Language of document : ECLI:EU:T:2018:680

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 octobre 2018 (*)

« Aides d’État – Régime d’aide relatif à l’acquisition subventionnée ou à la mise à disposition à titre gracieux de zones naturelles – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur au terme de la phase préliminaire d’examen – Absence de procédure formelle d’examen – Qualité pour agir – Notion de partie intéressée – Recevabilité – Violation des droits procéduraux – Difficultés sérieuses – Affectation substantielle de la position concurrentielle des entreprises concurrentes »

Dans l’affaire T‑79/16,

Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters, établie à Hoenderloo (Pays-Bas), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe I (1), représentées par Mes H. Viaene, D. Gillet, et T. Ruys, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P.-J. Loewenthal et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland, établie à ‘s-Graveland (Pays-Bas), et les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe II (2), représentées par Mes P. Kuypers et M. de Wit, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2015) 5929 final de la Commission, du 2 septembre 2015, concernant l’aide d’État SA.27301 (2015/NN) – Pays-Bas relative à l’acquisition subventionnée ou à la mise à disposition gratuite de zones naturelles, dont un résumé a été publié au Journal Officiel de l’Union européenne (JO 2016, C 9, p. 1),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg et B. Berke (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par lettre du 23 décembre 2008, la Commission des Communautés européennes a reçu une plainte de deux fondations privées sans but lucratif de droit néerlandais, à savoir la Stichting het Nationale Park De Hoge Veluwe, qui est l’une des requérantes dans le présent recours, et la Stichting Linschoten, qui gèrent des terrains et exercent des activités de conservation de la nature et de gestion du patrimoine culturel ainsi que des activités économiques, telles que l’affermage de terres, l’agriculture, la sylviculture et le tourisme. En 2009, les plaignantes ont été remplacées dans le cadre de la procédure administrative en cause par la Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters (association pour l’égalité des droits des propriétaires fonciers privés, ci-après la « VGG »), constituée le 27 avril 2009 et ayant pour objet social, en vertu de l’article 2 de ses statuts, d’assurer l’égalité des droits de tous les propriétaires fonciers privés dans le cadre du subventionnement de l’acquisition de terrains et de la poursuite de la procédure de plainte auprès de la Commission relative aux subventions accordées par l’État néerlandais aux « organismes de gestion de terrains » (ci-après les « OGT »).

2        Par lettre du 4 mars 2009, la Commission a envoyé une demande de renseignements au Royaume des Pays-Bas, à laquelle celui-ci a répondu par lettre du 26 juin 2009.

3        Par lettre du 16 mars 2010, la VGG a fourni à la Commission des informations supplémentaires, en lui demandant d’agir en vertu de l’article 265 TFUE. Par lettre du 26 mars 2010, elle a retiré cette demande et a accepté d’attendre jusqu’à la décision de la Commission concernant un nouveau régime d’aide pour l’acquisition des terrains que le Royaume des Pays-Bas aurait notifié à ladite institution.

4        Le 9 juillet 2010, le nouveau régime d’aide a été notifié à la Commission, comme il ressort du paragraphe 1 de la décision C(2011) 4945 final de la Commission, du 13 juillet 2011, concernant l’aide d’État accordée par le Royaume des Pays-Bas sous forme de subventions applicables à l’acquisition de terrains dans un but de protection de l’environnement (N 308/2010 – Pays-Bas, ci-après la « décision du 13 juillet 2011 »).

5        Par la décision du 13 juillet 2011, la Commission a approuvé le nouveau régime d’aide.

6        Par lettre du 27 juillet 2011, accompagnée d’une copie de la décision du 13 juillet 2011, la Commission a informé la VGG qu’elle considérait que les objections formulées dans la plainte en cause avaient été surmontées par cette décision.

7        Par communications des 26 août, 14 et 28 septembre 2011, la VGG a insisté pour que la Commission prenne position sur la plainte en cause et demande le recouvrement de l’aide illégale.

8        Par lettre du 30 septembre 2011, la Commission a demandé des renseignements supplémentaires aux autorités néerlandaises. Celles-ci ont répondu par lettre du 17 janvier 2012. Après une période sans échange de correspondance, par lettre du 28 avril 2014, la VGG a informé la Commission que ses négociations avec lesdites autorités avaient échouées.

9        À la suite de plusieurs échanges et de réunions entre la Commission, la VGG et les autorités néerlandaises, la Commission a adopté la décision C(2015) 5929 final, du 2 septembre 2015, concernant l’aide d’État SA.27301 (2015/NN) – Pays-Bas relative à l’acquisition subventionnée ou à la mise à disposition gratuite de zones naturelles, dont un résumé a été publié au Journal Officiel de l’Union européenne (JO 2016, C 9, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

10      En premier lieu, aux paragraphes 9 à 26 de la décision attaquée, la Commission a décrit la mesure d’aide en cause. Cette dernière concerne les subventions octroyées par le Royaume des Pays-Bas, pour l’acquisition des zones naturelles, aux OGT, qui sont treize organisations de protection de la nature, à savoir la Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland, active au niveau national, et douze fondations provinciales ayant pour but la protection et la gestion de la nature dans leur province, et constitue la base de la politique de conservation de la nature de l’État néerlandais (ci-après le « régime PNB »). Ce régime permettait l’acquisition de terrains de valeur écologique, la résiliation de droits de bail à ferme et la vente ou l’échange de terrains nécessaires pour la création d’une structure écologique principale et d’un réseau « Natura 2000 » pour la protection de la biodiversité par le biais du financement de l’acquisition de zones naturelles.

11      La mise en œuvre du régime PNB était soumise à la responsabilité conjointe de l’État néerlandais et de ses provinces entre 1993 et 2007. Ledit État agissait sur le fondement des Regeling bijdragen particuliere terreinbeherende natuurbeschermingsorganisaties, (régime de subventions des organismes privés de protection de l’environnement gestionnaires de terrains), du 16 juillet 1993 (Stcrt. 1993, no 137). Ses provinces agissaient sur le fondement d’interventions ad hoc ou de règlements provinciaux. À partir de 2008, la mise en œuvre dudit régime a été entièrement confiée aux provinces, en application de règlements fondés sur la Wet Inrichting Landelijk Gebied (loi sur l’aménagement du territoire rural). Ces règlements étaient largement similaires au régime de subventions des organismes privés de protection de l’environnement gestionnaires de terrains. Ce régime comprenait les subventions à l’acquisition, qui s’élevaient à 100 % des coûts d’acquisition, et la vente occasionnelle à titre gratuit de terrains naturels. En outre, les autorités néerlandaises octroyaient aux OGT des subventions à la gestion des terrains. Le régime susvisé, entré en vigueur le 1er janvier 1993, a pris fin en 2012, lorsqu’il a été remplacé par le nouveau régime d’aide dûment notifié par le Royaume des Pays-Bas et approuvé par la Commission par la décision du 13 juillet 2011.

12      Les bénéficiaires du régime PNB étaient les treize OGT, qui sont des associations et des fondations non gouvernementales sans but lucratif ayant comme objectif statutaire principal la conservation et la gestion de la nature. Ils exerçaient, outre leur activité principale de nature non économique de gestion de la nature, des activités secondaires de nature économique, telles l’acquisition de terrains, la sylviculture, la vente de bois et de viande, la location des droits de chasse et de pêche ou des activités touristiques, qui généraient des recettes au profit desdits OGT et qui, selon les autorités néerlandaises, étaient une source de financement de leur activité principale, de même que les subventions reçues et d’autres contributions et donations de leurs membres ainsi que les revenus découlant de l’éventuelle revente des terrains, et qui devaient être utilisées pour couvrir les coûts de gestion. Les coûts éligibles aux subventions dans le cadre du régime PNB étaient le prix d’achat des terrains, les autres frais d’acquisition et les coûts de résiliation des baux de ferme grevant lesdits terrains. Lorsque les recettes excédaient les coûts de gestion, celles-ci devaient être réinvesties dans la conservation de la nature ou versées à l’État néerlandais. Une telle obligation, bien que non prévue explicitement par ce régime, était implicitement déduite des statuts des OGT, qui devaient être soumis aux autorités néerlandaises afin d’obtenir les subventions. En outre, les OGT n’étaient pas autorisés à changer la destination des terrains acquis sous le même régime ou à les utiliser d’une manière contraire à la finalité de conservation de la nature sans l’accord exprès des autorités octroyant les subventions en cause. De même, les terrains ne pouvaient pas être loués ou revendus sans l’autorisation expresse des autorités. La Commission a constaté que les OGT avaient obtenu occasionnellement de telles autorisations. De plus, étaient prévus, aux niveaux étatique et provincial, des mécanismes de récupération des recettes excédant les dépenses effectives ou des revenus découlant de la revente ou de l’exploitation commerciale desdits terrains effectuées avec l’autorisation des autorités, de sorte que les subventions devaient être soit remboursées soit déduites des subventions de gestion.

13      En deuxième lieu, aux paragraphes 46 à 52 de la décision attaquée, dans le cadre de son appréciation de la mesure d’aide en cause, la Commission a constaté que les OGT, malgré leur statut de fondations ou d’associations sans but lucratif, pouvaient exercer des activités économiques, telles les activités secondaires mentionnées au point 12 ci-dessus, et donc être considérées comme des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, elle a fait référence à l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), dans lequel le Tribunal avait jugé que de telles activités secondaires constituaient des activités de nature économique.

14      En troisième lieu, aux paragraphes 53 à 64 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons qui l’ont amenée à conclure à l’existence d’une aide d’État concernant la mesure d’aide en cause. Premièrement, elle a considéré, au paragraphe 55 de ladite décision, que la cession à titre gratuit de terrains et les subventions à l’acquisition et à la gestion de ces derniers, au moyen des ressources étatiques, conféraient un premier avantage économique aux bénéficiaires du régime PNB, indépendamment de la question de savoir si les recettes générées par les activités de ces dernières excédaient ou non les coûts découlant de ces activités. Par ailleurs, au paragraphe 56 de cette décision, elle a observé qu’il ne pouvait pas être exclu que les OGT perçoivent un second avantage tiré des gains en capital éventuellement découlant de la revente des terrains acquis. Deuxièmement, le régime PNB était sélectif dès lors que seules les treize OGT étaient indiquées, à l’article 3 du régime de subventions des organismes privés de protection de l’environnement gestionnaires de terrains, comme bénéficiaires dudit régime. Troisièmement, ledit régime ne remplissait pas les conditions identifiées par la Cour dans son arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), pour les services d’intérêt économique général (ci-après les « SIEG »). En particulier, selon le paragraphe 59 de la décision attaquée, il ne remplissait pas la quatrième condition de l’arrêt susmentionné, dès lors que la compensation des bénéficiaires du régime PNB n’avait pas été déterminée selon une procédure adéquate.

15      En quatrième lieu, après avoir conclu à l’illégalité de l’aide, la Commission a examiné, aux paragraphes 69 à 98 de la décision attaquée, la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur. Premièrement, elle a considéré que le régime pouvait être qualifié d’aide d’État, mais qu’il constituait la compensation d’un SIEG, et sa compatibilité avec le marché intérieur devait donc être examinée en vertu des règles concernant les SIEG. Au paragraphe 73 de ladite décision, elle a estimé que, dès lors que l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public (JO 2005, C 297, p. 4), ne pouvait pas être appliqué de manière rétroactive, elle devait l’examiner en vertu de l’encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (2011) (JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement 2012 »), qui pouvait être appliqué rétroactivement, en vertu du paragraphe 69 de la décision attaquée. En outre, elle a précisé que la conservation de la nature pouvait être qualifiée de service d’intérêt général, comme l’a confirmé l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418). Deuxièmement, elle a examiné la seule compatibilité des subventions à l’acquisition de terrains aux fins de conservation de la nature et n’a pas remis en cause la classification de l’acquisition de terrains aux mêmes fins en tant que partie d’un SIEG plus large concernant la conservation de la nature. Troisièmement, elle a relevé que la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG (JO 2012, L 7, p. 3), n’était pas applicable, car les conditions d’application de cette dernière n’étaient pas remplies en l’espèce.

16      En cinquième lieu, dans le cadre de l’examen de compatibilité de la mesure d’aide en cause à la lumière de l’encadrement 2012, premièrement, aux paragraphes 88 à 90 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le régime PNB constituait un véritable SIEG et que le mandat confiant aux OGT la responsabilité de gestion du SIEG, bien que ne précisant pas la durée des obligations de service public, n’était pas susceptible d’exclure la compatibilité de ladite mesure d’aide, dès lors que l’objectif visé par cette exigence ne pouvait pas être poursuivi dans un cas où l’aide avait cessé d’exister et où l’ancien régime avait été substitué par un nouveau régime d’aide, dans le cadre duquel le Royaume des Pays-Bas avait bien fixé une durée. En outre, l’absence de fixation de la durée pouvait s’expliquer par le fait que le transfert des terrains dans le cadre du régime PNB était accompagné par l’obligation pour les OGT d’accomplir le SIEG de conservation de la nature. Deuxièmement, au paragraphe 90 de la décision attaquée, la Commission a précisé que ledit régime constituait un SIEG global et atypique composé d’un service d’intérêt général de conservation de la nature et de certaines activités secondaires de nature économique, liées à ce dernier, qui pouvaient être considérées comme une compensation du SIEG, comme l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), l’avait reconnu. Troisièmement, elle a considéré que le montant de compensation octroyé n’était pas excessif, dans la mesure où les recettes générées par l’exercice des activités économiques secondaires et les éventuelles recettes découlant de la revente autorisée des terrains avaient toujours été réinvesties ou déduites des subventions à la gestion, et qu’il n’y avait donc pas de risque de surcompensation.

17      En conclusion, la Commission a constaté que la mesure d’aide en cause, mise en œuvre par le Royaume des Pays-Bas en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, comportait des aides d’État, mais qu’elles étaient compatibles avec le marché intérieur, conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2016, la VGG et les autres requérantes dont les noms figurent en annexe I ont introduit le présent recours.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2016, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland et les autres intervenantes dont les noms figurent en annexe II ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

20      Les requérantes et la Commission ont présenté leurs observations sur la demande d’intervention respectivement le 11 et le 13 juillet 2016.

21      La Commission a déposé son mémoire en défense le 21 juin 2016. Les requérantes ont déposé la réplique le 22 août 2016 et la Commission a déposé la duplique le 21 octobre 2016.

22      L’affaire a initialement été attribuée à la neuvième chambre du Tribunal. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée par la suite, la présente affaire a été attribuée à la deuxième chambre.

23      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 6 avril 2017, il a été fait droit à la demande d’intervention.

24      Les intervenantes ont déposé le mémoire en intervention le 20 juin 2017.

25      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement le 5 et le 31 juillet 2017, la Commission et les requérantes ont présenté leurs observations sur le mémoire en intervention.

26      Le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure.

27      Le 13 juillet 2017, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions aux parties et a demandé à la Commission de produire des documents.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 juillet 2017, la Commission a répondu à la question posée par le Tribunal, mais a refusé de déposer les documents demandés, dès lors qu’ils contenaient, à son avis, des données confidentielles.

29      Par ordonnance du 20 septembre 2017, le Tribunal a enjoint la Commission de produire les documents demandés, en se réservant la décision quant à la communication desdits documents aux requérantes en vertu de l’article 103, paragraphe 1, du règlement de procédure.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 2017, la Commission a produit les documents demandés.

31      Le 13 décembre 2017, le Tribunal a adressé une nouvelle question aux parties à laquelle elles ont répondu dans le délai imparti.

32      Les requérantes concluent, formellement, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

34      Les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ou non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

35      Les requérantes soulèvent quatre moyens, tirés, respectivement, le premier, d’une violation de leurs droits procéduraux, prévus par l’article 108, paragraphe 2, TFUE, le deuxième, de la violation des principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique, le troisième, à titre subsidiaire, de l’erreur de droit et du défaut de motivation dans l’application de l’encadrement 2012 et, le quatrième, de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 Sur la recevabilité du recours

36      La Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, conteste, dans le cadre de son mémoire en défense, la recevabilité du recours, en considérant, que, d’une part, le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux, n’est pas recevable dans la mesure où les requérantes n’ont pas établi leur qualité de parties intéressées et, d’autre part, les deuxième à quatrième moyens ne sont pas recevables, en substance, dans la mesure où elles n’ont pas démontré l’affectation substantielle de leur position concurrentielle. Les intervenantes appuient les conclusions de la Commission concernant l’irrecevabilité du recours.

37      S’agissant notamment de la recevabilité du premier moyen, la Commission et les intervenantes considèrent que les requérantes n’ont pas prouvé leur « intérêt à agir ». Selon elles, les requérantes n’ont pas établi être des parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalité d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9). D’une part, elles soutiennent que la plainte initiale a été déposée par l’une des requérantes et par une autre fondation, qui n’est pas une partie requérante dans la présente affaire, et que la VGG s’est présentée à un stade ultérieur de la procédure administrative, et ne saurait donc être considérée comme plaignante.

38      D’autre part, la Commission et les intervenantes estiment que le fait d’avoir déposé une plainte n’est pas, en soi, suffisant pour déduire que la VGG est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Selon elles, il ressort de la jurisprudence qu’un concurrent indirect du bénéficiaire de l’aide peut être qualifié comme tel, pour autant qu’il fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide et qu’il démontre à suffisance de droit que l’aide risquerait d’avoir une incidence concrète sur sa situation, ce que les requérantes n’auraient pas prouvé en l’espèce. À cet égard, elles soulignent que les bénéficiaires de la mesure d’aide en cause n’exerçaient leurs activités secondaires qu’à petite échelle et ne détenaient une part importante du marché pour aucun des produits en cause. En outre, dans la mesure où les requérantes affirment avoir besoin des terrains en tant que matière première pour exercer leurs activités, la Commission fait valoir que l’acquisition, invoquée comme exemple par les requérantes, des terrains aux fins de conservation de la nature n’est pas comparable à l’acquisition de bois industriel par des entreprises de fabrication de pâte à papier ou de panneaux de fibres.

39      Les intervenantes ajoutent que les requérantes ne sont pas dans une situation de concurrence avec elles en ce qui concerne l’acquisition de terrains en vue de la conservation de la nature, dès lors que cette dernière activité ne constitue pas une activité économique et que, partant, il n’existe pas de marché sur lequel la concurrence pourrait jouer.

40      Les requérantes prétendent être des parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en leur qualité de plaignantes ou de membres de l’association qui a déposé la plainte. Elles estiment être de ce fait directement et individuellement concernées par la décision attaquée et dès lors recevables à soulever le moyen tiré de la violation de leurs droits procéduraux. La qualité de plaignante de la VGG, contestée par la Commission, ressortirait également du paragraphe 1 de ladite décision et serait confirmée par le rôle actif que cette dernière a joué pendant la procédure administrative en cause ainsi que par la réception de cette décision en qualité de plaignante. De plus, l’un des membres de la VGG, qui est une requérante dans la présente affaire, serait l’une des deux fondations qui ont introduit la plainte originaire et qui ont été remplacées par la VGG lors de ladite procédure administrative.

41      Dans la mesure où la Commission considère que la qualité de plaignant ne saurait suffire à reconnaître la qualité de partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE aux requérantes, dès lors qu’elles ne prouvent pas que leurs intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide et que celle-ci risquerait d’avoir une incidence concrète sur leur situation, les requérantes invoquent leur rapport de concurrence avec les OGT, bénéficiaires de l’aide, sur les marchés des activités secondaires exercées par ces dernières, à savoir les activités de tourisme, de l’industrie du bois et de la vente au détail de produits comme les boissons, dont la nature économique a été reconnue dans la décision attaquée. En outre, elles soutiennent que, dès lors qu’elles doivent acquérir des terrains situés aux Pays-Bas pour exercer leurs activités d’exploitation de manière rentable, leur situation serait inévitablement affectée par l’octroi de l’aide et qu’elles seraient, pour le moins, des concurrentes indirectes ou potentielles desdits bénéficiaires. Selon elles, les terrains constituent en effet la matière première dont elles ont besoin pour exercer lesdites activités.

42      Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

43      L’article 108, paragraphe 2, TFUE est libellé comme suit :

« Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. »

44      Aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalité d’application de l’article [88] CE (JO 1999, L 83, p. 1), sont considérées comme « parties intéressées » tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles.

45      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise eu égard à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 20).

46      En premier lieu, s’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides, instituée par le paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de cette dernière, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir, par analogie, arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 22 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 16, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 38).

47      Si, après l’examen préliminaire, la Commission constate que la mesure notifiée ne suscite pas de doute quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle adopte une décision de ne pas soulever d’objection au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999 (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 44), Ce faisant, non seulement elle déclare la mesure compatible avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 45, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42).

48      En revanche, si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46, et du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C‑148/09 P, EU:C:2011:603, point 77).

49      À cet égard, selon une jurisprudence constante, la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, point 61 et jurisprudence citée, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 70).

50      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge de l’Union européenne cette décision (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 23 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 17, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 40).

51      En deuxième lieu, il découle de ce qui précède que la qualité de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, liée à l’objet spécifique du recours, suffit pour individualiser, selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le requérant qui conteste une décision de ne pas soulever d’objections, lorsque ledit recours tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 12 mai 2016, Hamr - Sport/Commission, T‑693/14, non publié, EU:T:2016:292, point 36 ; voir, également, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 48).

52      Les intéressés au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui peuvent ainsi, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, introduire des recours en annulation, sont les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (voir, par analogie, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 41, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).

53      Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires, ce qui n’exclut pas qu’un concurrent indirect du bénéficiaire de l’aide puisse être qualifié de partie intéressée, pour autant qu’il fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide et qu’il démontre, à suffisance de droit, que l’aide risquerait d’avoir une incidence concrète sur sa situation (arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

54      S’agissant des entreprises concurrentes, le requérant doit donc, pour pouvoir être qualifié de partie intéressée, d’une part, établir qu’il se trouve dans un rapport de concurrence avec les bénéficiaires de l’aide et, d’autre part, prouver que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation, faussant le rapport de concurrence en question (arrêt du 12 mai 2016, Hamr - Sport/Commission, T‑693/14, non publié, EU:T:2016:292, point 42).

55      En troisième lieu, il ressort de la jurisprudence que, en l’absence d’un moyen tiré d’une violation des droits procéduraux, le Tribunal ne saurait requalifier l’objet d’un recours remettant en cause exclusivement le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 55).

56      C’est à la lumière des principes jurisprudentiels rappelés aux points 45 à 55 ci-dessus qu’il convient d’examiner la recevabilité du présent recours, en particulier au regard de la fin de non-recevoir invoquée par la Commission dans le cadre du premier moyen.

57      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la décision attaquée est une décision de ne pas soulever d’objection et comporte donc un refus implicite d’ouverture de la procédure formelle.

58      En deuxième lieu, il y a lieu de constater que les requérantes ont, dans le cadre de la présente affaire, effectivement soulevé expressément un moyen visant à invoquer la violation de leurs droits procéduraux, au sens de la jurisprudence évoquée au point 55 ci-dessus.

59      En troisième lieu, la question de la recevabilité de ce moyen dépend essentiellement de la question de savoir si les requérantes ont établi être une « partie intéressée », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, aux termes de la jurisprudence invoquée aux points 52 à 54 ci-dessus.

60      À cet égard, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus, il convient d’apprécier, d’une part, si les requérantes sont des concurrentes directes ou indirectes des bénéficiaires de la mesure d’aide en cause et, d’autre part, si l’octroi de l’aide a une incidence concrète sur leur situation faussant le rapport de concurrence en question.

61      Premièrement, s’agissant de l’existence d’un rapport de concurrence entre les requérantes et les bénéficiaires du régime d’aide, la Commission considère que, dès lors que l’activité principale exercée par les bénéficiaires de l’aide n’est pas une activité économique, aucun rapport de concurrence entre ces dernières et les plaignantes ne serait possible.

62      Or, aux paragraphes 47 à 52 de la décision attaquée, la Commission, dans le cadre de son appréciation de l’existence d’une aide et, notamment, de la qualification des bénéficiaires d’entreprises, a expressément retenu que celles-ci exerçaient également un certain nombre d’activités secondaires, qui, au moins en partie, devaient être considérées comme ayant une nature économique. Elle a fondé cette conclusion sur l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), dans lequel le Tribunal a considéré qu’un régime d’aide très similaire en vigueur en Allemagne constituait une aide compatible avec le marché intérieur. Dans cet arrêt, si l’activité de conservation de la nature a été considérée comme non économique, il a été retenu que les activités ancillaires, telles que la vente de bois, la cession de droits de chasse et de pêche et le tourisme, exercées par les OGT bénéficiaires de l’aide ne constituaient pas nécessairement des activités indissociablement liées à la mission de service public et pouvaient revêtir un caractère économique (arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission, T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418, points 31 et 37 à 50).

63      En l’espèce, il est constant, d’une part, que les bénéficiaires de la mesure d’aide en cause exercent le même type d’activités secondaires que celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), à savoir, ainsi que la Commission l’indique au paragraphe 20 de la décision attaquée, des activités de vente de bois et de viande, de cession de droits de chasse et de pêche et de tourisme, et, d’autre part, que les requérantes sont également actives dans le domaine de la conservation de la nature et du patrimoine culturel et exercent comme activités secondaires de nature économique la location des terrains, l’agriculture, la sylviculture et le tourisme, ainsi qu’il a été indiqué au paragraphe 27 de ladite décision.

64      Dès lors, il ne saurait être contesté que les requérantes et les bénéficiaires de la mesure d’aide en cause sont, pour le moins eu égard aux activités secondaires qualifiées par la Commission d’économiques, concurrentes. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la Commission selon lesquels, d’une part, lesdits bénéficiaires exercent lesdites activités à petite échelle et, d’autre part, ces activités sont entièrement subordonnées à l’activité principale de conservation de la nature. En effet, dès lors que la rentabilité et le caractère accessoire des activités en question ne sont pas considérés comme des éléments pertinents pour exclure leur nature économique d’offre de biens ou de services sur un marché concerné, ces éléments ne sauraient non plus être utilisés pour exclure l’existence d’une concurrence sur ce marché.

65      En outre, la Commission allègue que les requérantes n’ont pas démontré in concreto quelles étaient les activités qu’elles exerçaient qui seraient en concurrence avec les activités des bénéficiaires de la mesure d’aide en cause.

66      Toutefois, force est de constater que, outre le fait que la Commission a identifié les activités des requérantes au paragraphe 27 de la décision attaquée, celles-ci affirment, sans être valablement contredites sur ce point par la Commission, que la Stichting het Nationale Park De Hoge Veluwe, une des plaignantes initiales et requérante dans la présente affaire, est active notamment dans le secteur du tourisme, de l’industrie du bois et de la valorisation d’articles en bois ainsi que dans la vente en gros et les services d’intermédiaire de commerce de gros, en rapport avec la vente en gros de boissons. Par ailleurs, cette fondation possède également un musée et des bâtiments historiques et propose des emplacements de camping.

67      Il ressort de ce qui précède que, pour le moins, l’une des requérantes a prouvé sa qualité de plaignante et de concurrente pour les activités secondaires exercées par les bénéficiaires de la mesure d’aide en cause.

68      Deuxièmement, s’agissant de l’existence d’une incidence concrète de l’octroi de l’aide sur la situation des requérantes faussant le rapport de concurrence entre elles et les bénéficiaires de la mesure d’aide en cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une aide accordée par l’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission, 730/79, EU:C:1980:209, point 11, et du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 84).

69      À cet égard, les requérantes font valoir que, du fait de la mesure d’aide en cause, elles ont été systématiquement écartées de l’acquisition de nouveaux domaines naturels et que cela a favorisé les bénéficiaires de ladite mesure d’aide sur les marchés des activités secondaires sur lesquels elles sont également actives. En outre, elles font remarquer que la rentabilité de la gestion d’un domaine naturel est influencée par sa taille, en raison de la réalisation d’économies d’échelle, et, partant, que l’impossibilité d’élargir leurs propriétés foncières aux mêmes conditions que lesdits bénéficiaires a entraîné une évolution de leurs activités moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle mesure d’aide.

70      La Commission se borne à invoquer le caractère non rentable des activités exercées par les bénéficiaires de la mesure d’aide en cause dont découlerait en substance le caractère faiblement important du désavantage prétendument subi par les requérantes.

71      Or, d’une part, il suffit de relever que, au paragraphe 55 de la décision attaquée, la Commission a considéré, dans le cadre de son appréciation de l’existence d’un avantage, que, bien que les recettes des activités secondaires exercées par les bénéficiaires de la mesure d’aide en cause fussent limitées par la mission de protection de l’environnement qui leur était confiée, ladite mesure d’aide procurait à celles-ci un avantage par rapport aux autres entreprises qui devaient investir dans des espaces naturels afin d’exercer leurs activités secondaires économiques similaires. En outre, aux paragraphes 61 et 62 de la même décision, la Commission a précisé que certaines des activités secondaires en cause étaient ouvertes à la concurrence et au commerce intra-étatique.

72      Par conséquent, il ne saurait être nié que l’octroi de la mesure d’aide en cause ait eu une influence sur la position des requérantes sur les marchés concernés par leurs activités secondaires.

73      D’autre part, il convient de préciser que ce qu’il importe aux requérantes de rapporter en l’espèce n’est pas la preuve d’une affectation substantielle de leur position concurrentielle, mais la simple influence sur cette dernière. Il en découle que l’argumentation de la Commission mentionnée au point 70 ci-dessus pourrait éventuellement viser la portée substantielle de l’affectation de cette position concurrentielle, mais ne saurait nier l’existence de toute influence sur cette dernière, comme, par ailleurs, semble implicitement l’admettre la Commission.

74      Par ailleurs, dans la mesure où la Commission vise à contester la qualité de partie intéressée de la VGG, en ce qu’elle ne pourrait pas être considérée comme plaignante dans le cadre de la procédure administrative devant elle, il y a lieu de relever que la qualité de plaignante de la VGG ne saurait être remise en cause par la Commission, dès lors que, bien que celle-ci se soit substituée aux plaignantes originaires, elle a été constituée dans le but spécifique de poursuivre la procédure de plainte de ses membres devant la Commission, comme il ressort de l’article 2 de ses statuts, et a été effectivement l’interlocuteur de la Commission dans les échanges de correspondance et d’informations ayant eu lieu pendant la phase préliminaire d’examen. En outre, la Commission, avant de prendre sa décision de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen et à la suite de la modification du régime d’aide par le Royaume des Pays-Bas, a envoyé à la VGG une copie de la décision du 13 juillet 2011 approuvant le nouveau régime d’aide, en exprimant son avis selon lequel les objections soulevées dans le cadre de la plainte avaient été surmontées dans cette décision. Ce n’est qu’après la « réactivation » de la plainte, le 26 août 2011, lorsque la VGG et les autres plaignantes ont insisté pour que la Commission prenne position au sujet de leur plainte, que la Commission a continué la procédure et a procédé aux demandes de renseignements mentionnées au point 8 ci-dessus pour ensuite adopter la décision attaquée. Dans ces circonstances, la qualité de plaignante de la VGG, au demeurant explicitement reconnue aux paragraphes 1 et 27 de cette dernière décision, doit être confirmée.

75      En tout état de cause, il y a lieu de souligner, d’une part, que parmi les requérantes figure la Stichting het Nationale Park De Hoge Veluwe, qui est l’une des plaignantes initiales et membre de la VGG, et, d’autre part, qu’il ressort de la jurisprudence que, si une même décision est attaquée par plusieurs requérants et qu’il est établi que l’un d’eux dispose de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la situation des autres requérants (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 37 et jurisprudence citée).

76      Compte tenu de tout ce qui précède, il y lieu de considérer qu’une des requérantes au moins a démontré sa qualité de partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 et que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du recours pour ce qui est des autres requérantes, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le premier moyen doit être déclaré recevable.

77      La fin de non-recevoir invoquée dans le cadre du premier moyen ne saurait prospérer et, dès lors, le chef de conclusions de la Commission selon lequel le recours doit être rejeté en tant qu’irrecevable ne saurait être accueilli.

 Sur le bien-fondé du premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux, prévus par l’article 108, paragraphe 2, TFUE

78      Les requérantes allèguent que la Commission a violé leurs droits procéduraux en n’ayant pas ouvert la procédure formelle d’examen, malgré l’existence de difficultés sérieuses quant à la compatibilité de la mesure d’aide en cause, qui auraient justifié l’ouverture d’une telle procédure. Elles rappellent que la preuve de l’existence de telles difficultés sérieuses peut être apportée à partir d’un faisceau d’indices concordants relatifs, d’une part, aux circonstances et à la durée de la procédure préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée. À cette fin, elles identifient quatre éléments qui, pris ensemble, démontreraient que, en l’espèce, pareilles difficultés sérieuses existaient.

79      En premier lieu, les requérantes invoquent la durée exceptionnellement longue de la phase préliminaire d’examen. La plainte ayant été introduite le 23 décembre 2008 et la décision attaquée n’ayant été adoptée que le 2 septembre 2015, la procédure aurait duré plus de six ans et huit mois. Aucune des circonstances que la Commission fait valoir ne justifierait la durée excessive de ladite phase préliminaire.

80      En deuxième lieu, elles allèguent que l’abondante correspondance échangée entre les différentes parties concernées pendant la phase préliminaire d’examen serait un indice qui, combiné avec la durée exceptionnellement longue de la procédure, démontrerait que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses dans l’examen de la mesure d’aide en cause. De tels échanges seraient, contrairement à ce que soutient la Commission, inhabituels pour une affaire qui ne soulève pas de complexité particulière, en particulier compte tenu du fait que la Commission avait examiné également le nouveau régime d’aide et le régime d’aide allemand présentant des similitudes avec ladite mesure d’aide. En outre, les requérantes considèrent la lettre de la Commission du 27 juillet 2011, les informant que tous les aspects de cette mesure d’aide avaient été examinés dans la décision du 13 juillet 2011, comme cruciale pour examiner l’existence de difficultés sérieuses relatives à la mesure d’aide en question.

81      En troisième lieu, le fait que, au cours d’une phase préliminaire d’examen, un État membre décide de remplacer le régime d’aide examiné par un nouveau régime d’aide et de le notifier constituerait un autre indice clair que la compatibilité de la mesure d’aide en cause était réellement mise en doute, à la fois par la Commission et par l’État membre concerné.

82      En quatrième lieu, les requérantes invoquent un certain nombre d’éléments relatifs au contenu de la décision attaquée qui, compte tenu des caractéristiques particulières de la mesure d’aide en cause, seraient révélateurs des difficultés sérieuses que la Commission aurait rencontrées lors de son examen préliminaire : notamment, premièrement, la conclusion de la Commission sur l’absence de surcompensation fondée sur une simple déclaration du Royaume des Pays-Bas, alors que les bénéficiaires de ladite mesure d’aide ne tenaient pas de comptabilité séparée pour leurs activités économiques et non économiques, deuxièmement, le défaut d’examen par la Commission de l’existence éventuelle d’autres parties intéressées à l’acquisition à titre gratuit de terrains qu’elle aurait dû entendre au cours d’une procédure formelle d’examen, troisièmement, l’application rétroactive de l’encadrement 2012 à une aide qui n’existait plus au moment de son entrée en vigueur et, quatrièmement, la nature atypique de cette mesure d’aide.

83      La Commission et les intervenantes réfutent les arguments des requérantes et considèrent qu’aucune des circonstances invoquées par les requérantes ne suggère l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

84      En premier lieu, s’agissant de la durée de la phase préliminaire d’examen, la Commission considère que celle-ci s’explique par les circonstances de l’espèce, à savoir la période de suspension de l’examen pendant l’examen du nouveau régime d’aide notifié (entre le 26 mars 2010 et le 13 juillet 2011), l’attente de la décision du Tribunal sur le recours introduit par les OGT contre la décision de la Commission du 13 juillet 2011, l’attente de l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), clôturant une affaire similaire revêtant une importance déterminante pour l’appréciation de l’ancien et du nouveau régimes d’aide, et l’absence de contacts entre les requérantes et ses services entre février 2012 et avril 2014, le mois lors duquel celles-ci ont réactivé leur plainte. Elle estime que, dans la mesure où elle dispose de ressources administratives limitées, elle a le droit de ne pas accorder de priorité à une plainte lorsque son appréciation dépend d’affaires pendantes et lorsque des négociations ont lieu au niveau national au sujet du retrait de cette plainte. Elle ajoute que, dès que les requérantes ont repris contact, elle a poursuivi la procédure et que cette dernière a duré 14 mois jusqu’à l’adoption de la décision attaquée.

85      En deuxième lieu, s’agissant des échanges de correspondance entre les parties concernées, la Commission soutient que les quatre demandes de renseignements qu’elle a envoyées aux autorités néerlandaises n’avaient rien d’inhabituel, compte tenu du concours avec les autres procédures administratives et judiciaires qui étaient pendantes. En outre, le volume de ces échanges ne serait pas plus important que dans des affaires similaires, contrairement à ce que les requérantes prétendent.

86      En troisième lieu, s’agissant de la décision du Royaume des Pays-Bas de remplacer l’ancien régime d’aide pour des raisons qui lui sont propres, la Commission fait valoir que ladite décision ne prouve pas qu’il existât des doutes concernant la compatibilité de ce régime avec le marché intérieur. Elle ajoute que la lettre par laquelle elle a informé les requérantes de l’adoption de la décision du 13 juillet 2011 ne comporte pas d’appréciation sur le fond du nouveau régime d’aide, mais uniquement une information selon laquelle elle a estimé qu’il n’existait plus d’intérêt à poursuivre la procédure.

87      En quatrième lieu, s’agissant du contenu de la décision attaquée, la Commission souligne, premièrement, qu’elle a exclu l’existence d’une surcompensation sur la base de l’analyse détaillée contenue aux paragraphes 46 à 53 de ladite décision, deuxièmement, qu’il n’existe pas d’obligation pour la Commission de vérifier si d’autres personnes étaient intéressées par l’achat des terrains, troisièmement, s’agissant de la prétendue application incorrecte de l’encadrement 2012, que les requérantes n’ont pas contesté les raisons pour lesquelles elle a estimé que la durée indéterminée du mandat ne rendait pas incompatible la mesure d’aide en cause et, quatrièmement, que le caractère atypique de ce régime n’est pas pertinent aux fins d’apprécier l’existence de difficultés sérieuses.

88      À titre liminaire, en premier lieu, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 49 ci-dessus que la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché intérieur. La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette aide est compatible avec le marché intérieur.

89      Cette obligation résulte directement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, et est confirmée par les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999, selon lequel, lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, point 33 et jurisprudence citée).

90      Dès lors, il appartient à la Commission de déterminer, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire, si les difficultés rencontrées lors de l’examen de la mesure notifiée nécessitent l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Cette appréciation doit respecter trois exigences (voir arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, point 34 et jurisprudence citée).

91      Premièrement, l’article 108 TFUE circonscrit le pouvoir de la Commission de se prononcer sur l’existence d’une aide au terme de la procédure préliminaire d’examen aux seules mesures ne soulevant pas de difficultés sérieuses, de telle sorte que ce critère revêt un caractère exclusif. Ainsi, la Commission ne saurait refuser d’ouvrir la procédure formelle d’examen en se prévalant d’autres circonstances, telles que l’intérêt de tiers, des considérations d’économie de procédure ou tout autre motif de convenance administrative ou politique (voir arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, point 35 et jurisprudence citée).

92      Deuxièmement, lorsqu’elle se heurte à des difficultés sérieuses, la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle et ne dispose, à cet égard, d’aucun pouvoir discrétionnaire (voir arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, point 36 et jurisprudence citée).

93      Troisièmement, bien que la Commission jouisse d’une certaine marge d’appréciation dans la recherche et dans l’examen des circonstances de l’espèce afin de déterminer si celles-ci soulèvent des difficultés sérieuses (voir, par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, point 75 et jurisprudence citée), la notion de difficulté sérieuse revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances d’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la qualification d’aide de la mesure litigieuse. Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt du 16 septembre 2013, Iliad e.a./Commission, T‑325/10, non publié, EU:T:2013:472, point 37 et jurisprudence citée).

94      En second lieu, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il doit apporter la preuve de l’existence de doutes sur cette compatibilité (voir arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 30 et jurisprudence citée).

95      Cette preuve peut être rapportée à partir d’un faisceau d’indices concordants, l’existence d’un doute devant être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu (voir arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 31 et jurisprudence citée).

96      En l’espèce, la légalité de la décision attaquée, qui est une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, dépend de la question de savoir si la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur suscitait objectivement des difficultés sérieuses.

97      Selon les requérantes, l’existence de difficultés sérieuses nécessitant l’ouverture de la procédure formelle d’examen serait révélée par des indices tenant, d’une part, à la phase préliminaire d’examen et, d’autre part, au contenu de la décision attaquée.

 Indices liés à la procédure préliminaire d’examen

98      Les requérantes font valoir que la durée de la procédure préliminaire d’examen, le volume des échanges entre la Commission et les parties intéressées et la modification du régime d’aide pendant la procédure préliminaire d’examen sont des éléments révélateurs de l’existence de difficultés sérieuses.

99      En premier lieu, s’agissant de la durée de la procédure, selon la jurisprudence, lorsque les mesures étatiques litigieuses ne sont pas notifiées par l’État membre concerné, la Commission n’est pas tenue de procéder à un examen préliminaire de ces mesures dans un délai déterminé. Cependant, lorsque des tiers intéressés ont soumis à la Commission des plaintes relatives à des mesures étatiques n’ayant pas fait l’objet d’une notification, l’institution est tenue, dans le cadre de la phase préliminaire prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de procéder à un examen diligent et impartial de ces plaintes, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État. Il en résulte, notamment, que la Commission ne saurait prolonger indéfiniment l’examen préliminaire de mesures étatiques ayant fait l’objet d’une plainte, cet examen ayant seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la qualification des mesures soumises à son appréciation et sur leur compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, EU:T:2011:534, point 57 et jurisprudence citée).

100    Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure préliminaire d’examen doit s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre et de la complexité de l’affaire (voir arrêt du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, EU:T:2011:534, point 58 et jurisprudence citée).

101    Selon la jurisprudence, l’écoulement d’un délai excédant notablement ce qu’implique un premier examen dans le cadre des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, TFUE peut, avec d’autres éléments, conduire à reconnaître que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses d’appréciation exigeant que soit ouverte la procédure prévue par l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 94 et jurisprudence citée). Cependant, si la durée de la procédure préliminaire d’examen peut constituer un indice de ce que la Commission a pu avoir des doutes en ce qui concerne la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, cette durée ne saurait à elle seule permettre de déduire que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 32 et jurisprudence citée).

102    En l’espèce, il est vrai que la plainte en cause a été introduite le 23 décembre 2008 et que la décision attaquée a été adoptée le 2 septembre 2015. Partant, environ six ans et huit mois se sont écoulés entre l’introduction de la plainte et l’adoption de la décision. Une telle durée, certes, dépasse notablement ce qui peut être considéré comme raisonnable pour un examen préliminaire d’un régime d’aide.

103    Toutefois, comme le fait valoir la Commission, différentes circonstances particulières sont à considérer en l’espèce. À la suite d’une première demande de renseignements adressée au Royaume des Pays-Bas le 4 mars 2009, la Commission a demandé aux requérantes, le 26 mars 2010, leur accord sur la suspension de l’examen de la plainte en cause, pendant que les autorités néerlandaises élaboraient un nouveau régime d’aide qui devait répondre aux objections des requérantes. Ce dernier a été notifié à la Commission le 9 juillet 2010 et a été considéré comme compatible avec le marché intérieur par la Commission dans la décision du 13 juillet 2011. Un recours à l’encontre de cette décision, introduit le 6 janvier 2012, a été rejeté comme irrecevable par ordonnance du 19 février 2013, Provincie Groningen e.a./Commission (T‑15/12 et T‑16/12, non publiée, EU:T:2013:74, points 37 à 58), car les requérantes dans l’affaire T‑15/12, à savoir les douze provinces du Royaume des Pays-Bas, et les requérantes dans l’affaire T‑16/12, à savoir les OGT, attaquant une décision positive, qui déclarait le régime d’aide compatible avec le marché intérieur, sur la qualification d’aide dudit régime et sur la qualification des OGT d’entreprises, n’avaient pas démontré, à suffisance de droit, leur intérêt à agir. Dès lors que les plaignants ont insisté, les 26 août, 14 septembre et 28 septembre 2011, pour que la Commission prenne position sur l’ancien régime d’aide et ordonne le recouvrement de l’aide pour la période d’illégalité précédente, la Commission a repris l’examen en envoyant une deuxième demande de renseignements au Royaume des Pays-Bas le 30 septembre 2011. Après une période sans contact entre la Commission et les requérantes, ces dernières ont insisté une nouvelle fois pour que la Commission prenne position le 28 avril 2014. La Commission a donc eu un entretien avec les requérantes le 1er juillet 2014, reçu des informations supplémentaires de ces dernières le 11 août 2014 et envoyé deux demandes de renseignements supplémentaires au Royaume des Pays-Bas les 27 juin 2014 et 11 mars 2015.

104    Néanmoins, si la période de suspension de l’examen, avec l’accord des requérantes, entre le 26 mars 2010 et le 26 août 2011 (date de la première réactivation de la plainte par les requérantes) peut ne pas être prise en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère raisonnable de la durée d’une procédure préliminaire d’examen, rien n’empêchait la Commission de continuer son examen préliminaire entre février 2012 et le 28 avril 2014 (date de la seconde réactivation de la plainte par les requérantes). Le fait qu’elle a attendu, d’une part, l’ordonnance du 19 février 2013, Provincie Groningen e.a./Commission (T‑15/12 et T‑16/12, non publiée, EU:T:2013:74), sur les recours introduits à l’encontre de la décision du 13 juillet 2011 concernant le nouveau régime d’aide, et, d’autre part, l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), concernant le régime d’aide allemand similaire à celui en cause en l’espèce, démontre qu’elle faisait face à des incertitudes juridiques nécessitant à son avis une clarification de la part du juge de l’Union. En particulier, s’agissant de l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), celui-ci a fourni des éclaircissements concernant la qualification d’aide d’un régime atypique comme celui en cause en l’espèce, question essentielle faisant l’objet de l’examen par la Commission. Or, si cette question présentait une difficulté ou une complexité particulière, la Commission aurait dû, au lieu de prolonger la phase préliminaire d’examen, ouvrir la procédure formelle d’examen afin de permettre aux parties concernées de présenter leurs observations, pendant que la procédure juridictionnelle suivait son cours.

105    La circonstance invoquée par la Commission selon laquelle, entre février 2012 et le 28 avril 2014, les requérantes auraient « apparemment » tenté des négociations avec les autorités néerlandaises ressortirait d’une lettre de la VGG à la Commission du 11 août 2014. Force est de constater que, si la Commission n’a été informée de ces négociations qu’à cette date, son inactivité pendant ladite période ne saurait donc être attribuée auxdites négociations.

106    En tout état de cause, la procédure préliminaire d’examen s’est prolongée pendant plus de quatre ans après la première réactivation de la plainte en cause, presque deux ans après l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), et seize mois après la seconde réactivation de ladite plainte.

107    Compte tenu de toutes ces circonstances, indépendamment de la question de savoir si celles-ci relevaient de la présente affaire ou d’autres affaires, et même en prenant en compte la volonté compréhensible de la Commission d’attendre la fin des négociations entre les parties intéressées afin de résoudre certaines difficultés et l’issue des procédures judiciaires concernant, d’une part, le nouveau régime d’aide, et, d’autre part, le régime d’aide allemand similaire, la durée de la procédure préliminaire d’examen n’en reste que partiellement justifiée et excède notablement ce qu’implique normalement un premier examen. Partant, en l’espèce, la durée de la procédure et, en particulier, la nécessité pour la Commission d’attendre le prononcé de l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), pour se prononcer sur la qualification d’aide constituent des indices probant de l’existence de difficultés sérieuses.

108    Cependant, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 101 ci-dessus, il convient d’examiner si d’autres éléments peuvent corroborer les indices relevés au point 107 ci-dessus.

109    Il y a lieu, notamment, d’examiner les éléments que les requérantes considèrent comme des indices de l’existence de difficultés sérieuses liés au contenu de la décision attaquée.

 Indices liés au contenu de la décision attaquée

110    À titre liminaire, il convient de noter que le Tribunal est tenu de prendre en considération tous les arguments, présentés à l’appui du premier moyen, éventuellement complétés dans le cadre des deuxième, troisième et quatrième moyens et tenant au contenu de la décision attaquée, de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur.

111    L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes quant à cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 (voir, par analogie, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59 ; du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C‑148/09 P, EU:C:2011:603, point 55, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 50).

112    Les requérantes contestent le caractère complet de l’examen de la Commission s’agissant du risque de surcompensation, au sens de l’encadrement 2012. Premièrement, elles invoquent les caractéristiques particulières de la mesure d’aide en cause et la qualification d’atypique du SIEG par la Commission dans la décision attaquée, ce qui démontrerait qu’elle n’avait toujours pas une idée précise de la compatibilité de ladite mesure d’aide à la fin de la procédure préliminaire d’examen. Deuxièmement, elles estiment que la Commission s’est contentée d’une simple déclaration des autorités néerlandaises afin d’exclure ce risque, malgré la particularité de cette mesure d’aide qui résiderait dans le fait que les bénéficiaires, qui exercent tant des activités économiques que non économiques, ne tenaient pas de comptabilité séparée. Ainsi, elles font valoir, dans le cadre du troisième moyen, tiré de l’erreur de droit et du défaut de motivation dans l’application de l’encadrement 2012, que la Commission a méconnu le paragraphe 44 dudit encadrement, à la lumière duquel elle a décidé d’apprécier la compatibilité de la mesure en cause, concernant l’obligation de tenue d’une comptabilité séparée, alors qu’elle avait admis, au paragraphe 50 de ladite décision, que les OGT exerçaient également des activités secondaires de nature économique. Troisièmement, la Commission aurait à tort considéré comme adéquat le mécanisme établi pour éviter les risques de surcompensation, selon lequel les revenus excédentaires éventuellement produits par les activités économiques seraient déduits des coûts engendrés par les activités tant économiques que non économiques lors du calcul des seules subventions de gestion, et non des subventions à l’acquisition. Ce mécanisme aurait pour conséquence que, lorsqu’un OGT dégage des résultats positifs ne nécessitant pas de subventions à la gestion, il profiterait d’une surcompensation du fait que ces bénéfices ne sont pas déductibles des subventions, dont il a pourtant profité, à l’acquisition. Quatrièmement, les requérantes font valoir que les OGT ne seraient soumises à aucune obligation contraignante de réinvestir les éventuels bénéfices réalisés grâce à l’activité de gestion de la nature et à l’éventuelle revente des terrains dans la mission de conservation de la nature.

113    En réponse à ces arguments, premièrement, la Commission rétorque que l’obligation de tenue d’une comptabilité séparée s’impose uniquement aux entreprises qui exercent à la fois des activités relevant du champ d’application d’un SIEG et des activités qui n’en relèvent pas, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, dès lors que les activités secondaires exercées par les bénéficiaires sont connexes au SIEG atypique, plus vaste. Deuxièmement, les coûts de gestion des terrains naturels étant plus élevés que les recettes générées, les activités des bénéficiaires ne seraient pas rentables et donc les subventions à l’acquisition desdits terrains ne pourraient donner lieu à aucune surcompensation. Troisièmement, la Commission soutient avoir examiné tous les cas de revente qui ont eu lieu et avoir ainsi vérifié l’absence de toute surcompensation.

114    Les critiques des requérantes portant, notamment, sur la qualification, retenue par la Commission, de SIEG « global » ou « atypique » de la mesure d’aide en cause ainsi que sur l’absence de comptabilité séparée pour les activités secondaires et de mécanisme destiné à éviter une surcompensation, celles-ci doivent être prises en considération dans le cadre de l’évaluation de l’existence de difficultés sérieuses alléguée par les requérantes dans le cadre du premier moyen, en vertu de la jurisprudence rappelée aux points 110 et 111 ci-dessus.

115    Il convient d’examiner tout d’abord la critique portant sur la qualification de SIEG « global » ou « atypique » appliquée par la Commission à la mesure d’aide en cause.

116    En effet, dès lors que la critique portant sur la qualification de SIEG « global » ou « atypique » appliquée par la Commission à la mesure d’aide en cause implique l’analyse du degré de connexité entre les activités économiques secondaires et l’activité principale de conservation de la nature représentant la mission d’intérêt économique général conférée aux OGT dans le cadre du régime PNB, elle conditionne tant l’appréciation de la nécessité pour les bénéficiaires de ladite mesure d’aide de tenir une comptabilité séparée, et donc l’applicabilité du paragraphe 44 de l’encadrement 2012, que l’appréciation du mécanisme destiné à éviter la surcompensation.

117    En substance, les requérantes mettent en exergue une contradiction entre les paragraphes 50 et 93 de la décision attaquée. Selon elles, cette contradiction démontre que l’examen de la compatibilité de la mesure d’aide en cause soulevait des difficultés sérieuses.

118    D’une part, dans le cadre de l’analyse concernant la qualification de la mesure d’aide en cause, au paragraphe 50 de la décision attaquée, la Commission, en se référant à l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), a conclu que les bénéficiaires de ladite mesure d’aide exerçaient également des activités secondaires qui « n’étaient pas nécessairement liées à la mission de conservation de la nature » et revêtaient un caractère économique.

119    D’autre part, au paragraphe 93 de la décision attaquée, dans le cadre de l’examen de la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché intérieur, la Commission a considéré que l’ensemble des activités économiques secondaires rentraient dans le « SIEG global », dès lors que les coûts et les recettes des activités secondaires étaient imputés aux coûts de l’activité principale.

120    Interrogée, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, sur les raisons pour lesquelles elle a considéré, au paragraphe 93 de la décision attaquée, que certaines activités économiques secondaires devaient être considérées dans la présente affaire comme connexes au service d’intérêt général de conservation de la nature, la Commission a mis en exergue le fait que ces activités économiques secondaires servaient à financer l’activité principale de conservation de la nature, qui, quant à elle, ne générait pas de revenus. Dans ce contexte, tant l’activité principale que les activités secondaires générant des recettes relèveraient du SIEG dans sa globalité et devraient être considérées, au regard de la jurisprudence du Tribunal, comme étant à caractère économique, mais feraient « partie intégrante du SIEG » confié aux OGT, en tant qu’étroitement liées à la mission principale de protection de la nature et dès lors que leurs recettes seraient utilisées pour le financement de la mission principale de protection de la nature et seraient déduites lors de la fixation des subventions de gestion. Par conséquent, le montant de la compensation relative au SIEG dans sa globalité dépendrait également des recettes tirées des activités secondaires.

121    Interrogée, de nouveau dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, sur l’éventualité d’une contradiction entre, d’une part, le paragraphe 93 de la décision attaquée et, d’autre part, le paragraphe 50 de cette dernière, dans lequel il est souligné que ces activités secondaires n’étaient pas nécessairement liées à la préservation de la nature, la Commission a nié l’existence d’une telle contradiction. Elle a soutenu que la circonstance que les activités secondaires n’étaient pas nécessaires pour atteindre les objectifs de protection de la nature et que l’ensemble des activités exercées par les OGT ne pouvait être considéré comme un ensemble indissociable d’activités non économiques ne signifiait pas que ces activités ne pouvaient faire partie d’un SIEG constitué par l’activité primaire non économique de protection de la nature, qui est un service d’intérêt général, et par les activités secondaires économiques qui y étaient liées.

122    En réponse à la même question du Tribunal, les intervenantes, bénéficiaires de la mesure d’aide en cause, ont soutenu la Commission, tout en soulignant qu’il eût été plus cohérent que cette dernière considère au paragraphe 50 de la décision attaquée que les activités secondaires étaient indissociables de la mission principale, dès lors qu’elles étaient toutes placées sous le signe de la gestion de la nature et lui étaient subordonnées et qu’elles généraient des recettes très limitées. Les requérantes ont, quant à elles, réitéré leur argument tiré de l’existence d’une contradiction entre les paragraphes 50 et 93 de ladite décision.

123    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 106, paragraphe 2, TFUE prévoit que les entreprises chargées de la gestion de SIEG ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union.

124    Il découle d’une jurisprudence constante que les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition d’une mission de SIEG et aux conditions de sa mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2017, SNCM/Commission, T‑454/13, EU:T:2017:134, point 93 et jurisprudence citée).

125    Pour autant, le pouvoir de définition des SIEG par l’Etat membre n’est pas illimité (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, GT-Link, C‑242/95, EU:C:1997:376, point 53). Ainsi, il a été jugé que, pour pouvoir être qualifié de SIEG, le service en cause devait revêtir un intérêt économique général qui présentât des caractères spécifiques au regard de celui que revêtaient d’autres activités de la vie économique (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, EU:C:1991:464, point 27).

126    En l’espèce, il convient de relever que, au paragraphe 50 de la décision attaquée, la Commission a fondé sa conclusion du caractère économique des activités secondaires par un renvoi explicite aux motifs figurant au point 41 de l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), dans lequel il a été mis en exergue que, même si les biens et les services offerts par des organisation de protection de l’environnement dans le cadre de leurs activités secondaires résultaient de leur activité principale de protection de l’environnement, ils n’étaient pas rendus obligatoires par cette activité principale. Il résulte de la logique suivie audit paragraphe que la Commission a fait sienne cette appréciation à l’égard des activités secondaires en cause dans la présente espèce. En outre, force est de constater que la Commission n’a pas examiné si les activités secondaires à caractère économique des OGT pouvaient être assurées correctement à des conditions de marché ou revêtaient un intérêt général, conformément aux principes énoncés aux points 124 et 125 ci-dessus.

127    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure préliminaire d’examen constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (voir arrêt du 17 mars 2015, Pollmeier Massivholz/Commission, T‑89/09, EU:T:2015:153, point 50 et jurisprudence citée).

128    Dans ces conditions, bien que les recettes que les activités secondaires généraient visent à couvrir une partie des coûts de l’activité principale de conservation de la nature et qu’elles soient étroitement liées à la mission d’intérêt général de ladite activité principale, les éléments que possédait la Commission ne lui permettaient pas, sur cette seule base, de conclure que les activités secondaires étaient nécessaires au fonctionnement du SIEG au sens du paragraphe 11 de l’encadrement de 2012, qu’elle a appliqué dans la décision attaquée, ou que les activités secondaires revêtaient un intérêt économique général au sens de la jurisprudence citée au point 125 ci-dessus.

129    En effet, si une entreprise à laquelle est conféré un SIEG peut exercer d’autres activités économiques, même liées à la mission d’intérêt général qui lui est confiée, cela n’implique pas automatiquement la possibilité de considérer ces dernières comme faisant partie intégrante dudit SIEG. Il en découle, en revanche, l’exigence qu’une telle entreprise respecte les obligations de transparence financière et de tenue d’une comptabilité séparée afin d’éviter tout risque de surcompensation.

130    Dans ces circonstances, la qualification opérée par la Commission de SIEG « global » ou « atypique » de la mesure d’aide en cause révèle l’existence d’une difficulté sérieuse, s’agissant des activités qui peuvent être considérées comme faisant partie intégrante du SIEG, et, in fine, du degré de connexité entre les activités économiques secondaires et l’activité principale de conservation de la nature.

131    Cette question, évoquée de manière générale par les requérantes, est donc pertinente dans le cadre du contrôle par le Tribunal de l’existence de difficultés sérieuses, au terme de la procédure préliminaire d’examen, qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, et ce indépendamment de la question de savoir si les requérantes ont invoqué une violation par la Commission de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, de manière circonstanciée eu égard à la définition du SIEG, comme le soutient la Commission dans sa réponse à la question que le Tribunal lui a posée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 17 décembre 2017.

132    En outre, l’existence de difficultés sérieuses portant sur l’inclusion des activités économiques secondaires dans le SIEG se reflète nécessairement dans l’examen de la compatibilité de la mesure d’aide en cause, s’agissant de la tenue d’une comptabilité séparée et de l’analyse d’un mécanisme de non-surcompensation, également invoquées par les requérantes comme indices révélateurs de ladite existence.

133    En effet, d’une part, la Commission a considéré que l’obligation de tenir une comptabilité séparée, prévue au paragraphe 44 de l’encadrement 2012, ne serait pas applicable en l’espèce, dès lors que les activités secondaires de nature économique exercées par les OGT seraient partie intégrante du SIEG « atypique » ou « global ».

134    À cet égard, il y a lieu de relever que l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), dont la Commission a attendu le prononcé pendant la phase préliminaire d’examen du régime en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, comme il ressort du point 84 ci-dessus, n’a pu lui être d’aucune utilité pour la résolution de cette question dans le cadre de l’analyse de la compatibilité de la mesure d’aide en cause, dès lors que, dans cette affaire, les entreprises auxquelles le SIEG était conféré tenaient une comptabilité séparée et le régime d’aide national était ouvert, non discriminatoire et à durée déterminée. En outre, dans le cadre de l’analyse de la compatibilité avec le marché intérieur de ladite mesure d’aide, effectuée sur le fondement de l’encadrement communautaire des aides d’État sous forme de compensations de service public de 2005, la Commission n’avait pas eu recours à la notion de SIEG « global » ou « atypique ».

135    D’autre part, la Commission n’aurait pas pu se contenter de vérifier, aux paragraphes 94 à 98 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas eu de surcompensation en l’espèce sans avoir établi que la mesure d’aide en cause prévoyait un système pour éviter la surcompensation efficace, lequel dépendait de l’existence d’une comptabilité séparée. En outre, en toute hypothèse, à défaut d’une comptabilité séparée, la Commission n’aurait pas pu effectuer un contrôle ex post de l’absence de surcompensation en l’espèce.

136    En effet, si, selon la jurisprudence, il appartient à la Commission de vérifier que l’exécution d’obligations de service public n’a pas été économiquement viable afin de déterminer si la compensation des pertes subies relève de la notion d’aide, et donc de vérifier a posteriori l’absence de surcompensation (voir, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 91), la Commission ne saurait procéder à une telle vérification à défaut d’une comptabilité séparée. Or, l’obligation pour les OGT de tenir une telle comptabilité dépend de la question de savoir si les activités secondaires de nature économique générant des recettes peuvent être considérées comme faisant partie intégrante du SIEG atypique.

137    Dans ces circonstances, la question de l’absence d’un mécanisme préétabli tendant à éviter la surcompensation et l’examen ex post de l’absence de surcompensation en l’espèce constituent d’autres indices de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

138    Par ailleurs, dans la mesure où la Commission a considéré, aux paragraphes 96 et 97 de la décision attaquée, que, en tout état de cause, les éventuels revenus devraient être réinvestis pour la conservation de la nature, force est de constater, à l’instar des requérantes, qu’aucune obligation contraignante de réinvestissement ne figure dans les actes conférant les SIEG, comme elle l’a d’ailleurs reconnu au paragraphe 25 de ladite décision. Une telle obligation découlait implicitement des articles des statuts des OGT et la production de ces statuts était une condition demandée par l’acte concernant le régime d’aide. Or, d’une part, en cas de violation de cette obligation, il convient de relever, à l’instar des requérantes, que l’État ne disposerait d’aucun instrument juridique contraignant pour forcer les OGT à la respecter, dès lors qu’il n’existe aucune base légale, administrative ou contractuelle contraignante. D’autre part, le régime allemand, faisant l’objet de l’arrêt du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission (T‑347/09, non publié, EU:T:2013:418), sur lequel la Commission s’est fondée pour analyser la mesure d’aide en cause dans la présente affaire, différait de cette dernière également à cet égard, comme il ressort du paragraphe 77 de la décision C(2009) 5080 final de la Commission, du 2 juillet 2009, relative à des dispositions en matière d’aides d’État, portant, d’une part, sur le transfert à titre gratuit de surfaces du Nationales Naturerbe (héritage naturel national) appartenant à la fédération et, d’autre part, sur le soutien de grands projet en matière de protection de la nature (aide d’État NN 8/2009 ‑ Allemagne ‑ sites naturels protégés). Partant, ledit arrêt n’offrait pas d’éléments d’analyse suffisants sur ce point susceptibles d’éliminer tout doute sérieux quant à la prévision par ladite mesure d’aide de mécanismes adéquats pour éviter les risques de surcompensation.

139    Pareil problème se pose s’agissant de l’obligation de réinvestir les bénéfices d’une éventuelle revente des terrains, dès lors que celle-ci ne ressort pas non plus des actes conférant le SIEG, mais uniquement des statuts des OGT. À cet égard, la Commission allègue que ce problème serait surmonté par l’examen ex post qu’elle a conduit au regard de tous les cas de revente qui auraient eu lieu. Toutefois, dans la mesure où elle a fondé la décision attaquée sur l’encadrement 2012, il y a lieu de relever que le paragraphe 16, sous d), de l’encadrement 2012 prévoit que le mécanisme tendant à éviter une surcompensation doit être préétabli dans l’acte conférant le SIEG.

140    Il découle de tout ce qui précède que le contenu de la décision attaquée confirme l’existence de difficultés sérieuses et constitue un indice corroborant ceux liés à la procédure préliminaire d’examen, examinés aux points 99 à 107 ci-dessus.

141    Ainsi, sans qu’il soit besoin d’analyser les autres éléments que les requérantes considèrent comme des indices de l’existence de difficultés sérieuses liés au contenu de la décision attaquée, il convient d’accueillir le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux du fait de la non-ouverture de la procédure formelle d’examen, en tant que recevable et fondé et, par conséquent et sans qu’il soit besoin d’analyser les deuxième à quatrième moyens, d’annuler ladite décision.

 Sur les dépens

142    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérantes.

143    En outre, en vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 dudit article supportera ses propres dépens. En l’espèce, les intervenantes, qui sont intervenues au soutien de la Commission, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2015) 5929 final de la Commission, du 2 septembre 2015, concernant l’aide d’État SA.27301 (2015/NN) – Pays-Bas relative à l’acquisition subventionnée ou à la mise à disposition gratuite de zones naturelles, est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters et par les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe I.

3)      Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederlandet les autres parties intervenantes dont les noms figurent en annexe II supporteront leurs propres dépens.

Prek

Buttigieg

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.


2      La liste des autres parties intervenantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.