Language of document : ECLI:EU:T:2019:771

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 octobre 2019 (*)

« Recours en annulation – Politique économique et monétaire – Demande de compensation – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement – Procédure de résolution – Dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Annulation partielle – Indissociabilité – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑557/17,

Carmen Liaño Reig, demeurant à Alcobendas (Espagne), représentée par Me F. López Antón, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mes B. Meyring, S. Schelo, F. Málaga Diéguez, F. Fernández de Trocóniz Robles, T. Klupsch, M. Bettermann, S. Ianc et M. Rickert, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision SRB/EES/2017/08 du CRU, du 7 juin 2017, concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA, en ce que cette disposition prévoit la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 identifiés par l’International Securities Identification Number (numéro international d’identification des valeurs mobilières, ISIN) XS 0550098569 en nouvelles actions de Banco Popular Español, ainsi que de la valorisation provisoire effectuée par l’expert indépendant et de la valorisation provisoire effectuée par le CRU et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 266 TFUE et tendant à la compensation, consécutive à l’annulation, de la perte prétendument subie du fait de cette conversion,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Carmen Liaño Reig, était propriétaire d’un bon de valeur nominale de 50 000 euros émis par BPE Financiaciones, SA, identifié par l’International Securities Identification Number (numéro international d’identification des valeurs mobilières, ISIN) XS 0550098569, avant l’adoption d’un dispositif de de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular »).

2        Le 7 juin 2017, le Conseil de résolution unique (CRU) a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après la « décision de résolution »), sur le fondement du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

3        Préalablement à l’adoption de la décision de résolution, une valorisation de Banco Popular a été réalisée conformément à l’article 20 du règlement no 806/2014. Cette valorisation comprend deux rapports qui sont annexés à la décision de résolution. Le premier rapport de valorisation (ci-après la « valorisation 1 »), daté du 5 juin 2017, a été rédigé par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 et avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient réunies. Le deuxième rapport de valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), daté du 6 juin 2017, a été rédigé par un expert indépendant, à savoir le cabinet Deloitte, en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer ce que constituent des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

4        Dans l’article 5, paragraphe 1, de la décision de résolution, le CRU a décidé que :

« l’instrument de résolution appliqué à Banco Popular consistera en une cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur. La dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres seront effectuées immédiatement avant l’application de l’instrument de cession des activités. »

5        L’article 6 de la décision de résolution concerne la dépréciation des instruments de fonds propres et l’instrument de cession des activités. Dans le paragraphe 1 de cet article, le CRU a indiqué quelles mesures il avait décidées en application de son pouvoir de dépréciation prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014.

6        Ainsi, dans l’article 6, paragraphe 1, de la décision de résolution, le CRU a décidé :

a)       d’abord, de déprécier le montant nominal du capital social de la Banco Popular d’un montant de 2 098 429 046 euros, ce qui conduira à l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular ;

b)       ensuite, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions I » ;

c)      ensuite, de déprécier à zéro la valeur nominale des « nouvelles actions I » ce qui conduira à l’annulation de 100 % de ces « nouvelles actions I »,

d)      enfin, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions II ». Les instruments de fonds propres de catégorie 2 concernés sont convertis en « nouvelles actions II ».

7        L’article 6, paragraphe 3, de la décision de résolution prévoit que ces mesures de dépréciation et de conversion sont fondées sur la valorisation 2, corroborée par les résultats d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires).

8        Dans l’article 6, paragraphe 5, de la décision de résolution, le CRU a indiqué qu’il exerçait les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, relatif à l’instrument de cession des activités et ordonnait que les « nouvelles actions II » soient transférées à Banco Santander, SA, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat de 1 euro. Il est précisé que l’acquéreur a déjà consenti au transfert.

9        Le 7 juin 2017, la Commission européenne a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p.15).

10      Le même jour, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la décision de résolution, conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014. Dans ce cadre, le FROB a donné son accord au transfert des nouvelles actions de Banco Popular issues de la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 à Banco Santander.

11      Le 28 septembre 2018, à la suite d’une fusion par absorption, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 août 2017, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 octobre 2017, Banco Santander a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du CRU.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 novembre 2017, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du CRU.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 décembre 2017, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du CRU.

16      Le 14 février 2018, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité le CRU à produire certains documents. Le CRU a répondu à cette demande dans le délai imparti.

17      Le 6 juillet 2018, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

18      Le 17 mai 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties relatives à la recevabilité du présent recours. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision de résolution, en ce que cette disposition prévoit la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 identifiés par l’ISIN XS 0550098569 en nouvelles actions de Banco Popular ;

–        annuler la valorisation 1 ;

–        annuler la valorisation 2 ;

–        condamner le CRU à l’indemniser, en conséquence de l’annulation de l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision de résolution, de la perte prétendument subie du fait de cette conversion.

20      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      En vertu de l’article 129 du règlement de procédure, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public. En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

22      La requérante fait valoir que, dans l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision de résolution, le CRU a décidé de convertir les instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular en « nouvelles actions II ». Parmi les instruments de fonds propres de catégorie 2 énumérés dans ce point figurent des instruments identifiés par l’ISIN XS 0550098569, dont la requérante était propriétaire à hauteur de 50 000 euros. Elle indique que, à la suite de cette conversion et du transfert des « nouvelles actions II » à Banco Santander, elle n’a reçu aucune compensation.

23      Par son recours la requérante demande, premièrement, l’annulation de l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision de résolution en ce qu’il prévoit la conversion des bons subordonnés émis par BPE Financiaciones, identifiés par l’ISIN XS 0550098569, en nouvelles actions de Banco Popular, deuxièmement, l’annulation des valorisations 1 et 2 et, troisièmement, une compensation sur le fondement de l’article 266 TFUE de la perte prétendument subie du fait de cette conversion.

 Sur la demande dannulation partielle de la décision de résolution

24      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation partielle de la décision de résolution en tant que le CRU a décidé, dans l’article 6, paragraphe 1, sous d), de cette décision, de convertir les instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par BPE Financiaciones, identifiés par l’ISIN XS 0550098569, dont elle était titulaire. Elle a réaffirmé dans la réplique qu’elle ne contestait pas la décision de résolution dans son intégralité.

25      S’agissant des conditions d’une annulation partielle d’un acte de l’Union européenne, il résulte d’une jurisprudence constante qu’une telle annulation n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte. La Cour a itérativement jugé qu’il n’est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci. En ce qui concerne la vérification du caractère détachable des dispositions contestées, celle-ci suppose l’examen de la portée desdites dispositions, afin de pouvoir évaluer si leur annulation modifierait l’esprit et la substance de la décision attaquée (voir arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Conseil, C‑425/13, EU:C:2015:483, point 94 et jurisprudence citée, et ordonnance du 1er février 2016, SolarWorld e.a./Conseil, T‑142/14, non publiée, EU:T:2016:68, points 48, 49 et 51 et jurisprudence citée).

26      En outre, selon la jurisprudence, dans la mesure où le Tribunal est saisi d’une demande d’annulation partielle d’une décision, il importe de vérifier si une telle annulation partielle est possible. Dans l’éventualité où cela ne serait pas le cas, le recours devra être rejeté comme étant irrecevable, le Tribunal ne pouvant prononcer la nullité d’un acte dans son entièreté, s’il a seulement été saisi d’une demande de nullité partielle, sauf à statuer ultra petita (ordonnance du 1er décembre 2015, Banco Espírito Santo/Commission, T‑814/14, non publiée, EU:T:2015:936, point 24).

27      En l’espèce, il convient donc d’examiner si la disposition de la décision de résolution dont l’annulation est demandée, à savoir, la disposition prévoyant la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 détenus par la requérante, est détachable de l’ensemble du dispositif de résolution de Banco Popular.

28      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante reconnaît que les titres qu’elle détenait, émis par BPE Financiaciones, étaient des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular.

29      L’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision de résolution contient un tableau identifiant par leur numéro ISIN les instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular devant être dépréciés et convertis en « nouvelles actions II ». Les instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular dont la requérante était titulaire sont identifiés par l’ISIN XS 0550098569 à la ligne 4 de ce tableau.

30      Il ressort de l’article 6 de la décision de résolution que la dépréciation du montant nominal du capital social de Banco Popular et l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular, ainsi que la dépréciation et la conversion de tous les instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 et la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2, constituaient un préalable à la mise en œuvre de l’instrument de cession des activités. En particulier, le transfert des « nouvelles actions II » à Banco Santander au prix de un euro supposait au préalable la conversion de tous les instruments de fonds propres de catégorie 2 en « nouvelles actions II ».

31      Comme l’indique l’article 6, paragraphe 3, de la décision de résolution, ces mesures de dépréciation et de conversion sont fondées sur la valorisation 2, corroborée par les résultats d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par le FROB.

32      À cet égard, d’une part, l’article 6, paragraphe 4, de la décision de résolution prévoit :

« La valorisation informe le CRU, qu’au regard de l’évaluateur indépendant, l’estimation prudente des capitaux propres ajustés de Banco Popular est un montant négatif de 8,2 milliards. Il ressort de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 qu’un tel montant, incluant les coussins, doit être déterminant. Cependant, au regard de l’offre reçue de l’acheteur et en conformité avec les principes prévus à l’article 15 du règlement no 806/2014, notamment l’article 15, paragraphe 2, le CRU s’est abstenu d’ordonner d’autres mesures en plus de celles qui sont énoncées ici.

Le montant implicite des ajustements requis est égal au montant agrégé de tous les éléments de fonds propres de base de catégorie 1 de Banco Popular incluant son bilan et de tout le montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 et des instruments de fonds propres de catégorie 2. En conséquence, il est nécessaire et approprié que tous ces éléments et instruments, respectivement, soient, avec effet économique, dépréciés à zéro ou convertis (article 21, paragraphe 11, du règlement no 806/2014) de la manière décrite ci-dessus pour absorber les ajustements implicites selon l’évaluation. »

33      D’autre part, l’instrument de cession des activités s’appuie sur l’offre d’un tiers d’acquérir les titres de propriété pertinents ou tous les actifs, droits et engagements de l’établissement soumis à une procédure de résolution. En l’espèce, comme indiqué à l’article 6, paragraphe 7, de la décision de résolution, le transfert des « nouvelles actions II » de Banco Popular était basé sur l’offre ferme soumise par Banco Santander le 7 juin 2017. L’article 6, paragraphe 8, de la décision de résolution prévoit que le transfert s’effectuera en une seule étape, aux conditions énoncées dans l’offre ferme de l’acquéreur, et que, avant le transfert, le FROB conclura une convention de vente et d’achat d’actions avec l’acquéreur.

34      Comme le relève le CRU, dans son offre, Banco Santander proposait d’acheter les actions de Banco Popular pour le prix de un euro, ce qui supposait notamment la conversion de 100 % des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular dont les numéros ISIN figurent en annexe de annexe 2 de la lettre de procédure du FROB du 6 juin 2017.

35      Il s’ensuit que la conversion de l’ensemble des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular était un préalable nécessaire à la réalisation de la vente à Banco Santander. Cette vente n’aurait pu avoir lieu dans les mêmes conditions si certains des instruments de fonds propres de catégorie 2 en circulation à la date de la décision de résolution n’avaient pas été convertis. L’annulation de la conversion de seulement certains de ces instruments serait donc de nature à modifier la substance de la décision de résolution.

36      Il en ressort que la disposition dont la requérante demande l’annulation, à savoir la décision de convertir les instruments de fonds propres de catégorie 2 identifiés par l’ISIN XS 0550098569 à la ligne 4 du tableau figurant l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision de résolution, n’est pas détachable de l’ensemble de la décision de résolution.

37      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

38      Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 17 mai 2019, la requérante fait valoir que la résolution de Banco Popular aurait pu être effectuée dans les mêmes conditions si les titres qu’elle détenait n’avaient pas été convertis en actions de Banco Popular.

39      À cet égard, elle soutient, premièrement, que la finalité de l’application de l’instrument de cession des activités de Banco Popular à Banco Santander était la transmission à Banco Santander de la totalité des actions représentatives du capital social de Banco Popular, indépendamment du montant de ce capital social et du nombre d’actions le composant. La requérante considère que, si les titres qu’elle détenait n’avaient pas été convertis en actions de Banco Popular, le nombre d’actions de Banco Popular transmises à Banco Santander ou le montant du capital social représenté par ces actions aurait pu être modifié. Selon elle, ces actions auraient encore représenté le capital social total de Banco Popular ce qui aurait permis une application de l’instrument de cession des activités conforme à l’article 24 du règlement no 806/2014.

40      Il suffit de constater que cet argument de la requérante repose sur un raisonnement illogique. En effet, si les titres qu’elle détenait n’avaient pas été convertis en « nouvelles actions II », il serait alors impossible de considérer que la totalité du capital social de Banco Popular aurait été transféré à Banco Santander.

41      Deuxièmement, la requérante soutient que le montant des titres qu’elle détenait n’était pas significatif au regard de l’ensemble des instruments de fonds propres de Banco Popular qui ont été dépréciés et convertis et encore moins au regard du passif total exigible de Banco Popular. Elle considère que, dès lors, si les titres qu’elle détenait n’avaient pas été convertis en actions de Banco Popular, le transfert de la totalité des actions à Banco Santander aurait pu se faire dans les mêmes conditions. Elle relève que, d’un point de vue économique, les objectifs de la résolution auraient pu être atteints même si les titres qu’elle détenait n’avaient pas été convertis en actions de Banco Popular, en raison de leur faible montant par rapport au montant total des instruments de fonds propres de Banco Popular dépréciés et convertis.

42      Il suffit de constater que le fait que les titres détenus par la requérante ne représentaient qu’un faible montant est indifférent dans la mesure où l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion préalablement au transfert devait porter sur la totalité des instruments de fonds propres de Banco Popular.

43      Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’article 21, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 prévoit un ordre de priorité des créances et distingue, à cet égard, différentes catégories de créanciers, les détenteurs d’instruments de fonds propres de base de catégorie 1, les détenteurs d’instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 et les détenteurs d’instruments de fonds propres de catégorie 2. L’article 15, paragraphe 1, sous f), du règlement no 806/2014 prévoit que les créanciers d’une même catégorie sont traités sur un pied d’égalité.

44      Les détenteurs d’instruments de fonds propres de catégorie 2 d’un établissement constituent dès lors une catégorie de créanciers qui doivent être traités de la même manière dans le cadre de l’exercice par le CRU de son pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres, prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014.

45      Ce principe général régissant la résolution serait remis en cause s’il était possible d’annuler uniquement la décision de résolution en ce qu’elle prévoit la conversion de certains instruments de fonds propres de catégorie 2.

46      Il y a donc lieu de considérer que le respect du principe d’égalité entre tous les créanciers de même catégorie, prévu à l’article 15, paragraphe 1, sous f), du règlement no 806/2014, s’oppose également à l’annulation de la conversion de seulement certains instruments de fonds propres de catégorie 2.

47      Cette conclusion est confortée par la jurisprudence de la Cour selon laquelle tout acte de l’Union doit être interprété en conformité avec l’ensemble du droit primaire, y compris en accord avec le principe d’égalité de traitement (arrêt du 7 septembre 2017, Bossen e.a., C‑559/16, EU:C:2017:644, point 19). Celui-ci constitue un principe général du droit de l’Union, désormais consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, point 55, et avis 1/17, du 30 avril 2019, EU:C:2019:341, point 176).

48      Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 17 mai 2019, la requérante fait valoir que la non-conversion des titres émis par BPE Financiaciones qu’elle détenait est compatible avec le respect du principe d’égalité de traitement entre les créanciers appartenant à une même catégorie. Elle soutient qu’il existe une différence objective entre les titres qu’elle détenait et les autres instruments de fonds propres de catégorie 2 ayant été convertis. Cette différence résiderait dans le fait que les titres qu’elle détenait n’avaient pas été émis par Banco Popular, mais par BPE Financiaciones, et que cette entité émettrice ne remplissait pas les conditions pour faire l’objet d’une résolution.

49      À cet égard, il convient de relever que l’article 63, sous n), du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1) inclut dans la définition des instruments de fonds propres de catégorie 2 « les instruments [qui] ne sont pas directement émis par un établissement ». En outre, les documents annexés par le CRU au mémoire en défense attestent que les titres émis par BPE Financiaciones constituent des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular, ce que la requérante ne conteste pas.

50      Ainsi, la décision de résolution a décidé la conversion des instruments émis par BPE Financiaciones dans la mesure où ils constituaient des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular.

51      L’argument de la requérante procède d’une confusion. En effet, les pouvoirs de conversion et de dépréciation, prévus à l’article 21 du règlement no 806/2014, sont exercés à l’égard des instruments de fonds propres de l’entité faisant l’objet de la résolution, à savoir, en l’espèce, Banco Popular. Or, le fait que ces instruments aient été émis par une filiale entièrement détenue par Banco Popular ne signifie pas que l’entité qui a émis les instruments est l’objet du dispositif de résolution et n’est pas de nature à établir une différence de situation avec les autres instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular.

52      Il ressort de ce qui précède que la demande d’annulation partielle de la décision de résolution en tant que le CRU a décidé, dans l’article 6, paragraphe 1, sous d), de cette décision, de convertir les instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par BPE Financiaciones, identifiés par l’ISIN XS 0550098569, dont la requérante était titulaire, est irrecevable.

 Sur la demande dannulation des valorisations 1 et 2

53      Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante demande l’annulation des valorisations 1 et 2.

54      À cet égard, il suffit de relever que l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014 prévoit ce qui suit :

« La valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres. La valorisation elle-même ne fait pas l’objet d’un droit de recours distinct, mais peut faire l’objet d’un recours visant aussi la décision prise par le CRU. »

55      La demande d’annulation partielle de la décision de résolution ayant été rejetée comme irrecevable, la demande d’annulation des valorisations 1et 2 doit également être déclarée irrecevable.

 Sur la demande de compensation

56      Par son quatrième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, dans l’hypothèse où sa demande d’annulation serait accueillie, de condamner le CRU à l’indemniser pour la perte subie sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, du règlement no 806/2014. Elle fixe la perte subie à la somme de 50 000 euros, correspondant à la valeur nominale des titres qu’elle détenait, émis par BPE Financiaciones, à la date d’échéance du 22 octobre 2020.

57      À titre subsidiaire, la requérante demande également au Tribunal de condamner le CRU à l’indemniser d’un montant équivalent à celui qu’elle aurait perçu si BPE Financiaciones avait été liquidée à la date de la décision de résolution dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité ou d’un montant proportionnel à celui qui lui reviendrait si tous les titres subordonnés émis par Banco Popular, existant à la date de la décision de résolution et qui n’ont pas été convertis en actions, avaient été convertis.

58      Il convient de relever que l’article 87, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 prévoit :

« En ce qui concerne la responsabilité non contractuelle, le CRU doit, conformément aux principes généraux communs aux législations relatives à la responsabilité des autorités publiques des États membres, réparer les dommages causés par lui ou par les membres de son personnel dans l’exercice de leurs fonctions, notamment leurs fonctions de résolution, y compris les actes ou omissions dans le cadre du soutien à des procédures de résolution étrangères. »

59      Il ressort d’une jurisprudence constante que, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union [voir arrêt du 8 juillet 2019, Commission/Belgique (Article 260, paragraphe 3, TFUE - Réseaux à haut débit), C‑543/17, EU:C:2019:573, point 49 et jurisprudence citée].

60      À cet égard, il y a lieu de constater que le libellé de l’article 87, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 coïncide, en substance, avec celui de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE selon lequel, « [e]n matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions ».

61      Or, ni les objectifs de l’article 87, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, ni son contexte, ni d’autres dispositions du droit de l’Union ne permettent de conclure que cette disposition devrait être interprétée différemment de l’article 340 TFUE. Il convient donc de l’interpréter à la lumière de la jurisprudence concernant l’article 340 TFUE.

62      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 32 et jurisprudence citée).

63      Toutefois, dans la réplique, en réponse aux arguments du CRU selon lesquels les conditions d’engagement de la responsabilité extra contractuelle de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE n’étaient pas réunies, la requérante fait valoir que sa demande de compensation ne doit pas être considérée comme une indemnisation demandée sur le fondement d’une action en responsabilité extra contractuelle contre le CRU, mais comme une compensation résultant de l’accueil de sa demande en annulation conformément à l’article 266 TFUE.

64      À cet égard, la requérante fait valoir que, en vertu de l’article 266 TFUE, le CRU a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du Tribunal. Elle soutient que si le Tribunal accueillait sa demande en annulation, le CRU ne pouvant émettre un nouveau titre de Banco Popular, il devrait exécuter l’arrêt par équivalence, en lui octroyant une compensation financière.

65      Il s’ensuit que, par son quatrième chef de conclusions, la requérante n’entend pas introduire une demande indemnitaire sur le fondement de l’article 340 TFUE. En faisant référence à l’article 266 TFUE, elle vise les conséquences qu’il conviendrait de tirer, pour le CRU, d’une éventuelle annulation de l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la décision de résolution par le Tribunal, dans l’hypothèse où le premier chef de conclusions serait accueilli. En effet, aux termes de l’article 266 TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour. Dès lors, ce dernier chef de conclusions ne saurait être analysé de manière autonome (voir, en ce sens, ordonnance du 14 juin 2016, Europäischer Tier- und Naturschutz et Giesen/Commission, T‑595/15, non publiée, EU:T:2016:362, point 14).

66      La demande en annulation ayant été rejetée comme irrecevable, la demande de compensation de la requérante doit également être rejetée, sans préjudice de la possibilité pour la requérante d’introduire ultérieurement un éventuel recours indemnitaire.

67      Partant, le recours est rejeté dans son ensemble.

 Sur les demandes en intervention

68      Conformément à l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention est accessoire au litige principal et perd son objet, notamment, lorsque la requête est déclarée irrecevable.

69      Par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes en intervention de Banco Santander, du Royaume d’Espagne et de la Commission.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du CRU.

71      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, s’il est mis fin à l’instance dans l’affaire principale avant qu’il ne soit statué sur une demande d’intervention, le demandeur en intervention et les parties principales supportent chacun leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention. En l’espèce, la requérante, le CRU, Banco Santander, le Royaume d’Espagne et la Commission supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention de Banco Santander SA, du Royaume d’Espagne et de la Commission européenne.

3)      Carmen Liaño Reig supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de Résolution Unique (CRU), à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

4)      Mme Liaño Reig, le CRU, Banco Santander, le Royaume d’Espagne et la Commission supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 24 octobre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : l’espagnol.