Language of document : ECLI:EU:C:2014:1936

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentée le 14 mai 2014 (1)

Affaire C‑146/14 PPU

Direktor na Direktsia «Migratsia» pri Ministerstvo na vatreshnite raboti

contre

Bashir Mohamed Ali Mahdi

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice – Directive retour – Éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier – Rétention administrative – Prolongation d’une telle rétention – Admissibilité éventuelle d’un dépassement de la durée maximale de rétention, fondé sur l’absence de documents d’identité – Obstacles à l’exécution de la décision d’éloignement – Perspective raisonnable d’éloignement – Refus de l’ambassade du pays d’origine de l’intéressé de délivrer le document requis pour le voyage de retour – Obligation éventuelle de l’État membre concerné de délivrer un document temporaire relatif au statut de la personne»





 Introduction

1.      La Cour est, pour la quatrième fois (2), amenée à traiter d’une procédure préjudicielle d’urgence portant sur l’interprétation des dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO L 348, p. 98), habituellement connue sous le nom de «directive retour».

2.      Dans cette prise de position, je ferai à plusieurs reprises référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour EDH»). Ce choix tient au fait que la directive 2008/115 vise justement à tenir compte de la jurisprudence de la Cour EDH en matière de rétention (3). Cette jurisprudence relève de l’article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), qui correspond à l’article 6 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»). L’article 52, paragraphe 3, première phrase, de la Charte stipule que, dans la mesure où celle-ci contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, leurs sens et leur portée sont les mêmes que ceux conférés par la CEDH. Pour ce qui est de l’article 7 de la Charte et de l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, la Cour a confirmé qu’«[i]l convient de donner à l’article 7 de la [C]harte le même sens et la même portée que ceux conférés à l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, tel qu’interprété par la jurisprudence de la [Cour EDH]» (4).

3.      À mon avis, il en va de même pour l’article 6 de la Charte et l’article 5 de la CEDH (5).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La Charte

4.      En vertu de l’article 6 de la Charte, «[t]oute personne a droit à la liberté et à la sûreté».

5.      L’article 47 de la Charte, intitulé «Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial», prévoit:

«Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice.»

 La directive 2008/115

6.      Les considérants 6, 12 et 16 de la directive 2008/115 énoncent:

«(6)      Les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. Lorsqu’ils utilisent les formulaires types pour les décisions liées au retour, c’est-à-dire les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement, les États membres devraient respecter ce principe et se conformer pleinement à l’ensemble des dispositions applicables de la présente directive.

[…]

(12)      Il convient de régler la situation des ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier, mais qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’un éloignement. Leurs besoins de base devraient être définis conformément à la législation nationale. Afin d’être en mesure de prouver leur situation spécifique en cas de vérifications ou de contrôles administratifs, ces personnes devraient se voir délivrer une confirmation écrite de leur situation. Les États membres devraient avoir une grande latitude pour déterminer la forme et le modèle de la confirmation écrite et devraient également être en mesure de l’inclure dans les décisions liées au retour adoptées au titre de la présente directive.

[…]

(16)      Le recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas.»

7.      L’objet de la directive 2008/115 est décrit à son article 1er comme suit:

«La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme.»

8.      L’article 3, point 7, de la directive 2008/115 définit un «risque de fuite» comme «le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite».

9.      L’article 15 de la directive 2008/115, intitulé «Rétention», prévoit:

«1.      À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a)      il existe un risque de fuite, ou

b)      le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

2.      La rétention est ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires.

La rétention est ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit.

Si la rétention a été ordonnée par des autorités administratives, les États membres:

a)      soit prévoient qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention,

b)      soit accordent au ressortissant concerné d’un pays tiers le droit d’engager une procédure par laquelle la légalité de la rétention fait l’objet d’un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question. Dans ce cas, les États membres informent immédiatement le ressortissant concerné d’un pays tiers de la possibilité d’engager cette procédure.

Le ressortissant concerné d’un pays tiers est immédiatement remis en liberté si la rétention n’est pas légale.

3.      Dans chaque cas, la rétention fait l’objet d’un réexamen à intervalles raisonnables soit à la demande du ressortissant concerné d’un pays tiers, soit d’office. En cas de périodes de rétention prolongées, les réexamens font l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire.

4.      Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

5.      La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois.

6.      Les États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison:

a)      du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, ou

b)      des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires.»

 La CEDH

10.    L’article 5 de la CEDH stipule, dans la mesure pertinente aux fins de la présente affaire:

«1.      Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:

[…]

f)      s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

[…]

4.      Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

[…]»

 Le droit bulgare

 La loi sur les étrangers

11.    L’article 41, point 1, de la loi sur les étrangers en République de Bulgarie (Zakon za chuzhdentsite v Republika Bălgaria, DV no 153, du 23 décembre 1998), dans sa version applicable aux faits de l’espèce (DV no 108 du 17 décembre de 2013, ci-après la «loi sur les étrangers»), prévoit qu’une mesure administrative coercitive «reconduite à la frontière» peut être infligée lorsque «l’étranger n’est pas en mesure de prouver que son entrée sur le territoire était légale».

12.    L’article 42h, paragraphes 1, 3 et 4, de la loi sur les étrangers, dans la rédaction applicable à la situation au principal, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 1, point 22, de cette loi, prévoit qu’une mesure administrative coercitive d’«interdiction d’entrer» peut être infligée lorsqu’il appert que l’entrée de l’étranger sur le territoire vise à l’utilisation du pays en tant que point de passage en vue d’émigrer vers un autre pays tiers.

13.    Selon l’article 44, paragraphe 5, de la loi sur les étrangers, «[l]orsqu’il existe des obstacles empêchant l’étranger de quitter immédiatement le territoire ou d’entrer dans un autre pays, ledit étranger est obligé, par arrêté de l’autorité ayant pris la mesure administrative coercitive, de se présenter chaque semaine devant la section locale du ministère des Affaires intérieures, selon des modalités prévues par le décret d’application de la présente loi, à moins que les obstacles à l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière ou d’expulsion aient été levés, et que des mesures aient été adoptées en vue de son éloignement imminent».

14.    Conformément à l’article 44, paragraphe 6, de cette loi:

«Lorsqu’une mesure administrative coercitive a été prise au titre de l’article 39a, paragraphe 1, points 2 et 3, à l’encontre d’un étranger dont l’identité n’a pas pu être établie, que ce dernier entrave l’exécution de l’arrêté infligeant ladite mesure, ou que l’on est en présence d’un risque de fuite, l’autorité qui a pris l’arrêté en question peut également prendre un arrêté de placement en rétention à l’encontre de l’étranger, dans les locaux d’un centre de rétention administrative d’étrangers, en vue de préparer sa reconduite à la frontière de la République de Bulgarie ou son expulsion.»

15.    Aux termes de l’article 44, paragraphe 8, de cette même loi:

«La rétention administrative se poursuit tant que les conditions énoncées au paragraphe 6 sont réunies, sans pouvoir dépasser six mois. Les autorités compétentes en vertu du paragraphe 1 vérifient d’office une fois par mois, conjointement avec le directeur de la direction ‘Migratsia’, que les conditions requises pour le placement en rétention sont réunies. Exceptionnellement, lorsque la personne refuse de coopérer avec les autorités compétentes, qu’il existe un retard dans l’obtention des documents requis pour la reconduite à la frontière ou l’expulsion, la durée de la rétention peut être étendue à 12 mois. Lorsque, compte tenu des circonstances concrètes de l’affaire, il est constaté qu’il n’existe plus de perspectives raisonnables d’éloignement de l’étranger pour des raisons d’ordre juridique ou technique, la personne concernée est immédiatement remise en liberté.»

16.    Selon l’article 46a, paragraphe 1, de la loi sur les étrangers, «[l]’arrêté de placement en centre de rétention administrative peut faire l’objet d’un recours, selon les modalités prévues par le code de procédure administrative [Administrativnoprotsesualen kodeks, ci-après l’‘APK’)], dans un délai de 14 jours à compter du placement effectif».

17.    L’article 46a, paragraphe 2, de cette loi dispose que le tribunal saisi statue sur ce recours en audience publique, sans que la personne concernée soit tenue de comparaître, et que la décision juridictionnelle peut elle-même faire l’objet d’un recours.

18.    En vertu de l’article 46a, paragraphe 3, de cette même loi, «[t]ous les six mois, le directeur du centre de rétention administrative de ressortissants étrangers présente une liste des étrangers qui y ont séjourné pendant plus de six mois en raison des obstacles à leur éloignement du territoire. Ladite liste est communiquée au tribunal administratif dans le ressort duquel le centre de rétention administrative est situé».

19.    L’article 46a, paragraphe 4, de la loi sur les étrangers se lit ainsi:

«À l’issue de chaque période de six mois de placement dans un centre de rétention, le tribunal ordonne d’office, ou bien à la demande de l’étranger intéressé, à huis clos, la prolongation de la rétention, des mesures substitutives à celle-ci ou bien la remise en liberté. L’ordonnance du tribunal peut faire l’objet d’un recours selon les modalités prévues [par l’APK].»

20.    Selon le paragraphe 1, point 4c, des dispositions complémentaires de la loi sur les étrangers, l’existence d’«un risque de fuite d’un étranger faisant l’objet d’une mesure administrative coercitive» est établie lorsque, compte tenu des éléments factuels, il existe une raison plausible de soupçonner que cette personne est susceptible de se soustraire à l’exécution de la mesure ordonnée. Peuvent constituer des éléments en ce sens la circonstance que la personne est introuvable à son domicile déclaré, l’existence d’atteintes antérieures à l’ordre public, l’existence de condamnations préalables de la personne, nonobstant sa réhabilitation, la circonstance qu’elle n’a pas quitté le pays dans le délai qui lui a été imparti en vue de son départ volontaire, qu’elle a clairement montré qu’elle ne se conformerait pas à la mesure qui lui a été infligée, qu’elle possède de faux documents, ou bien n’en a pas du tout, qu’elle a produit des informations erronées, qu’elle a déjà fui par le passé et qu’elle ne s’est pas conformée à une interdiction d’entrée.

 L’APK

21.    L’article 128, paragraphe 1, de l’APK, intitulé «Compétence ratione materiae», prévoit:

«Relèvent de la compétence des tribunaux administratifs l’ensemble des affaires concernant des demandes tendant à:

1.      la prise, la modification, l’annulation ou la déclaration de nullité d’un acte administratif;

[…]

3.      La protection juridictionnelle contre les actes et omissions de l’administration qui sont dépourvus de base légale.»

22.    En vertu de l’article 168, paragraphe 1, de l’APK, intitulé «Objet du contrôle juridictionnel»:

«Le juge ne se borne pas à examiner les motifs invoqués par le requérant, mais est tenu, sur la base des éléments de preuve produits par les parties, de contrôler la légalité de l’acte administratif attaqué au regard de chacun des motifs prévus à l’article 146.»

23.    Conformément à l’article 170, paragraphe 1, de l’APK, intitulé «Charge de la preuve», «l’autorité administrative et les personnes pour qui l’acte administratif attaqué est favorable doivent prouver l’existence des motifs de fait indiqués dans l’acte et l’exécution des exigences légales pour son adoption.»

24.    L’article 173, paragraphe 1, de l’APK, intitulé «Pouvoir du tribunal lors du prononcé de la déclaration de nullité ou de l’annulation de l’acte administratif», dispose:

«Lorsque la question n’est pas soumise à l’appréciation de l’autorité administrative, le tribunal saisi statue sur le fond de l’affaire après avoir ou bien déclaré la nullité, ou bien annulé l’acte administratif.»

 Le contexte factuel de l’affaire au principal et les questions préjudicielles

25.    Le 9 août 2013, M. Mahdi a été arrêté au poste-frontière de Bregovo (Bulgarie) alors qu’il tentait de quitter la Bulgarie pour la Serbie. Il était démuni de documents d’identité et s’est présenté sous le nom de Bashir Mohamed Ali Mahdi, né le 5 novembre 1974 au Soudan et ressortissant de cet État.

26.    Le même jour, trois mesures administratives ont été prononcées à l’encontre de M. Mahdi par le directeur du poste-frontière bulgare, à savoir une mesure de «reconduite à la frontière d’un étranger», une mesure d’«interdiction d’entrée d’un étranger en Bulgarie» et un arrêté de placement en rétention administrative, en exécution des deux premières mesures.

27.    Le 10 août 2013, M. Mahdi a été placé dans le centre spécial de placement temporaire des étrangers de la Direktsia «Migratsia» pri Ministerstvo na vătreshnite raboti (direction de la migration auprès du ministère de l’Intérieur), implanté à Busmantsi (Bulgarie), situé dans la circonscription de Sofia (Bulgarie), conformément à l’arrêté de placement en rétention administrative.

28.    Le 12 août 2013, M. Mahdi a signé, devant les autorités administratives bulgares, une déclaration de son consentement à son retour volontaire au Soudan.

29.    Le 13 août 2013, le direktor na Direktsia «Migratsia» pri Ministerstvo na vatreshnite raboti (directeur de la direction de la migration auprès du ministère de l’Intérieur, ci-après le «Direktor») s’est adressé par lettre à l’ambassade de la République du Soudan, l’informant des mesures prises à l’encontre de M. Mahdi et de son placement en rétention. Il indiquait également qu’il était nécessaire que le service consulaire près cette même ambassade confirme l’identité de M. Mahdi et lui délivre un récépissé tenant lieu de passeport afin que celui-ci puisse quitter la Bulgarie et retourner au Soudan.

30.    À une date non-spécifiée par la juridiction de renvoi entre le 13 et le 16 août 2013, M. Mahdi a déclaré oralement devant les autorités administratives bulgares qu’il ne souhaitait pas retourner volontairement au Soudan. Il ressort du dossier que cette déclaration ait été faite à la suite d’une réunion avec un représentant de l’ambassade de la République du Soudan, lequel a confirmé l’identité de M. Mahdi tout en refusant de lui délivrer un document d’identité lui permettant de voyager à l’étranger. Ce refus était apparemment fondé sur le fait que M. Mahdi ne souhaitait pas retourner au Soudan. Lors de l’audience devant la Cour, la République de Bulgarie a confirmé n’avoir entrepris aucune démarche à la suite de ce refus.

31.    Le 16 août 2013, Mme Ruseva, une ressortissante bulgare dont les liens avec M. Mahdi ne sont pas autrement précisés, a demandé au Direktor la libération sous caution de M. Mahdi en joignant une déclaration notariée assurant l’hébergement et l’entretien de M. Mahdi. Elle a également indiqué une adresse.

32.    À la suite de cette demande, le 26 août 2013, les autorités bulgares ont effectué une vérification au domicile de Mme Ruseva. Elles ont constaté qu’il s’agissait d’un logement de quatre pièces, dans lequel M. Mahdi disposait d’une chambre.

33.    Le 27 août 2013, le Direktor a proposé à son supérieur hiérarchique, en se fondant sur la déclaration de Mme Ruseva et la vérification effectuée, l’abrogation de l’arrêté de placement en rétention administrative. Le Direktor a également proposé l’adoption d’une mesure moins coercitive à l’encontre de M. Mahdi, à savoir un arrêté de «présentation mensuelle devant la section locale du ministère des Affaires intérieures du lieu de résidence», jusqu’à la disparition des obstacles à l’exécution de la décision de retour prise à son encontre.

34.    Le 9 septembre 2013, le Direktor du poste-frontière a indiqué, par lettre adressée au même supérieur hiérarchique, que l’arrêté ne devait pas être abrogé pour les motifs suivants, à savoir M. Mahdi n’est pas entré légalement en Bulgarie, il ne possède pas de titre de séjour pour résider en Bulgarie, il lui a été refusé le statut de réfugié par l’agence nationale des réfugiés le 29 décembre 2012 et il a commis une infraction pénale en franchissant la frontière nationale entre la Bulgarie et la Serbie en dehors des endroits prévus à cet effet.

35.    Selon la juridiction de renvoi, ni l’arrêté de placement en rétention administrative, ni le refus d’abroger ce placement et de lui substituer une mesure moins coercitive, ni la décision refusant l’octroi de statut de réfugié n’ont fait l’objet d’un recours.

36.    Il ressort de la décision de renvoi que l’affaire au principal a été introduite devant la juridiction de renvoi par le dépôt d’une lettre émanant du Direktor. Celui-ci a demandé à la juridiction de renvoi de statuer d’office, sur le fondement de l’article 46a, paragraphes 3 et 4, de la loi sur les étrangers, sur le maintien de la rétention de M. Mahdi.

37.    C’est dans ce contexte que l’Administrativen sad Sofia-grad (le tribunal administratif de Sofia, Bulgarie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les quatre questions préjudicielles suivantes:

«1)      Faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 3 et 6, de la [directive 2008/115], lu en combinaison avec les articles 6 et 47 de la [Charte], relatifs au droit à un contrôle juridictionnel et à une protection juridictionnelle effective, en ce sens que:

a)      si, en vertu du droit national de l’État membre en cause, une autorité administrative est obligée de réexaminer chaque mois le maintien en rétention administrative, sans être expressément obligée de prendre un acte administratif, et si elle est obligée de produire d’office devant le tribunal la liste des ressortissants de pays tiers qui ont été maintenus en rétention au-delà de la durée légale de la rétention initiale, en raison d’obstacles à leur éloignement, alors ladite autorité administrative est obligée d’adopter, à la date de fin de la rétention prévue par la décision individuelle de rétention initiale, un acte exprès en vue du réexamen de la rétention du point de vue des motifs de prolongation de la durée de la rétention prévus par le droit de l’Union, ou bien d’ordonner la remise en liberté de la personne concernée;

b)      si, en vertu du droit national de l’État membre en cause, le tribunal saisi a le pouvoir d’ordonner la prolongation de la rétention administrative, de lui substituer une mesure moins coercitive, ou bien d’ordonner la remise en liberté du ressortissant d’un pays tiers, ce pouvoir étant exercé après la fin de la durée maximale de la rétention initiale en vue de l’éloignement en application dudit droit national, alors, dans une situation telle que celle au principal, ledit tribunal doit exercer un contrôle de légalité d’un acte de réexamen de la rétention indiquant des motifs de droit et de fait, quant à la nécessité de prolonger la rétention et à la durée de celle-ci, en statuant sur le fond pour ordonner la prolongation de la rétention, des mesures substitutives à celle-ci ou bien la remise en liberté de la personne concernée,

c)      si un acte de réexamen de la rétention administrative n’énonce que les raisons pour lesquelles il n’est pas possible d’exécuter la décision d’éloignement du ressortissant d’un pays tiers, ces dispositions permettent au tribunal saisi d’exercer un contrôle de légalité de cet acte du point de vue des motifs de prolongation de la durée de celle-ci prévus par le droit de l’Union, et, en se fondant uniquement sur des faits et des preuves produits par l’autorité administrative, ainsi que des objections et des faits présentés par le ressortissant d’un pays tiers, de statuer sur le fond en rendant une décision ordonnant la prolongation de la rétention, des mesures substitutives à celle-ci ou bien la remise en liberté de la personne concernée?

2)      Dans une situation telle que celle au principal, faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 1 et 6, de la [directive 2008/115] en ce sens que le motif autonome de prolongation de la rétention[, à savoir que] «la personne n’est pas munie de documents d’identité», prévu par le droit national en question, est compatible avec le droit de l’Union, car il relève des deux hypothèses visées [audit paragraphe 6], dans la mesure où, en vertu du droit national de l’État membre en question, on peut considérer que, dans cette hypothèse, il existe une raison plausible de soupçonner que ladite personne est susceptible de se soustraire à l’exécution de la décision d’éloignement, cette raison de soupçonner impliquant un risque de fuite au sens du droit national de l’État membre en question?

3)      Dans une situation telle que celle au principal, faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 1, sous a) et b), et 6, de la [directive 2008/115], lu en combinaison avec les considérants 2 et 13 de cette directive concernant le respect des droits fondamentaux et de la dignité des ressortissants de pays tiers et concernant l’application du principe de proportionnalité, en ce sens qu’il permet de conclure légitimement à l’existence d’un risque de fuite, au motif que la personne en question n’est pas munie de documents d’identité, qu’elle a franchi irrégulièrement la frontière nationale et qu’elle déclare qu’elle ne souhaite pas retourner dans son pays d’origine, alors même qu’elle a précédemment rempli une déclaration de retour volontaire dans son pays et qu’elle a décliné son identité de manière exacte, ces circonstances relevant de la notion de «risque de fuite» du destinataire de la décision d’éloignement au sens de la [directive 2008/115] qui, en droit national, est qualifiée de raison plausible de soupçonner que ladite personne est susceptible de se soustraire à l’exécution de la décision d’éloignement sur le fondement d’éléments de fait?

4)      Dans une situation telle que celle au principal, faut-il interpréter l’article 15, paragraphes 1, sous a) et b), 4 et 6, de la [directive 2008/115], lu en combinaison avec les considérants 2 et 13 de cette directive concernant le respect des droits fondamentaux et de la dignité des ressortissants de pays tiers et concernant l’application du principe de proportionnalité, en ce sens que:

a)      le ressortissant d’un pays tiers ne coopère pas en vue de la préparation de l’exécution de la décision d’éloignement dans son État d’origine s’il déclare oralement, devant un employé de l’ambassade de l’État en question, qu’il ne souhaite pas retourner dans son pays d’origine, alors même qu’il a précédemment rempli une déclaration de retour volontaire et qu’il a décliné son identité de manière exacte, et qu’il y a un retard pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, et il existe une perspective raisonnable d’exécution de la décision d’éloignement, dans la mesure où, dans ces circonstances, l’ambassade du pays en question ne délivre pas le document requis pour le voyage retour de la personne concernée jusqu’à son pays d’origine, même si elle a confirmé l’identité de la personne,

b)      dans l’hypothèse où le ressortissant d’un pays tiers est remis en liberté du fait de l’absence de perspective raisonnable d’exécution d’une décision d’éloignement, ledit ressortissant n’étant pas muni de documents d’identité, ayant franchi irrégulièrement la frontière nationale et déclarant qu’il ne souhaite pas retourner dans son pays d’origine, et lorsque, dans ces circonstances, l’ambassade du pays en question ne délivre pas le document requis pour le voyage retour de la personne concernée jusqu’à son pays d’origine, même si elle a confirmé l’identité de la personne, faut-il considérer que l’État membre en question est obligé de délivrer un document temporaire relatif au statut de la personne?»

 Sur la procédure d’urgence

38.    Par ordonnance séparée du 28 mars 2014, l’Administrativen sad Sofia-grad a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence visée à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

39.    La troisième chambre de la Cour a décidé, le 8 avril 2014, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence.

 Analyse

 Remarque liminaire

40.    Eu égard au libellé et à la nature des questions posées, il convient de rappeler d’emblée que lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel, elle n’a pas compétence, aux termes de l’article 267 TFUE, pour appliquer les règles de l’Union à une espèce déterminée et, partant, pour qualifier une disposition de droit national au regard de cette règle (6).

41.    En revanche, la Cour peut, dans le cadre de la coopération judiciaire instaurée par l’article 267 TFUE, à partir des éléments du dossier, fournir à une juridiction nationale les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de dispositions du droit de l’Union (7). C’est dans cet esprit que j’aborderai les questions posées par la juridiction de renvoi.

 Sur la recevabilité des questions préjudicielles

42.    Toutes les questions sont, à mon sens, recevables, y compris la dernière qui porte sur l’éventualité selon laquelle M. Mahdi soit remis en liberté. Cette question ne constitue pas une question hypothétique au regard de la jurisprudence de la Cour (8). Au contraire, elle s’inscrit dans la logique des questions précédentes et en constitue une conséquence. La juridiction de renvoi doit être en mesure de guider l’administration dans l’hypothèse où M. Mahdi serait remis en liberté. Cela étant, j’examinerai les questions dans l’ordre dans lequel elles sont posées.

 Sur le fond des questions préjudicielles

43.    La juridiction de renvoi pose une série de questions de procédure et de fond concernant l’interprétation de l’article 15 de la directive 2008/115.

 Le système de rétention instauré par la directive 2008/115

44.    Afin de répondre utilement aux questions de la juridiction de renvoi, il convient de brièvement exposer le système de placement en rétention, ainsi que le réexamen et le contrôle juridictionnel de celle-ci, instauré par l’article 15 de la directive 2008/115.

45.    La directive 2008/115 poursuit, aux termes de son considérant 2, la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité. Elle vise à assurer l’équilibre entre les droits et les intérêts des États membres relatifs au contrôle de l’entrée, du séjour et de l’éloignement des étrangers (9) et les droits individuels des personnes concernées. En ce qui concerne ces derniers, la directive 2008/115 entend tenir compte de la jurisprudence de la Cour EDH en matière du droit à la liberté (10). Il en va de même des «vingt principes directeurs sur le retour forcé», adoptés par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 4 mai 2005 (11), auxquels la directive 2008/115 fait référence à son considérant 3. L’article 15 de cette directive a été, dans le cadre du processus législatif (12), l’un des articles les plus débattus entre les institutions politiques de l’Union (13).

46.    Le principe qui sous-tend l’article 15 de la directive 2008/115 est que seul le déroulement des procédures de retour et d’éloignement justifie la privation de liberté et que, si les procédures ne sont pas menées avec la diligence requise, la rétention cesse d’être justifiée au regard de cette disposition (14).

47.    Il ressort de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 qu’une rétention ne peut constituer qu’une ultima ratio, faute de mesures moins coercitives, et que, en tout état de cause, une rétention ne peut être décidée que si soit il existe un risque de fuite, soit le ressortissant concerné du pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou la procédure d’éloignement. La rétention à des fins d’éloignement n’a ni un caractère punitif (15) ni pénal et ne constitue pas une peine de prison (16). L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 exige une interprétation étroite, la rétention forcée constituant en tant que privation de liberté une exception au droit fondamental de la liberté individuelle (17).

48.    Le principe de proportionnalité exige que la rétention d’une personne contre laquelle une procédure d’éloignement est en cours ne se prolonge pas pendant un laps de temps déraisonnable, c’est-à-dire n’excède pas le délai nécessaire pour atteindre le but poursuivi (18). Ce principe est retenu à l’article 15, paragraphe 5, de la directive 2008/115, qui prévoit de surcroît que chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois (19).

49.    À condition que les conditions initiales de rétention de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 soient encore remplies, un État membre peut exceptionnellement prolonger la période de rétention initiale maximale si, malgré tous ses efforts raisonnables, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps et si l’une des conditions supplémentaires prévues à l’article 15, paragraphe 6, de cette directive est remplie, à savoir un manque de coopération du ressortissant du pays tiers ou des retards subis pour obtenir du pays tiers les documents nécessaires. Ces conditions supplémentaires sont exhaustives. L’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115 est, comme l’article 15, paragraphe 1, de cette directive, également à interpréter strictement.

50.    À tout moment, si les conditions de rétention ne sont plus réunies, conformément à l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2008/115, la personne concernée doit immédiatement être remise en liberté.

51.    La directive 2008/115 prévoit, à son article 15, paragraphe 2, un contrôle juridictionnel en ce qui concerne les rétentions ordonnées par les autorités administratives. Les États membres sont ainsi obligés soit de prévoir un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention le plus rapidement possible à compter du début de la rétention, soit d’accorder au ressortissant concerné du pays tiers le droit d’engager une procédure par laquelle la légalité fait l’objet d’un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question. Par cette exigence, le législateur de l’Union visait également à tenir compte de la jurisprudence pertinente de la Cour EDH concernant la détention aux fins de l’éloignement (20) ainsi que le principe directeur no 9 sur le retour forcé (21).

52.    Dans ses observations écrites, la République de Bulgarie a précisé avoir retenu la seconde possibilité prévue à l’article 15, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/115, par le biais de l’article 46a, paragraphes 1 et 2, de la loi sur les étrangers.

53.    Selon l’article 15, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2008/115, dans chaque cas, la rétention fait l’objet d’un réexamen «à intervalles raisonnables» soit à la demande de la personne concernée, soit d’office.

54.    Selon la République de Bulgarie, ces exigences de la directive 2008/115 sont transposées par les articles 44, paragraphe 8, et 46a, paragraphes 3 et 4, de la loi sur les étrangers.

55.    Enfin, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, seconde phrase, de cette directive, «en cas de périodes de rétention prolongées», les réexamens font obligatoirement l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire.

56.    Il ressort du dossier que la République de Bulgarie a transposé cette obligation par l’article 46a, paragraphes 3 et 4, de la loi sur les étrangers.

 Sur la première question, sous a)

57.    Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2008/115 exige qu’un réexamen d’une rétention soit effectué par un acte exprès, c’est-à-dire si un tel réexamen doit conclure, par un acte exprès, soit que la rétention de la personne concernée est prolongée, soit que cette dernière est remise en liberté. La juridiction de renvoi souhaite ainsi connaître les obligations de l’autorité administrative nationale exerçant le contrôle périodique de légalité de la rétention.

58.    Il ressort du dossier que, selon le droit bulgare, l’autorité administrative qui exerce ce contrôle n’est pas tenue de prendre un acte écrit explicite en ce qui concerne la prolongation de la mesure, ni lorsqu’elle exerce des contrôles mensuels obligatoires (22) ni avant qu’elle envoie le dossier au juge dans le cadre d’une demande de prolongation de la mesure au-delà d’une période de six mois (23).

59.    L’article 15, paragraphe 2, deuxième phrase, de la directive 2008/115 précise que la rétention est ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit. En revanche, il ne précise ni quelle autorité doit effectuer le réexamen ni quelle forme un tel réexamen doit avoir.

60.    À mon sens, le terme de «réexamen» implique que l’instance de réexamen doit analyser si les motifs initiaux de rétention prévus à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 sont encore valables. Dans chaque cas individuel, elle doit vérifier avec soin s’il existe (encore) un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. Elle doit également vérifier si des mesures moins coercitives doivent être prises.

61.    Pour ce qui est d’une prolongation exceptionnelle au-delà de la période visée à l’article 15, paragraphe 5, de la directive 2008/115, l’instance de réexamen doit également veiller à ce que l’une des conditions supplémentaires prévues à l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115 soit remplie.

62.    Tout réexamen doit permettre à une autorité judiciaire d’exercer son contrôle judiciaire selon l’article 15, paragraphe 2 ou 3, de cette directive afin de garantir un recours pour la personne concernée, selon l’article 47 de la Charte (24).

63.    Quelle est la conséquence de ces exigences en ce qui concerne la forme d’un réexamen?

64.    À ce point, je propose d’opérer une différenciation entre, d’une part, les réexamens «à intervalles raisonnables», visés à l’article 15, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2008/115, et, d’autre part, les réexamens «en cas de périodes de rétention prolongées», visés à l’article 15, paragraphe 3, seconde phrase, de cette directive.

65.    Les réexamens à intervalles raisonnables, visés à l’article 15, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2008/115, sont effectués pendant la période fixée par la décision de rétention initiale. Or un nouvel acte semble superflu si la rétention n’est pas prolongée au-delà de la durée initiale et si les motifs n’ont pas changé.

66.    Les réexamens en cas de périodes de rétention prolongées, visés à l’article 15, paragraphe 3, seconde phrase, de cette directive, sont, selon ma lecture de cette disposition, opérés en vue d’obtenir une prolongation de la rétention initiale, que cette prolongation débute pendant la période visée à l’article 15, paragraphe 5, de la directive 2008/115 (25) ou à l’échéance de cette période (26). Dans ces cas, il convient d’adopter une nouvelle décision ayant la même forme que la décision initiale et répondant donc aux exigences formelles de l’article 15, paragraphe 2, deuxième phrase, de cette directive. Cette exigence de forme s’impose pour permettre un contrôle juridictionnel ultérieur.

67.    Il s’ensuit qu’il conviendrait de répondre à la première question, sous a), que l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que, dans une situation dans laquelle la durée initiale de rétention a expiré, l’autorité compétente doit statuer sur la prolongation d’une rétention initiale par décision écrite, en indiquant les motifs de fait et de droit.

 Sur la première question, sous b) et c)

68.    Par sa première question, sous b) et c), les deux volets de cette question étant à examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, si elle doit statuer sur le fond lorsqu’elle exerce un contrôle sur un acte de réexamen ou lorsqu’elle décide de prolonger la rétention et sur quels éléments factuels elle peut se baser. La juridiction de renvoi souhaite ainsi connaître la nature et la portée du contrôle juridictionnel obligatoire en vue d’une prolongation de la mesure lorsque le délai maximal initialement fixé de la rétention a expiré.

69.    Il ressort de cette question préjudicielle que la juridiction de renvoi semble incertaine quant à son rôle dans le cadre d’un contrôle de réexamen selon l’article 15, paragraphe 3, seconde phrase, de la directive 2008/115.

70.    La nature d’un contrôle juridictionnel implique que l’autorité judiciaire doit être en mesure de vérifier si les motifs qui ont fondé la décision de rétention sont encore valables et, le cas échéant, si les conditions pour une prolongation de la rétention sont réunies. Aux fins du respect de l’article 47 de la Charte, le juge national doit disposer d’une compétence de pleine juridiction quant à la décision au fond. Par conséquent, il doit être en mesure de décider sur la prolongation de la rétention, sur la substitution à la rétention d’une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de la personne concernée.

71.    La directive 2008/115 ne s’oppose pas, à mon sens, en soi, à une situation dans laquelle c’est l’autorité judiciaire elle-même qui décide sur la prolongation de la rétention, pour autant qu’elle dispose de tous les éléments précités.

72.    La Cour a confirmé que l’article 15 de la directive 2008/115 est inconditionnel et suffisamment précis pour ne pas nécessiter d’autres éléments particuliers pour permettre leur mise en œuvre par les États membres (27). Il peut donc être directement appliqué par la juridiction de renvoi au profit d’un particulier.

73.    En vertu de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/115, interprété à la lumière de l’article 47 de la Charte, l’autorité judiciaire doit être compétente, si besoin est, de demander à l’autorité administrative de lui fournir tous les éléments concernant chaque dossier individuel et au ressortissant du pays tiers concerné de soumettre ses observations.

74.    En revanche, certaines mesures, telles que la coordination avec des transporteurs et la correspondance avec les autorités des pays tiers, relèvent des fonctions d’une autorité administrative et non pas de celles de la juridiction de renvoi.

75.    Il appartient dès lors à la juridiction nationale d’assumer une pleine juridiction quant au fond. Ainsi, étant donné qu’elle peut directement appliquer l’article 15 de la directive 2008/115, elle est tenue d’éventuellement écarter des dispositions de droit national qui ont pour effet de l’empêcher d’assumer une telle pleine juridiction. Je rappelle, à cet égard, la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle une juridiction nationale a l’obligation d’appliquer intégralement le droit de l’Union et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale (28).

76.    À titre d’exemple, si la procédure prévue à l’article 46a, paragraphe 4, de la loi sur les étrangers impliquait, selon le droit national, que la personne concernée est empêchée de présenter ses observations quant à la décision de rétention, la juridiction de renvoi devrait écarter un tel empêchement et inviter la personne à présenter ses observations.

77.    Je propose ainsi de répondre à la première question, sous b) et c), que, dans le cadre de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/115, toute décision concernant la prolongation d’une rétention prise par l’autorité administrative nationale doit faire l’objet d’un contrôle juridictionnel qui doit être effectué afin de garantir le respect du droit de la personne concernée à un recours effectif, prévu à l’article 47 de la Charte. Toute autorité judiciaire opérant un tel contrôle juridictionnel ou décidant de la prolongation d’une rétention doit pouvoir agir de pleine juridiction et statuer sur le fond, prenant en compte toutes les circonstances et les considérations concrètes soulevées lors de la procédure au principal, et prendre sa décision en appréciant tant les faits et les preuves invoqués par l’autorité administrative que les objections et les faits présentés par le ressortissant d’un pays tiers. Elle doit être en mesure de décider sur la substitution à la rétention d’une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de la personne concernée.

 Sur les deuxième et troisième questions

78.    Par ses deuxième et troisième questions, qui sont à examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphes 1 et 6, de la directive 2008/115 s’oppose à une pratique nationale selon laquelle une période initiale de rétention de six mois peut être prolongée au motif autonome que le ressortissant du pays tiers concerné n’est pas muni de documents d’identité et si, dans un cadre factuel tel que celui au principal, il existe un risque de fuite aux termes de l’article 15, paragraphes 1 et 6, de cette directive.

79.    À titre liminaire, il convient de relever que le motif selon lequel la personne concernée n’est pas munie de documents d’identité ne figure ni parmi les motifs relatifs à la décision initiale de rétention, visés à l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115, ni parmi ceux relatifs à la prolongation de la période de rétention, visés à l’article 15, paragraphe 6, de cette directive.

80.    Dans ce contexte, je rappelle que ce n’est que dans l’hypothèse où l’exécution de la décision de retour sous forme d’éloignement risque d’être compromise par le comportement du ressortissant du pays tiers qu’il peut continuer à être privé de liberté au moyen d’une rétention (29).

81.    Le fait que cette personne n’est pas munie de documents constitue bien évidemment un des éléments que la juridiction de renvoi prendra en compte lorsqu’elle établit s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. Le paragraphe 1, point 4c, des dispositions complémentaires de la loi sur les étrangers me semble également refléter cette exigence.

82.    De surcroît, je tiens à rappeler que l’article 3, paragraphe 7, de la directive 2008/115 définit un «risque de fuite» comme «le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet de procédures de retour peut prendre la fuite».

83.    Dans le cadre de l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2008/115 (30), la Cour a dit pour droit que toute appréciation concernant un risque de fuite doit se fonder sur un examen individuel du cas de l’intéressé (31). Un tel examen personnalisé de la nécessité de priver une personne de sa liberté pour garantir le respect d’une décision d’éloignement s’inscrit aussi dans une protection plus large contre l’arbitraire (32).

84.    Par conséquent, je propose de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 s’oppose à la mise en rétention au seul motif qu’un ressortissant d’un pays tiers n’est pas muni de documents d’identité. Un tel élément peut, néanmoins, être pris en compte comme l’un des éléments pertinents aux fins d’établir l’existence d’un risque de fuite au sens du même paragraphe.

 Sur la quatrième question, sous a)

85.    Par sa quatrième question, sous a), la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, si, dans les circonstances de l’affaire en cause au principal, afin de déterminer si les autorités bulgares peuvent prolonger la rétention du ressortissant du pays tiers, ce dernier a fait preuve d’un «manque de coopération» et/ou si des «retards [ont été] subis pour obtenir d[u] pays tiers les documents nécessaires», conformément aux termes de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115.

86.    À mon avis, la réponse à la quatrième question, sous a), découle directement de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115. Ce paragraphe vise à régler des situations dans lesquelles l’État membre qui procède à l’opération d’éloignement doit avoir entrepris tous les efforts raisonnables, c’est-à-dire toutes les actions lui incombant, avant de considérer la prolongation d’une rétention. Si, malgré cela, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps (en raison d’un manque de coopération du ressortissant d’un pays tiers, ou de retards subis pour obtenir du pays tiers les documents nécessaires), il peut, de manière exceptionnelle, prolonger la période de rétention au-delà de la période visée à l’article 15, paragraphe 5, de la directive 2008/115.

87.    Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier les faits de l’affaire au principal au regard de cette disposition.

88.    Dans ce contexte, même dans l’hypothèse où les faits au principal décrits par la juridiction de renvoi indiquent un manque de coopération de la part de M. Mahdi et/ou un retard pour obtenir les documents nécessaires de la part du Soudan, les autorités bulgares doivent continuer à poursuivre «tous les efforts raisonnables», tel qu’exigé par l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115.

89.    Pendant toute la période de rétention, elles doivent activement et de manière continue et non-interrompue poursuivre les démarches afin d’obtenir, de la part de l’ambassade, la délivrance de documents de voyage et sont tenues de négocier l’admission de M. Mahdi au Soudan dans les meilleurs délais. Je tiens à répéter que la rétention est uniquement motivée par l’éloignement et qu’elle ne revêt pas de caractère punitif.

90.    La jurisprudence de la Cour EDH confirme une telle analyse. En effet, cette Cour a constaté une violation du droit à la liberté commise par la République de Bulgarie dans une affaire où, pendant une période de 18 mois, les autorités bulgares se sont limitées à écrire trois fois à l’ambassade du pays tiers concerné pour demander de délivrer au requérant un document de voyage. Selon la Cour EDH, ces trois courriers étaient insuffisants aux fins de démontrer que les autorités bulgares avaient suivi l’affaire activement ou qu’elles s’étaient efforcées de négocier un transfert rapide ou l’admission du requérant dans un pays tiers (33).

91.    Enfin, il semble ressortir de la demande de décision préjudicielle que la République de Bulgarie a transposé la disposition relative à la rétention maximale, au paragraphe 44, paragraphe 8, de la loi sur les étrangers, dans le sens que «la durée de la rétention peut être étendue à 12 mois» (34). Dans l’éventualité où cela implique qu’elle a ainsi choisi de limiter la période de rétention totale à douze mois et de ne pas épuiser le délai maximal permis par l’article 15, paragraphes 5 et 6, de la directive 2008/115 (35), elle ne saurait appliquer cette disposition de manière à lui permettre d’étendre le délai de rétention au-delà de douze mois au total. En effet, un État membre ne saurait invoquer une disposition d’une directive contre un particulier (36).

92.    Il conviendrait dès lors de répondre à la quatrième question, sous a), que, en vertu de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115, les autorités d’un État membre peuvent prolonger la période d’une rétention au-delà de la période visée à l’article 15, paragraphe 5, de cette directive uniquement si l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison d’éléments factuels qui ne leur sont pas imputables. Même dans l’hypothèse où les faits de la procédure au principal indiquent un manque de coopération du ressortissant du pays tiers et/ou un retard pour obtenir les documents nécessaires de la part du pays tiers, un État membre est tenu de poursuivre activement et de manière continue et non-interrompue ses efforts en vue de l’exécution de l’opération d’éloignement.

 Sur la quatrième question, sous b)

93.    Par cette dernière question, la juridiction de renvoi demande à la Cour si, dans l’éventualité où le ressortissant de l’État tiers est remis en liberté et où les autorités de cet État continuent à ne pas délivrer de document d’identification, l’État membre est tenu de délivrer un document temporaire relatif au statut dudit ressortissant.

94.    Ainsi que la Commission l’a souligné dans ses observations, il n’existe pas d’harmonisation concernant les conditions de séjour sur le territoire des États membres des ressortissants d’un pays tiers en séjour irrégulier à l’égard desquels le dispositif d’éloignement ne peut pas être exécuté. En particulier, le règlement (CE) no 1030/2002 du Conseil, du 13 juin 2002, établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers (JO L 157, p. 1), ne s’applique, aux termes de son article 1er, paragraphe 2, qu’aux séjours légaux.

95.    Si les autorités bulgares décidaient que M. Mahdi ne doit plus retourner au Soudan, elles seraient libres, conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive 2008/115, de lui accorder un titre de séjour ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres.

96.    En l’absence d’une telle décision, je considère qu’une obligation pour les États membres de fournir à la personne concernée une confirmation écrite de sa situation découle de la logique même de la directive 2008/115. Un tel document permettrait d’éviter que cette personne soit à nouveau arrêtée par les autorités bulgares s’il lui était demandé ultérieurement de prouver sa situation spécifique lors d’une vérification ou d’un contrôle administratif.

97.    Je propose ainsi de répondre à la quatrième question, sous b), que l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2008/115 doit être interprété à la lumière du considérant 12 de celle-ci en ce sens que si le ressortissant d’un pays tiers est remis en liberté, l’État membre doit lui délivrer une confirmation écrite de sa situation afin qu’il soit en mesure de prouver sa situation spécifique en cas de contrôle administratif ou de vérification.

 Conclusion

98.    À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par l’Administrativen sad Sofia-grad de la manière suivante:

1)      L’article 15, paragraphe 3, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, doit être interprété en ce sens que l’autorité compétente doit statuer par un acte individuel exprès sur la prolongation d’une rétention initiale.

2)      Dans le cadre de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la directive 2008/115, toute décision concernant la prolongation d’une rétention prise par l’autorité administrative doit faire l’objet d’un contrôle juridictionnel qui doit être effectué afin de garantir le respect du droit de la personne concernée à un recours effectif, prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Toute autorité judiciaire opérant un tel contrôle juridictionnel ou décidant d’une prolongation d’une rétention doit pouvoir agir de pleine juridiction et statuer sur le fond, prenant en compte toutes les circonstances et les considérations concrètes soulevées lors de la procédure au principal, et prendre sa décision en appréciant tant les faits et les preuves invoqués par l’autorité administrative que les objections et les faits présentés par le ressortissant d’un pays tiers. Elle doit être en mesure de décider sur la substitution à la rétention d’une mesure moins coercitive ou sur la remise en liberté de la personne concernée.

3)      L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115 s’oppose à la mise en rétention au seul motif qu’un ressortissant d’un pays tiers n’est pas muni de documents d’identité. Un tel élément peut, néanmoins, être pris en compte comme l’un des éléments pertinents aux fins d’établir l’existence d’un risque de fuite au sens du même paragraphe.

4)      En vertu de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115, les autorités d’un État membre peuvent prolonger la période d’une rétention au-delà de la période visée à l’article 15, paragraphe 5, de cette directive uniquement si l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison d’éléments factuels qui ne leur sont pas imputables. Même dans l’hypothèse où les faits de la procédure au principal indiquent un manque de coopération du ressortissant du pays tiers et/ou un retard pour obtenir les documents nécessaires de la part du pays tiers, un État membre est tenu de poursuivre activement et de manière continue et non-interrompue ses efforts en vue de l’exécution de l’opération d’éloignement.

5)      Dans les cas où, conformément à l’article 15, paragraphe 4, de la directive 2008/115, le ressortissant d’un pays tiers est remis en liberté, l’État membre doit lui délivrer une confirmation écrite de sa situation afin qu’il soit en mesure de prouver sa situation spécifique en cas de contrôle administratif ou de vérification.


1 –      Langue originale: le français.


2 – Les précédentes affaires ont donné lieu aux arrêts Kadzoev (C‑357/09 PPU, EU:C:2009:741); El Dridi (C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268), ainsi que G. et R. (C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533).


3 – Voir à cet égard, concernant l’article 15 de la directive 2008/115, prise de position de l’avocat général Mazák dans l’affaire Kadzoev (EU:C:2009:691, point 52) et arrêt El Dridi (EU:C:2011:268, point 43) ainsi que, concernant l’article 16 de ladite directive, conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires jointes Bero et Bouzalmate (C‑473/13 et C‑514/13, EU:C:2014:295, points 84 et suiv.).


4 – Arrêt McB. (C‑400/10 PPU, EU:C:2010:582, point 53). C’est moi qui souligne.


5 – L’avocat général Sharpston argumente dans le même sens dans ses conclusions dans l’affaire Radu (C‑396/11, EU:C:2012:648, point 14), lorsqu’elle affirme que, «[d]ans la mesure pertinente aux fins des présentes conclusions, l’article 6 de la Charte correspond à l’article 5 de la [CEDH]». À mon sens, une telle affirmation peut être faite de manière générale, indépendamment des présentes conclusions, par analogie à l’arrêt McB. (EU:C:2010:582).


6 – Voir, en ce sens, arrêts Asociación Profesional de Empresas de Reparto y Manipulado de Correspondencia (C‑220/06, EU:C:2007:815, point 36) et Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543, point 21).


7 – Arrêt EMS-Bulgaria Transport (C‑284/11, EU:C:2012:458, point 51). Voir, aussi, prise de position de l’avocat général Mazák dans l’affaire Kadzoev (EU:C:2009:691, point 25).


8 – L’arrêt de référence en matière de questions hypothétiques est l’arrêt Meilicke (C‑83/91, EU:C:1992:332, points 32 et 33).


9 – Selon une jurisprudence constante de la Cour EDH, il s’agit d’un principe de droit international bien établi (voir Cour EDH, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, nos 9214/80, 9473/81 et 9474/81, § 67, 28 mai 1985; Moustaquim c. Belgique, no 12313/86, § 43, 18 février 1991, ainsi que Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, § 94, 24 janvier 2008).


10 – Voir point 2 de la présente prise de position.


11 – Voir Comité des ministres, document CM(2005) 40 final. Voir également, adopté postérieurement à la directive 2008/115, rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, «La rétention administrative des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière en Europe», adopté le 11 janvier 2010, doc. 12105.


12 – À l’époque, il s’agissait de la procédure de codécision de l’article 251 CE, qui était devenue applicable à la suite de l’adoption de la décision 2004/927/CE du Conseil, du 22 décembre 2004, visant à rendre la procédure définie à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne applicable à certains domaines couverts par la troisième partie, titre IV, dudit traité (JO L 396, p. 45).


13 – Voir, par exemple, Hörich, D., Die Rückführungsrichtlinie: Entstehungsgeschichte, Regelungsgehalt und Hauptprobleme, Zeitschrift für Ausländerrecht und Ausländerpolitik, 2011, p. 281 et 285, ainsi que Lutz, F., The negotiations on the return directive, WLP, 2010, p. 67 .


14 – Voir, concernant l’article 5, paragraphe 1, sous f), de la CEDH, Cour EDH, Chahal c. Royaume-Uni [GC] (no 22414/93, § 74, 15 novembre 1996).


15 – Voir conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires jointes Bero et Bouzalmate (EU:C:2014:295, point 91).


16 – Voir prise de position de l’avocat général Mazák dans l’affaire El Dridi (EU:C:2011:205, point 35) ainsi que prise de position de l’avocat général Wathelet dans l’affaire G. et R. (EU:C:2013:553, point 54).


17 – Voir prise de position de l’avocat général Mazák dans l’affaire Kadzoev (EU:C:2009:691, point 70). Pour ce qui est de l’article 5, paragraphe 1, sous f), de la CEDH, la Cour EDH tranche dans le même sens (voir, par exemple, Cour EDH, Quinn c. France, no 18580/91, § 42, 22 mars 1995, et Kaya c. Roumanie no 33970/05, § 16, 12 octobre 2006).


18 – Voir, en particulier, Cour EDH, Saadi c. Royaume-Uni [GC] (no 13229/03, § 74, 29 janvier 2008), ainsi que, pour une illustration récente, Herman et Serazadishvili c. Grèce (nos 26418/11 et 45884/11, § 59, 24 avril 2014).


19 – J’observe que, sur ce point, le législateur de l’Union est allé plus loin que la Cour EDH dans sa jurisprudence, car l’article 5 de la CEDH, tel qu’interprété par la Cour EDH, ne connaît pas de période maximale de rétention.


20 – Plus précisément, l’interprétation de la Cour EDH de l’article 5, paragraphe 4, de la CEDH (voir Cour EDH, Altinok c. Turquie, no 31610/08, § 45, 29 novembre 2011, et Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 171, CEDH 2012).


21 – En vertu de ce principe, intitulé «Recours judiciaire contre la détention», toute personne arrêtée et/ou détenue afin d’assurer son éloignement du territoire national a le droit d’introduire un recours pour que la légalité de sa détention soit rapidement jugée par un tribunal. Un tel recours doit être aisément accessible et efficace, et une assistance judiciaire devrait être apportée conformément aux lois nationales.


22 – En vertu de l’article 44, paragraphe 8, de la loi sur les étrangers.


23 – En vertu de l’article 46a, paragraphe 4, de la loi sur les étrangers.


24 – Cet article constitue la confirmation écrite d’un principe général du droit de l’Union bien établi par la jurisprudence de la Cour (voir arrêts Johnston, 222/84, EU:C:1986:206, point 18, et Mono Car Styling, C‑12/08, EU:C:2009:466, point 47).


25 – Cette période est de six mois en Bulgarie (voir point 15 de la présente prise de position).


26 – Pour rappel, dans une telle situation, les conditions supplémentaires de l’article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115 doivent être réunies.


27 –      Arrêt El Dridi (EU:C:2011:268, point 47).


28 – Arrêts Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49, point 21) et Solred (C‑347/96, EU:C:1998:87, point 29).


29 – Voir, dans le même sens, arrêt El Dridi (EU:C:2011:268, point 39).


30 – Aux termes de ce paragraphe, «[s]’il existe un risque de fuite ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours».


31 – Voir arrêt Sagor (C‑430/11, EU:C:2012:777, point 41) et ordonnance Mbaye (C‑522/11, EU:C:2013:190, point 31).


32 – Voir Cour EDH, A. et autres c. Royaume-Uni [GC] (no 3455/05, § 164, CEDH 2009‑II), ainsi que les commentaires relatifs au principe directeur no 6, paragraphe 1, du document CM(2005) 40 final, susmentionné.


33 – Voir Cour EDH, Auad c. Bulgarie (no 46390/10, § 132, 11 octobre 2011). Voir, également, Cour EDH, Raza c. Bulgarie (no 31465/08, § 73, 11 février 2010), dans lequel la Cour EDH a également constaté une violation de droit à la liberté et a précisé ainsi: «It is true that the Bulgarian authorities could not compel the issuing of such document, but there is no indication that they pursued the matter vigorously or endeavoured entering into negotiations with the Pakistani authorities with a view to expediting its delivery» (disponible en langue anglaise uniquement).


34 –      C’est moi qui souligne.


35 – Je note, toutefois, que la Commission européenne, dans ses observations, semble considérer que M. Mahdi peut être retenu pour une durée totale de 18 mois.


36 – Arrêt Ratti (148/78, EU:C:1979:110, point 28).