Language of document : ECLI:EU:T:2019:496

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 juillet 2019 (*)

« Clause compromissoire – Sixième et septième programmes-cadres pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration – Décision de recouvrement par compensation de créances de l’Union au titre de l’exécution de contrats – Protection juridictionnelle effective – Droit de saisir le Médiateur – Règlement financier – Caractère certain d’une créance – Confiance légitime – Principe de non-discrimination – Principe de bonne administration – Détournement de pouvoir – Responsabilité contractuelle – Rapport d’audit – Coûts éligibles »

Dans l’affaire T‑805/16,

Instytut Podstawowych Problemów Techniki Polskiej Akademii Nauk (IPPT PAN), établi à Varsovie (Pologne), représenté par Me M. Le Berre, avocat,

partie requérante,

soutenu par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme M. Siekierzyńska et M. P. Rosa Plaza, puis par Mme Siekierzyńska et M. F. van den Berghe, en qualité d’agents,

et

Agence exécutive pour la recherche (REA), représentée par Mmes S. Payan-Lagrou et V. Canetti, en qualité d’agents, assistées de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 6 septembre 2016 de procéder au recouvrement de ses prétendues créances à l’égard du requérant au titre de deux contrats conclus dans le cadre du sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration, par compensation avec les sommes que la REA doit au requérant au titre d’une convention de subvention conclue dans le cadre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant à la constatation de l’inexistence des prétendues créances de la Commission au titre des deux contrats conclus dans le cadre du sixième programme-cadre précité et à obtenir la condamnation de la Commission et de la REA à lui verser la somme de 69 623,94 euros au titre de la convention de subvention conclue dans le cadre du septième programme-cadre précité, ainsi que des intérêts de retard,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, M. E. Bieliūnas et Mme A. Marcoulli (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, Instytut Podstawowych Problemów Techniki Polskiej Akademii Nauk (IPPT PAN), est un institut de recherche publique sans but lucratif créé en 1952 par l’Académie polonaise des sciences.

2        Dans le cadre de la décision no 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002, relative au sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) (JO 2002, L 232, p. 1), le requérant a conclu deux contrats avec la Commission des Communautés européennes, agissant au nom de la Communauté européenne. Ainsi, le 12 novembre 2004, il a conclu, en qualité de coordonnateur, le contrat no 502243 pour le projet « Knowledge-based Multicomponent Materials for Durable and Safe Performance » (NMP3-CT‑2004-502243) (ci-après le « projet KMM-NOE » ou le « contrat KMM-NOE »). Le 7 mai 2004, il a conclu, en tant que membre d’un consortium, le contrat no 510408 pour le projet « Boosting 4 ACC NCPs and their customers to advanced partnership, entrepreneurship and competitiveness for FP6 participation through expanded area of action by networking, training and coaching » (INCO-CT‑2004-510408) (ci-après le « projet Boosting Baltic » ou le « contrat Boosting Baltic »).

3        Ces deux contrats comprennent chacun six annexes qui font partie intégrante des contrats. La deuxième de ces annexes se rapporte aux conditions générales applicables à chaque contrat. Selon leur article 12, ces contrats sont régis par le droit belge.

4        Par ailleurs, dans le cadre de la décision no 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) (JO 2006, L 412, p. 1), le requérant a conclu, le 9 décembre 2011, avec l’Agence exécutive pour la recherche (REA), agissant sur délégation de la Commission, la convention de subvention no 284995 pour le projet « Smart Technologies for Transport Safety – Innovation Cluster Nesting » (PIAPP-GA-2011-284995) (ci-après le « projet SMART-NEST » ou la « convention SMART-NEST »), pour laquelle le requérant était coordonnateur.

5        Cette convention comprend sept annexes qui font partie intégrante de la convention. La deuxième de ces annexes se rapporte aux conditions générales applicables à cette convention. L’article 9, premier alinéa, de cette convention prévoit qu’elle est régie par ses propres stipulations, par les actes de l’Union relatifs au septième programme-cadre, par le « règlement financier applicable au budget général et ses règles d’application » ainsi que par les autres règles du droit de l’Union et, à titre subsidiaire, par le droit belge.

6        Le 12 février 2010, la Commission a lancé un audit concernant les états financiers du requérant pour trois projets, dont les projets KMM-NOE et Boosting Baltic. L’audit a porté sur l’ensemble de la période d’exécution de ces contrats, à savoir du 1er novembre 2004 au 31 janvier 2009 pour le projet KMM-NOE et du 1er juin 2004 au 31 janvier 2007 pour le projet Boosting Baltic. Il a abouti à l’adoption d’un rapport final, adressé au requérant par la Commission, par lettre du 26 août 2013. Ce rapport remettait en cause l’éligibilité de certains coûts de sous-traitance et de personnel. S’agissant, en particulier, des coûts de personnel, les auditeurs ont considéré que la rémunération supplémentaire allouée au titre des projets en cause, par le biais de « primes à la tâche », était, selon le règlement interne de primes du requérant et en pratique, plus élevée que celle qui était allouée au titre des projets nationaux. Ils ont également relevé que le taux des « primes à la tâche » était déterminé au cas par cas, sans critères objectifs.

7        Le 9 avril 2015, à la suite d’un échange de correspondances entre les parties, la Commission a informé le requérant qu’elle allait mettre en œuvre les conclusions de l’audit financier.

8        Le 23 juin 2015, le requérant a déposé une plainte auprès du Médiateur européen alléguant de la mauvaise administration de la Commission quant au rejet de coûts de sous-traitance et de personnel.

9        Le 28 juillet 2015, la Commission a adressé au requérant une lettre de préinformation dans laquelle elle lui faisait part de son intention de recouvrer la somme de 154 704,24 euros pour les projets KMM-NOE et Boosting Baltic et indiquait qu’une note de débit allait être émise à cet égard.

10      Le 13 novembre 2015, à la suite de nouveaux échanges de correspondances entre la Commission et le requérant, la note de débit no 3241514040 d’un montant de 154 704,24 euros a été émise.

11      Le 17 décembre 2015, le Médiateur a informé la Commission qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour enquêter sur la plainte du requérant concernant le rejet par la Commission de certains coûts de personnel déclarés dans les projets audités. En revanche, le Médiateur a décidé d’ouvrir une enquête sur une prétendue mauvaise administration concernant le rejet par la Commission de certains coûts de sous-traitance.

12      Le 26 mai 2016, la Commission a informé le requérant de son intention de renoncer au recouvrement des coûts de sous-traitance. Le 4 août 2016, la Commission a émis la note de crédit no 3233160082 d’un montant de 86 720,11 euros.

13      Par lettre du 6 septembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), le comptable de la Commission a informé le requérant de sa décision de procéder, dans un délai de deux semaines, en application de l’article 80, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1) (ci-après le « règlement financier »), à une compensation entre le montant devant lui être payé par la Commission au titre du remboursement du fonds de garantie, dans le cadre du projet SMART-NEST, à savoir 87 768,10 euros, et les prétendues créances de la Commission à son égard, liées aux projets KMM-NOE et Boosting Baltic. Selon la Commission, ces créances s’établissaient, compte tenu de la note de crédit émise à la suite de la renonciation au recouvrement des coûts de sous-traitance et des intérêts de retard appliqués, à la somme de 69 623,94 euros. Le solde en faveur du requérant s’élevait ainsi à 18 144,16 euros. Cette somme lui a été payée le 7 décembre 2016.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 novembre 2016, le requérant a introduit le présent recours.

15      Le 15 février 2017, la Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal.

16      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 février 2017, la REA a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, en tant que le recours était dirigé à son égard. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 7 avril 2017.

17      Le requérant a déposé la réplique au mémoire en défense de la Commission le 19 avril 2017.

18      La Commission a déposé la duplique le 31 mai 2017.

19      Par acte du 23 juin 2017, le requérant a produit une nouvelle offre de preuve, sur laquelle la Commission et la REA ont produit leurs observations.

20      Par ordonnance du 25 septembre 2017, le Tribunal a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

21      Le 7 novembre 2017, la REA a produit le mémoire en défense.

22      Par décision du 7 novembre 2017, le président de la septième chambre a admis l’intervention de la République de Pologne au soutien des conclusions du requérant.

23      Le 5 janvier 2018, le requérant a déposé la réplique au mémoire en défense de la REA.

24      Le mémoire en intervention de la République de Pologne a été déposé le 8 janvier 2018.

25      Les observations de la REA et de la Commission sur le mémoire en intervention de la République de Pologne ont été déposées respectivement les 6 et 7 février 2018.

26      Le 20 février 2018, la REA a déposé la duplique.

27      Par mesure d’organisation de la procédure du 30 octobre 2018, adoptée en vertu de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal a invité l’ensemble des parties à répondre à plusieurs questions. Les parties y ont répondu dans les délais impartis. En particulier, dans la réponse du 19 novembre 2018, la Commission a indiqué au Tribunal qu’elle avait procédé, le 21 février 2017, au remboursement au requérant, d’une part, de la somme de 1 498,34 euros correspondant à la partie des indemnités forfaitaires excédant le seuil de 10 % de la contribution financière prétendument injustifiée perçue par le requérant dans le cadre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic et, d’autre part, de la somme de 1 639,81 euros correspondant aux intérêts de retard qui avaient été appliqués.

28      Par mesure d’organisation de la procédure du 25 janvier 2019, adoptée en vertu de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la question de savoir si, compte tenu du remboursement de la somme, au principal, de 1 498,34 euros, mentionné au point 27 ci-dessus, l’objet du litige avait partiellement disparu. Les parties y ont répondu dans les délais impartis. En particulier, le requérant a produit la note de crédit no 3234170031 émise par la Commission le 15 février 2017 en vue du remboursement de la somme de 1 498,34 euros et a modifié ses conclusions.

29      Le requérant, soutenu par la République de Pologne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer que c’est à tort que la Commission a émis la note de débit no 3241514040 (réduite par la note de crédit no 3233160082) et que le montant correspondant de 67 984,13 euros n’est pas dû ;

–        condamner la Commission et la REA à lui verser, en vertu du projet SMART-NEST, la somme de 69 623,94 euros, assortie des intérêts ayant commencé à courir à compter de la décision attaquée ;

–        déclarer qu’il n’est pas tenu de verser une indemnité forfaitaire à la Commission dans le cadre des projets KMM-NOE et Boosting Baltic ou qu’il y a lieu de réduire le montant de cette indemnité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      En réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 25 janvier 2019, le requérant a modifié le troisième chef de conclusions de la requête en réduisant le montant de la note de débit contestée. Ainsi, par ce chef de conclusions, il demande au Tribunal de déclarer que c’est à tort que la Commission a émis la note de débit no 3241514040 (réduite par les notes de crédit nos 3233160082 et 3234170031) et que le montant correspondant de 66 485,79 euros n’est pas dû.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

32      La REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

33      Le requérant a introduit un recours ayant explicitement pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et visant à l’annulation de la décision attaquée (deuxième chef de conclusions) et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 272 TFUE et visant à la mise en œuvre des droits découlant des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, conclus avec la Commission, et de la convention SMART-NEST, conclue avec la REA, et à la condamnation subséquente de la Commission et de la REA (troisième à cinquième chefs de conclusions).

34      S’agissant de la demande fondée sur l’article 272 TFUE, il y a lieu de relever que, par ses troisième et cinquième chefs de conclusions, tendant à ce que le Tribunal déclare respectivement que c’est à tort que la Commission a émis la note de débit no 3241514040 (réduite par les notes de crédit nos 3233160082 et 3234170031), le montant correspondant de 66 485,79 euros n’étant pas dû, et qu’il n’est pas tenu de verser une indemnité forfaitaire à la Commission dans le cadre des projets KMM-NOE et Boosting Baltic ou qu’il y a lieu de réduire cette indemnité, le requérant doit être regardé comme demandant au Tribunal de constater l’inexistence totale ou partielle de la créance que la Commission prétend détenir en vertu des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

35      Quant au quatrième chef de conclusions formé au titre de la convention SMART-NEST, il tend à la condamnation de la Commission et de la REA à verser au requérant la somme prétendument due au titre de cette convention. À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 6 de ladite convention et du point II.19 de ses conditions générales, une somme de 87 768,10 euros a été versée par le requérant, au nom des bénéficiaires de la convention, au titre de la contribution au fonds de garantie. Cette somme devait être restituée auxdits bénéficiaires, par l’intermédiaire du requérant, lors du paiement final, après l’achèvement du projet. La REA indique qu’elle a engagé le paiement final le 1er septembre 2016 et que la restitution de la contribution au fonds de garantie devait intervenir par un paiement séparé. Toutefois, par la décision attaquée, le comptable de la Commission a informé le requérant que la dette de la REA à son égard au titre de la convention SMART-NEST et liée à la restitution des sommes versées dans le cadre du fonds de garantie serait compensée avec les créances de la Commission à son égard au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

36      Il s’ensuit que la REA ne conteste pas qu’une somme de 87 768,10 euros était due au requérant et que seul un paiement partiel a été effectué entre les mains de ce dernier, le solde ayant été payé par compensation.

37      Dans ces conditions, il y a lieu de relever que, en substance, s’agissant de la convention SMART-NEST, le litige porte uniquement sur la question de savoir si la décision attaquée a régulièrement éteint la créance du requérant à l’égard de la REA liée au remboursement du fonds de garantie. Cette question doit être examinée tant au regard des moyens propres dirigés contre la décision attaquée, dans le cadre du recours fondé sur l’article 263 TFUE, que de l’existence même des créances de la Commission au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, contestée dans le cadre du recours fondé sur l’article 272 TFUE.

38      Partant, il appartient au Tribunal d’examiner d’abord, d’une part, la demande fondée sur l’article 272 TFUE en tant qu’elle vise à contester l’existence des créances de la Commission au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic et, d’autre part, la demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision attaquée et, ensuite, d’en tirer les conséquences quant à la prétendue créance au titre de la convention SMART-NEST.

 Sur le recours en tant qu’il est fondé sur l’article 272 TFUE et sur les contrats KMM-NOE et Boosting Baltic (troisième et cinquième chefs de conclusions)

39      Le requérant fait valoir cinq moyens tirés, en substance, le premier, du respect de ses obligations prévues au point II.19, paragraphe 1, des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, le deuxième, de ce que les faits allégués par la Commission visant à justifier le non-respect de ces stipulations ne seraient pas établis, le troisième, du fait que la Commission n’aurait pas valablement établi ce qu’elle avançait, le quatrième, de l’absence d’exécution de bonne foi des obligations contractuelles de la Commission et, le cinquième, du caractère excessif du montant de l’indemnité forfaitaire réclamée en application des stipulations du point II.30 des conditions générales desdits contrats, laquelle devrait être supprimée ou réduite en vertu de l’article 1231 du code civil belge.

40      Il y a lieu de traiter ensemble les premier et deuxième moyens, lesquels portent sur l’éligibilité des dépenses déclarées à la Commission dans le cadre de l’exécution des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, le requérant faisant valoir que les constatations opérées par la Commission dans le rapport d’audit final ne sont pas fondées et qu’il aurait démontré l’éligibilité des dépenses engagées. De même, il convient d’examiner ensemble les troisième et quatrième moyens relatifs au déroulement de la procédure qui a conduit à l’adoption du rapport d’audit final et qui a suivi la remise dudit rapport.

 Observations liminaires

–       Sur la compétence du Tribunal

41      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 272 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte. Conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal est compétent pour connaître en première instance des recours visés à l’article 272 TFUE.

42      En l’espèce, le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours en tant qu’il est fondé sur l’article 272 TFUE, en vertu de la clause compromissoire figurant à l’article 13 des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, laquelle stipule que le Tribunal est compétent pour connaître des litiges entre l’Union et ses contractants concernant la validité, l’application ou l’interprétation desdits contrats.

–       Sur le droit applicable au litige

43      Il convient de rappeler que, saisi dans le cadre d’une clause compromissoire en vertu de l’article 272 TFUE, le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel applicable au contrat (arrêt du 4 février 2016, Isotis/Commission, T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63, point 51).

44      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que, en application de l’article 12 des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, le droit matériel applicable est le droit belge.

45      L’article 1134, troisième alinéa, du code civil belge prévoit que « [les conventions] doivent être exécutées de bonne foi ».

46      Selon l’article 1231 du code civil belge :

« 1. Le juge peut, d’office ou à la demande du débiteur, réduire la peine qui consiste dans le paiement d’une somme déterminée lorsque cette somme excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l’inexécution de la convention.

En cas de révision, le juge ne peut condamner le débiteur à payer une somme inférieure à celle qui aurait été due en l’absence de clause pénale.

2. La peine peut être réduite par le juge lorsque l’obligation principale a été exécutée en partie.

3. Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite. »

47      Aux termes de l’article 1291, premier alinéa, du code civil belge, « [l]a compensation n’a lieu qu’entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d’argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles ».

48      L’article 1315 du code civil belge dispose :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés de l’éligibilité des dépenses de personnel en cause

49      En premier lieu, le requérant soutient qu’il a respecté ses obligations découlant du point II.19, paragraphe 1, des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

50      Le requérant fait valoir que, au cours des années en litige, il a accordé à son personnel des rémunérations supplémentaires sous des formes juridiques différentes. Ainsi, le personnel travaillant sur des projets de recherche financés par l’Union, en l’espèce, sur les projets KMM-NOE et Boosting Baltic, bénéficiait de « primes à la tâche ». Le personnel travaillant sur des projets financés au niveau national pouvait bénéficier de « contrats portant tâches particulières », lesquels constituaient, selon le requérant, un outil juridique souple limité à un résultat, à un prix et à une échéance, ne nécessitant ainsi pas de relevés horaires.

51      Le requérant fait valoir que ces deux systèmes de rémunérations supplémentaires ont trait à un même type d’activités, à savoir du travail de recherche. Il ajoute que les « contrats portant tâches particulières » ont été exécutés conformément au droit national en vigueur, lequel excluait de recourir à des taux horaires, et que l’utilisation de ces contrats était préconisée par les autorités polonaises. Il ajoute que les deux types de rémunérations sont alloués sous le contrôle direct de son directeur, à l’issue de procédures claires et transparentes, tenant compte notamment du niveau d’expérience des chercheurs et de la complexité des travaux à mener.

52      Sur la base des tableaux individuels qu’il a établis et transmis à la Commission, le requérant fait valoir que, sur les années en litige, le niveau des rémunérations supplémentaires allouées aux chercheurs travaillant sur des projets nationaux est généralement plus élevé que celui des rémunérations supplémentaires accordées au personnel travaillant sur des projets financés par l’Union. Par ailleurs, il résulterait d’un échantillon de 17 membres de son personnel travaillant sur le projet KMM-NOE que ces derniers auraient gagné l’essentiel de leur rémunération supplémentaire dans le cadre de projets de recherche nationaux. À cet égard, le requérant soutient que la Commission ne saurait se retrancher derrière l’absence de taux horaires dans les « contrats portant tâches particulières » pour écarter toute comparaison économique entre les rémunérations allouées dans le cadre des projets financés par l’Union et les projets nationaux alors que, premièrement, d’autres critères de comparaison, tels des taux mensuels, ont été fournis, deuxièmement, la Commission aurait fait preuve d’une certaine souplesse avec les autorités polonaises lors des négociations menées notamment sur ces projets ainsi que l’attesterait la lettre du ministre des Sciences et de l’Enseignement supérieur polonais du 17 août 2006 et la lettre de la Commission du 13 novembre 2014 et, troisièmement, le principe d’équivalence entre les rémunérations versées au titre de projets nationaux et celles versées au titre de projets financés par l’Union s’inscrirait dans une politique que la Commission entendrait appliquer rétroactivement, ainsi que l’attesteraient les déclarations d’un de ses membres.

53      À cet égard, la République de Pologne fait valoir l’incohérence manifeste du comportement de la Commission qui écarte comme inéligibles les frais de personnel alors qu’elle avait jugé suffisants les « contrats portant tâches particulières », ainsi que cela résulte de la lettre du 17 août 2006 citée au point 52 ci-dessus, et que ces frais ont été admis dans le cadre des projets relevant du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration. La République de Pologne soutient qu’un tel comportement viole le principe de protection de la confiance légitime ainsi que le principe de coopération loyale entre les États membres et fait valoir, en se prévalant de la décision du Médiateur du 22 juin 2017, que la question de l’éligibilité des coûts de personnel devrait être traitée dans le respect des principes d’équité et de justice.

54      Le requérant soutient également que les taux de rémunération supplémentaire accordés à son personnel sont conformes aux standards du marché local, notamment aux rémunérations allouées par les autres institutions d’Europe centrale, et que la démonstration menée à cet égard est pertinente pour justifier du caractère économique des coûts de personnel contestés.

55      Selon le requérant, les griefs de la Commission ne remettent pas en cause le caractère économiquement rationnel de la rémunération supplémentaire litigieuse, au sens de l’arrêt du 19 février 2016, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission (T‑53/14, non publié, EU:T:2016:88), mais condamnent plutôt, de fait, l’utilisation des « contrats portant tâches particulières » par le requérant et d’autres institutions comparables en Pologne, laquelle aurait pourtant été acceptée s’agissant d’autres bénéficiaires.

56      En second lieu, le requérant soutient que, compte tenu des éléments transmis à la Commission, celle-ci n’a pas apporté la preuve qui lui incombait selon laquelle les coûts du personnel seraient plus élevés dans les projets financés par l’Union. À cet égard, il reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que si, certes, la réglementation interne prévoyait effectivement un plafonnement à 50 % de la rémunération supplémentaire pour les projets nationaux, celui-ci n’était pas appliqué dans les faits. Il reproche également à la Commission d’avoir défendu plusieurs thèses successives en soutenant, d’une part, que les rémunérations allouées au personnel travaillant sur des projets financés par l’Union n’étaient pas conformes aux conditions du marché et, d’autre part, que la comparaison entre les deux systèmes de primes n’était pas pertinente, voire était impossible.

57      Le requérant fait également valoir que la Commission a opéré une correction arbitraire dès lors qu’elle s’est fondée sur le plafonnement erroné de 50 % et que, de l’aveu même de la Commission, l’application d’autres taux aurait pu se défendre et était d’ailleurs en cours d’examen.

58      Le requérant soutient, en outre, que la Commission a dénaturé certains des éléments de preuve qu’il avait fournis. Ainsi, aux fins de la comparaison entre les rémunérations supplémentaires accordées au personnel travaillant sur des projets financés par l’Union ou au niveau national, la Commission aurait omis de prendre en compte la somme de deux millions d’euros versée par le requérant à ses chercheurs travaillant sur des projets nationaux, en rémunération des « contrats portant tâches particulières ». Elle n’aurait, en outre, donné aucune suite aux éléments de preuve apportés par le requérant établissant que, au cours de la période 2005-2008, il n’aurait versé aucune rémunération supplémentaire au personnel travaillant sur des projets nationaux, en vertu de son programme interne de primes. Le requérant en conclut qu’en appliquant une correction qu’elle sait arbitraire et dénuée de fondement, la Commission tente de renverser la charge de la preuve.

59      La Commission soutient que les moyens ne sont pas fondés.

60      S’agissant des premier et deuxième moyens, le requérant et la Commission s’opposent, en substance, quant à la question de savoir si la Commission a pu exclure des dépenses éligibles la partie des « primes à la tâche » excédant 50 % du salaire mensuel de base.

61      À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission est liée, conformément à l’article 317 TFUE, par l’obligation de bonne et saine gestion financière des ressources de l’Union. Elle a notamment l’obligation de contrôler que les moyens budgétaires de l’Union sont utilisés conformément aux fins prévues. En vertu de cette obligation, dans les conventions de subvention que la Commission conclut au nom et pour le compte de l’Union, elle soumet l’octroi de la subvention à des conditions qui garantissent que la contribution financière de l’Union sert effectivement à financer le projet pour l’exécution duquel cette contribution a été octroyée. L’octroi de la subvention est ainsi conditionné au respect de certains critères qui déterminent les coûts éligibles à être remboursés dans le cadre du projet en cause ainsi qu’au respect, par le bénéficiaire, de certaines obligations portant, notamment, sur la justification financière des coûts déclarés comme ayant été encourus pour l’exécution dudit projet ou de ladite action. Le bénéficiaire de la subvention n’acquiert donc un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si l’ensemble des conditions auxquelles l’octroi de la subvention est subordonné sont remplies. Compte tenu de l’objectif qu’elles poursuivent, les conditions ainsi stipulées revêtent une importance fondamentale dans l’économie des conventions de subvention (voir arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 146 et jurisprudence citée).

62      En l’espèce, selon le point II.19, paragraphe 1, sous a) à d), des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, pour être éligibles, les coûts exposés pour l’exécution de chaque projet doivent, notamment, a) être réels, économiques et nécessaires à sa réalisation, b) avoir été déterminés conformément aux principes comptables usuels du contractant, c) avoir été encourus pendant la durée du projet, sauf exceptions, d) avoir été inscrits dans les comptes du contractant qui les a encourus, au plus tard à la date de l’établissement du certificat d’audit visé au point II.26 desdites conditions générales, et les méthodes comptables utilisées pour l’enregistrement des coûts et des recettes doivent être conformes aux règles comptables utilisées dans l’État où le contractant est établi et doivent permettre le rapprochement des coûts encourus et des recettes perçues dans le cadre de la réalisation du projet ainsi que de l’état général des comptes relatifs à son activité commerciale globale.

63      Quant aux catégories de dépenses pouvant être engagées au titre de l’exécution des projets, les points II.20 et II.21 des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic identifient respectivement les coûts directs et indirects. Selon le point II.20, paragraphe 1, des conditions générales, les coûts directs sont tous les coûts éligibles, au sens du point II.19, paragraphe 1, desdites conditions générales, qui peuvent être identifiés par le contractant conformément à son système comptable et qui peuvent être attribués directement au projet. En vertu du point II.20, paragraphe 2, de ces conditions générales, les coûts directs de personnel doivent être limités aux coûts réels du personnel affecté au projet.

64      Par ailleurs, en vertu de l’article II.29, paragraphe 1, des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, la Commission peut, à tout moment pendant le contrat en cause ou jusqu’à cinq ans après son terme, faire procéder à un audit financier soit par des examinateurs ou des auditeurs externes, soit par ses propres services, soit par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Les montants qui seraient dus à la Commission en raison des résultats de ces audits peuvent faire l’objet d’un recouvrement.

65      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il incombe, dans le cadre d’un contrat qui contient une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE, à la partie qui a déclaré des coûts à la Commission pour l’attribution d’une contribution financière de l’Union d’apporter la preuve que lesdits coûts étaient des coûts réels qui ont effectivement été nécessaires et encourus pour l’exécution du projet pendant la durée de celui-ci. Toutefois, dans l’hypothèse où la Commission demanderait le remboursement d’une créance à la suite d’un audit financier, il lui incomberait de prouver, à condition que la partie requérante ait produit les relevés de frais et autres renseignements pertinents, que la prestation contractuelle est défectueuse ou que les relevés de frais ne sont pas exacts ou crédibles (voir arrêt du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net/Commission, T‑703/14, non publié, EU:T:2017:34, point 84 et jurisprudence citée).

66      En l’espèce, il ressort du rapport d’audit final adressé au requérant par lettre de la Commission du 26 août 2013 que les coûts de personnel déclarés dans le cadre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, à savoir 850 228,43 euros au titre du contrat KMM-NOE et 63 907,91 euros au titre du contrat Boosting Baltic, n’ont été considérés par la Commission comme des coûts éligibles qu’à hauteur des montants respectifs de 745 246,22 et de 46 823,33 euros. Les auditeurs ont en effet considéré qu’une partie des primes versée par le requérant à son personnel et déclarée au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic correspondait à des coûts qui n’étaient ni économiques ni déterminés conformément aux principes comptables usuels du requérant, au sens du point II.19, paragraphe 1, sous a) et b), des conditions générales de ces contrats.

67      À cet égard, les auditeurs ont relevé que, selon le règlement interne de primes du requérant, les membres de son personnel pouvaient prétendre, en plus du salaire mensuel de base, au versement de différentes primes, dont une « prime à la tâche » en raison de leur participation à un projet particulier. Ils ont constaté que le montant de la « prime à la tâche » était défini chaque mois en fonction, d’une part, du temps effectivement dédié à la réalisation du projet particulier par chaque agent et, d’autre part, du montant mensuel maximal théorique de ladite prime, exprimé, pour chaque agent, en un pourcentage de leur salaire mensuel de base. Les auditeurs ont relevé que la « prime à la tâche » ainsi allouée dépendait également d’autres facteurs, tel le budget disponible. Ils ont également constaté que, selon le règlement interne de primes, le montant maximal théorique de la « prime à la tâche » variait selon l’origine du financement des projets. Ainsi, dans le cas de projets financés par l’Union ou par d’autres sources internationales, les « primes à la tâche » pouvaient représenter jusqu’à 300 % du salaire mensuel de base. En revanche, dans le cas de projets nationaux, le montant des « primes à la tâche » était plafonné à 50 % dudit salaire.

68      Les auditeurs ont ensuite déterminé et comparé les taux horaires réels du personnel pour le salaire de base, les « primes à la tâche » versées au personnel travaillant sur les projets KMM-NOE et Boosting Baltic et les « primes à la tâche » versées au personnel travaillant sur d’autres projets. Ils en ont conclu que le personnel du requérant travaillant sur les projets KMM-NOE et Boosting Baltic avait bénéficié de « primes à la tâche » à un taux horaire nettement supérieur au taux appliqué dans le cadre du salaire de base et dans le cadre des « primes à la tâche » afférentes aux projets non financés par l’Union. Les auditeurs ont également relevé que l’octroi de ces primes était effectué au cas par cas, au regard de critères non formalisés, indépendamment de tout élément objectif.

69      Les auditeurs ont alors considéré que les frais de personnel résultant du versement des « primes à la tâche » n’étaient éligibles qu’à hauteur d’un montant plafonné à 50 % du salaire mensuel de base, à savoir le taux maximal fixé pour le personnel ne travaillant pas sur des projets financés par l’Union ou par d’autres sources internationales.

–       Sur la référence au plafonnement à 50 % du salaire mensuel de base des « primes à la tâche »

70      Le requérant fait valoir, premièrement, que le paragraphe 7, point 3, sous b), du règlement interne de primes applicable à compter du 1er janvier 2005 (ci-après le « règlement de 2005 »), instituant le plafonnement de certaines « primes à la tâche » à 50 % du salaire mensuel de base, a été « maintenu par erreur » dans ce règlement et qu’il aurait dû être supprimé, deuxièmement, que cette disposition n’a pas été appliquée sur la période litigieuse, troisièmement, que le montant des primes effectivement versées aux agents au titre de projets de recherche nationaux a excédé le plafond de 50 % fixé par ladite disposition et, quatrièmement, qu’un tel plafond serait arbitraire.

71      Il ressort des pièces du dossier que le règlement interne de primes du requérant adopté au cours de l’année 1993 (ci-après le « règlement de 1993 ») stipulait que le montant des « primes à la tâche » était plafonné, pour tous types d’activités, sans distinction, à deux rémunérations moyennes dans cinq secteurs de l’économie. Ce règlement a été abrogé et remplacé par le règlement de 2005.

72      Le règlement de 2005 prévoit la possibilité de verser différents types de primes aux membres du personnel, dont les « primes à la tâche », dont l’octroi est, selon le paragraphe 4 dudit règlement, lié à la réalisation de tâches supplémentaires. Le paragraphe 7, point 1, de ce même règlement précise en effet que les « primes à la tâche » peuvent être accordées dans le cas où l’employé se voit confier des tâches excédant le cadre de ses obligations ou exigeant des prestations en dehors des heures normales de travail. Le paragraphe 7, point 3, sous a) à d), définit les modalités de calcul du montant de cette prime. Ainsi, en substance, celle-ci est plafonnée à 50 % du salaire mensuel de base de l’employé lorsqu’elle se rapporte à la réalisation de tâches liées aux missions statutaires du requérant, à la réalisation par un chercheur de travaux financés au niveau national ou de certaines autres tâches. En revanche, la prime peut représenter jusqu’à 300 % du salaire mensuel de base de l’employé lorsqu’il travaille sur des projets de recherche au titre des programmes-cadres de l’Union, des fonds structurels ou d’autres programmes financés par des sources étrangères.

73      Premièrement, le requérant n’établit pas que le paragraphe 7, point 3, sous b), aurait été maintenu par erreur dans le règlement de 2005. En effet, d’une part, le règlement de 1993 ne comportait aucune disposition similaire qui aurait pu être maintenue par erreur dans le règlement de 2005. D’ailleurs, ainsi qu’il a été indiqué au point 71 ci-dessus, le règlement de 1993 n’opérait aucune distinction entre le montant des primes allouées selon l’origine du financement des projets de recherche. D’autre part, ainsi que l’a relevé la Commission, dans sa lettre du 9 avril 2015, le règlement de 2005 a été produit aux auditeurs par le requérant, sans aucune réserve tenant au caractère erroné de la disposition du paragraphe 7, point 3, sous b), dudit règlement.

74      Deuxièmement, la Commission ne conteste pas que, sur la période litigieuse, le personnel travaillant dans le cadre de projets financés au niveau national a perçu des « rémunérations supplémentaires » exclusivement dans le cadre de « contrats portant tâches particulières », à l’exception de toute « prime à la tâche ». Toutefois, ainsi que la Commission l’a fait valoir dans sa lettre du 9 avril 2015, le fait que le paragraphe 7, point 3, sous b), du règlement de 2005 n’ait pas été appliqué ne saurait affecter sa validité, ni même simplement rendre non pertinente la référence de la Commission à cette disposition, introduite dans le règlement de 2005, lequel a été adopté concomitamment à la mise en œuvre des projets en cause.

75      Troisièmement, en tant que le requérant fait valoir que, dans les faits, le montant des primes allouées dans le cadre de projets nationaux a, au cours de la période litigieuse, largement excédé le plafond de 50 %, force est de constater qu’il se réfère aux sommes versées au titre des « contrats portant tâches particulières », lesquels sont régis par un décret du ministre des Sciences et de l’Informatisation polonais du 4 août 2005 relatif aux critères et aux procédures d’octroi et de présentation financière des fonds en matière scientifique, qui ne fixe aucun plafond. Un tel argument n’est donc pas de nature à établir le non-respect, en pratique, du plafond de 50 % fixé par le paragraphe 7, point 3, sous b), du règlement de 2005.

76      Quatrièmement, la circonstance que la Commission a envisagé d’autres taux de correction des frais de personnel qui, selon elle, auraient entraîné des ajustements supérieurs au détriment du requérant, n’est pas de nature à établir que le taux de correction ainsi retenu par la Commission serait arbitraire alors qu’il correspond à l’application du plafond de 50 % fixé dans le règlement de 2005 et que, ainsi que cela a été indiqué au point 73 ci-dessus, il n’a pas été établi que ce plafond avait été maintenu par erreur dans ce règlement.

77      Il s’ensuit que le requérant n’est pas fondé à soutenir que la Commission s’est référée à tort au plafond de 50 % fixé dans le règlement de 2005.

–       Sur l’absence de prise en compte des rémunérations accordées au titre des « contrats portant tâches particulières »

78      Le requérant conteste l’absence de prise en compte des rémunérations versées au titre des « contrats portant tâches particulières » aux fins de vérifier le caractère économique des « primes à la tâche » versées au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

79      Tout d’abord, il y a lieu de relever que les « primes à la tâche » et les primes allouées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières » relèvent de deux régimes juridiques distincts.

80      S’agissant des « primes à la tâche », il y a lieu de rappeler qu’elles sont prévues par le règlement interne de 2005 et visent, selon le paragraphe 7, point 1, de ce règlement, à rémunérer des tâches excédant le cadre des obligations du personnel ou exigeant des prestations en dehors des heures normales de travail. Le montant des « primes à la tâche » est déterminé au regard du salaire mensuel de l’employé. Comme cela est expliqué dans le rapport d’audit, et admis par le requérant, chaque mois, le montant de la prime à verser est déterminé au regard du montant de référence de la prime mensuelle, exprimé en pourcentage du salaire de base (projet KMM-NOE), ou d’un taux horaire (projet Boosting Baltic) et de la part du temps effectivement consacrée par l’agent auxdits projets. Ce dernier doit en effet effectuer un relevé des heures consacrées aux projets, objets de « primes à la tâche ».

81      S’agissant des « contrats portant tâches particulières », ils ont été institués par un décret du ministre des Sciences et de l’Informatisation polonais, du 4 août 2005 relatif aux critères et aux procédures d’octroi et de présentation financière des fonds en matière scientifique. Ces contrats prévoient le versement d’un prix forfaitaire rémunérant certains travaux devant être délivrés à une date déterminée. Le chercheur ne procède ainsi à aucun relevé horaire, mais s’engage sur une date de livraison du projet. Les travaux, objets des « contrats portant tâches particulières », ne peuvent être réalisés durant les heures de travail, ainsi que le requérant l’a lui-même confirmé dans sa réponse du 20 juillet 2011 à la question d’un auditeur.

82      Ensuite, s’agissant de la comparaison entre les rémunérations versées au titre des « contrats portant tâches particulières » et des « primes à la tâche », le requérant se fonde sur différents tableaux dont il résulterait, selon lui, que les niveaux de rémunération allouée au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic et au titre des projets nationaux seraient similaires, voire que les chercheurs travaillant sur des projets nationaux bénéficieraient d’un niveau de rémunération supérieur.

83      À cet égard, les tableaux transmis en annexe 27 à la requête précisent, pour chacune des années en cause, le salaire annuel de base de 83 chercheurs ainsi que, d’une part, la rémunération annuelle qui leur a été allouée au titre des projets nationaux et le rapport entre cette rémunération et leur salaire de base et, d’autre part, la rémunération annuelle versée au titre des projets financés par l’Union et le rapport entre cette rémunération et leur salaire de base. Les tableaux transmis en annexe 28 à la requête extraient des tableaux de l’annexe 27 les données afférentes aux chercheurs ayant travaillé sur les contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

84      Certes, il ressort de ces tableaux que, sur la période litigieuse, la rémunération allouée annuellement au personnel du requérant travaillant sur des projets de recherche nationaux au titre des « contrats portant tâches particulières », exprimée en données brutes ou rapportée au salaire de base du personnel, était globalement supérieure à celle qui était allouée annuellement au titre des « primes à la tâche » versées dans le cadre des projets financés par l’Union, en particulier, du projet KMM-NOE. Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission, en l’absence de toute indication quant au temps consacré par ledit personnel aux différents types de projets, un tel constat ne permet de tirer aucune conclusion quant à la comparabilité du niveau des deux types de rémunération.

85      Quant aux tableaux transmis à l’annexe 35 de la requête, ils recensent, sur les années en cause, le salaire mensuel de base des chercheurs et indiquent, d’une part, la rémunération mensuelle allouée auxdits chercheurs dans le cadre des « contrats portant tâches particulières » et le rapport entre cette rémunération et leur salaire mensuel de base et, d’autre part, la rémunération mensuelle allouée aux chercheurs au titre de projets financés par l’Union et son rapport avec leur salaire mensuel de base.

86      À cet égard, il y a lieu de constater que l’indication du délai, exprimé en mois, de remise des travaux objets des « contrats portant tâches particulières » ne donne aucune indication concrète sur le temps réellement consacré par les chercheurs à ces travaux, lesquels, ainsi qu’il a été indiqué au point 81 ci-dessus, ne peuvent être réalisés qu’en dehors des heures de travail normales. Partant, la durée, exprimée en mois, des « contrats portant tâches particulières » ne saurait être comparée à la durée, exprimée en mois, des travaux réalisés dans le cadre des projets financés par l’Union, laquelle correspond à la traduction en mois de travail des heures prestées par les chercheurs, telles que reportées sur les relevés horaires.

87      La comparaison opérée par le requérant au moyen des tableaux transmis en annexes 27, 28 et 35 de la requête est également viciée par le fait que, au vu de l’objet des « primes à la tâche » rappelé au point 80 ci-dessus, les travaux menés dans le cadre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic sont rémunérés, au moins en partie, par le salaire de base auquel vient s’ajouter la « prime à la tâche ».

88      Il s’ensuit que, par les tableaux dont il se prévaut, le requérant n’a pas apporté la preuve du caractère comparable des « primes à la tâche » et des rémunérations versées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières ».

89      Enfin, la circonstance que les « contrats portant tâches particulières » ont été conclus en parfaite conformité avec le droit national, lequel prévoit l’absence de relevé horaire, n’est pas de nature à altérer l’obligation, qui pèse sur le requérant, en application des stipulations du point II.19, paragraphe 1, sous a) et b), des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, de justifier que, en pratique, la rémunération allouée à son personnel au titre de ces contrats n’était pas plus élevée que celle versée aux employés ne travaillant pas sur des projets financés par l’Union. Il en va de même des circonstances que le recours aux « contrats portant tâches particulières » était préconisé par les autorités polonaises et que les « primes à la tâche » et les primes versées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières » se rapportent à la réalisation de travaux dans un même domaine d’activité, à savoir celui de la recherche.

90      Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas établi que c’était à tort que la Commission n’avait pas pris en compte les rémunérations allouées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières » aux fins d’apprécier le caractère économique des « primes à la tâche » versées au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

–       Sur le refus prétendument incohérent de la Commission de prendre en compte les rémunérations versées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières »

91      Le requérant et la République de Pologne soutiennent que la Commission aurait adopté un comportement incohérent en refusant de prendre en compte les rémunérations versées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières » dans son appréciation du caractère économique des « primes à la tâche ». La République de Pologne fait valoir que, ce faisant, la Commission aurait méconnu les principes de protection de la confiance légitime et de coopération loyale avec les États membres ainsi que les principes d’équité et de justice. Le requérant fait également valoir que la Commission aurait défendu plusieurs thèses successives aux fins de justifier le refus de prise en compte des rémunérations versées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières ».

92      Tout d’abord, en tant que la République de Pologne fait valoir la méconnaissance du principe de coopération loyale avec les États membres, il y a lieu de rappeler que, en vertu de ce principe prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.

93      Cependant, force est de constater que, dans le cadre de la demande fondée sur l’article 272 TFUE, le Tribunal est saisi en sa qualité de juge du contrat et que, partant, seules des violations du droit applicable aux contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, conclus entre le requérant et la Commission, peuvent être invoquées. Partant, le grief tiré de la violation du principe de coopération loyale doit être écarté comme irrecevable.

94      Au demeurant, à supposer que, par son grief, la République de Pologne doive être regardée comme soutenant qu’elle n’a pas été entendue par la Commission avant que celle-ci ne se prononce sur l’inéligibilité des frais de personnel en cause, force est de constater qu’une telle procédure n’est pas prévue par les contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

95      Ensuite, il y a lieu de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime régit le rapport de subordination d’un administré à l’administration et s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation dans laquelle il ressort que ladite administration, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Ce principe relève donc du contrôle de légalité, en application de l’article 263 TFUE, que le Tribunal peut opérer sur des actes adoptés par les institutions (arrêts du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, point 66, et du 5 octobre 2016, European Children’s Fashion Association et Instituto de Economía Pública/EACEA, T‑724/14, non publié, EU:T:2016:600, point 75).

96      Toutefois, il ne peut être exclu qu’une forme de confiance légitime soit susceptible d’être invoquée en droit des contrats dès lors qu’elle fait partie du respect de l’obligation pour les parties à un contrat de l’exécuter de bonne foi (arrêt du 5 octobre 2016, European Children’s Fashion Association et Instituto de Economía Pública/EACEA, T‑724/14, non publié, EU:T:2016:600, point 85).

97      À cet égard, il convient de relever que la Cour de cassation belge a jugé que le principe consacré par l’article 1134 du code civil belge, en vertu duquel les conventions doivent être exécutées de bonne foi, interdisait à une partie d’abuser d’un droit qui lui était reconnu par la convention. L’abus de droit consiste à exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente (Cass 16 novembre 2007 AR nr C.06.0349.F.1). Or, il ne peut être exclu que constitue un abus de droit le fait pour le titulaire d’un droit de s’en prévaloir après avoir créé, chez l’autre partie, la confiance légitime qu’il ne l’exercera pas par un comportement objectivement incompatible avec l’exercice normal de ce droit (arrêt du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, point 73).

98      En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le cadre de la procédure d’audit et des échanges consécutifs, la Commission aurait défendu plusieurs thèses successives aux fins de remettre en cause l’éligibilité d’une partie des « primes à la tâche » versées au personnel du requérant. En effet, dans le cadre de ses réponses aux observations du requérant sur le projet de rapport d’audit, la Commission avait indiqué que, en l’absence de données relatives aux taux horaires des personnes travaillant dans le cadre des « contrats portant tâches particulières », les primes versées à ce titre ne pouvaient être comparées avec les « primes à la tâche » versées aux chercheurs travaillant dans le cadre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic. À cet égard, il y a lieu de relever que les lettres de la Commission du 8 mai et du 19 décembre 2014, dont se prévaut le requérant, indiquent qu’il n’est pas possible de comparer les deux types de primes ainsi versées.

99      De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission aurait accepté la prise en compte des « contrats portant tâches particulières » aux fins de l’évaluation des coûts de personnel. En particulier, ainsi que le relève la Commission, la lettre du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur polonais du 17 août 2006, adressée aux recteurs d’universités et aux directeurs d’instituts de recherche, établie à la suite des consultations menées avec la Commission relatives au calcul des coûts de personnel dans le cadre des programmes-cadres, dont se prévalent le requérant et la République de Pologne, ne comporte aucune mention des « contrats portant tâches particulières ». Dans cette lettre, le ministre indique que la Commission accepterait la prise en compte de rémunérations supplémentaires versées aux chercheurs sous certaines conditions, notamment si elles étaient déterminées sur la base d’un taux horaire raisonnable, défini par des règles internes. De même, la lettre du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur polonais à la Commission, en date du 30 septembre 2015, se borne à rappeler la lettre du 17 août 2006 et le recours très large aux « contrats portant tâches particulières » par les instituts de recherche en Pologne. En outre, si la République de Pologne fait valoir que la Commission aurait accepté la prise en compte de frais de personnel liés aux « contrats portant tâches particulières » dans le cadre d’autres projets, elle n’établit pas la réalité de son affirmation. Enfin, en tant que le requérant et la République de Pologne se prévalent des déclarations politiques d’un membre de la Commission formulées le 23 novembre 2016, il y a lieu de constater que ce dernier s’est exprimé en faveur de l’équivalence de rémunération entre les chercheurs participant aux projets financés par l’Union et les chercheurs travaillant sur des projets nationaux. De telles déclarations ne sauraient, en tout état de cause, être interprétées comme autorisant la prise en compte des rémunérations perçues dans le cadre des « contrats portant tâches particulières », au titre des projets nationaux, aux fins de la comparaison avec les coûts de personnel dans les projets audités.

100    Il s’ensuit que le requérant, soutenu par la République de Pologne, n’est pas fondé à faire valoir que la Commission aurait adopté une position évolutive et incohérente concernant la question de la prise en compte des rémunérations allouées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières » dans son appréciation du caractère économique des frais de personnel, ni qu’elle aurait méconnu le principe de protection de la confiance légitime en n’exécutant pas les contrats en cause de bonne foi.

101    Enfin, en tant que la République de Pologne évoque « les principes d’équité et de justice dans l’utilisation des contrats », il convient de constater qu’elle se borne à affirmer que ces principes devraient s’appliquer également s’agissant de l’examen de la prise en compte des rémunérations allouées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières », sans autre précision. Or, en vertu de l’article 145, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure, le mémoire en intervention doit notamment contenir les moyens et arguments invoqués par la partie intervenante. Selon une jurisprudence bien établie en ce qui concerne la requête introductive d’instance, applicable par analogie en ce qui concerne le mémoire en intervention (voir arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 186 et jurisprudence citée), l’exposé des moyens et des griefs doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui (voir arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, EU:T:2005:455, point 55 et jurisprudence citée). Le grief présenté par la République de Pologne ne répondant pas à ces exigences, il doit être écarté comme irrecevable.

–       Sur la procédure d’octroi des « primes à la tâche »

102    Le requérant soutient que, contrairement aux conclusions du rapport d’audit final, les « primes à la tâche » étaient allouées à l’issue de procédures claires et transparentes et sur la base de critères objectifs.

103    À cet égard, il ressort des pièces du dossier que les « primes à la tâche » étaient proposées par l’équipe chargée du projet, sous la direction du coordonnateur de projet, qui estimait le temps nécessaire à la réalisation des travaux et proposait un montant de prime de référence ou un taux horaire. Ce montant ou ce taux de prime était déterminé en tenant compte de la complexité des travaux, du niveau d’expertise requis et du budget disponible. Il devait ensuite être approuvé par le directeur du requérant.

104    En réponse à une question du Tribunal concernant les critères objectifs qui auraient, selon le requérant, été appliqués aux fins de déterminer le montant des « primes à la tâche », ce dernier a précisé que, s’agissant du projet KMM-NOE, le montant de la prime mensuelle de référence était fixé au regard du salaire mensuel de base incluant la majoration accordée pour ancienneté, auquel était appliqué un coefficient multiplicateur défini en fonction du type et du niveau de compétence de chacun, selon les missions assignées (activités d’encadrement, de recherche, d’appui administratif, etc.). Le requérant a confirmé que le montant de référence de la « prime à la tâche » était utilisé pour déterminer la rémunération supplémentaire à verser, au prorata temporis du temps de travail effectivement consacré au projet. Il a également précisé que le temps de travail susceptible d’être affecté au projet pouvait être encadré.

105    Il y a lieu de constater qu’il n’y a pas de coefficient multiplicateur unique selon le type de fonctions exercées dans le cadre du projet KMM-NOE. Ainsi qu’il ressort de la réponse du requérant à l’une des questions posées par le Tribunal, s’agissant des employés chargés de gérer le projet et de fournir un appui administratif, ce coefficient varie, en substance, de 1 à 4. Il s’établit entre 1 et 2 s’agissant du personnel chargé de mettre en œuvre les activités de recherche. Partant, le requérant n’a pas justifié que le coefficient multiplicateur était déterminé en tenant compte de critères objectifs.

106    Par ailleurs, s’agissant du projet Boosting Baltic, le requérant a indiqué que les « primes à la tâche » avaient été versées en appliquant aux heures effectivement consacrées audit projet un taux horaire défini en fonction de la nature de la mission confiée à chaque employé. Or, il y a lieu de relever que les taux horaires communiqués par le requérant varient, y compris pour des employés exerçant un même type de mission, et que le requérant n’a apporté aucune précision à cet égard.

107    Au vu des éléments du dossier, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas établi que le montant de référence de la « prime à la tâche » ou son taux horaire avait été déterminé au regard de critères objectifs. À cet égard, ainsi que le fait valoir la Commission, la seule circonstance que l’attribution des primes ait été soumise à la décision du directeur du requérant n’est pas de nature à pallier l’absence de tels critères.

–       Sur la conformité aux standards du marché local des taux des « primes à la tâche » versées par le requérant

108    Le requérant fait valoir que les taux de rémunération supplémentaire de son personnel sont conformes aux standards du marché local.

109    Un tel grief est inopérant dès lors que, ainsi que cela a été exposé au point 68 ci-dessus, le caractère non économique des taux de « primes à la tâche » versées au personnel chargé des projets KMM-NOE et Boosting Baltic a été constaté à la suite d’une comparaison de ces taux avec les taux de primes applicables au personnel travaillant dans le cadre de projets nationaux et non avec les standards du marché local. À cet égard, il y a lieu de constater que, si la Commission avait indiqué dans le projet de rapport d’audit que les frais de personnel en cause étaient supérieurs aux rémunérations allouées pour des travaux similaires dans des institutions polonaises similaires, elle n’a pas repris ce motif dans le rapport d’audit final, contrairement à ce que prétend le requérant.

110    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le requérant n’a pas apporté la preuve de l’éligibilité des frais de personnel en cause. Partant, les premier et deuxième moyens doivent être écartés comme non fondés.

 Sur les troisième et quatrième moyens, tirés, en substance, du déroulement de la procédure d’audit et de la procédure consécutive au rapport d’audit

111    Le requérant fait valoir, premièrement, que le rapport d’audit a été signé par un auditeur intervenu à la procédure d’audit aux fins de l’examen final alors qu’il n’a jamais été informé d’un changement de l’auditeur responsable et que la Commission n’a fourni aucune explication à cet égard. Il soutient également que la Commission n’a pas justifié le délai de deux ans qui s’est écoulé entre le mois de juillet 2011, au cours duquel l’auditeur responsable aurait suggéré que le rapport d’audit final serait remis à bref délai, et le mois d’août 2013, au cours duquel le rapport final a été signé. Le requérant en conclut que l’auditeur initial a soit élaboré un rapport différent, non accepté par la Commission, soit refusé de signer le rapport final souhaité par la Commission. En conséquence, il émet des doutes quant à la compatibilité du rapport d’audit avec le code de déontologie des comptables professionnels de l’International Ethics Standards Board for Accountants (IESBA, Conseil des normes internationales de déontologie comptable) de l’International Federation of Accountants (IFAC, Fédération internationale des comptables), notamment avec les principes d’intégrité et d’objectivité qui y sont inscrits. Le requérant sollicite à cet égard l’adoption par le Tribunal de certaines mesures d’instruction, dont l’audition de l’auditeur initial.

112    Deuxièmement, le requérant allègue une violation de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier, au motif que, en se bornant à donner effet aux conclusions du rapport d’audit, l’ordonnateur n’a manifestement pas apprécié la gravité de l’erreur reprochée, ni le caractère proportionné du recouvrement.

113    Troisièmement, le requérant soutient que le déroulement de la procédure d’audit révèle une violation de l’article 1134 du code civil belge selon lequel les parties doivent exécuter le contrat de bonne foi. Ainsi, la Commission n’aurait pas agi avec loyauté dans la mesure où elle aurait gardé le silence pendant plus de deux ans après la réponse du requérant au projet de rapport d’audit, l’empêchant d’en discuter avec l’auditeur initialement responsable. En outre, la Commission aurait brutalement et injustement rompu les discussions et considéré, sans aucune justification, que toute discussion sur la détermination des critères de comparaison des coûts de personnel était inutile. Enfin, le requérant soutient que la Commission a abusé de son droit à compenser ou, à tout le moins, qu’elle en a fait un usage contraire aux normes de conduite de bonne foi entre contractants.

114    La Commission soutient que les moyens ne sont pas fondés.

115    D’emblée, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une convention de subvention, l’octroi de celle-ci est conditionné au respect par le bénéficiaire de certains critères et de certaines obligations portant, notamment, sur la justification financière des coûts déclarés comme ayant été encourus pour l’exécution des projets concernés. Partant, le bénéficiaire de la subvention n’acquiert un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union que si l’ensemble des conditions auxquelles l’octroi de la subvention est subordonné sont remplies (voir arrêt du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 146 et jurisprudence citée). Cette considération est applicable indépendamment de l’exécution par les parties des autres obligations prévues par la convention de subvention, notamment celles relatives au déroulement des audits.

116    En l’espèce, il convient de rappeler que le requérant a accepté, en vertu du point II.29, paragraphe 1, des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, que, durant l’exécution du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, des audits puissent être conduits en vue de contrôler la bonne exécution du projet et que, s’il résultait de ces audits que certaines sommes avaient été indûment payées au contractant, la Commission pût établir des ordres de recouvrement. Ces stipulations ne précisent pas les conditions techniques et concrètes dans lesquelles les auditeurs doivent réaliser leur travail. La déclaration des auditeurs annexée à la lettre de la Commission du 26 août 2013 précise toutefois que l’audit a été mené conformément aux standards internationaux d’audit (ISA) tels que définis par l’IFAC ou aux autres normes équivalentes internationalement acceptées. Par ailleurs, il n’y a aucune disposition réglementaire, ni stipulation contractuelle qui précise la durée de l’audit prévu au point II.29, paragraphe 1, des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

117    Il n’en reste pas moins que, pour la détermination des obligations des parties résultant de l’exécution des conventions de subvention, il convient de tenir compte de l’obligation pour les parties à un contrat de l’exécuter de bonne foi.

118    En l’espèce, il y a lieu de constater que la version provisoire du rapport d’audit a été communiquée au requérant par courriel du 18 mars 2011 de l’agent de la Commission initialement chargé de l’audit. Le requérant a présenté ses observations sur ce document par lettre du 18 avril 2011 et, à la suite d’une demande de cet agent datée du 8 juillet 2011, a transmis différentes informations par courriel du 20 juillet 2011. La version définitive du rapport d’audit a été transmise par lettre de la Commission du 26 août 2013. Cette version a été notamment signée par un autre agent de la Commission avec l’indication « A pris la suite pour l’examen final » et la mention que l’agent de la Commission initialement chargé de l’audit avait intégré une autre direction de la Commission.

119    Contrairement à ce que prétend le requérant, d’une part, le rapport d’audit indique la raison de la reprise de la procédure par un autre agent, à savoir,le départ de l’agent initialement chargé de l’audit. D’autre part, aucun élément du courriel précité du 8 juillet 2011 ne pouvait être interprété comme suggérant que la version finale du rapport d’audit serait remise à bref délai.

120    Dans ce contexte, la seule circonstance qu’un délai de plus de deux ans se soit écoulé entre la remise de la version provisoire du rapport d’audit et la remise de sa version définitive ne saurait constituer un commencement de preuve ni de ce que l’agent initialement chargé de l’audit aurait élaboré un rapport d’audit final différent, non accepté par la Commission, ou refusé de signer le rapport d’audit finalement adressé au requérant, ni de l’existence de désaccords au sein de la Commission quant à l’approche retenue par les auditeurs.

121    D’ailleurs, il y a lieu de relever que la version provisoire du rapport d’audit comporte, en substance, les mêmes conclusions que celles contenues dans la version définitive du rapport d’audit.

122    À cet égard, c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier l’utilité de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 417 et jurisprudence citée). En l’espèce, en l’absence de commencement de preuve au soutien des affirmations du requérant quant aux motifs du délai entre la remise des versions provisoire et définitive du rapport d’audit, la mesure d’organisation de la procédure et la mesure d’instruction sollicitées par le requérant, à savoir respectivement la communication des informations utiles concernant la façon dont le rapport d’audit final a été élaboré et approuvé entre les années 2011 et 2013 et l’audition de l’auditeur responsable par le Tribunal, ne présentent pas d’utilité.

123    Par ailleurs, s’agissant du délai de remise de la version définitive du rapport d’audit, la Commission était tenue, en application du principe d’exécution de bonne foi des contrats, de communiquer au requérant, dans un délai raisonnable, les conclusions des auditeurs afin de lui permettre de les contester de manière utile et, à titre plus général, de ne pas le laisser dans un état d’incertitude qui lui serait préjudiciable.

124    En l’espèce, il a été indiqué au point 120 ci-dessus qu’un délai de plus de deux ans s’était écoulé entre la remise de la version provisoire du rapport d’audit et la remise de sa version définitive. Si la Commission fait valoir que ce délai est dû à l’organisation de consultations internes et de contacts informels avec le requérant, elle ne l’établit pas. En outre, un tel délai ne saurait être justifié par le départ de l’agent initialement chargé de l’audit. Dans ce contexte, il y a lieu de constater que ce délai revêt un caractère déraisonnable et, partant, que la Commission a manqué à ses obligations contractuelles, telles qu’interprétées à l’aune du principe d’exécution de bonne foi des contrats.

125    Néanmoins, il ne ressort pas du dossier que le retard déraisonnable dans la communication du rapport d’audit final au requérant aurait, ainsi que ce dernier le soutient, affecté sa capacité à contester de manière effective les conclusions de ce rapport.

126    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la Commission, l’agent initialement chargé de l’audit avait quitté ses fonctions au sein de la direction en charge de l’audit dès le 31 août 2011, à savoir un peu plus d’un mois après la transmission des éléments d’information demandés par la Commission au requérant à la suite de ses observations sur la version provisoire du rapport d’audit. Au regard de cette chronologie, il ne peut être affirmé que, si le rapport d’audit final avait été communiqué au requérant dans un délai raisonnable, ce dernier aurait pu en discuter avec l’agent initialement chargé de l’audit. Surtout, il y a lieu de constater que, à la suite de la remise du rapport d’audit final, les discussions se sont poursuivies avec la Commission par le biais de nombreux échanges épistolaires et par l’organisation d’au moins deux réunions les 10 octobre 2013 et 12 février 2015. Le requérant a ainsi été mis en mesure de contester utilement les conclusions du rapport en transmettant ses observations et des pièces justificatives, lesquelles ont été examinées et ont fait l’objet de réponses de la part de la Commission.

127    Au surplus, il y a lieu de relever que le rapport d’audit final a été signé, outre par l’agent qui s’est substitué à l’agent initialement chargé de l’audit, par un autre agent de la Commission qui a participé à la procédure d’audit dès son lancement.

128    Partant, en dépit de la violation constatée au point 124 ci-dessus, il y a lieu d’écarter les griefs tirés, en substance, de ce que la Commission n’aurait pas exécuté de bonne foi ses obligations contractuelles en ce qui concerne la réalisation de l’audit, sans qu’il soit besoin d’ordonner les mesures sollicitées par le requérant.

129    Deuxièmement, en ce qui concerne les suites données au rapport d’audit final, le requérant allègue une violation de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier selon lequel :

« Lorsque ces erreurs, ces irrégularités ou ces fraudes sont imputables au bénéficiaire, ou si le bénéficiaire devait manquer à ses obligations au titre d’une convention ou d’une décision de subvention, l’ordonnateur compétent peut, en outre, réduire la subvention ou recouvrer les montants indûment versés au titre de la convention ou de la décision de subvention, en proportion de la gravité des erreurs, des irrégularités, de la fraude ou de la violation des obligations, à condition d’avoir donné la possibilité au bénéficiaire de présenter ses observations. »

130    Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 272 TFUE, le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel applicable au contrat. Les contrats KMM-NOE et Boosting Baltic étant régis par le droit belge, le grief tiré de la violation de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier doit être écarté comme étant irrecevable.

131    En tout état de cause, le grief tiré de la violation de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier, en tant qu’il tend, en substance, à soutenir que l’ordonnateur s’est senti lié par les conclusions du rapport d’audit final n’est pas fondé.

132    À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions d’un rapport d’audit ne permettent pas, en tant que telles, de déduire que l’autorité concernée constatera des créances, en l’espèce, et dans quelle mesure elle le fera. Dès lors, une procédure d’audit n’est qu’une procédure préalable et préparatoire, distincte de la procédure pouvant éventuellement aboutir à un recouvrement, cette dernière étant menée par les services opérationnels de l’autorité, qui ne sont aucunement liés par les conclusions du rapport d’audit (ordonnance du 4 décembre 2014, Talanton/Commission, T‑165/13, non publiée, EU:T:2014:1027, point 47, et arrêt du 5 octobre 2016, European Children's Fashion Association et Instituto de Economía Pública/EACEA, T‑724/14, non publié, EU:T:2016:600, point 66).

133    En l’espèce, il convient de rappeler que le rapport d’audit final a été transmis au requérant par lettre du 26 août 2013 de la direction de la Commission chargée des audits. Cette lettre indiquait que le rapport d’audit final allait être distribué aux services compétents de la Commission en vue de la mise en œuvre des conclusions de l’audit, lesquelles remettaient en cause l’éligibilité de certains coûts de personnel et de sous-traitance. Il ne saurait être déduit des termes de la lettre que la Commission entendait mettre en œuvre les conclusions du rapport d’audit final sans exercer aucun contrôle. En outre, il y a lieu de relever que la procédure visant à définir la suite à donner audit rapport d’audit a été suspendue en raison de l’examen par la Commission des nouvelles observations communiquées par le requérant et des échanges qui se sont déroulés jusqu’au 9 avril 2015, date à laquelle la Commission a informé le requérant que ladite procédure allait reprendre son cours. Par ailleurs, par la lettre de préinformation du 28 juillet 2015, l’ordonnateur de la Commission a sollicité les observations du requérant quant à l’émission d’un ordre de recouvrement et a répondu aux observations du requérant par lettres des 14 septembre et 13 novembre 2015. Il y a également lieu de rappeler que, par lettre du 26 mai 2016, la Commission a renoncé au recouvrement des coûts de sous-traitance et s’est donc écartée des conclusions du rapport d’audit.

134    Dans ce contexte, contrairement aux affirmations du requérant, les éléments du dossier ne permettent pas de constater que l’ordonnateur de la Commission s’est estimé lié par les conclusions de l’audit et s’est contenté d’entériner, de manière automatique, ces conclusions sans exercer aucun contrôle.

135    Troisièmement, il ne résulte ni des lettres de la Commission en date des 3 septembre et 19 décembre 2014, ni, au demeurant, des autres réponses de la Commission aux observations transmises par le requérant, que, à la suite de la remise du rapport d’audit final, celle-ci aurait changé de position ou interrompu brusquement les échanges avec le requérant. Ainsi que cela a été indiqué au point 98 ci-dessus, la Commission, sans être opposée à une comparaison entre les sommes versées dans le cadre des « contrats portant tâches particulières » et les « primes à la tâche », a toutefois considéré que, pour être pertinente, une telle comparaison aurait nécessité la production de relevés horaires afférents aux « contrats portant tâches particulières ».

136    Enfin, quatrièmement, la circonstance alléguée par le requérant que la Commission aurait méconnu le principe d’exécution de bonne foi des contrats en abusant de son droit à compenser les dettes et les créances est sans influence sur l’existence des prétendues créances contractuelles. Par suite, l’argument doit être écarté en tant qu’il est inopérant.

137    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter les troisième et quatrième moyens.

 Sur le cinquième moyen, tiré du caractère excessif du montant de l’indemnité forfaitaire

138    En se prévalant de l’arrêt du 19 février 2016, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission (T‑53/14, non publié, EU:T:2016:88), le requérant conteste le montant de l’indemnité contractuelle mise à sa charge par la Commission en vertu de la clause pénale contenue au point II.30 des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic. Il fait valoir que la Commission n’a pas agi de bonne foi, notamment en abusant de son droit à compenser les dettes et les créances, ce qui lui a causé un dommage. Par suite, il soutient que, en l’absence de préjudice subi par la Commission et alors que sa créance a déjà été majorée d’intérêts de retard, l’indemnité résultant de l’application de la clause pénale devrait, en application de l’article 1231 du code civil belge, être supprimée ou, à tout le moins, réduite à un montant symbolique ou, à défaut, à un montant substantiellement inférieur à 10 % de la contribution financière qu’il aurait prétendument perçue à tort.

139    La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.

140    Aux termes du point II.30 des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, intitulé « Indemnité forfaitaire » :

« Sans préjudice des autres mesures prévues dans le présent contrat, les contractants conviennent que [l’Union], dans le but de protéger ses intérêts financiers, est en droit de réclamer un dommage forfaitaire à un contractant dont les dépenses se sont avérées exagérées et qui en conséquence a reçu une contribution financière injustifiée de [l’Union]. L’indemnité forfaitaire est due en sus du recouvrement de la contribution financière injustifiée à effectuer par le contractant.

1. Le montant de l’indemnité forfaitaire doit être proportionnel à la dépense exagérée et à la part injustifiée de la contribution de [l’Union]. Le montant de l’indemnité forfaitaire est calculé selon la formule suivante :

Indemnité forfaitaire = contribution financière injustifiée × (dépense exagérée/total réclamé)

[…] »

141    Il résulte de la disposition mentionnée au point 140 ci-dessus que les contractants encourent des dommages et intérêts du seul fait que, à la suite de déclaration de dépenses injustifiées, ils ont bénéficié de subventions indues. Partant, dès lors que le caractère injustifié de la contribution financière perçue par le requérant au titre des frais de personnel en cause a été établi (voir point 110 ci-dessus), la Commission était en droit de demander au requérant le versement de l’indemnité forfaitaire. Il s’ensuit que l’argument du requérant tiré de ce qu’il aurait subi un préjudice en raison de la méconnaissance par la Commission du principe d’exécution de bonne foi des contrats et de l’abus du droit de celle-ci de compenser les dettes et les créances est sans incidence sur le droit de la Commission de solliciter le paiement de l’indemnité forfaitaire.

142    En outre, pour autant que le requérant soutient que l’indemnité forfaitaire due en application du point II.30 des conditions générales des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic devrait être supprimée ou réduite en application de l’article 1231 du code civil belge, il y a lieu de rappeler que cette dernière disposition a pour objet, plutôt que de conditionner la validité d’une clause pénale, de permettre au juge de réduire la somme demandée par le créancier lorsqu’elle excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l’inexécution de la convention. Ainsi, d’une part, seul le dommage que les parties pouvaient raisonnablement envisager à la date de la conclusion du contrat peut être pris en compte dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 1231 du code civil belge et, d’autre part, la réduction à laquelle le juge peut procéder ne vise que les indemnités manifestement excessives (arrêt du 19 février 2016, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission, T‑53/14, non publié, EU:T:2016:88, points 90 et 91).

143    Le requérant se prévaut de l’arrêt du 19 février 2016, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission (T‑53/14, non publié, EU:T:2016:88), dans lequel, après avoir constaté que la formule de calcul des indemnités forfaitaires, figurant au point II.30 des conditions générales du sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation, aboutissait à des sommes particulièrement élevées, le Tribunal a réduit à 10 % des avances indument perçues par un contractant de la Commission le montant de ces indemnités forfaitaires.

144    En l’espèce, ainsi que cela a été indiqué au point 27 ci-dessus, la Commission a réduit, en cours d’instance, le montant des indemnités forfaitaires à 10 % de la contribution financière injustifiée perçue dans le cadre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic et procédé au remboursement correspondant. Le requérant ne produit aucun élément de nature à établir que, sur le fondement de l’article 1231 du code civil belge, les indemnités forfaitaires en cause devraient être supprimées ou réduites à un taux inférieur à 10 % de la contribution financière injustifiée perçue dans le cadre de ces contrats.

145    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être écarté comme non fondé.

146    Partant, le requérant n’est pas fondé à contester l’existence des créances de la Commission au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic. Il s’ensuit que les troisième et cinquième chefs de conclusions du recours doivent être rejetés.

 Sur le recours en tant qu’il est fondé sur l’article 263 TFUE (deuxième chef de conclusions)

147    Au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée, le requérant fait valoir sept moyens tirés, le premier, de la violation des articles 43 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le deuxième, de la violation de stipulations contractuelles et du droit belge, le troisième, de la violation de l’article 80, paragraphe 1, et de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier, le quatrième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le cinquième, de la violation du principe de non-discrimination, le sixième, de la violation du droit d’être entendu et du défaut de motivation, et, le septième, de l’existence d’un détournement de pouvoir.

148    À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée qu’elle est fondée sur l’article 80, paragraphe 1, du règlement financier.

149    Aux termes de l’article 80, paragraphe 1, du règlement financier :

« Le comptable prend en charge les ordres de recouvrement des créances dûment établis par l’ordonnateur compétent. Le comptable est tenu de faire diligence en vue d’assurer la rentrée des recettes de l’Union et doit veiller à la conservation des droits de l’Union.

Le comptable procède au recouvrement par compensation et à due concurrence des créances de l’Union à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance à l’égard de l’Union. Ces créances à compenser sont certaines, liquides et exigibles. »

150    Selon l’article 80, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement financier (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après le « règlement délégué »), la constatation d’une créance par l’ordonnateur est la reconnaissance du droit de l’Union sur un débiteur et l’établissement du titre à exiger de ce débiteur le paiement de sa dette. Selon l’article 80, paragraphe 2, du règlement délégué, l’ordre de recouvrement est l’opération par laquelle l’ordonnateur donne instruction au comptable de recouvrer la créance constatée. Enfin, l’article 80, paragraphe 3, du règlement délégué dispose que, par la note de débit, le débiteur est informé que a) l’Union a constaté cette créance, b) des intérêts de retard ne sont pas exigibles si le paiement de la dette intervient avant la date limite, c et d) à défaut de remboursement à cette date, sa dette porte intérêts et l’institution procède au recouvrement par compensation ou par exécution de toute garantie préalable, et f) si, à l’issue de ces étapes, le recouvrement intégral n’a pu être obtenu, l’institution procède au recouvrement par l’exécution forcée du titre obtenu soit conformément à l’article 79, paragraphe 2, du règlement financier, soit par la voie contentieuse.

151    Il y a également lieu de rappeler que, selon l’article 87, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement délégué, lorsque le débiteur est titulaire à l’égard de l’Union d’une créance certaine, liquide et exigible ayant pour objet une somme d’argent constatée par un ordre de paiement, le comptable, suivant la date limite indiquée dans la note de débit, procède au recouvrement par compensation de la créance constatée. En vertu de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement délégué, avant de procéder à un recouvrement par compensation, le comptable consulte l’ordonnateur compétent et informe les débiteurs concernés. Selon l’article 87, paragraphe 3, du règlement délégué, la compensation a le même effet qu’un paiement et libère l’Union du montant de la dette et, le cas échéant, des intérêts dus.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 43 et 47 de la Charte

152    Le requérant fait valoir la violation des articles 43 et 47 de la Charte. D’une part, le choix de la Commission de procéder au recouvrement par compensation restreindrait, selon lui, les droits procéduraux dont il dispose sur le fondement de l’article 272 TFUE en subordonnant la protection juridique qu’il détient à ce titre à une condition supplémentaire, voire en créant une entrave potentiellement permanente à cette protection. Il ajoute que, dès lors qu’une décision définitive de compensation a pour effet d’éteindre la créance compensée, l’adoption d’une telle décision oblige le titulaire de la créance à la contester en justice. D’autre part, le requérant fait valoir que l’adoption de la décision attaquée l’a contraint à agir en justice, ce qui a mis un terme à l’examen, alors en cours, de sa plainte formée devant le Médiateur et dont la Commission avait connaissance, ce qui l’a notamment privé d’une chance de parvenir à un règlement du litige par le biais de la médiation.

153    La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.

154    En premier lieu, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la Charte (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 52). Ce principe est constitué de divers éléments, lesquels comprennent, notamment, les droits de la défense, le principe d’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux ainsi que le droit de se faire conseiller, défendre et représenter (arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, point 48).

155    En ce qui concerne, en particulier, le droit d’accès à un tribunal, il y a lieu de préciser que, pour qu’un « tribunal » puisse décider d’une contestation sur des droits et des obligations découlant du droit de l’Union en conformité avec l’article 47 de la Charte, il faut qu’il ait compétence pour examiner toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi (arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, point 49).

156    En l’espèce, en substance, le requérant fait valoir que l’adoption de la décision attaquée l’a contraint à saisir le Tribunal dans le délai de recours afin de contester la régularité ou le bien-fondé de cette décision et, partant, de s’opposer à l’extinction définitive de la dette et des créances compensées. Cette obligation d’agir en justice caractériserait une atteinte aux droits procéduraux dont il jouit en sa qualité de partie contractante. Toutefois, il y a lieu de relever que le requérant ne produit aucun élément établissant en quoi l’obligation de saisir le Tribunal sur le fondement de l’article 263 TFUE restreindrait ses droits à ester en justice sur le fondement de l’article 272 TFUE.

157    À cet égard, force est de constater que, dans le cadre du présent recours, le Tribunal examine tant la légalité de la décision attaquée que le bien-fondé des prétendues créances contractuelles de la Commission à l’égard du requérant, qui se trouvent à l’origine de l’adoption de cette décision. Dans la mesure où toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige en cause sont examinées par le Tribunal, il convient de conclure que le présent recours constitue un recours effectif au sens de l’article 47 de la Charte.

158    En second lieu, s’agissant, de la violation alléguée du droit de saisir le Médiateur, il convient de rappeler que le recours au Médiateur en cas de mauvaise administration dans l’action des institutions, des organes ou des organismes de l’Union constitue un droit, notamment reconnu aux personnes morales ayant leur siège statutaire dans un État membre, consacré à l’article 43 de la Charte.

159    En vertu de l’article 228, paragraphe 1, TFUE, le Médiateur est habilité à recevoir, à instruire et à faire rapport au sujet de plaintes relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions, des organes ou des organismes de l’Union. Cette même disposition précise que, conformément à sa mission, le Médiateur procède aux enquêtes qu’il estime justifiées soit de sa propre initiative, soit sur la base des plaintes qui lui ont été présentées, et que, dans les cas où il constate un cas de mauvaise administration, il saisit l’institution, l’organe ou l’organisme concerné, qui dispose d’un délai de trois mois pour lui faire tenir son avis, avant de transmettre, ensuite, un rapport au Parlement et à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné et d’informer la personne dont émane la plainte du résultat de ces enquêtes.

160    Selon l’article 228, paragraphe 4, TFUE, le Parlement fixe notamment les conditions générales d’exercice des fonctions du Médiateur. Conformément à l’article 2, paragraphe 6, de la décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 9 mars 1994, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du Médiateur (JO 1994, L 113, p. 15), telle que modifiée par la décision 2002/262/CE, CECA, Euratom du Parlement européen, du 14 mars 2002 (JO 2002, L 92, p. 13), les plaintes présentées au Médiateur n’interrompent pas les délais de recours dans les procédures juridictionnelles ou administratives. Selon les dispositions de l’article 2, paragraphe 7, de la décision 94/262, lorsque le Médiateur, en raison d’une procédure juridictionnelle en cours ou achevée sur les faits allégués, doit déclarer une plainte irrecevable ou mettre fin à son examen, les résultats des enquêtes auxquelles il a éventuellement procédé auparavant sont classés.

161    Selon le point 3.3 de la décision du Médiateur du 8 juillet 2002 portant adoption de dispositions d’exécution de la décision 94/262, telle que modifiée en dernier lieu le 3 décembre 2008, celui-ci décide s’il existe des éléments qui justifient l’ouverture d’une enquête au sujet d’une plainte recevable. S’il ne trouve pas d’éléments qui justifient l’ouverture d’une enquête, le Médiateur clôt le dossier relatif à la plainte. Selon le point 6.4 de ladite décision, si le Médiateur apprend qu’une procédure juridictionnelle est engagée à l’égard de l’affaire objet de l’enquête, il clôture l’enquête et en informe le plaignant et l’institution.

162    Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que le requérant ne saurait prétendre à l’existence d’un droit à obtenir une décision du Médiateur quant au bien-fondé de la plainte formée devant lui. Ainsi, la circonstance que l’adoption de la décision attaquée a contraint le requérant à introduire le présent recours, lequel recours a provoqué la clôture de l’enquête menée par le Médiateur, résulte des conditions générales d’exercice des fonctions de ce dernier et ne saurait caractériser une atteinte au droit garanti par l’article 43 de la Charte.

163    Au surplus, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission était informée que la plainte qu’il avait déposée devant le Médiateur concernant les frais de personnel était encore en cours d’examen au jour de l’adoption de la décision attaquée. En effet, par un courriel du 17 décembre 2015, la Commission a été informée que le Médiateur avait considéré, à l’issue d’une analyse préliminaire, qu’il n’y avait pas de motifs suffisants justifiant l’ouverture d’une enquête concernant la plainte du requérant relative au rejet partiel des coûts de personnel. À cet égard, le requérant ne saurait soutenir que cette plainte « restait ouverte » dès lors que l’analyse du Médiateur était « préliminaire ». En effet, aux termes des dispositions mentionnées aux points 159 à 161 ci-dessus, la mention du caractère « préliminaire » de l’analyse signifie que le Médiateur ne mènera pas d’enquête et non, ainsi que le prétend le requérant que son analyse devait être poursuivie. En outre, la circonstance que le requérant avait transmis au Médiateur des documents supplémentaires au soutien de sa plainte concernant les frais de personnel, ce dont la Commission a été informée par courriel du requérant du 6 juin 2016, n’impliquait pas le retrait de la décision de clore l’examen de cette plainte.

164    Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter le moyen tiré de la violation des articles 43 et 47 de la Charte comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des stipulations des contrats KMM-NOE, Boosting Baltic et SMART-NEST et du droit belge

165    Le requérant fait valoir que la décision attaquée ne pouvait être fondée que sur les stipulations des contrats KMM-NOE, Boosting Baltic et SMART-NEST relatives à la compensation, lesquelles ne sauraient, selon lui, être regardées comme renvoyant à l’article 80 du règlement financier, et sur le droit belge applicable auxdits contrats. À cet égard, le requérant se prévaut de l’article 1291 du code civil belge et soutient que la créance de la Commission n’était ni certaine dans la mesure où elle avait été contestée, ni exigible dès lors qu’elle avait fait l’objet d’une plainte devant le Médiateur. Il ajoute que la contestation de la créance présentait un caractère sérieux.

166    À titre subsidiaire, le requérant soutient que, eu égard au versement effectué à son profit, le 1er juillet 2016, au titre d’une créance relative à un autre projet de recherche, que la Commission n’a pas cherché à compenser avec la créance en cause, celle-ci doit être regardée comme ayant renoncé à son droit à compensation de cette créance.

167    À titre encore plus subsidiaire, le requérant fait valoir que la décision attaquée constitue un abus de droit au sens de l’article 1134 du code civil belge, lequel serait constitué lorsqu’une partie à un contrat choisit la manière d’exercer ses droits la plus préjudiciable pour l’autre partie au contrat.

168    La Commission soutient, en substance, que le moyen tiré de la violation du droit applicable aux contrats est inopérant et, à titre subsidiaire, qu’il n’est pas fondé.

169    En premier lieu, le requérant fait valoir que la décision attaquée ne pouvait être adoptée que sur le fondement des stipulations communes des contrats, objets des créances et de la dette compensée. Les contrats en cause renvoyant tous au droit belge, le requérant en déduit que la décision attaquée ne pouvait être adoptée qu’en vertu du droit belge.

170    Contrairement à ce que prétend le requérant, il y a lieu de constater que la décision attaquée est régulièrement fondée sur les dispositions du règlement financier.

171    À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que l’article 80, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier figure dans un chapitre intitulé « Opérations de recettes » qui est suivi d’un chapitre intitulé « Opérations de dépenses », ces deux chapitres n’ayant pas vocation à s’appliquer dans un domaine particulier de l’action de l’Union, mais à l’ensemble des opérations relevant de son budget, ce dont témoigne le fait que ces chapitres s’insèrent dans un titre IV intitulé « Exécution du budget » qui lui-même figure dans la première partie du règlement intitulée « Dispositions communes ».

172    Les dispositions du titre IV du règlement financier s’appliquent donc aussi dans le domaine contractuel, ce dont atteste également, notamment, le libellé des dispositions de l’article 90 dudit règlement, figurant sous ce titre, selon lesquelles « [l]e paiement doit s’appuyer sur la preuve que l’action correspondante est conforme aux dispositions de l’acte de base ou du contrat ».

173    Ainsi, l’article 80, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier permet au comptable de procéder à la compensation des créances et des dettes sans établir de distinction suivant l’origine contractuelle ou non contractuelle des créances ou des dettes en cause. À cet égard, il résulte de la jurisprudence que, dès lors qu’une compensation opère l’extinction simultanée de deux obligations existant réciproquement entre deux personnes, elle peut correspondre à la fois à un paiement de sommes qu’une institution estime dues en application d’un contrat spécifique et à un recouvrement de sommes ayant une cause étrangère à ce contrat. Il s’agit donc d’une opération juridique qui est, d’une part, susceptible d’éteindre des dettes et des créances de toute nature, contractuelles ou non, et, d’autre part, dissociable d’un cadre purement contractuel (arrêt du 8 octobre 2008, Helkon Media/Commission, T‑122/06, non publié, EU:T:2008:418, point 47, et ordonnance du 13 mai 2016, CEVA/Commission, T‑601/15, non publiée, EU:T:2016:316, point 25).

174    Il s’ensuit que la Commission peut adopter une décision de compensation sur le fondement de l’article 80, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier, nonobstant la circonstance que les créances et les dettes compensées par cette décision sont liées à l’exécution de contrats. Partant, le grief tiré de ce que la décision attaquée ne pouvait être fondée que sur le droit applicable aux conventions, objets des dettes et des créances compensées, doit être écarté.

175    Au demeurant, force est de constater que la compensation, objet de la décision attaquée, a été opérée entre des créances prétendument détenues par la Commission au titre de deux contrats distincts et une dette de la REA au titre d’une troisième convention. Elle est donc dissociable des rapports contractuels existant entre la Commission et le requérant.

176    Deuxièmement, dès lors que la décision attaquée repose sur les dispositions du règlement financier, le requérant l’a régulièrement contestée sur le fondement des dispositions de l’article 263 TFUE. Or, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’il est saisi sur le fondement de cet article, le juge de l’Union doit apprécier la légalité de l’acte attaqué au regard du traité FUE ou de toute règle de droit relative à son application, et donc du droit de l’Union (arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 40). Il en va, en particulier, ainsi lorsqu’une décision, telle que la décision attaquée, est adoptée aux fins de recouvrer une créance née de contrats passés par une institution.

177    En revanche, dans le cadre d’un recours introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, le requérant ne saurait reprocher à l’institution contractante des violations des stipulations contractuelles ou des violations du droit applicable au contrat.

178    Il s’ensuit que le grief tiré de la prétendue violation de l’article 1291 du code civil belge ainsi que le grief, présenté à titre subsidiaire, tiré de la violation de l’article 1134 dudit code, doivent être écartés comme irrecevables (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, points 74 et 75).

179    Troisièmement, en tant que le requérant fait valoir que la Commission avait renoncé à son droit de compensation, il convient de relever que cet argument apparaît fondé sur un principe général du droit belge selon lequel « la renonciation à un droit doit s’interpréter strictement et ne peut se déduire que des faits n’ouvrant pas la porte à une autre interprétation ».

180    Un tel grief, en tant qu’il est fondé sur l’interprétation et la prétendue violation d’une disposition de droit national applicable aux contrats en cause et non sur celles d’une règle de droit de l’Union, est irrecevable en application des principes rappelés aux points 176 et 177 ci-dessus.

181    À supposer que le requérant entende se prévaloir d’une renonciation au droit de compensation non fondée sur le droit belge, le grief n’est pas fondé. En effet, d’une part, il résulte de l’article 80, paragraphe 3, sous d), et de l’article 87, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement délégué, reproduits aux points 150 et 151 ci-dessus, que, dès lors que le débiteur ne s’est pas exécuté volontairement et que les conditions pour procéder à une compensation sont réunies, le comptable de la Commission est tenu d’y procéder (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, points 67 et 68 et jurisprudence citée). Partant, dans l’hypothèse où l’Union entendrait poursuivre le recouvrement de l’une de ses créances, le comptable ne saurait renoncer à recourir à la compensation en vue de procéder à ce recouvrement.

182    D’autre part, il y a lieu de constater que le versement de la Commission dont se prévaut le requérant est intervenu le 1er juillet 2016, c’est-à-dire après que la Commission l’a informé, par une lettre du 26 mai 2016, qu’elle renonçait à recouvrer les sommes versées au titre des coûts de sous-traitance et avant l’émission de la note de crédit correspondante, effectuée le 4 août 2016. Il y a donc lieu de considérer que, à la date du 1er juillet 2016, la procédure de recouvrement des sommes objets de la note de débit du 13 novembre 2015 était, de fait, suspendue.

183    Partant, en tout état de cause, le versement dont se prévaut le requérant ne saurait être regardé comme valant renonciation à l’exercice du droit de compensation.

184    Il s’ensuit que le deuxième moyen ne peut être qu’écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 80, paragraphe 1, et de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier

185    S’agissant, d’une part, de la violation de l’article 80, paragraphe 1, du règlement financier, le requérant soutient que les conditions requises par cet article pour procéder à une compensation n’étaient pas réunies. En effet, selon lui, la créance alléguée par la Commission n’était pas certaine dès lors qu’elle avait été contestée. Il ajoute que l’interprétation de la Commission selon laquelle seraient certaines les créances non affectées d’une condition est susceptible, dans un contexte contractuel, de donner lieu à des abus. Il fait également valoir que le comptable n’a pas fait preuve de la diligence requise en considérant que les créances compensées étaient équivalentes alors qu’il était informé que la créance alléguée par la Commission était contestée et soumise à l’examen du Médiateur. Le requérant fait en outre valoir que la créance en cause ne saurait être regardée comme « dûment établie » par l’ordonnateur. En effet, d’une part, la valeur du rapport d’audit final resterait à confirmer dès lors qu’il n’a été signé que par l’un des deux auditeurs et qu’un délai de deux ans s’est écoulé entre le dernier courriel de l’auditeur responsable et la remise du rapport d’audit final. D’autre part, l’ordonnateur n’aurait pas procédé aux vérifications requises par l’article 78 du règlement financier et se serait borné à « donner effet » ou à « mettre en œuvre » le rapport d’audit.

186    S’agissant, d’autre part, de la violation de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier, le requérant fait valoir que ces dispositions ainsi que celles de l’article 78 du règlement financier impliquaient que l’ordonnateur appréciât la gravité des violations alléguées ainsi que le caractère proportionné des sommes à recouvrer, ce qu’il n’aurait pas fait en l’espèce. Le requérant en tire la conséquence qu’une note de débit établie en violation des dispositions de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier ne saurait fonder une créance valable susceptible de faire l’objet d’une compensation.

187    La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.

188    D’emblée, il convient de constater que l’ordonnateur compétent a informé le requérant de l’existence d’une créance de l’Union par l’intermédiaire de la note de débit du 13 novembre 2015. Cette note de débit indiquait clairement que, à défaut de paiement dans le délai fixé au 28 décembre 2015, la Commission était habilitée à procéder au recouvrement par compensation. Le requérant, qui a contesté cette note de débit par lettre du 30 novembre 2015, n’a pas payé la somme objet de ladite note dans le délai. La créance de l’Union sur le requérant a ensuite été réduite à hauteur de la note de crédit émise le 4 août 2016. En conséquence, le comptable de la Commission, constatant l’existence d’un ordre de recouvrement établi à la charge du requérant, titulaire par ailleurs d’une créance sur l’Union au titre de la convention SMART-NEST, a, conformément aux dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement délégué, informé le requérant, par le biais de la décision attaquée, que la Commission allait procéder au recouvrement par compensation de sa créance.

189    Ensuite, en premier lieu, s’agissant de la prétendue violation de l’article 80, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier, il y a lieu, premièrement, de rappeler que, ainsi que cela a été mentionné au point 149 ci-dessus, selon cet article, les créances à compenser doivent être certaines, liquides et exigibles. Par ailleurs, ainsi que cela a été indiqué au point 173 ci-dessus, cet article n’établit pas de distinction suivant l’origine contractuelle ou non des créances et des dettes en cause.

190    Selon les dispositions de l’article 81, sous a), du règlement délégué, le caractère certain d’une créance n’est affecté que par l’existence d’une condition (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2011, République tchèque/Commission, T‑465/08, EU:T:2011:186, points 146 et 147). Ainsi, une compensation n’est pas exclue lorsque l’une des dettes est contestée par l’autre partie au contrat (voir arrêt du 14 septembre 2017, Università del Salento/Commission, T‑393/15, non publié, EU:T:2017:604, point 93 et jurisprudence citée). En effet, dans le cas contraire, le débiteur pourrait retarder indéfiniment la récupération d’une dette (arrêt du 17 janvier 2007, Grèce/Commission, T‑231/04, EU:T:2007:9, point 118).

191    Il s’ensuit que le requérant n’est pas fondé à soutenir que, en donnant à la notion de créance « certaine » le sens ainsi défini par l’article 81, sous a), du règlement délégué, la Commission aurait développé une interprétation contestable de cette notion s’agissant des créances contractuelles. Partant, il y a lieu d’écarter l’argument selon lequel les créances litigieuses n’étaient pas certaines et, plus généralement, ne pouvaient faire l’objet d’un recouvrement par compensation au motif qu’elles avaient été contestées par le requérant.

192    Par ailleurs, en l’espèce, il y a lieu de constater que la créance litigieuse n’était pas affectée par l’existence d’une condition. Au surplus, le Tribunal a jugé qu’une créance de l’Union était certaine, liquide et exigible à l’échéance du délai fixé dans une note de débit (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2011, Walton/Commission, T‑37/08, EU:T:2011:640, point 60). Or, il est constant que la décision attaquée, laquelle est datée du 6 septembre 2016, a été adoptée après l’expiration du délai de paiement fixé au 28 décembre 2015 par la note de débit du 13 novembre 2015.

193    Il s’ensuit que le requérant n’est pas fondé à contester le caractère certain des créances compensées.

194    Secondement, le requérant soutient que la créance de l’Union n’a pas été dûment établie par l’ordonnateur, au sens de l’article 80, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement financier, dès lors qu’il n’a pas procédé aux vérifications requises par l’article 78, paragraphe 1, dudit règlement. À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que le requérant se réfère à la prétendue irrégularité du rapport d’audit final liée à l’absence de sa signature par l’auditeur initialement chargé de l’audit et au délai de deux ans écoulé entre le dernier courriel de cet auditeur et la remise du rapport d’audit final.

195    Or, ces prétendues irrégularités ont été examinées dans le cadre des troisième et quatrième moyens présentés au soutien de la demande fondée sur l’article 272 TFUE. Le Tribunal a constaté, au point 128 ci-dessus, qu’elles n’affectaient pas la procédure d’audit. Partant, le requérant n’est pas fondé à contester l’établissement des créances litigieuses par l’ordonnateur au motif que ce dernier se serait fondé sur un rapport d’audit irrégulier.

196    D’autre part, le requérant soutient que l’ordonnateur n’aurait pas procédé aux vérifications requises par l’article 78, paragraphe 1, du règlement financier selon lequel la constatation d’une créance est l’acte par lequel l’ordonnateur compétent vérifie l’existence de la dette du débiteur, détermine ou vérifie la réalité et le montant de la dette et vérifie les conditions d’exigibilité de la dette. Il fait valoir à cet égard que l’ordonnateur se serait borné à « donner effet » au rapport d’audit sans vérifier l’existence et la réalité des créances.

197    Or, il a été conclu au point 134 ci-dessus que les éléments du dossier ne permettaient pas de constater que l’ordonnateur de la Commission se serait estimé lié par les conclusions de l’audit.

198    Il a également été conclu au point 146 ci-dessus à l’existence des créances litigieuses. Partant, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’absence de prise en compte des éléments de preuve qu’il avait transmis en vue d’établir l’inexistence desdites créances révélerait un manquement de l’ordonnateur à son obligation de procéder aux vérifications requises en application de l’article 78, paragraphe 1, du règlement financier.

199    Partant, le requérant n’établit pas que l’ordonnateur aurait méconnu les dispositions de l’article 78, paragraphe 1, du règlement financier.

200    Il s’ensuit que le grief tiré de la violation des dispositions de l’article 80, paragraphe 1, du règlement financier doit être écarté comme non fondé.

201    En second lieu, en tant que le requérant fait grief à l’ordonnateur de la Commission d’avoir méconnu les dispositions de l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier, rappelées au point 129 ci-dessus, il y a lieu de relever que, en substance, son argumentation consiste à soutenir que l’ordonnateur de la Commission se serait senti lié par les conclusions du rapport d’audit final. Or, il a déjà été conclu qu’un tel grief n’était pas fondé.

202    En conséquence, il y a lieu d’écarter le second grief comme non fondé et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’atteinte portée au principe de protection de la confiance légitime

203    Le requérant fait valoir que la chronologie de la procédure, et notamment les assurances données de façon précise, concordante et inconditionnelle par les services de la direction générale du budget, d’une part, et le versement effectué en sa faveur le 1er juillet 2016, d’autre part, constituaient des garanties claires et concordantes que la Commission ne procéderait pas au recouvrement de ses prétendues créances, y compris par voie de compensation, avant l’issue de la procédure devant le Médiateur et, le cas échéant, de la procédure judiciaire subséquente. Le requérant ajoute, dans la réplique, que le fait que, entre les mois de décembre 2015 et juin 2016, les services comptables de la Commission aient été d’avis qu’aucune « mesure active » de recouvrement ne serait arrêtée a fait naître dans son esprit une attente légitime que cette situation se poursuivrait jusqu’à la résolution du litige. Il fait également valoir que les assurances données ne sont pas contraires au règlement financier.

204    La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.

205    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées (voir arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 83 et jurisprudence citée).

206    Ce droit suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 85 et jurisprudence citée).

207    En ce qui concerne la première condition, constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 86 et jurisprudence citée).

208    En l’espèce, le requérant se prévaut d’informations données par téléphone par un agent de la direction générale du budget le 17 décembre 2015. Il convient de relever que, si les parties s’accordent quant à l’existence d’un tel échange, elles s’opposent quant au contenu des informations données à cette occasion. Ainsi, selon le requérant, l’agent l’aurait assuré de la suspension de la procédure de recouvrement jusqu’à l’issue de l’examen de la plainte par le Médiateur et d’une éventuelle procédure juridictionnelle. En revanche, selon la Commission, l’agent de la direction générale du budget aurait seulement expliqué au requérant que la procédure de recouvrement serait suspendue durant le réexamen du rejet des coûts de sous-traitance.

209    Il s’ensuit que le requérant n’établit pas la réalité des assurances dont il se prévaut. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’émission de la note de débit du 13 novembre 2015 afférente à certains coûts de sous-traitance et de personnel mentionne la possibilité de procéder à un recouvrement par compensation. Cette note de débit a été envoyée au requérant après le dépôt de plainte de ce dernier auprès du Médiateur. Elle a été suivie par l’envoi au requérant, le 25 janvier 2016, d’une lettre de rappel du comptable de la Commission sollicitant le paiement de la créance objet de la note de débit précitée, majorée des intérêts de retard, et indiquant qu’un paiement par compensation pourrait intervenir à tout moment. Par conséquent, même en admettant que l’agent de la direction générale ait tenu les propos allégués par le requérant, ces propos ne concorderaient pas avec le déroulement de la procédure susmentionné.

210    Par ailleurs, la circonstance que, à l’exception de la lettre de rappel du 25 janvier 2016, aucune mesure de recouvrement n’a été adoptée par le comptable de la Commission entre les mois de décembre 2015 et de juin 2016 ne saurait constituer une assurance donnée au requérant quant à l’absence de recouvrement des créances litigieuses jusqu’à la résolution du litige l’opposant à la Commission. En effet, durant cette période, la Commission procédait au réexamen du rejet des coûts de sous-traitance exposés dans le cadre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic. Ainsi que cela a été exposé au point 182 ci-dessus, la procédure de recouvrement des sommes objets de la note de débit du 13 novembre 2015 était, de fait, suspendue.

211    De même, le versement opéré le 1er juillet 2016 par le comptable de la Commission au profit du requérant ne saurait constituer une assurance de l’absence de recouvrement par compensation en raison de la suspension de fait de la procédure de recouvrement exposée au point 210 ci-dessus.

212    Dans ces circonstances, le déroulement de la procédure, en particulier les informations délivrées par l’agent de la direction générale du budget, dont la teneur est contestée, et le versement du 1er juillet 2016 ne sauraient constituer des assurances précises, inconditionnelles et concordantes au sens de la jurisprudence citée au point 206 ci-dessus.

213    En conséquence, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

214    Le requérant fait valoir que, selon la pratique de la direction générale du budget, aucune procédure formelle de recouvrement des créances n’est engagée si ces créances sont contestées. Selon lui, tel était le cas en l’espèce, ainsi que l’aurait reconnu la direction générale du budget, laquelle n’a procédé à aucune mesure de recouvrement entre le 25 janvier 2016 et la date d’adoption de la décision attaquée. Le requérant sollicite du Tribunal qu’il demande à la Commission de produire des informations sur cette pratique. En effet, si celle-ci était avérée, la décision attaquée serait entachée d’une atteinte au principe d’égalité de traitement.

215    La Commission fait valoir que le moyen n’est pas fondé.

216    Conformément à une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination ou d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir ordonnance du 13 septembre 2016, EDF Luminus/Parlement, T‑384/15, EU:T:2016:512, point 53 et jurisprudence citée).

217    En l’espèce, force est de constater que le requérant ne produit aucun élément de nature à établir l’existence d’une pratique selon laquelle le comptable de la Commission s’abstiendrait de toute mesure de recouvrement d’une créance dès lors que celle-ci est contestée par le prétendu débiteur ou fait l’objet d’une plainte de sa part auprès du Médiateur. En effet, une telle pratique ne saurait être déduite de l’absence de mesures de recouvrement adoptées entre la lettre de rappel du comptable de la Commission du 25 janvier 2016 et la date d’adoption de la décision attaquée dès lors que, ainsi que cela a été relevé au point 182 ci-dessus, la procédure de recouvrement des sommes objets de la note de débit du 13 novembre 2015 était, de fait, suspendue pendant au moins une partie de cette période.

218    Dans ces conditions, en l’absence de tout commencement de preuve au soutien des allégations du requérant, il y a lieu d’écarter le cinquième moyen en tant qu’il manque en fait, sans qu’il y ait lieu d’ordonner la mesure d’organisation de la procédure sollicitée par le requérant.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu et de l’insuffisante motivation de la décision attaquée

219    Le requérant soutient qu’il n’a pas pu faire valoir utilement ses observations avant l’adoption de la décision attaquée, notamment en raison de l’absence d’interlocuteur auprès duquel soulever ses griefs. Il soutient également que la décision attaquée souffre d’un défaut de motivation en l’absence d’indication, d’une part, des raisons pour lesquelles une compensation devait être opérée alors que la créance de l’Union était contestée et que des assurances quant à l’absence de recouvrement avaient été fournies et, d’autre part, des raisons de la compensation avec la créance qu’il détenait au titre du contrat SMART-NEST, et non pas avec toute autre créance. Ce défaut de motivation serait confirmé par l’indication donnée par le comptable de la Commission selon laquelle la compensation pourrait être corrigée dans l’hypothèse où la créance serait ultérieurement modifiée.

220    La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.

221    En premier lieu, s’agissant de la violation du droit d’être entendu, il convient de rappeler que ce droit, qui constitue un corollaire des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 27 avril 2016, ANKO/Commission, T‑155/14, non publié, EU:T:2016:245, point 54 et jurisprudence citée). Il doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt du 22 avril 2015, Planet/Commission, T‑320/09, EU:T:2015:223, point 76 et jurisprudence citée).

222    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée, adoptée le 6 septembre 2016, a été précédée d’une note de débit du 13 novembre 2015, laquelle indique que, à défaut de paiement dans le délai fixé, la Commission pourra procéder au recouvrement par compensation. La lettre du comptable de la Commission en date du 25 janvier 2016 rappelle également la possibilité de recourir à la compensation. Tant cette note que cette lettre de rappel ont fait l’objet de réponses du requérant, respectivement par lettre du 30 novembre 2015 et par lettre du 8 février 2016.

223    Il en découle que le requérant a été en mesure de faire connaître utilement son point de vue et, dès lors, d’exercer son droit d’être entendu avant l’adoption de la décision attaquée.

224    En second lieu, s’agissant du défaut de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée (voir arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 96 et jurisprudence citée).

225    La motivation ne doit pas nécessairement spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE devant être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu par l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 97 et jurisprudence citée).

226    Dans le cas d’une décision de compensation, la motivation doit permettre d’identifier avec précision les créances qui sont compensées, sans qu’il puisse être exigé que la motivation retenue initialement à l’appui de la constatation de chacune de ces créances soit répétée dans la décision de compensation (voir arrêt du 14 septembre 2017, Università del Salento/Commission, T‑393/15, non publié, EU:T:2017:604, point 112 et jurisprudence citée).

227    En l’espèce, il est constant que la décision attaquée identifie précisément les créances objets de la compensation dès lors qu’elle comporte, en annexe, la note de débit du 13 novembre 2015, avec l’indication de son montant réduit afin de tenir compte de la note de crédit du 4 août 2016, ainsi qu’un document identifiant l’origine et le montant de la créance du requérant à l’égard de l’Union. Il y a également lieu de relever que la décision attaquée identifie son fondement juridique en faisant référence à l’article 80, paragraphe 1, du règlement financier.

228    De même, il n’est pas contesté que la constatation de la créance de l’Union comporte une justification détaillée des raisons qui ont conduit la Commission à réclamer le remboursement par le requérant de la somme de 154 704,24 euros, réduite à la somme de 67 984,13 euros, puis à la somme de 66 485,79 euros.

229    Enfin, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu par le requérant qui lui permettait d’en comprendre la portée. Dans ces conditions, et alors que, comme il est indiqué au point 190 ci-dessus, la compensation n’est pas exclue lorsqu’une dette est contestée par l’autre partie au contrat, le requérant ne saurait soutenir que l’obligation de motivation exigeait, dans les circonstances de l’espèce, que la Commission indique les raisons pour lesquelles elle procédait à un recouvrement par compensation en dépit de la contestation de la créance de l’Union. De même, en l’absence d’évolution de la position de la Commission quant à la possibilité de compensation des créances en cause, le requérant ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir précisé les raisons de son changement de position. Enfin, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 80, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier, le comptable procède à un recouvrement par compensation et à due concurrence des créances de l’Union à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance à l’égard de l’Union. Partant, contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission n’était nullement tenue d’indiquer les raisons de son choix de compenser les créances litigieuses de la Commission avec la créance en cause du requérant à l’égard de la REA.

230    Partant, il y a lieu de constater que la décision attaquée est suffisamment motivée.

231    Il s’ensuit que le sixième moyen, tiré de la violation des formes substantielles, doit être écarté comme non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir

232    Le requérant fait valoir que la Commission a adopté la décision attaquée dans le but, d’une part, de contourner les contrats litigieux, lesquels étaient soumis au droit belge qui ne permettait pas de procéder à un recouvrement par compensation des créances litigieuses dès lors qu’elles étaient contestées et, d’autre part, de se dispenser d’adopter un titre exécutoire, d’éviter une procédure judiciaire et de mettre un terme à l’enquête du Médiateur. À cet égard, il se prévaut de l’absence d’examen sérieux des éléments de preuve qu’il avait fournis concernant l’inexistence des prétendues créances de la Commission et de la simple mise en œuvre du rapport d’audit par l’ordonnateur. Il fait également valoir l’incapacité de la Commission à justifier les raisons de la compensation des créances litigieuses avec la somme qui lui était due au titre de la convention SMART-NEST et non avec celle qui lui a été payée le 1er juillet 2016.

233    La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.

234    Conformément à une jurisprudence constante, un détournement de pouvoir peut être constaté lorsqu’une institution exerce ses compétences dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par les traités pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 94 et jurisprudence citée).

235    En l’espèce, ainsi que cela a été constaté au point 170 ci-dessus, la décision attaquée est régulièrement fondée sur les dispositions du règlement financier. En outre, ainsi que cela a été exposé au point 181 ci-dessus, dès lors que les conditions pour procéder à une compensation étaient réunies, le comptable de la Commission était tenu d’y procéder en application des dispositions de l’article 80, paragraphe 3, sous d), et de l’article 87, paragraphe 1, du règlement délégué. Partant, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision a été prise dans un but autre que celui de recouvrer les créances litigieuses.

236    Par ailleurs, en tant que le requérant fait valoir, en substance, l’acceptation du rapport d’audit par l’ordonnateur de la Commission, l’absence d’examen sérieux des éléments de preuve qu’il avait transmis et le paiement effectué à son profit le 1er juillet 2016, il y a lieu de rappeler que ces arguments ont déjà été examinés et écartés par le Tribunal respectivement aux points 134, 90 et 182 ci-dessus.

237    Il s’ensuit que le requérant n’établit pas que la décision attaquée est entachée d’un détournement de pouvoir. Partant, le septième moyen doit être écarté.

238    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions du recours tendant à l’annulation de la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la REA, tirée de ce que ce chef de conclusions serait mal dirigé en tant qu’il serait dirigé à son égard.

 Sur le recours en tant qu’il est fondé sur l’article 272 TFUE et sur la convention SMART-NEST (quatrième chef de conclusions)

239    D’emblée, il y a lieu de relever que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours en tant qu’il est fondé sur l’article 272 TFUE, en vertu de la clause compromissoire figurant à l’article 9 de la convention SMART-NEST, laquelle stipule que le Tribunal est compétent pour connaître des litiges entre l’Union et les bénéficiaires concernant l’interprétation, l’application ou la validité de cette convention.

240    Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il est titulaire d’une créance au titre de la convention SMART-NEST conclue avec la REA, celle-ci ayant été régulièrement éteinte par compensation avec ses dettes à l’égard de la Commission au titre des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic.

241    Par suite, il y a lieu de rejeter le quatrième chef de conclusions du recours, sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir dont il fait l’objet de la part de la Commission, tirées de ce qu’il serait mal dirigé en tant qu’il est formé à son égard et de ce que sa recevabilité serait liée à l’annulation de la décision attaquée, et de la part de la REA, tirées du non-respect de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et, en substance, de l’absence d’intérêt à agir né et actuel du requérant et de l’absence d’objet de ce chef de conclusions en tant qu’il est dirigé à son égard.

242    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

243    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens exposés par la REA, conformément à ses conclusions.

244    Aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme étant frustratoires ou vexatoires.

245    En l’espèce, si le requérant a succombé en ses conclusions, il y a lieu de rappeler que la Commission a procédé, en cours d’instance, au remboursement d’une partie de l’indemnité forfaitaire mise à la charge du requérant en application des contrats KMM-NOE et Boosting Baltic, ce dont le Tribunal a été informé à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure. Ce remboursement a conduit le requérant à modifier ses conclusions en réduisant le montant de la créance litigieuse. Une telle circonstance constitue un motif justifiant un partage entre la Commission et le requérant des frais exposés aux fins de l’instance. Le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en mettant à la charge de la Commission, outre ses propres dépens, le tiers des dépens exposés par le requérant.

246    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens. Il s’ensuit que la République de Pologne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Instytut Podstawowych Problemów Techniki Polskiej Akademii Nauk (IPPT PAN) supportera les deux tiers de ses dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence exécutive pour la recherche (REA).

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que le tiers des dépens exposés par IPPT PAN.

4)      La République de Pologne supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Bieliūnas

Marcoulli

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.