Language of document : ECLI:EU:C:2009:530

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 septembre 2009 (*)

«Directive 2000/13/CE – Étiquetage des denrées alimentaires destinées à être livrées en l’état au consommateur final – Étiquetage susceptible d’induire l’acheteur en erreur sur l’origine ou la provenance de la denrée alimentaire – Dénominations génériques au sens de l’article 3 du règlement (CEE) n° 2081/92 – Incidence»

Dans l’affaire C‑446/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale civile di Modena (Italie), par décision du 26 septembre 2007, parvenue à la Cour le 1er octobre 2007, dans la procédure

Alberto Severi, agissant en son nom propre, ainsi qu’en qualité de représentant légal de Cavazzuti e figli SpA, devenue Grandi Salumifici Italiani SpA,

contre

Regione Emilia-Romagna,

en présence de:

Associazione fra Produttori per la Tutela del «Salame Felino»,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. T. von Danwitz, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis et J. Malenovský (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. N. Nanchev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Severi et Grandi Salumifici Italiani SpA, par Mes G. Forte et C. Marinuzzi, avvocati,

–        pour la Regione Emilia-Romagna, par Me G. Puliatti, avvocato,

–        pour l’Associazione fra Produttori per la Tutela del «Salame Felino», par Mes S. Magelli et A. Ballestrazzi, avvocati,

–        pour le gouvernement hellénique, par MM. I. Chalkia et V. Kondolaimos ainsi que Mme M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par M. R. Adam, en qualité d’agent, assisté de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme C. Cattabriga et M. B. Doherty, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 109, p. 29), des articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 208, p. 1), ainsi que de l’article 15, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Severi, agissant en son nom propre ainsi qu’au nom de Grandi Salumifici Italiani SpA (ci-après «GSI»), anciennement Cavazzuti e figli SpA, à la Regione Emilia-Romagna au sujet de l’étiquetage des saucisses et des saucissons que GSI commercialise sous l’appellation «Salame tipo Felino».

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 La directive 2000/13

3        Le quatrième considérant de la directive 2000/13 énonce:

«L’objet de la présente directive doit être d’édicter les règles communautaires, à caractère général et horizontal, applicables à l’ensemble des denrées alimentaires mises dans le commerce.»

4        Aux termes du sixième considérant de la directive 2000/13:

«Toute réglementation relative à l’étiquetage des denrées alimentaires doit être fondée, avant tout, sur l’impératif de l’information et de la protection des consommateurs.»

5        Le huitième considérant de cette même directive énonce:

«Un étiquetage détaillé concernant la nature exacte et les caractéristiques des produits, qui permet au consommateur d’opérer son choix en toute connaissance, est le plus approprié dans la mesure où il est celui qui crée le moins d’obstacles à la liberté des échanges.»

6        L’article 1er de la directive 2000/13 dispose:

«1.      La présente directive concerne l’étiquetage des denrées alimentaires destinées à être livrées en l’état au consommateur final ainsi que certains aspects relatifs à leur présentation et à la publicité faite à leur égard.

[...]

3.      Au sens de la présente directive, on entend par:

a)      ‘étiquetage’: les mentions, indications, marques de fabrique ou de commerce, images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire;

[…]»

7        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/13 dispose ce qui suit:

«1.      L’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas:

a)      être de nature à induire l’acheteur en erreur, notamment:

i)      sur les caractéristiques de la denrée alimentaire, et notamment sur la nature, l’identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, l’origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d’obtention;

[…]

3.      Les interdictions ou restrictions prévues aux paragraphes 1 et 2 s’appliquent également:

a)      à la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l’aspect donné à celles-ci ou à leur emballage, au matériau d’emballage utilisé, à la manière dont elles sont disposées ainsi qu’à l’environnement dans lequel elles sont exposées;

b)      à la publicité.»

8        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dresse une liste exhaustive des mentions devant figurer obligatoirement sur l’étiquette des produits alimentaires. Le point 7 de ladite disposition prévoit l’apposition du nom ou de la raison sociale et de l’adresse du fabricant ou du conditionneur, ou d’un vendeur établi à l’intérieur de la Communauté, tandis que le point 8 prescrit l’indication du lieu d’origine ou de provenance dans les cas où l’omission de cette mention serait susceptible d’induire le consommateur en erreur sur l’origine ou la provenance réelle de la denrée alimentaire.

9        L’article 5 de la directive 2000/13 dispose :

«1.      La dénomination de vente d’une denrée alimentaire est la dénomination prévue pour cette denrée dans les dispositions communautaires qui lui sont applicables.

a)      En l’absence de dispositions communautaires, la dénomination de vente est la dénomination prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables dans l’État membre où s’effectue la vente au consommateur final ou aux collectivités.

À défaut, la dénomination de vente est constituée par le nom consacré par les usages de l’État membre où s’effectue la vente au consommateur final ou aux collectivités, ou par une description de la denrée alimentaire et, si nécessaire, de son utilisation, qui soit suffisamment précise pour permettre à l’acheteur d’en connaître la nature réelle et de la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue.

 […]»


 Le règlement n° 2081/92

10      Si la juridiction de renvoi fait référence, dans sa décision de renvoi, au règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12), lequel abroge le règlement n° 2081/92, il ressort des faits du litige au principal que ce règlement n° 510/2006 n’est pas applicable audit litige. En revanche, il convient d’appliquer, au regard de la date à laquelle Cavazzuti e figli SpA a été sanctionnée par la police italienne, le règlement n° 2081/92 tel que modifié par le règlement (CE) n° 2796/2000 de la Commission, du 20 décembre 2000 (JO L 324, p. 26, ci-après le «règlement n° 2081/92 modifié»).

11      Le règlement n° 2081/92 modifié établit des règles relatives à la protection des appellations d’origine (AOP) et des indications géographiques (IGP) des produits agricoles et des denrées alimentaires. Cette protection, accordée lorsqu’il existe un lien entre les caractéristiques du produit ou de la denrée et son origine géographique, est obtenue conformément à une procédure communautaire d’enregistrement.

12      Le quatrième considérant du règlement n° 2081/92 modifié énonce que, «face à la diversité des produits mis sur le marché et à la multitude des informations données à leur sujet, le consommateur doit, pour pouvoir mieux faire son choix, disposer d’une information claire et brève le renseignant de façon précise sur l’origine du produit».

13      Le cinquième considérant du règlement n° 2081/92 modifié se lit comme suit :

«considérant que les produits agricoles et les denrées alimentaires sont soumis, en ce qui concerne leur étiquetage, aux règles générales établies dans la Communauté et notamment au respect de la directive [2000/13]; que, compte tenu de leur spécificité, il convient d’arrêter des dispositions particulières complémentaires pour les produits agricoles et les denrées alimentaires provenant d’une aire géographique délimitée».

14      Selon le septième considérant du règlement n° 2081/92 modifié, «un cadre de règles communautaires comportant un régime de protection permettra aux indications géographiques et aux appellations d’origine de se développer du fait que ce cadre garantira, à travers une approche plus uniforme, des conditions de concurrence égale entre les producteurs de produits bénéficiant de ces mentions et qu’il conduira à une meilleure crédibilité de ces produits aux yeux des consommateurs.»

15      En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2081/92 modifié, celui-ci s’applique sans préjudice d’autres dispositions communautaires particulières.

16      L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2081/92 modifié dispose:

«Les dénominations devenues génériques ne peuvent être enregistrées.

Aux fins du présent règlement, on entend par ‘dénomination devenue générique’, le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire qui, bien que se rapportant au lieu ou à la région où ce produit agricole ou cette denrée alimentaire a été initialement produit ou commercialisé, est devenu le nom commun d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire.

Pour déterminer si un nom est devenu générique, il est tenu compte de tous les facteurs et notamment:

–        de la situation existant dans l’État membre où le nom a son origine et dans les zones de consommation,

–        de la situation existant dans d’autres États membres,

–        des législations nationales ou communautaires pertinentes.

Si, au terme de la procédure définie aux articles 6 et 7, une demande d’enregistrement est rejetée parce qu’une dénomination est devenue générique, la Commission publie cette décision au Journal officiel des Communautés européennes

17      L’article 5 du règlement n° 2081/92 modifié décrit la procédure que l’État membre doit suivre quand une demande d’enregistrement a été déposée. Le paragraphe 5 dudit article 5 dispose:

«L’État membre vérifie que la demande est justifiée et la transmet à la Commission […] lorsqu’il estime que les exigences du présent règlement sont remplies.

Une protection au sens du présent règlement, au niveau national ainsi que, le cas échéant, une période d’adaptation, ne peuvent être accordées que transitoirement par cet État membre à la dénomination ainsi transmise à partir de la date de cette transmission; […]

La protection nationale transitoire cesse d’exister à partir de la date à laquelle une décision sur l’enregistrement en vertu du présent règlement est prise.[…]

[…]»

18      L’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié prévoit que «[l]es dénominations protégées ne peuvent devenir génériques.»

 La réglementation nationale

19      Aux termes de l’article 2 du décret législatif n° 109, du 27 janvier 1992, ayant transposé les dispositions de l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1), dispositions qui figurent désormais à l’article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 2000/13 qui a abrogé et remplacé la directive 79/112 (ci-après le «décret législatif n° 109/92»):

«1.      L’étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé sont destinés à assurer l’information correcte et transparente du consommateur. Ils doivent être effectués de façon à:

a)      ne pas induire l’acheteur en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire, et notamment sur la nature, l’identité, la qualité, la composition, la quantité, la durabilité, l’origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d’obtention de la denrée en question;

[…]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      GSI, dont le siège social se trouve à Modène, fabrique et commercialise des saucisses et des saucissons.

21      Le 12 décembre 2002, la police municipale de Milan a notifié à M. Severi, en son nom et en sa qualité de représentant légal de ladite société, l’accusation de violation de l’article 2 du décret législatif n° 109/92 relatif à l’étiquetage, la présentation et la publicité des produits alimentaires, portée contre cette société, cette dernière ayant commercialisé un saucisson produit à Modène sur l’étiquetage duquel figure la mention «Salame tipo Felino».

22      Le procès-verbal d’infraction indique, d’une part, que, sur l’étiquetage en cause au principal, le terme «tipo» (type) est inscrit en caractères graphiques trop petits pour être suffisamment visibles et, d’autre part, que les autres indications mentionnées sur l’étiquette concernent uniquement les ingrédients, le nom et le siège de l’entreprise productrice, à l’exclusion de tout élément d’information sur le lieu de production ou le fait que celui-ci coïncide avec le siège de l’entreprise productrice. Le procès-verbal conclut que, à la lumière de ces éléments, l’étiquetage du produit est susceptible d’induire en erreur le consommateur quant à l’origine et à la provenance du saucisson, car il ne permet pas une identification claire et correcte de la provenance du produit, laquelle s’entend comme le lieu où la viande a été transformée et conditionnée. La dénomination «Salame tipo Felino» renvoie, en effet, à une méthode de production traditionnelle et à un lieu de production – le territoire de la commune de Felino, située en Émilie-Romagne, dans la province de Parme – ce qui ne correspond pas aux faits de l’affaire en cause au principal puisqu’il est question, dans ladite affaire, d’une denrée alimentaire produite à Modène, située également en Émilie-Romagne, mais dans la province de Modène.

23      Sur la base des constatations du procès-verbal de la police municipale de Milan, la Regione Emilia-Romagna a, le 16 mai 2006, infligé à M. Severi une sanction administrative d’un montant de 3 108,33 euros pour violation de l’article 2 du décret législatif n° 109/92.

24      Dans sa décision, qui avalise l’interprétation de la police municipale, la Regione Emilia-Romagna a estimé que l’appellation «Salame Felino» désignait un produit authentique et typique, caractéristique du territoire de la commune de Felino. Comme les caractéristiques attribuées au Salame Felino ne sauraient être reconnues à toutes les charcuteries confectionnées à partir d’une recette similaire, mais provenant d’autres zones territoriales, ou issues de méthodes de production «industrielles», il ne suffit pas, pour exclure tout risque de confusion dans l’esprit du consommateur, d’ajouter la mention «tipo». L’étiquetage en cause au principal serait donc susceptible d’induire le consommateur en erreur quant au lieu de fabrication du produit litigieux, ne permettant pas, ainsi, audit consommateur de faire ses achats en toute connaissance de cause.

25      M. Severi a attaqué la sanction du 16 mai 2006 devant le Tribunale civile di Modena (tribunal civil de Modène). À l’appui de son recours, il a soutenu que l’article 2 de la directive 2000/13, transposé par l’article 2 du décret législatif n° 109/92, censé prescrire des modalités d’étiquetage des denrées alimentaires qui soient telles qu’elles n’induisent pas en erreur le consommateur quant à l’origine et à la provenance du produit, devait être interprété en liaison avec d’autres dispositions communautaires, et notamment le règlement n° 2081/92 modifié. En effet, la directive 2000/13 ne contenant aucune définition des notions d’origine et de provenance, c’est dans le règlement n° 2081/92 modifié que se trouverait le contenu de ces notions.

26      La Regione Emilia-Romagna a rejeté ces arguments en invoquant le caractère autonome de l’article 2 de la directive 2000/13, lequel ne nécessiterait aucune référence au règlement n° 2081/92 modifié pour être interprété et s’appliquerait à toute discordance entre le lieu évoqué sur l’étiquette et le lieu de production effectif, que l’appellation d’origine considérée bénéficie ou non d’une protection.

27      L’argumentation de la Regione Emilia-Romagna, fondée sur l’autonomie de l’article 2 de la directive 2000/13, n’a pas été jugée convaincante par le Tribunale civile di Modena. Faisant droit à la thèse soutenue par la partie requérante au principal, ledit Tribunale a estimé en effet que la notion d’origine et de provenance ne pouvait pas être limitée au lieu où se situe l’établissement de production, mais devait se fonder sur les attentes que le consommateur associe au toponyme concernant le type de produit et ses caractéristiques qualitatives. Afin d’établir si l’étiquetage du produit en cause au principal devait être réputé trompeur, la juridiction de renvoi a donc estimé qu’il était nécessaire de définir juridiquement l’appellation «Salame Felino». Elle a également estimé qu’il était nécessaire de vérifier si cette appellation renvoyait à une recette ou à un type de produit et était donc une appellation générique, ou bien si elle renvoyait à des qualités, des caractéristiques, une réputation dues exclusivement ou essentiellement à l’environnement géographique d’origine et, dès lors, constituait une véritable appellation d’origine au sens du règlement n° 2081/92 modifié.

28      En outre, du fait de l’existence d’une marque collective ayant pour objet la mention «Salame Felino», le juge de renvoi a jugé nécessaire de définir quels étaient les rapports réciproques entre cette marque et l’appellation utilisée de bonne foi depuis plus de dix ans par des opérateurs installés en dehors du territoire de la commune de Felino.

29      Compte tenu de ce qui précède, le Tribunale civile di Modena a décidé de surseoir à statuer dans la procédure en cours et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 3, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 (devenus articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006), lus en combinaison avec l’article 2 du décret législatif n° 109/92 (article 2 de la directive 2000/13), doivent-ils être interprétés en ce sens que l’appellation d’une denrée alimentaire contenant des références géographiques et qui a fait l’objet, au niveau national, d’un ‘rejet’, ou en tout état de cause d’un blocage, de la transmission à la Commission des Communautés européennes de la demande d’enregistrement en tant que AOP ou IGP au sens des règlements précités doit être considérée comme générique au moins pendant toute la période durant laquelle les effets dudit ‘rejet’ ou ‘blocage’ demeurent pendants?

2)      L’article 3, paragraphe 1, et l’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 (devenus articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, du règlement n° 510/2006), lus en combinaison avec l’article 2 du décret législatif n° 109/92 (article 2 de la directive 2000/13) doivent-ils être interprétés en ce sens que l’appellation d’une denrée alimentaire évoquant un lieu et qui n’est pas enregistrée comme AOP ou IGP au sens des règlements précités peut être licitement utilisée dans le marché européen par les producteurs qui en ont fait usage de bonne foi et de façon constante pendant longtemps, avant l’entrée en vigueur du règlement n° 2081/92 (devenu règlement n° 510/2006), puis après ladite entrée en vigueur?

3)      L’article 15, paragraphe 2, de la directive 89/104 […] doit-il être interprété en ce sens qu’il n’est pas permis au titulaire d’une marque collective visant une denrée alimentaire et contenant une référence géographique d’empêcher les producteurs d’une denrée ayant les mêmes caractéristiques de la désigner par une appellation similaire à celle contenue dans la marque collective, dès lors que lesdits producteurs ont utilisé l’appellation en question de bonne foi, de façon constante, depuis bien avant la date d’enregistrement de ladite marque collective?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

30      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une dénomination géographique pour laquelle une demande d’enregistrement en tant que AOP ou IGP a fait l’objet d’un rejet ou d’un blocage au niveau national doit être considérée comme générique au moins pendant toute la période durant laquelle les effets dudit rejet ou du blocage demeurent pendants.

31      À titre liminaire, il convient de rappeler que cette première question, dont la recevabilité est contestée par le gouvernement italien ainsi que par la Commission, a pour origine l’argumentation invoquée par GSI dans le cadre du recours que celle-ci a introduit à l’encontre de la sanction dont elle a fait l’objet pour méconnaissance de l’article 2 du décret législatif n° 109/92.

32      À l’appui de son recours tendant à établir que l’étiquetage des saucissons qu’elle commercialise sous l’appellation «Salame tipo Felino» n’est pas trompeur au sens de l’article 2 du décret législatif n° 109/92, GSI a avancé une argumentation en deux temps.

33       GSI a fait valoir, d’abord, que l’étiquetage en cause au principal ne saurait être considéré comme trompeur dès lors que l’appellation «Salame tipo Felino» doit être réputée générique au sens de l’article 3 du règlement n° 2081/92 modifié. GSI a fait valoir, ensuite, que l’appellation «Salame tipo Felino» devait être réputée générique dans la mesure où, par ailleurs, une demande d’enregistrement de l’appellation «Salame Felino» comme IGP a été introduite par deux associations de producteurs locaux et où, à la date de la sanction en cause au principal, il n’avait pas encore été statué sur cette demande.

34      La juridiction de renvoi a considéré comme acquis le premier élément de l’argumentation de GSI et n’a, par conséquent, déféré à la Cour que le second élément de l’argumentation, objet de la première question.

35      Toutefois, tant le gouvernement italien que la Commission contestent la prémisse selon laquelle le caractère générique de l’appellation «Salame tipo Felino», au sens de l’article 3 du règlement n° 2081/92 modifié, aurait une incidence sur l’appréciation du caractère trompeur de l’étiquetage, au sens de l’article 2 de la directive 2000/13. Ils font valoir que la question posée, relative à la valeur juridique de la dénomination elle-même, est irrecevable faute de lien avec le litige au principal, lequel porte sur le caractère trompeur de l’étiquetage des produits ainsi dénommés.

36      Avant d’aborder le fond de la question posée, il convient donc de statuer sur la recevabilité de celle-ci.

 Sur la recevabilité de la question

37      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 234 CE, il appartient, en principe, aux juridictions nationales saisies d’un litige d’apprécier tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Celle-ci peut toutefois refuser de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale, notamment lorsqu’il apparaît, de manière manifeste, que l’interprétation du droit communautaire demandée par celle-ci n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal et ne répond donc pas à un besoin objectif pour la solution dudit litige (voir, notamment, arrêts du 15 juin 1999, Tarantik, C-421/97, Rec. p. I-3633, point 33, ainsi que du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C-393/04 et C-41/05, Rec. p. I-5293, point 24).

38      Il importe certes de souligner que le caractère générique d’une appellation, au sens de l’article 3 du règlement n° 2081/92 modifié, ne saurait exclure a priori l’éventuel caractère trompeur, au sens de l’article 2 de la directive 2000/13, de l’étiquetage des produits ainsi dénommés. Comme le souligne Mme l’avocat général aux points 53 et 54 de ses conclusions, il existe des circonstances dans lesquelles le consommateur pourrait effectivement être induit en erreur par l’indication d’une dénomination générique sur l’étiquette d’un produit, eu égard aux caractéristiques intrinsèques de l’étiquetage dudit produit. Ainsi, le fait que l’usage par un producteur d’une appellation générique, par définition non protégée, ne viole pas le règlement n° 2081/92 modifié, ne saurait avoir pour conséquence que l’intérêt des consommateurs, protégé par la directive 2000/13, est nécessairement garanti.

39      Néanmoins, contrairement à ce que soutiennent le gouvernement italien et la Commission, la valeur juridique de l’appellation, et notamment son éventuel caractère générique, est l’un des éléments, qui, sans être à lui seul déterminant, peut utilement être pris en compte dans l’appréciation du caractère trompeur de l’étiquetage.

40      En effet, la Commission, pour déterminer si une appellation revêt ou non un caractère générique, doit prendre en compte un certain nombre de facteurs, et notamment, en vertu de l’article 3 du règlement n° 2081/92 modifié, «la situation existant dans l’État membre où le nom a son origine et dans les zones de consommation». De son côté, la juridiction de renvoi devra également tenir compte de ces facteurs pour déterminer si l’étiquetage du produit concerné est de nature à induire en erreur le consommateur, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/13.

41      Il s’ensuit qu’il est pertinent pour la juridiction de renvoi, dans le cadre de l’appréciation qu’elle sera amenée à porter quant au caractère éventuellement trompeur de l’étiquetage du produit en cause au principal, de savoir si l’appellation en cause revêt ou non un caractère générique.

42      Il résulte de ce qui précède que la question posée n’est pas manifestement dépourvue de pertinence pour la solution du litige au principal et qu’elle est, par suite, recevable.

 Sur le fond

43      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la première question, telle qu’elle figure dans la décision de renvoi, fait référence à une double circonstance de fait. D’une part, la dénomination «Salame Felino» aurait fait l’objet d’une demande d’enregistrement comme AOP ou IGP au sens du règlement n° 2081/92 modifié et, d’autre part, la transmission de cette demande à la Commission aurait ultérieurement été rejetée ou du moins bloquée par les autorités italiennes.

44      Il résulte de la lecture combinée des dispositions de l’article 5, paragraphes 4 et 5, de l’article 6, paragraphes 2 à 5, et de l’article 3, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement n° 2081/92 modifié que la Commission est, en définitive, seule compétente pour statuer sur les demandes d’enregistrement qui lui sont transmises par les autorités nationales soit en accordant la protection sollicitée, soit, au contraire, en refusant l’enregistrement demandé au motif, le cas échéant, du caractère générique de la dénomination en cause. Partant, la circonstance que la demande d’enregistrement ait été rejetée ou bloquée par les autorités nationales, ainsi que les causes d’un tel rejet ou d’un tel blocage, ne sauraient, d’aucune manière, affecter la réponse à apporter à la question posée.

45      Cela étant, la juridiction de renvoi, se référant aux dispositions de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié, demande, en substance, s’il n’existe pas, le cas échéant, une présomption de caractère générique de l’appellation dès avant la décision de la Commission, une fois introduite la demande d’enregistrement, et ce au moins durant la période qui sépare la date de cette introduction de la date de l’éventuelle transmission de la demande à la Commission par les autorités nationales.

46      À cet égard, se référant à l’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié, la juridiction de renvoi semble se demander si l’interprétation a contrario de cette disposition n’aboutit pas à une telle présomption.

47      Force est de constater que tel n’est pas le cas. L’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié dispose que les dénominations (déjà) protégées ne peuvent devenir génériques. Il résulte certes a contrario de cette disposition que les dénominations non encore protégées, puisque faisant l’objet d’une demande d’enregistrement, sont susceptibles de devenir génériques en l’absence d’obstacles résultant d’une protection déjà en vigueur.

48      Toutefois, une telle interprétation a contrario ne permet de déduire rien de plus que la simple possibilité que la dénomination en cause devienne générique. En revanche, ladite interprétation ne permet pas de considérer que les dénominations non encore protégées, pour lesquelles une demande d’enregistrement a été introduite, doivent être présumées génériques.

49      Il résulte de ce qui précède que les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié, lus ensemble, ne sauraient être interprétés en ce sens qu’une dénomination qui fait l’objet d’une demande d’enregistrement devrait être réputée générique en attendant l’éventuelle transmission de la demande d’enregistrement à la Commission.

50      Cette conclusion est corroborée par le contenu même de la notion de caractère générique, telle que précisée par la jurisprudence de la Cour. En effet, l’acquisition d’un caractère générique par la dénomination d’un produit est le résultat d’un processus objectif, au terme duquel cette dénomination, bien que contenant la référence au lieu géographique où le produit en question était fabriqué ou commercialisé à l’origine, est devenue le nom commun dudit produit (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2005, Allemagne et Danemark/Commission, C‑465/02 et C‑466/02, Rec. p. I‑9115, points 75 à 100, ainsi que du 26 février 2008, Commission/Allemagne, C‑132/05, Rec. p. I‑957, point 53).

51      Dans ces conditions, la circonstance que la dénomination en cause au principal fasse l’objet d’une demande d’enregistrement doit, en tant que telle, être considérée comme sans incidence sur l’issue d’un tel processus objectif de vulgarisation ou de découplage entre l’appellation et le territoire.

52      En outre, il convient de relever que l’instauration d’une présomption de caractère générique résultant de l’introduction d’une demande d’enregistrement irait à l’encontre des objectifs que poursuit le règlement n° 2081/92 modifié.

53      En effet, le système d’enregistrement des appellations en tant que AOP ou IGP, instauré par le règlement n° 2081/92 modifié, répond à la fois à l’exigence de protection du consommateur, ainsi que cela ressort du quatrième considérant du règlement n° 2081/92 modifié, et à la nécessité de maintenir une concurrence loyale entre producteurs, ainsi que cela ressort du septième considérant dudit règlement. Or, la reconnaissance du caractère générique de l’appellation fait, par définition, obstacle à ce qu’une telle protection soit accordée. Ainsi, présumer générique, du simple fait de l’introduction d’une demande d’enregistrement, une dénomination qui en définitive se révélerait ne pas l’être risquerait de compromettre la réalisation des deux objectifs susmentionnés. Dès lors, la reconnaissance du caractère générique d’une appellation ne saurait être considérée comme acquise durant toute la période précédant la décision de la Commission statuant sur la demande d’enregistrement.

54      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié doivent être interprétés en ce sens que l’appellation d’une denrée alimentaire contenant des références géographiques, qui a fait l’objet d’une demande d’enregistrement en tant que AOP ou IGP au sens dudit règlement, ne saurait être considérée comme générique en attendant l’éventuelle transmission de la demande d’enregistrement à la Commission par les autorités nationales. Le caractère générique d’une appellation, au sens du règlement n° 2081/92 modifié, ne peut être présumé tant que la Commission n’a pas statué sur la demande d’enregistrement de l’appellation, le cas échéant, en la rejetant au motif spécifique que ladite appellation est devenue générique.

 Sur la deuxième question

55      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié, lus en combinaison avec l’article 2 de la directive 2000/13, doivent être interprétés en ce sens que l’appellation d’une denrée alimentaire évoquant un lieu et qui n’est pas enregistrée comme AOP ou IGP peut être licitement utilisée par des producteurs qui en font usage de bonne foi et de façon constante, avant comme après l’entrée en vigueur du règlement n° 2081/92.

 Sur la recevabilité de la question

56      Le gouvernement italien et l’Associazione fra Produttori per la Tutela del «Salame Felino» soutiennent que cette deuxième question est irrecevable. En particulier, ce gouvernement invoque le manque de pertinence de ladite question au regard de l’objet du litige au principal au motif qu’aucune disposition communautaire ou nationale relative à l’étiquetage des produits ne prend en considération la bonne foi de l’opérateur économique qui a mis sur le marché un produit étiqueté de façon trompeuse.

57      Force est toutefois de constater qu’un tel argument, relatif au fond de la question posée, ne saurait avoir une incidence sur la recevabilité de celle-ci.

 Sur le fond

58      À titre liminaire, il convient de rappeler, à l’instar de Mme l’avocat général au point 49 de ses conclusions, que, malgré l’existence de différences entre la directive 2000/13 et le règlement n° 2081/92 modifié, tant au regard de leurs objectifs que de l’étendue de la protection qu’ils confèrent, l’indication des dénominations géographiques sur l’étiquetage des denrées alimentaires peut, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, relever simultanément du champ d’application de ces deux instruments juridiques.

59      Toutefois, dans le cadre du litige au principal, la juridiction de renvoi est appelée à se prononcer sur le seul point de savoir si, au regard de l’article 2 du décret législatif n° 109/92, portant transposition de l’article 2 de la directive 2000/13, GSI a pu induire le consommateur en erreur en indiquant sur l’étiquetage des produits qu’elle commercialise la dénomination «Salame tipo Felino». La juridiction de renvoi se demande donc si la circonstance que l’appellation en cause au principal, non enregistrée comme AOP ou IGP, soit utilisée par des producteurs qui en font usage de bonne foi et de façon constante depuis longtemps a une incidence sur l’appréciation du caractère trompeur de l’étiquetage en cause au principal.

60      À cet égard, il convient de rappeler que, en principe, il n’appartient pas à la Cour de statuer sur la question de savoir si l’étiquetage de certains produits est de nature à induire l’acheteur ou le consommateur en erreur ou de trancher la question du caractère éventuellement trompeur d’une dénomination de vente. Cette tâche revient à la juridiction nationale (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C‑210/96, Rec. p. I-4657, point 30, ainsi que du 12 septembre 2000, Geffroy, C‑366/98, Rec. p. I‑6579, points 18 et 19). Toutefois, la Cour, statuant sur renvoi préjudiciel, peut, le cas échéant, apporter des précisions visant à guider la juridiction nationale dans sa décision (arrêt Geffroy, précité, point 20).

61      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, aux fins de l’appréciation de la capacité d’une indication figurant sur une étiquette à induire en erreur, le juge national doit essentiellement se baser sur l’attente présumée, au regard de ladite indication, d’un consommateur moyen, normalement informé, et raisonnablement attentif et éclairé quant à l’origine, la provenance, la qualité liée à la denrée alimentaire, l’essentiel étant de ne pas induire le consommateur en erreur et de ne pas l’amener à considérer, de façon erronée, que le produit a une origine, une provenance ou une qualité différentes de ce qu’elles sont en réalité (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 1995, Mars, C‑470/93, Rec. p. I-1923, point 24; Gut Springenheide and Tusky, précité, point 31, ainsi que du 13 janvier 2000, Estée Lauder, C-220/98, Rec. p. I-117, point 30).

62      Parmi les éléments à prendre en compte pour apprécier le caractère éventuellement trompeur de l’étiquetage en cause au principal, la durée de l’utilisation d’une dénomination est un élément objectif qui pourrait modifier les attentes du consommateur raisonnable. En revanche, l’éventuelle bonne foi du fabricant ou du détaillant, qui est un élément subjectif, ne saurait affecter l’impression objective que donne au consommateur l’indication d’une dénomination géographique sur une étiquette.

63      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92 modifié, lus en combinaison avec l’article 2 de la directive 2000/13, doivent être interprétés en ce sens que l’appellation d’une denrée alimentaire contenant des références géographiques, qui n’est pas enregistrée comme AOP ou IGP, peut être licitement utilisée à la condition que l’étiquetage du produit ainsi dénommé n’induise pas en erreur le consommateur moyen, normalement informé, et raisonnablement attentif et éclairé. Pour apprécier si tel est le cas, les juridictions nationales peuvent tenir compte de la durée de l’utilisation de la dénomination. En revanche, l’éventuelle bonne foi du fabricant ou du détaillant n’est pas pertinente à cet égard.

 Sur la troisième question

64      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si, sur le fondement de la directive 89/104, le titulaire d’une marque collective visant une denrée alimentaire et contenant une référence géographique identique à l’appellation en cause au principal peut s’opposer à l’utilisation de ladite appellation.

65      Le gouvernement italien soutient que cette troisième question est irrecevable dans la mesure où l’affaire soumise à la juridiction nationale ne concerne pas les marques collectives. Ledit gouvernement fait valoir que la Regione Emilia-Romagna, qui a infligé la sanction en cause au principal à GSI, n’est elle-même titulaire d’aucune marque et ne prétend d’ailleurs pas que GSI aurait porté atteinte à une quelconque marque collective. En outre, lors de l’audience, le gouvernement italien a rappelé que la juridiction de renvoi s’interrogeait uniquement sur la question de savoir si l’étiquetage «Salame tipo Felino», tel que pratiqué par GSI, était de nature à induire le consommateur en erreur quant à l’origine réelle du produit en cause. Nonobstant l’intervention à la procédure d’une association de producteurs locaux, titulaire d’une marque collective «Salame Felino», l’argument de l’éventuelle atteinte portée à une marque collective n’aurait pas été invoqué dans l’affaire dont avait à connaître la juridiction de renvoi.

66      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante rappelée au point 37 du présent arrêt, la Cour n’est pas compétente pour fournir une réponse à la juridiction qui l’a saisie d’un renvoi préjudiciel, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 234 CE, lorsque les questions qui lui sont posées ne présentent manifestement aucun rapport avec la réalité et l’objet de la procédure au principal et ne répondent donc pas à un besoin objectif pour la solution du litige au principal.

67      Or, il est constant que la juridiction de renvoi est appelée à se prononcer, dans le litige qui lui est soumis, uniquement sur le point de savoir si l’étiquetage des saucissons dénommés «Salame tipo Felino» est susceptible d’induire les consommateurs en erreur et, par suite, de méconnaître les dispositions nationales portant transposition de la directive 2000/13.

68      Dès lors, la question de savoir si le titulaire d’une marque collective visant une denrée alimentaire et contenant une référence géographique identique à l’appellation en cause au principal peut s’opposer à l’utilisation de ladite appellation est manifestement dépourvue de pertinence pour la solution du litige au principal et doit, par suite, être déclarée irrecevable.

 Sur les dépens

69      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2796/2000 de la Commission, du 20 décembre 2000, doivent être interprétés en ce sens que l’appellation d’une denrée alimentaire contenant des références géographiques, qui a fait l’objet d’une demande d’enregistrement en tant qu’appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée au sens du règlement n° 2081/92, tel que modifié par le règlement n°2796/2000, ne saurait être considérée comme générique en attendant l’éventuelle transmission de la demande d’enregistrement à la Commission des Communautés européennes par les autorités nationales. Le caractère générique d’une appellation, au sens du règlement n° 2081/92, tel que modifié par le règlement n° 2796/2000, ne peut être présumé tant que la Commission n’a pas statué sur la demande d’enregistrement de l’appellation, le cas échéant, en la rejetant au motif spécifique que ladite appellation est devenue générique.

2)      Les articles 3, paragraphe 1, et 13, paragraphe 3, du règlement n° 2081/92, tel que modifié par le règlement n° 2796/2000, lus en combinaison avec l’article 2 de la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard, doivent être interprétés en ce sens que l’appellation d’une denrée alimentaire contenant des références géographiques, qui n’est pas enregistrée comme appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée, peut être licitement utilisée à la condition que l’étiquetage du produit ainsi dénommé n’induise pas en erreur le consommateur moyen, normalement informé, et raisonnablement attentif et éclairé. Pour apprécier si tel est le cas, les juridictions nationales peuvent tenir compte de la durée de l’utilisation de la dénomination. En revanche, l’éventuelle bonne foi du fabricant ou du détaillant n’est pas pertinente à cet égard.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.