Language of document : ECLI:EU:T:2018:563

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

19 septembre 2018 (*)(1)

« Aides d’État – Aide en faveur de la liaison fixe rail-route du Sund – Financement public accordé par les États suédois et danois au projet d’infrastructure de liaison fixe à travers le Sund – Garanties étatiques – Aides fiscales – Décision de ne pas soulever d’objections – Décision constatant l’absence d’aide d’État – Recours en annulation – Acte attaquable – Recevabilité – Défaut d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Difficultés sérieuses – Notion de régime d’aides – Aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun – Appréciation de l’élément d’aide contenu dans une garantie – Caractère limité de l’aide contenue dans une garantie – Proportionnalité – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑68/15,

HH Ferries I/S, anciennement Scandlines Øresund I/S, établie à Elseneur (Danemark),

HH Ferries Helsingor ApS, établie à Elseneur,

HH Ferries Helsingborg AB, anciennement HH-Ferries Helsingborg AB, établie à Helsingborg (Suède),

représentées par Mes M. Johansson, R. Azelius, P. Remnelid et L. Sandberg-Mørch, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, S. Noë, R. Sauer et Mme L. Armati, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté initialement par M. C. Thorning, puis par M. J. Nymann-Lindegren, en qualité d’agents, assistés de Me R. Holdgaard, avocat,

et par

Royaume de Suède, représenté initialement par MM. E. Karlsson, L. Swedenborg, Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, U. Persson et N. Otte Widgren, puis par Mmes Falk, Meyer-Seitz, L. Zettergren et H. Shev, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2014) 7358 final de la Commission, du 15 octobre 2014, de ne pas qualifier certaines mesures d’aides et de ne pas soulever d’objections à la suite de la procédure préliminaire d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, à l’encontre des aides d’État SA.36558 (2014/NN) et SA.38371 (2014/NN) – Danemark, ainsi que SA.36662 (2014/NN) – Suède, concernant le financement public du projet d’infrastructure de liaison fixe rail-route du Sund (JO 2014, C 418, p. 1 et JO 2014, C 437, p. 1),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Les requérantes

1        HH Ferries I/S, anciennement Scandlines Øresund I/S, est une entreprise commune détenue à 50 % par deux sociétés privées, la société danoise HH Ferries Helsingor ApS et la société suédoise HH Ferries Helsingborg AB, anciennement HH - Ferries Helsingborg AB (ci-après, prises ensemble, les « requérantes »). Depuis la fin du mois de janvier 2015, le First State European Diversified Infrastructure Fund FCP-SIF est l’unique propriétaire de HH Ferries Helsingor et de HH Ferries Helsingborg et, de ce fait, l’unique propriétaire de HH Ferries.

2        Les requérantes assurent depuis plus de cent ans la liaison de transport qui traverse le Sund, entre Elseneur au Danemark et Helsingborg en Suède, et utilisent des ferry-boats de courte distance pour transporter des poids lourds, des autobus, des véhicules privés et des piétons.

B.      Le bénéficiaire

3        Øresundsbro Konsortiet (ci-après le « Consortium ») est détenu à 50 % par deux sociétés à responsabilité limitée : A/S Øresundsforbindelse, (ci-après « A/S Øresund »), elle-même entièrement détenue par Sund & Bælt Holding A/S (ci-après « Sund & Bælt »), cette dernière appartenant à 100 % à l’État danois, et Svensk-Danska Broförbindelsen AB (ci-après « SVEDAB »), qui est entièrement détenue par l’État suédois (ci-après, prises ensemble, les « sociétés mères du Consortium »).

4        Le Consortium détient, planifie, finance, construit et exploite les 16 km de liaison à travers le Sund combinant rail et route entre Kastrup (Danemark) et Limhamn (Suède).

C.      La liaison fixe, les connexions intérieures avec les arrière-pays et les mesures concernées

5        La liaison fixe du Sund est composée d’un pont à péage d’une longueur de 16 km, de l’île artificielle de Peberholm (Danemark) et d’un tunnel partiellement immergé pour le trafic routier et ferroviaire entre la côte suédoise et l’île danoise d’Amager (ci-après la « liaison fixe »). Il s’agit du pont combinant rail et route le plus long d’Europe. Il a été construit entre 1995 et 2000 et fait l’objet d’une exploitation depuis le 1er juillet 2000. Ce projet était l’un des projets prioritaires de réseaux de transport transeuropéens (TEN-T) approuvés par le Conseil européen en 1994.

6        Les aspects juridiques et opérationnels de la construction et de l’exploitationde la liaison fixe sont gouvernés par :

–        le traité du 23 mars 1991 entre le gouvernement du Danemark et le gouvernement de Suède concernant une liaison fixe à travers le Sund (ci-après l’« Accord intergouvernemental »), ratifié par le Royaume de Suède le 8 août 1991 et par le Royaume de Danemark le 24 août 1994 

–        l’accord du 27 janvier 1992 créant le Consortium qui a été conclu entre les sociétés mères du Consortium (ci-après l’« Accord de Consortium »).

7        L’article 10 de l’Accord intergouvernemental prévoit la création du Consortium « qui détiendra et sera responsable, pour l[e] compte conjoint [des sociétés mères] et en tant qu’entité unique, de la conception du projet et de toute autre préparation pour la liaison fixe, de même que de son financement, sa construction et son exploitation ».

8        Les articles 14 et 15 de l’Accord intergouvernemental, le paragraphe 4 du protocole additionnel de l’Accord intergouvernemental et le point 4, paragraphe 6, de l’Accord de Consortium prévoient, en substance, que les péages prélevés auprès des utilisateurs de la liaison fixe ainsi que la redevance ferroviaire annuelle pour l’utilisation de la voie ferrée située sur la liaison fixe sont destinés à couvrir les coûts de conception, de planification, de construction, d’exploitation et de maintenance de la liaison fixe ainsi que les coûts de construction des connexions intérieures routières et ferroviaires avec les arrière-pays. C’est le Consortium qui détermine et prélève les péages, conformément aux principes agréés entre les gouvernements suédois et danois.

9        L’article 12 de l’Accord intergouvernemental prévoit que « le [Royaume de] Danemark et [le Royaume de] Suède s’engagent à garantir conjointement et solidairement les obligations relatives aux emprunts du Consortium et aux autres instruments financiers utilisés pour le financement [et que l]es deux États seront également responsables dans toute entreprise commune ». À cet égard, le point 4, paragraphe 3, de l’Accord de Consortium précise que « [l]es exigences de capital du Consortium pour la planification, la conception du projet et la construction de la liaison du Sund, y compris les coûts du service des emprunts, et pour la couverture des exigences de capital découlant des pertes comptables qui sont anticipées pendant un certain nombre d’années après que la liaison fixe a été ouverte au trafic doivent, conformément à ce qui a été conclu dans l’Accord intergouvernemental, être satisfaites par l’obtention d’emprunts ou l’émission d’instruments financiers dans le marché ouvert, avec des sûretés sous la forme de garanties des gouvernements suédois et danois ».

10      D’après le paragraphe 1 du protocole additionnel de l’Accord intergouvernemental, aucune prime de garantie ne sera perçue par les États danois et suédois en contrepartie des « engagements de garantie assumés par eux en ce qui concerne les prêts du Consortium et les autres instruments financiers utilisés pour le financement ».

11      Outre la liaison fixe elle-même, le projet comprend également des installations terrestres routières et ferroviaires reliant les extrémités de la liaison fixe aux infrastructures routières et ferroviaires des arrière-pays danois et suédois (ci-après les « connexions intérieures »). Conformément à l’article 8 de l’Accord intergouvernemental, la responsabilité de construire les connexions intérieures relève de la responsabilité de chaque État pour son propre territoire. Les sociétés mères du Consortium se sont vu déléguer par leurs États respectifs les missions relatives à la conception, au financement, à la construction et à l’exploitation des connexions intérieures (voir considérant 25 de la décision attaquée). Conformément à l’article 17 de l’Accord intergouvernemental et au point 2, paragraphe 5, de l’Accord de Consortium, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ont décidé qu’aucun péage ne serait exigé en contrepartie de l’utilisation des connexions intérieures routières par les véhicules si ceux-ci utilisaient la liaison fixe.

D.      Procédure administrative

12      Dans une lettre du 1er août 1995, le Consortium a informé la Commission européenne qu’il bénéficiait d’une garantie conjointe et solidaire des gouvernements danois et suédois couvrant les prêts et les autres instruments financiers contractés afin de financer la liaison fixe (ci-après les « garanties étatiques ») et a demandé à la Commission de confirmer que ces garanties n’étaient pas constitutives d’aides d’État. La Commission a répondu par deux lettres identiques du 27 octobre 1995 adressées respectivement à l’État danois et à l’État suédois et a précisé que les garanties étatiques étaient attachées à un projet d’infrastructure d’intérêt public devant être considéré comme un bien public améliorant l’infrastructure des services de transport des pays et que garantir des investissements dans des biens publics ne devait pas, en principe, être considéré comme l’octroi d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle en a conclu que les garanties étatiques ne devaient pas lui être notifiées.

13      L’État danois et l’État suédois n’ont jamais notifié formellement à la Commission le modèle de financement de la liaison fixe.

14      Le 17 avril 2013, HH Ferries a déposé une plainte auprès de la Commission soutenant que les garanties étatiques constituaient des aides d’État illégales au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et incompatibles avec le marché intérieur (affaires enregistrées sous les numéros SA.36558 pour le Danemark et SA.36662 pour la Suède).

15      Le 8 janvier 2014, HH Ferries a envoyé une lettre à la Commission signalant que le Consortium bénéficiait également d’un régime fiscal avantageux au Danemark, notamment en ce qui concernait l’amortissement et le report des pertes en avant (plainte enregistrée sous le numéro SA.38371), constitutif, selon elle, d’une aide d’État illégale. Dans une autre lettre datée du 2 avril 2014, HH Ferries a ajouté que le régime fiscal ne remplissait pas, à son avis, les critères de compatibilité énoncés par l’article 107, paragraphe 3, sous b) ou c), TFUE.

16      Les 17 juin et 9 septembre 2014, HH Ferries a soumis à la Commission d’autres informations en faisant valoir que les mesures de soutien pour financer les connexions intérieures avec les arrière-pays constituaient également des aides d’État illégales et incompatibles, accordées aux sociétés mères du Consortium ainsi qu’à Sund & Bælt, et que ce financement pouvait bénéficier indirectement au Consortium.

17      La Commission a transmis ces informations au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède et leur a présenté plusieurs demandes d’informations en 2013 et en 2014, auxquelles ces derniers ont répondu (considérants 5 et 8 à 11 de la décision attaquée).

18      Le 15 septembre 2014, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ont adressé à la Commission une déclaration commune (ci-après les « engagements ») clarifiant les points suivants :

–        les garanties étatiques sont limitées aux fins de couvrir la dette réelle cumulée du Consortium à tout moment ;

–        les garanties étatiques et tout autre avantage économique, notamment fiscal, que le Consortium pourrait recevoir, sont limités à la période effective de remboursement de la dette ; ainsi, le Consortium ne recevra aucun avantage après avoir intégralement remboursé sa dette ;

–        dans l’hypothèse où il serait nécessaire que le Consortium contracte de nouveaux emprunts couverts par les garanties étatiques ou que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède octroient au Consortium de nouveaux avantages économiques après la fin de l’année 2040, ils s’engagent à notifier de telles mesures à la Commission, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE ;

–        le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède s’engagent à informer la Commission tous les ans des développements concernant le remboursement de la dette du Consortium.

E.      Décision attaquée

19      Le 15 octobre 2014, la Commission a adopté la décision C(2014) 7358 final relative aux aides d’État SA.36558 (2014/NN) et SA.38371 (2014/NN) – Danemark ainsi que SA.36662 (2014/NN) – Suède, concernant le financement public du projet d’infrastructure de liaison fixe rail-route du Sund (JO 2014, C 418, p. 1 et JO 2014, C 437, p. 1) (ci-après la « décision attaquée »). La Commission a limité son examen aux mesures suivantes (considérants 50 à 55 de la décision attaquée) :

–        les garanties d’État accordées au Consortium pour ses emprunts contractés en vue de financer la construction et l’exploitation du projet d’infrastructure de liaison fixe du Sund ;

–        les mesures fiscales danoises suivantes :

–        le report en avant des pertes applicable au Consortium ;

–        la dépréciation des actifs applicable au Consortium ;

–        le régime d’imposition commune.

–        les mesures de soutien financier octroyées aux sociétés mères du Consortium pour le financement de la planification, de la construction et de l’exploitation des connexions intérieures routières et ferroviaires.

20      La Commission a précisé que sa décision ne couvrait pas d’éventuelles autres mesures octroyées par le Royaume de Danemark ou le Royaume de Suède au Consortium, à A/S Øresund, à SVEDAB, à Sund & Bælt ou à une société quelconque associée (considérant 56 de la décision attaquée).

1.      Existence d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

21      S’agissant du régime d’imposition commune, la Commission a considéré qu’il ne représentait pas un avantage sélectif en faveur du Consortium et, par conséquent, qu’il ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 104 et 108 de la décision attaquée).

22      S’agissant des fonds publics accordés aux sociétés mères du Consortium pour le financement de la planification, de la construction, de la gestion et de l’exploitation des connexions intérieures avec les arrière-pays, la Commission a considéré, en substance, qu’ils ne devaient pas être considérés comme des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 80 à 82 de la décision attaquée).

23      S’agissant des garanties étatiques et des mesures fiscales danoises concernant la dépréciation des actifs et le report en avant des pertes (ci-après les « aides fiscales danoises ») octroyées au Consortium pour le financement de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe, la Commission a estimé qu’elles constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérant 107 de la décision attaquée). La Commission a ainsi considéré que deux garanties d’État avaient été octroyées inconditionnellement le 27 janvier 1992, jour de la création du Consortium (considérant 52 de la décision attaquée). Les mesures danoises de report en avant des pertes ont été considérées comme sélectives pour la période allant de 1991 à fin 2001 et pour la période débutant en 2013. Les mesures danoises de dépréciation des actifs ont été considérées comme sélectives depuis 1999 (considérants 92 à 97 et 99 à 103 de la décision attaquée).

2.      Qualification d’aide nouvelle ou existante

24      La Commission a estimé que la garantie danoise accordée au Consortium pour ses prêts ainsi que les aides fiscales danoises en faveur du Consortium constituaient des aides nouvelles au sens de l’article 1er, sous c), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1) (considérant 109 de la décision attaquée).

25      S’agissant de la garantie suédoise en faveur du Consortium, qui, selon la Commission, avait été octroyée avant l’accession du Royaume de Suède à l’Union européenne et avant l’entrée en vigueur de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) (JO 1994, L 1, p. 3), le 1er janvier 1994, elle a été considérée comme une aide existante au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999 (considérant 110 de la décision attaquée).

3.      Examen de la compatibilité des aides d’État au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE

26      La Commission a examiné la compatibilité des garanties étatiques et des aides fiscales danoises au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, selon lequel peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun (ci-après « PIIEC »).

27      La Commission a estimé, en substance, que, appréciées conjointement, les garanties étatiques et les aides fiscales danoises en faveur du Consortium étaient nécessaires et proportionnées à la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi, notamment eu égard aux engagements présentés par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède durant la procédure administrative selon lesquels, en particulier, s’il se révélait nécessaire pour le Consortium de contracter de nouveaux prêts couverts par les garanties étatiques ou d’accorder au Consortium quelque autre avantage économique après 2040, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède le notifieraient à la Commission conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (considérants 122 à 137 de la décision attaquée). S’agissant des aides fiscales danoises, la Commission a également précisé qu’elles étaient destinées à contribuer à la viabilité du projet, en réduisant la période de remboursement des prêts du Consortium et en diminuant le risque qui y était associé. Elle a considéré que les aides fiscales danoises diminuaient le risque associé aux garanties étatiques et, par conséquent, l’avantage en découlant et que l’avantage des garanties étatiques et l’avantage des aides fiscales danoises apparaissaient interdépendants (considérant 133 de la décision attaquée).

28      La Commission a conclu que les garanties étatiques octroyées par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ainsi que les aides fiscales danoises étaient compatibles sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et qu’il n’était pas nécessaire qu’elle fasse des propositions de mesures utiles au Royaume de Suède (considérants 138 et 139 de la décision attaquée).

4.      Confiance légitime

29      La Commission a estimé, aux considérants 138 et 140 à 153 de la décision attaquée, que, en tout état de cause, même dans l’hypothèse où les mesures d’aide concernées devraient être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur, elles ne pourraient pas faire l’objet d’une récupération par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, au motif qu’une récupération serait contraire à un principe général de droit de l’Union, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. Elle a estimé, en substance, qu’étaient réunies, en l’espèce, des circonstances exceptionnelles qui justifiaient que le Consortium ainsi que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède puissent avoir une confiance légitime dans le fait que les garanties étatiques et les aides fiscales danoises accordées au Consortium ne seraient pas remises en question. Elle a ainsi rappelé que sa position, en 1992, était que la construction et l’exploitation de projets d’infrastructures ne constituaient pas une activité économique. Toutefois, tant sa pratique décisionnelle que la jurisprudence de l’Union relatives à la notion d’« activité économique » en ce qui concerne le financement de la construction et de l’exploitation de projets d’infrastructures avaient évolué depuis les arrêts du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission (T‑196/04, EU:T:2008:585), et du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission (T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117), ce dernier ayant été confirmé par l’arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission (C‑288/11 P, EU:C:2012:821) (considérants 61 à 66 de la décision attaquée). En outre, les services de la Commission avaient informé le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, en 1995, que les garanties étatiques ne constituaient pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La Commission a considéré que cette dernière conclusion contenue dans ses lettres du 27 octobre 1995, adressées au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède, s’étendait aux aides fiscales danoises, dans la mesure où elles concernaient un projet d’infrastructure qui, à l’époque, n’était pas considéré comme constituant une activité économique. Selon la Commission, il n’était pas nécessaire de déterminer si cette confiance légitime s’étendait au-delà de l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), au motif que, en tout état de cause, les mesures concernées étaient compatibles avec le marché intérieur (considérant 153 de la décision attaquée).

5.      Conclusion

30      La Commission a décidé :

–        sur la base de l’appréciation de compatibilité des mesures en cause et en tenant compte, en particulier, des engagements soumis par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, de ne pas soulever d’objections à l’encontre des aides fiscales danoises et des garanties octroyées par le Royaume de Danemark au Consortium, au motif que ces aides d’État devaient être considérées comme compatibles avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ;

–        que la garantie accordée au Consortium par le Royaume de Suède était une aide existante et que, au vu notamment des engagements du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède, il n’était pas nécessaire d’engager la procédure sur les régimes d’aides existants ;

–        que le régime danois d’imposition commune et les mesures octroyées aux sociétés mères du Consortium pour le financement des connexions intérieures routières et ferroviaires en Suède et au Danemark ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

II.    Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2015, les requérantes ont introduit le présent recours.

32      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2015, le Royaume de Suède a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2015, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

34      Par décisions du 13 juillet 2015, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Le Royaume de Suède et le Royaume de Danemark ont déposé leurs mémoires en intervention le 28 septembre 2015.

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 26 septembre 2016.

36      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

38      Le Royaume de Suède et le Royaume de Danemark concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

39      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission, soutenue par le Royaume de Suède, fait valoir, dans la duplique, l’irrecevabilité partielle du recours. Elle estime, en substance, que la décision attaquée, en ce qu’elle constate, au point 6 intitulé « Conclusion », que la garantie accordée au Consortium par le Royaume de Suède constitue une mesure d’aide existante et qu’il n’y a pas lieu d’entamer la procédure des régimes d’aides existants, ne constitue pas un acte attaquable. La Commission considère que la décision attaquée n’est pas de nature à produire des effets juridiques obligatoires affectant les intérêts des requérantes en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique au motif qu’un « refus de proposition de mesures utiles » à un État membre ne constitue pas un acte attaquable.

40      La Commission a également demandé que certaines annexes produites par les requérantes soient déclarées irrecevables au motif qu’elles n’auraient pas été traduites dans la langue de procédure.

41      Les conditions de recevabilité du recours étant d’ordre public, elles peuvent être examinées à tout moment d’office par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 23 et jurisprudence citée).

42      Selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci. Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, EU:C:1999:477, points 26 à 30). S’agissant, plus particulièrement, d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment aux termes d’une procédure interne, il résulte de la jurisprudence que, en principe, ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution concernée au terme de la procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 10). Si des mesures de nature purement préparatoire ne peuvent en tant que telles faire l’objet d’un recours en annulation, les illégalités éventuelles qui les entachent peuvent être invoquées à l’appui du recours dirigé contre l’acte définitif dont elles constituent un stade d’élaboration (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 12).

43      En l’espèce, il convient de relever que la décision attaquée a été adoptée à l’issue d’un examen préliminaire et constitue une décision finale, adoptée, en ce qui concerne les aides fiscales danoises et les garanties étatiques, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, et, en ce qui concerne le régime danois d’imposition commune et les mesures aux sociétés mères du Consortium, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 659/1999. La Commission a décidé, en substance, que :

–         au vu, en particulier, des engagements soumis par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, les aides fiscales danoises et les garanties octroyées par le Royaume de Danemark devaient être considérées comme compatibles avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ;

–        la garantie accordée au Consortium par le Royaume de Suède était une aide existante et que, au vu notamment des engagements du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède, il n’était pas nécessaire d’engager la procédure sur les régimes d’aides existants ;

–        le régime danois d’imposition commune, d’une part, et les mesures octroyées aux sociétés mères du Consortium pour le financement des connexions intérieures routières et ferroviaires en Suède et au Danemark, d’autre part, ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

44      Concernant la seule partie du dispositif de la décision attaquée qui, selon la Commission, ne serait pas attaquable, relative à la garantie suédoise (voir point 43, deuxième tiret, ci-dessus), il convient de constater que les requérantes n’attaquent pas la décision en ce qu’elle a conclu qu’il n’était pas nécessaire de proposer des mesures utiles au Royaume de Suède, mais attaquent, en substance, la qualification de la garantie suédoise au regard de la notion de régime d’aides existant, d’une part, et le constat de sa compatibilité au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE ainsi que le fait que la Commission ait rendu contraignants, par la décision attaquée, les « engagements » du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède mentionnés au considérant 13 de la décision attaquée, d’autre part.

45      Premièrement, il importe de rappeler que le traité FUE institue des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Concernant les aides nouvelles, elles doivent, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale. Les aides nouvelles sont donc soumises à un contrôle préventif exercé par la Commission et elles ne peuvent en principe être mises à exécution aussi longtemps que cette dernière ne les a pas déclarées compatibles avec le traité FUE (arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, EU:C:2004:240, point 48). Les aides existantes, elles, peuvent être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité (voir arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, EU:C:2004:240, point 47 et jurisprudence citée, et du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 187 et jurisprudence citée), et ne peuvent faire l’objet, le cas échéant, que d’une décision d’incompatibilité produisant des effets pour l’avenir (voir arrêts du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, EU:T:2000:151, point 147, et du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 187). Il y a lieu de constater que l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle qualifie la garantie suédoise d’aide existante peut avoir des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérantes en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, points 52 à 54 et jurisprudence citée).

46      Deuxièmement, selon une jurisprudence constante, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêts du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, EU:C:1997:241, point 21, et du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, point 148). Or, aux considérants 138 et 139 de la décision attaquée, la Commission a « considér[é] que les mesures examinées [étaient] compatibles avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), [TFUE] », que « l’appréciation […] s’appliqu[ait] à la fois aux garanties danoise et suédoise » et que, « [e]n ce qui concern[ait] la conclusion au considérant 137 [selon laquelle les aides fiscales danoises et les garanties étatiques considérées ensemble étaient nécessaires et proportionnées à l’objectif d’intérêt général poursuivi], il n’y a[vait] pas de raison de proposer des mesures utiles à la Suède ». Bien qu’elle ne soit pas expressément rappelée dans les conclusions de la décision attaquée, l’appréciation de compatibilité effectuée par la Commission concerne la garantie suédoise au même titre que la garantie danoise, sur la base des engagements présentés par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède pendant la phase d’examen préliminaire. En effet, dans les conclusions de la décision attaquée, il est indiqué expressément que, « [s]ur la base de l’appréciation précédente, incluant en particulier les engagements fournis par le [Royaume de] Danemark et [le Royaume de] Suède, la Commission considère qu’il n’y a pas de raison d’engager la procédure relative aux mesures d’aides existantes ».

47      Par conséquent, la décision attaquée a pour effet de rendre contraignants, y compris à l’égard de la garantie suédoise, les « engagements » formulés par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, mentionnés au considérant 13 de la décision attaquée, dans la mesure où elle conditionne expressément le constat de compatibilité des aides danoises et suédoises au respect desdits engagements. Le fait que la Commission n’ait pas respecté la procédure prévue aux articles 17 à 19 du règlement no 659/1999 relative aux régimes d’aides existants et n’ait pas eu à proposer des mesures utiles, dans la mesure où le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ont proposé des engagements pendant la phase préliminaire d’examen, n’affecte pas cette conclusion.

48      Dès lors, la décision attaquée constitue un acte de nature décisionnelle, y compris en ce qu’elle qualifie la garantie suédoise de régime d’aides « existant » et considère que celui-ci est compatible avec le marché intérieur, sous réserve d’« engagements » permettant notamment au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède d’octroyer les mesures d’aides d’État en faveur du Consortium au moins jusqu’à la fin de l’année 2040.

49      Cette conclusion n’est pas contredite par la jurisprudence invoquée par la Commission, qui n’est pas pertinente dans la présente affaire.

50      En effet, s’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission (T‑330/94, EU:T:1996:154), la plaignante avait demandé à la Commission de proposer des mesures utiles à l’État néerlandais afin de revoir les conditions d’un régime d’aides déjà déclaré compatible avec le marché intérieur, ce qu’elle avait refusé de faire. C’est ce refus qui était attaqué. Le Tribunal a estimé qu’un refus de la Commission de proposer au gouvernement néerlandais des mesures utiles au sens de l’article 108, paragraphe 1, TFUE ne pouvait pas faire l’objet d’un recours en annulation dès lors que l’acte que la plaignante avait demandé à la Commission de prendre ne constituait pas lui-même une mesure produisant des effets juridiques. En effet, selon le libellé de l’article 108, paragraphe 1, TFUE, les mesures utiles ne constituent que des propositions et l’État ou le gouvernement néerlandais, auquel ces mesures auraient dû être proposées, n’aurait de toute façon pas été obligé de s’y soumettre. Le Tribunal a souligné que, dans l’hypothèse où l’État aurait décidé de ne pas les adopter, la Commission, si elle l’avait estimé encore opportun, aurait dû prendre une décision en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE afin d’exiger la modification du régime néerlandais. Le Tribunal a conclu que seule cette décision adoptée en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE comporterait un caractère obligatoire.

51      Or, en l’espèce, non seulement la décision attaquée, en tant qu’elle concerne notamment la garantie suédoise, est une décision définitive de ne pas soulever d’objections, adoptée en vertu de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, par laquelle la Commission s’est, pour la première fois, prononcée sur la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, mais, en outre, il ressort des points 46 et 47 ci-dessus qu’elle a pour effet de rendre contraignants les engagements soumis par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède à la Commission, d’une manière analogue à celle d’une décision prenant acte de l’acceptation par l’État membre de mesures utiles, adoptée sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 ou d’une décision positive conditionnelle adoptée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 4, dudit règlement.

52      S’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 14 mai 2009, US Steel Košice/Commission (T‑22/07, non publiée, EU:T:2009:158), il ressort des points 42 à 49, 52, 53 et 55 de celle-ci que l’acte attaqué était une simple lettre non décisionnelle, purement informative, demandant des renseignements au titre de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 et émettant une « opinion » d’un membre du personnel de la Commission dont il ne ressortait pas clairement qu’il était habilité à prendre une décision.

53      Il ressort de ce qui précède que la décision attaquée constitue un acte attaquable dans son intégralité, y compris en ce qu’elle se prononce sur la nature de régime d’aides existant de la garantie suédoise, sur sa compatibilité avec le marché intérieur et sur les engagements présentés par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède.

54      Enfin, concernant la demande de la Commission de déclarer certaines annexes de la requête irrecevables au motif qu’elles n’auraient pas été traduites dans la langue de procédure, il y a lieu de la rejeter, dans la mesure où, en réponse à la demande de régularisation du greffier, les requérantes ont fourni des traductions de ces annexes dans la langue de procédure, pour certaines par extraits, conformément à l’article 46, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

B.      Sur le fond

55      À l’appui de leur demande d’annulation, les requérantes soulèvent, en substance, cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne, en premier lieu, les mesures accordées aux sociétés mères du Consortium pour le financement des connexions intérieures ferroviaires et, en deuxième lieu, les garanties étatiques octroyées au Consortium pour le financement de la liaison fixe. Le deuxième moyen est tiré d’erreurs de droit et d’erreurs d’appréciation de la compatibilité des garanties étatiques et des aides fiscales danoises accordées au Consortium, au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE ainsi que d’une erreur tirée de l’absence de qualification d’aide d’État du régime danois d’imposition commune. Le troisième moyen est tiré d’erreurs de droit commises par la Commission lorsqu’elle a conclu, dans l’hypothèse où les garanties étatiques et les aides fiscales danoises au Consortium devraient néanmoins être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur, à l’existence d’une confiance légitime du Consortium ainsi que du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède dans le fait que lesdites aides ne seraient pas remises en question au titre des règles sur les aides d’État et à l’absence de nécessité de déterminer si cette confiance légitime s’étendait au-delà de l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290). Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Le cinquième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

56      Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner ces moyens en ce qu’ils visent, en premier lieu, les mesures qui ont été considérées comme des aides d’État compatibles avec le marché intérieur, soit les garanties étatiques et les aides fiscales danoises octroyées au Consortium pour la construction et l’exploitation de la liaison fixe, et, en deuxième lieu, les mesures n’ayant pas été considérées comme constitutives d’aides d’État, soit les mesures de soutien financier aux sociétés mères du Consortium pour la construction et l’exploitation des connexions intérieures ferroviaires et le régime danois d’imposition commune. En troisième lieu, ces moyens seront examinés en ce qu’ils reprochent à la Commission de ne pas avoir motivé et de ne pas avoir pris en compte l’effet cumulatif de l’ensemble des mesures d’aides octroyées au projet de liaison fixe. En quatrième lieu, ces moyens seront examinés en ce qu’ils critiquent le constat, effectué dans l’hypothèse où les mesures d’aides accordées au Consortium devraient néanmoins être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur, de l’existence d’une confiance légitime du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède ainsi que du Consortium dans le fait que les mesures d’aides au Consortium ne seraient pas remises en question au titre des règles sur les aides d’État.

57      Tout d’abord, concernant les mesures d’aides d’État considérées comme compatibles à l’issue de l’examen préliminaire, le Tribunal considère qu’il y a lieu de commencer par examiner le quatrième moyen visant à démontrer que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses qui auraient dû l’obliger à ouvrir la procédure formelle d’examen.

1.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits procéduraux des parties intéressées, en ce qu’il vise les mesures qualifiées d’aides d’État accordées au Consortium

58      Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes renvoient explicitement aux arguments qu’elles avaient soulevés dans le cadre de leurs deux premiers moyens, arguments qui feraient apparaître des incohérences et des inexactitudes dans l’analyse de la Commission s’agissant des garanties étatiques et des aides fiscales danoises au Consortium. Selon les requérantes, la Commission a commis des erreurs, premièrement, lors de la qualification des garanties étatiques au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, deuxièmement, lors de l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur des garanties étatiques et des aides fiscales danoises. Le caractère insuffisant et incomplet de l’analyse de la Commission constituerait un indice de l’existence des difficultés sérieuses rencontrées au cours de l’examen préliminaire et des « doutes » éprouvés par la Commission quant à la qualification et à la compatibilité des mesures contestées.

59      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste cette argumentation en renvoyant notamment à ses propres arguments développés dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens.

60      Selon la jurisprudence, lorsque la Commission ne peut pas acquérir la conviction, à la suite d’un premier examen mené dans le cadre de la procédure de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’une mesure d’aide d’État soit ne constitue pas une « aide » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité FUE, ou lorsque cette procédure ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, cette institution est dans l’obligation d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, sans disposer à cet égard d’une marge d’appréciation (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 113 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2005:275, point 48). Cette obligation est d’ailleurs expressément confirmée par les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 (arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 113).

61      La notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur (voir arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 77 et jurisprudence citée). Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêts du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, EU:T:2011:534, point 55 et jurisprudence citée, et du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 80 et jurisprudence citée). En effet, une décision adoptée par la Commission sans ouverture de la phase formelle d’examen peut être annulée pour ce seul motif, en raison de l’omission de l’examen contradictoire et approfondi prévu par le traité FUE, même s’il n’est pas établi que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, EU:T:2010:366, point 58).

62      Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la phase préliminaire d’examen constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, point 49 et jurisprudence citée).

63      Il appartient aux requérantes de prouver l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elles peuvent fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, Pollmeier Massivholz/Commission, T‑89/09, EU:T:2015:153, point 51 et jurisprudence citée).

64      C’est à l’aune de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner l’argumentation, soulevée dans le cadre du quatrième moyen, relative aux mesures d’aides d’État au Consortium déclarées compatibles avec le marché intérieur. Celle-ci se divise en deux branches, relatives, premièrement, à l’examen insuffisant et incomplet de la qualification des garanties étatiques octroyées au Consortium au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, deuxièmement, à l’examen insuffisant et incomplet de la compatibilité des garanties étatiques et des aides fiscales danoises au Consortium au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

a)      Sur la première branche, tirée de l’examen insuffisant et incomplet de la qualification des garanties étatiques octroyées au Consortium au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

65      Dans le cadre de la première branche du quatrième moyen, l’argumentation des requérantes se divise, en substance, en quatre griefs, tirés d’une évaluation insuffisante et incomplète, premièrement, du caractère inconditionnel de l’octroi des garanties étatiques au jour de la création du Consortium, du droit légalement exécutoire du Consortium d’obtenir un financement garanti par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède à cette date, de la possibilité pour les tiers d’invoquer ce droit lorsque le Consortium agit dans le cadre de ses compétences et du nombre de garanties ; deuxièmement, de la question de savoir si les garanties étatiques constituaient des aides individuelles ou des régimes d’aides ; troisièmement, de la question de savoir si les garanties suédoises constituaient une aide nouvelle ou existante et, quatrièmement, de la question de savoir si les garanties étatiques étaient limitées au financement de la liaison fixe.

66      C’est à l’aune de la jurisprudence citée aux points 60 à 63 ci-dessus qu’il convient d’examiner cette argumentation.

67      Le Tribunal estime qu’il convient de commencer par examiner le deuxième grief, visant le constat selon lequel les garanties étatiques sont des régimes d’aides.

68      Dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier, afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aides (arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 122). En outre, ainsi que le font valoir les requérantes, des règles différentes s’appliquent aux aides individuelles et aux régimes d’aides, aux termes des différentes communications de la Commission sur les garanties, par exemple dans la manière dont l’élément d’aide doit être calculé.

69      Par ce grief, les requérantes font valoir, premièrement, des contradictions dans la rédaction de la décision attaquée, deuxièmement, une absence d’analyse des garanties étatiques au regard de la notion de « régime » d’aides et, troisièmement, une erreur de droit au motif que les garanties étatiques ne relèvent d’aucune des deux définitions d’un régime d’aides prévues par l’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999. De telles insuffisances et contradictions constitueraient un indice que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses quant à la qualification des garanties étatiques de « régimes » d’aides. En substance, les requérantes estiment que les garanties étatiques auraient dû être analysées comme autant de garanties individuelles ad hoc qu’il y a d’emprunts et d’instruments financiers contractés par le Consortium pour la construction et l’exploitation de la liaison fixe et couverts par lesdites garanties.

70      La Commission conteste cette appréciation et estime, premièrement, qu’il ressort clairement de la motivation de la décision attaquée que les garanties étatiques ont été analysées comme un régime d’aides et que toute garantie spécifique d’emprunt mettant en œuvre le régime des garanties définitivement accordé en 1992 constituait une aide individuelle octroyée en vertu de ce régime, et non une aide individuelle ad hoc. Deuxièmement, la Commission fait valoir que les garanties étatiques répondent à la définition des régimes d’aides donnée par l’article 1er, sous d), seconde phrase, du règlement no 659/1999 au motif qu’il s’agirait d’aides « non liées à un projet spécifique », car elles couvrent à la fois la construction et l’exploitation de la liaison fixe et ont été octroyées pour une durée et un montant indéterminés, même si elles sont limitées à la période nécessaire au remboursement de la dette du Consortium.À cet égard, la Commission explique que, à l’époque où elles ont été accordées, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ignoraient combien de temps serait nécessaire au remboursement de la dette et quelle ampleur celle-ci revêtirait et que, s’il fallait interpréter les garanties étatiques comme liées à un « projet spécifique », elle ne pourrait jamais remettre en question d’éventuelles mesures d’aides octroyées à des fins générales, ce qui compromettrait l’effet utile des règles sur les aides d’État.

71      Le Royaume de Danemark fait valoir quant à lui que les garanties étatiques doivent être considérées comme une ou deux aides individuelles au sens de l’article 1er, sous e), du règlement no 659/1999, octroyées inconditionnellement en 1992, et non comme un ou deux régimes d’aides, étant donné que l’intégralité de l’avantage économique découlant des garanties aurait été conférée au Consortium au moment de l’octroi. Il relève, à cet égard, que les garanties étatiques sont bien liées, du point de vue de leur montant et d’un point de vue temporel, au projet spécifique de liaison fixe. En réponse à une question du Tribunal, le Royaume de Suède a exprimé une vision similaire à celle du Royaume de Danemark et émis des doutes sur la qualification des garanties étatiques de « régime » d’aides au sens de la définition prévue à l’article 1er, sous d), seconde phrase, du règlement no 659/1999 au motif qu’elles visent uniquement un projet déterminé.

72      Les requérantes estiment que la thèse du Royaume de Danemark, mentionnée au point 71 ci-dessus, doit être rejetée comme irrecevable, dans la mesure où cette thèse irait à l’encontre de la position de la Commission et où une partie intervenante doit se limiter à soutenir, en tout ou partie, les conclusions de la Commission et à accepter l’affaire en l’état et ne peut pas soulever des moyens autonomes.

73      En premier lieu, s’agissant des contradictions de rédaction invoquées, il y a lieu d’observer, à l’instar des requérantes, que la décision attaquée évoque tantôt « la garantie octroyée par l’État danois », « la garantie octroyée par […] l’État suédois » (considérants 109 et 110), « les garanties étatiques » (considérants 33, 51, 88, 114, 123, 124, 130, 131, 134 et 135), « les garanties » (considérants 85 et 137), les « deux garanties » (considérants 34, 50, 52 et 129), « les garanties octroyées par le Danemark » (conclusions, premier alinéa) ou encore « la garantie octroyée au Consortium par la Suède » (conclusion, deuxième alinéa). Toutefois, au considérant 52 de la décision attaquée, la Commission a considéré que deux garanties avaient été inconditionnellement octroyées le 27 janvier 1992, jour où le Consortium avait été créé et avait obtenu un droit légal au financement par des garanties d’État. Au considérant 53 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, bien que des garanties individuelles aient été confirmées et émises pour chaque prêteur par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, cela ne changeait rien au fait que ces derniers s’étaient définitivement engagés à garantir les obligations du Consortium relatives aux prêts et aux autres instruments financiers pour le financement de la liaison fixe. La Commission a également conclu, dans le dispositif de la décision attaquée, que, au vu en particulier des engagements soumis par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, il n’était pas nécessaire d’engager la procédure concernant les « régimes » d’aides existants, à l’égard de la garantie octroyée par le Royaume de Suède (conclusions, deuxième alinéa). En outre, il ressort des considérants 111 à 138 de la décision attaquée que l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur des garanties étatiques a bien été effectuée par la Commission comme si elle avait eu affaire à un ou à plusieurs « régimes » d’aides, puisqu’elle s’est bornée à apprécier les caractéristiques et la compatibilité des garanties telles que prévues dans l’Accord intergouvernemental et l’Accord de Consortium, sans apprécier au cas par cas chaque garantie couvrant chaque emprunt spécifique du Consortium.

74      Par conséquent, bien que la rédaction de la décision attaquée ne soit pas entièrement précise et cohérente à cet égard, il ressort du raisonnement général de la Commission et du dispositif de la décision attaquée que celle-ci a effectivement considéré les garanties étatiques comme un ou deux régimes d’aides adoptés définitivement en 1992 et a envisagé les garanties émises ultérieurement au titre de chaque prêt contracté par le Consortium comme des aides individuelles découlant desdits régimes d’aides.

75      En deuxième lieu, s’agissant de l’absence d’analyse des garanties étatiques au regard de la notion de « régime » d’aides, force est de constater que la décision attaquée ne fournit pas d’explications sur les raisons pour lesquelles les garanties étatiques doivent être considérées comme des régimes d’aides, ce qui est un élément révélant l’existence d’un examen insuffisant et incomplet.

76      En troisième lieu, même à supposer qu’il puisse être déduit de la décision attaquée, ainsi que le fait valoir la Commission, que les garanties étatiques répondent à la définition des régimes d’aides donnée par l’article 1er, sous d), seconde phrase, du règlement no 659/1999, à savoir « toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé », il suffit d’observer que, en l’espèce, la décision attaquée n’expose nullement en quoi les aides contenues dans les garanties étatiques remplissent la condition selon laquelle l’aide ne doit pas être liée à un projet spécifique.

77      En effet, l’Accord intergouvernemental, qui prévoit en son article 12 que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède doivent « garantir conjointement et solidairement les obligations relatives aux emprunts du Consortium et aux autres instruments financiers utilisés pour le financement », s’intitule « Traité […] concernant une liaison fixe à travers le Sund ». En outre, le point 4, paragraphe 3, de l’Accord de Consortium précise que les garanties étatiques couvrent « [l]es exigences de capital du Consortium pour la planification, la conception du projet et la construction de la liaison du Sund, y compris les coûts du service des emprunts, et pour la couverture des exigences de capital découlant des pertes comptables qui sont anticipées pendant un certain nombre d’années après que la liaison fixe a été ouverte au trafic ». Par ailleurs, les articles 1er et 2 de l’Accord intergouvernemental et l’annexe 1 dudit accord prévoient précisément l’emplacement géographique de la liaison fixe ainsi que ses spécificités techniques. Il ne peut donc s’agir de garanties accordées à n’importe quel pont.

78      Ainsi que le soulignent les requérantes, dans le cadre de l’appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur réalisée au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, la Commission a estimé, aux considérants 115 et 116 de la décision attaquée, que la liaison fixe du Sund était un projet « spécifique, précis et clairement défini ». La Commission y a fait référence à l’article 2 et à l’annexe 1 de l’Accord intergouvernemental, qui démontraient qu’il s’agissait d’un projet défini de manière très spécifique et claire en ce qui concernait tant l’emplacement géographique que la conception technique.

79      D’une part, le fait d’affirmer, au stade de la qualification des garanties étatiques, qu’il s’agit d’un ou de deux régimes d’aides, car l’aide issue de ces garanties n’est pas liée à un projet spécifique, et, d’autre part, le fait d’affirmer, au stade de l’appréciation de la compatibilité des mesures avec le marché intérieur, que les garanties étatiques portent sur un projet qui est « spécifique, précis et clairement défini » apparaissent irréconciliables. Contrairement à ce qu’avance la Commission, il ne s’agit pas là de notions juridiques différentes, mais d’un élément de fait, établi aux considérants 115 et 116 de la décision attaquée, qui ne saurait varier d’une appréciation juridique à l’autre.

80      À cet égard, c’est également à tort que la Commission fait valoir que les garanties étatiques ne doivent pas être considérées comme liées à un projet « spécifique », au motif que les aides contenues dans ces garanties étatiques couvrent tant la phase de construction que la phase d’exploitation de la liaison fixe. En effet, l’adjectif « spécifique » signifiant « qui est particulier à quelque chose », il y a lieu de considérer les aides relatives aux garanties étatiques comme liées à un projet spécifique au motif qu’elles couvrent les emprunts du Consortium relatifs au seul projet de la liaison fixe, y compris pour la phase d’exploitation, à l’exclusion d’autres projets ou activités. Le caractère « indéterminé » de la phase d’exploitation, souligné par la Commission, ne concerne pas la spécificité du projet à strictement parler, mais concerne en réalité l’appréciation du caractère limité ou non des garanties étatiques, dans le cadre de l’évaluation de leur compatibilité. Concernant l’argument de la Commission selon lequel, en substance, les mesures d’aides, en l’espèce, ont été octroyées « à des fins générales », celui-ci apparaît également contradictoire avec les considérants 51 et 131 de la décision attaquée, selon lesquels les garanties étatiques sont limitées à la planification, à la construction et à l’exploitation de la seule liaison fixe à travers le Sund, à l’exclusion de toute autre activité.

81      Il ressort de ce qui précède que la Commission était confrontée, lors de la procédure préliminaire d’examen, à des difficultés sérieuses en ce qui concernait la qualification des garanties étatiques de « régimes » d’aides.

82      Or, les questions posées par la présente affaire, qui sont de savoir si les garanties constituent un ou des régimes d’aides adoptés en 1992, une ou deux aides individuelles ad hoc inconditionnellement octroyées en 1992 ou autant d’aides individuelles ad hoc qu’il existe d’emprunts du Consortium couverts par les garanties étatiques, sont indissociables de l’examen du deuxième grief de la première branche, mais aussi du premier grief, qui concerne la détermination de la date d’octroi inconditionnel des garanties étatiques au Consortium et du nombre de garanties. En outre, ainsi que la Commission le reconnaît elle-même, les questions soulevées dans les deux premiers griefs de la première branche du quatrième moyen ont aussi des conséquences sur la qualification des garanties étatiques au regard de la notion d’aide « existante » définie à l’article 1er, sous b), i) et iv), du règlement no 659/1999, qui concerne le troisième grief.

83      Il convient, dès lors, d’accueillir le deuxième grief de la première branche du quatrième moyen et, partant, la première branche dudit moyen dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les premier et troisième griefs, ni même sur l’argumentation du Royaume de Danemark, mentionnée au point 71 ci-dessus. Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle a qualifié les garanties étatiques de « régimes » d’aides sans ouvrir la procédure formelle d’examen et de renvoyer à la Commission l’ensemble de l’analyse concernant la date d’octroi des garanties étatiques, leur nombre et leur qualité d’aide nouvelle ou existante.

84      S’agissant du quatrième grief de la première branche du quatrième moyen, le Tribunal estime qu’il convient de l’apprécier conjointement avec le grief, soulevé dans le cadre de la seconde branche du quatrième moyen, tiré de l’examen insuffisant et incomplet de la distinction entre les phases de construction et d’exploitation de la liaison fixe (voir points 99 à 117 ci-après).

b)      Sur la seconde branche, tirée de l’examen insuffisant et incomplet de la compatibilité des aides d’État octroyées au Consortium au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE

85      Dans le cadre de la seconde branche du quatrième moyen, les requérantes font valoir l’examen insuffisant et incomplet de la compatibilité des garanties étatiques et des aides fiscales danoises avec le marché intérieur. Elles avancent, en substance, sept griefs. Premièrement, la Commission aurait omis de quantifier l’élément d’aide compris dans les garanties étatiques. Deuxièmement, elle aurait omis de rechercher s’il existait des conditions de mobilisation des garanties étatiques. Troisièmement, elle aurait effectué une analyse insuffisante et incomplète de la distinction entre les phases de construction et d’exploitation de la liaison fixe et omis d’examiner la compatibilité des garanties étatiques au regard de la seule phase d’exploitation. Quatrièmement, elle aurait effectué une analyse insuffisante et incomplète s’agissant de la question de savoir si les garanties étatiques et les aides fiscales danoises étaient limitées dans leur montant et dans le temps. Cinquièmement, elle aurait effectué une analyse insuffisante et incomplète de la nécessité et de la proportionnalité des garanties étatiques et des aides fiscales danoises. Sixièmement, elle n’aurait pas examiné l’effet négatif desdites aides sur la concurrence et les échanges et aurait omis d’appliquer le critère dit « de mise en balance ». Septièmement, elle aurait effectué une analyse insuffisante et incomplète, en substance, du lien entre les avantages fiscaux et les garanties étatiques.

86      La Commission, à titre liminaire, estime que l’argumentation générale des requérantes consiste à inviter le Tribunal à contrôler la légalité de la décision attaquée à la lumière des pratiques et des lignes directrices existant à la date d’adoption de la décision attaquée, au lieu de celles qui existaient à la date d’octroi des aides d’État, ce qui serait erroné en droit. Elle rappelle, soutenue en cela par le Royaume de Danemark, que, conformément à sa communication sur la détermination des règles applicables à l’appréciation des aides d’État illégales du 22 mai 2002 (JO 2002, C 119, p. 22), il y a lieu d’apprécier la compatibilité des aides selon les critères de fond fixés dans tout instrument en vigueur à la date de leur octroi. Or, selon la Commission, les garanties étatiques auraient été définitivement accordées en janvier 1992, lorsque le Consortium a été créé.

87      Il convient de rappeler que la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées à l’échelle de l’Union. Le Tribunal, en contrôlant la légalité de l’exercice d’une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l’autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 135 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, 62/87 et 72/87, EU:C:1988:132, point 21). Dès lors que le large pouvoir d’appréciation conféré à la Commission, explicité, le cas échéant, par les règles indicatives adoptées par elle, implique des évaluations complexes d’ordre économique et social devant être effectuées à l’échelle de l’Union, le juge exerce sur celles-ci un contrôle restreint. Celui-ci se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de l’obligation de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 132).

88      Toutefois, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. En outre, il y a lieu de relever que, dans les cas où une institution de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figure l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et de motiver sa décision de façon suffisante (voir arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, points 56 à 58 et jurisprudence citée).

89      C’est à la lumière de cette jurisprudence et de celle citée aux points 60 à 63 ci-dessus qu’il convient d’apprécier si la Commission a effectué un examen complet et suffisant des mesures contestées et si elle était en possession de tous les éléments lui permettant de conclure, au terme d’un premier examen, que les garanties étatiques et les aides fiscales danoises étaient compatibles avec le marché intérieur.

90      Le Tribunal estime qu’il convient de commencer par examiner les deuxième, troisième et quatrième griefs, puis d’examiner ensemble les premier, cinquième et sixième griefs et, enfin, le septième grief.

1)      Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de vérification de l’existence de conditions de mobilisation des garanties

91      Les requérantes se réfèrent, en substance, aux arguments soulevés dans le cadre du moyen tiré d’une erreur de droit constituée par l’absence d’examen de l’existence de conditions de mobilisation des garanties étatiques, conformément au point 5.3 de la communication de la Commission sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication sur les garanties de 2008 »).

92      La Commission ne conteste pas ne pas avoir vérifié si de telles conditions de mobilisation existaient. Elle estime cependant que celles-ci n’étaient pas nécessaires, étant donné que la communication sur les garanties de 2008 ne s’appliquait pas ratione temporis à un régime d’aide accordé en 1992. En outre, elle estime qu’il s’agissait, en l’espèce, d’un cas très spécifique, en l’occurrence, un partenariat d’entreprises publiques créé dans le but précis de construire et d’exploiter la liaison fixe, et non une personne morale de droit danois ou suédois pouvant être déclarée en faillite par les tribunaux de ces États membres. Elle souligne que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède exercent un entier contrôle stratégique et opérationnel sur le Consortium, contrôle dont ne disposent normalement pas les États membres sur un opérateur privé indépendant bénéficiant d’une garantie. La Commission fait également remarquer que de telles conditions de mobilisation, en tout état de cause, auraient probablement été incompatibles avec l’Accord intergouvernemental.

93      À titre liminaire, le Tribunal observe qu’il n’est pas nécessaire de vérifier si le point 5.3 de la communication sur les garanties de 2008 était applicable au cas d’espèce, dans la mesure où, ainsi que la Commission l’a elle-même reconnu, l’exigence de telles conditions de mobilisation existait déjà en 1992, date qui a été retenue dans la décision attaquée comme date d’octroi des garanties. En effet, la lettre de la Commission aux États membres SG(89) D/4328, du 5 avril 1989, mentionnait déjà que « [l]a Commission n’acceptera[it] les garanties que si leur mobilisation [était] subordonnée contractuellement à des conditions particulières pouvant aller jusqu’à la déclaration obligatoire de la faillite de l’entreprise bénéficiaire ou une procédure analogue [et que c]es conditions [devraient] être convenues lors de l’examen initial et unique des garanties d’État envisagées dans le cadre de procédures normales de l’article [108], paragraphe 3, [TFUE] au stade de l’octroi ».

94      Dans le domaine spécifique des aides d’État, le juge de l’Union a déjà eu l’occasion de souligner que la Commission pouvait se doter de lignes directrices pour l’exercice de ses pouvoirs d’appréciation et que, pour autant qu’elles ne s’écartaient pas des règles du traité FUE, les règles indicatives qu’elles contenaient s’imposaient à l’institution (voir arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, EU:C:2002:363, point 24 et jurisprudence citée). Il importe aussi de relever que, en adoptant des règles de conduite et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime, à moins de donner des raisons justifiant, au regard de ces mêmes principes, qu’elle s’écarte de ses propres règles (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 211, et du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 60).

95      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée est muette sur l’existence de conditions de mobilisations des garanties étatiques. Dès lors, au vu des points 93 et 94 ci-dessus, c’est à tort que la Commission n’a pas vérifié l’existence de conditions de mobilisation des garanties étatiques. Il en ressort que l’examen de la compatibilité des garanties étatiques a été insuffisant et incomplet, ce qui est un indice de l’existence de difficultés sérieuses, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus.

96      Concernant les justifications de la Commission, mentionnées au point 92 ci-dessus, il y a lieu de relever que la Commission n’explique pas en quoi le fait que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède exercent un entier contrôle stratégique et opérationnel sur le Consortium constitue une assurance que, dans l’hypothèse où les garanties étatiques devraient être mobilisées, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède iraient jusqu’à le placer en liquidation. La Commission ne mentionne aucune disposition qui les obligerait à exercer une telle action. Au contraire, elle suggère même qu’une liquidation du Consortium serait impossible juridiquement au regard de l’Accord intergouvernemental.

97      En tout état de cause, force est de constater que ces considérations ne permettent pas de pallier l’absence d’examen de la Commission en ce qui concerne les conditions de mobilisation des garanties étatiques.

98      Dès lors, il convient d’accueillir le deuxième grief tiré de l’examen insuffisant et incomplet de l’existence de conditions de mobilisation des garanties étatiques.

2)      Sur le troisième grief, tiré de l’appréciation insuffisante et incomplète de la distinction entre la construction et l’exploitation de la liaison fixe et de l’absence d’appréciation de la compatibilité des garanties étatiques au regard de l’exploitation de la liaison fixe, et sur le quatrième grief de la première branche, tiré de l’appréciation insuffisante et incomplète de la question de savoir si les garanties étatiques étaient limitées au financement de la liaison fixe

99      Dans le cadre du troisième grief, les requérantes font valoir qu’aucune distinction entre les phases de construction et d’exploitation de la liaison fixe n’a été faite, à tort, dans le cadre de l’analyse de la compatibilité des garanties étatiques. Selon elles, la Commission aurait dû analyser en quoi les garanties étatiques couvrant la phase d’exploitation devaient être considérées comme compatibles avec le marché intérieur, alors qu’elles constitueraient en réalité des aides au fonctionnement, par nature incompatibles avec le marché intérieur.

100    À cet égard, dans le cadre du quatrième grief de la première branche (voir points 65 et 84 ci-dessus), les requérantes renvoient également à l’erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise, au considérant 33 de la décision attaquée, en affirmant que « les garanties étatiques [étaient] limitées à la mission spécifique du financement de la liaison fixe et ne [pouvaient] pas être utilisées par le Consortium aux fins d’augmenter sa capacité ou d’étendre ses activités sur quelque marché que ce soit ([point] 4, paragraphe 5, de l’Accord de Consortium) ».

101    La Commission conteste cette interprétation et estime qu’il ressort de la décision attaquée que les garanties étatiques et les aides fiscales danoises concernaient bien la construction et l’exploitation de la liaison fixe et que son examen de compatibilité couvrait bien les deux phases. Elle estime qu’il est « logique » que la décision attaquée se concentre plus sur l’aide à la construction de la liaison fixe, et donc sur l’aide à l’investissement, car les coûts de construction constituent la partie la plus significative des coûts. La Commission conteste toutefois toute accusation d’aide au fonctionnement, au motif que le Consortium rembourse ses dettes, ce qui suppose que les recettes soient suffisantes pour couvrir les coûts d’exploitation, d’une part, et que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède se soient engagés à notifier tout nouvel emprunt garanti et tout nouvel avantage octroyé après 2040 (le délai de remboursement prévu de la dette étant compris entre 30 à 43 ans à partir de l’ouverture de la liaison fixe en 2000), d’autre part. Enfin, elle fait valoir que sa pratique décisionnelle en ce qui concerne les PIIEC n’établirait pas de distinction entre la construction et l’exploitation d’une infrastructure.

102    S’agissant du quatrième grief de la première branche, la Commission conteste l’argumentation des requérantes.

103    Selon la jurisprudence, doivent être qualifiées d’aides au fonctionnement les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 30 et jurisprudence citée).

104    Il découle de la jurisprudence que les aides au fonctionnement ne relèvent en principe pas du champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. En effet, selon la jurisprudence, ces aides, en principe, faussent les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées sans pour autant être capables, par leur nature même, d’atteindre un des buts fixés par les dispositions dérogatoires susmentionnées (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, EU:C:1990:67, point 50 ; du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C‑86/89, EU:C:1990:373, point 18, et du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, EU:T:1995:100, point 48). Il existe donc une présomption tirée de la jurisprudence selon laquelle les aides au fonctionnement faussent, par leur nature même, la concurrence (arrêt du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, EU:C:2000:537, point 77) et altèrent les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (arrêt du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C‑86/89, EU:C:1990:373, point 18). De telles aides sont en principe interdites (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, EU:C:2002:507, points 69 à 71, et du 20 octobre 2011, Eridania Sadam/Commission, T‑579/08, non publié, EU:T:2011:608, point 41).

105    Aux considérants 32 et 33 de la décision attaquée, il est mentionné que les garanties étatiques couvrent « tous les emprunts et les autres instruments financiers utilisés par le Consortium pour le financement de la [liaison fixe] ». Cela ressort également de l’article 12 de l’Accord intergouvernemental, aux termes duquel « [le Royaume de] Danemark et [le Royaume de] Suède s’engagent à garantir conjointement et solidairement les obligations relatives aux emprunts du Consortium et à d’autres instruments financiers utilisés pour le financement [de la liaison fixe] ». Dans la partie consacrée à l’analyse de la nécessité et de la proportionnalité de l’aide, il est fait référence, de manière très générale, au « financement » de la liaison fixe (considérants 123, 124, 129 et 131).

106    Au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission indique seulement les estimations chiffrées du budget initial relatif à la planification et à la construction de la ligne fixe, mais n’évoque nulle part le montant que le Consortium a dû et devra encore emprunter pour couvrir les coûts d’exploitation. Au considérant 130 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que « le principal objectif des garanties étatiques était d’assurer le financement de la construction de la liaison fixe et de s’assurer que le Consortium ne p[uisse] pas obtenir des emprunts couverts par les garanties avec l’objectif d’étendre ses activités au-delà de cet objectif ».

107    Or, l’article 10 de l’Accord intergouvernemental, qui énumère les tâches du Consortium de manière limitative, mentionne également l’exploitation de la liaison fixe. Le point 4, paragraphe 3, de l’Accord de Consortium prévoit également que les garanties étatiques couvriront les besoins en capital du Consortium « qui découleront des pertes comptables qui sont anticipées pour un certain nombre d’années après que la liaison fixe a été ouverte au trafic ». À cet égard, ni la Commission ni le Royaume de Danemark ou le Royaume de Suède ne contestent que les garanties étatiques couvrent également des prêts contractés pour faire face à des coûts d’exploitation du Consortium, ce qui est également rappelé au considérant 50 de la décision attaquée. Or, les coûts d’exploitation sont des coûts que le Consortium aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales.

108    Par conséquent, alors qu’il est constant que les garanties étatiques couvrent tant les coûts de construction que les coûts d’exploitation de la liaison fixe, l’examen de la compatibilité de l’aide liée aux garanties étatiques, et en particulier de sa nécessité et de sa proportionnalité, ne distingue pas, ou pas suffisamment, l’aide à la construction et l’aide à l’exploitation de la liaison fixe et est inexistant s’agissant de la phase d’exploitation en elle-même. Ainsi, l’aide couvrant les coûts d’exploitation de la liaison fixe n’a pas fait l’objet d’une analyse de compatibilité particulière, alors même qu’elle est susceptible de constituer une aide au fonctionnement.

109    Aucun des arguments de la Commission, même pris sous l’angle du quatrième moyen, relatif à l’existence de difficultés sérieuses, n’est à même d’infirmer ce constat.

110    Premièrement, même s’il était avéré, ainsi que le suggère la Commission, que les coûts d’exploitation étaient moins élevés que les coûts de construction, il ne peut pas être exclu que les garanties couvrant des coûts d’exploitation du Consortium puissent constituer des aides au fonctionnement.

111    Deuxièmement, quant à l’argument selon lequel toute qualification d’aide au fonctionnement serait exclue, dès lors que le Consortium rembourse régulièrement ses dettes, il y a lieu de constater que le remboursement régulier de ses emprunts n’exclut pas que le Consortium bénéficie d’un avantage par rapport à ses concurrents, tiré du fait qu’il dispose, sans contrepartie, de garanties couvrant 100 % de ses emprunts, notamment de ses emprunts pour faire face à des coûts qu’il aurait normalement dû supporter seul, dans le cadre de la gestion courante de ses activités normales, à savoir les coûts d’exploitation. Les garanties étatiques lui permettent ainsi d’avoir accès à des conditions d’emprunt très avantageuses. En outre, il y a lieu de souligner qu’il n’est pas exclu, à la lecture de la décision attaquée, que le remboursement régulier de ses emprunts par le Consortium puisse justement être alimenté par de nouveaux emprunts couverts par lesdites garanties, dans la mesure où il est mentionné, au considérant 131 de la décision attaquée, que les garanties étatiques couvrent les besoins de financement ou de refinancement de la dette du Consortium et que d’autres emprunts garantis peuvent être contractés sans notification préalable à la Commission d’ici la fin de l’année 2040.

112    Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel, en tout état de cause, la qualification d’aide au fonctionnement serait exclue, dans la mesure où le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède se sont engagés à notifier tout nouvel emprunt garanti après la fin de l’année 2040 ainsi que tout nouvel avantage octroyé après cette date. En effet, la Commission n’explique, ni dans la décision attaquée, ni dans le cadre de la présente procédure, en quoi toute qualification d’aide au fonctionnement serait exclue s’agissant des garanties couvrant des emprunts contractés en vue de couvrir des coûts d’exploitation d’ici la fin de l’année 2040.

113    Quatrièmement, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de la pratique décisionnelle de la Commission, dans la mesure où cette dernière, concernant d’autres affaires, ne saurait affecter la validité d’une décision contestée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité FUE (arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, EU:C:2010:291, point 21).

114    Dès lors, il y a lieu d’accueillir le troisième grief tiré d’un examen insuffisant et incomplet en ce qui concerne la distinction, lors de l’analyse de compatibilité des garanties étatiques, entre la phase de construction et la phase d’exploitation de la liaison fixe et de l’absence d’analyse de compatibilité particulière pour les garanties liées à l’exploitation de la liaison fixe.

115    S’agissant du quatrième grief de la première branche (voir point 100 ci-dessus), relatif au considérant 33 de la décision attaquée et à la question de savoir si la Commission a suffisamment examiné si les garanties étatiques pouvaient être utilisées par le Consortium pour augmenter sa capacité ou développer ses activités sur les marchés existants et sur de nouveaux marchés, il y a lieu d’observer que les garanties étatiques ne peuvent pas être utilisées pour augmenter la capacité ou étendre les activités du Consortium sur un autre marché que celui relatif à la liaison fixe, du fait du libellé des articles 10 et 12 de l’Accord intergouvernemental et du point 4, paragraphe 3, de l’Accord de Consortium (voir points 7 et 9 ci-dessus) ainsi que du point 4, paragraphe 5, de l’Accord de Consortium. Ce dernier prévoit en effet que les besoins en capital du Consortium à des fins autres que celles visées au point 4, paragraphes 3 et 4 (à savoir la planification, la conception, la construction et les coûts de financement de la liaison fixe ainsi que la couverture des résultats comptables négatifs qui sont escomptés pendant plusieurs années après l’ouverture de la liaison fixe), seront satisfaits en priorité par d’autres formes de financement, à savoir des prêts ou des instruments financiers éventuellement couverts par des sûretés sous la forme de nantissement d’actifs du Consortium ou de garanties données par les sociétés mères. En outre, les requérantes ne démontrent pas que le Consortium aurait utilisé les garanties étatiques sur d’autres marchés que celui de la liaison fixe.

116    Toutefois, l’affirmation, au considérant 33 de la décision attaquée, que les garanties étatiques ne pouvaient être utilisées pour augmenter la capacité ou étendre les activités du Consortium sur « n’importe quel » marché est insuffisante et incomplète. En effet, la notion de limitation des garanties étatiques au « financement de la [liaison fixe] » couvre aussi la phase d’exploitation de cette dernière. Par conséquent, les garanties étatiques permettent théoriquement au Consortium d’augmenter sa capacité et ses parts de marché sur le marché correspondant à l’exploitation de la liaison fixe, ainsi que l’admet d’ailleurs la Commission.

117    Par conséquent, le quatrième grief de la première branche doit également être accueilli.

3)      Sur le quatrième grief, tiré de l’examen insuffisant et incomplet du caractère limité, dans le temps et leur montant, des garanties étatiques ainsi que des aides fiscales danoises octroyées au Consortium

118    Dans le cadre du quatrième grief de la seconde branche, les requérantes font valoir un examen insuffisant et incomplet, au considérant 131 de la décision attaquée, quant à la limitation dans le temps et dans leur montant des garanties étatiques. Les requérantes rappellent que les aides illimitées constituent, en principe, des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Elles font également valoir une appréciation insuffisante quant à la limitation des aides fiscales danoises accordées au Consortium.

119    La Commission conteste cette argumentation et explique que le fait que la dette cumulée du Consortium varie au fil du temps ne change rien au constat selon lequel les garanties étatiques sont, dans les faits, limitées à la dette cumulée du Consortium à tout moment, dette qui doit en réalité diminuer constamment. Le seul fait qu’elle ignore encore quand la dette sera intégralement remboursée n’affecterait pas le fait que les garanties étatiques seraient limitées au temps nécessaire pour rembourser la dette. En outre, la Commission souligne que les engagements proposés par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède constituent un élément important de son appréciation du caractère limité des aides, puisqu’ils lui permettent d’agir contre d’autres emprunts couverts par les garanties étatiques qui seraient contractés après la fin de l’année 2040 et contre d’autres avantages économiques qui seraient octroyés après ladite date.

120    Selon la jurisprudence, il doit être considéré que l’octroi d’une garantie à des conditions qui ne correspondent pas à celles du marché, telle qu’une garantie illimitée octroyée sans contrepartie, est, de manière générale, de nature à conférer un avantage à la personne qui en bénéficie, en ce sens qu’elle a pour conséquence une amélioration de la position financière du bénéficiaire par un allégement des charges qui, normalement, grèvent son budget. Or, une garantie d’État illimitée permet notamment à son bénéficiaire d’obtenir des conditions de crédit plus favorables que celles qu’il aurait obtenues du fait de ses seuls mérites et, partant, permet de réduire la pression qui pèse sur son budget (arrêt du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, EU:T:2012:452, points 106 et 108).

121    En l’espèce, il ressort du considérant 127 de la décision attaquée que, à la fin de l’année 2000, la dette nette du Consortium comprenant les intérêts cumulés s’élevait à 19,4 milliards de couronnes danoises (DKK), que, à la fin de l’année 2003, elle avait augmenté pour atteindre 20,1 milliards DKK, mais qu’elle avait diminué à la fin de l’année 2013 pour s’établir à 16,6 milliards DKK, et que le Consortium s’attendait à ce qu’elle n’augmente pas à un niveau supérieur au niveau de 2013. Au considérant 128 de la décision attaquée, la Commission a souligné que la période de remboursement de l’investissement entrepris par le Consortium était estimée, en 1991, à 30 ans à partir de l’année 2000, mais que cette estimation avait fluctué entre 30 et 36 ans, la période estimée de remboursement par le Consortium étant calculée sur une base annuelle et publiée dans les rapports annuels du Consortium. Le rapport annuel de 2013 estimait que la dette serait repayée d’ici à 2034. Le calcul de la durée de remboursement de la dette du Consortium se fondait sur un certain nombre de prévisions concernant, notamment, le développement des revenus issus du trafic, les coûts d’exploitation, les coûts de réinvestissement, les coûts de financement et le paiement de dividendes aux sociétés mères du Consortium. Parmi celles-ci, la plus importante était la prévision concernant les revenus générés par le trafic routier, qui représentaient 75 % du total des revenus et qui avaient considérablement varié dans le temps. La Commission a également indiqué que, étant donné les incertitudes concernant les développements futurs du trafic, le Consortium avait mis en place trois scénarios possibles : un scénario de base avec une période de remboursement de 34 ans, un scénario de croissance avec une période de remboursement de 30 ans et un scénario de stagnation avec une période de remboursement de 43 ans.

122    Au considérant 129 de la décision attaquée, la Commission a mentionné que les garanties étatiques couvraient 100 % de la dette du Consortium. La Commission a ensuite mentionné, au considérant 130 de la décision attaquée, que l’objectif principal des garanties étatiques était de permettre au Consortium de financer la construction de la liaison fixe à l’exclusion de toute extension de ses activités. Elle en a déduit, au considérant 131 de la décision attaquée, que les garanties étatiques étaient limitées à ce qui était nécessaire pour que le Consortium finance ou refinance sa dette cumulée due à ses missions de financement de la liaison fixe. Elle a également précisé que, puisque les garanties étatiques ne pouvaient pas être utilisées pour d’autres objectifs que le financement de la liaison fixe, elles se limitaient effectivement à couvrir « le montant total de la dette cumulée du Consortium à tout moment ». Par ailleurs, elle a considéré, en renvoyant aux considérants 128 et 129 de la décision attaquée, que les garanties étatiques étaient en pratique limitées dans le temps, étant donné que le Consortium ne pourrait plus en bénéficier une fois sa dette intégralement remboursée.

123    La Commission a également estimé, aux considérants 132 et 133 de la décision attaquée, que l’avantage résultant des garanties étatiques et celui résultant des aides fiscales danoises étaient interdépendants.

124    Aux considérants 134 à 136 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les garanties étatiques et tout autre avantage économique, y compris les avantages fiscaux, que le Consortium pourrait recevoir, étaient limités à la « période de remboursement de la dette réelle » et que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède s’étaient engagés à ce que le Consortium ne reçût pas de tels avantages après qu’il « eût totalement remboursé sa dette ». La Commission a également pris en compte, au considérant 135 de la décision attaquée, les engagements du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède de lui notifier tout nouveau prêt couvert par les garanties étatiques contracté après la fin de l’année 2040 ou tout nouvel avantage économique octroyé après cette date ainsi que de lui adresser un rapport annuel relatif aux progrès de remboursement de la dette du Consortium.

125    En premier lieu, il n’est pas contesté que les garanties étatiques couvrent 100 % du montant des emprunts du Consortium nécessaires tant à la construction de la liaison fixe qu’à son exploitation. Il n’est pas contesté non plus que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède n’ont fixé aucune limite de montant ou de durée des garanties étatiques dans les textes les régissant et mentionnés dans la décision attaquée.

126    Cela est d’ailleurs confirmé par le considérant 51 de la décision attaquée selon lequel « il ressort de la rédaction de l’Accord intergouvernemental que les garanties étatiques ne sont pas limitées dans le temps ». Si le point 4, paragraphe 3, de l’Accord de Consortium indique que les garanties étatiques couvriront les besoins en capital du Consortium « découlant des pertes comptables anticipées pendant un certain nombre d’années après que la liaison [fixe] a été ouverte au trafic », il y a lieu de constater que l’expression « pendant un certain nombre d’années » reste très floue et ne fixe pas une réelle limite temporelle ou relative au montant s’agissant de la couverture de la phase d’exploitation par les garanties étatiques.

127    Certes, il y a lieu de souligner que, concernant les emprunts garantis déjà contractés par le Consortium à la date de la décision attaquée, ils sont certainement circonscrits par les termes de chaque contrat de prêt, qui fixe un montant à rembourser ainsi qu’une durée de remboursement. Mais la décision attaquée ne comporte aucune précision quant à une éventuelle limite au montant total d’emprunts que peuvent théoriquement couvrir les garanties étatiques. En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a, par ailleurs, expliqué qu’elle ignorait même quelles étaient les durées de remboursement et les montants des emprunts contractés par le Consortium depuis le début du projet et qu’elle n’avait pas demandé, ni examiné les contrats de prêt existants du Consortium.

128    En deuxième lieu, si, au considérant 128 de la décision attaquée, la Commission indique la durée probable du remboursement de la dette globale du Consortium telle qu’elle a été évaluée en 2013, elle indique aussi que cette durée a déjà fluctué de 30 à 36 ans et est encore susceptible d’évoluer à l’avenir, divers scénarios de remboursements ayant été envisagés, qui dépendent de nombreux facteurs économiques. La Commission a également confirmé, au point 93 du mémoire en défense, qu’on ne savait pas exactement quand ladite dette serait remboursée.

129    En troisième lieu, ainsi que le font valoir les requérantes, l’absence de limitation des montants garantis ou de leur durée de remboursement, combinée à la possibilité de contracter de nouveaux emprunts couverts par les garanties étatiques à 100 %, au moins jusqu’à la fin de l’année 2040, peut entraîner de nombreuses extensions du délai de remboursement des prêts du Consortium ainsi qu’une augmentation du montant global de la dette couverte par les garanties étatiques. À cet égard, il ressort de la décision attaquée, en particulier des considérants 131 et 135, que le Consortium est susceptible de contracter de nouveaux emprunts garantis et de se refinancer régulièrement jusqu’à la fin de l’année 2040, sans avoir à notifier lesdits emprunts garantis à la Commission. À cet égard, il y a lieu de relever que l’incertitude principale, en l’espèce, réside dans l’absence de fixation d’un montant maximal de la dette du Consortium susceptible d’être couverte par les garanties étatiques d’ici à la fin de 2040. Dès lors, il ne ressort pas suffisamment de la décision attaquée que la dette du Consortium est limitée dans le temps et dans son montant.

130    Il ressort de ce qui précède que l’affirmation, au considérant 131 de la décision attaquée, selon laquelle « les garanties [sont] limitées à ce qui [est] nécessaire pour que le Consortium (re)finance sa dette cumulée due à ses missions de financement de la liaison fixe » ne démontre pas suffisamment qu’il existe une limite dans le temps et dans le montant couvert par ces garanties, dans la mesure, notamment, où le financement de la liaison fixe couvre son exploitation. Ainsi, les affirmations selon lesquelles « [é]tant donné que les garanties étatiques peuvent uniquement être utilisées pour les tâches relatives au financement de la liaison fixe [du Sund] et pas pour un autre objectif, elles sont de facto limitées à couvrir le montant total de la dette cumulée du Consortium à tout moment » ou selon lesquelles « les garanties sont de facto limitées dans le temps étant donné que le Consortium ne pourra pas bénéficier des garanties après que la dette [a] été complètement remboursée » reposent sur un raisonnement circulaire et sont insuffisantes aux fins de déterminer précisément la limite de durée et de montant des garanties étatiques, dès lors que la dette du Consortium, elle, n’apparaît pas limitée.

131    Aucun des arguments avancés par la Commission n’est susceptible d’infirmer ce constat.

132    Premièrement, l’affirmation de la Commission, dans le mémoire en défense, selon laquelle la dette doit en réalité diminuer constamment n’est pas démontrée, ni étayée. Cette affirmation est, par ailleurs, infirmée par le simple constat, au considérant 127 de la décision attaquée, que la dette globale du Consortium avait augmenté entre la fin de l’année 2000 et la fin de l’année 2003. Le fait que les garanties étatiques couvrent l’exploitation de la liaison fixe, l’absence de limite quant au montant et à la durée de remboursement de la dette couverte par les garanties étatiques et la possibilité pour le Consortium de contracter de nouveaux emprunts garantis sans limite de montant, de refinancer sa dette d’ici à la fin de l’année 2040 et même de notifier à nouveau tout emprunt contracté après 2040 prouvent qu’il n’existe aucune assurance véritable que la dette diminuera et sera effectivement remboursée d’ici à la fin de l’année 2040.

133    Deuxièmement, la Commission fait valoir que les garanties étatiques concerneraient une activité économique clairement définie, à savoir le financement de la liaison fixe, à l’exclusion d’autres activités, contrairement aux garanties générales qui couvrent toutes les activités économiques d’une entreprise. Or, même si les garanties étatiques sont limitées au financement de la liaison fixe, d’une part, il ressort du point 108 ci-dessus que ce dernier englobe l’exploitation de la liaison fixe et, par conséquent, que les garanties étatiques sont susceptibles d’être qualifiées d’aides au fonctionnement et, d’autre part, il ressort des points 125 à 128 ci-dessus qu’aucun montant maximal couvert par les garanties n’est spécifié et que leur durée précise n’est pas indiquée.

134    Troisièmement, concernant l’engagement du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède présenté au cours de la phase d’examen préliminaire de notifier à la Commission, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, tout nouvel emprunt couvert par les garanties étatiques qui serait contracté par le Consortium après 2040, la Commission a reconnu, en réponse à une question du Tribunal, qu’il ne limitait pas la durée des garanties étatiques elles-mêmes à la fin de l’année 2040 dans la mesure où il ne s’appliquait qu’à l’octroi de nouveaux emprunts couverts par lesdites garanties. Cette date représente donc seulement la date butoir jusqu’à laquelle le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède peuvent octroyer de nouvelles garanties d’emprunts sans notification à la Commission. Cette date ne donne aucune indication sur la durée desdites garanties, qui est corrélée à la durée de remboursement des emprunts qu’elles couvrent. Or, la durée de remboursement desdits emprunts n’est pas non plus limitée par les engagements. Par ailleurs, la Commission a reconnu ne pas avoir d’information sur la durée de vie des emprunts déjà contractés du Consortium. Dès lors, il y a lieu de constater que l’engagement du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède mentionné au considérant 13 de la décision attaquée ne fait pas obstacle à ce que les garanties étatiques couvrant des emprunts déjà contractés ou de nouveaux emprunts qui seraient contractés d’ici à la fin de l’année 2040, se prolongent bien au-delà de l’année 2040.

135    En outre, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 125 ci-dessus, les engagements ne fixent aucune limite de montant aux emprunts ou aux garanties elles-mêmes. Ainsi, de nouveaux emprunts contractés d’ici à la fin de l’année 2040, garantis à 100 %, sans aucune limite de montant, sont susceptibles d’augmenter la dette réelle du Consortium et, par conséquent, le montant de l’aide liée aux garanties étatiques.

136    Si, par son argumentation, la Commission souhaite faire valoir que l’« engagement » en question pose une limite théorique aux garanties étatiques dans la mesure où, logiquement, les contrats de prêts conclus d’ici à la fin de 2040 mentionneront eux un montant et une durée de remboursement et finiront par être remboursés un jour,il suffit de constater que la durée effective des garanties étatiques pourrait ainsi s’étendre bien au-delà de 2040 et pour un montant maximal inconnu, potentiellement supérieur à la dette actuelle du Consortium, sans que la décision attaquée donne aucune information sur ces questions. Par conséquent, la Commission ne détenait pas de données précises sur la durée et le montant maximal des aides contenues dans les garanties étatiques.

137    Dès lors, il y a lieu de constater que l’examen de la Commission quant au caractère limité, dans le temps et dans leur montant, des garanties étatiques et, par conséquent de l’aide contenue dans lesdites garanties, est insuffisant et incomplet.

138    Dans la mesure où, au considérant 134 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les garanties étatiques et tout autre avantage économique, y inclus les avantages fiscaux, que le Consortium pouvait recevoir étaient limités à la période réelle de remboursement de la dette, les insuffisances de l’examen de la Commission, notamment constatées au point 129 ci-dessus, s’étendent aussi aux aides fiscales danoises.

139    Ces insuffisances sont un indice supplémentaire que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses lors de l’analyse de la compatibilité des garanties étatiques avec le marché intérieur, qui auraient dû l’obliger à ouvrir la procédure formelle d’examen. Dès lors, il y a lieu d’accueillir le quatrième grief.

4)      Sur les premier, cinquième et sixième griefs, tirés de l’examen insuffisant et incomplet, respectivement, de la quantification de l’élément d’aide compris dans les garanties étatiques, de la nécessité et de la proportionnalité des mesures d’aides et, enfin, du critère dit de « mise en balance »

140    Le premier grief de la seconde branche est tiré de ce que la Commission n’a pas ou n’a pas suffisamment quantifié l’aide comprise dans les garanties étatiques, alors qu’une telle quantification serait indispensable à l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité de l’aide. Le cinquième grief est tiré du fait que la Commission n’a pas suffisamment examiné la nécessité et la proportionnalité des garanties étatiques et des avantages fiscaux. Le sixième grief est notamment tiré du fait que la Commission n’a pas effectué de « mise en balance » des effets positifs des aides en cause en termes de contribution à la réalisation de l’objectif d’intérêt commun visé avec leurs effets négatifs sur la concurrence et les échanges. Ces erreurs concerneraient tant les garanties étatiques que les aides fiscales danoises.

141    Conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, « peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ».

142    Il doit être rappelé que, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est d’interprétation stricte (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T‑150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 146 et jurisprudence citée).

143    Il ressort de la jurisprudence que la Commission ne peut déclarer une aide compatible avec l’article 107, paragraphe 3, TFUE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation de l’un des objectifs cités, objectifs que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait atteindre par ses propres moyens dans des conditions normales de marché. En d’autres termes, il ne faut pas permettre aux États membres d’effectuer des versements qui apporteraient une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaires pour atteindre les buts prévus par l’article 107, paragraphe 3, TFUE (voir arrêt du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, EU:T:2009:2, point 65 et jurisprudence citée).

144    Le principe de proportionnalité exige que les mesures imposées par les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser l’objectif visé et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à cet effet (arrêt du 18 septembre 1986, Commission/Allemagne, 116/82, EU:C:1986:322, point 21). En tant que principe général de l’Union, le principe de proportionnalité est un critère de la légalité de tout acte des institutions de l’Union, y compris les décisions que la Commission adopte en sa qualité d’autorité de la concurrence (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 75 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, il ne saurait être accepté qu’une aide comporte des modalités, en particulier son montant, dont les effets restrictifs iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’aide puisse atteindre les objectifs admis par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission, T‑162/06, EU:T:2009:2, point 66 et jurisprudence citée).

i)      Sur le premier grief, relatif à la détermination de l’élément d’aide contenu dans les garanties étatiques

145    Dans le cadre de leur premier grief, les requérantes font valoir que la Commission aurait dû quantifier l’élément d’aide découlant des garanties étatiques conformément aux points 4.1 et 4.2 de la communication sur les garanties de 2008. Elles considèrent que la quantification de l’élément d’aide des garanties étatiques était un préalable indispensable à l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité de ces garanties.

146    La Commission rappelle que la communication sur les garanties de 2008 ne s’appliquait pas ratione temporisaux aides d’État en cause en l’espèce, dès lors qu’elle estime qu’elles ont été octroyées en 1992. Elle considère que la quantification de l’aide n’est pas un préalable nécessaire à l’analyse de sa nécessité et de sa proportionnalité et que, dès lors qu’elle avait conclu que l’aide était nécessaire et proportionnée pour réaliser l’objectif de lever le financement du projet dans le contexte existant à l’époque, il n’était pas nécessaire de quantifier le montant de l’aide pour éviter toute surcompensation. En outre, elle fait valoir que, aux termes de la communication sur les garanties de 2008 elle-même, l’élément d’aide doit être quantifié afin de pouvoir vérifier si l’aide doit être considérée comme compatible en vertu d’une exemption spécifique seulement.

147    À titre liminaire, il convient de constater que, par leur premier grief, les requérantes ne reprochent pas à la Commission l’absence de chiffrage final et précis quant au montant total de l’aide découlant des garanties étatiques, mais l’absence ou l’insuffisance de détermination de l’élément d’aide issue des garanties étatiques, c’est-à-dire de la méthode à suivre pour calculer l’aide contenue dans une garantie. Il convient ainsi d’examiner si la quantification de l’aide contenue dans les garanties étatiques, c’est-à-dire la détermination de l’élément d’aide liée aux garanties, était nécessaire aux fins d’apprécier sa compatibilité et, dans l’affirmative, de vérifier si la Commission a suffisamment quantifié cet élément d’aide dans la décision attaquée.

148    Il y a également lieu de rappeler que, dans la mesure, notamment, où l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est d’interprétation stricte, il incombait à la Commission de vérifier que les aides contenues dans les garanties étatiques et dans les aides fiscales danoises étaient nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi, en l’occurrence la réalisation du PIIEC que constituait la liaison fixe. Cela n’est, d’ailleurs, pas contesté par la Commission.

149    En premier lieu, il y a lieu de relever que, quelles que soient les règles de fond applicables ratione temporis au cas d’espèce, le fait de savoir comment déterminer l’élément d’aide contenue dans une garantie, c’est-à-dire de connaître la méthode de détermination de l’élément d’aide, sans pour autant en exiger un chiffrage final précis, est un préalable indispensable aux fins d’apprécier si ladite aide est nécessaire et proportionnée, contrairement à ce que fait valoir la Commission.

150    En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 144 ci-dessus, l’évaluation de la proportionnalité d’une aide implique de vérifier si celle-ci est limitée au minimum nécessaire pour remplir les objectifs des différentes dérogations visées par l’article 107, paragraphe 3, TFUE, ce qui implique de savoir dans quelles proportions l’aide est nécessaire pour remplir l’objectif visé et donc de savoir comment calculer l’élément d’aide au préalable.

151    Il convient de souligner que cela est conforme à la jurisprudence selon laquelle aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer et selon laquelle il suffit à cet égard que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, EU:C:2005:287, point 39, et du 18 octobre 2007, Commission/France, C‑441/06, EU:C:2007:616, point 29).

152    À cet égard, l’argument de la Commission selon lequel, même aux termes du point 4.1 de la communication sur les garanties de 2008, relatif aux « généralités » des « garanties contenant un élément d’aide », la quantification ne serait utile que pour vérifier si l’aide est compatible en vertu d’une « exemption spécifique », mais pas en vertu de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, doit être rejeté, dans la mesure où, dans ce contexte, l’expression « exemption spécifique » fait référence aux exemptions visées à l’article 107, paragraphe 3, sous a) à e), TFUE.

153    C’est à tort que la Commission estime que, dès lors qu’elle avait conclu que l’aide était nécessaire et proportionnée pour réaliser l’objectif de lever le financement du projet dans le contexte existant à l’époque, il n’était pas nécessaire de quantifier l’aide pour éviter toute surcompensation.Au contraire, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de l’aide, il était nécessaire, conformément à la jurisprudence visée au point 144 ci-dessus, de savoir comment déterminer l’élément d’aide des garanties étatiques, aux fins de s’assurer que ses effets restrictifs n’iraient pas au-delà de ce qui était nécessaire pour que l’aide pût atteindre l’objectif de réalisation du PIIEC.

154    En réponse à une question du Tribunal, la Commission a également indiqué qu’il n’était pas nécessaire de déterminer un montant d’aide précis aux fins de l’examen de la compatibilité, et notamment de l’évaluation de la proportionnalité de l’aide, dès lors que ce qui importerait serait de savoir que le projet n’aurait pas pu être réalisé sans aide, ce qui aurait été apprécié aux considérants 129 à 131 de la décision attaquée. Force est de constater que cette argumentation ne traite que de la nécessité de l’aide alors qu’il convient de vérifier également si elle a bien été limitée au minimum nécessaire, conformément au principe de proportionnalité.

155    En second lieu, les requérantes font valoir, en substance, que l’élément d’aide des garanties étatiques n’a pas été quantifié dans la décision attaquée ou ne l’a pas été suffisamment, dans la mesure où, par exemple, aucune attention particulière n’a été portée à la question de savoir si les garanties étatiques pouvaient être mesurées de façon adéquate au moment de leur octroi, ni aux caractéristiques particulières des garanties et des prêts, ou de toute autre obligation financière, aux fins de déterminer une prime de marché de la garantie sur la base de laquelle l’élément d’aide serait calculé par comparaison avec la prime réellement versée, conformément au point 4.1, sous b) et d), de la communication sur les garanties de 2008, par exemple. Elles font également valoir que, dans les cas dans lesquels aucun investisseur privé rationnel ne se serait engagé dans le financement du projet concerné, ce qui semblerait être le cas en l’espèce, au vu du considérant 124 de la décision attaquée, l’élément d’aide devait être calculé de la même façon que l’équivalent-subvention d’un prêt à taux privilégié, conformément au point 4.2 de la communication sur les garanties de 2008.

156    La Commission conteste cette argumentation et en particulier l’applicabilité de la communication sur les garanties de 2008 au cas d’espèce.

157    En l’espèce, au considérant 88 de la décision attaquée, la Commission a défini l’avantage issu des garanties étatiques, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, comme résultant du fait que ces dernières réduisaient le coût qu’aurait normalement supporté le Consortium en payant une prime à des conditions de marché « ou » celui qu’il aurait dû supporter en finançant la liaison fixe en l’absence de garanties. Dès lors, même dans l’hypothèse où les méthodes décrites dans la communication sur les garanties de 2008 ne seraient pas applicables ratione temporis, ainsi que le fait valoir la Commission, force est de constater qu’elle avait elle-même fait référence, dans la décision attaquée, à ces deux méthodes alternatives comme méthodes de détermination de l’élément d’aide, autrement dit, de l’avantage relatif aux garanties étatiques.

158    Toutefois, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas précisé quelle méthode elle appliquerait dans le cadre de son analyse de la compatibilité de l’aide.

159    En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué que le considérant 88 de la décision attaquée ne devait pas être interprété comme laissant le choix quant à la méthode de calcul de l’élément d’aide, dans la mesure où les deux méthodes devaient conduire au même résultat pour l’entreprise en termes de coûts en l’absence d’aide.

160    Une telle argumentation est inopérante dans la mesure où la Commission n’a, en l’espèce, appliqué aucune des deux méthodes envisagées au considérant 88 de la décision attaquée dans le cadre de son analyse de la compatibilité de l’aide. En effet, la décision attaquée ne mentionne ni une prime de marché pour des garanties équivalentes, ni un équivalent-subvention d’un prêt à taux privilégié, soit la différence entre le taux d’intérêt du marché en l’absence de garanties et le taux d’intérêt obtenu grâce aux garanties.

161    Aucun des arguments de la Commission ainsi que du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède ne permet d’infirmer ce constat.

162    La Commission fait valoir qu’il n’était pas possible de quantifier l’aide contenue dans les garanties étatiques avec un degré de précision suffisant, en 1992, étant donné l’ampleur et les incertitudes du projet de liaison fixe. Dans sa réponse aux questions du Tribunal, elle explique également que le nombre et le montant de futurs prêts à garantir étaient inconnus lors de l’adoption de la décision attaquée et qu’ils allaient couvrir une période longue au cours de laquelle les conditions de marché, et donc l’élément d’aide, pouvaient varier considérablement. Le Royaume de Danemark ajoute qu’il était logique que les garanties étatiques ne soient pas quantifiées dans la mesure où la Commission les avait qualifiées de régimes d’aides, octroyés pour une « période indéterminée et pour un montant indéterminé ».

163    À cet égard, il suffit de constater, à titre indicatif, que le point 4.4 de la communication sur les garanties de 2008 démontre à lui seul qu’il existe des méthodes pour calculer un élément d’aide dans le cadre des régimes de garanties, lorsque les caractéristiques de chaque prêt garanti ne sont pas connues à l’avance. Il y est ainsi indiqué que, « [é]tant donné que, pour les régimes de garanties de l’État, les caractéristiques spécifiques de chaque cas ne sont pas forcément connues au moment où le régime doit être apprécié, l’élément d’aide doit être évalué en se fondant sur les dispositions du régime ». Cette disposition correspondait également, en substance, au point 3.5 de la communication de la Commission sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2000, C 71, p. 14), dans lequel la Commission indiquait que, dans ce cas, l’élément d’aide devait être évalué en se fondant sur les dispositions du régime relatives, notamment, au montant maximal et à la durée des prêts, à la catégorie d’entreprises et au type de projets couverts, aux sûretés exigées des emprunteurs, à la prime à verser et aux taux d’intérêt obtenus par ceux-ci (arrêt du 17 mars 2015, Pollmeier Massivholz/Commission, T‑89/09, EU:T:2015:153, point 165).

164    Or, en l’espèce, de telles vérifications sont absentes dans la décision attaquée, dans la mesure, notamment, où aucun montant et aucune durée maximale des prêts garantis, ou des garanties elles-mêmes, ne sont précisés.

165    La Commission ne démontre pas, en outre, en quoi l’indétermination du projet faisait obstacle à la fixation, à défaut d’un chiffre déterminé, à tout le moins d’un montant maximal de l’aide accordée par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède. À cet égard, il ressort du considérant 126 de la décision attaquée qu’existaient, en 1990, des estimations du budget nécessaire pour la construction de la liaison fixe.

166    Enfin, s’agissant plus spécifiquement de l’argument relatif à l’ampleur et à l’incertitude du projet, la Commission ne saurait arguer de la complexité de l’analyse pour s’exonérer de cette dernière. En effet, si cette analyse était si complexe et ardue qu’elle l’empêchait, au stade de l’examen préliminaire, de déterminer l’élément d’aide des garanties étatiques, il convient d’observer que cela vient confirmer l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû la contraindre à ouvrir la procédure formelle d’examen.

167    Dès lors, il y a lieu de constater un examen insuffisant en ce qui concerne la détermination de l’élément d’aide issu des garanties étatiques qui se répercute sur l’ensemble de l’analyse de la compatibilité, en particulier de la proportionnalité de l’aide contenue dans les garanties étatiques. Il convient donc d’accueillir le premier grief de la seconde branche.

ii)    Sur le cinquième grief, relatif à la nécessité et à la proportionnalité des aides d’État

168    Dans le cadre du cinquième grief, il convient d’examiner les autres arguments relatifs à un examen insuffisant et incomplet de l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des aides en question.

169    En premier lieu, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a violé le point 4 de la communication du 20 juin 2014 sur les critères relatifs à l’analyse de la compatibilité avec le marché intérieur des aides d’État destinées à promouvoir la réalisation de projets importants d’intérêt européen commun (JO 2014, C 188, p. 4, ci-après la « communication sur les PIIEC »). Elles soulignent, à cet égard, qu’il était pourtant indiqué, aux considérants 113 et 122 de la décision attaquée, que la Commission appliquerait la communication sur les PIIEC.

170    La Commission, à titre liminaire, considère que la communication sur les PIIEC ne s’appliquait pas ratione temporis. Aux considérants 112 et 113 de la décision attaquée, elle se serait contentée de mentionner qu’elle allait appliquer les critères généraux de nécessité et de proportionnalité « à la lumière » de la communication sur les PIIEC. Elle rappelle sa large marge d’appréciation s’agissant de l’appréciation de la compatibilité d’une aide.

171    En l’espèce, aux termes du considérant 113 de la décision attaquée, « [b]ien que les principes énoncés dans la [communication sur les PIIEC] so[ient] seulement applicables aux aides non notifiées octroyées après la publication de cette communication au Journal officiel de l’Union européenne, la Commission considère [comme] approprié d’appliquer les critères de nécessité et de proportionnalité à la présente affaire à la lumière de la communication sur les PIIEC ». Par conséquent, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a annoncé qu’elle allait appliquer la communication sur les PIIEC pour apprécier la nécessité et la proportionnalité des aides accordées au Consortium.

172    Dès lors, et indépendamment de la question de savoir si la communication sur les PIIEC était effectivement applicable au cas d’espèce, il convient de relever que c’est à tort que la Commission soutient, devant le Tribunal, qu’elle n’a pas apprécié dans la décision attaquée la compatibilité des garanties étatiques et des aides fiscales danoises sur la base de la communication sur les PIIEC.

173    En l’espèce, le considérant 122 de la décision attaquée reproduit fidèlement le paragraphe 28 de la communication sur les PIIEC. Il indique ainsi que, d’après la communication sur les PIIEC, une aide ne peut pas servir à subventionner les coûts d’un projet que l’entreprise aurait de toute façon supportés, ni à compenser le risque commercial normal inhérent à une activité économique. Il est également indiqué que, sans aide, le projet ne pourrait être réalisé ou devrait être réalisé à une échelle ou à une taille réduite ou d’une manière différente qui limiterait significativement ses bénéfices escomptés. Enfin, il est indiqué que l’aide sera jugée proportionnée uniquement si le même résultat ne peut être obtenu avec une aide moins importante. Il y a lieu de constater que le paragraphe 28 de la communication sur les PIIEC ne constitue qu’un rappel de critères généraux s’agissant de l’appréciation de la compatibilité, en particulier la nécessité et la proportionnalité de l’aide, qui s’appliquent quels que soient les textes de droit matériel applicables ratione temporis.

174    Dès lors, il convient de vérifier si la Commission a procédé à un examen suffisant desdits critères.

175    Premièrement, les requérantes font valoir que la décision attaquée n’examine pas, en méconnaissance de la première phrase du paragraphe 28 de la communication sur les PIIEC, si une prime de garantie est un coût que le Consortium aurait supporté de toute façon et si les garanties étatiques compensent un risque commercial normal du Consortium.

176    La Commission conteste cette argumentation.

177    Il y a lieu de souligner que le paragraphe 28, première phrase, de la communication sur les PIIEC constitue un rappel de l’interdiction des aides au fonctionnement. Or, il ressort du point 108 ci-dessus notamment que la Commission a effectivement omis de vérifier si les garanties étatiques couvraient des coûts de fonctionnement.

178    Deuxièmement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir vérifié si, « sans l’aide, le projet ne pouvait pas être réalisé ou devait être réalisé à une échelle ou à une taille réduite ou d’une manière différente qui limiterait significativement ses bénéfices escomptés ». Elles font valoir que l’affirmation, au considérant 124 de la décision attaquée, selon laquelle « aucun investisseur privé rationnel ne se serait engagé dans le financement d’un tel projet dans les conditions normales du marché » ne repose sur aucun élément concret et n’est pas étayée. En outre, elles critiquentle fait que la décision attaquée ne comporte pas de scénario contrefactuel, en violation du paragraphe 29 de la communication sur les PIIEC, et le fait que la Commission ne semble même pas avoir demandé au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède de fournir des informations sur un éventuel scénario contrefactuel.

179    La Commission considère, en substance, que le seul scénario contrefactuel envisageable aurait été de ne pas construire la liaison fixe. À cet égard, les requérantes ne démontreraient d’ailleurs pas qu’une entreprise aurait été capable de construire un projet d’infrastructure tel que celui visé en l’espèce, sans aide d’État, étant donné les énormes investissements récupérables à très long terme et les incertitudes relatives aux recettes.

180    En l’espèce, au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission a estimé, en substance, que les garanties étatiques et les aides fiscales danoises en faveur du Consortium étaient nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi, c’est-à-dire lever des fonds privés pour le projet, dans les circonstances de l’époque. Au considérant 124 de la décision attaquée, la Commission a également mentionné que la possibilité de construire une liaison fixe entre le Danemark et la Suède avait été envisagée depuis plus de 35 ans avant la conclusion de l’Accord intergouvernemental, en 1991, mais qu’il n’y avait pas eu d’indications, durant cette période, qu’un projet d’infrastructure d’une telle ampleur puisse être réalisé sans soutien public. Selon la Commission, la liaison fixe exigeait des investissements en capitaux substantiels qui pouvaient seulement être remboursés sur le très long terme et de nombreuses incertitudes existaient en ce qui concernait les revenus de la liaison fixe. La Commission a affirmé qu’aucun investisseur privé rationnel ne se serait engagé dans le financement de ce projet dans des conditions normales de marché et que, sans l’aide, le projet n’aurait pas été réalisé. En outre, la Commission a observé que, d’après le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, tous les calculs de financement du projet étaient fondés sur l’hypothèse selon laquelle les emprunts du Consortium pour financer la liaison fixe seraient entièrement couverts par les garanties étatiques et que, par conséquent, aucune comparaison de la rentabilité du projet dans le cadre d’un scénario équivalent sans garanties étatiques ou mesures fiscales n’avait été réalisée.

181    Au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a souligné qu’un financement à l’échelle de l’Union avait été donné au projet, d’un montant de 127 millions d’euros, représentant 6 % de ses coûts totaux, ce qui démontrait la nécessité d’un financement public pour la réalisation du projet. Le considérant 126 de la décision attaquée rappelle le coût total du projet, estimé en 1990 à 1,55 milliard d’euros pour la seule planification et construction de la liaison fixe et à 2,25 milliards d’euros en incluant les coûts des connexions intérieures avec les arrière-pays.

182    Il ressort en outre du considérant 124 de la décision attaquée que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ont informé la Commission que le seul scénario contrefactuel possible consistait, en l’espèce, en une absence de scénario alternatif. Or, même le paragraphe 29 de la communication sur les PIIEC qui est invoqué par les requérantes admet que « [l]e scénario contrefactuel peut consister en l’absence d’un projet alternatif ».

183    Quand bien même la Commission pourrait être regardée comme ayant procédé à un examen suffisant en ce qui concerne la question de savoir si la construction de la ligne fixe ne pouvait pas être réalisée sans aide ou devait être réalisée différemment, en tout état de cause, il ressort du point 114 ci-dessus qu’aucune analyse distincte de la nécessité de l’aide concernant la phase d’exploitation de la liaison fixe n’a été effectuée. Dès lors, l’appréciation de la nécessité des aides concernées apparaît insuffisante et incomplète.

184    Troisièmement, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission n’a pas examiné si le montant de l’aide fournie au Consortium excédait ce qui était nécessaire pour réaliser l’objectif poursuivi. À cet égard, l’affirmation, au considérant 129 de la décision attaquée, selon laquelle l’aide liée aux garanties étatiques couvrant 100 % de la dette du Consortium et aux avantages fiscaux est proportionnée et limitée au minimum nécessaire, compte tenu de la nature et de la taille du projet de liaison fixe, ne serait pas étayée. Elles font également valoir, en substance, une violation du paragraphe 30 de la communication sur les PIIEC.

185    La Commission conteste toute insuffisance de son examen et juge cette argumentation non étayée. D’abord, elle rappelle que la quantification de l’élément d’aide n’est pas une étape nécessaire de l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité de l’aide. Ensuite, elle fait valoir que les requérantes ne démontrent pas qu’une entreprise aurait été capable de construire un projet d’infrastructure tel que celui visé en l’espèce sans aide d’État. En outre, aucun élément n’établirait que le projet aurait pu être réalisé avec moins d’aide. Le choix d’une garantie étatique aurait justement permis de s’assurer que l’aide serait beaucoup moins élevée que si le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède avaient accordé au Consortium des subventions ou des prêts. En outre, les engagements des gouvernements danois et suédois permettraient d’éviter une situation dans laquelle les garanties deviendraient inutiles et disproportionnées. Enfin, s’agissant de la prétendue violation du paragraphe 30 de la communication sur les PIIEC, la Commission souligne que, même si cette disposition avait été applicable, ce qu’elle conteste par ailleurs, elle n’imposerait pas de calculer le taux de rendement interne dans tous les cas. En l’espèce, les incertitudes auraient été telles que des calculs détaillés n’auraient pas apporté un éclairage différent à son appréciation.

186    En l’espèce, le considérant 129 de la décision attaquée indique que, étant donné la nature et la taille de la liaison fixe, l’aide contenue dans la structure de financement choisie comprenant deux garanties d’État couvrant 100 % de la dette du Consortium ainsi que les avantages fiscaux doit être considérée comme proportionnée et limitée au minimum nécessaire. La Commission a également souligné, toujours au considérant 129, que « toute autre manière de financer la liaison fixe aurait abouti au même projet, mais avec un risque significatif de coûts de financement plus élevé pour [le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède] » et que, « par exemple, [si ces derniers] avaient octroyé des injections de capital ou des emprunts au Consortium, il y aurait eu un risque que la charge totale sur [leurs] budgets ait été plus élevée et, par conséquent, les coûts totaux du projet auraient augmenté ». La Commission a également souligné que, jusque-là, aucune garantie n’avait été actionnée et qu’il n’y avait aucun élément établissant que le Consortium ne serait pas en mesure de remplir ses obligations dans le futur.

187    D’abord, il ressort notamment des points 167, 114 et 137 ci-dessus que l’absence de quantification de l’aide liée aux garanties étatiques, l’absence de distinction entre les phases de construction et d’exploitation et l’absence de limitation suffisamment précise de l’aide liée aux garanties étatiques dans leur montant et dans le temps démontrent déjà que l’analyse de la compatibilité des garanties étatiques avec le marché intérieur a été insuffisante.

188    Ensuite, les requérantes font valoir à juste titre que la Commission n’a pas non plus examiné si le même résultat aurait pu être obtenu en sollicitant moins d’aide, par exemple, en introduisant une forme de prime de garantie limitée, en limitant les garanties de manière à couvrir moins de 100 % du montant de chaque prêt couvert, en limitant la durée des garanties étatiques ou en vérifiant si l’intensité de l’aide était limitée au minimum nécessaire.Aucune analyse de ce type n’a été effectuée dans la décision attaquée.

189    L’affirmation, au considérant 129 de la décision attaquée, selon laquelle l’aide liée aux garanties étatiques couvrant 100 % de la dette du Consortium et aux avantages fiscaux est proportionnée et limitée au minimum nécessaire, compte tenu de la seule nature et de la taille du projet de liaison fixe, apparaît insuffisante et non étayée. Or, il doit être rappelé que, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est d’interprétation stricte (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T‑150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 146 et jurisprudence citée).

190    La Commission affirme certes à juste titre que l’exigence, figurant au paragraphe 30 de la communication sur les PIIEC, de calculer un taux de rendement interne en cas d’absence de scénario contrefactuel afin de vérifier que le montant de l’aide n’excède pas le minimum nécessaire pour que le projet bénéficiant de l’aide soit suffisamment rentable, est citée à titre « d’exemple » seulement. Toutefois, l’obligation de « vérifier que le montant de l’aide n’excède pas le minimum nécessaire pour que le projet bénéficiant de l’aide soit suffisamment rentable » n’est qu’une expression du principe général de proportionnalité, qui est applicable en l’espèce. Or, force est de constater que la Commission n’a pas procédé à un examen suffisant pour vérifier si l’aide liée aux garanties étatiques était limitée au minimum nécessaire.

191    Enfin, les justifications, avancées au considérant 129 de la décision attaquée, selon lesquelles le recours à des formes plus directes d’aides aurait augmenté la charge sur le budget du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède et donc le coût total du projet et selon lesquelles aucune garantie n’aurait été actionnée jusqu’ici, ne sont pas de nature à lever les doutes liés au fait que l’élément d’aide liée aux garanties étatiques a, quant à lui, été limité au minimum nécessaire. Premièrement, la « charge sur le budget » du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède et le « coût total du projet » ne sont pas nécessairement équivalents à l’élément d’aide des garanties. Deuxièmement, la décision attaquée n’indique pas suffisamment comment calculer l’élément d’aide lié aux garanties et il ressort de ce qui précède que les aides accordées au Consortium ne sont pas suffisamment limitées dans leur montant et leur durée, même en tenant compte des engagements. Par conséquent, même si des formes plus directes d’aides étaient éventuellement susceptibles de constituer des aides plus importantes que des garanties, il ne ressort pas de la décision attaquée que l’aide liée aux garanties étatiques a, quant à elle, été limitée au minimum nécessaire pour la réalisation de l’objectif de réalisation du projet d’intérêt européen commun de liaison fixe. Troisièmement, il y a lieu de rappeler que l’aide est accordée au moment où la garantie est offerte, et non au moment où elle est mobilisée ou à celui où elle entraîne des paiements. Par conséquent, le fait que, jusqu’ici, aucune garantie n’a été actionnée est sans pertinence sur l’évaluation du caractère limité au minimum possible de l’aide contenue dans les garanties. En outre, une garantie peut néanmoins, être actionnée et entraîner une perte de revenus effective pour l’État d’autant plus importante que les garanties, en l’espèce, couvrent 100 % d’un montant d’emprunts dont la limite n’est pas connue.

192    Aucun des autres arguments de la Commission n’est à même d’infirmer ce constat.

193    D’abord, le fait que les requérantes ne démontrent pas qu’une entreprise aurait été capable de construire un projet d’infrastructure tel que celui visé en l’espèce en l’absence d’aide d’État n’est en tout état de cause pas pertinent, car il est relatif à la nécessité et au caractère incitatif de l’aide et non pas à sa proportionnalité.

194    Ensuite, même en tenant compte des engagements du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède, il ressort notamment des points 128, 129, 132, 134 à 137 ci-dessus que la Commission n’a pas suffisamment examiné quelle était la limite de l’aide contenue dans les garanties et, a fortiori, si cette dernière était limitée au minimum nécessaire pour la réalisation de l’objectif visé, alors que des prêts couverts à 100 % par ces garanties sont susceptibles d’être contractés sur une période s’étendant jusqu’à la fin de l’année 2040, sans indication de limite quant à leurs montants et à leurs durées de remboursement maximaux.

195    Il ne ressort donc pas de l’examen de la Commission que celle-ci disposait d’éléments suffisants pour affirmer, comme elle l’a fait, que l’aide contenue dans les garanties étatiques était limitée au minimum nécessaire à la réalisation de la liaison fixe.

196    Il ressort de ce qui précède que les requérantes ont démontré un examen insuffisant et incomplet en ce qui concernait la nécessité et la proportionnalité des aides en cause, révélateur de difficultés sérieuses qui auraient dû amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

197    Il convient donc d’accueillir le cinquième grief de la seconde branche.

198    Dans la mesure où, notamment aux considérants 129, 134 et 137 de la décision attaquée, la Commission a apprécié la limitation, la nécessité et la proportionnalité des aides fiscales danoises de la même manière que pour les garanties étatiques et a conclu que, appréciées « conjointement », les aides fiscales danoises et les garanties étatiques étaient nécessaires et proportionnées à l’objectif d’intérêt général poursuivi, il y a lieu de constater que les insuffisances d’examen constatées pour les garanties étatiques s’étendent aussi à l’examen de la compatibilité des aides fiscales danoises.

199    Par conséquent, il n’est plus nécessaire de se prononcer sur le septième grief, tiré d’un examen insuffisant de l’interdépendance des avantages relatifs aux garanties étatiques et aux aides fiscales danoises et de la pertinence du lien entre ces avantages fiscaux et le délai de remboursement des prêts du Consortium.

iii) Sur le sixième grief, relatif à l’absence d’examen des effets négatifs des aides accordées au Consortium sur la distorsion de la concurrence et sur l’affectation des échanges entre États membres et à l’absence de mise en balance des effets positifs et négatifs desdites aides

200    Dans le cadre du sixième grief, les requérantes invoquent, en substance, deux arguments. Premièrement, elles invoquent l’absence totale d’examen des effets négatifs des aides d’État accordées au Consortium sur la concurrence et les échanges entre États membres. Deuxièmement, elles font plus spécifiquement valoir l’absence de mise en balance des effets positifs desdites aides en termes de réalisation de l’objectif d’intérêt commun visé avec leurs effets négatifs sur la concurrence et les échanges entre États membres.

201    Selon les requérantes, la Commission s’est, à tort, concentrée, au considérant 129 de la décision attaquée, sur les effets qu’aurait eu le recours à d’autres formes d’aides sur le budget du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède, au lieu d’examiner les effets des aides en cause sur la concurrence et les échanges entre États membres. Elles soulignent que le critère dit de « mise en balance » des effets positifs de l’aide sur la réalisation du PIIEC avec les effets négatifs sur la concurrence et les échanges entre États membres était pourtant applicable en l’espèce, car il aurait été énoncé par le Tribunal dans l’arrêt du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission (T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140,point 283), et intégré dans presque toutes les lignes directrices depuis, y compris aux paragraphes 26 et 40 à 44 de la communication sur les PIIEC.

202    La Commission conteste cette argumentation et fait valoir, en substance, que le critère de mise en balance aurait pour origine le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, relatif aux aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques ou de certaines régions économiques, mais ne ferait pas partie des critères usuels pour l’examen de la compatibilité au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Bien que la communication sur les PIIEC mentionne le critère de mise en balance, la Commission estime qu’elle était inapplicable ratione temporisen l’espèce.

203    En premier lieu, par leur argumentation, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir analysé, dans le cadre de l’examen de compatibilité, les effets des aides en cause en termes de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges au sein de l’Union.

204    Il résulte de la jurisprudence que les appréciations économiques dans l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, au regard desquelles la Commission jouit d’un large pouvoir discrétionnaire, doivent être effectuées à l’échelle de l’Union, ce qui signifie que la Commission a l’obligation d’examiner l’impact d’une aide sur la concurrence et le commerce dans l’Union (voir arrêt du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140, point 282 et jurisprudence citée).

205    Il doit être rappelé que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, « [s]auf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». S’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE est d’interprétation stricte (voir arrêt du 9 avril 2014, Grèce/Commission, T‑150/12, non publié, EU:T:2014:191, point 146 et jurisprudence citée).

206    Or, il a également été jugé que la Commission jouissait d’un large pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE dont l’exercice impliquait des évaluations d’ordre économique et social qui devaient également être effectuées à l’échelle de l’Union (arrêt du 12 décembre 2014, Banco Privado Português et Massa Insolvente do Banco Privado Português/Commission, T‑487/11, EU:T:2014:1077, point 83).

207    Dès lors, la Commission a également l’obligation d’examiner l’impact d’une aide sur la concurrence et le commerce dans l’Union lors de ses appréciations économiques dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Cela est par ailleurs conforme à une jurisprudence constante (voir arrêt du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T‑447/93 à T‑449/93, EU:T:1995:130, points 136, 137, 141 et 142 et jurisprudence citée).

208    En l’espèce, il n’est pas contesté que la Commission n’a pas effectué cet examen. Au considérant 129 de la décision attaquée, la Commission a évalué les effets potentiels d’autres formes d’aides (injections de capital, prêts étatiques) sur le coût total du projet et sur les budgets du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède, mais, à aucun moment, n’a envisagé les effets des aides en cause sur la situation concurrentielle ou les échanges dans l’Union, dans le cadre de l’analyse de la compatibilité. Pourtant, les requérantes semblent s’être plaintes en particulier du fait que les aides en cause permettraient au Consortium de fixer le péage de la liaison fixe de manière artificiellement basse.

209    Dès lors, il y a lieu d’accueillir le sixième grief, en ce qu’il vise une absence d’examen des effets des aides accordées au Consortium sur la distorsion de concurrence et l’affectation des échanges entre États membres.

210    En deuxième lieu, s’agissant plus précisément de l’absence de mise en balance des effets positifs d’une aide avec ses effets négatifs, dans l’arrêt du 25 juin 1970, France/Commission (47/69, EU:C:1970:60, point 7), la Cour a jugé que, en vue d’apprécier si une aide altérait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, il était nécessaire d’examiner, notamment, s’il n’existait pas un déséquilibre entre, d’une part, les charges à subir par les entreprises intéressées et, d’autre part, les bénéfices résultant de l’attribution de l’aide en cause. Le Tribunal en a déduit qu’il incombait à la Commission, dans le cadre de son examen de l’impact d’une aide d’État, ainsi qu’elle l’avait d’ailleurs elle-même relevé dans son QuatorzièmeRapport sur la politique de concurrence (1984, p. 143, no 202), de mettre en balance les effets bénéfiques de l’aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d’une concurrence non faussée (arrêt du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140,points 282 et 283).

211    Bien qu’elle ait été exprimée dans le cadre d’une affaire relative à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, il convient de constater que la nécessité d’une telle « mise en balance » des effets positifs attendus en termes de réalisation des objectifs visés à l’article 107, paragraphe 3, sous a) à e), TFUE avec les effets négatifs d’une aide en termes de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges entre États membres n’est que l’expression du principe de proportionnalité et du principe d’interprétation stricte desdites exemptions visées à l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

212    En outre, s’il fallait permettre, ainsi que le suggère la Commission, qu’une telle mise en balance soit effectuée pour certaines exemptions prévues à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, mais pas pour d’autres, cela équivaudrait à reconnaître que, pour certains des objectifs visés par l’article 107, paragraphe 3, TFUE, une aide pourrait être déclarée compatible même si ses effets positifs en termes de réalisation des objectifs visés étaient moindres que ses effets négatifs en termes de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges. Une telle interprétation serait de nature à instaurer une asymétrie dans l’appréciation des diverses exemptions visées à l’article 107, paragraphe 3, TFUE, qui irait à l’encontre de l’effet utile des règles sur les aides d’État.

213    À titre surabondant, il convient d’observer que le fait que la communication sur les PIIEC mentionne ce critère, au paragraphe 26 et au point 4.2 intitulé « Prévention des distorsions indues de la concurrence et critère de mise en balance », démontre bien que la Commission elle-même le considère applicable pour l’appréciation de compatibilité effectuée au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Contrairement à ce qu’allègue la Commission, l’éventualité que la communication sur les PIIEC ne soit pas applicable ratione temporis n’est pas de nature à infirmer l’idée selon laquelle le critère de mise en balance est applicable ratione materiae aux aides visant à réaliser un PIIEC, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

214    Il convient donc de rejeter l’argument de la Commission selon lequel le critère de mise en balance ne serait pas applicable aux analyses effectuées au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

215    En l’espèce, la Commission fait valoir qu’il serait clair que les effets négatifs de l’aide en termes de concurrence se limitent à l’introduction d’un service qui se substitue aux services de transbordeurs ayant traditionnellement assuré la traversée du Sund, mais que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède auraient considéré qu’il était dans l’intérêt commun de l’Union d’avoir une meilleure liaison et que, dès lors, les effets positifs de l’aide contrebalançaient nettement les effets négatifs. Force est toutefois de constater qu’un tel raisonnement ne ressort nullement de la décision attaquée, ce qui traduit l’absence d’examen de la Commission à cet égard.

216    Dès lors, il convient également d’accueillir le sixième grief de la seconde branche, en ce qu’il vise l’absence de mise en balance des effets négatifs et positifs des aides en cause, une telle insuffisance étant révélatrice de difficultés sérieuses.

217    En conclusion, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité ratione temporisde la communication sur les garanties de 2008 et de la communication sur les PIIEC, il ressort de la seconde branche du quatrième moyen que l’examen de la compatibilité des aides d’État accordées au Consortium a été insuffisant et incomplet en ce que la Commission, premièrement, n’a pas vérifié l’existence de conditions de mobilisation des garanties étatiques, deuxièmement, n’était pas capable, à l’issue de son examen préliminaire, de déterminer l’élément d’aide contenue dans les garanties étatiques, troisièmement, n’a pas vérifié l’éventualité d’une aide au fonctionnement couvrant des coûts d’exploitation, quatrièmement, ne connaissait pas la limite de montant, ni la limite de durée précise des aides en cause, cinquièmement, n’était pas en possession de suffisamment d’éléments pour démontrer que l’aide liée aux garanties étatiques et l’aide liée aux aides fiscales danoises étaient limitées au minimum nécessaire pour la réalisation du PIIEC et, sixièmement, n’a pas examiné les effets des aides en cause sur la concurrence et les échanges entre États membres, ni effectué de mise en balance entre leurs effets négatifs et leurs effets positifs. Par conséquent, il convient de constater que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses quant au constat de compatibilité des aides d’État en cause, qui auraient dû l’obliger à ouvrir la procédure formelle d’examen.

c)      Conclusion sur le quatrième moyen relatif aux aides d’État octroyées au Consortium

218    Au vu des considérations qui précèdent, et notamment des points 81 à 83 et 217 ci-dessus, il convient de conclure qu’il existe un ensemble d’indices objectifs et concordants établissant que la Commission n’était pas en mesure, à la date d’adoption de la décision attaquée, de surmonter toutes les difficultés sérieuses identifiées en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2014, Ryanair/Commission, T‑512/11, non publié, EU:T:2014:989, point 106).

219    Dans ces circonstances, il appartenait à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, afin de recueillir tout élément pertinent pour la vérification des points contestés et de permettre aux requérantes et aux autres parties intéressées de présenter leurs observations dans le cadre de ladite procédure.

220    Partant, il y a lieu d’annuler, sur la base du quatrième moyen relatif à la violation des droits procéduraux des parties intéressées, la décision attaquée en tant qu’elle ne soulève pas d’objections à l’égard des garanties étatiques octroyées au Consortium par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède et des aides fiscales danoises accordées au Consortium.

221    Il convient de rappeler que les requérantes avaient également fait valoir des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation relatives à la qualification et à la compatibilité avec le marché intérieur des aides d’État accordées au Consortium, dans le cadre de leurs deux premiers moyens, ainsi qu’une violation de l’obligation de motivation s’agissant de l’analyse de leur qualification et de leur compatibilité, dans le cadre de leur cinquième moyen. Il ressort toutefois du point 220 ci-dessus qu’il n’est plus nécessaire d’examiner les arguments concernant les garanties étatiques et les aides fiscales danoises accordées au Consortium soulevés dans le cadre de ces moyens.

2.      Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent les mesures n’ayant pas été qualifiées d’aides d’État

222    Au point 6 intitulé « Conclusion » de la décision attaquée, en son troisième alinéa, la Commission a notamment constaté que le régime danois d’imposition commune, d’une part, et les mesures accordées aux sociétés mères du Consortium pour le financement des connexions intérieures ferroviaires en Suède et au Danemark, d’autre part, ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ces deux constats sont contestés par les requérantes dans le cadre de plusieurs de leurs moyens.

223    Le Tribunal considère qu’il y a lieu de commencer par examiner les mesures de soutien financier octroyées aux sociétés mères du Consortium.

a)      Sur les premier, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent les mesures de soutien financier accordées aux sociétés mères du Consortium

224    Dans le cadre de leur cinquième et de leur premier moyens, les requérantes remettent en cause, respectivement, la motivation et le bien-fondé de l’analyse de la Commission selon laquelle les mesures de soutien étatique en faveur des sociétés mères du Consortium pour la construction et l’exploitation des connexions intérieures ferroviaires avec les arrière-pays ne sont pas qualifiables d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes renvoient, en substance, aux erreurs manifestes d’appréciation dénoncées dans le premier moyen, faisant valoir que ces erreurs démontrent un examen insuffisant et incomplet, révélateur de difficultés sérieuses qui auraient dû obliger la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen. En réponse à une question du Tribunal, les requérantes ont précisé que leur argumentation ne visait que les connexions intérieures ferroviaires, à l’exclusion des connexions intérieures routières.

225    Il convient de relever que le Royaume de Danemark soulève l’absence de qualité pour agir des requérantes à l’encontre des mesures relatives au financement des connexions intérieures ferroviaires, au motif que les requérantes ne seraient pas actives sur un éventuel marché de la construction et de l’exploitation des connexions intérieures ferroviaires. Cela affecterait tant les moyens contestant le bien-fondé de cette partie de la décision attaquée consacrée auxdites connexions que le quatrième moyen relatif à la violation des droits procéduraux des parties intéressées.

226    Les requérantes soutiennent que cet argument du Royaume de Danemark est lui-même irrecevable et non fondé.

227    Bien que le Royaume de Danemark n’ait pas, en tant que partie intervenante au présent litige, qualité pour soulever une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du recours si celle-ci n’a pas été invoquée par la partie au soutien des conclusions de laquelle elle intervient (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, points 20 à 22, et du 13 avril 2011, Allemagne/Commission, T‑576/08, EU:T:2011:166, points 38 et 39), les conditions de recevabilité du recours sont d’ordre public et peuvent être examinées à tout moment d’office par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 23 et jurisprudence citée).

228    Selon la jurisprudence, il appartient également au Tribunal d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter au fond un recours sans statuer sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52).

229    En l’espèce, dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner les arguments invoqués par les requérantes en ce qui concerne les connexions intérieures ferroviaires, sans statuer préalablement sur la recevabilité du recours à cet égard, ces arguments ne permettant pas, au demeurant et pour les motifs exposés ci-après, de démontrer que la Commission a méconnu l’obligation de motivation ainsi que celle d’ouvrir la procédure formelle d’examen, ni qu’elle a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

230    Sur le fond, l’argumentation des requérantes dans le cadre du cinquième moyen relatif à la motivation, du quatrième moyen relatif à la violation des droits procéduraux et du premier moyen relatif au bien-fondé se divise, en substance, en deux parties, tirées, premièrement, du fait que la construction et l’exploitation des connexions intérieures ferroviaires constitueraient en réalité des activités économiques et, deuxièmement, du fait que les mesures en cause seraient en réalité susceptibles de distordre la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres.

1)      Sur l’existence d’une activité économique

231    Dans le cadre de leurs cinquième et premier moyens, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission n’a pas suffisamment motivé sa décision et a commis une erreur manifeste d’appréciation, en constatant que la construction et l’exploitation des connexions intérieures ferroviaires ne constituaient pas des activités économiques et que, par conséquent, les sociétés mères du Consortium ne devaient pas être considérées comme des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans le cadre de leur quatrième moyen, elles font valoir un examen insuffisant et incomplet à cet égard.

232    La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark et par le Royaume de Suède, estime que l’ensemble de cette argumentation est inopérante et infondée.

233    Il ressort du considérant 80 de la décision attaquée que la Commission ne s’est pas fondée sur le critère de la nature économique de l’activité de construction et d’exploitation des connexions intérieures ferroviaires pour exclure les mesures en cause du champ de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais sur le fait que les mesures examinées n’étaient, en tout état de cause, pas susceptibles de distordre la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres. En effet, elle a affirmé que, « même si SVEDAB et A/S Øresund devaient être considérées comme des entreprises en ce qui concern[ait] la planification, la construction et la gestion des [connexions intérieures ferroviaires], les mesures qu’elles [recevaient] pour financer ces activités n[’étaient] pas susceptibles de distordre la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres ». Ainsi, même s’il était fondé, ce grief ne permettrait pas d’annuler la décision attaquée.

234    Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier grief comme inopérant, tant dans le cadre du cinquième moyen que du quatrième et du premier moyens.

2)      Sur la distorsion de concurrence et l’affectation des échanges entre les États membres

235    Dans le cadre de leurs cinquième, quatrième et premier moyens, les requérantes contestent, en substance, le constat selon lequel les mesures de soutien aux sociétés mères du Consortium ne sont pas susceptibles de distordre la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres.

236    Dans le cadre de leur cinquième moyen, les requérantes font valoir une insuffisance de motivation de la décision attaquée, au considérant 80 de la décision attaquée, selon lequel « il n’existe aucune concurrence sur le marché de l’exploitation et de la gestion d[es] réseau[x] ferroviaire[s] nationa[ux] ». Les requérantes estiment que cette affirmation n’est pas étayée.

237    D’après le considérant 80 de la décision attaquée, « la gestion et l’exploitation du réseau national s’exerce[nt] dans des marchés nationaux, géographiquement fermés et séparés, qui ne sont pas soumis à la concurrence ». La Commission a déduit de ce constat qu’il n’y avait aucun risque que les mesures de soutien aux sociétés mères du Consortium distordent la concurrence s’agissant de la planification, de la construction et de la gestion des connexions intérieures ferroviaires et affectent les échanges entre États membres.

238    Il y a lieu de constater que cette affirmation, certes très succincte, expose cependant suffisamment les faits et les considérations juridiques pris en compte dans l’appréciation de la Commission et ne se contente pas de reprendre l’intitulé des critères de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dès lors, il y a lieu de rejeter toute insuffisance de motivation du considérant 80 de la décision attaquée, dans le cadre du cinquième moyen.

239    Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes renvoient aux erreurs manifestes d’appréciation soulevées dans le cadre de leur premier moyen, en ce que la Commission a conclu, au considérant 80 de la décision attaquée, que le soutien étatique aux sociétés mères du Consortium n’était pas susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres sur le marché de la construction, de la gestion et de l’exploitation des connexions intérieures ferroviaires. Selon elles, ces erreurs démontrent l’existence de difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de la qualification desdites mesures au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

240    C’est à l’aune de la jurisprudence mentionnée aux points 60 à 63 ci-dessus qu’il convient d’examiner l’argumentation des requérantes relative aux difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de la qualification desdites mesures au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

241    En outre, selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 111 et jurisprudence citée).

242    Conformément à la jurisprudence, la Commission est tenue non pas d’établir l’existence d’une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter lesdits échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 134 et jurisprudence citée).

243    En premier lieu, il convient d’examiner l’argument des requérantes selon lequel les mesures visées sont susceptibles d’affecter les échanges entre États membres et de distordre la concurrence du seul fait qu’elles placeraient les sociétés mères du Consortium dans une position plus favorable que celle de leurs concurrents, leur permettant de pénétrer plus facilement sur le marché d’un autre État membre dans lequel la gestion de l’infrastructure ferroviaire serait ouverte à la concurrence. Elles ajoutent qu’aucune règle statutaire n’empêcherait les sociétés mères du Consortium de s’engager dans d’autres activités.

244    La Commission ainsi que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède contestent cette analyse. Le Royaume de Danemark précise, concernant A/S Øresund, que cette société ne peut pas remplir d’autres missions, que ce soit au Danemark ou à l’étranger, que celles qui lui ont été confiées en vertu de la Lov om anlæg af fast forbindelse over Øresund (loi sur la construction de la liaison fixe à travers le Sund), du 19 août 1991, et ne peut donc pas offrir ses services sur d’autres marchés que ceux délimités par cette loi. De même, le Royaume de Suède fait valoir que l’objet de SVEDAB est restreint à la liaison fixe.

245    Il ressort des considérants 36, 39 et 74 à 77 de la décision attaquée qu’A/S Øresund et SVEDAB ont été mises en place afin de détenir chacune 50 % du Consortium et de planifier, construire et gérer les connexions intérieures. Elles sont propriétaires des connexions intérieures ferroviaires, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les requérantes. Elles ont délégué leur exploitation et leur gestion aux gestionnaires nationaux de l’infrastructure ferroviaire respectifs (en 1998 à Banedanmark, au Danemark, et en 1999 à Trafikverket, en Suède). Il est spécifié que les sociétés mères du Consortium n’exercent aucune autre activité.

246    L’article 6 de la loi sur la construction de la liaison fixe à travers le Sund prévoit la création d’A/S Øresund. Il en ressort que « [c]ette société préside, en qualité de maître de l’ouvrage, à la construction des [connexions intérieures routières et ferroviaires danoises] » et qu’elle « conclut un accord avec une société anonyme créée par l’État suédois afin de constituer le [C]onsortium qui présidera à la conception et aux autres préparatifs ainsi qu’au financement, à la construction et à l’exploitation de la liaison [fixe] à travers le Sund ». L’article 6, paragraphe 3, de la loi sur la construction de la liaison fixe à travers le Sund précise également que « [l]a société holding et ses filiales peuvent, sur une base commerciale, fournir des conseils en maîtrise d’ouvrage en ce qui concerne la liaison du Sund ». Il ne ressort pas de ces dispositions qu’A/S Øresund soit autorisée à effectuer d’autres missions que celles énumérées, qui sont expressément limitées au projet de liaison fixe du Sund, y compris pour d’éventuels conseils en maîtrise d’ouvrage.

247    En tout état de cause, le Royaume de Danemark souligne que l’article 6, paragraphe 3, de la loi sur la construction de la liaison fixe à travers le Sund a ensuite été abrogé et que, aux termes de l’article 5 de la Lov no 588 om Sund og Bælt Holding A/S (loi no 588 relative à Sund & Bælt Holding A/S), du 24 juin 2005, qui le remplace, c’est une autre société, Sund og Bælt Partner A/S, qui peut fournir des conseils de maîtrise d’ouvrage à A/S Øresund sur une base commerciale.

248    Concernant SVEDAB, l’article 3 de ses statuts précise ce qui suit :

« [L]’objet de l’activité de la société sera de, directement ou indirectement par l’intermédiaire d’un consortium – détenir, administrer, exploiter et entretenir a) une liaison fixe traversant le Sund destinée au trafic ferroviaire et routier entre Copenhague et Malmö, financée par des péages, ci-après la liaison du Sund, comprenant également les domaines et les infrastructures nécessaires à la collecte des péages, aux procédures douanières et au contrôle des passeports, et b) les connexions ferroviaires et routières nécessaires jusqu’au pont de l’Øresund à partir du réseau ferroviaire et routier suédois existant, ainsi que de détenir et d’administrer des parts dans des entreprises ayant des activités au sein de l’infrastructure et d’exercer des activités qui y sont liées. »

249    Par conséquent, l’activité de SVEDAB, même par l’intermédiaire de la détention de capital dans d’autres entreprises, est expressément limitée à l’infrastructure de la liaison fixe du Sund. En outre, selon le Royaume de Suède, un élargissement de l’activité de SVEDAB exigerait son approbation, ce qui n’est pas contesté par les requérantes.

250    Il y a lieu de constater, à cet égard, que l’affirmation des requérantes selon laquelle aucune règle statutaire n’empêcherait les sociétés mères du Consortium de s’engager dans d’autres activités n’est pas étayée.

251    En outre, il convient de rappeler que les sociétés mères du Consortium ont délégué la gestion des connexions intérieures ferroviaires à leurs gestionnaires de réseaux nationaux respectifs.

252    Il ressort de ce qui précède que, même dans l’hypothèse où la gestion de l’infrastructure ferroviaire serait effectivement ouverte à la concurrence dans d’autres États membres, les sociétés mères du Consortium ne seraient pas susceptibles de pénétrer un tel marché à l’étranger.

253    En second lieu, il convient de rappeler qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’une aide accordée par un État membre renforce la position de certaines entreprises par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes, que les entreprises bénéficiaires participent elles-mêmes aux échanges dans l’Union. En effet, lorsqu’un État membre octroie une aide à des entreprises, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 67 et jurisprudence citée). Dans ce cadre, il convient d’examiner si la Commission a rencontré des difficultés sérieuses en affirmant, au considérant 80 de la décision attaquée, qu’il « n’y a[vait] pas de concurrence sur le marché de l’exploitation et la gestion du réseau national ferroviaire » au Danemark et en Suède.

254    À cet égard, dans la mesure où les sociétés mères du Consortium sont cantonnées aux missions relatives aux connexions intérieures de la liaison fixe, il y aurait même lieu de rechercher si, en augmentant la capacité desdites sociétés, les États danois et suédois empêchaient l’entrée de concurrents sur le marché sur lequel ces sociétés étaient actives, soit, en l’occurrence, sur les seuls tronçons relatifs aux connexions intérieures danoises et suédoises de la liaison fixe.

255    Aux considérants 76 et 77 de la décision attaquée, la Commission mentionne que les sociétés mères du Consortium sont propriétaires des connexions intérieures danoises et suédoises, mais que Banedanmark et Trafikverket sont les gestionnaires des infrastructures. Il est précisé que Banedanmark exerce toutes les tâches relatives à la gestion de l’infrastructure du rail, y compris la régulation de la capacité et du trafic et les mesures de sécurité, et qu’il couvre les coûts qui y sont relatifs, par exemple les coûts de maintenance et de réinvestissement. Il ressort, en substance, de la décision attaquée que Banedanmark et Travikverket versent, respectivement, à A/S Øresund et à SVEDAB une redevance au titre de l’utilisation du réseau par les entreprises de transport ferroviaires. Au considérant 78 de la décision attaquée, il est précisé que les connexions intérieures font partie intégrante de l’infrastructure de transport dans chaque pays. Au considérant 80 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que, « étant donné la nature du réseau national ferroviaire dans les deux États membres, il n’exist[ait] pas de concurrence sur le marché de l’exploitation et de la gestion de[s] réseau[x] ferroviaire[s] nationa[ux] ». Dès lors, le soutien financier public accordé à aux sociétés mères du Consortium pour le financement de la planification, de la construction et de la gestion des connexions intérieures ferroviaires n’a pas été considéré comme susceptible de distordre la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres.

256    À titre liminaire, la Commission, en réponse à une question du Tribunal, a précisé que, dans la décision attaquée, les termes « gestion » et « exploitation » du réseau ferroviaire n’étaient pas complètement alignés sur la terminologie de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, établissant un espace ferroviaire unique européen (refonte) (JO 2012, L 343, p. 32), cette dernière ne fournissant pas de définition de l’« exploitation » de l’infrastructure ferroviaire. Dans la décision attaquée, la Commission aurait utilisé les termes « gestion » et « exploitation » de l’infrastructure aux fins de mettre en évidence l’activité de mise à disposition des entreprises ferroviaires du réseau en contrepartie d’une redevance. Selon la Commission, les fonctions essentielles d’un gestionnaire d’infrastructures telles que décrites à l’article 7 de la directive 2012/34 peuvent être considérées comme recouvrant l’« exploitation » du réseau au sens de la décision attaquée.

257    Toujours à titre liminaire, il y a lieu de souligner que les parties ne contestent pas que les directives européennes de libéralisation du secteur ferroviaire n’ont pas imposé aux États membres une obligation d’ouvrir à la concurrence la gestion de l’infrastructure ferroviaire elle-même. Selon le considérant 71 de la directive 2012/34, « l’infrastructure ferroviaire est un monopole naturel ».

258    Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2012/34, d’une part, un « gestionnaire de l’infrastructure » est défini comme « toute entité ou entreprise chargée notamment de l’établissement, de la gestion et de l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, y compris la gestion du trafic, et du système de signalisation et de contrôle-commande » et, d’autre part, « les fonctions de gestionnaire de l’infrastructure sur tout ou partie d’un réseau peuvent être attribuées à plusieurs entités ou entreprises ».

259    En outre, aux termes de l’article 7 de la directive 2012/34, relatif à l’indépendance des fonctions essentielles du gestionnaire de l’infrastructure :

« 1. Les États membres veillent à ce que les fonctions essentielles en vue de garantir un accès équitable et non discriminatoire à l’infrastructure soient confiées à des entités ou entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire.

Les fonctions essentielles [du gestionnaire de l’infrastructure] sont :

–        l’adoption des décisions concernant la répartition des sillons, y compris la définition et l’évaluation de la disponibilité, ainsi que l’attribution de sillons individuels ; et

–        l’adoption des décisions concernant la tarification de l’infrastructure, y compris la détermination et le recouvrement des redevances […] ».

260    Il est précisé à l’article 7, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2012/34 que « les États membres peuvent toutefois confier aux entreprises ferroviaires ou à toute autre entité la responsabilité de contribuer au développement de l’infrastructure ferroviaire, par exemple par l’investissement, l’entretien et le financement ».

261    Pour les besoins de l’espèce, mis à part pour la description des arguments des parties, il sera donc fait référence uniquement à la « gestion » du réseau ferroviaire, terme qui devra être compris comme englobant la tarification de l’infrastructure aux entreprises ferroviaires, c’est-à-dire l’« exploitation » de l’infrastructure au sens de la décision attaquée.

262    À l’appui de la thèse selon laquelle la gestion ou l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire seraient ouvertes à la concurrence au Danemark et en Suède, les requérantes font valoir, en substance, trois types d’arguments. Premièrement, il existerait des licences pour gérer, exploiter et entretenir l’infrastructure ferroviaire dans ces deux États. Deuxièmement, Banedanmark lui-même aurait remporté le droit d’exploiter les connexions intérieures ferroviaires danoises à la suite d’une mise en concurrence avec d’autres opérateurs. Troisièmement, certains opérateurs provenant d’autres États membres se livreraient à une vive concurrence lors d’appels d’offres organisés pour l’exploitation et l’entretien de l’infrastructure ferroviaire danoise et suédoise. En Suède, ce serait l’administration suédoise des transports, soit Trafikverket, qui organiserait de tels appels d’offres pour l’exploitation et l’entretien des voies ferrées.

263    La Commission ainsi que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède contestent cette argumentation et soulignent que les requérantes font une confusion entre des marchés distincts, à savoir l’exploitation et la gestion de l’infrastructure ferroviaire, d’une part, et l’entretien dudit réseau, d’autre part. Or, seul le marché de l’entretien du réseau pour le compte du propriétaire ou du gestionnaire du réseau ferré étatique serait ouvert à la concurrence.

264    Le Royaume de Danemark conteste également l’affirmation selon laquelle Banedanmark aurait actuellement une branche dénommée « Banedanmark Entreprise » qui exercerait des activités d’exploitation du réseau en concurrence avec d’autres entreprises. Banedanmark aurait une division « Production » qui assure l’entretien général de l’infrastructure ferroviaire gérée par Banedanmark et cette division pourrait effectuer des tâches d’entretien pour d’autres clients. L’ouverture de l’entretien du réseau ferroviaire à la concurrence serait toutefois sans pertinence, étant donné qu’A/S Øresund n’opère pas et n’a jamais opéré sur ce marché. Depuis le 1er septembre 2015, la responsabilité et les coûts d’entretien des connexions intérieures ferroviaires auraient été retransférés de Banedanmark à A/S Øresund, sans pour autant que cette dernière puisse proposer des services d’entretien à autrui, car elle est uniquement chargée de l’entretien de sa propre infrastructure ferroviaire, avec une possibilité de sous-traiter une telle mission.

265    En l’espèce, comme le font valoir la Commission ainsi que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, il ressort de l’ensemble de l’argumentation des requérantes que celles-ci opèrent une confusion entre des marchés distincts, à savoir la gestion de l’infrastructure ferroviaire, d’une part, et l’entretien de ladite infrastructure, d’autre part.

266    Si l’entretien semble faire partie des missions non essentielles du gestionnaire d’infrastructures, aux termes de la définition figurant au point 258 ci-dessus lue en combinaison avec l’article 7 de la directive 2012/34, il y a lieu de relever que cela n’est pas contradictoire avec le fait que l’entretien puisse constituer un marché distinct de la gestion proprement dite, pour lequel un gestionnaire d’infrastructures peut organiser des appels d’offres ouverts à la concurrence.

267    À titre liminaire, il y a lieu de constater que la propriété des connexions intérieures ferroviaires danoises est régie par l’article 1er, paragraphe 3, de la loi no 588 relative à Sund & Bælt Holding A/S, qui l’a en effet confiée à A/S Øresund, à l’exclusion de toute autre entreprise. De même, SVEDAB est propriétaire des connexions intérieures ferroviaires suédoises. Cela n’est pas contesté par les requérantes.

268    Premièrement, il y a lieu de souligner que les requérantes ne remettent pas en cause l’existence, constatée aux considérants 36, 39 et 76 de la décision attaquée, d’une délégation de la gestion des connexions intérieures ferroviaires danoises et suédoises à Banedanmark en 1998 et à Travikverket en 1999. En outre, c’est le législateur qui a confié à Banedanmark, qui est un service du ministère des Transports et de la construction, la gestion de l’infrastructure ferroviaire étatique, y compris de l’infrastructure ferroviaire située sur les connexions intérieures de la liaison fixe. Cela ressort, notamment, de :

–        l’article 4, paragraphe 1, de la loi no 588 relative à Sund & Bælt Holding A/S ;

–        l’article 2, paragraphe 1, du Bekendtgørelse no 1222 om Banedanmarks opgaver og beføjelser (règlement no 1222 sur les fonctions et les pouvoirs de Banedanmark), du 21 novembre 2014 ;

–        l’article 16, paragraphes 1 et 2, de la Jernbanelov no 686 (loi no 686 sur les chemins de fer), du 27 mai 2015, selon lequel « Banedanmark est le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire de l’État » et selon lequel « exception faite de l’entretien et du réinvestissement, Banedanmark est gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire pour […] les installations de raccordement ferroviaires danoises à l’infrastructure fixe à travers le Sund (le chemin à Kastrup et le chemin à Vigerslev) ».

269    Par conséquent, l’allégation des requérantes selon laquelle Banedanmark aurait « remporté » la gestion de l’infrastructure ferroviaire située sur les connexions intérieures aux termes d’une mise en concurrence apparaît erronée.

270    Deuxièmement, les communiqués de presse produits par les requérantes en vue de démontrer que Banedanmark aurait perdu ou remporté des appels d’offres en concurrence avec d’autres entreprises mentionnent des travaux de « reconstruction », d’« amélioration » et de « renouvellement » de lignes de chemin de fer et ne concernent donc manifestement pas la gestion de l’infrastructure proprement dite, mais plutôt l’entretien, ainsi que les requérantes le reconnaissent, d’ailleurs, au point 50 de la requête, où elles évoquent la « rude concurrence » à laquelle serait confrontée Banedanmark Entreprise « pour obtenir des contrats d’entretien de l’infrastructure ferroviaire ».

271    Troisièmement, ainsi que le soulignent la Commission et le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, le fait que, tant au Danemark qu’en Suède, les entreprises qui remplissent certaines conditions puissent obtenir une licence ou une autorisation pour gérer l’infrastructure ferroviaire ne signifie pas qu’il existe une concurrence « sur » ou « pour » la gestion des principaux réseaux ferroviaires nationaux. Il s’agit de deux questions distinctes.

272    Quatrièmement, il y a lieu de constater que les requérantes ne démontrent pas que les sociétés citées dans la requête, soit InfraNord, Strukton, Intratrek et VR Track soient effectivement actives en ce qui concerne la gestion de l’infrastructure ferroviaire proprement dite, ni qu’elles exercent d’autres activités que l’entretien de certaines parties de l’infrastructure ferroviaire, y compris, d’ailleurs, de la liaison fixe.

273    Or, l’éventualité que les sociétés mentionnées au point 272 ci-dessus réalisent l’entretien de certaines parties du réseau ferroviaire danois ou suédois à l’issue d’une mise en concurrence par appel d’offres n’est pas de nature à démontrer que la gestion de l’infrastructure ferroviaire danoise en tant que telle et, a fortiori, celle des connexions intérieures ferroviaires depuis la liaison fixe, serait ouverte à la concurrence. Les requérantes ne démontrent pas non plus que les autres entreprises qu’elles citent (A-Train AB et Inlandsbanen AB), qui sont, d’après la Commission, des entreprises ferroviaires régionales en Suède dont l’activité principale est la fourniture de prestations de transport de marchandises ou de voyageurs par chemin de fer, exercent une activité de gestion de certaines parties du réseau.

274    Cinquièmement, s’agissant de la plainte de VR Track auprès de l’autorité de la concurrence suédoise, il y a lieu de constater que, dans la décision de ladite autorité, VR Track y est décrite comme une « entreprise ferroviaire », et non comme un gestionnaire d’infrastructures, et Infranord comme une « entreprise étatique qui fait de la maintenance de tous types d’installations et planifie et met en œuvre toutes formes de projets de nouvelles constructions et de remodelage en relation avec le rail ». En tout état de cause, aucune conclusion ne peut être tirée de cette décision dans la mesure où l’autorité de la concurrence suédoise a conclu que, « à ce stade, [elle] n’[avait] pas eu l’opportunité de prendre position sur le marché pertinent concerné par les contrats ». Enfin, il y a lieu de constater que les appels d’offres ne portaient pas sur les connexions intérieures ferroviaires avec la liaison fixe.Quant à la pièce n30 annexée à la requête, il ne s’agit que d’une brève description de l’activité de VR Track extraite du site Internet de cette société. Il suffit de constater que la rédaction de ce type de sites Internet, à visée essentiellement commerciale, n’est pas de nature à fonder une appréciation juridique claire de la nature des activités d’une entreprise.

275    Sixièmement, concernant l’argument des requérantes, soulevé dans la réplique, selon lequel, étant donné que la Commission a conclu que les aides accordées au Consortium étaient quant à elles susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres, d’une part, et qu’il s’agissait d’un projet intégré, d’autre part, l’aide accordée pour les connexions intérieures ferroviaires affecterait aussi les échanges et la concurrence, il suffit de constater que, aux termes de cette argumentation, c’est le marché du transport à travers le Sund, correspondant au marché sur lequel seul le Consortium est actif, qui se verrait affecté, et non pas celui de la gestion des connexions intérieures ferroviaires entre la liaison fixe et les arrière-pays.

276    Il ressort de ce qui précède que les requérantes n’ont pas mis en évidence des insuffisances d’examen ou des difficultés sérieuses s’agissant du constat selon lequel la gestion des réseaux ferroviaires danois et suédois, et en particulier celle des connexions intérieures ferroviaires avec la liaison fixe, n’est pas ouverte à la concurrence. Il convient donc de rejeter ces arguments, dans le cadre du quatrième moyen.

277    Par conséquent, aucune d’erreur d’appréciation n’ayant non plus été démontrée, il convient également de rejeter ces arguments dans le cadre du premier moyen.

b)      Sur les deuxième et quatrième moyens, en ce qu’ils visent le régime danois d’imposition commune

278    Les requérantes font valoir, dans le cadre de leur deuxième moyen, que la Commission a conclu à tort que le régime d’imposition commune ne constituait pas une aide d’État. Ellesfont ensuite valoir, dans le cadre de leur quatrième moyen, un examen insuffisant, en ce que la Commission n’a pas tenu compte des effets d’optimisation du régime danois d’imposition commune sur la distorsion de concurrence résultant des aides fiscales danoises accordées au Consortium.

279    La Commission conteste l’ensemble de cette argumentation.

280    En l’espèce, aux considérants 104 et 108 de la décision attaquée, la Commission a estimé, s’agissant du régime d’imposition commune, qu’il s’agissait du régime obligatoire applicable à toute entreprise danoise appartenant à un groupe et que cela ne concernait pas spécifiquement le Consortium. Elle en a conclu que le régime d’imposition commune ne constituait pas un avantage sélectif en faveur du Consortium et, donc, ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

281    Force est de constater que les requérantes n’apportent aucun argument dans leurs écritures susceptible de démontrer que ce régime n’est applicable qu’au groupe auquel appartient le Consortium, à l’exclusion des autres groupes au Danemark. Dès lors, le constat selon lequel l’avantage relatif à ce régime d’imposition commune n’est pas sélectif et ne constitue donc pas une aide d’État n’est pas infirmé. Étant donné que le régime d’imposition commune ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’argumentation selon laquelle ce régime « optimiserait » les avantages découlant des règles fiscales spéciales danoises est, par conséquent, inopérante.

282    Il ressort de ce qui précède qu’il n’existait aucune difficulté sérieuse, ni aucune erreur de droit ou erreur d’appréciation, à l’égard du régime d’imposition commune. Dès lors, cette argumentation doit être rejetée dans le cadre des quatrième et deuxième moyens.

3.      Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent l’absence de prise en compte de l’effet cumulatif de l’ensemble des mesures d’aides

283    Dans le cadre de leur cinquième moyen, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné la possibilité pour le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède d’accorder des prêts d’État au Consortium et aux sociétés mères du Consortium et de ne pas avoir indiqué les raisons pour lesquelles elle n’avait pas fait cet examen.

284    Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes invoquent, en substance, les arguments soulevés dans le cadre de leur deuxième moyen concernant le bien-fondé de la décision attaquée. Elles font valoir que la Commission a refusé de vérifier, à tort, au considérant 56 de la décision attaquée, l’effet cumulatif de l’ensemble des aides octroyées pour les mêmes coûts admissibles du projet de liaison fixe. Elles font valoir que la Commission n’a pas vérifié l’effet cumulatif entre les aides octroyées directement au Consortium, qui sont examinées dans la décision attaquée, soit les garanties étatiques et les aides fiscales danoises, et des mesures d’aides supplémentaires octroyées directement au Consortium ou indirectement par le biais d’aides octroyées aux sociétés mères du Consortium ou à Sund & Bælt, rendant impossible l’appréciation correcte de la nécessité et de la proportionnalité des garanties étatiques et des aides fiscales danoises. Ces mesures supplémentaires auraient pourtant été portées à l’attention de la Commission par HH Ferries dans ses observations des 17 juin et 9 septembre 2014. Les requérantes soulignent que rien n’empêchait la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen afin d’apprécier correctement la compatibilité des mesures d’aides en cause.

285    HH Ferries aurait notamment informé la Commission, dans ses observations des 17 juin et 9 septembre 2014, de l’existence des aides danoises supplémentaires suivantes :

–        prêts d’État accordés au Consortium et à A/S Øresund en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la loi sur la construction de la liaison fixe à travers le Sund ;

–        garanties d’État illimitées accordées à A/S Øresund, notamment pour obtenir des prêts afin d’injecter du capital dans le Consortium, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la loi sur la construction de la liaison fixe à travers le Sund ;

–        garanties d’État accordées à Sund & Bælt en vertu de la loi no 588 relative à Sund & Bælt Holding A/S afin d’obtenir des prêts garantis par l’État danois pour injecter du capital dans la société A/S Øresund ; selon les requérantes, ces garanties bénéficient non seulement à A/S Øresund, mais également au Consortium.

286    S’agissant des aides suédoises supplémentaires, HH Ferries aurait également informé la Commission de l’existence, notamment, d’une garantie protégeant le capital social de SVEDAB. Il ressort de sa plainte complémentaire de septembre 2014 qu’elle a également attiré l’attention de la Commission sur des prêts étatiques à SVEDAB et sur d’autres mesures.

287    La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conteste l’ensemble de cette argumentation et, en particulier, l’existence de prêts étatiques et même la possibilité d’octroyer de tels prêts au Consortium.

288    Au considérant 49 de la décision attaquée, la Commission a circonscrit sa décision au financement public de la liaison fixe et des connexions intérieures avec les arrière-pays. La Commission a expressément limité son examen aux mesures suivantes :

–        les garanties étatiques concernant le Consortium (considérants 50 à 53 de la décision attaquée) ;

–        les aides fiscales danoises suivantes :

–        la dépréciation des actifs applicable au Consortium [considérant 54, sous a), de la décision attaquée] ;

–        le report en avant des pertes applicable au Consortium [considérant 54, sous b), de la décision attaquée] ;

–        le régime d’imposition commune [considérant 54, sous c), de la décision attaquée] ;

–        les mesures de soutien financier octroyées aux sociétés mères du Consortium pour le financement de la planification, de la construction et de l’exploitation des connexions intérieures routières et ferroviaires (considérant 55 de la décision attaquée).

289    La Commission a précisé, au considérant 56 de la décision attaquée, que sa décision ne couvrait pas « [d’] autres mesures d’aides d’État éventuelles accordées au Consortium, à A/S Øresund, à [SVEDAB], à [Sund & Bælt] ou à quelque société liée ».

290    S’agissant d’éventuelles mesures d’aides additionnelles accordées au Consortium, telles que d’éventuels prêts d’État, qui ne font pas partie du champ d’application de la décision attaquée, il y a lieu de souligner qu’il n’existe aucun principe général obligeant la Commission, en toutes circonstances, à apprécier la compatibilité de toutes les mesures d’aides pour les mêmes coûts admissibles d’un projet, de manière cumulative. L’article 8 du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JO 2014, L 187, p. 1), invoqué à l’appui de l’argumentation des requérantes, même s’il devait être considéré comme applicable au cas d’espèce, prévoit des règles permettant de cumuler, notamment, des aides portant sur les mêmes coûts admissibles, sous réserve que ce cumul ne dépasse pas une certaine intensité d’aides ou un certain montant, définis dans le règlement no 651/2014, mais uniquement aux fins de pouvoir les exempter de notification. Il en est de même, en substance, s’agissant des lignes directrices invoquées, à savoir les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (JO 2014, C 200, p. 1) et les lignes directrices concernant les aides à finalité régionale pour la période 2014-2020 (JO 2013, C 209, p. 1). Il n’existait donc pas, a fortiori, d’obligation de motivation particulière à cet égard. Par conséquent, la compatibilité d’éventuelles aides additionnelles qui seraient octroyées au Consortium en vue de financer les mêmes coûts que ceux examinés dans la décision attaquée pourra, le cas échéant, faire l’objet d’une décision ultérieure de la Commission. Ainsi que le souligne la Commission, une telle décision ultérieure devra tenir compte des aides octroyées pour les mêmes coûts et examinées dans une première décision devenue définitive. Toutefois, une telle décision ultérieure ne sera pas de nature à affecter les constats éventuels de compatibilité concernant les aides initialement examinées dans une première décision.

291    S’agissant des mesures de soutien financier aux sociétés mères du Consortium, y compris des prêts d’État, il y a lieu de constater qu’elles ont été dûment examinées dans la décision attaquée en ce qu’elles permettaient de mener à bien leurs missions relatives aux connexions intérieures avec les arrière-pays. À cet égard, la Commission a énuméré leurs diverses formes aux considérants 35 à 40 de la décision attaquée. Il s’agissait, pour A/S Øresund, d’une injection de capital initiale par l’intermédiaire de Sund & Bælt, de garanties étatiques, de prêts d’État et de mesures fiscales constituées de mesures de report en avant des pertes et de dépréciation des actifs (considérants 36 à 38, ce dernier renvoyant aux considérants 40 à 47 de la décision attaquée). Il s’agissait, pour SVEDAB, d’injections de capital initiales, de prêts d’État, d’une garantie de crédit et d’une garantie dite « d’adéquation du capital » (considérants 39 et 40 de la décision attaquée). La plupart de ces mesures avaient été dénoncées dans les observations des requérantes des 17 juin et 9 septembre 2014.

292    Or, toutes ces mesures ont été considérées à bon droit comme n’étant pas constitutives d’aides d’État au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où les sociétés mères du Consortium exerçaient des activités qui n’étaient pas ouvertes à la concurrence, ce qui exclut tout risque d’affectation des échanges et de distorsion de concurrence (voir points 276 et 277 ci-dessus). Par conséquent, c’est à tort que les requérantes font valoir un examen insuffisant. En outre, la décision attaquée expose suffisamment les faits et les considérations juridiques pris en compte dans l’appréciation de la Commission et a permis aux intéressés de connaître les justifications du raisonnement de la Commission et au juge de l’Union d’exercer son contrôle concernant les mesures de soutien octroyées aux sociétés mères du Consortium, notamment concernant des prêts d’État.

293    S’agissant d’éventuelles garanties d’État accordées à Sund & Belt pour injecter du capital dans la société A/S Øresund, il suffit de constater que, dans l’hypothèse où elles existeraient et n’auraient pas été examinées, de telles mesures pourraient toujours faire l’objet d’une décision ultérieure de la Commission. En tout état de cause, dans la mesure où ces mesures favorisent l’activité d’A/S Øresund, il convient de rappeler que cette dernière n’est pas active dans un secteur ouvert à la concurrence et qu’une telle mesure ne serait pas susceptible de constituer une aide d’État.

294    S’agissant plus spécifiquement de garanties d’État accordées à A/S Øresund pour obtenir des prêts afin d’injecter du capital dans le Consortium en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la loi sur la construction de la liaison fixe à travers le Sund (voir point 285, deuxième tiret, ci-dessus), la Commission a confirmé, en réponse à une question écrite du Tribunal, qu’elle n’avait pas explicitement considéré cette éventualité dans la décision attaquée. Il y a donc lieu de constater que cette éventualité n’est pas couverte par la décision attaquée, mais pourrait faire l’objet d’une décision ultérieure de la Commission.

295    S’agissant des allégations selon lesquelles, en substance, le financement des sociétés mères du Consortium examiné dans la décision attaquée bénéficierait indirectement à l’activité du Consortium au motif que les connexions intérieures font partie du projet de liaison fixe, il convient de les rejeter. Il y a lieu de constater, ainsi que le font valoir le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, que les connexions intérieures routières et ferroviaires font également partie intégrante des réseaux routiers et ferroviaires de chaque pays et peuvent aussi être utilisées en tant que telles, sans passer nécessairement par la liaison fixe. En outre, il n’est pas contesté par les requérantes que, en l’espèce, c’est le Consortium qui supporte in fine la charge du financement desdites connexions, puisqu’il reverse sous la forme de dividendes aux sociétés mères une partie des revenus issus des péages et des redevances ferroviaires de la liaison fixe. Enfin, les mêmes appréciations pourraient être faites concernant les connexions de transport reliant les ports d’activité des requérantes au reste des réseaux de transport nationaux.

296    Par conséquent, il y a lieu d’écarter les quatrième, deuxième et cinquième moyens s’agissant de la prise en compte de l’effet cumulatif de l’ensemble des aides directes ou indirectes octroyées au Consortium relatives au projet de liaison fixe.

4.      Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent les constats relatifs à la confiance légitime

297    Au considérant 138, dernière phrase, et aux considérants 140 à 153 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’existence d’une confiance légitime du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède ainsi que du Consortium dans le fait que les aides accordées à ce dernier ne seraient pas remises en question par la Commission, même dans l’hypothèse où elles devraient être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur. Cette appréciation est contestée par les requérantes dans le cadre de leurs troisième, quatrième et cinquième moyens visant, respectivement, le bien-fondé de l’analyse, la violation des droits procéduraux des parties intéressées et l’obligation de motivation de la Commission. L’argumentation peut se diviser, en substance, en deux parties visant, premièrement, les constats effectués par la Commission pour la période antérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), et deuxièmement, les constats effectués pour la période postérieure audit arrêt.

298    Il y a lieu de commencer par examiner l’appréciation relative à la période antérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), qui n’a été contestée que dans le cadre du troisième moyen relatif au bien-fondé de la décision attaquée.

a)      Sur le troisième moyen, visant le constat de l’existence d’une confiance légitime concernant la période antérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T128/98)

299    Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérantes font valoir des erreurs de droit commises aux considérants 138 et 140 à 153 de la décision attaquée.

300    La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, fait valoir, en substance, que de tels arguments sont inopérants, dans la mesure où la partie de sa décision consacrée à l’existence d’une confiance légitime serait surabondante et ne soutiendrait pas le dispositif de la décision attaquée. En tout état de cause, elle estime qu’ils sont infondés.

301    Le dispositif de la décision attaquée conclut notamment à la compatibilité avec le marché intérieur des aides d’État accordées au Consortium. Aux considérants 138 et 140 à 153 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, dans l’hypothèse inverse, dans laquelle les aides d’État accordées au Consortium devraient néanmoins être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur, il existait, au regard des circonstances particulières de l’espèce, une confiance légitime du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède ainsi que du Consortium, susceptible de faire obstacle à une éventuelle récupération de l’aide pour la période antérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290).

302    Or, il ressort des points 98, 114, 117, 137 à 139, 167, 197, 198, 209 et 216 ci-dessus que la décision attaquée doit être annulée en ce qu’elle a constaté la compatibilité des mesures d’aides à l’issue de l’examen préliminaire, sans ouvrir la procédure formelle d’examen. Dès lors, le Tribunal estime opportun d’examiner l’argumentation visant le bien-fondé du constat de l’existence d’une confiance légitime dans l’hypothèse où ces aides devraient néanmoins être considérées comme incompatibles.

303    Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 :

« En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée “décision de récupération”). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit [de l’Union]. »

304    Le principe de protection de la confiance légitime est un principe général de droit de l’Union (arrêt du 3 mai 1978, Töpfer/Commission, 112/77, EU:C:1978:94, point 19) qui confère des droits aux particuliers (arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 15).

305    Conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable dans le chef duquel une institution de l’Union a fait naître chez lui des espérances fondées [voir arrêt du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, EU:C:1987:121, point 44 et jurisprudence citée].

306    Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, EU:T:2005:265, point 102 et jurisprudence citée ; arrêts du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 77, et du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, EU:T:2009:227, point 126).

307    Selon la jurisprudence, en matière de récupération des aides d’État, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides d’État opéré par la Commission, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 59).Il y a lieu de constater que cette jurisprudence énonce un principe, quipeut donc connaître des exceptions.

308    La Commission a estimé, en substance, aux considérants 138 et 140 à 153 de la décision attaquée que, même dans l’hypothèse où les mesures d’aide concernées devraient être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur, elles ne pourraient pas faire l’objet d’une récupération par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède, au motif qu’une récupération serait contraire à un principe général de droit de l’Union, conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. La Commission a pris en compte les « circonstances hautement spécifiques » décrites aux considérants 144 à 152 de la décision attaquée. Ces circonstances sont, notamment, et en substance, les suivantes :

–        le fait que, en 1992 et avant l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), il ressortait clairement de la pratique décisionnelle de la Commission et de ses diverses lignes directrices et communications que la construction et l’exploitation d’infrastructures de transport ne constituaient pas des activités économiques ;

–        l’existence d’une politique générale de la Commission à l’égard de mesures de financement de la construction et de l’exploitation d’infrastructures définitivement adoptées avant l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), selon laquelle les autorités publiques pouvaient légitimement estimer que de telles mesures ne constituaient pas une aide d’État et ne nécessitaient pas une notification à la Commission ; la Commission fait notamment référence aux paragraphes 28 et 29 des lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes du 4 avril 2014 (JO 2014, C 99, p. 3) ;

–        le fait que les services de la Commission avaient eux-mêmes déclaré au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède, dans les lettres du 27 octobre 1995, que la construction et l’exploitation de la liaison fixe à travers le Sund ne constituaient pas une activité économique et que les garanties étatiques ne constituaient donc pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ;

–        le fait que la Commission avait été dûment informée de l’existence des garanties étatiques par le Consortium en 1995, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur du règlement no 659/1999 et du règlement no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 659/1999 (JO 2004, L 140, p. 1), introduisant de nouvelles formalités pour les notifications d’aides d’État ;

–        l’existence d’un financement de l’Union au titre des projets TEN‑T démontrant que la Commission était dûment informée de la mise en œuvre des garanties étatiques.

309    Les lettres de la Commission du 27 octobre 1995, signées par le directeur général de la direction générale (DG) des transports, doivent être considérées comme émanant de « sources autorisées et fiables » au sens de la jurisprudence citée au point 306 ci-dessus. Ces lettres sont rédigées comme suit :

« […] La construction et l’exploitation relèvent de la responsabilité du [Consortium] […]

Les coûts de financement, conception, préparation, construction et exploitation seront couverts entièrement par un péage spécial sur les utilisateurs […]

Le [Royaume de] Danemark et [le Royaume de] Suède garantissent conjointement et solidairement les obligations découlant des emprunts du [C]onsortium et d’autres instruments financiers pour le financement du projet. La garantie est fournie sans contrepartie au Consortium.

Après avoir examiné les accords conclus par le [Royaume de Danemark et le Royaume de Suède] s’agissant de la [liaison fixe], les services de la Commission sont d’avis que la garantie est attachée à un projet d’infrastructure d’intérêt public, améliorant l’infrastructure et les services de transport des pays. Garantir un investissement dans des biens publics ne peut pas, en principe, être considéré comme une aide d’État au sens de l’article 92, paragraphe 1, [CE] : les gouvernements fournissant de tels biens et services publics en raison de défaillance du système de marché à fournir ces biens de manière efficace. Ces biens ont tendance à être indivisibles et consommables collectivement par tous les citoyens, que ces derniers paient ou non pour eux.

Un bien public tel que le présent projet d’infrastructure garanti par les deux gouvernements bénéficie à la société collectivement. Étant donné qu’il n’est pas accordé à une entreprise ou une industrie spécifique, il ne tombe pas dans le champ de l’article 92, paragraphe 1, [CE], mais constitue une mesure générale de politique économique et de planification territoriale.

Par conséquent, et sur la base de l’information à disposition, les services de la direction générale des transports considèrent que la garantie émise par [les gouvernements] pour la construction de la [liaison fixe] ne tombe pas dans le champ de l’article 92, paragraphe 1, [CE] et, conformément [au deuxième paragraphe, in fine de] la lettre [SG(89) D/4328] du 5 avril 1989 envoyée aux États membres, ne doit pas être notifiée à la Commission. »

310    Le contenu de ces lettres est précis, ne pose pas de condition préalable et fournit des justifications concordantes selon lesquelles les garanties étatiques accordées au Consortium ne doivent pas être considérées comme des aides d’État. Ces lettres étaient donc de nature à conférer à leurs destinataires des « assurances précises, inconditionnelles et concordantes », au sens de la jurisprudence visée au point 306 ci-dessus, de nature à faire naître une attente légitime sur le fait que les mesures d’aides accordées au Consortium ne rentraient pas dans le champ de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et ne devaient donc pas être notifiées. Enfin, il y a également lieu de constater que les assurances données étaient conformes à l’état de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence concernant la notion d’activité économique qui existait avant l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290) (voir point 316 ci-après).

311    Par la suite, la jurisprudence issue de l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), a reconnu, dès l’année 2000, que les gestionnaires d’aéroports exerçaient en principe une activité économique au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, laquelle tombait sous le coup des dispositions relatives aux aides d’État, ce qui a été confirmé par l’arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission (T‑196/04, EU:T:2008:585, point 88). Le juge de l’Union a déjà eu l’occasion d’affirmer que la Commission se devait de prendre en compte cette évolution et cette interprétation et que c’était sans commettre d’erreur qu’elle avait estimé que, à partir de l’année 2000, il n’y avait plus lieu, a priori, d’exclure l’application aux aéroports des dispositions relatives aux aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 106). Ce raisonnement est transposable au cas d’espèce.

312    Il y a lieu de souligner que, dans les circonstances de l’espèce, une confiance légitime a été conférée au Royaume de Danemark et au Royaume de Suède, destinataires des lettres du 27 octobre 1995, mais également au Consortium, bénéficiaire des aides d’État, dans la mesure où, d’une part, c’est lui qui a adressé une lettre à la Commission, le 1er août 1995 lui demandant de confirmer que les garanties étatiques ne constituaient pas des aides d’État et où, d’autre part, il était une filiale à 100 % de sociétés appartenant aux deux États concernés.

313    Il convient d’ajouter que les lettres du 27 octobre 1995 pouvaient conférer une confiance légitime également en ce qui concernait les aides fiscales danoises et la phase d’exploitation de la liaison fixe, contrairement à ce qu’allèguent les requérantesdans la mesure où c’était l’activité du Consortium, à savoir, selon les termes mêmes des lettres du 27 octobre 1995, « la construction et l’exploitation » de la liaison fixe, qui échappait au champ d’application des règles sur les aides d’État. Le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède,comme le Consortium, ont donc pu interpréter les lettres du 27 octobre 1995 en ce sens que toutes mesures de soutien étatique au Consortium, même non spécifiées dans lesdites lettres, échappaient de ce fait aux règles sur les aides d’État.

314    Aucun des arguments des requérantes n’est susceptible d’infirmer ce constat.

315    Les requérantes font valoir, premièrement, qu’avant l’année 2000, il n’existait pas une pratique décisionnelle constante de la Commission suggérant que l’exploitation commerciale d’une infrastructure ne constituait pas une activité économique, au sens de l’article 107 TFUE.

316    Au considérant 144 de la décision attaquée, la Commission a souligné à bon droit, en substance, qu’en 1992 sa position était de ne pas considérer la construction et l’exploitation d’infrastructures publiques comme des activités économiques. D’ailleurs, les décisions de la Commission citées par les requérantes à l’appui de l’argumentation contraire ne sont pas antérieures aux lettres du 27 octobre 1995. En tout état de cause, il convient de rappeler que le juge de l’Union a déjà eu l’occasion de constater que la Commission avait considéré, par le passé, en 1994, que la réalisation de projets d’infrastructures constituait une mesure de politique générale qu’elle ne pouvait contrôler au titre des règles du traité CE relatives aux aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 103).

317    Deuxièmement, les lettres de la Commission du 27 octobre 1995 ne constitueraient pas une décision formelle d’approbation. Toutefois, il ressort des points 309 et 310 ci-dessus que ces lettres remplissaient les trois conditions cumulatives pour conférer à leurs destinataires et au Consortium une confiance légitime dans le fait qu’il n’était pas nécessaire de notifier formellement les mesures d’aides accordées au Consortium. Dès lors, le fait que ces lettres ne constituent pas une décision formelle d’approbation est sans pertinence.

318    Troisièmement, un seul arrêt aurait admis dans le passé l’existence d’une confiance légitime (arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, EU:C:1987:502), mais la présente affaire serait différente. Un tel argument est sans pertinence, dans la mesure où les conditions relatives au principe de protection de la confiance légitime sont remplies dans le cas d’espèce.

319    Quatrièmement, contrairement à ce qu’avancerait la Commission, au considérant 151 de la décision attaquée, le fait que la liaison fixe ait été approuvée à titre de projet TEN-T en 1994 par le Conseil européen et ait obtenu un financement de l’Union serait sans pertinence au regard de l’appréciation de la qualification et de la compatibilité des garanties étatiques.

320    Il y a lieu de constater que cet argument est inopérant dans la mesure où l’élément essentiel établissant l’existence d’une confiance légitime dans le fait que les mesures d’aides accordées au Consortium ne constituaient pas une aide d’État réside dans les lettres du 27 octobre 1995 de la Commission. L’existence d’un financement TEN-T n’a été mentionnée qu’à titre surabondant dans la décision attaquée.

321    Cinquièmement, les requérantes contestent le droit pour le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède de se prévaloir de la confiance légitime du Consortium aux fins de se décharger de leur obligation de notifier une aide d’État au regard de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. En l’espèce, il ressort de ce qui précède que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède avaient eux-mêmes des raisons valables d’avoir une confiance légitime dans le fait qu’ils ne devaient pas notifier les garanties étatiques, étant destinataires des lettres du 27 octobre 1995.

322    Dès lors, en tout état de cause, il convient de rejeter le troisième moyen en ce qu’il vise le constat selon lequel le Consortium ainsi que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède pouvaient réclamer le bénéfice d’une confiance légitime faisant obstacle à une récupération, dans l’hypothèse où les aides accordées au Consortium devraient être considérées comme incompatibles avec le marché intérieur, pour la période précédant l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290).

b)      Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, visant l’analyse concernant la période postérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T128/98)

323    Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérantes reprochent à la Commission, en substance, un raisonnement circulaire formulé aux considérants 138 et 153 de la décision attaquée. Elles considèrent également que cette contradiction révèle des difficultés sérieuses, qu’elles invoquent dans le cadre de leur quatrième moyen, et une insuffisance de motivation, qu’elles invoquent dans le cadre de leur cinquième moyen.

324    La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, fait valoir que cette argumentation est inopérante. Elle souligne que le considérant 138 de la décision attaquée conclut clairement que les mesures en cause sont compatibles avec le marché intérieur et que cette conclusion est indépendante de la question de savoir si le Consortium ainsi que le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède peuvent invoquer une confiance légitime. Étant donné que sa conclusion, au considérant 153 de la décision attaquée, selon laquelle les aides accordées au Consortium sont compatibles avec le marché intérieur est correcte, il serait en effet inutile se prononcer sur la durée de cette confiance légitime.

325    En l’espèce, le considérant 138 de la décision attaquée se lit comme suit :

« [L]a Commission considère que les mesures examinées sont compatibles avec le marché intérieur au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), [TFUE]. En tout état de cause, même à supposer que les mesures d’aides en cause soient incompatibles avec le marché intérieur, elles ne seraient pas récupérées par les États membres concernés pour les raisons exposées dans la section suivante […] »

326    La section suivante est intitulée « Confiance légitime » et comprend les considérants 140 à 153 de la décision attaquée. Au considérant 153 de la décision attaquée, la Commission a conclu que « [le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ainsi que] le Consortium pouvaient avoir une confiance légitime dans le fait qu[’elle] ne remettrait pas en question les garanties étatiques et les mesures fiscales sur la base des règles sur les aides d’État [et qu’i]l n’[était] pas nécessaire de déterminer si la confiance légitime s’étend[ait] au-delà de l’arrêt du Tribunal Aéroport de Paris jusqu’à aujourd’hui ou même jusqu’au moment dans le futur auquel le Consortium aura[it] repayé l’intégralité de sa dette, puisqu[’elle] consid[érait] que les garanties étatiques et les bénéfices fiscaux [étaient], en tout état de cause, compatibles avec le marché intérieur ».

327    Force est de constater que le raisonnement de la Commission concernant la période postérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T‑128/98, EU:T:2000:290), énoncé à la dernière phrase, commençant par « en tout état de cause », du considérant 138 (et non à la première phrase comme le prétend la Commission), et au considérant 153 de la décision attaquée, apparaît comme étant circulaire et aboutit à ce que la Commission ne se prononce finalement pas, pour cette période, sur l’application du principe de protection de la confiance légitime « même à supposer que les mesures d’aides en cause soient incompatibles avec le marché intérieur ».

328    Toutefois, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère opérant des arguments soulevés en l’espèce, il suffit de constater que, étant donné que le considérant 153 de la décision attaquée (voir point 326 ci-dessus) est fondé sur le constat de la compatibilité des aides accordées au Consortium, constat qui doit être annulé en tant qu’il figure dans la décision attaquée, au regard des points 217 et 220 ci-dessus, il n’y a plus lieu de se prononcer sur cette argumentation.

 Sur les dépens

329    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé pour l’essentiel des conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par les requérantes.

330    Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2014) 7358 final de la Commission européenne, du 15 octobre 2014, est annulée en ce qu’elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des aides fiscales relatives à la dépréciation des actifs et au report en avant des pertes octroyées à Øresundsbro Konsortiet par le Royaume de Danemark et des garanties octroyées à Øresundsbro Konsortiet par le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par HH Ferries I/S, HH Ferries Helsingor ApS et HH Ferries Helsingborg AB.

4)      Le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède supporteront leurs propres dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Les requérantes

B. Le bénéficiaire

C. La liaison fixe, les connexions intérieures avec les arrière-pays et les mesures concernées

D. Procédure administrative

E. Décision attaquée

1. Existence d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

2. Qualification d’aide nouvelle ou existante

3. Examen de la compatibilité des aides d’État au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE

4. Confiance légitime

5. Conclusion

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

B. Sur le fond

1. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits procéduraux des parties intéressées, en ce qu’il vise les mesures qualifiées d’aides d’État accordées au Consortium

a) Sur la première branche, tirée de l’examen insuffisant et incomplet de la qualification des garanties étatiques octroyées au Consortium au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

b) Sur la seconde branche, tirée de l’examen insuffisant et incomplet de la compatibilité des aides d’État octroyées au Consortium au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE

1) Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de vérification de l’existence de conditions de mobilisation des garanties

2) Sur le troisième grief, tiré de l’appréciation insuffisante et incomplète de la distinction entre la construction et l’exploitation de la liaison fixe et de l’absence d’appréciation de la compatibilité des garanties étatiques au regard de l’exploitation de la liaison fixe, et sur le quatrième grief de la première branche, tiré de l’appréciation insuffisante et incomplète de la question de savoir si les garanties étatiques étaient limitées au financement de la liaison fixe

3) Sur le quatrième grief, tiré de l’examen insuffisant et incomplet du caractère limité, dans le temps et leur montant, des garanties étatiques ainsi que des aides fiscales danoises octroyées au Consortium

4) Sur les premier, cinquième et sixième griefs, tirés de l’examen insuffisant et incomplet, respectivement, de la quantification de l’élément d’aide compris dans les garanties étatiques, de la nécessité et de la proportionnalité des mesures d’aides et, enfin, du critère dit de « mise en balance »

i) Sur le premier grief, relatif à la détermination de l’élément d’aide contenu dans les garanties étatiques

ii) Sur le cinquième grief, relatif à la nécessité et à la proportionnalité des aides d’État

iii) Sur le sixième grief, relatif à l’absence d’examen des effets négatifs des aides accordées au Consortium sur la distorsion de la concurrence et sur l’affectation des échanges entre États membres et à l’absence de mise en balance des effets positifs et négatifs desdites aides

c) Conclusion sur le quatrième moyen relatif aux aides d’État octroyées au Consortium

2. Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent les mesures n’ayant pas été qualifiées d’aides d’État

a) Sur les premier, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent les mesures de soutien financier accordées aux sociétés mères du Consortium

1) Sur l’existence d’une activité économique

2) Sur la distorsion de concurrence et l’affectation des échanges entre les États membres

b) Sur les deuxième et quatrième moyens, en ce qu’ils visent le régime danois d’imposition commune

3. Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent l’absence de prise en compte de l’effet cumulatif de l’ensemble des mesures d’aides

4. Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, en ce qu’ils visent les constats relatifs à la confiance légitime

a) Sur le troisième moyen, visant le constat de l’existence d’une confiance légitime concernant la période antérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T128/98)

b) Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, visant l’analyse concernant la période postérieure à l’arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission (T128/98)

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.