonstances existant à la date d’enregistrementde la marque en cause, il y a lieu de rappeler de nouveau que la seule date pertinente aux fins de l’examen dans le cadre de la procédure de nullité est la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause. Il s’ensuit que les éléments de preuve postérieurs à la demande d’enregistrement de cette marque qui permettent de tirer des conclusions sur la situation à la date de l’enregistrementde celle-ci sont sans pertinence pour l’analyse de l’existence de motifs de refus dans une procédure de nullité.

19.      Concernant les éléments de preuve qui permettent de tirer des conclusions sur les circonstances existant à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause, je constate que la requérante ne conteste pas ici l’interprétation donnée par le Tribunal au point 25 de l’arrêt attaqué, selon laquelle peuvent être pris en compte dans une procédure de nullité des éléments de preuve qui, bien que postérieurs à la date du dépôtde cette demande d’enregistrement, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. En réalité, la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré de manière erronée que certains éléments de preuve qu’elle avait fournis n’étaient pas susceptibles de donner des informations sur la situation existant à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

20.      J’estime que, par cet argument, la requérante ne soulève pas de question de droit, mais se borne à contester l’appréciation des faits à laquelle le Tribunal s’est livré en jugeant que les documents en question contenaient des éléments qui ne concernaient pas la situation à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

21.      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256 TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 26 mai 2016, Gat Microencapsulation/EUIPO, C‑639/15 P, non publiée, EU:C:2016:376). En l’espèce, aucune dénaturation n’a été alléguée par la requérante.

22.      Par conséquent, le troisième argument de la requérante est, à mon sens, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

23.      Aucun des arguments de la requérante ne pouvant assurément prospérer, il y a donc lieu de rejeter l’ensemble du pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. »

6        Pour les mêmes motifs que ceux retenus par M. l’avocat général, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

7        Conformément à l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance. En l’espèce, la présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi ne soit signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.

2)      Safe Skies LLC supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.