Language of document : ECLI:EU:C:2008:476

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

9 septembre 2008 (*)

«Pourvoi – Recommandations et décisions de l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – Constat de l’organe de règlement des différends portant sur l’incompatibilité du régime communautaire d’importation des bananes avec les règles de l’OMC – Instauration par les États‑Unis d’Amérique de mesures de rétorsion sous la forme d’une surtaxe douanière prélevée sur les importations de certains produits en provenance de divers États membres – Mesures de rétorsion autorisées par l’OMC – Absence de responsabilité extracontractuelle de la Communauté – Durée de la procédure devant le Tribunal – Délai raisonnable – Demande de réparation équitable»

Dans les affaires jointes C‑120/06 P et C‑121/06 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits respectivement les 24 et 27 février 2006,

Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio SpA (FIAMM), établie à Montecchio Maggiore (Italie),

Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio Technologies LLC, anciennement Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio Technologies Inc. (FIAMM Technologies), établie à East Haven, Delaware (États‑Unis),

représentées par Mes I. Van Bael, A. Cevese et F. Di Gianni, avocats,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro, S. Marquardt et A. De Gregorio Merino, en qualité d’agents,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. J. Kuijper, V. Di Bucci, C. Brown et par Mme E. Righini, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties défenderesses en première instance,

Royaume d’Espagne, représenté par MM. E. Braquehais Conesa et M. Muñoz Pérez, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante en première instance (C‑120/06 P),

et

Giorgio Fedon & Figli SpA, établie à Vallesella di Cadore (Italie),

Fedon America, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États‑Unis),

représentées par Mes I. Van Bael, A. Cevese, F. Di Gianni et R. Antonini, avocats,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro, S. Marquardt et A. De Gregorio Merino, en qualité d’agents,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. J. Kuijper, V. Di Bucci, C. Brown et par Mme E. Righini, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties défenderesses en première instance,

soutenus par:

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante au pourvoi (C‑121/06 P),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, G. Arestis, U. Lõhmus, présidents de chambre, K. Schiemann (rapporteur), E. Juhász, A. Borg Barthet, M. Ilešič, J. Malenovský, J. Klučka, E. Levits et Mme C. Toader, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2007,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 février 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio SpA et Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio Technologies LLC (ci‑après, conjointement, «FIAMM»), d’une part, ainsi que Giorgio Fedon & Figli SpA et Fedon America, Inc. (ci‑après, conjointement, «Fedon»), d’autre part, demandent, respectivement, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 décembre 2005, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission (T‑69/00, Rec. p. II‑5393) (affaire C‑120/06 P) et celle de l’arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, Fedon & Figli e.a./Conseil et Commission (T‑135/01) (affaire C‑121/06 P). Par ces arrêts (ci‑après, respectivement, l’«arrêt FIAMM» et l’«arrêt Fedon» ou, ensemble, les «arrêts attaqués»), le Tribunal a rejeté les recours de FIAMM et de Fedon tendant à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi par elles en raison de la surtaxe douanière dont le prélèvement sur les importations de leurs produits par les États‑Unis d’Amérique a été autorisé par l’organe de règlement des différends (ci-après l’«ORD») de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à la suite de la constatation par l’ORD de l’incompatibilité du régime communautaire d’importation des bananes avec les accords et les mémorandums annexés à l’accord instituant l’OMC.

2        Par ordonnance du président de la Cour du 8 août 2006, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir à l’appui des conclusions du Conseil de l’Union européenne et de la Commission des Communautés européennes dans le cadre de l’affaire C‑121/06 P.

3        Par ordonnance du président de la Cour du 12 avril 2007, les affaires C‑120/06 P et C‑121/06 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

 Le cadre juridique

 Les accords OMC

4        Par la décision 94/800/CE, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986‑1994) (JO L 336, p. 1), le Conseil a approuvé l’accord instituant l’OMC ainsi que les accords figurant aux annexes 1 à 4 de cet accord (ci‑après les «accords OMC»).

5        L’article 3, paragraphes 2 et 7, du mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (ci‑après le «MRD»), qui constitue l’annexe 2 de l’accord instituant l’OMC, énonce:

«2.      Le système de règlement des différends de l’OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral. Les membres reconnaissent qu’il a pour objet de préserver les droits et les obligations résultant pour les membres des accords visés, et de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières d’interprétation du droit international public. Les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés.

[…]

7.      Avant de déposer un recours, un membre jugera si une action au titre des présentes procédures serait utile. Le but du mécanisme de règlement des différends est d’arriver à une solution positive des différends. Une solution mutuellement acceptable pour les parties et compatible avec les accords visés est nettement préférable. En l’absence d’une solution mutuellement convenue, le mécanisme de règlement des différends a habituellement pour objectif premier d’obtenir le retrait des mesures en cause, s’il est constaté qu’elles sont incompatibles avec les dispositions de l’un des accords visés. Il ne devrait être recouru à l’octroi d’une compensation que si le retrait immédiat de la mesure en cause est irréalisable, et qu’à titre temporaire en attendant le retrait de la mesure incompatible avec un accord visé. Le dernier recours que le présent mémorandum d’accord ouvre au membre qui se prévaut des procédures de règlement des différends est la possibilité de suspendre l’application de concessions ou l’exécution d’autres obligations au titre des accords visés, sur une base discriminatoire, à l’égard de l’autre membre, sous réserve que l’ORD l’y autorise.»

6        En vertu de l’article 7 du MRD, des groupes spéciaux institués à la demande d’une partie plaignante procèdent aux constatations propres à aider l’ORD à formuler des recommandations ou à statuer sur les questions dont cet organe est saisi. Selon l’article 12, paragraphe 7, du MRD, dans les cas où les parties au différend ne parviennent pas à élaborer une solution mutuellement satisfaisante, le groupe spécial présente ses constatations sous la forme d’un rapport écrit à l’ORD.

7        Il ressort de l’article 16, paragraphe 4, du MRD que, dans les 60 jours suivant la date de distribution du rapport d’un groupe spécial aux membres, ce rapport est adopté à une réunion de l’ORD, à moins qu’une partie au différend ne notifie formellement à l’ORD sa décision de faire appel ou que l’ORD ne décide par consensus de ne pas adopter le rapport.

8        L’article 17 du MRD prévoit l’institution d’un organe d’appel permanent chargé de connaître des appels concernant des affaires soumises aux groupes spéciaux. Selon le paragraphe 6 dudit article, l’appel est limité aux questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et aux interprétations du droit données par celui‑ci. Ainsi qu’il résulte du paragraphe 13 de ce même article, l’organe d’appel peut, dans le rapport qu’il est appelé à rendre, confirmer, modifier ou infirmer les constatations et les conclusions juridiques du groupe spécial.

9        L’article 17, paragraphe 14, du MRD dispose:

«Un rapport de l’organe d’appel sera adopté par l’ORD et accepté sans condition par les parties au différend, à moins que l’ORD ne décide par consensus de ne pas adopter le rapport de l’organe d’appel, dans les 30 jours suivant sa distribution aux membres. [...]»

10      Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du MRD:

«Dans les cas où un groupe spécial ou l’organe d’appel conclut à l’incompatibilité d’une mesure avec un accord visé, il recommandera que le membre concerné la rende conforme audit accord. Outre les recommandations qu’il fera, le groupe spécial ou l’organe d’appel peut suggérer au membre concerné des façons de mettre en œuvre ces recommandations.»

11      L’article 21 du MRD, intitulé «Surveillance de la mise en œuvre des recommandations et décisions» de l’ORD, dispose:

«1.      Pour que les différends soient résolus efficacement dans l’intérêt de tous les membres, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l’ORD.

[…]

3.      À une réunion de l’ORD qui se tiendra dans les 30 jours suivant la date d’adoption du rapport du groupe spécial ou de l’organe d’appel, le membre concerné informera l’ORD de ses intentions au sujet de la mise en œuvre des recommandations et décisions de celui‑ci. S’il est irréalisable pour un membre de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions, ce membre aura un délai raisonnable pour le faire. Le délai raisonnable sera:

a)      le délai proposé par le membre concerné, [...] approuvé par l’ORD; ou, en l’absence d’une telle approbation,

b)      un délai mutuellement convenu par les parties au différend [...]; ou, en l’absence d’un tel accord,

c)      un délai déterminé par arbitrage contraignant […]

[…]

5.      Dans les cas où il y aura désaccord au sujet de l’existence ou de la compatibilité avec un accord visé de mesures prises pour se conformer aux recommandations et décisions, ce différend sera réglé suivant les présentes procédures de règlement des différends, y compris, dans tous les cas où cela sera possible, avec recours au groupe spécial initial. […]

6.      L’ORD tiendra sous surveillance la mise en œuvre des recommandations ou décisions adoptées. [...] À moins que l’ORD n’en décide autrement, la question de la mise en œuvre des recommandations ou décisions sera inscrite à l’ordre du jour de la réunion de l’ORD après une période de six mois suivant la date à laquelle le délai raisonnable prévu au paragraphe 3 aura été fixée et restera inscrite à l’ordre du jour des réunions de l’ORD jusqu’à ce qu’elle soit résolue. [...]

[...]»

12      L’article 22 du MRD, intitulé «Compensation et suspension de concessions», stipule:

«1.      La compensation et la suspension de concessions ou d’autres obligations sont des mesures temporaires auxquelles il peut être recouru dans le cas où les recommandations et décisions ne sont pas mises en œuvre dans un délai raisonnable. Toutefois, ni la compensation ni la suspension de concessions ou d’autres obligations ne sont préférables à la mise en œuvre intégrale d’une recommandation de mettre une mesure en conformité avec les accords visés. La compensation est volontaire et, si elle est accordée, elle sera compatible avec les accords visés.

2.      Si le membre concerné ne met pas la mesure jugée incompatible avec un accord visé en conformité avec ledit accord ou ne respecte pas autrement les recommandations et décisions dans le délai raisonnable déterminé conformément au paragraphe 3 de l’article 21, ce membre se prêtera, si demande lui en est faite et au plus tard à l’expiration du délai raisonnable, à des négociations avec toute partie ayant invoqué les procédures de règlement des différends, en vue de trouver une compensation mutuellement acceptable. Si aucune compensation satisfaisante n’a été convenue dans les 20 jours suivant la date à laquelle le délai raisonnable sera venu à expiration, toute partie ayant invoqué les procédures de règlement des différends pourra demander à l’ORD l’autorisation de suspendre, à l’égard du membre concerné, l’application de concessions ou d’autres obligations au titre des accords visés.

3.      Lorsqu’elle examinera les concessions ou autres obligations à suspendre, la partie plaignante appliquera les principes et procédures ci‑après:

a)      le principe général est le suivant: la partie plaignante devrait d’abord chercher à suspendre des concessions ou d’autres obligations en ce qui concerne le(s) même(s) secteur(s) que celui (ceux) dans lequel (lesquels) le groupe spécial ou l’organe d’appel a constaté une violation ou autre annulation ou réduction d’avantages;

b)      si cette partie considère qu’il n’est pas possible ou efficace de suspendre des concessions ou d’autres obligations en ce qui concerne le(s) même(s) secteur(s), elle pourra chercher à suspendre des concessions ou d’autres obligations dans d’autres secteurs au titre du même accord;

c)      si cette partie considère qu’il n’est pas possible ou efficace de suspendre des concessions ou d’autres obligations en ce qui concerne d’autres secteurs au titre du même accord, et que les circonstances sont suffisamment graves, elle pourra chercher à suspendre des concessions ou d’autres obligations au titre d’un autre accord visé;

[...]

f)      aux fins du présent paragraphe, le terme «secteur» désigne:

i)      pour ce qui est des marchandises, toutes les marchandises;

[...]

[...]

4.      Le niveau de la suspension de concessions ou d’autres obligations autorisée par l’ORD sera équivalent au niveau de l’annulation ou de la réduction des avantages.

[...]

6.      Lorsque la situation décrite au paragraphe 2 se produira, l’ORD accordera, sur demande, l’autorisation de suspendre des concessions ou d’autres obligations dans un délai de 30 jours à compter de l’expiration du délai raisonnable, à moins qu’il ne décide par consensus de rejeter la demande. Toutefois, si le membre concerné conteste le niveau de la suspension proposée ou affirme que les principes et procédures énoncés au paragraphe 3 n’ont pas été suivis dans les cas où une partie plaignante a demandé l’autorisation de suspendre des concessions ou d’autres obligations […], la question sera soumise à arbitrage. [...] Les concessions ou autres obligations ne seront pas suspendues pendant l’arbitrage.

7.      […]. L’ORD [...] accordera, sur demande, l’autorisation de suspendre des concessions ou d’autres obligations dans les cas où la demande sera compatible avec la décision de l’arbitre, à moins que l’ORD ne décide par consensus de rejeter la demande.

8.      La suspension de concessions ou d’autres obligations sera temporaire et ne durera que jusqu’à ce que la mesure jugée incompatible avec un accord visé ait été éliminée, ou que le membre devant mettre en œuvre les recommandations ou les décisions ait trouvé une solution à l’annulation ou à la réduction d’avantages, ou qu’une solution mutuellement satisfaisante soit intervenue. Conformément au paragraphe 6 de l’article 21, l’ORD continuera de tenir sous surveillance la mise en œuvre des recommandations ou décisions adoptées, y compris dans le cas où une compensation aura été octroyée ou dans les cas où des concessions ou d’autres obligations auront été suspendues, mais où des recommandations de mettre une mesure en conformité avec les accords visés n’auront pas été mises en œuvre.

[...]»

 La réglementation communautaire portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane et le différend y afférent au sein de l’OMC

13      Le 13 février 1993, le Conseil a adopté le règlement (CEE) nº 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1), dont le titre IV consacré au régime des échanges avec les pays tiers comportait des dispositions préférentielles au profit des bananes originaires de certains États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les «États ACP») cosignataires de la quatrième convention ACP‑CEE de Lomé, du 15 décembre 1989 (JO 1991, L 229, p. 3).

14      À la suite de plaintes déposées au cours du mois de février de l’année 1996 par plusieurs membres de l’OMC, dont les Etats-Unis d’Amérique, ce régime d’échanges a fait l’objet d’une procédure de règlement des différends.

15      Dans son rapport, l’organe d’appel a constaté que certains éléments dudit régime d’échanges étaient incompatibles avec les engagements assumés par la Communauté au titre des accords OMC et a recommandé que l’ORD invite la Communauté à mettre ce même régime en conformité avec ceux‑ci. Ce rapport a été adopté par une décision de l’ORD le 25 septembre 1997 (ci-après la «décision de l’ORD du 25 septembre 1997»).

16      Le 16 octobre 1997, la Communauté a informé l’ORD, conformément à l’article 21, paragraphe 3, du MRD, qu’elle respecterait ses engagements internationaux.

17      En application de l’article 21, paragraphe 3, sous c), du MRD, le délai raisonnable dans lequel la Communauté aurait dû se conformer à ses obligations a été fixé, par sentence arbitrale, au 1er janvier 1999.

18      Ainsi qu’il ressort de son deuxième considérant, le règlement (CE) n° 1637/98 du Conseil, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 210, p. 28), a amendé le régime des échanges des bananes avec les pays tiers eu égard au fait qu’il convenait de «respecter les engagements internationaux souscrits par la Communauté dans le cadre de l’[OMC], ainsi que les engagements contractés vis‑à‑vis des autres signataires de la quatrième convention ACP‑CEE de Lomé, tout en assurant la réalisation des objectifs de l’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane».

19      Le règlement (CE) nº 2362/98 de la Commission, du 28 octobre 1998, portant modalités d’application du règlement nº 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation des bananes dans la Communauté (JO L 293, p. 32), est devenu applicable à partir du 1er janvier 1999.

20      Estimant que le nouveau régime communautaire d’importation des bananes ainsi institué maintenait les éléments illégaux du régime précédent, en méconnaissance des accords OMC et de la décision de l’ORD du 25 septembre 1997, les États‑Unis d’Amérique ont, le 14 janvier 1999, demandé à l’ORD, en vertu de l’article 22, paragraphe 2, du MRD, l’autorisation de suspendre l’application à la Communauté et à ses États membres de concessions tarifaires et d’obligations connexes au titre de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 et de l’accord général sur le commerce des services (GATS), à raison d’un montant d’échanges commerciaux de 520 millions de USD.

21      La Communauté ayant contesté ce montant et soutenu que les principes et les procédures définis à l’article 22, paragraphe 3, du MRD n’avaient pas été respectés, l’ORD a décidé, le 29 janvier 1999, de soumettre cette question à l’arbitrage, sur le fondement de l’article 22, paragraphe 6, du MRD.

22      Par décision du 9 avril 1999, les arbitres ont, d’une part, considéré plusieurs dispositions du nouveau régime communautaire d’importation des bananes contraires à des dispositions des accords OMC et, d’autre part, fixé à 191,4 millions de USD par an le niveau de l’annulation ou de la réduction d’avantages subie par les États‑Unis d’Amérique.

23      Le 19 avril 1999, l’ORD a autorisé les États‑Unis d’Amérique à prélever sur les importations originaires de la Communauté des droits de douane à concurrence d’un montant annuel d’échanges de 191,4 millions de USD.

24      Le même jour, les autorités des États‑Unis d’Amérique ont imposé un droit ad valorem à l’importation de 100 % grevant divers produits. Parmi ces produits originaires d’Autriche, de Belgique, de Finlande, de France, d’Allemagne, de Grèce, d’Irlande, d’Italie, du Luxembourg, du Portugal, d’Espagne, de Suède ou du Royaume‑Uni, figuraient notamment les «accumulateurs plomb‑acide, autres que ceux utilisés pour l’allumage de moteurs à piston ou comme source primaire d’énergie pour les véhicules électriques» ainsi que les «articles de poche à surface extérieure en plastique ou renforcée de plastique».

25      Le régime communautaire d’importation des bananes a fait l’objet de nouvelles modifications, introduites par le règlement (CE) nº 216/2001 du Conseil, du 29 janvier 2001, modifiant le règlement nº 404/93 (JO L 31, p. 2).

26      Aux termes des premier à sixième considérants du règlement n° 216/2001:

«(1)      Des contacts nombreux et intenses ont été établis avec les pays fournisseurs ainsi qu’avec les autres parties concernées afin de mettre fin aux contestations soulevées par le régime d’importation établi par le règlement (CEE) n° 404/93 […], et afin de tenir compte des conclusions du groupe spécial institué dans le cadre du système de règlement des différends de l’[OMC].

(2)      L’analyse de toutes les options présentées par la Commission conduit à estimer que l’établissement, à moyen terme, d’un régime d’importation fondé sur l’application d’un droit de douane d’un taux approprié et l’application d’une préférence tarifaire pour les importations originaires des [États] ACP présente les meilleures garanties pour, d’une part, réaliser les objectifs de l’organisation commune des marchés en ce qui concerne la production communautaire et la demande des consommateurs et, d’autre part, respecter les règles du commerce international, afin de prévenir de nouvelles contestations.

(3)      L’instauration d’un tel régime doit, toutefois, intervenir au terme de négociations avec les partenaires de la Communauté selon les procédures de l’OMC, en particulier de l’article XXVIII [du GATT de 1994]. [...]

(4)      Jusqu’à l’entrée en vigueur de ce régime, il convient d’approvisionner la Communauté dans le cadre de plusieurs contingents tarifaires, ouverts pour des importations de toutes origines, aménagés en tenant compte des recommandations faites par l’[ORD] […]

(5)      Compte tenu des obligations contractées à l’égard des [États] ACP et de la nécessité de leur garantir des conditions de compétitivité adéquates, l’application à l’importation des bananes originaires de ces pays d’une préférence tarifaire de 300 euros par tonne doit permettre de maintenir les flux commerciaux en cause. Cela conduit, en particulier, à l’application, pour ces importations, d’un droit zéro dans le cadre des […] contingents tarifaires.

(6)      Il convient d’autoriser la Commission à ouvrir des négociations avec les pays fournisseurs ayant un intérêt substantiel à l’approvisionnement du marché de la Communauté pour tenter d’opérer une répartition négociée des deux premiers contingents tarifaires. […]»

27      Le 11 avril 2001, les États‑Unis d’Amérique et la Communauté ont conclu un mémorandum d’accord définissant «les moyens qui peuvent permettre de régler le différend de longue date concernant le régime d’importation des bananes» dans la Communauté. Ce mémorandum prévoit que la Communauté s’engage à «[mettre] en place un régime uniquement tarifaire pour les importations de bananes au plus tard le 1er janvier 2006». Ce document définit les mesures que la Communauté s’engage à prendre au cours de la période intérimaire expirant au 1er janvier 2006. En contrepartie, les États‑Unis d’Amérique se sont engagés à suspendre provisoirement l’imposition de la surtaxe douanière qu’ils étaient autorisés à prélever sur les importations communautaires.

28      À la suite de l’adoption du règlement (CE) n° 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 126, p. 6), les États‑Unis d’Amérique ont suspendu l’application de leur surtaxe douanière. À compter du 1er juillet 2001, leurs droits à l’importation sur les accumulateurs stationnaires et sur les articles de poche originaires de la Communauté ont été ramenés à leurs taux initiaux de 3,5 % et de 4,6 %.

 Les recours portés devant le Tribunal, le déroulement de la procédure devant celui‑ci et les arrêts attaqués

 Les recours

29       FIAMM exerce des activités notamment dans le secteur des accumulateurs stationnaires et Fedon dans celui des étuis à lunettes et des produits accessoires relevant de la catégorie des articles de poche.

30      Tenant la Communauté pour responsable du préjudice qu’elles auraient subi en raison du fait que ces produits faisaient partie de ceux qui ont été frappés entre le 19 avril 1999 et le 30 juin 2001 par la surtaxe douanière imposée par les autorités des États‑Unis d’Amérique, FIAMM et Fedon ont saisi le Tribunal de recours en indemnité fondés sur les dispositions combinées des articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE et dirigés contre le Conseil et la Commission.

31      FIAMM et Fedon ont conclu, à titre principal, à l’existence d’une responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison du comportement illicite des institutions de cette dernière. Ainsi qu’il ressort des points 69 et 92 à 95 de l’arrêt FIAMM ainsi que des points 63 et 85 à 88 de l’arrêt Fedon, elles ont plus précisément fait valoir, s’agissant du comportement illicite allégué, que l’absence d’adoption par le Conseil et la Commission de modifications du régime communautaire d’importation des bananes qui soient de nature à mettre celui‑ci en conformité avec les engagements assumés par la Communauté au titre des accords OMC, dans le délai imparti par l’ORD, méconnaît le principe pacta sunt servanda, les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, leurs droits de propriété et d’initiative économique ainsi que, enfin, le principe de bonne administration.

32      À titre subsidiaire, FIAMM et Fedon concluaient notamment à une responsabilité non contractuelle de la Communauté, même en l’absence de comportement illicite de ses organes.

 La procédure devant le Tribunal

33      Il ressort des points 48 à 59 de l’arrêt FIAMM et 48 à 55 de l’arrêt Fedon que la procédure devant le Tribunal s’est déroulée de la manière suivante.

34      Le recours de FIAMM a été introduit le 23 mars 2000 (affaire T‑69/00). Le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir dans cette affaire par ordonnance du 11 septembre 2000.

35      Le recours de Fedon a, pour sa part, été introduit le 18 juin 2001 (affaire T‑135/01).

36      Sur demande de la Commission, présentée en vertu de l’article 51, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, ces deux affaires ont été réattribuées à une chambre élargie, composée de cinq juges, par décisions du Tribunal des 4 juillet et 7 octobre 2002.

37      À la suite de la cessation de fonctions du juge rapporteur initialement désigné dans lesdites affaires, un nouveau juge rapporteur a été nommé le 13 décembre 2002.

38      Par ordonnance du 3 février 2003, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt FIAMM et les affaires ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal du 14 décembre 2005, Laboratoire du Bain/Conseil et Commission (T‑151/00), ainsi que Groupe Fremaux et Palais Royal/Conseil et Commission (T‑301/00), ont été jointes aux fins de la procédure orale. Une audience s’est déroulée dans ces affaires le 11 mars 2003.

39      Par décisions des 23 mars et 1er avril 2004, le Tribunal a rouvert la procédure orale dans lesdites affaires et a renvoyé devant la grande chambre du Tribunal tant celles‑ci que les affaires connexes ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission (T‑320/00), ainsi que Beamglow/Parlement e.a. (T‑383/00, Rec. p. II-5459), et à l’arrêt Fedon. Ces six affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale par ordonnance du 19 mai 2004.

40      L’audience s’est déroulée le 26 mai 2004.

 Les arrêts attaqués

41      Par les arrêts attaqués, le Tribunal a rejeté les recours de FIAMM et de Fedon.

42      Le Tribunal a d’abord rejeté, aux points 84 à 150 de l’arrêt FIAMM et 77 à 143 de l’arrêt Fedon, les actions en indemnité de ces requérantes en tant qu’elles étaient fondées sur le régime de responsabilité non contractuelle du fait du comportement illicite des institutions de la Communauté.

43      Le point 100 de l’arrêt FIAMM est rédigé comme suit:

«Les requérantes font observer que tous les principes méconnus par les défenderesses seraient de rang supérieur et viseraient à protéger les particuliers. Avant l’instauration de la surtaxe douanière américaine, le régime de l’OMC aurait directement ouvert aux requérantes le droit d’importer leurs produits aux États‑Unis en acquittant la taxe à l’importation originaire au taux réduit de 3,5 %. À supposer que les accords OMC ne soient pas à regarder comme directement applicables, un tel effet devrait être reconnu à la décision de l’ORD [du 25 septembre 1997] condamnant la Communauté, laquelle remplirait toutes les conditions établies à cet égard par la jurisprudence communautaire.»

44      Pour sa part, le point 93 de l’arrêt Fedon est libellé en ces termes:

«Les requérantes font observer que, même si l’on devait considérer que les accords OMC ne déploient pas d’effet direct, une telle propriété devrait en revanche être reconnue à la décision de l’ORD [du 25 septembre 1997] qui a condamné la Communauté. La Cour aurait reconnu sa compétence pour contrôler la légalité de l’action des institutions communautaires lorsque, comme en l’espèce, elles ont entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT.»

45      Se prononçant sur la question préalable de l’invocabilité des règles de l’OMC, le Tribunal a notamment jugé, aux points 108 à 115 de l’arrêt FIAMM et 101 à 108 de l’arrêt Fedon:

«108      [101] Avant de procéder à l’examen de la légalité du comportement des institutions communautaires, il convient de trancher la question de savoir si les accords OMC engendrent pour les justiciables de la Communauté le droit de s’en prévaloir en justice en vue de contester la validité d’une réglementation communautaire, dans l’hypothèse où l’ORD a déclaré que tant celle‑ci que la réglementation subséquente adoptée par la Communauté, en vue notamment de se conformer aux règles de l’OMC en cause, étaient incompatibles avec ces dernières.

109      [102] Les requérantes invoquent à cet égard le principe pacta sunt servanda, qui figure effectivement au nombre des règles de droit dont le respect s’impose aux institutions communautaires dans l’exercice de leurs attributions, en tant que principe fondamental de tout ordre juridique et, en particulier, de l’ordre juridique international (arrêt de la Cour du 16 juin 1998, Racke, C‑162/96, Rec. p. I‑3655, point 49).

110      [103] Toutefois, le principe pacta sunt servanda ne peut être, en l’espèce, utilement opposé aux institutions défenderesses, étant donné que, selon une jurisprudence constante, les accords OMC ne figurent pas, en principe, compte tenu de leur nature et de leur économie, au nombre des normes au regard desquelles le juge communautaire contrôle la légalité de l’action des institutions communautaires (arrêt [de la Cour du 23 novembre 1999,] Portugal/Conseil, [C‑149/96, Rec. p. I‑8395,] point 47; ordonnance de la Cour du 2 mai 2001, OGT Fruchthandelsgesellschaft, C‑307/99, Rec. p. I‑3159, point 24; arrêts de la Cour du 12 mars 2002, Omega Air e.a., C‑27/00 et C‑122/00, Rec. p. I‑2569, point 93; du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 53, et du 30 septembre 2003, Biret International/Conseil, C‑93/02 P, Rec. p. I‑10497, point 52).

111      [104] En effet, d’une part, l’accord instituant l’OMC est fondé sur une base de réciprocité et d’avantages mutuels qui le distingue des accords conclus par la Communauté avec des États tiers qui instaurent une certaine asymétrie des obligations. Or, il est constant que certains des partenaires commerciaux les plus importants de la Communauté ne font pas figurer les accords OMC au rang des normes au regard desquelles leurs organes juridictionnels contrôlent la légalité de leurs règles de droit interne. Un contrôle de la légalité de l’action des institutions communautaires au regard de ces normes risquerait donc d’aboutir à un déséquilibre dans l’application des règles de l’OMC privant les organes législatifs ou exécutifs de la Communauté de la marge de manœuvre dont jouissent les organes similaires des partenaires commerciaux de la Communauté (arrêt Portugal/Conseil, [précité], points 42 à 46).

112      [105] D’autre part, imposer aux organes juridictionnels l’obligation d’écarter l’application des règles de droit interne qui seraient incompatibles avec les accords OMC aurait pour conséquence de priver les organes législatifs ou exécutifs des parties contractantes de la possibilité, offerte par l’article 22 du MRD, de trouver, fût‑ce à titre temporaire, des solutions négociées en vue de parvenir à une compensation mutuellement acceptable (arrêt Portugal/Conseil, [précité], points 39 et 40).

113      [106] Il s’ensuit que la violation éventuelle des règles de l’OMC par les institutions défenderesses n’est pas, en principe, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté (arrêts du Tribunal du 20 mars 2001, Cordis/Commission, T‑18/99, Rec. p. II‑913, point 51; Bocchi Food Trade International/Commission, [T‑30/99, Rec. p. II‑943,] point 56, et T. Port/Commission, T‑52/99, Rec. p. II‑981, point 51).

114      [107] Ce n’est que dans l’hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC ou dans l’occurrence où l’acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC qu’il appartiendrait au Tribunal de contrôler la légalité du comportement des institutions défenderesses au regard des règles de l’OMC (voir, pour ce qui concerne le GATT de 1947, arrêts de la Cour du 22 juin 1989, Fediol/Commission, 70/87, Rec. p. 1781, points 19 à 22, et [du 7 mai 1991,] Nakajima/Conseil, [C‑69/89, Rec. p. I‑2069,] point 31, ainsi que, pour ce qui concerne les accords OMC, arrêts [précités] Portugal/Conseil, point 49, et Biret International/Conseil, point 53).

115      [108] Or, même en présence d’une décision de l’ORD constatant l’incompatibilité des mesures prises par un membre avec les règles de l’OMC, aucune de ces deux exceptions ne trouve application en l’espèce.»

46      Le Tribunal a, ensuite, indiqué les raisons pour lesquelles il considérait ainsi qu’aucune desdites exceptions ne pouvait s’appliquer.

47      S’agissant de l’exception tirée de l’intention de donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, le Tribunal a jugé ce qui suit aux points 116, 121, 122, 125 à 137 de l’arrêt FIAMM et 109, 114, 115, 118 à 130 de l’arrêt Fedon:

«116      [109] En prenant l’engagement, après l’adoption de la décision de l’ORD du 25 septembre 1997, de se conformer aux règles de l’OMC, la Communauté n’a pas entendu assumer une obligation particulière dans le cadre de l’OMC, susceptible de justifier une exception à l’impossibilité d’invoquer les règles de l’OMC devant le juge communautaire et de permettre l’exercice par ce dernier du contrôle de la légalité du comportement des institutions communautaires au regard de ces règles.

[...]

121      [114] Le MRD ouvre [...] au membre de l’OMC impliqué plusieurs modalités de mise en œuvre d’une recommandation ou d’une décision de l’ORD retenant l’incompatibilité d’une mesure avec les règles de l’OMC.

122      [115] Lorsque le retrait immédiat de la mesure incompatible est irréalisable, le MRD envisage, en son article 3, paragraphe 7, la possibilité d’octroyer au membre lésé une compensation ou de l’autoriser à suspendre l’application de concessions ou l’exécution d’autres obligations à titre temporaire et en attendant le retrait de la mesure incompatible (voir arrêt Portugal/Conseil, [précité], point 37).

[...]

125      [118] Même à l’expiration du délai imparti pour mettre en conformité avec les règles de l’OMC la mesure déclarée incompatible et après l’autorisation et l’adoption de mesures de compensation ou de suspension de concessions en vertu de l’article 22, paragraphe 6, du MRD, une place importante reste réservée en tout état de cause à la négociation entre les parties au différend.

126      [119] L’article 22, paragraphe 8, du MRD souligne ainsi le caractère temporaire de la suspension de concessions ou d’autres obligations et en limite la durée ‘jusqu’à ce que la mesure jugée incompatible avec un accord visé ait été éliminée ou que le membre devant mettre en œuvre les recommandations ou les décisions ait trouvé une solution à l’annulation ou à la réduction d’avantages ou qu’une solution mutuellement satisfaisante soit intervenue’.

127      [120] Cette même disposition prévoit encore que, conformément à l’article 21, paragraphe 6, l’ORD continue de tenir sous surveillance la mise en œuvre des recommandations ou des décisions adoptées.

128      [121] En cas de désaccord sur la compatibilité de mesures prises pour se conformer aux recommandations et aux décisions de l’ORD, l’article 21, paragraphe 5, du MRD prévoit que le différend sera réglé ‘suivant les présentes procédures de règlement des différends’, ce qui inclut la recherche par les parties d’une solution négociée.

129      [122] Ni l’expiration du délai imparti par l’ORD à la Communauté pour mettre son régime d’importation des bananes en conformité avec la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 ni la décision du 9 avril 1999 par laquelle les arbitres de l’ORD ont expressément constaté l’incompatibilité du nouveau dispositif d’importation des bananes établi par les règlements n° 1637/98 et n° 2362/98 n’ont emporté épuisement des modalités de règlement des différends ouvertes par le MRD.

130      [123] Dans cette mesure, un contrôle par le juge communautaire de la légalité du comportement des institutions défenderesses au regard des règles de l’OMC pourrait avoir pour effet de fragiliser la position des négociateurs communautaires dans la recherche d’une solution mutuellement acceptable du différend et en conformité avec les règles de l’OMC.

131      [124] Dans ces conditions, imposer aux organes juridictionnels l’obligation d’écarter l’application des règles de droit interne qui seraient incompatibles avec les accords OMC aurait pour conséquence de priver les organes législatifs ou exécutifs des parties contractantes de la possibilité, offerte notamment par l’article 22 du MRD, de trouver, fût‑ce à titre temporaire, une solution négociée (arrêt Portugal/Conseil, [précité], point 40).

132      [125] C’est donc à tort que les requérantes infèrent des articles 21 et 22 du MRD une obligation à la charge du membre de l’OMC de se conformer, dans un délai déterminé, aux recommandations et aux décisions des organes de l’OMC et qu’elles soutiennent que les décisions de l’ORD sont exécutoires à moins que les parties contractantes à l’unanimité s’y opposent.

133      [126] D’ailleurs, en amendant à nouveau, par son règlement n° 216/2001, le régime d’importation des bananes, le Conseil a poursuivi la mise en œuvre de la conciliation de divers objectifs divergents. Le préambule du règlement n° 216/2001 relève ainsi, en son considérant 1, que des contacts nombreux et intenses ont été établis afin, notamment, de ‘tenir compte des conclusions du groupe spécial’ et, en son considérant 2, que le nouveau régime d’importation envisagé présente les meilleures garanties aussi bien ‘pour réaliser les objectifs de l’[OCM bananes] en ce qui concerne la production communautaire et la demande des consommateurs’ que pour ‘respecter les règles du commerce international’.

134      [127] C’est, en définitive, en contrepartie de l’engagement de la Communauté d’établir un régime uniquement tarifaire pour les importations de bananes avant le 1er janvier 2006 que les États‑Unis d’Amérique ont accepté, aux termes du mémorandum d’accord intervenu le 11 avril 2001, de suspendre provisoirement l’imposition de leur surtaxe douanière.

135      [128] Or, un tel résultat aurait pu être compromis par une intervention du juge communautaire consistant à contrôler, aux fins de l’indemnisation du préjudice subi par les requérantes, la légalité au regard des règles de l’OMC du comportement adopté en l’occurrence par les institutions défenderesses.

136      [129] Il convient de relever à cet égard que, comme les États‑Unis d’Amérique l’ont expressément souligné, le mémorandum d’accord du 11 avril 2001 ne constitue pas en lui‑même une solution convenue d’un commun accord au sens de l’article 3, paragraphe 6, du MRD et que la question de la mise en œuvre par la Communauté des recommandations et des décisions de l’ORD demeurait inscrite, le 12 juillet 2001, soit postérieurement à l’introduction du présent recours, à l’ordre du jour de la réunion de l’ORD.

137      [130] Il s’ensuit que les institutions défenderesses n’ont pas entendu, en modifiant le régime communautaire d’importation des bananes litigieux, donner exécution à des obligations particulières découlant des règles de l’OMC au regard desquelles l’ORD avait constaté l’incompatibilité dudit régime.»

48      Le Tribunal a également écarté toute application de l’exception tirée d’un renvoi exprès à des dispositions précises des accords OMC, après avoir notamment constaté aux points 142 de l’arrêt FIAMM et 135 de l’arrêt Fedon qu’«il ne ressort pas du préambule des différents règlements modifiant le régime d’importation des bananes que le législateur communautaire se soit référé à des dispositions spécifiques des accords OMC, lorsqu’il a entendu mettre ce régime en conformité avec ces mêmes accords».

49      Le Tribunal a alors conclu, aux points 144 et 145 de l’arrêt FIAMM ainsi que 137 et 138 de l’arrêt Fedon, que, «nonobstant l’intervention d’une constatation d’incompatibilité émanant de l’ORD, les règles de l’OMC ne constituent pas, en l’espèce, ni en raison d’obligations particulières auxquelles la Communauté aurait entendu donner exécution ni en raison d’un renvoi exprès à des dispositions précises, des normes au regard desquelles la légalité du comportement des institutions peut être appréciée» et que «les requérantes ne sauraient utilement alléguer, aux fins de leur demande indemnitaire, que le comportement reproché au Conseil et à la Commission est contraire aux règles de l’OMC».

50      Ayant relevé aux points 146 de l’arrêt FIAMM et 139 de l’arrêt Fedon que «[l]es griefs tirés par les requérantes de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, de la méconnaissance du droit de propriété et d’initiative économique et, enfin, du non‑respect du principe de bonne administration reposent pour leur part tous sur la prémisse de la contrariété aux règles de l’OMC du comportement reproché aux institutions défenderesses», le Tribunal en a déduit, aux points 147 et 140 desdits arrêts, que, «[d]ès lors que ces règles ne figurent pas au nombre de celles au regard desquelles le juge communautaire contrôle la légalité du comportement des institutions communautaires, ces griefs doivent être, par voie de conséquence, également rejetés».

51      Eu égard à ce qui précède, le Tribunal a constaté, aux points 149 de l’arrêt FIAMM et 142 de l’arrêt Fedon, que, «[d]ès lors que l’illégalité du comportement reproché aux institutions défenderesses ne peut être établie, l’une des trois conditions cumulatives de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite de ses organes n’est pas remplie». En conséquence, il a rejeté ce premier chef de demande des requérantes.

52      Quant au chef de demande fondé sur un régime de responsabilité non contractuelle de la Communauté même en l’absence de comportement illicite des institutions, le Tribunal a, tout d’abord, affirmé l’existence d’un tel régime aux points 157 à 160 de l’arrêt FIAMM et 150 à 153 de l’arrêt Fedon. Il s’est, à cet égard, exprimé dans les termes suivants:

«157      [150] Lorsque, comme en l’espèce, l’illégalité du comportement imputé aux institutions communautaires n’est pas établie, il n’en résulte pas que les entreprises devant, en tant que catégorie d’opérateurs économiques, supporter une part disproportionnée des charges résultant d’une restriction de l’accès à des marchés d’exportation ne peuvent en aucun cas obtenir une compensation en engageant la responsabilité non contractuelle de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 septembre 1987, De Boer Buizen/Conseil et Commission, 81/86, Rec. p. 3677, point 17).

158      [151] En effet, l’article 288, deuxième alinéa, CE fonde l’obligation qu’il impose à la Communauté de réparer les dommages causés par ses institutions sur les ‘principes généraux communs aux droits des États membres’, sans restreindre, par conséquent, la portée de ces principes au seul régime de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite desdites institutions.

159      [152] Or, les droits nationaux de la responsabilité non contractuelle permettent aux particuliers, bien qu’à des degrés variables, dans des domaines spécifiques et selon des modalités différentes, d’obtenir en justice l’indemnisation de certains dommages, même en l’absence d’action illicite de l’auteur du dommage.

160      [153] Dans l’hypothèse d’un dommage engendré par un comportement des institutions de la Communauté dont le caractère illégal n’est pas démontré, la responsabilité non contractuelle de la Communauté peut être engagée, dès lors que sont cumulativement remplies les conditions relatives à la réalité du préjudice, au lien de causalité entre celui‑ci et le comportement des institutions communautaires, ainsi qu’au caractère anormal et spécial du préjudice en question (arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, [C‑237/98 P, Rec. p. I‑4549], point 19).»

53      Le Tribunal a, ensuite, conclu à l’existence d’un tel préjudice réel et certain dans le chef des requérantes.

54      Il a par ailleurs jugé qu’il existait un lien de causalité direct entre, d’une part, le comportement adopté par les institutions défenderesses en matière d’importation de bananes dans la Communauté et, d’autre part, le préjudice ainsi subi par les requérantes.

55      Enfin, le Tribunal a considéré que le préjudice encouru par FIAMM et Fedon ne revêtait pas de caractère anormal, en conséquence de quoi il a rejeté leurs demandes en tant que celles‑ci étaient fondées sur le régime de responsabilité de la Communauté en l’absence de comportement illicite des organes de celle‑ci.

56      Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a notamment jugé, aux points 205 et 207 de l’arrêt FIAMM ainsi que 194 et 196 de l’arrêt Fedon, que:

«205      [194] Il convient [...] de constater que l’éventualité d’une suspension des concessions tarifaires, mesure prévue par les accords OMC et cas de figure qui s’est présenté en l’espèce, est l’une des vicissitudes inhérentes au système actuel du commerce international. Dès lors, cette vicissitude est obligatoirement supportée par tout opérateur qui décide de commercialiser sa production sur le marché de l’un des membres de l’OMC.

[...]

207      [196] En outre, il résulte de l’article 22, paragraphe 3, sous b) et c), du MRD, instrument international ayant fait l’objet des mesures de publicité propres à en assurer la connaissance auprès des opérateurs communautaires, que le membre plaignant de l’OMC peut chercher à suspendre des concessions ou d’autres obligations dans d’autres secteurs que celui dans lequel le groupe spécial ou l’organe d’appel a constaté une violation par le membre visé, que ce soit au titre du même accord ou d’un autre accord OMC.»

 Les conclusions des parties et le déroulement de la procédure devant la Cour

57      FIAMM, dans l’affaire C‑120/06 P, et Fedon, dans l’affaire C‑121/06 P, concluent, respectivement, à l’annulation de l’arrêt FIAMM et à l’annulation de l’arrêt Fedon. L’une et l’autre invoquent deux moyens à l’appui de leur pourvoi.

58      Par un premier moyen, elles soutiennent que les arrêts attaqués sont dépourvus de motivation et de fondement en ce qui concerne l’un des arguments principaux figurant à la base de leurs recours respectifs en responsabilité du fait d’un comportement illicite de la Communauté, argument tiré de l’effet direct des décisions de l’ORD.

59      Par un second moyen, FIAMM et Fedon soutiennent que, en concluant à l’absence de caractère anormal du préjudice encouru par elles, et en rejetant de ce fait leur demande d’indemnisation fondée sur un régime de responsabilité applicable en l’absence de comportement illégal des organes de la Communauté, le Tribunal aurait tenu un raisonnement insuffisamment motivé, empreint d’illogisme et en contradiction avec la jurisprudence constante en la matière.

60      Elles concluent en outre, l’une et l’autre, à ce que la Cour:

–        statue sur le fond, en leur reconnaissant le droit à la réparation des dommages résultant de la responsabilité encourue par les défenderesses du fait d’un acte illicite ou d’un acte licite;

–        en tout cas, condamne les défenderesses aux dépens tant de la procédure de pourvoi que de la procédure de première instance.

61      À titre subsidiaire, FIAMM et Fedon demandent à la Cour de leur accorder un dédommagement équitable en raison de la durée déraisonnable de la procédure devant le Tribunal et d’adopter les autres mesures et dispositions qui s’avéreraient nécessaires en équité.

62      Le Conseil demande à la Cour de:

–        remplacer certains des motifs du Tribunal ou d’annuler partiellement les arrêts attaqués, en déclarant inapplicable la responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de fait illicite pour omission d’activité normative ou, à titre subsidiaire, en déclarant que les éléments constitutifs d’une telle responsabilité n’existent pas;

–        rejeter les pourvois comme non fondés;

–        condamner les requérantes aux dépens.

63      La Commission conclut à ce que la Cour:

–        rejette les pourvois en modifiant, en tant que de besoin, la motivation des arrêts attaqués;

–        à titre subsidiaire, rejette les demandes de condamnation à réparation des préjudices, présentées en première instance;

–        à titre tout à fait subsidiaire, renvoie les affaires devant le Tribunal afin que la procédure soit reprise et que le préjudice réparable soit quantifié, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice;

–        condamne les requérantes aux dépens.

64      Tant dans l’affaire C‑120/06 P, dans laquelle il a déposé un mémoire en réponse en sa qualité de partie à la procédure devant le Tribunal, que dans l’affaire C‑121/06 P, dans laquelle il a la qualité de partie intervenante devant la Cour, le Royaume d’Espagne conclut à ce que la Cour:

–        rejette le pourvoi en tant qu’il est relatif à la responsabilité du fait d’un acte illicite des institutions défenderesses;

–        annule partiellement l’arrêt attaqué et constate l’inexistence d’une responsabilité du fait d’un acte licite dans l’ordre juridique communautaire ou, subsidiairement, rejette le pourvoi en tant qu’il porte sur la responsabilité des institutions défenderesses du fait d’un acte licite ou, à titre subsidiaire également, rejette la demande en indemnité pour acte licite présentée par les requérantes;

–        déclare irrecevable la demande d’indemnisation fondée sur la durée déraisonnable de la procédure devant le Tribunal;

–        condamne les requérantes aux dépens.

65      À la suite du dépôt des mémoires en réponse du Conseil et de la Commission dans les affaires C‑120/06 P et C‑121/06 P et de celui du mémoire en réponse du Royaume d’Espagne dans l’affaire C‑120/06 P, FIAMM et Fedon se sont, à leur demande, vu accorder un droit de réplique en vertu de l’article 117, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

66      Dans l’affaire C‑120/06 P, FIAMM a fait parvenir par télécopieur au greffe de la Cour ses mémoires en réplique et en réponse au pourvoi incident formé par le Conseil dans les délais respectivement visés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 117 dudit règlement de procédure. La version originale de ces mémoires n’a toutefois pas été déposée au greffe de la Cour dans le délai de dix jours visé à l’article 37, paragraphe 6, de ce même règlement. En conséquence, ces mémoires ainsi que les originaux de ceux‑ci parvenus tardivement au greffe ont été écartés de la procédure et retournés à FIAMM.

67      Dans l’affaire C‑121/06 P, Fedon n’a pas déposé de mémoire en réplique ni de mémoire en réponse au pourvoi incident formé par le Conseil. Fedon et la Commission ont, par ailleurs, déposé des observations sur le mémoire en intervention du Royaume d’Espagne.

 Sur le premier moyen des pourvois principaux

 Argumentation des parties

68      Par leur premier moyen, FIAMM et Fedon soutiennent que les arrêts attaqués sont dépourvus de motivation et de fondement en ce qui concerne l’un des arguments principaux invoqués au soutien de leurs recours respectifs en responsabilité du fait d’un comportement illicite de la Communauté.

69      Ainsi que le Tribunal l’aurait d’ailleurs relevé aux points 100 de l’arrêt FIAMM et 93 de l’arrêt Fedon, elles auraient, en effet, insisté, tant durant la procédure écrite qu’au cours de l’audience, sur les effets juridiques spécifiques s’attachant à la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 condamnant la Communauté. Elles auraient ainsi fait valoir que l’existence d’une telle décision constituait, aux côtés des deux types d’exceptions déjà consacrées par les arrêts précités Fediol/Commission et Nakajima/Conseil, un troisième cas de figure dans lequel il y aurait lieu d’autoriser l’invocation devant le juge communautaire d’une violation des accords OMC par les organes communautaires, en particulier à des fins exclusives d’indemnisation.

70      Or, les appréciations auxquelles s’est livré le Tribunal et la simple référence à la jurisprudence antérieure que comportent les points 110 à 112 de l’arrêt FIAMM et 103 à 105 de l’arrêt Fedon seraient dénuées de pertinence à cet égard, ladite jurisprudence se prononçant sur une question différente, en l’occurrence celle de savoir si une règle matérielle contenue dans les accords OMC peut être invoquée aux fins de contrôler la légalité de réglementations communautaires et de déclarer, le cas échéant, de telles réglementations inapplicables.

71      Ainsi qu’il ressortirait, notamment, des points 114 et 115 de l’arrêt FIAMM ainsi que 107 et 108 de l’arrêt Fedon, le Tribunal n’aurait pris la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 en considération qu’en vue de déterminer si, eu égard à l’existence de celle‑ci, l’une des deux exceptions jurisprudentielles à l’absence d’effet direct des accords OMC dès à présent consacrées pouvait s’appliquer en l’espèce.

72      Ce faisant, le Tribunal n’aurait pas tenu compte de manière adéquate de l’argumentation de FIAMM et de Fedon tirée de ce que, après l’expiration du délai raisonnable imparti pour mettre en œuvre la décision de l’ORD du 25 septembre 1997, la Communauté ne disposait plus que de deux options, à savoir se conformer ou ne pas se conformer à cette décision. La flexibilité du système de règlement des différends de l’OMC, qui permet notamment aux parties de rechercher des solutions négociées et sur laquelle reposerait la jurisprudence rappelée aux points 112 de l’arrêt FIAMM et 105 de l’arrêt Fedon, consacrant l’impossibilité de procéder à un contrôle de la légalité d’une réglementation communautaire au regard des accords OMC, ferait dès lors ici défaut. Rien ne s’opposerait, dans ces conditions, à ce qu’un effet direct soit reconnu à une décision de l’ORD.

73      En outre, un constat d’illégalité se limitant à prendre acte du non‑respect de la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 dans le délai imparti ne requerrait pas un examen au fond de la mesure communautaire en cause et ne saurait, dès lors, avoir une incidence sur la manière dont la Communauté décide de faire cesser cette illégalité, toute solution, pourvu qu’elle soit conforme aux accords OMC et acceptée par la partie adverse, demeurant possible.

74      Le Tribunal n’aurait pas davantage pris en considération de manière adéquate l’argumentation de FIAMM et de Fedon selon laquelle, à la différence d’une demande d’annulation ou d’une demande préjudicielle en appréciation de validité, une action en réparation ne peut conduire à éliminer ou à rendre inapplicable l’acte communautaire concerné ni, partant, à priver les organes des parties aux accords OMC de la possibilité de trouver des solutions négociées. Cette argumentation serait d’autant plus pertinente que, en l’espèce, la demande d’indemnisation est examinée postérieurement à la clôture du différend.

75      Ces mêmes considérations justifieraient d’écarter l’argument, rappelé aux points 111 de l’arrêt FIAMM et 104 de l’arrêt Fedon, tiré de ce que les accords OMC sont fondés sur une base de réciprocité et d’avantages mutuels.

76      Le Conseil considère, pour sa part, que le Tribunal a bien examiné en parallèle la possibilité d’invoquer les règles de l’OMC et la décision de l’ORD du 25 septembre 1997, ainsi qu’il ressortirait notamment des points 129 de l’arrêt FIAMM et 122 de l’arrêt Fedon.

77      Les arrêts attaqués seraient, par ailleurs, conformes à la jurisprudence selon laquelle les accords OMC ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions communautaires, et le Tribunal aurait correctement jugé qu’aucune des deux exceptions admises à ce principe n’est applicable en l’espèce.

78      Les accords OMC n’ayant pas pour objet de conférer des droits aux particuliers, la violation éventuelle desdits accords ne serait pas non plus susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté, sous peine de compromettre la marge de manœuvre dont disposent les membres de l’OMC pour se conformer ou non à une décision de l’ORD.

79      Le Conseil estime, par ailleurs, que la distinction opérée par les requérantes entre les effets juridiques s’attachant à une décision de l’ORD et ceux résultant des règles matérielles dont cette décision a constaté la violation est artificielle. Une telle décision ne pourrait, en effet, être prise en considération dans le cadre d’un recours en indemnité que pour autant que l’effet direct desdites règles matérielles a préalablement été constaté.

80      Selon la Commission, FIAMM et Fedon n’ont, en première instance, nullement présenté la possibilité d’invoquer directement une décision de l’ORD comme une théorie spécifique et autonome permettant d’établir l’illégalité d’un comportement de la Communauté ni centré leur argumentation sur ce point. Ces parties auraient, en substance, développé une argumentation classique aux fins d’établir que l’absence d’adaptation de la réglementation communautaire afin de se conformer aux accords OMC après la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 emportait une violation de règles de droit de rang supérieur.

81      Ce ne serait qu’à titre subsidiaire que FIAMM et Fedon se seraient bornées à soutenir, sans toutefois développer et étayer autrement cette affirmation, que, à supposer que les accords OMC ne soient pas directement applicables, un effet direct devrait bénéficier à la décision de l’ORD du 25 septembre 1997.

82      Le Tribunal qui ne serait, d’ailleurs, pas tenu de se prononcer sur chacun des arguments des requérantes aurait, dès lors, pris en considération de manière adéquate l’argumentation de FIAMM et de Fedon, en se concentrant principalement, aux points 108 à 150 de l’arrêt FIAMM et 101 à 143 de l’arrêt Fedon, sur l’examen du comportement des institutions communautaires, non sans se référer, toutefois, aux effets de la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 aux points 108 et 144 de l’arrêt FIAMM ainsi que 101 et 137 de l’arrêt Fedon. Au vu de la motivation, même implicite, des arrêts attaqués, FIAMM et Fedon seraient, par ailleurs, en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles le Tribunal a jugé que l’illégalité du comportement des institutions n’avait pas été établie, même à la suite d’une décision de l’ORD.

83      Si la Cour devait néanmoins juger insuffisante la motivation des arrêts attaqués, il lui serait loisible de confirmer leur dispositif tout en en complétant cette motivation.

84      En effet, la question de savoir si les accords OMC peuvent être invoqués par des justiciables ayant subi un préjudice pour mettre en cause la validité d’une réglementation communautaire, dans l’hypothèse où une décision de l’ORD a constaté l’incompatibilité de cette réglementation avec lesdits accords et où le délai raisonnable octroyé pour se conformer à cette décision a expiré, aurait été tranchée par la négative par la Cour dans son arrêt du 1er mars 2005, Van Parys (C‑377/02, Rec. p. I‑1465).

85      Toute distinction entre un contrôle de la légalité de l’action communautaire à des fins d’invalidation ou un tel contrôle à des fins de réparation serait à cet égard sans pertinence. En outre, le fait d’indemniser l’industrie frappée par des mesures de suspension conformes aux accords OMC nuirait au rééquilibrage des concessions auquel ces mesures contribuent et donc à la réciprocité.

86      Le Royaume d’Espagne est également d’avis que les arrêts attaqués satisfont à l’obligation de motivation. Le Tribunal aurait, en effet, fait état, aux points 100 de l’arrêt FIAMM et 93 de l’arrêt Fedon, de la thèse de FIAMM et de Fedon relative à l’effet direct d’une décision de l’ORD et, aux points 116 à 150 de l’arrêt FIAMM ainsi que 109 à 143 de l’arrêt Fedon, il aurait réfuté cette thèse en examinant la question de savoir si l’existence d’une telle décision habilite le juge communautaire à contrôler la légalité du comportement des institutions communautaires au regard des règles de l’OMC.

87      Par ailleurs, le Tribunal n’aurait commis aucune erreur de droit en concluant à l’impossibilité de procéder, en l’espèce, à un tel contrôle. En particulier, le risque, pour la Communauté, de s’exposer à des actions en responsabilité serait de nature à fragiliser la position de celle‑ci et à l’amener à ne pas envisager la possibilité d’épuiser toutes les modalités du processus de règlement des différends, incluant notamment l’adoption éventuelle de mesures de rétorsion par la partie adverse et la recherche ultérieure d’une solution.

88      Par ailleurs, rien ne permettrait, juridiquement, d’opérer une distinction selon que le contrôle de la légalité de l’action communautaire intervient à des fins d’annulation ou à des fins d’indemnité, les critères d’un tel contrôle étant invariables et ne pouvant notamment dépendre de l’existence ou non d’un préjudice ou du moment où ledit préjudice est allégué.

 Appréciation de la Cour

89      À titre liminaire, il convient de relever, ainsi que l’a fait M. l’avocat général au point 20 de ses conclusions, que, bien que le premier moyen du pourvoi vise, selon son intitulé, à dénoncer un défaut de motivation des arrêts attaqués, l’examen du contenu des requêtes révèle que celles‑ci contiennent également des griefs de fond à l’endroit de la solution retenue par lesdits arrêts, griefs sur lesquels s’est du reste focalisé l’essentiel du débat noué entre les parties tant durant la procédure écrite que lors de l’audience. Aussi y a‑t‑il lieu, aux fins de statuer sur le premier moyen, de distinguer les deux branches que comporte celui‑ci, tirées, la première, d’un défaut de motivation des arrêts attaqués et, la seconde, d’une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal en ce qui concerne les conditions auxquelles la responsabilité de la Communauté peut être engagée du fait du comportement illicite des organes de cette dernière.

 Sur la première branche du moyen

90      La question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, point 90).

91      À cet égard, il convient toutefois de rappeler, en premier lieu, que, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui‑ci fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis (voir, notamment, arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, point 121; du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, point 81, et Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, précité, point 90).

92      Or, l’examen des requêtes déposées par FIAMM et Fedon devant le Tribunal révèle, tout d’abord, que l’assertion relative à un éventuel effet direct de la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 ne figure nullement dans la section de ces requêtes visant à établir l’existence ou l’invocabilité d’une violation des accords OMC par la Communauté. En effet, cette assertion se trouve dans une section des requêtes s’attachant à démontrer que les règles de droit de rang supérieur dont la violation est ainsi alléguée, parmi lesquelles figurent, notamment, le principe pacta sunt servanda et les accords OMC, sont «destinées à protéger les particuliers», si bien que se trouverait à cet égard remplie l’une des conditions auxquelles la jurisprudence subordonne la possibilité d’une mise en cause de la responsabilité de la Communauté du fait d’un comportement illicite de ses organes.

93      Ensuite, cette assertion n’a, dans la perspective susdécrite, été formulée qu’à titre éminemment subsidiaire, FIAMM et Fedon faisant simplement valoir que, si un effet direct et le caractère de règle protectrice des particuliers en découlant devaient ne pas être reconnus aux accords OMC, ils devraient l’être en ce qui concerne les décisions de l’ORD.

94      Enfin, ladite assertion qui tient, s’agissant de FIAMM, dans deux points d’une requête qui en comporte 177 et, s’agissant de Fedon, dans une note en bas de page ne fait, dans lesdites requêtes ni, du reste, dans les mémoires en réplique ultérieurement déposés par FIAMM et par Fedon, l’objet d’aucun développement particulier ni ne s’accompagne d’une argumentation spécifique qui serait destinée à l’étayer.

95      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent FIAMM et Fedon dans les développements très spécifiques qu’elles consacrent à cette question dans le cadre de leurs pourvois, sous couvert d’une invitation à contrôler la motivation des arrêts attaqués, dans leurs requêtes devant le Tribunal, elles n’ont nullement exposé avec la clarté et la précision qui eussent été requises que l’effet direct éventuel s’attachant aux décisions de l’ORD justifierait que la méconnaissance de celles‑ci soit consacrée en tant que nouvelle et troisième exception au principe de la non‑invocabilité des accords OMC à des fins de contrôle de la légalité des actes communautaires dérivés. Ainsi qu’il ressort de la requête de Fedon et du mémoire en réplique de FIAMM, ces requérantes se sont en revanche expressément prévalues de l’une des deux exceptions traditionnellement admises à cette absence d’invocabilité, en faisant valoir que la Communauté aurait en l’occurrence indiqué qu’elle entendait donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT.

96      En second lieu, il convient également de rappeler que l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et que la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 372, et du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C‑167/06 P, point 22).

97      Or, il ressort, tout d’abord, des points 108 de l’arrêt FIAMM et 101 de l’arrêt Fedon que le Tribunal a, en l’occurrence, entendu s’attacher à trancher la question de savoir si les accords OMC, y inclus le MRD et ses dispositions consacrées à la mise en œuvre des décisions de l’ORD, engendrent pour les justiciables le droit de s’en prévaloir en justice en vue de contester la validité d’une réglementation communautaire «dans l’hypothèse où l’ORD a déclaré que tant celle‑ci que la réglementation subséquente adoptée par la Communauté, en vue notamment de se conformer aux règles de l’OMC en cause, étaient incompatibles avec ces dernières».

98      C’est, ensuite, en se référant également aux «accords OMC» ainsi définis, que le Tribunal a précisé, aux points 110 à 112 de l’arrêt FIAMM et 103 à 105 de l’arrêt Fedon, que, selon une jurisprudence constante, et pour les motifs qu’il rappelle, lesdits accords ne figurent pas, en principe, au nombre des normes au regard desquelles le juge communautaire contrôle la légalité de l’action des institutions communautaires.

99      Enfin, il y a lieu de relever que les arrêts attaqués consacrent effectivement d’importants développements à la portée juridique susceptible de s’attacher à une décision de l’ORD, en particulier dans l’occurrence où le délai imparti pour la mise en œuvre de cette décision est expiré.

100    Si lesdits développements figurent, certes, dans des passages des arrêts attaqués dans lesquels le Tribunal examine si l’une des deux exceptions au principe de la non-invocabilité des accords OMC par les particuliers traditionnellement admises par la jurisprudence est applicable en l’espèce, il n’en demeure pas moins que les appréciations auxquelles s’est livré le Tribunal à cette occasion répondent de manière implicite, mais néanmoins certaine, aux arguments concrets que les pourvois reprochent à celui‑ci de ne pas avoir traités.

101    Ainsi, il ressort en particulier des points 129 à 131 de l’arrêt FIAMM et 122 à 124 de l’arrêt Fedon, que le Tribunal a notamment jugé, au terme d’un examen consacré aux dispositions pertinentes du MRD, que l’expiration du délai imparti à la Communauté pour mettre son régime d’importation des bananes en conformité avec la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 n’avait pas emporté épuisement des modalités de règlement des différends ouvertes par le MRD. Le Tribunal a, de même, indiqué à cet égard qu’un contrôle de la légalité du comportement des institutions défenderesses pourrait avoir pour effet de fragiliser la position des négociateurs communautaires dans la recherche d’une solution du différend qui soit mutuellement acceptable et en conformité avec les règles de l’OMC et, le cas échéant, de priver ainsi les organes législatifs ou exécutifs d’une partie contractante de la possibilité offerte, notamment à l’article 22 du MRD, de trouver, fût‑ce à titre temporaire, une solution négociée.

102    En outre, il convient de souligner que, aux points 132 de l’arrêt FIAMM et 125 de l’arrêt Fedon, le Tribunal a conclu son analyse à cet égard en jugeant que c’était, dès lors, à tort que les requérantes avaient inféré des articles 21 et 22 du MRD une obligation à charge du membre de l’OMC de se conformer, dans un délai déterminé, aux recommandations et aux décisions des organes de l’OMC et qu’elles avaient soutenu que les décisions de l’ORD étaient exécutoires à moins que les parties contractantes à l’unanimité s’y opposent.

103    Or, en statuant de la sorte, le Tribunal s’est prononcé, à tout le moins de manière implicite, sur l’assertion des requérantes selon laquelle un effet direct devrait être reconnu à de telles recommandations ou à de telles décisions une fois expiré le délai imparti pour leur mise en œuvre.

104    Il découle de tout ce qui précède que la motivation des arrêts attaqués répond à suffisance à l’argumentation développée par les requérantes en première instance et qu’elle permet notamment à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel, si bien que le moyen doit être déclaré non fondé en sa première branche.

 Sur la seconde branche du moyen

105    Quant à la seconde branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit relative aux conditions dans lesquelles la responsabilité du fait d’un comportement illicite de la Communauté peut être mise en cause, il convient de préciser ce qui suit.

106    Selon une jurisprudence constante de la Cour, il ressort de l’article 288, deuxième alinéa, CE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (voir, notamment, arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 19).

107    En l’occurrence, les requérantes ont en substance fait valoir, à l’appui de leur demande de réparation devant le Tribunal, que les institutions communautaires ont adopté un comportement illégal, et partant fautif, en s’abstenant de mettre la législation communautaire en conformité avec les accords OMC dans le délai raisonnable imparti à cette fin à la Communauté après que l’incompatibilité de cette législation avec lesdits accords a été constatée par une décision de l’ORD.

108    Il convient de rappeler, à cet égard, que les effets, dans la Communauté, des dispositions d’un accord conclu par celle‑ci avec des États tiers ne sauraient être déterminés en faisant abstraction de l’origine internationale des dispositions en cause. Conformément aux principes du droit international, les institutions communautaires qui sont compétentes pour négocier et conclure un tel accord sont libres de convenir avec les États tiers concernés des effets que les dispositions de cet accord doivent produire dans l’ordre interne des parties contractantes. À défaut pour cette question d’avoir été expressément réglée dans ledit accord, c’est aux juridictions compétentes et en particulier à la Cour dans le cadre de sa compétence en vertu du traité CE qu’il appartient de la trancher au même titre que toute autre question d’interprétation relative à l’application de l’accord en question dans la Communauté (voir, notamment, arrêts du 26 octobre 1982, Kupferberg, 104/81, Rec. p. 3641, point 17, et Portugal/Conseil, précité, point 34), en se fondant notamment sur l’esprit, l’économie ou les termes de cet accord (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 110).

109    C’est ainsi, en particulier, qu’il appartient à la Cour de déterminer, en se fondant notamment sur les critères susmentionnés, si les dispositions d’un accord international engendrent pour les justiciables de la Communauté le droit de s’en prévaloir en justice, en vue de contester la validité d’un acte communautaire (voir, à propos du GATT de 1947, arrêt du 12 décembre 1972, International Fruit Company e.a., 21/72 à 24/72, Rec. p. 1219, point 19).

110    À cet égard, il résulte notamment de la jurisprudence de la Cour que celle‑ci considère qu’elle ne peut procéder à l’examen de la validité d’une réglementation communautaire dérivée au regard d’un traité international que lorsque la nature et l’économie de celui‑ci ne s’y opposent pas et que, par ailleurs, ses dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises (voir, notamment, arrêt du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C‑308/06, non encore publié au Recueil, point 45 et jurisprudence citée).

111    S’agissant, plus spécifiquement, des accords OMC, il est de jurisprudence constante que, compte tenu de leur nature et de leur économie, ces accords ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions communautaires (voir, notamment, arrêts précités Portugal/Conseil, point 47; Biret International/Conseil, point 52, et Van Parys, point 39).

112    Ce n’est que dans l’hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC ou dans l’occurrence où l’acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC qu’il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l’acte communautaire en cause au regard des règles de l’OMC (voir arrêts précités Biret International/Conseil, point 53, ainsi que Van Parys, point 40 et jurisprudence citée).

113    À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que l’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, telle qu’elle a été instaurée par le règlement n° 404/93 et modifiée par la suite, ne vise pas à assurer l’exécution dans l’ordre juridique communautaire d’une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT et ne renvoie pas non plus expressément à des dispositions précises de celui‑ci (ordonnance OGT Fruchthandelsgesellschaft, précitée, point 28).

114    S’agissant plus particulièrement du règlement n° 1637/98 et des règlements pris pour son application, la Cour a indiqué, au point 52 de son arrêt Van Parys, précité, que ceux‑ci ne renvoyaient pas expressément à des dispositions précises des accords OMC.

115    Dans ce même arrêt, la Cour a également jugé que, par l’engagement pris par la Communauté, après l’adoption de la décision de l’ORD du 25 septembre 1997, de se conformer aux règles de l’OMC et, en particulier, aux articles I, paragraphe 1, et XIII du GATT de 1994, la Communauté n’a pas entendu assumer une obligation particulière dans le cadre de l’OMC, susceptible de justifier une exception à l’impossibilité d’invoquer des règles de l’OMC devant le juge communautaire et de permettre l’exercice par ce dernier du contrôle de la légalité du règlement nº 1637/98 et des règlements pris pour son application, au regard de ces règles (voir, en ce sens, arrêt Van Parys, précité, points 41 et 52).

116    Il convient de rappeler que l’élément déterminant en la matière est constitué par le fait que la résolution des litiges portant sur le droit de l’OMC est, en partie, fondée sur des négociations entre les parties contractantes. Le retrait de mesures illégales constitue certes la solution préconisée par ce droit, mais celui‑ci autorise également la mise en œuvre d’autres solutions (arrêt Omega Air e.a., précité, point 89).

117    Au point 51 de son arrêt Van Parys, précité, la Cour a ainsi jugé que l’expiration du délai octroyé par l’ORD pour assurer la mise en œuvre de sa décision du 25 septembre 1997 n’implique pas que la Communauté ait épuisé les possibilités prévues par le MRD pour trouver une solution au différend qui l’oppose à d’autres parties. Dans ces conditions, imposer au juge communautaire, du seul fait de l’expiration de ce délai, de contrôler la légalité des mesures communautaires concernées au regard des règles de l’OMC pourrait avoir pour effet de fragiliser la position de la Communauté dans la recherche d’une solution mutuellement acceptable au différend et en conformité avec lesdites règles.

118    Évoquant notamment le mémorandum d’accord conclu avec les États‑Unis d’Amérique le 11 avril 2001, la Cour a plus particulièrement souligné qu’une telle issue, par laquelle la Communauté a cherché à concilier ses engagements au titre des accords OMC avec ceux souscrits à l’égard des États ACP ainsi qu’avec les exigences inhérentes à la mise en œuvre de la politique agricole commune, aurait pu être compromise par la possibilité reconnue au juge communautaire de contrôler la légalité des mesures communautaires en cause au regard des règles de l’OMC à l’expiration du délai raisonnable octroyé par l’ORD (voir, en ce sens, arrêt Van Parys, précité, points 49 et 50).

119    Par ailleurs, la Cour a également rappelé que le fait d’admettre que la tâche consistant à assurer la conformité du droit communautaire avec les règles de l’OMC incombe directement au juge communautaire reviendrait à priver les organes législatifs ou exécutifs de la Communauté de la marge de manœuvre dont jouissent les organes similaires des partenaires commerciaux de la Communauté. Il est constant que certaines des parties contractantes, dont les partenaires les plus importants de la Communauté du point de vue commercial, ont précisément tiré, à la lumière de l’objet et du but des accords OMC, la conséquence que ceux‑ci ne figurent pas parmi les normes au regard desquelles leurs organes juridictionnels contrôlent la légalité de leurs règles de droit interne. Une telle absence de réciprocité, si elle était admise, risquerait d’aboutir à un déséquilibre dans l’application des règles de l’OMC (arrêt Van Parys, précité, point 53).

120    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, il n’y a en outre pas lieu d’opérer de distinction à ces divers égards selon que le contrôle de la légalité de l’action communautaire doit intervenir au titre du contentieux de l’annulation ou aux fins de statuer sur un recours en indemnité (voir en ce sens, à propos de la période précédant l’expiration du délai raisonnable imparti pour mettre en œuvre une décision de l’ORD, arrêt Biret International/Conseil, précité, point 62).

121    D’une part, en effet, et ainsi que la Cour l’a souligné, la perspective d’actions en dommages‑intérêts est susceptible d’entraver l’exercice du pouvoir législatif chaque fois qu’il est dans le cas de prendre, dans l’intérêt général, des mesures normatives susceptibles de porter atteinte aux intérêts des particuliers (arrêts du 25 mai 1978, Bayerische HNL Vermehrungsbetriebe e.a./Conseil et Commission, 83/76 et 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec. p. 1209, point 5, et du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, Rec. p. I‑1029, point 45).

122    D’autre part, tout constat d’illégalité d’un acte communautaire opéré par le juge communautaire, même lorsqu’il n’intervient pas au titre de la compétence d’annulation dont se trouve investi ce juge en vertu de l’article 230 CE, est par nature susceptible d’avoir des conséquences sur l’attitude que doit adopter l’institution dont émane l’acte en cause.

123    C’est ainsi notamment que, selon une jurisprudence constante, lorsque la Cour constate, dans le cadre d’une procédure initiée en vertu de l’article 234 CE, l’invalidité d’un acte adopté par une autorité communautaire, sa décision a comme conséquence juridique d’imposer aux institutions compétentes de la Communauté de prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’illégalité constatée, l’obligation établie à l’article 233 CE en cas d’arrêt d’annulation s’appliquant en pareil cas par analogie (voir, notamment, ordonnance du 8 novembre 2007, Fratelli Martini et Cargill, C‑421/06, point 52 et jurisprudence citée).

124    Or, rien ne permet, a priori, de considérer qu’il doive en aller différemment en présence d’un arrêt qui, rendu dans le cadre du contentieux de l’indemnisation, constate l’illégalité d’un acte ou d’une abstention communautaire. Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 49 de ses conclusions, tout constat d’illégalité opéré par le juge communautaire, même lorsqu’il intervient dans le cadre du contentieux de l’indemnisation, bénéficie de l’autorité de la chose jugée et contraint, dès lors, l’institution concernée à prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’illégalité constatée.

125    Quant à la distinction que les requérantes prétendent opérer entre l’«effet direct» des règles de l’OMC imposant des obligations d’ordre matériel et l’«effet direct» d’une décision de l’ORD, en alléguant qu’il devrait être loisible aux justiciables d’obtenir du juge communautaire un contrôle de la légalité du comportement des institutions communautaires au regard de la décision de l’ORD en tant que telle, à défaut pour un tel contrôle de pouvoir intervenir au regard des règles de l’OMC dont la méconnaissance a été constatée par ladite décision, il y a lieu de préciser ce qui suit.

126    Même si la Cour n’a pas encore été amenée à se prononcer expressément sur un tel distinguo, il découle toutefois nécessairement de sa jurisprudence susmentionnée que celui‑ci n’a pas lieu d’être.

127    En effet, en jugeant que les règles de l’OMC dont la violation a été constatée par une décision de l’ORD ne pouvaient, nonobstant l’écoulement du délai prévu pour exécuter cette décision, être invoquées devant le juge communautaire aux fins d’obtenir de ce dernier qu’il contrôle la légalité du comportement des institutions communautaires au regard desdites règles, la Cour a nécessairement exclu qu’un tel contrôle puisse intervenir au regard de la décision de l’ORD elle‑même.

128    Une décision de l’ORD, qui n’a d’autre objet que de se prononcer sur la conformité du comportement d’un membre de l’OMC avec les obligations contractées dans ce cadre par ce membre, ne saurait en principe être fondamentalement distinguée des règles matérielles traduisant de telles obligations et au regard desquelles opère un tel contrôle, à tout le moins lorsqu’il s’agit de déterminer si une méconnaissance desdites règles ou décision peut ou non être invoquée devant le juge communautaire aux fins de contrôler la légalité du comportement des institutions communautaires.

129    Pas plus que les règles matérielles que comportent les accords OMC, une recommandation ou une décision de l’ORD constatant le non‑respect desdites règles ne sont, quelle que soit la portée juridique précise s’attachant à de telles recommandation ou décision, de nature à créer pour les particuliers un droit de s’en prévaloir devant le juge communautaire aux fins d’obtenir un contrôle de la légalité du comportement des institutions communautaires.

130    D’une part, en effet, et ainsi qu’il ressort des points 113 à 124 du présent arrêt, les considérations liées à la nature des accords OMC ainsi qu’à la réciprocité et à la flexibilité les caractérisant demeurent présentes une fois adoptées de telles décision ou recommandation et une fois écoulé le délai raisonnable imparti pour leur mise en œuvre. Les institutions communautaires conservent notamment une marge d’appréciation et de négociation vis‑à‑vis de leurs partenaires commerciaux dans la perspective de l’adoption de mesures destinées à donner suite à ces décision ou recommandation et une telle marge doit être préservée.

131    D’autre part, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 2, du MRD, les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords concernés. Il s’ensuit notamment qu’une décision de l’ORD constatant la violation d’une telle obligation ne saurait avoir pour conséquence d’obliger une partie aux accords OMC à reconnaître aux particuliers un droit qu’ils ne détiennent pas en vertu de ces accords, en l’absence d’une telle décision.

132    Or, il convient notamment de rappeler, à cet égard, que la Cour a déjà jugé à propos des dispositions du GATT de 1994, dont la méconnaissance a, en l’occurrence, été constatée par l’ORD, que lesdites dispositions ne sont notamment pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux‑ci peuvent se prévaloir directement en justice en vertu du droit communautaire (voir, en ce sens, ordonnance OGT Fruchthandelsgesellschaft, précitée, points 25 et 26).

133    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le Tribunal a décidé que, nonobstant l’expiration du délai imparti pour mettre en œuvre une décision de l’ORD, le juge communautaire ne pouvait, dans les circonstances de l’espèce, procéder à un contrôle de la légalité du comportement des institutions communautaires au regard des règles de l’OMC.

134    Le premier moyen des pourvois n’étant, dès lors, fondé en aucune de ses deux branches, il y a lieu de le rejeter.

 Sur le second moyen des pourvois principaux, sur les pourvois incidents et sur les demandes de substitution de motifs

 Argumentation des parties

135    Par un second moyen, FIAMM et Fedon soutiennent que, en jugeant, dans le cadre de l’examen de leurs demandes formulées au titre d’une responsabilité sans faute de la Communauté, que leur préjudice ne revêtait pas un caractère anormal, le Tribunal a tenu un raisonnement illogique et a enfreint certains principes jurisprudentiels bien établis.

136    Par les arrêts attaqués, le Tribunal aurait notamment méconnu la double exigence selon laquelle, pour pouvoir être qualifié de normal, un préjudice doit être, d’une part, prévisible et, d’autre part, inhérent aux activités du secteur en cause.

137    Selon FIAMM et Fedon, en effet, un préjudice causé par des sanctions douanières adoptées par un État tiers dans le secteur des accumulateurs industriels ou des étuis à lunettes à la suite d’un différend dans le secteur de la banane ne serait pas inhérent aux deux premiers secteurs cités, ce dont témoignerait notamment l’article 22, paragraphe 3, sous a), du MRD. Un tel préjudice serait d’autant moins prévisible qu’il présenterait un caractère punitif inédit et qu’il serait sans précédent dans l’histoire du GATT et de l’OMC, comme dans les relations entre la Communauté et les États‑Unis d’Amérique.

138    Le raisonnement du Tribunal, selon lequel dès lors que l’article 22, paragraphe 3, du MRD autorise l’adoption de mesures de rétorsion le préjudice encouru ne serait pas anormal, serait empreint de contradiction. Considérer qu’un dommage est normal parce qu’il est la conséquence d’un acte autorisé par le droit applicable reviendrait, en effet, à nier la possibilité qu’un dommage causé par un acte licite puisse donner lieu à responsabilité, ce qu’admettraient pourtant les arrêts attaqués.

139    Le Conseil considère que le Tribunal a jugé à bon droit que les préjudices allégués relèvent des risques normaux qu’un exportateur doit assumer dans l’état actuel de l’organisation du commerce mondial.

140    Il conteste cependant certains motifs des arrêts attaqués et demande à la Cour soit de procéder à diverses substitutions de motifs sur ces points, soit, statuant sur les pourvois incidents qu’il forme à cet égard, d’annuler partiellement lesdits arrêts.

141    En premier lieu, dès lors que la moitié à peine des ordres juridiques des États membres envisageraient la possibilité, qui plus est très strictement encadrée, d’obtenir la réparation d’un préjudice résultant de certains actes licites de l’autorité publique, le Conseil conteste l’affirmation figurant aux points 160 de l’arrêt FIAMM et 153 de l’arrêt Fedon, selon laquelle il existerait un principe général commun aux États membres permettant la mise en cause de la responsabilité de la Communauté en l’absence de comportement illicite de ses organes.

142    À supposer même qu’un tel principe puisse être établi, le Tribunal aurait en tout état de cause considéré à tort qu’il serait susceptible de s’appliquer dans un cas de figure tel que celui de l’espèce dès lors, notamment, que:

–        une responsabilité pour omission normative porterait atteinte au libre choix inhérent au droit d’initiative de la Commission et à la marge de discrétion du législateur, remettant en question la séparation des pouvoirs et l’équilibre institutionnel voulus par le traité;

–        l’absence de proportionnalité entre la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte normatif illicite, soumise à des conditions très strictes en ce qui concerne l’illicéité du comportement, et la responsabilité pour omission normative licite, qui serait conditionnée par la seule survenance d’un préjudice spécial et anormal et, partant, serait plus facile à mettre en jeu, traduirait une incohérence;

–        la position ainsi adoptée par le Tribunal serait en contradiction avec le raisonnement suivi par celui‑ci pour conclure à l’impossibilité d’invoquer les règles de l’OMC dans le cadre d’un recours en réparation fondé sur le comportement illicite de la Communauté, en particulier avec la nécessité de ne pas priver les organes communautaires de la marge de manœuvre dont jouissent les organes des partenaires commerciaux de la Communauté.

143    En deuxième lieu, les arrêts attaqués auraient conclu à tort à l’existence d’un préjudice certain, FIAMM et Fedon n’ayant en effet démontré ni l’existence, ni l’étendue, ni le montant exact d’un tel préjudice.

144    En troisième lieu, et s’agissant du lien de causalité, le Tribunal aurait méconnu l’exigence selon laquelle le préjudice doit découler d’une manière suffisamment directe du comportement de l’institution concernée. Il n’existerait, en effet, aucun automatisme entre la décision de l’ORD du 25 septembre 1997 et l’institution de la surtaxe douanière en cause, les autorités des États‑Unis d’Amérique ayant décidé de manière discrétionnaire du principe de celle‑ci, des produits frappés et du taux d’imposition, alors que, notamment, elles auraient pu accepter les compensations offertes par la Communauté.

145    La Commission considère, elle aussi, que par les arrêts attaqués le Tribunal a conclu à juste titre à l’absence de préjudice anormal. Pour qu’un préjudice soit normal, il ne serait notamment pas requis que le risque de sa survenance soit inhérent au secteur d’activité de l’opérateur. L’implication dans le commerce international s’accompagnerait, quel que soit le marché de produits considéré, du risque de voir un pays importateur adopter des décisions influençant les échanges pour les raisons les plus diverses.

146    Tout en concluant ainsi au rejet du second moyen des pourvois, la Commission estime toutefois, à l’instar du Conseil, que le Tribunal a commis diverses erreurs de droit en ce qui concerne la problématique de la responsabilité de la Communauté en l’absence de comportement illicite de ses organes. Le dispositif des arrêts attaqués étant néanmoins fondé, elle demande à la Cour de procéder à diverses substitutions de motifs à cet égard.

147    En premier lieu, et s’agissant de l’affirmation relative à l’existence même du principe d’une telle responsabilité, le Tribunal ne pouvait, selon la Commission, procéder à une innovation aussi considérable en se contentant de la motivation vague que comportent les points 159 de l’arrêt FIAMM et 152 de l’arrêt Fedon.

148    En effet, ce principe n’aurait jamais été reconnu par la jurisprudence, laquelle aurait systématiquement réservé cette question en se bornant à cet égard à formuler un cadre de référence purement éventuel sans aucunement fixer les conditions, les domaines et les hypothèses dans lesquels cette responsabilité pourrait le cas échéant être engagée.

149    En outre, en énonçant aux points 160 de l’arrêt FIAMM et 153 de l’arrêt Fedon les conditions auxquelles est soumise une telle responsabilité, le Tribunal aurait implicitement mais nécessairement jugé que ledit principe s’applique dans le type d’hypothèses couvert par la présente affaire, sans toutefois vérifier si une telle conclusion se justifiait au regard de principes communs aux ordres juridiques des États membres.

150    En particulier, le Tribunal n’aurait pas centré son examen sur les cas de responsabilité des pouvoirs publics résultant de l’activité législative, se référant tout au contraire, aux points 159 de l’arrêt FIAMM et 152 de l’arrêt Fedon, de la manière la plus générale, à la possibilité d’obtenir réparation de la part de l’auteur d’un dommage en l’absence de faute de ce dernier.

151    Or, l’examen des 25 ordres juridiques des États membres indiquerait que, à la différence de cas tels que l’expropriation pour cause d’utilité publique ou l’indemnisation par l’État de dommages engendrés par l’activité dangereuse de celui‑ci ou en raison d’une relation particulière le liant à la victime, qui sont, en l’occurrence, dépourvus de pertinence, toute obligation d’indemnisation du fait d’un acte étatique licite traduisant un large pouvoir d’appréciation, en raison par exemple de considérations de solidarité ou d’équité, serait notamment inconnue dans les droits d’un grand nombre d’États membres. Si un tel type de responsabilité se rencontre, dans des circonstances exceptionnelles, dans les ordres juridiques de certains autres États membres, il serait, en règle générale, limité aux seuls actes administratifs, à l’exception notable du droit français qui admettrait seul clairement ce type de responsabilité en présence d’une activité législative, pour autant que le dommage est anormal, spécial, grave et direct, que le législateur ne poursuive pas des intérêts généraux et qu’il n’ait pas exclu le principe d’une réparation.

152    En outre, le principe propre au droit français ne saurait être transposé dans l’ordre juridique communautaire. En effet, alors que le fondement de ce principe résiderait dans la circonstance que, en France, un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois par le Conseil d’État est exclu, l’ordre juridique communautaire prévoirait, pour sa part, un contrôle de la légalité des actes du législateur par rapport au traité et aux principes fondamentaux ainsi qu’une possibilité de mise en cause de la responsabilité de la Communauté en cas de violation de ces normes supérieures.

153    En deuxième lieu, la Commission considère que, en concluant dans les arrêts attaqués à l’existence d’un préjudice réel et certain, le Tribunal aurait notamment dénaturé son argumentation, aurait omis de vérifier concrètement le caractère réel et certain de ce préjudice et aurait violé les principes relatifs à la dévolution de la charge de la preuve.

154    En troisième lieu, la Commission estime, pour des raisons analogues à celles exposées par le Conseil, que le Tribunal s’est trompé dans la qualification juridique des faits en concluant que la condition relative au lien de causalité était remplie en l’espèce.

155    Le Royaume d’Espagne conclut également au rejet du second moyen des pourvois. Le fait d’imposer des mesures de rétorsion dans le cadre de l’OMC, y compris dans d’autres secteurs que ceux faisant l’objet d’un différend, n’aurait rien d’imprévisible ni d’exceptionnel, ainsi qu’en témoignerait la pratique.

156    Par le pourvoi incident qu’il introduit dans l’affaire C‑120/06 P et dans son mémoire en intervention dans l’affaire C‑121/06 P, le Royaume d’Espagne demande, par ailleurs, l’annulation des arrêts attaqués en tant que le Tribunal a jugé que le droit communautaire comportait, à titre de principe général commun aux États membres, un système de responsabilité du fait d’un acte licite. De plus, en conférant à ce principe une portée aussi large que celle qui ressort des conditions énoncées aux points 160 de l’arrêt FIAMM et 153 de l’arrêt Fedon, le Tribunal méconnaîtrait le constat auquel il a lui‑même procédé aux points 159 de l’arrêt FIAMM et 152 de l’arrêt Fedon.

157    Le fait d’admettre la possibilité d’une responsabilité de la Communauté du fait d’une omission normative, alors même qu’aucune règle obligeant la Communauté à agir n’est susceptible d’être invoquée par la personne lésée, serait en outre de nature à méconnaître le principe de réciprocité que le Tribunal a mis en avant pour rejeter la possibilité d’une responsabilité pour comportement illicite.

158    Dans ses observations sur le mémoire en intervention du Royaume d’Espagne, Fedon fait valoir que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré qu’un principe de responsabilité du fait du comportement licite des organes communautaires a été consacré et délimité par une jurisprudence constante, ainsi que la Cour l’aurait rappelé dans son arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité.

159    Visant à garantir le principe fondamental de l’État de droit protégeant les particuliers et, en particulier, leurs droits de propriété et d’initiative économique, l’article 288, deuxième alinéa, CE devrait, eu égard à l’orientation libérale de l’ordre juridique communautaire, être interprété de manière à favoriser les principes les plus libéraux caractérisant les ordres juridiques des États membres. En outre, dans une Union composée de 25 États membres, cette disposition devrait faire l’objet d’une interprétation souple, sous peine d’être rendue inapplicable. En l’occurrence, il n’y aurait néanmoins pas lieu de prendre en considération les ordres juridiques des nouveaux États membres, l’élargissement correspondant étant intervenu postérieurement aux faits de l’espèce.

160    Le grief du Royaume d’Espagne, tiré notamment du fait que le comportement reproché consisterait en une omission, serait irrecevable faute d’avoir été soulevé en première instance. En tout état de cause, la responsabilité de la Communauté pourrait être engagée tant du fait des omissions que des actes des institutions.

 Appréciation de la Cour

161    Par le premier moyen de leurs pourvois incidents respectifs, le Conseil a notamment conclu à l’annulation des arrêts FIAMM et Fedon et le Royaume d’Espagne à celle de l’arrêt FIAMM, aux motifs que le Tribunal aurait commis des erreurs de droit en consacrant un principe de responsabilité de la Communauté en l’absence de comportement illicite imputable à ses organes ou, en tout état de cause, en considérant qu’un tel principe est applicable en présence d’un comportement tel que celui qui est en cause en l’espèce. Sans introduire de pourvoi incident, la Commission demande à la Cour de maintenir le dispositif des arrêts attaqués mais de procéder à une substitution de motifs à ces mêmes égards.

162    Les griefs ainsi formulés contestant l’existence ou l’applicabilité mêmes du régime de responsabilité dont les arrêts attaqués ont fait application, il convient en l’occurrence de les examiner en priorité.

163    En effet, il y a lieu de relever que, si l’erreur de droit ainsi invoquée était avérée, il n’y aurait plus lieu de statuer sur le second moyen des pourvois principaux relatif au caractère anormal du dommage encouru ni sur les deux autres moyens des pourvois incidents relatifs, l’un, à l’absence de caractère certain du dommage et, l’autre, à l’absence de lien de causalité, faute pour le régime de responsabilité auquel sont censées se rattacher ces trois conditions d’exister ou d’être applicable.

 Sur le premier moyen des pourvois incidents et sur les demandes de substitution de motifs, tirés de l’inexistence d’un régime de responsabilité sans faute tel que consacré par les arrêts attaqués

164    À titre liminaire, il convient de souligner que, selon la jurisprudence constante rappelée au point 106 du présent arrêt, il ressort de l’article 288, deuxième alinéa, CE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions relatives à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué.

165    La Cour a, de même, itérativement rappelé que ladite responsabilité ne saurait être tenue pour engagée sans que soient réunies toutes les conditions auxquelles se trouve ainsi subordonnée l’obligation de réparation définie à l’article 288, deuxième alinéa, CE (arrêt Oleifici Mediterranei/CEE, précité, point 17).

166    C’est ainsi que la Cour a jugé que, lorsqu’il constate qu’aucun acte ni aucune prétendue omission d’une institution ne présente un caractère illégal, si bien que la première condition à laquelle est soumise l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE n’est pas remplie, le juge communautaire peut rejeter le recours dans son ensemble sans qu’il lui soit nécessaire d’examiner les autres conditions de cette responsabilité, à savoir la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre les comportements des institutions et le préjudice invoqué (voir, notamment, arrêt KYDEP/Conseil et Commission, précité, points 80 et 81).

167    La jurisprudence de la Cour consacrant, au titre de l’article 288, deuxième alinéa, CE, l’existence du régime de responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait du comportement illégal de ses institutions et les conditions d’application de ce régime est ainsi fermement établie. En revanche, il n’en va pas de la sorte en ce qui concerne un régime de responsabilité extracontractuelle de la Communauté en l’absence d’un tel comportement illégal.

168    Contrairement à ce que le Tribunal a affirmé dans les arrêts attaqués, il ne saurait tout d’abord être déduit de la jurisprudence antérieure à ces arrêts que la Cour aurait consacré le principe d’un tel régime.

169    Ainsi que la Cour l’a notamment rappelé au point 18 de l’arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, auquel se réfère le Tribunal aux points 160 de l’arrêt FIAMM et 153 de l’arrêt Fedon, la Cour s’est tout au contraire jusqu’à présent bornée, aux termes d’une jurisprudence constante, à préciser certaines des conditions auxquelles une telle responsabilité pourrait se trouver engagée dans l’hypothèse où le principe de la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte licite devrait être reconnu en droit communautaire (voir également, en des termes analogues, arrêt du 6 décembre 1984, Biovilac/CEE, 59/83, Rec. p. 4057, point 28). C’est à ce seul titre que la Cour a rappelé à cet égard, au point 19 de l’arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, que, si une telle responsabilité venait à être reconnue dans son principe, elle requerrait à tout le moins la réunion de trois conditions cumulatives, constituées par la réalité du préjudice, l’existence d’un lien de causalité entre celui‑ci et l’acte concerné ainsi que le caractère anormal et spécial du préjudice.

170    Ensuite, s’agissant du régime de responsabilité reconnu en droit communautaire, la Cour, tout en rappelant que c’est aux principes généraux communs aux droits des États membres que l’article 288, deuxième alinéa, CE renvoie en matière de responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait des dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, a considéré que le principe ainsi expressément établi, à cet article 288, de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté n’est qu’une expression du principe général connu dans les ordres juridiques des États membres, selon lequel une action ou omission illégale entraîne l’obligation de réparer le préjudice causé (arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, points 28 et 29).

171    S’agissant plus spécifiquement de la responsabilité du fait de l’activité normative, la Cour a, en outre, très tôt relevé que, si les principes qui, dans les systèmes juridiques des États membres, régissent la responsabilité des pouvoirs publics pour les préjudices causés aux particuliers par les actes normatifs varient considérablement d’un État membre à l’autre, il était toutefois possible de constater que les actes normatifs dans lesquels se traduisent des options de politique économique n’engagent qu’exceptionnellement et dans des circonstances singulières la responsabilité des pouvoirs publics (arrêt Bayerische HNL Vermehrungsbetriebe e.a./Conseil et Commission, précité, point 5).

172    Aussi la Cour a‑t‑elle notamment jugé que la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte normatif qui implique des choix de politique économique ne saurait être engagée, compte tenu des dispositions de l’article 288, deuxième alinéa, CE, qu’en présence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (voir, notamment, arrêts du 13 juin 1972, Compagnie d’approvisionnement, de transport et de crédit et Grands Moulins de Paris/Commission, 9/71 et 11/71, Rec. p. 391, point 13; Bayerische HNL Vermehrungsbetriebe e.a./Conseil et Commission, précité, point 4; du 8 décembre 1987, Les Grands Moulins de Paris/CEE, 50/86, Rec. p. 4833, point 8, et du 6 juin 1990, AERPO e.a./Commission, C‑119/88, Rec. p. I‑2189, point 18).

173    Elle a encore précisé, à cet égard, que la règle de droit dont la violation doit ainsi être constatée devait avoir pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir en ce sens, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 41 et 42, ainsi que du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec. p. I‑2941, point 47).

174    La Cour a, par ailleurs, indiqué que la conception restrictive de la responsabilité de la Communauté du fait de l’exercice de ses activités normatives s’explique par la considération que, d’une part, l’exercice de la fonction législative, même là où il existe un contrôle juridictionnel de la légalité des actes, ne doit pas être entravé par la perspective d’actions en dommages‑intérêts chaque fois que l’intérêt général de la Communauté commande de prendre des mesures normatives susceptibles de porter atteinte aux intérêts des particuliers et que, d’autre part, dans un contexte normatif caractérisé par l’existence d’un large pouvoir d’appréciation, indispensable à la mise en œuvre d’une politique communautaire, la responsabilité de la Communauté ne peut être engagée que si l’institution concernée a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs (voir, notamment, arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 45).

175    Enfin, force est de constater, à cet égard, que, si l’examen comparatif des ordres juridiques des États membres a permis à la Cour de procéder très tôt au constat rappelé au point 170 du présent arrêt en ce qui concerne une convergence de ces ordres juridiques dans la consécration d’un principe de responsabilité en présence d’une action ou d’une omission illégale de l’autorité, y compris d’ordre normatif, il n’en va nullement de même en ce qui concerne l’existence éventuelle d’un principe de responsabilité en présence d’un acte ou d’une omission licites de l’autorité publique, en particulier lorsque ceux‑ci sont d’ordre normatif.

176    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en l’état actuel du droit communautaire, il n’existe pas de régime de responsabilité permettant d’engager la responsabilité de la Communauté du fait d’un comportement relevant de la sphère de compétence normative de celle‑ci dans une situation dans laquelle l’éventuelle non‑conformité d’un tel comportement avec les accords OMC ne peut pas être invoquée devant le juge communautaire.

177    Or, il convient de rappeler, que, en l’occurrence, le comportement dont les requérantes allèguent qu’il leur a occasionné un dommage s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’une organisation commune de marché et qu’il relève manifestement de la sphère d’activité normative du législateur communautaire.

178    Il est à cet égard indifférent que ledit comportement doive s’analyser comme un acte positif, à savoir l’adoption des règlements nos 1637/98 et 2362/98 à la suite de la décision de l’ORD du 25 septembre 1997, ou comme une omission, à savoir le fait de s’être abstenu d’adopter des actes qui soient propres à assurer une correcte exécution de cette décision. En effet, l’abstention des institutions communautaires est également susceptible de relever de la fonction législative de la Communauté, notamment dans le cadre du contentieux de la responsabilité (voir, en ce sens, arrêt Les Grands Moulins de Paris/CEE, précité, point 9).

179    Il résulte de tout ce qui précède que, en consacrant dans les arrêts attaqués l’existence d’un régime de responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait de l’exercice licite par celle‑ci de ses activités relevant de la sphère normative, le Tribunal a commis une erreur de droit.

180    Deux précisions s’imposent toutefois à cet égard.

181    En premier lieu, il convient de souligner que le constat figurant au point 179 du présent arrêt est opéré sans préjudice du large pouvoir d’appréciation dont dispose, le cas échéant, le législateur communautaire aux fins d’apprécier si, à l’occasion de l’adoption d’un acte normatif donné, la prise en compte de certains effets préjudiciables devant résulter de cette adoption justifie de prévoir certaines formes d’indemnisation (voir en ce sens, en matière de politique agricole, arrêt du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood, C‑20/00 et C‑64/00, Rec. p. I‑7411, point 85).

182    En second lieu, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux dont la Cour assure le respect.

183    S’agissant plus particulièrement du droit de propriété et du libre exercice des activités professionnelles, la Cour a de longue date reconnu leur caractère de principes généraux du droit communautaire, tout en soulignant toutefois qu’ils n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais qu’ils doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Ainsi, elle a jugé que, si des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété et au libre exercice d’une activité professionnelle, notamment dans le cadre d’une organisation commune de marché, c’est à la condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, Rec. p. 2237, point 15; Allemagne/Conseil, précité, point 78, et du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, point 86).

184    Il s’ensuit qu’un acte normatif communautaire dont l’application conduit à des restrictions au droit de propriété et au libre exercice d’une activité professionnelle, qui porteraient une atteinte démesurée et intolérable à la substance même desdits droits, le cas échéant à défaut, précisément, d’avoir prévu une indemnisation propre à éviter ou à corriger ladite atteinte, pourrait engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

185    Eu égard aux caractéristiques des présentes affaires, il convient également de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’un opérateur économique ne saurait revendiquer un droit de propriété sur une part de marché qu’il détenait à un moment donné, une telle part de marché ne constituant qu’une position économique momentanée, exposée aux aléas d’un changement de circonstances (voir en ce sens, notamment, arrêts précités Allemagne/Conseil, point 79, et Alessandrini e.a./Commission, point 88). La Cour a de même précisé que l’on ne saurait étendre les garanties conférées par le droit de propriété ou par le principe général garantissant le libre exercice d’une profession à la protection de simples intérêts ou de chances d’ordre commercial, dont le caractère aléatoire est inhérent à l’essence même de l’activité économique (arrêt du 14 mai 1974, Nold/Commission, 4/73, Rec. p. 491, point 14).

186    C’est ainsi qu’un opérateur dont l’activité tient notamment dans l’exportation vers les marchés d’États tiers doit notamment avoir conscience du fait que la position commerciale dont il dispose à un moment donné peut se trouver affectée et modifiée par diverses circonstances et que figurent parmi celles‑ci l’éventualité, du reste expressément prévue et réglementée à l’article 22 du MRD, de voir un tel État tiers adopter des mesures de suspension de concessions en réaction à l’attitude adoptée par ses partenaires commerciaux dans le cadre de l’OMC et choisir librement, dans cette perspective, et ainsi qu’il ressort de l’article 22, paragraphe 3, sous a) et f), du MRD, les marchandises sur lesquelles faire porter lesdites mesures.

187    Bien qu’il ressorte des points 176 et 179 du présent arrêt que le Tribunal a commis une erreur de droit, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1994, Finsider/Commission, C‑320/92 P, Rec. p. I‑5697, point 37; du 16 décembre 1999, CES/E, C‑150/98 P, Rec. p. I‑8877, point 17, et du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, Rec. p. I‑5843, point 58).

188    Tel est le cas en l’occurrence. En effet, la Cour a constaté que, en son état actuel, le droit communautaire ne prévoit pas de régime permettant la mise en cause de la responsabilité de la Communauté du fait d’un comportement normatif de cette dernière dans une situation dans laquelle l’éventuelle non‑conformité d’un tel comportement avec les accords OMC ne peut pas être invoquée devant le juge communautaire. Or, les demandes en indemnité des requérantes visaient notamment à mettre en cause la responsabilité de la Communauté en raison d’un tel comportement. Dans ces conditions, le Tribunal ne pouvait que rejeter de telles demandes, quels que soient les arguments invoqués par les requérantes à l’appui de celles‑ci (voir, par analogie, arrêt Salzgitter/Commission, précité, point 59). Le Tribunal aurait ainsi été tenu de rejeter de ce chef les demandes des requérantes s’il n’avait commis l’erreur de droit l’ayant amené à les rejeter pour d’autres raisons (voir, par analogie, arrêts précités Finsider/Commission, point 38, et CES/E, point 18).

189    Il s’ensuit que, bien que fondé, le premier moyen invoqué à l’appui des pourvois incidents est inopérant et qu’il doit dès lors être rejeté (voir, par analogie, arrêt Salzgitter/Commission, précité, point 60).

 Sur le second moyen des pourvois principaux et sur les deuxième et troisième moyens des pourvois incidents

190    Eu égard au constat opéré au point 176 du présent arrêt et aux considérations exposées au point 163 du présent arrêt, il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen des pourvois principaux, relatif au caractère anormal du dommage prétendument subi par les requérantes, non plus que les deuxième et troisième moyens des pourvois incidents, relatifs, l’un, à l’absence de caractère certain dudit dommage et, l’autre, à l’absence de lien de causalité entre ce même dommage et le comportement des institutions communautaires.

 Sur les demandes de dédommagement en raison de la durée de la procédure de première instance

 Argumentation des parties

191    À titre subsidiaire, FIAMM et Fedon sollicitent l’octroi d’un dédommagement équitable eu égard à la durée excessive de la procédure de première instance.

192    Invoquant l’arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, points 26 à 49), FIAMM fait valoir à cet égard, premièrement, que l’affaire revêt pour elle une importance financière considérable, deuxièmement, que les questions de fait sont en l’occurrence très claires, troisièmement, que le comportement d’aucune des parties n’a contribué à allonger la procédure et, quatrièmement, que le Tribunal n’a pas eu à faire face à des circonstances exceptionnelles.

193    La Commission conclut à l’irrecevabilité des conclusions de FIAMM et de Fedon sur ce point.

194    S’agissant du pourvoi de Fedon, cette irrecevabilité serait d’abord commandée par l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, Fedon n’ayant aucunement motivé sa demande.

195    S’agissant des deux pourvois, cette irrecevabilité s’imposerait ensuite ratione materiae. D’une part, un pourvoi ne saurait, ainsi qu’il ressort des articles 57 et 58 du statut de la Cour de justice, concerner des faits nouveaux n’ayant pas déjà été exposés en première instance. D’autre part, la longueur de la procédure devant le Tribunal ne saurait être qualifiée d’irrégularité de procédure, faute d’avoir eu une incidence sur la solution des litiges.

196    Enfin, ladite irrecevabilité serait également justifiée ratione personae, la Communauté étant représentée dans la présente procédure par le Conseil et la Commission et non par la Cour, dont fait partie intégrante le Tribunal auquel le fait générateur de la responsabilité invoquée serait, en l’occurrence, imputé.

197    Par ailleurs, une réparation fondée sur l’équité, à l’image de celle qui a été accordée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, ne serait pas envisageable en l’espèce, FIAMM et Fedon n’étant pas tenues de verser au budget communautaire un montant susceptible d’être réduit.

198    Enfin, la longueur de la procédure devant le Tribunal s’expliquerait, en tout état de cause, par la complexité des affaires, par les aléas procéduraux liés à la jonction d’affaires multiples introduites dans cinq langues de procédure différentes et impliquant trois institutions ainsi qu’une partie intervenante, par la réattribution de ces affaires à une formation de jugement élargie ainsi que par la circonstance que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Van Parys, précité, soulevant des questions de principe similaires, était pendante devant la Cour.

199    Selon le Royaume d’Espagne, les demandes de FIAMM et de Fedon sont irrecevables, faute d’avoir été invoquées en première instance et d’avoir, dès lors, pu être traitées dans les arrêts attaqués.

 Appréciation de la Cour

200    Les demandes des requérantes visant l’octroi d’une satisfaction équitable en raison du fait que la procédure devant le Tribunal aurait excédé le délai raisonnable ne sauraient en l’occurrence être accueillies.

201    S’agissant de la demande de Fedon, il suffit de constater que cette demande qui figure dans le petitum de la requête ne fait toutefois l’objet d’aucune mention dans le corps de celle‑ci.

202    Or, aux termes de l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, un pourvoi doit contenir les moyens de droit et les arguments invoqués. De tels moyens et arguments qui se distinguent des conclusions du recours visées, pour leur part, à ce même article 112, paragraphe 1, sous d), étant en l’occurrence totalement absents de la requête de Fedon, il s’ensuit que la demande de réparation équitable présentée par celle‑ci, qui est dépourvue de toute motivation, doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

203    S’agissant de la demande de FIAMM, il convient de rappeler que, en l’absence de tout indice selon lequel la durée de la procédure aurait eu une incidence sur la solution du litige, le moyen tiré de ce que la procédure devant le Tribunal aurait dépassé les exigences liées au respect du délai raisonnable ne saurait en règle générale conduire à l’annulation de l’arrêt rendu par ce dernier (voir, en ce sens, arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 49).

204    Dans la présente affaire, FIAMM n’a d’ailleurs pas allégué que la durée prétendument excessive de la procédure aurait eu une incidence sur la solution du litige ni demandé que l’arrêt FIAMM soit annulé de ce chef.

205    Or, ainsi qu’il ressort de l’article 113, paragraphe 1, du règlement de procédure, les conclusions de tout pourvoi doivent tendre à l’annulation, totale ou partielle, de l’arrêt du Tribunal et, le cas échéant, à ce qu’il soit fait droit, en tout ou partie, aux conclusions présentées en première instance.

206    À cet égard, il convient de relever que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, dont se prévaut FIAMM, le pourvoi soumis à la Cour était dirigé contre un arrêt du Tribunal ayant, au titre de la compétence de pleine juridiction dont il dispose à cette fin, infligé à la requérante une amende pour infraction aux règles de la concurrence, compétence de pleine juridiction dont la Cour elle‑même peut bénéficier lorsqu’elle annule un tel arrêt du Tribunal et statue sur le recours.

207    Au point 33 dudit arrêt, la Cour a rappelé à cet égard le droit de la requérante à un procès équitable dans un délai raisonnable et, notamment, à ce qu’il soit statué sur le bien‑fondé des accusations de violation du droit de la concurrence portées à son encontre par la Commission et des amendes qui lui ont été infligées à cet égard.

208    Ayant constaté qu’un tel délai avait, en l’espèce, été dépassé par le Tribunal, la Cour a jugé, pour des raisons d’économie de procédure et afin de garantir un remède immédiat et effectif contre une telle irrégularité de procédure, qu’une annulation et une réformation de l’arrêt du Tribunal limitées à la seule question de la fixation du montant de l’amende permettaient en l’espèce l’octroi de la satisfaction équitable requise (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, points 47, 48 et 141).

209    En revanche, le présent pourvoi est dirigé contre un arrêt du Tribunal rejetant un recours en indemnité fondé sur l’article 288, deuxième alinéa, CE.

210    Il s’ensuit que l’annulation d’un tel arrêt ne saurait conduire à l’octroi d’une satisfaction équitable du fait de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal au titre d’une réformation de l’arrêt attaqué, dès lors que dans une telle procédure le Tribunal n’est en aucun cas appelé, pas plus que la Cour ne l’est sur pourvoi, à condamner les parties requérantes au paiement d’un montant dont cette satisfaction équitable pourrait le cas échéant être retranché.

211    Dans ces conditions, la demande de FIAMM visant à l’octroi d’une satisfaction équitable en raison de la durée prétendument excessive de la procédure devant le Tribunal doit également être rejetée comme irrecevable.

212    Par ailleurs, il convient de préciser que, même si la durée de la procédure devant le Tribunal a effectivement été, en l’occurrence, considérable, le caractère raisonnable du délai doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes (voir, notamment, arrêts Baustahlgewebe/Commission, précité, point 29, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 210).

213    S’agissant du comportement de l’autorité compétente et du niveau de complexité de l’affaire, il importe de constater que la durée considérable de la procédure devant le Tribunal est en l’occurrence susceptible de s’expliquer dans une large mesure par une conjonction de circonstances objectives tenant au nombre d’affaires parallèles successivement introduites devant le Tribunal ainsi qu’à l’importance des questions juridiques soulevées par celles‑ci.

214    Ces circonstances permettent, en effet, d’expliquer la survenance d’une série d’aléas procéduraux ayant contribué de manière déterminante à retarder l’issue des litiges concernés et qui ne peuvent, en l’occurrence, être tenus pour anormaux, telles la jonction, eu égard à leur connexité, de six affaires introduites dans plusieurs langues de procédure différentes ou encore leur réattribution, d’abord à une formation élargie, puis à un nouveau juge rapporteur à la suite du départ du juge rapporteur initialement désigné et, enfin, à la grande chambre du Tribunal, cette dernière réattribution s’accompagnant elle‑même d’une réouverture de la procédure orale.

 Sur les dépens

215    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le paragraphe 4, premier alinéa, de cet article 69 prévoit que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

216    Le Conseil et la Commission ayant conclu à la condamnation de FIAMM et de Fedon et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

217    Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      Les pourvois principaux sont rejetés.

2)      Les pourvois incidents sont rejetés.

3)      Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio SpA, Fabbrica italiana accumulatori motocarri Montecchio Technologies LLC, Giorgio Fedon & Figli SpA et Fedon America, Inc. sont condamnées à supporter les dépens exposés par le Conseil de l’Union européenne et par la Commission des Communautés européennes.

4)      Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.