Language of document : ECLI:EU:C:2019:671

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

5 septembre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2002/22/CE – Service universel et droits des utilisateurs au regard des réseaux et des services de communications électroniques – Article 26, paragraphe 5 – Numéro d’appel d’urgence unique européen – Mise à disposition des informations relatives à la localisation de l’appelant »

Dans l’affaire C‑417/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), par décision du 21 juin 2018, parvenue à la Cour le 26 juin 2018, dans la procédure

AW,

BV,

CU,

DT

contre

Lietuvos valstybė, représenté par le Lietuvos Respublikos ryšių reguliavimo tarnyba, le Bendrasis pagalbos centras et le Lietuvos Respublikos vidaus reikalų ministerija,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. D. Šváby, S. Rodin et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. M. Aleksejev, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mai 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour AW, BV, CU et DT, par Mme L. Šaltinytė, assistée de Me L. Žalnieriūnas, advokatas,

–        pour le gouvernement lituanien, par MM. R. Dzikovič et K. Dieninis ainsi que par Mme R. Krasuckaitė, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Braun et S. L. Kalėda ainsi que par Mmes L. Nicolae et A. Steiblytė, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 26 de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») (JO 2002, L 108, p. 51), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 11) (ci-après la « directive 2002/22 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AW, BV, CU et DT (ci-après « AW e.a. ») au Lietuvos valstybė (État lituanien), représenté par le Lietuvos Respublikos ryšių reguliavimo tarnyba(autorité de régulation des communications), le Bendrasis pagalbos centras (centre commun des services d’urgence) et le Lietuvos Respublikos vidaus reikalų ministerija (ministère de l’Intérieur de la République de Lituanie) au sujet de leur demande en dommages et intérêts.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2002/22

3        Le considérant 36 de la directive 2002/22 énonce :

« Il est important que les utilisateurs puissent appeler le numéro d’appel d’urgence unique européen “112”, et tout autre numéro national d’urgence, gratuitement à partir de n’importe quel poste téléphonique, y compris d’un poste téléphonique payant public, sans avoir à utiliser de moyens de paiement. [...] Les informations concernant la position de l’appelant qui doivent être mises à la disposition des services d’urgence, dans la mesure où cela est techniquement possible, amélioreront le niveau de protection et la sécurité des utilisateurs du “112” et aideront les services d’urgence dans l’accomplissement de leur mission, à condition que le transfert des appels et des données associées vers les services d’urgence concernés soit garanti. [...] »

4        L’article 26 de cette directive dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que tous les utilisateurs finals des services visés au paragraphe 2, y compris les utilisateurs des postes téléphoniques payants publics, puissent appeler gratuitement et sans devoir utiliser de moyen de paiement les services d’urgence en composant le “112”, numéro d’appel d’urgence unique européen, et tout numéro national d’appel d’urgence spécifié par les États membres.

2.      Les États membres, en consultation avec les autorités réglementaires nationales, les services d’urgence et les fournisseurs, veillent à ce que les entreprises qui fournissent aux utilisateurs finals un service de communications électroniques permettant d’effectuer des appels nationaux en composant un ou plusieurs numéros du plan national de numérotation téléphonique offrent un accès aux services d’urgence.

3.      Les États membres veillent à ce que les appels dirigés vers le numéro d’appel d’urgence unique européen “112” reçoivent une réponse appropriée et soient traités de la façon la mieux adaptée à l’organisation nationale des systèmes d’urgence. Ces appels reçoivent une réponse et sont traités au moins aussi rapidement et efficacement que les appels adressés aux numéros d’appel d’urgence nationaux, dans les cas où ceux-ci continuent à être utilisés.

[...]

5.      Les États membres veillent à ce que les entreprises concernées mettent gratuitement à la disposition de l’autorité traitant les appels d’urgence les informations relatives à la localisation de l’appelant dès que l’appel parvient à ladite autorité. Cette disposition s’applique à tous les appels destinés au numéro d’appel d’urgence unique européen “112”. Les États membres peuvent étendre cette obligation aux appels destinés aux numéros d’urgence nationaux. Les autorités réglementaires compétentes définissent les critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant fournies.

[...] »

 La directive 2009/136

5        Le considérant 39 de la directive 2009/136 énonce :

« Les utilisateurs finals devraient pouvoir appeler les services d’urgence et y avoir accès en utilisant n’importe quel service téléphonique permettant d’effectuer des appels vocaux à l’aide d’un ou de plusieurs numéros du plan national de numérotation téléphonique. [...] L’obligation de fournir les informations relatives à la localisation de l’appelant devrait être renforcée de manière à accroître la protection des citoyens. En particulier, les entreprises devraient mettre les informations relatives à la localisation de l’appelant à la disposition des services d’urgence dès que l’appel atteint ces services, quelle que soit la technologie utilisée. [...] »

 Le droit lituanien

 La loi de la République de Lituanie n° IX-2135 sur les communications électroniques

6        L’article 34, paragraphe 10, du Lietuvos Respublikos elektroninių ryšių įstatymas n° IX-2135 (loi de la République de Lituanie n° IX-2135 sur les communications électroniques), du 15 avril 2004 (Žin., 2004, no 69-2382), dans sa version applicable aux faits au principal, disposait :

« Tous les fournisseurs de réseaux de communications et de services de communications électroniques accessibles au public doivent, conformément à la procédure et aux conditions fixées par l’autorité de régulation des communications, assurer gratuitement à leurs propres abonnés ou aux utilisateurs de services de communications électroniques publics, y compris les utilisateurs de téléphones publics payants et les abonnés ou les utilisateurs handicapés, l’accès aux services d’urgence mis en place par les autorités. »

7        L’article 68, paragraphe 2, de cette loi était ainsi libellé :

« Les fournisseurs de réseaux de communications et de services de communications électroniques accessibles au public transmettent gratuitement au centre commun des services d’urgence les informations de localisation de chaque appel d’urgence (ainsi que les données de flux), sans le consentement de l’abonné ou de l’utilisateur effectif des services de communications électroniques. Les informations de localisation de chaque appel d’urgence sont transmises gratuitement dès que le centre commun des services d’urgence répond à l’appel d’urgence. Le centre commun des services d’urgence soumet à l’autorité de régulation des communications des propositions relatives aux critères de précision et de fiabilité des informations de localisation de l’appelant. À la lumière des propositions qui lui sont soumises par le centre commun des services d’urgence, l’autorité de régulation des communications arrête les critères de précision et de fiabilité des informations de localisation de l’appelant. Les frais d’acquisition, d’installation (adaptation), de renouvellement et de fonctionnement des dispositifs (et des logiciels y afférents) qui ne sont pas indispensables à l’exercice de l’activité du fournisseur mais sont nécessaires pour transmettre les informations de localisation (y compris les données de flux) au centre commun des services d’urgence sont remboursés aux fournisseurs de réseaux de communications et de services de communications électroniques accessibles au public sur le budget de l’État selon les modalités fixées par le gouvernement. Les autres dispositions du présent paragraphe sont exécutées selon les modalités et aux conditions prévues à l’article 34, paragraphe 10, de la présente loi. »

 Les règles d’accès aux services d’urgence

8        Par arrêté n° 1V-1087, du 7 novembre 2011, le directeur de l’autorité de régulation des communications a fixé les règles d’accès des abonnés ou des utilisateurs aux services d’urgence assurés par les autorités (ci-après les « règles d’accès aux services d’urgence »).

9        Le point 4.5.4.1 de ces règles prévoit que les fournisseurs de réseau mobile transmettent les informations de localisation avec un degré de précision qui est celui de la couverture de la station de base (de secteur) (Cell-ID). À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que lesdites règles ne précisent pas avec quelle précision minimale la station de base doit transmettre la localisation, ni quelle doit être la densité d’implantation des stations de base.

10      Aux termes du point 4.5.4.2 des règles d’accès aux services d’urgence, 95 % de toutes les informations de localisation doivent être transmises avec un retard ne dépassant pas 20 secondes à partir du moment où la connexion est établie avec le poste du centre commun des services d’urgence, ou à partir du moment de la demande faite par le centre commun des services d’urgence au fournisseur de réseau ou de services de communication mobile.

11      Le point 4.5.4.3 des règles d’accès aux services d’urgence dispose que le système de transmission des informations de localisation des fournisseurs de réseau mobile doit être pleinement doublé et accessible pendant au moins 97 % de l’année.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      AW e.a. sont des proches d’ES, une jeune fille de 17 ans, victime d’un acte criminel. Il ressort du dossier dont la Cour dispose que le 21 septembre 2013, vers 6 heures du matin, dans une banlieue de Panevėžys (Lituanie), ES a été kidnappée, violée et brulée vive dans le coffre à bagages d’une voiture. Se trouvant enfermée dans ce coffre, elle avait appelé, en utilisant un téléphone portable, le centre de réception des appels d’urgence lituanien, au numéro d’appel d’urgence unique européen « 112 » (ci–après le « 112 ») une dizaine de fois, pour demander de l’aide. Toutefois, les équipements du centre de réception des appels d’urgence ne montraient pas le numéro du téléphone portable utilisé, ce qui a empêché les employés de ce centre de la localiser. Il n’a pas été possible de déterminer si le téléphone portable utilisé par ES était équipé d’une carte SIM ni pourquoi son numéro n’était pas visible au centre de réception des appels d’urgence.

13      AW e.a. ont introduit un recours devant la juridiction de renvoi, tendant à la condamnation de l’État lituanien à la réparation du préjudice moral subi par la victime, ES, et par eux-mêmes, ses proches. À l’appui de leur recours, ils font valoir que la République de Lituanie n’a pas assuré correctement la mise en œuvre pratique de l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22. Cette omission aurait eu pour résultat l’impossibilité de transmettre aux services de police sur le terrain des informations de localisation d’ES, ce qui les aurait empêchés de venir à son aide.

14      La juridiction de renvoi se penche sur la question de savoir, d’une part, si l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 impose l’obligation de transmettre les informations de localisation de l’appelant, lorsque l’appel est passé depuis un appareil ne contenant pas de carte SIM et, d’autre part, si, dans un cas, comme celui au principal, où la réglementation d’un État membre permet d’appeler le 112 à partir d’un téléphone portable sans carte SIM, les informations de localisation de l’appelant doivent être définies conformément à l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22.

15      S’il devait être considéré que, dans le cas d’un appel au 112 passé depuis un téléphone portable sans carte SIM, les États membres sont tenus de veiller à la localisation de l’appelant, la juridiction de renvoi souhaite également savoir si, au regard des obligations issues de l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22, la réglementation lituanienne applicable permet d’assurer une localisation suffisamment précise de l’appelant.

16      Enfin, la juridiction de renvoi indique que, s’il s’avère que les autorités compétentes des États membres doivent veiller à la localisation d’une personne qui appelle le 112, même dans le cas où cette personne appelle en utilisant un téléphone portable non muni d’une carte SIM, elle devra trancher la question de savoir si un lien de causalité direct doit exister entre la violation, par l’État membre concerné, de cette obligation et le préjudice subi par des particuliers ou si un lien de causalité indirect est suffisant lorsque, en vertu de la législation ou de la jurisprudence nationales, un tel lien de causalité suffit pour remplir l’une des conditions de la responsabilité de l’État membre concerné.

17      C’est dans ces circonstances que le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 [...] impose-t-il l’obligation de transmettre les informations de localisation lorsque l’appel est passé depuis un appareil mobile ne contenant pas de carte SIM ?

2)      Lorsque la réglementation d’un État membre permet d’appeler le [112] sans carte SIM, cela signifie-t-il que les informations de localisation de tels appels doivent être définies conformément à l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 [...] ?

3)      La réglementation nationale qui figure au point 4.5.4 des règles d’accès [aux services d’urgence] qui prévoit notamment que les fournisseurs de réseau mobile transmettent les informations de localisation avec un degré de précision qui est celui de la couverture de la station de base (de secteur) ([...] Cell-ID), mais ne détermine pas avec quel degré de précision minimal (la distance) les stations de base doivent localiser l’appelant ni quelle doit être la densité d’implantation des stations de base (la distance entre celles-ci), est-elle conforme à la règle prévue à l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 [...], en vertu de laquelle les autorités réglementaires compétentes définissent les critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant fournies ?

4)      Dans l’hypothèse où la Cour répondrait à la première question ou à la deuxième question en ce sens que les États membres sont tenus de veiller à la localisation conformément à l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 [...] ou répondrait à la troisième question en ce sens que la réglementation nationale n’est pas conforme à l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 [...], qui prévoit que les autorités réglementaires compétentes définissent les critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant fournies, faut-il que la juridiction nationale, lorsqu’elle statue sur la réparation du préjudice, constate qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation du droit de l’Union et le préjudice subi par les particuliers, ou suffit-il qu’elle constate qu’il existe un lien de causalité indirect entre la violation du droit de l’Union et le préjudice subi par les particuliers lorsque, en vertu de la législation ou de la jurisprudence nationales, un tel lien de causalité indirect suffit pour donner lieu à responsabilité ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

18      Par ses première et deuxième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 doit être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres l’obligation de veiller à ce que les entreprises concernées mettent gratuitement à la disposition de l’autorité traitant les appels d’urgence au 112 les informations relatives à la localisation de l’appelant dès que l’appel parvient à ladite autorité, y compris lorsque l’appel est passé à partir d’un téléphone portable non équipé d’une carte SIM. 

19      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans ses observations écrites soumises à la Cour, le gouvernement lituanien fait valoir qu’une telle situation ne relève pas du champ d’application de l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22, mais est régie par le droit interne de chaque État membre, en l’occurrence le droit lituanien.

20      À cet égard, il suffit de relever que l’objet des première et deuxième questions est, précisément, l’applicabilité de l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22, dans une situation telle que celle à l’origine du litige au principal. Par ses questions, la juridiction de renvoi demande donc à la Cour non pas d’interpréter le droit lituanien, mais d’interpréter le droit de l’Union, notamment la directive 2002/22.

21      S’agissant de la réponse à ces mêmes questions, il ressort du libellé même de l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22, que « tous les appels destinés au numéro d’appel d’urgence unique européen » sont concernés par l’obligation de mise à disposition des informations relatives à la localisation de l’appelant.

22      Il y a également lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé qu’il découlait de l’article 26, paragraphe 3, de la directive 2002/22, dans sa version originale, laquelle correspond au paragraphe 5 du même article dans la version actuelle de cette directive, que cette disposition impose aux États membres, sous la condition de faisabilité technique, une obligation de résultat, laquelle ne se limite pas à la mise en place d’un cadre réglementaire approprié, mais exige que les informations sur la localisation de tous les appelants au 112 soient effectivement transmises aux services d’urgence (arrêt du 11 septembre 2008, Commission/Lituanie, C‑274/07, EU:C:2008:497, point 40).

23      Partant, il ne saurait être admis que les appels au 112 passés à partir d’un téléphone portable non équipé d’une carte SIM soient exclus du champ d’application de cette disposition.

24      Par conséquent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 doit être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres, sous réserve de faisabilité technique, l’obligation de veiller à ce que les entreprises concernées mettent gratuitement à la disposition de l’autorité traitant les appels d’urgence au 112 les informations relatives à la localisation de l’appelant dès que l’appel parvient à ladite autorité, y compris lorsque l’appel est passé à partir d’un téléphone portable non équipé d’une carte SIM.

 Sur la troisième question

25      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, de se prononcer sur la conformité de la réglementation nationale ayant défini les critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant au 112 à l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22.

26      En particulier, la juridiction de renvoi exprime des doutes, ainsi que cela ressort du point 9 du présent arrêt, quant au point de savoir si un État membre peut se limiter à prévoir que les informations de localisation d’un appelant au 112 doivent être fournies avec un degré de précision qui est celui de la couverture de la station de base. En effet, il pourrait être exigé des opérateurs que les informations transmises indiquent, avec un degré de précision minimale, la distance de l’appelant de la station de base à travers laquelle son appel a été transmis. De plus, elle souligne que la réglementation lituanienne applicable ne prévoit pas quelle doit être la densité d’implantation des stations de base, ni ne fixe de distance maximale entre celles-ci.

27      À cet égard, il importe, à titre liminaire, de souligner que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il incombe à la juridiction nationale compétente d’examiner si une réglementation nationale est conforme au droit de l’Union, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, étant uniquement compétente pour fournir à une telle juridiction tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent lui permettre d’apprécier cette conformité (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 126).

28      Dans ces conditions, il y a lieu de reformuler la troisième question et de considérer que, par celle-ci, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 doit être interprété en ce sens qu’il confère aux États membres une marge d’appréciation dans la définition des critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant au 112 leur permettant de limiter ceux-ci à l’identification de la station de base ayant relayé l’appel.

29      Ainsi que l’ont souligné le gouvernement lituanien et la Commission européenne dans leurs observations soumises à la Cour, il ressort du libellé de l’article 26, paragraphe 5, dernière phrase, de la directive 2002/22 que les États membres disposent d’une certaine marge d’appréciation dans la définition des critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant au 112, que les entreprises concernées doivent mettre gratuitement à la disposition de l’autorité traitant les appels d’urgence, conformément à la première phrase de ce même paragraphe.

30      Cependant, il convient de relever qu’il ressort du considérant 36 de la directive 2002/22 et du considérant 39 de la directive 2009/136 que la transmission obligatoire des informations relatives à la localisation de l’appelant vise à améliorer le niveau de protection et la sécurité des utilisateurs du 112 et à aider les services d’urgence dans l’accomplissement de leur mission.

31      Ainsi, les critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant doivent, en tout état de cause, assurer, dans les limites de faisabilité technique, une localisation de la position de cet appelant aussi fiable et précise que nécessaire pour permettre aux services d’urgence de lui venir utilement en aide.

32      La marge d’appréciation dont bénéficient les États membres dans la définition de ces critères trouve donc sa limite dans la nécessité de garantir l’utilité des informations transmises pour permettre la localisation effective de l’appelant et, partant, l’intervention des services d’urgence.

33      Une telle appréciation présentant un caractère éminemment technique et étant intimement liée aux spécificités du réseau de télécommunication mobile lituanien, il appartient à la juridiction de renvoi d’y procéder.

34      Il y a lieu, dès lors, de répondre à la troisième question que l’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22 doit être interprété en ce sens qu’il confère aux États membres une marge d’appréciation dans la définition des critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant au 112, étant toutefois précisé que les critères qu’ils définissent doivent assurer, dans les limites de faisabilité technique, une localisation de la position de l’appelant aussi fiable et précise que nécessaire pour permettre aux services d’urgence de venir utilement à son aide, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier.

 Sur la quatrième question

35      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsque, conformément au droit interne d’un État membre, l’existence d’un lien de causalité indirect entre l’illégalité commise par les autorités nationales et le dommage subi par un particulier est considérée comme suffisante pour l’engagement de la responsabilité de l’État, un tel lien de causalité indirect entre une violation du droit de l’Union imputable à cet État membre et le dommage subi par un particulier doit également être jugé comme suffisant, aux fins de l’engagement de la responsabilité dudit État membre pour cette violation du droit de l’Union.

36      Dans ses observations soumises à la Cour, le gouvernement lituanien a contesté le caractère suffisant, pour l’engagement de la responsabilité de l’État lituanien conformément au droit national, d’un lien de causalité indirect entre l’illégalité commise et le dommage subi. Selon le gouvernement lituanien, il ressort des dispositions lituaniennes applicables que, pour que la responsabilité de l’État soit engagée, un lien de causalité direct doit exister entre l’illégalité commise par les autorités nationales et la violation du droit du particulier ayant subi un préjudice.

37      Il suffit de relever, à cet égard, qu’il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi à l’article 267 TFUE, de se prononcer sur l’interprétation des dispositions nationales ni de juger ou de vérifier si l’interprétation qu’en donne la juridiction de renvoi est correcte (arrêt du 26 mars 2015, Macikowski, C‑499/13, EU:C:2015:201, point 51 et jurisprudence citée).

38      S’agissant de la réponse à la quatrième question, il y a lieu de relever que, certes, parmi les conditions devant être remplies pour l’engagement de la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables, figure celle tenant à l’existence d’un lien de causalité direct entre la violation de ce droit et le dommage subi par ces particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev, C‑571/16, EU:C:2018:807, point 94 et jurisprudence citée).

39      Toutefois, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans l’hypothèse d’une violation du droit de l’Union qui lui est imputable, c’est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu’il incombe à l’État de réparer les conséquences du préjudice causé, étant entendu que les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne (principe d’équivalence) (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev, C‑571/16, EU:C:2018:807, point 123 et jurisprudence citée).

40      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où, conformément au droit interne d’un État membre, tel qu’interprété par la jurisprudence de ses juridictions internes, l’existence d’un lien de causalité indirect entre une violation du droit national par cet État membre et le dommage subi est jugée comme suffisante pour l’engagement de la responsabilité de l’État, en vertu du principe d’équivalence, un lien de causalité indirect entre une violation du droit de l’Union imputable à l’État membre en question et le dommage subi par les particuliers doit également être jugé comme suffisant, aux fins de l’engagement de la responsabilité dudit État membre pour cette violation.

41      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsque, conformément au droit interne d’un État membre, l’existence d’un lien de causalité indirect entre l’illégalité commise par les autorités nationales et le dommage subi par un particulier est considérée comme suffisante pour l’engagement de la responsabilité de l’État, un tel lien de causalité indirect entre une violation du droit de l’Union imputable à cet État membre et le dommage subi par un particulier doit également être jugé comme suffisant, aux fins de l’engagement de la responsabilité dudit État membre pour cette violation du droit de l’Union.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, doit être interprété en ce sens qu’il impose aux États membres, sous réserve de faisabilité technique, l’obligation de veiller à ce que les entreprises concernées mettent gratuitement à la disposition de l’autorité traitant les appels d’urgence au numéro d’appel d’urgence unique européen « 112 » les informations relatives à la localisation de l’appelant dès que l’appel parvient à ladite autorité, y compris lorsque l’appel est passé à partir d’un téléphone portable non équipé d’une carte SIM.

2)      L’article 26, paragraphe 5, de la directive 2002/22, telle que modifiée par la directive 2009/136, doit être interprété en ce sens qu’il confère aux États membres une marge d’appréciation dans la définition des critères relatifs à la précision et à la fiabilité des informations de localisation de l’appelant au numéro d’appel d’urgence unique européen « 112 », étant toutefois précisé que les critères qu’ils définissent doivent assurer, dans les limites de faisabilité technique, une localisation de la position de l’appelant aussi fiable et précise que nécessaire pour permettre aux services d’urgence de venir utilement à son aide, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier.

3)      Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, lorsque, conformément au droit interne d’un État membre, l’existence d’un lien de causalité indirect entre l’illégalité commise par les autorités nationales et le dommage subi par un particulier est considérée comme suffisante pour l’engagement de la responsabilité de l’État, un tel lien de causalité indirect entre une violation du droit de l’Union imputable à cet État membre et le dommage subi par un particulier doit également être jugé comme suffisant, aux fins de l’engagement de la responsabilité dudit État membre pour cette violation du droit de l’Union.

Signatures


*      Langue de procédure : le lituanien.