Language of document : ECLI:EU:T:2016:285

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

12 mai 2016 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des sacs industriels en plastique – Recours en annulation – Acte attaquable – Recevabilité – Recours en indemnité – Intérêts de retard – Notion de créance certaine, liquide et exigible – Proportionnalité – Sécurité juridique – Principe d’individualité des peines et des sanctions – Défaut de base légale – Article 266 TFUE – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑669/14,

Trioplast Industrier AB, établie à Smålandsstenar (Suède), représentée par Mes T. Pettersson et A. Johansson, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka, L. Parpala et P. Rossi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre de la Commission du 3 juillet 2014 relative à l’affaire COMP/38.354 [Sacs industriels – Trioplast Industrier AB] et, d’autre part, une demande en indemnité, au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 novembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En 1999, la requérante, Trioplast Industrier AB, a acquis Silvallac SA, par l’intermédiaire de sa filiale, Trioplanex France SA, auprès de Nyborg Plast International A/S, société de droit danois renommée ultérieurement FLS Plast A/S. Cette dernière est une filiale du groupe contrôlé par FLSmidth & Co. A/S (ci-après « FLSmidth »).

2        Le transfert est intervenu le 19 janvier 1999, avec effet rétroactif au 1er janvier 1999, et, en juillet 1999, Silvallac a été renommée Trioplast Wittenheim SA par la requérante.

3        Le 30 novembre 2005, la Commission des Communautés européennes a adopté la décision C (2005) 4634 final, telle que modifiée le 7 décembre 2005, dans l’affaire COMP/38.354 – Sacs industriels (ci-après la « décision de 2005 »), dans laquelle elle constatait que plusieurs entreprises du secteur des sacs industriels en matière plastique avaient participé, en violation de l’article 81 CE, à des accords ou à des pratiques concertées à caractère anticoncurrentiel qui s’étaient étendus à la Belgique, à l’Allemagne, à l’Espagne, à la France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, de janvier 1982 à juin 2002.

4        Parmi les destinataires de la décision de 2005 figure Trioplast Wittenheim, dont la participation à l’infraction a été considérée comme directe par la Commission pendant une période allant du 6 janvier 1982 au 26 juin 2002. La requérante était également identifiée comme ayant appartenu, avec Trioplast Wittenheim, à la même entité économique responsable de l’infraction de 1999 à 2002. FLS Plast et FLSmidth étaient également destinataires de cette décision, dans la mesure où elles avaient formé une entité économique avec Trioplast Wittenheim de 1990 à 1999. 

5        L’article 2, premier alinéa, sous f), du dispositif de la décision de 2005 infligeait les amendes suivantes :

« [Trioplast Wittenheim] : 17,85 millions d’euros. Sur ce montant, [FLSmidth] et [FLS Plast] sont tenues solidairement responsables à hauteur de 15,30 millions d’euros et [la requérante] est tenue solidairement responsable à hauteur de 7,73 millions d’euros. »

6        Il était également précisé aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la décision de 2005 que :

« Les amendes sont payables en euros, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, sur le compte bancaire suivant : [...]. À l’expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement le premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 5,56 %. »

7        La décision de 2005 a été notifiée à la requérante par lettre du 13 décembre 2005 et a été reçue le 14 décembre 2005.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 février 2006, la requérante a introduit un recours contre la décision de 2005. Cette affaire a été enregistrée sous la référence T‑40/06.

9        Parallèlement, FLSmidth et FLS Plast ont déposé au greffe du Tribunal, le 24 février 2006, deux recours en annulation contre la décision de 2005. Ces affaires ont été enregistrées sous les références T‑64/06 et T‑65/06.

10      Après avoir conclu un accord avec FLSmidth et FLS Plast, la requérante a constitué, le 30 mars 2006, une garantie bancaire de 4,87 millions d’euros.

11      Par son arrêt du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission (T‑40/06, Rec, ci-après l’« arrêt de 2010 », EU:T:2010:388), le Tribunal a estimé que la décision de 2005 devait être annulée « en tant que le montant de départ attribué à la requérante [était] fondé sur la part de marché de Trioplast Wittenheim réalisée dans l’année de référence 1996 ».

12      En outre, dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), le Tribunal a accueilli les griefs de la requérante selon lesquels, en raison du fait que le cumul des montants à hauteur desquels celle-ci, d’une part, et FLSmidth et FLS Plast, d’autre part, étaient tenues solidairement responsables pour le paiement de l’amende infligée à Trioplast Wittenheim excédait le montant de ladite amende, la décision attaquée ne définissait pas précisément le montant que celle-ci devrait finalement acquitter. Dans ces conditions, il a estimé que la Commission avait créé une responsabilité solidaire de fait entre la requérante, d’une part, et FLSmidth et FLS Plast, d’autre part, en faisant dépendre le montant effectivement recouvré auprès de celle-ci des montants recouvrés auprès de FLSmidth et de FLS Plast, et inversement, alors que ces entreprises n’avaient jamais formé, ensemble, une entité économique commune.

13      Au point 170 de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), le Tribunal a notamment estimé que :

« Dans la mesure où l’article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée omet de préciser la quote-part revenant à la requérante, tout en conférant à la Commission une pleine liberté en ce qui concerne la mise en œuvre des responsabilités solidaires respectives des sociétés mères successives, qui n’ont jamais formé une entité économique entre elles, cette disposition est incompatible avec l’obligation qu’a la Commission, conformément au principe de sécurité juridique, de mettre la requérante en mesure de connaître sans ambiguïté le montant exact de l’amende qu’elle doit acquitter au regard de la période pour laquelle elle est tenue solidairement responsable de l’infraction avec Trioplast Wittenheim. Ainsi, la décision attaquée viole tant le principe de sécurité juridique que celui d’individualité des peines et des sanctions. »

14      Au point 174, le Tribunal a souligné que :

« Dans la mesure où les autres éléments indispensables au calcul de la quote-part revenant à la requérante […], dont notamment le montant attribué aux autres sociétés mères de Trioplast Wittenheim, ne sont pas devenus définitifs et ne sauraient être établis dans le cadre de la présente procédure, il reviendra à la Commission, en vertu de son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt conformément à l’article 266 TFUE, de déterminer la quote-part de la requérante en fonction des éléments définitifs indispensables à cet effet. »

15      Par conséquent, le Tribunal a, d’une part, annulé l’article 2, premier alinéa, sous f), de la décision de 2005 « en ce qu’il vise [la requérante] » et, d’autre part, fixé, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, à « 2,73 millions d’euros le montant attribué à [celle-ci], sur la base duquel devait être déterminée sa quote-part dans les responsabilités solidaires des sociétés mères successives pour le paiement de l’amende imposée à Trioplast Wittenheim ».

16      Le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus.

17      Par sa lettre du 25 février 2011, la Commission a informé la requérante des deux options dont elle disposait à la suite de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388).

18      D’une part, la Commission a proposé à la requérante de maintenir la garantie bancaire en la réduisant à un montant de 2,73 millions d’euros, augmenté des intérêts. Cette garantie pouvait également être remplacée par une nouvelle garantie du même montant auprès d’un autre établissement bancaire établi dans l’Union européenne et bénéficiant d’une notation AA. Au regard des arrêts à intervenir dans les affaires T‑64/06 et T‑65/06, elle s’est engagée à ajuster la responsabilité solidaire de toutes les entreprises concernées.

19      D’autre part, la Commission a donné la possibilité à la requérante de procéder à un paiement provisoire de la somme fixée par le Tribunal dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), majorée des intérêts de retard. Le cas échéant, tout paiement excédentaire, y compris les intérêts bancaires, serait remboursé à la requérante.

20      Par deux lettres séparées du 18 et du 30 mars 2011, la requérante a notamment demandé à la Commission d’accepter la libération de la garantie bancaire compte tenu de l’annulation par le Tribunal de la décision de 2005 en ce que cette dernière la visait.

21      Par sa lettre du 9 juin 2011, la Commission a soutenu que l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), n’avait pas complètement annulé la décision de 2005 en ce que cette dernière vise la requérante. Elle a joint à sa lettre du 9 juin 2011 une copie de la lettre adressée au garant confirmant la réduction de la garantie bancaire à un montant de 2,73 millions d’euros augmenté des intérêts depuis le 17 mars 2006.

22      Par sa lettre du 5 juillet 2011, la requérante a réitéré son argumentation selon laquelle le Tribunal avait annulé dans son intégralité la décision de 2005 en ce que cette dernière la visait.

23      Dans ses arrêts du 6 mars 2012, FLS Plast/Commission (T‑64/06, EU:T:2012:102) et FLSmidth/Commission (T‑65/06, EU:T:2012:103) (ci-après les « arrêts du Tribunal dans les affaires FLS »), le Tribunal a notamment réduit à 14,45 millions d’euros le montant à hauteur duquel FLS Plast et FLSmidth étaient tenues solidairement responsables pour le paiement de l’amende infligée à Trioplast Wittenheim au titre de l’article 2, premier alinéa, sous f), de la décision de 2005.

24      Par sa lettre du 30 mars 2012, la Commission a informé la requérante qu’elle considérait que l’« amende infligée à [la requérante] était devenue définitive » et l’a invitée à payer la somme de 3 322 979,93 euros, à savoir un montant de 2,73 millions d’euros majorés des intérêts de retard, au taux de 3,56 % à compter du 17 mars 2006 et à la date valeur du 20 avril 2012.

25      Par sa lettre du 11 avril 2012, la requérante a notamment fait valoir qu’il n’était pas possible que des intérêts de retard continuent à courir dès lors que la décision de 2005 avait été annulée par le Tribunal en ce que ladite décision la visait.

26      Le 16 mai 2012, FLSmidth et FLS Plast ont introduit des pourvois contre les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS. Ces pourvois ont été enregistrés sous les références C-238/12 et C-243/12.

27      Par sa lettre du 4 juin 2012, la Commission a soutenu que la décision de 2005 n’avait pas été annulée dans son intégralité. Selon elle, dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), le Tribunal avait maintenu la responsabilité solidaire de la requérante pour le paiement de l’amende infligée à Trioplast Wittenheim. Elle considère que le Tribunal n’avait pas annulé ladite décision concernant la constatation d’une infraction pour laquelle la requérante a été tenue solidairement responsable et concernant les intérêts dus en cas de retard de paiement.

28      Par sa lettre du 29 juin 2012, la requérante a réaffirmé que la décision de 2005 avait été annulée dans son intégralité en ce que ladite décision la visait et que l’imposition d’intérêts de retard n’était pas justifiée.

29      Par sa lettre du 19 juillet 2012, la Commission a confirmé qu’elle disposait toujours à l’encontre de la requérante d’une créance d’un montant de 2,73 millions d’euros majoré d’intérêts de retard et que la garantie bancaire devait être maintenue. Elle a en outre indiqué qu’elle contacterait de nouveau la requérante à la suite des décisions qui seraient rendues par la Cour dans les affaires C-238/12 et C-243/12.

30      Par sa lettre du 17 août 2012, la requérante a exprimé le souhait d’effectuer un paiement provisionnel d’un montant de 2,73 millions d’euros, mais non des intérêts de retard. Elle souhaitait ainsi libérer la garantie bancaire et mettre un terme aux frais qui y étaient afférents. Elle a également indiqué qu’elle se réservait le droit de réclamer à la Commission le montant qui se révélerait excessif à la suite des décisions qui seraient rendues par la Cour dans les affaires C‑238/12 et C‑243/12.

31      Par sa lettre du 30 août 2012, la Commission a pris acte de cette initiative en précisant toutefois qu’il ne s’agissait que d’un paiement provisoire partiel du fait de l’absence de paiement des intérêts de retard.

32      Par sa lettre du 20 septembre 2012 adressée à la banque garante, la Commission a ordonné la réduction de la garantie bancaire à un montant de 632 920,21 euros majoré des intérêts de retard continuant à courir sur cette somme.

33      Par sa lettre du 28 septembre 2012, la requérante a demandé une révision de la formulation de la garantie bancaire pour refléter ses inquiétudes quant à la légalité de la demande de paiement des intérêts de retard formulée par la Commission.

34      Par sa lettre du 10 octobre 2012, la Commission a refusé toute révision de la formulation de la garantie bancaire.

35      Par sa lettre du 11 octobre 2012, la requérante a communiqué son acceptation de la dernière formulation de la garantie bancaire, mais a maintenu sa position quant à la nature provisoire du paiement de la somme de 2,73 millions d’euros et au caractère injustifié de la demande de paiement d’intérêts de retard.

36      Le 7 août 2013, Trioplast Wittenheim a été liquidée.

37      Par ses arrêts du 30 avril 2014, FLSmidth/Commission (C‑238/12 P, Rec, EU:C:2014:284), et du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission (C‑243/12 P, Rec, EU:C:2014:2006) (ci-après les « arrêts de la Cour dans les affaires FLS »), la Cour a rejeté les pourvois formés par FLSmidth et FLS Plast.

38      Par sa lettre du 3 juillet 2014 (ci-après la « lettre attaquée »), la Commission a mis la requérante en demeure de payer, à la date valeur du 15 juillet 2014, des intérêts d’un montant de 674 033,32 euros à la date valeur du 15 juillet 2014. Ces intérêts ont été calculés sur la base de la somme de 2,73 millions d’euros majorés des intérêts de retard, au taux de 3,56 % à compter du 17 mars 2006 et jusqu’au 17 septembre 2012 et de la somme de 632 920,21 euros majorés des intérêts de retard, au taux de 3,56 % à compter du 18 septembre 2012 et jusqu’au 15 juillet 2014.

39      La requérante a versé le montant litigieux le 14 juillet 2014 en formulant des réserves quant à l’existence d’une obligation de payer.

40      Par sa lettre du 23 juillet 2014, la Commission a confirmé le paiement au garant qui a, par conséquent, été libéré de ses obligations au titre de la garantie bancaire.

 Procédure et conclusion des parties

41      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2014, la requérante a introduit le présent recours.

42      Le 12 décembre 2014, la Commission a introduit un mémoire unique portant le double intitulé « Exception d’irrecevabilité concernant le recours en annulation et mémoire en défense concernant le recours en indemnité ».

43      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        premièrement, à titre principal :

–        annuler la lettre attaquée ;

–        annuler ou réduire le montant des intérêts de 674 033,32 euros ;

–        condamner la Commission à rembourser les frais de 4 686,64 euros exposés pour garantir le paiement des intérêts de retard ;

–        deuxièmement, à titre subsidiaire, en application de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE :

–        condamner la Commission au paiement d’indemnités, à hauteur de tout ou partie du montant des intérêts de retard de 674 033,32 euros ;

–        condamner la Commission au paiement d’indemnités, à hauteur des frais de 4 686,64 euros exposés pour garantir le paiement des intérêts ;

–        troisièmement, condamner la Commission au paiement d’indemnités, en application de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, à hauteur de tout ou partie des frais de 22 783,90 euros exposés pour constituer une garantie bancaire à la suite de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388) ;

–        quatrièmement, condamner la Commission au paiement d’intérêts sur les sommes considérées comme dues ;

–        cinquièmement, condamner la Commission aux dépens.

44      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la demande en annulation irrecevable ;

–        rejeter la demande en indemnité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

45      Par le présent recours, la requérante demande, en substance, l’annulation de la lettre attaquée et, à titre subsidiaire, des dommages et intérêts à hauteur de tout ou partie du montant des intérêts de retard, c’est-à-dire les intérêts qu’elle a payés pour avoir constitué une garantie bancaire au lieu de payer l’amende immédiatement. Elle demande également, sous forme d’indemnités, le remboursement des frais bancaires exposés pour constituer ladite garantie. Par son quatrième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de condamner la Commission à payer des intérêts sur l’ensemble de ces sommes.

46      La Commission considère que la demande en annulation est irrecevable et doit, en toute hypothèse, être rejetée comme étant non fondée, de même que la demande en indemnité.

 Sur la recevabilité de la demande en annulation 

47      Premièrement, la Commission considère que la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable, car elle ne contiendrait aucun élément nouveau susceptible de faire l’objet d’un recours. Selon elle, cette lettre se limitait à réclamer le paiement d’intérêts de retard dus sur une amende devenue définitive à la suite des arrêts de la Cour dans les affaires FLS. L’application d’intérêts de retard découlerait automatiquement des modalités du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 357, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »), et de l’article 2 de la décision de 2005. La Commission souligne que l’objectif principal de ladite lettre était de proposer une alternative à la requérante s’agissant du choix final quant à la forme sous laquelle elle préférait que la Commission encaisse le montant des intérêts de retard, à savoir par le biais d’un paiement ou par l’exécution de la garantie, ce qui, selon elle, n’affectait pas la position de la requérante.

48      Deuxièmement, la Commission estime également que la requérante ne s’est pas adressée à l’instance adéquate et qu’elle aurait dû saisir une juridiction nationale compétente pour contrôler la régularité des mesures d’exécution en vertu des dispositions de l’article 299, quatrième alinéa, TFUE.

49      Troisièmement, la Commission estime que la requérante serait, en toute hypothèse, forclose pour contester le taux d’intérêt fixé à l’article 2 de la décision de 2005 et le taux des intérêts de retard indiqué dans la lettre du 13 décembre 2005.

50      La requérante considère que la recevabilité de la demande en annulation ne saurait être contestée.

51      Premièrement, la requérante estime que la lettre attaquée est de nature « définitive », car, dans ladite lettre, elle est mise en demeure, pour la première fois, de payer un montant d’amende exact et définitif à la suite des pourvois contre les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS. En outre, pour la première fois, cette lettre indiquerait que la Commission ferait appel à la garantie bancaire en cas d’absence de paiement avant le 15 juillet 2014.

52      Deuxièmement, la requérante souligne que la Commission ne disposait pas de créance « valable » à son égard avant que celle-ci ne décide, par la lettre attaquée, de fixer le montant exact à hauteur duquel elle était tenue solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale. La décision de 2005 ne lui imposant pas, selon elle, un tel montant, elle n’était pas exécutoire et ne pouvait pas servir de fondement à des intérêts de retard. Selon la requérante, la décision de 2005 aurait été annulée dans son intégralité par le Tribunal dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), en ce que ladite décision la visait. Ladite lettre constituerait donc le premier acte dans lequel la Commission lui aurait communiqué une demande de paiement indiquant le montant qu’elle devrait payer et ne saurait donc être considérée comme une simple application du règlement d’exécution.

53      Troisièmement, la requérante souligne que, en l’absence de décision « valable », la Commission ne disposait pas de créance « valable », c’est-à-dire certaine et liquide, au sens du règlement d’exécution. Dans ces conditions, l’agent de la Commission n’était pas compétent pour adopter la lettre attaquée.

54      Quatrièmement, la requérante estime que le fait que la Commission lui avait auparavant communiqué des estimations est sans pertinence, dans la mesure où ces estimations n’étaient que provisoires et que la Commission aurait elle-même admis la nécessité d’attendre les résultats des pourvois contre les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS.

55      Cinquièmement, la requérante souligne que les juridictions nationales ne sont jamais compétentes pour annuler des actes adoptés par la Commission ni pour condamner cette dernière au paiement de dommages et intérêts.

56      À titre liminaire, il y a lieu de souligner d’emblée que le raisonnement de la requérante repose, dans une large mesure, sur l’argumentation selon laquelle, dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), le Tribunal a annulé dans son intégralité la décision de 2005 en ce que cette dernière la visait (voir, en particulier, points 52 et 53 ci-dessus). Dans ces conditions, d’une part, la Commission ne disposerait pas de créance certaine et liquide à son égard et, d’autre part, il lui incomberait d’adopter une nouvelle décision, ce qui n’aurait pas été fait avant l’adoption de la lettre attaquée.

57      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du libellé de l’article 31 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), que la compétence de pleine juridiction conférée au juge de l’Union en matière d’application des règles de concurrence, laquelle lui permet de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée par la Commission, se rapporte et se limite à l’amende initialement infligée par la Commission (arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T‑275/94, Rec, EU:T:1995:141, point 58).

58      Il convient en outre de relever que, dans le cadre du droit de la concurrence, le juge de l’Union n’a pas le pouvoir d’infliger une amende, il a compétence de pleine juridiction uniquement pour se prononcer sur les amendes fixées par une décision de la Commission (arrêt CB/Commission, point 57 supra, EU:T:1995:141, point 59).

59      Il y a dès lors lieu de conclure que le juge de l’Union n’est pas compétent, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 261 TFUE et par l’article 31 du règlement n° 1/2003, pour substituer à l’amende infligée par la Commission une amende nouvelle, juridiquement distincte de celle-ci (arrêt CB/Commission, point 57 supra, EU:T:1995:141, point 60).

60      En l’espèce, il ressort sans ambiguïté du point 172 de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), que le Tribunal a estimé que, dans la mesure où la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation, en ayant retenu, au regard de la requérante, l’année 1996 comme année de référence pour la détermination de la gravité de l’infraction, il lui appartenait, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, de déterminer un nouveau montant de départ pour le calcul du montant à hauteur duquel la requérante était tenue solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale. Ledit montant, ainsi fixé par le Tribunal dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), ne constitue donc pas une nouvelle amende juridiquement distincte de celle infligée par la Commission dans la décision de 2005.

61      Certes, il ressort du point 2 du dispositif de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), que le Tribunal a défini un montant maximal sur la base duquel devait être déterminée la quote-part de la requérante dans les responsabilités solidaires des sociétés mères successives pour le paiement de l’amende imposée à la filiale. Toutefois, ledit arrêt et les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS ne laissaient aucune marge de manœuvre à la Commission quant au calcul du montant final à hauteur duquel la requérante devait être tenue solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale. Dans ces conditions, il ne fait pas de doute que la Commission pouvait constater une créance « certaine » et « liquide » à la suite des arrêts du Tribunal dans les affaires FLS. Il convient également d’ajouter, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait elle-même admis la nécessité d’attendre les résultats des pourvois contre les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, qu’il ressort de l’article 278 TFUE que l’introduction d’un pourvoi n’est pas suspensive.

62      L’argumentation de la requérante selon laquelle, dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), le Tribunal a annulé dans son intégralité la décision de 2005 en ce que cette dernière la visait doit donc être rejetée.

63      À titre principal, pour statuer sur l’exception d’irrecevabilité de la Commission, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec, EU:C:1981:264, point 9, et du 6 décembre 2007, Commission/Ferriere Nord, C‑516/06 P, Rec, EU:C:2007:763, point 27).

64      Il est également de jurisprudence constante qu’il y a lieu de s’attacher à la substance de la mesure dont l’annulation est demandée pour déterminer si elle est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, la forme dans laquelle elle a été prise étant en principe indifférente à cet égard (arrêts IBM/Commission, point 63 supra, EU:C:1981:264, point 9 ; du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec, EU:T:1994:36, point 57, et du 17 avril 2008, Cestas/Commission, T‑260/04, Rec, EU:T:2008:115, point 68).

65      Dès lors, il y a lieu de déterminer si, en l’espèce, par la lettre attaquée, la Commission a adopté un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique au sens de l’article 263 TFUE.

66      Par la lettre attaquée, à la suite des arrêts de la Cour dans les affaires FLS, la Commission a mis la requérante en demeure de payer, d’une part, 632 920,21 euros au titre des intérêts de retard allant du 17 mars 2006 au 17 septembre 2012, date du paiement de la requérante couvrant le montant principal de l’amende, à savoir 2,73 millions d’euros, et, d’autre part, les intérêts de retard sur le montant restant dû à partir de cette date. En l’absence de paiement en date du 15 juillet 2014, la Commission a informé la requérante qu’elle ferait appel à la garantie bancaire pour un montant total de 674 033,32 euros. Il ressort du tableau annexé que le taux d’intérêt utilisé pour le calcul des intérêts de retard était de 3,56 %.

67      Il convient donc de déterminer si, en réclamant, dans la lettre attaquée, le paiement d’intérêts de retard au taux de 3,56 % à partir du 17 mars 2006, sur le montant de l’amende fixée par la décision de 2005, telle que successivement réformée par l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), et les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, confirmés sur pourvoi, la Commission a introduit un élément nouveau susceptible de produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci.

68      À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que la décision de 2005, telle que successivement réformée par l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), et les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, a fixé le montant de l’amende attribué à la requérante à hauteur de 2,73 millions d’euros. Par ailleurs, en son article 2, la décision de 2005 a clairement établi que l’amende devait être payée en euros, dans les trois mois suivant sa notification, et que des intérêts de retard, à hauteur de 5,56 %, seraient dus à l’échéance de cette période de trois mois en cas de non-paiement de l’amende.

69      Deuxièmement, il y a lieu de souligner que, par sa lettre du 13 décembre 2005 portant notification de la décision de 2005, la Commission a informé la requérante qu’elle ne procéderait pas à l’exécution forcée de la décision de 2005 en cas de recours contre ladite décision, pour autant qu’elle constitue une garantie bancaire acceptable. Dans ce cas, un taux d’intérêt de 3,56 % serait appliqué sur le montant de l’amende tel que défini par la décision de 2005.

70      Troisièmement, par sa lettre du 25 février 2011 faisant suite à l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), la Commission a proposé à la requérante soit de réduire la garantie bancaire constituée par cette dernière le 30 mars 2006 au nouveau montant fixé par le Tribunal dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), à savoir 2,73 millions d’euros, soit de procéder à un paiement provisionnel d’un montant de 3 215 940 euros, incluant des intérêts de retard. Il ressort sans ambiguïté de cette lettre que les intérêts de retard liés à la constitution d’une garantie bancaire ont été calculés sur la base d’un taux de 3,56 %, appliqué au nouveau montant défini par le Tribunal dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), sur la période allant du 17 mars 2006 au 15 mars 2011. La Commission a également clairement indiqué qu’elle redéfinirait, le cas échéant, les montants d’amende infligés solidairement à la requérante ainsi qu’à FLS Plast et à FLSmidth à la suite des arrêts du Tribunal dans les affaires FLS.

71      Quatrièmement, par sa lettre du 30 mars 2012, la Commission a informé la requérante que, à la suite des arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, il n’y avait pas lieu de redéfinir les montants d’amende infligés solidairement à la requérante ainsi qu’à FLS Plast et à FLSmidth. Dans ces conditions, elle a demandé à la requérante de payer un montant total de 3 322 979,93 euros, incluant 592 979,93 euros d’intérêts de retard pour la période allant du 17 mars 2006 au 20 avril 2012.

72      Force est donc de constater que la Commission, par la lettre attaquée, s’est contentée de confirmer la situation engendrée, d’une part, par la décision de 2005, telle que successivement réformée par l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), et par les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, et, d’autre part, par les lettres du 13 décembre 2005, du 25 février 2011 et du 30 mars 2012. En effet, la lettre attaquée se borne à confirmer les conditions auxquelles la Commission a subordonné la suspension du paiement de l’amende au cours de la procédure contentieuse, sans contenir aucun élément nouveau ni révéler une position de la Commission que, d’une part, la décision de 2005, telle que successivement réformée par l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), et par les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, et, d’autre part, les lettres du 13 décembre 2005, du 25 février 2011 et du 30 mars 2012 n’auraient pas déjà fait apparaître de manière claire et explicite.

73      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante. En effet, les seuls éléments décisionnels mis en cause par la requérante consistent, premièrement, dans le fait que la lettre attaquée met en demeure la requérante de payer l’amende, deuxièmement, dans le fait qu’elle donne une date limite pour procéder au paiement et, troisièmement, dans le fait que ladite lettre a défini pour la première fois le montant définitif à payer.

74      Or, premièrement, s’agissant des arguments selon lesquels le fait que la lettre attaquée, pour la première fois, d’une part, met en demeure la requérante de payer et, d’autre part, impose une date limite pour procéder au paiement serait susceptible de rendre recevable le recours, il y a lieu de rappeler, ainsi que cela a été établi aux points 57 à 62 ci-dessus, que le montant de l’amende attribuée à la requérante a été fixé par l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), et les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, sans que la Commission ne dispose plus d’aucune marge d’appréciation à cet égard. La décision de 2005, telle que réformée, formait donc, en toute hypothèse, titre exécutoire à la suite des arrêts du Tribunal dans les affaires FLS, contrairement à ce qu’affirme la requérante. Le fait que des pourvois ont ensuite été introduits ne remet pas en cause ce constat, les recours devant le juge de l’Union n’ayant pas d’effet suspensif.

75      En outre, il convient de rappeler qu’une décision comportant une obligation pécuniaire, même encore non définitive, forme titre exécutoire et doit donc, en principe, être payée immédiatement. Lorsque, comme en l’espèce, disparaît la condition essentielle pour le sursis au paiement de l’amende, à savoir l’existence de pourvois contre les arrêts du Tribunal dans les affaires FLS pendant devant la Cour, la décision devient définitive et contraignante à l’égard du destinataire et l’amende doit être payée immédiatement (ordonnance du 12 mars 2012, Universal/Commission, T‑42/11, EU:T:2012:122, point 35).

76      Deuxièmement, le fait que les différentes lettres de la Commission ne comportent que des montants provisoires tandis que la lettre attaquée détermine le montant précis des intérêts effectivement réclamés à la requérante à l’issue de la procédure n’est pas non plus susceptible de rendre recevable la présente demande en annulation. En effet, la lettre attaquée ne contient pas de caractère décisionnel propre au regard, notamment, de la fixation du taux des intérêts de retard et de la détermination du montant à hauteur duquel la requérante est tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale. Le simple calcul du montant précis des intérêts susceptibles d’être effectivement réclamés à la requérante procède d’une opération purement arithmétique et n’appelle aucune décision (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2005, Cementir – Cementerie del Tirreno/Commission, T‑138/04, EU:T:2005:245, points 55 et 56).

77      Il n’y a pas lieu, par ailleurs, de faire droit à l’argument de la requérante selon lequel refuser que la lettre attaquée fasse l’objet d’un recours, au titre de l’article 263 TFUE, exclurait la question du montant final de l’amende du contrôle juridictionnel. En effet, d’une part, il convient de relever que l’exécution forcée d’une décision de la Commission comportant une obligation pécuniaire est régie par l’article 299 TFUE, qui, à son quatrième alinéa, prévoit des dispositions assurant une protection au niveau national, sans préjudice de la possibilité de poser des questions préjudicielles à la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE. D’autre part, un recours en indemnité, au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pourrait être introduit en cas de faute de l’institution ou de ses agents.

78      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la lettre attaquée ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. La demande en annulation doit donc être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur la demande en indemnité

79      S’agissant de l’existence de comportements prétendument illégaux de la Commission, la requérante renvoie aux cinq moyens avancés dans le cadre de la demande en annulation.

80      Par le premier moyen, tiré d’un défaut de base légale, la requérante considère notamment que la Commission, s’étant abstenue d’adopter une nouvelle décision s’agissant du montant exact à hauteur duquel elle était solidairement tenue pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, ne disposait pas de base légale lui permettant de lui adresser une mise en demeure de payer des intérêts de retard. Elle souligne que, même si le Tribunal devait considérer que l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), n’avait pas annulé dans son intégralité la décision de 2005 en ce que cette dernière la visait, cette décision ne saurait permettre de calculer des intérêts conformément aux conditions instituées par le règlement d’exécution.

81      Par le deuxième moyen, tiré d’une violation des formes substantielles et d’un défaut de compétence, la requérante fait valoir que la Commission, par le biais de l’ordonnateur ou du comptable, n’était pas compétente pour la mettre en demeure de payer des intérêts de retard sans que le collège des commissaires ait préalablement pris une décision définitive relative au montant exact de la somme à hauteur de laquelle elle était solidairement tenue de payer l’amende infligée à sa filiale. Elle souligne à cet égard que la lettre attaquée ne saurait être considérée comme une simple mesure d’administration ou de gestion, comme cela a été le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CB/Commission, point 57 supra (EU:T:1995:141, point 60), puisque ni la décision de 2005 ni l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), ne déterminaient le montant exact de ladite somme.

82      Par le troisième moyen, tiré de violations du principe de sécurité juridique et du principe d’individualité des peines, la requérante estime avoir été incitée à constituer une garantie bancaire. Selon elle, la violation des principes de sécurité juridique et d’individualité des peines viciait la décision de 2005, en créant une solidarité de fait entre les sociétés mères successives de Trioplast Wittenheim, et l’aurait ainsi dissuadée de payer immédiatement le montant à hauteur duquel elle était solidairement tenue pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale.

83      Par le quatrième moyen, tiré de violations de l’article 266 TFUE, en premier lieu, la requérante considère que la Commission n’a pas correctement tiré les conséquences de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388). Dans la mesure où le Tribunal a jugé que la décision de 2005 violait le principe de sécurité juridique et le principe d’individualité des peines, la Commission aurait dû libérer la garantie bancaire et adopter une nouvelle décision. En deuxième lieu, l’absence de réduction de la garantie bancaire au montant maximal fixé par le Tribunal dans l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), avant juin 2011 ne reposerait sur aucune raison valable.

84      Par le cinquième moyen, la requérante allègue que la Commission a méconnu le principe de proportionnalité en lui ordonnant de payer des intérêts sur un montant qui n’a jamais été clairement déterminé et qui est relatif à une amende annulée en sa totalité.

85      Dans la mesure où la lettre attaquée serait venue entériner un certain nombre d’irrégularités antérieures, la requérante demande au Tribunal d’apprécier, dans le cadre de la demande en indemnité, l’ensemble des actes et comportements factuels de la Commission depuis la décision de 2005. Elle avance également dans ce cadre, à l’appui du quatrième moyen, une argumentation spécifique par laquelle, en substance, elle allègue de nouveau l’existence d’une violation de l’article 266 TFUE, dans la mesure où la Commission aurait illégalement refusé de libérer la garantie bancaire à la suite de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388). À titre subsidiaire, la requérante estime que, en tout état de cause, la Commission aurait dû libérer la garantie bancaire à la suite du paiement provisoire du montant de 2,73 millions d’euros effectué en août 2012.

86      S’agissant du dommage et du lien de causalité, en premier lieu, la requérante fait de nouveau valoir que l’absence d’individualité de la peine a rendu hautement risqué tout paiement provisoire effectué après la décision de 2005. Selon elle, même si elle avait effectué un paiement provisoire du montant de 2,55 millions d’euros, à savoir la somme minimale de la fourchette définie dans ladite décision, le risque aurait subsisté qu’elle paie plus que nécessaire dans l’hypothèse où le Tribunal aurait réduit l’amende de Trioplast Wittenheim. En deuxième lieu, elle considère que le refus de la Commission de libérer la garantie bancaire à la suite de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), a directement causé les frais exposés par la suite pour la constitution de ladite garantie.

87      En premier lieu, la Commission estime notamment qu’elle a correctement exécuté les obligations découlant des arrêts pertinents. Elle fait observer que la partie de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), réformant le montant à hauteur duquel la requérante était solidairement tenue pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale serait devenue automatiquement définitive après le prononcé des arrêts de la Cour dans les affaires FLS, sans qu’elle n’ait jamais été en mesure de la modifier. Elle fait également valoir que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt CB/Commission, point 57 supra (EU:T:1995:141), à la suite d’une réduction du montant de l’amende, elle est en droit de réclamer le paiement d’intérêts sur la partie de l’amende qui a été maintenue par le Tribunal.

88      En deuxième lieu, la Commission souligne que les dispositions du règlement d’exécution concernant le caractère certain d’une créance ne s’opposent pas à l’imposition d’intérêts de retard en cas de recours juridictionnel, ce dernier n’ayant aucun effet suspensif, en vertu de l’article 278 TFUE. La possibilité d’imposer des intérêts de retard ne serait pas non plus affectée en cas d’arrêt ordonnant à la Commission de tirer les conséquences d’arrêts futurs. En substance, le point 2 du dispositif de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), aurait engendré une situation analogue  à celle d’un pourvoi, durant lequel le montant de l’amende doit être provisoirement couvert.

89      En troisième lieu, la Commission considère qu’elle était en droit de réclamer le montant à hauteur duquel la requérante était solidairement tenue pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale et les intérêts dus sur ce montant à compter de la date d’échéance figurant dans la décision de 2005 après le prononcé des arrêts du Tribunal dans les affaires FLS. En effet, bien qu’un pourvoi n’ait pas été formé contre l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), la Commission a été enjointe d’attendre le résultat des arrêts du Tribunal dans les affaires FLS afin d’en tirer les conclusions appropriées. Ces arrêts ont automatiquement eu pour effet de maintenir l’amende infligée à la requérante à 2,73 millions d’euros, sans possibilité pour la Commission de la modifier ultérieurement.

90      En quatrième lieu, la Commission considère qu’il n’y a pas de lien de causalité entre ses actes et le préjudice invoqué. Si la requérante avait effectué un paiement provisoire plus tôt, les frais résultant de la garantie bancaire auraient pu être moins élevés ou même évités. Il n’existerait donc pas de différence fondamentale avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission (T‑28/03, Rec, EU:T:2005:139), puisque l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), n’a fait que réduire le montant de l’amende qui continuait à exister.

91      En cinquième lieu, la Commission fait valoir que, quand bien même la requérante aurait été incitée à fournir une garantie bancaire plutôt qu’à payer immédiatement le montant à hauteur duquel elle était solidairement tenue pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, le préjudice lié à cette situation ne saurait être valablement invoqué, puisqu’il ne se serait jamais matérialisé, la somme des montants à hauteur desquels les sociétés mères de Trioplast Wittenheim étaient solidairement tenues pour le paiement de l’amende de ladite filiale demeurant inférieure à l’amende infligée à cette dernière à la suite des arrêts de la Cour dans les affaires FLS. En outre, même si un tel préjudice s’était matérialisé, la requérante aurait pu y remédier dans le cadre d’une action en justice entre les sociétés mères au niveau national.

92      À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec, EU:C:1982:318, point 16, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, Rec, EU:T:2005:453, point 95).

93      Lorsqu’est invoquée comme fondement de l’action indemnitaire l’illégalité d’un acte juridique, celle-ci, pour pouvoir être de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, doit être constitutive d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

94      Le critère décisif à cet égard est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par une institution de l’Union, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation [arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec, EU:C:2007:226, point 47].

95      Le régime dégagé par la Cour en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union prend notamment en compte la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes et, plus particulièrement, la marge d’appréciation dont dispose l’auteur de l’acte mis en cause [arrêt Holcim (Deutschland)/Commission, point 94 supra, EU:C:2007:226, point 50].

96      Lorsque l’institution mise en cause ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union [arrêt Holcim (Deutschland)/Commission, point 94 supra, EU:C:2007:226, point 47].

97      C’est, en outre, à la partie qui met en cause la responsabilité de l’Union qu’il incombe d’apporter des preuves concluantes quant à l’existence ou à l’étendue du préjudice qu’elle invoque et d’établir entre ce dommage et le comportement incriminé de l’institution mise en cause un lien suffisamment direct de cause à effet (arrêt du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec, EU:T:2000:240, point 118, confirmé sur pourvoi par arrêt du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine, C‑472/00 P, Rec, EU:C:2003:399).

98      Dès lors que l’une des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est pas remplie, les prétentions indemnitaires doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres conditions (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec, EU:C:1994:329, point 81, et du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec, EU:T:2002:34, point 37), le juge de l’Union n’étant, en outre, pas tenu de suivre un ordre d’examen déterminé (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec, EU:C:1999:402, point 13).

99      En l’espèce, s’agissant du lien de causalité entre les actes prétendument illégaux de la Commission et le préjudice invoqué, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2, premier alinéa, sous f), de la décision de 2005, la requérante a été tenue solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à Trioplast Wittenheim à hauteur d’un certain montant qui, en vertu du deuxième alinéa dudit article, était payable dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision. En outre, aux termes du quatrième alinéa de cet article, ledit montant portait intérêt de plein droit à compter de l’expiration du délai susvisé.

100    Ainsi que cela a déjà été rappelé, conformément à l’article 299, premier alinéa, TFUE, la décision de 2005 formait, à cet égard, titre exécutoire, dès lors qu’elle comportait une obligation pécuniaire à la charge de personnes autres que des États, et ce nonobstant l’introduction d’un recours en annulation contre cette décision sur le fondement de l’article 263 TFUE. En effet, en vertu de l’article 278 TFUE, un recours formé devant le juge de l’Union n’a pas d’effet suspensif.

101    Dans ces conditions, la requérante ne saurait valablement soutenir que les intérêts de retard et les frais de garantie bancaire qu’elle a supportés en l’espèce résultent directement de l’illégalité de la décision de 2005 ou du caractère prétendument non exécutoire de ladite décision à la suite de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388). Le préjudice qu’elle allègue à cet égard résulte, au contraire, de son propre choix de ne pas exécuter l’obligation de payer le montant de l’amende auquel elle était tenue solidairement, en dérogeant au régime prévu par les articles 278 et 299, premier alinéa, TFUE, mais de constituer une garantie bancaire conformément à la faculté offerte par la Commission. Ce choix a été laissé à la libre appréciation de la requérante à la suite, d’une part, de la décision de 2005 et de la lettre de la Commission du 13 décembre 2005 et, d’autre part, de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), et de la lettre de la Commission du 25 février 2011 et ne revêtait donc pas un caractère obligatoire découlant de la décision de 2005. Si la requérante avait opté pour le paiement immédiat du montant de l’amende auquel elle était tenue solidairement, elle n’aurait pas eu à payer des intérêts de retard et des frais de garantie bancaire (voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑113/04, EU:T:2007:377, point 38 et jurisprudence citée).

102    À cet égard, il y a également lieu de relever que la requérante ne saurait à bon droit alléguer que les violations des principes de sécurité juridique et d’individualité des peines entachant d’illégalité la décision de 2005 l’auraient contrainte à constituer une garantie bancaire au lieu de payer immédiatement le montant à hauteur duquel elle était solidairement tenue pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale. En effet, en cas de paiement immédiat dudit montant, il aurait appartenu à la Commission, contrairement à ce que cette dernière a soutenu lors de l’audience, de restituer à la requérante, à la suite des arrêts du Tribunal, non seulement la somme correspondant à ce montant en principal, mais aussi des intérêts moratoires produits par cette somme (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, Rec, EU:T:2001:249, points 53 et suivants). Par sa lettre du 25 février 2011, la Commission s’était d’ailleurs engagée à ajuster la responsabilité solidaire de toutes les entreprises concernées au regard des arrêts du Tribunal dans les affaires FLS.

103    Par ailleurs, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait indûment tardé à réduire le montant de la garantie bancaire à la suite de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), il y a lieu de rappeler de nouveau que la requérante aurait pu, à tout moment, payer le montant à hauteur duquel elle était solidairement tenue pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale et les intérêts de retard. En tout état de cause, le fait de ne pas avoir procédé à la réduction du montant de la garantie bancaire ne saurait, dans les circonstances de l’espèce, constituer une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, au sens de la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus. En effet, d’une part, à la suite de l’arrêt de 2010, point 11 supra (EU:T:2010:388), le requérant n’a pris contact avec les services de la Commission que le 9 février 2011, alors que l’existence même de la garantie bancaire résultait de son propre choix. D’autre part, il convient de souligner l’existence des nombreux courriers envoyés par la requérante dans lesquels elle prétendait que le Tribunal avait entièrement annulé la décision de 2005 en ce que cette dernière la visait (voir points 20 à 22 ci-dessus). Or, ces courriers n’abordaient aucunement la question de la réduction de la garantie bancaire. S’il est certes regrettable que la Commission ait attendu quatre mois, entre février et juin 2011, pour réduire le montant de la garantie bancaire, il n’en demeure pas moins que c’est la requérante qui a entretenu un doute sur sa position précise.

104    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande en indemnité doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande de la requérante visant à condamner la Commission au paiement d’indemnités, à hauteur de tout ou partie du montant des intérêts de retard de 674 033,32 euros.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

106    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Trioplast Industrier AB est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.