Language of document : ECLI:EU:T:2016:227

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

22 avril 2016 (*)

« Aides d’État – Directive 92/81/CEE – Droits d’accises sur les huiles minérales – Huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine – Exonération de l’accise – Aides existantes ou nouvelles – Article 1er, sous b, i), iii) et iv), du règlement (CE) no 659/1999 – Sécurité juridique – Confiance légitime – Délai raisonnable – Principe de bonne administration – Détournement de pouvoir – Obligation de motivation – Notion d’aide d’État – Avantage – Affectation du commerce entre États membres – Distorsion de la concurrence »

Dans les affaires jointes T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II,

Irlande, représentée par Mme E. Creedon, M. A. Joyce et Mme E. McPhillips, en qualité d’agents, assistés de M. P. McGarry, SC,

Aughinish Alumina Ltd, établie à Askeaton (Irlande), représentée par Mme C. Waterson, MM. C. Little et J. Handoll, solicitors,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, N. Khan, G. Conte, D. Grespan et Mme K. Walkerová, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2006/323/CE de la Commission, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12), en ce que cette décision concerne l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région du Shannon (Irlande),

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur), MM. E. Buttigieg, S. Gervasoni et L. Madise, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 L’exonération litigieuse

1        L’alumine (ou oxyde d’aluminium) est une poudre blanche principalement utilisée dans les fonderies pour produire de l’aluminium. Elle est extraite de la bauxite par un procédé de raffinage dont la dernière étape est la calcination. L’alumine calcinée est utilisée à plus de 90 % pour la fusion de l’aluminium. Le reste est soumis à de nouvelles transformations et est utilisé dans des applications chimiques. Il existe deux marchés de produits distincts, à savoir celui de l’alumine métallurgique (ci-après l’« AM ») et celui de l’alumine chimique (ci-après l’« AC »). Des huiles minérales peuvent être utilisées comme combustible pour la production d’alumine.

2        Il n’y a qu’un seul producteur d’alumine en Irlande, un seul en Italie et un seul en France. Il s’agit, en Irlande, d’Aughinish Alumina Ltd (ci-après « AAL »), établie dans la région du Shannon. Des producteurs d’alumine sont également présents en Allemagne, en Espagne, en Grèce, en Hongrie et au Royaume-Uni.

3        Depuis le 12 mai 1983, l’Irlande exonère de droit d’accise les huiles minérales utilisées pour la production d’alumine (ci-après l’« exonération litigieuse »). L’exonération litigieuse a été introduite en droit irlandais par le Statutory instrument no 126/1983, Imposition of Duties (no 265) (Excise Duty on Hydrocarbon Oils) Order, 1983 [ordonnance sur l’imposition de droits (no 265) (droit d’accise sur les huiles d’hydrocarbure)], du 12 mai 1983 (ci-après l’« ordonnance de 1983 »).

4        L’application de l’exonération litigieuse dans la région du Shannon a été autorisée par la décision 92/510/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, autorisant les États membres à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (JO L 316, p. 16). Cette autorisation a été réexaminée et prorogée par le Conseil de l’Union européenne, jusqu’au 31 décembre 1998, par la décision 97/425/CE, du 30 juin 1997, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à la directive 92/81/CEE (JO L 182, p. 22). Elle a de nouveau été prorogée par le Conseil, jusqu’au 31 décembre 2000, par la décision 1999/880/CE, du 17 décembre 1999, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à la directive 92/81/CEE (JO L 331, p. 73).

5        La décision 2001/224/CE du Conseil, du 12 mars 2001, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d’accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (JO L 84, p. 23), à savoir la dernière concernant l’exonération litigieuse, proroge ladite exonération jusqu’au 31 décembre 2006. Selon son considérant 5, cette décision « ne préjuge pas de l’issue d’éventuelles procédures relatives aux distorsions de fonctionnement du marché unique qui pourraient être intentées notamment en vertu des articles 87 [CE] et 88 [CE] » et « [e]lle ne dispense pas les États membres, conformément à l’article 88 [CE], de l’obligation de notifier à la Commission les aides d’État susceptibles d’être instituées ».

 Procédure administrative

6        Par lettre du 28 janvier 1983, l’Irlande a informé la Commission des Communautés européennes qu’elle s’apprêtait à mettre à exécution un engagement pris à l’égard d’Alcan Aluminium Ltd (ci-après « Alcan »), en avril 1970, en rapport avec la construction, dans la région du Shannon, d’une usine de production d’alumine qui a, ensuite, été cédée à AAL, et portant sur une exonération de droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans cette usine. Par lettre du 22 mars 1983, la Commission a indiqué que cette exonération constituait une aide d’État devant être notifiée. Elle précisait également que, si l’aide ne devait être mise à exécution qu’au moment où elle écrivait, elle pourrait considérer la lettre du 28 janvier 1983 comme une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE. Par lettre du 6 mai 1983, l’Irlande a demandé à la Commission de la considérer comme telle. La Commission n’a adopté aucune décision à la suite de cette correspondance.

7        Par lettre du 17 juillet 2000, la Commission a demandé à l’Irlande de lui notifier l’exonération litigieuse. Par lettre du 27 septembre 2000, elle a rappelé cette demande à l’Irlande, qu’elle a invitée à fournir un complément d’informations. L’Irlande a répondu par lettre du 18 octobre 2000.

8        Par décision C(2001) 3296, du 30 octobre 2001, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard de l’exonération litigieuse (ci-après la « procédure formelle d’examen »). Cette décision a été notifiée à l’Irlande, par lettre du 5 novembre 2001, et a été publiée, le 2 février 2002, au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 30, p. 25).

9        Après avoir, par télécopie du 1er décembre 2001, demandé une prolongation du délai, qui lui a été accordée le 7 décembre 2001, l’Irlande a présenté ses observations par lettre du 8 janvier 2002.

10      Par lettre du 18 février 2002, la Commission a demandé des renseignements complémentaires à l’Irlande.

11      Par lettres des 26 et 28 février et 1er mars 2002, la Commission a reçu les observations respectives d’AAL, d’Eurallumina SpA, d’Alcan Inc. et de l’Association européenne de l’aluminium. Celles-ci ont été communiquées à l’Irlande, par lettres du 26 mars 2002.

12      Par lettre du 26 avril 2002, l’Irlande a répondu à la demande que la Commission lui avait adressée dans sa lettre du 18 février 2002.

 Décision alumine I

13      Le 7 décembre 2005, la Commission a adopté la décision 2006/323/CE, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12, ci-après la « décision alumine I »).

14      La décision alumine I porte sur la période antérieure au 1er janvier 2004, date à laquelle est devenue applicable la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51), abrogeant la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12), ainsi que la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 19), avec effet au 31 décembre 2003 (considérant 57). Elle étend néanmoins la procédure formelle d’examen à la période postérieure au 31 décembre 2003 (considérant 92).

15      Le dispositif de la décision alumine I énonce notamment :

« Article premier

Les exonérations des droits d’accise sur les huiles minérales lourdes utilisées dans la production d’alumine accordées par la France, l’Irlande et l’Italie jusqu’au 31 décembre 2003 constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].

Article 2

L’aide accordée entre le 17 juillet 1990 et le 2 février 2002, dans la mesure où elle est incompatible avec le marché commun, n’est pas récupérée parce que cette récupération serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

Article 3

L’aide, visée à l’article premier, accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, [CE] dans la mesure où les bénéficiaires acquittent un droit d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.

Article 4

L’aide […] accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 est incompatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, [CE] dans la mesure où les bénéficiaires ne se sont pas acquitté d’un droit d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.

Article 5

1.      La France, l’Irlande et l’Italie prennent toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide incompatible visée à l’article 4 auprès de ses bénéficiaires.

[…]

5.      La France, l’Irlande et l’Italie ordonnent aux bénéficiaires de l’aide incompatible visée à l’article 4, dans les deux mois de la date de notification de la présente décision, de rembourser l’aide illégale majorée des intérêts. »

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement les 17 et 23 février 2006, l’Irlande et AAL ont introduit les présents recours, enregistrés respectivement sous les références T‑50/06 et T‑69/06.

17      Par acte séparé, parvenu au greffe du Tribunal le 22 mars 2006, AAL a déposé une demande en référé, en vertu de l’article 242 CE, visant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision alumine I, dans la mesure où cette décision la concerne. Cette demande a été enregistrée sous la référence T‑69/06 R. Par ordonnance du 2 août 2006, le président du Tribunal a rejeté ladite demande et réservé les dépens.

18      En application de l’article 14 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 et sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues, conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

19      Par ordonnance du 24 mai 2007, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a, les parties entendues, joint les affaires T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T‑69/06 (ci-après les « affaires alumine I ») aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

20      Par arrêt du 12 décembre 2007, Irlande e.a./Commission (T‑50/06, T‑56/06, T‑60/06, T‑62/06 et T‑69/06, EU:T:2007:383), le Tribunal a joint les affaires alumine I aux fins de l’arrêt, annulé la décision alumine I et, dans l’affaire T‑62/06, rejeté le recours pour le surplus.

21      Par requête en date du 26 février 2008, la Commission a introduit un pourvoi contre cet arrêt du Tribunal.

22      Par arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, Rec, EU:C:2009:742), la Cour a annulé l’arrêt Irlande e.a./Commission, point 20 supra (EU:T:2007:383), en tant que le Tribunal avait annulé la décision alumine I, renvoyé les affaires alumine I devant le Tribunal et réservé les dépens.

23      À la suite de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 22 supra (EU:C:2009:742), et conformément à l’article 118, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, les affaires alumine I ont été attribuées à la deuxième chambre élargie par décision du président du Tribunal du 18 décembre 2009.

24      Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du 1er mars 2010, les affaires alumine I ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt. Par décision du président du Tribunal du 20 septembre 2010, les affaires alumine I ont été réattribuées à la quatrième chambre élargie.

25      Par arrêt du 21 mars 2012, Irlande/Commission (T‑50/06 RENV, T‑56/06 RENV, T‑60/06 RENV, T‑62/06 RENV et T‑69/06 RENV, Rec, EU:T:2012:134), le Tribunal a annulé la décision alumine I, en tant qu’elle constatait, ou reposait sur le constat, que les exonérations de droits d’accises sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine accordées par la République française, l’Irlande et la République italienne jusqu’au 31 décembre 2003 (ci-après les « exonérations du droit d’accise ») constituaient des aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et en tant qu’elle ordonnait à la République française, à l’Irlande et à la République italienne de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer lesdites exonérations auprès de leurs bénéficiaires dans la mesure où ces derniers ne s’étaient pas acquittés d’un droit d’accise d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde.

26      Par requête en date du 1er juin 2012, la Commission a introduit un pourvoi contre cet arrêt du Tribunal.

27      Par arrêt du 10 décembre 2013, Commission/Irlande e.a. (C‑272/12 P, Rec, EU:C:2013:812), la Cour a annulé l’arrêt Irlande/Commission, point 25 supra (EU:T:2012:134), renvoyé les affaires alumine I devant le Tribunal et réservé les dépens.

28      À la suite de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), les affaires alumine I ont été attribuées à la première chambre par décisions du président du Tribunal des 21 janvier et 10 mars 2014.

29      Conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, les parties ont déposé leurs mémoires d’observations écrites, respectivement, le 21 février 2014, pour l’Irlande, et le 14 avril 2014, pour la Commission, dans l’affaire T‑50 06 RENV II ainsi que le 26 février 2014, pour AAL, et le 15 avril 2014, pour la Commission, dans l’affaire T‑69/06 RENV II. Dans leur mémoire d’observations écrites, les requérantes ont toutefois affirmé maintenir l’ensemble des moyens invoqués à l’appui de leurs conclusions dans les présents recours. La Commission en a pris acte dans ses mémoires d’observations écrites.

30      Par décision du président du Tribunal du 30 septembre 2014, les affaires alumine I ont été réattribuées à la première chambre élargie, conformément à l’article 118, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

31      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée en application de l’article 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, a demandé à l’Irlande, dans l’affaire T‑50/06 RENV II, de produire les lettres des 8 janvier et 26 avril 2002 (voir points 9 et 12 ci-dessus). L’Irlande a déféré à cette demande dans le délai imparti.

32      Par ordonnance du président de la première chambre élargie du 23 mars 2015, les présentes affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience du 6 mai 2015.

34      L’Irlande conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision alumine I, en ce que cette décision concerne l’exonération litigieuse ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      AAL conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision alumine I, en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

37      À titre liminaire, il convient d’observer que les présents recours doivent tous deux être interprétés comme visant, en substance, à l’annulation de la décision alumine I, pour autant que celle-ci constate l’existence d’une aide d’État que l’Irlande aurait accordée, entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003, sur le fondement de l’exonération litigieuse (ci-après l’« aide litigieuse »), et ordonne à l’Irlande de la récupérer (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette mesure, ces recours ont le même objet.

38      À l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande invoque, en substance, quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit dans la qualification de l’aide litigieuse au regard de l’article 88 CE. Le deuxième moyen est pris d’une violation du principe de sécurité juridique, du principe de l’estoppel et de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81. Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe du respect de la confiance légitime. Le quatrième moyen est pris, en substance, d’une violation du principe de l’estoppel ainsi que d’un détournement de pouvoir.

39      À l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, AAL invoque six moyens. Le premier moyen est pris, en substance, d’une erreur de droit dans la qualification de l’exonération litigieuse au regard de l’article 88 CE. Le deuxième moyen est tiré, en substance, d’une violation des principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions ainsi que d’un dépassement de compétence et d’un détournement de pouvoir. Le troisième moyen est pris d’une violation des exigences découlant de l’article 3, paragraphe 1, sous m), CE et de l’article 157 CE. Le quatrième moyen est tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Le cinquième moyen est pris, en substance, d’une violation des principes de respect d’un délai raisonnable, de sécurité juridique et de bonne administration, liée à la durée excessive de la procédure formelle d’examen. Le sixième moyen est tiré, en substance, d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 87, paragraphe 1, CE.

40      Il convient d’examiner, tout d’abord, les moyens par lesquels les requérantes contestent, en substance, l’applicabilité à l’exonération litigieuse des règles en matière d’aides d’État, à savoir, d’une part, le deuxième moyen, pris d’une violation du principe de sécurité juridique, du principe de l’estoppel et de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, et le quatrième moyen, fondé sur une violation du principe de l’estoppel ainsi que sur un détournement de pouvoir, soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, et, d’autre part, le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions ainsi que d’un dépassement de compétence et d’un détournement de pouvoir, et le troisième moyen, pris d’une violation des exigences découlant de l’article 3, paragraphe 1, sous m), CE et de l’article 157 CE, soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II.

41      Il y a lieu, ensuite, d’examiner le moyen par lequel AAL s’oppose, en substance, à la qualification de l’exonération litigieuse d’aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2003, à savoir le sixième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 87, paragraphe 1, CE.

42      Il convient de poursuivre par l’examen des moyens par lesquels les requérantes critiquent, en substance, la qualification de l’exonération litigieuse d’aide nouvelle et non d’aide existante, au sens de l’article 88 CE, à savoir les premiers moyens soulevés à l’appui des présents recours, tirés d’une erreur de droit dans la qualification de l’aide litigieuse au regard de l’article 88 CE.

43      Enfin, il y a lieu de conclure par l’examen des moyens par lesquels les requérantes contestent, en substance, la récupération de l’aide litigieuse, à savoir, d’une part, le troisième moyen, tiré d’une violation du principe du respect de la confiance légitime, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et, d’autre part, le quatrième moyen, pris d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, et le cinquième moyen, fondé sur une violation des principes de respect d’un délai raisonnable, de sécurité juridique et de bonne administration, liée à la durée excessive de la procédure formelle d’examen, soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II.

 Sur, d’une part, le deuxième moyen, pris d’une violation du principe de sécurité juridique, du principe de l’estoppel et de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, et le quatrième moyen, fondé sur une violation du principe de l’estoppel ainsi que sur un détournement de pouvoir, soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, et, d’autre part, le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions ainsi que d’un dépassement de compétence et d’un détournement de pouvoir, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

44      Dans le cadre du deuxième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande fait grief à la Commission d’avoir violé le principe de sécurité juridique, tel qu’interprété en jurisprudence, en ayant adopté, à l’égard de l’exonération litigieuse, une décision qui produit des effets contraires à ceux produits par la décision 2001/224, puisque, alors même que, par cette dernière décision, le Conseil l’avait autorisée à continuer à appliquer l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006, la Commission a, par la décision alumine I, décidé que l’aide litigieuse constituait une aide qui était incompatible avec le marché commun, au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE, et qui devait, partant, être récupérée. Par ailleurs, l’Irlande soutient que la Commission a violé le principe de l’estoppel en adoptant la décision attaquée, qui a produit des effets contraires à ceux produits par la décision 2001/224, sans avoir introduit de recours en annulation, sur le fondement de l’article 230 CE, à l’encontre de cette même décision. Enfin, l’Irlande soutient que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a violé l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, puisque, si celle-ci estimait que l’exonération litigieuse, qu’elle avait été autorisée à appliquer, jusqu’au 31 décembre 2006, par la décision 2001/224, était à l’origine d’une distorsion de la concurrence ou incompatible avec le marché commun, elle aurait dû suivre la procédure prévue par cet article et soumettre au Conseil des propositions appropriées en vue de supprimer ou de modifier l’autorisation délivrée.

45      Dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande fait valoir, en substance, que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a violé le principe de l’estoppel et commis un détournement de pouvoir. Elle estime que le principe de l’estoppel faisait obstacle à ce que la Commission adopte la décision attaquée dans la mesure où, nonobstant la connaissance qu’elle avait de l’exonération litigieuse et de sa mise à exécution, conformément à la décision 2001/224, elle a tardé à adopter la décision alumine I. Premièrement, l’Irlande s’appuie sur la notification, au début de l’année 1983, de l’exonération litigieuse à la Commission, qui a alors adopté une décision positive sur celle-ci. Deuxièmement, elle se fonde sur l’envoi à la Commission, à partir de l’année 1995, d’informations périodiques sur les montants estimés de l’aide litigieuse, qui ont été reprises par la Commission pour ses notifications des aides à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Troisièmement, elle se réfère aux décisions d’autorisation adoptées en 1997, en 1999 et en 2001 par le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission. Quatrièmement, elle invoque l’absence de proposition de la Commission au Conseil, au titre de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, laquelle a été adoptée conformément à la lex specialis de l’article 93 CE. Cinquièmement, elle se prévaut de l’absence de recours en annulation introduit par la Commission, sur le fondement de l’article 230 CE, à l’encontre de la décision 2001/224. Sixièmement, elle renvoie au retard pris par la Commission pour adopter la décision alumine I, contrairement à l’exigence du respect d’un délai raisonnable, ladite décision ayant été adoptée plus de 43 mois après la réception par la Commission, en avril 2002, de sa réponse à la dernière demande de renseignements complémentaires adressée par cette institution. Septièmement, elle invoque les déclarations de la Commission et les décisions d’autorisation du Conseil pendant toute la durée de la procédure formelle d’examen, qui permettaient de considérer que l’aide litigieuse avait été autorisée. Huitièmement, elle se fonde sur le comportement de la Commission, qui, en toutes circonstances, a traité l’aide litigieuse comme étant une aide existante. Neuvièmement, elle se réfère à l’absence d’adoption, par la Commission, d’une injonction de suspension de l’aide, adoptée en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), laquelle aurait permis d’atténuer les effets de l’aide sur le marché commun et les effets de la récupération de cette aide sur AAL. L’Irlande soutient, par ailleurs, que la Commission a adopté la décision attaquée pour contrecarrer les effets de la décision 2001/224, qui l’autorisait à continuer à appliquer l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006, alors qu’elle n’avait proposé au Conseil de proroger ladite autorisation que jusqu’au 31 décembre 2002.

46      Dans le cadre du deuxième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, AAL soutient que la Commission a violé le principe de sécurité juridique, tel qu’interprété en jurisprudence, et le principe d’effet utile des actes des institutions et qu’elle a outrepassé les limites de sa propre compétence, en ce que la décision attaquée produit, à l’égard de l’exonération litigieuse, des effets contraires à ceux produits par la décision 2001/224, puisque, alors que, par cette dernière décision, le Conseil a prorogé l’autorisation donnée à l’Irlande de continuer à appliquer l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006, la décision alumine I constate que l’aide octroyée sur le fondement de l’exonération litigieuse était partiellement incompatible avec le marché commun et, dans cette mesure, devait être récupérée auprès de son bénéficiaire, sauf pour ce qui concerne la période allant du 17 juillet 1990 au 2 février 2002. À cet égard, premièrement, AAL se fonde sur la directive 92/81, adoptée conformément à la lex specialis que constitue l’article 93 CE, qui permettait à l’Irlande de déroger à la lex generalis des règles en matière d’aides d’État, conformément à l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où les décisions d’autorisation du Conseil reposaient notamment sur le constat que l’exonération litigieuse n’affectait pas la concurrence ou n’entraînait pas de distorsions dans le fonctionnement du marché commun. Deuxièmement, elle invoque l’absence de recours, par la Commission, à la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81 pour résoudre d’éventuels problèmes de distorsions de concurrence liés à l’exonération litigieuse, telle qu’autorisée par le Conseil, ainsi que l’absence d’introduction d’un recours en annulation, en vertu de l’article 230 CE, à l’encontre de la décision 2001/224. Troisièmement, elle s’appuie sur la proposition de décision d’autorisation du Conseil du 29 novembre 1999 et sur l’article 3 de la proposition de décision d’autorisation du Conseil du 15 novembre 2000, d’où il ressortait que la Commission ne prévoyait pas d’adopter une décision finale négative en matière d’aides d’État avant l’expiration des décisions d’autorisation du Conseil et qu’elle ne remettrait pas en cause l’aide litigieuse. Quatrièmement, elle se fonde sur les décisions d’autorisation du Conseil antérieures à la décision 2001/224, qui ne mentionnaient pas la possibilité d’une application parallèle des règles en matière d’aides d’État. Cinquièmement, elle mentionne l’inapplicabilité du considérant 5 de la décision 2001/224 à l’exonération litigieuse, qui est une aide existante, notifiée en janvier 1983. Sixièmement, elle renvoie au changement, par la Commission, de sa politique résultant de l’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’encontre de l’exonération litigieuse, par décision du 30 octobre 2001, à savoir environ quatorze mois avant la date d’expiration de l’autorisation de continuer à appliquer ladite exonération qu’elle avait elle-même proposée au Conseil de retenir, le 31 décembre 2002. Septièmement, elle se réfère à l’illégalité du comportement consistant, pour la Commission, en adoptant la décision attaquée, à révoquer l’autorisation d’appliquer l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006, délivrée par le Conseil dans la décision 2001/224, et, par suite, à priver la directive 92/81 de tout sens et de tout effet utile.

47      En tout état de cause, AAL soutient que, même dans le seul cadre de l’application des règles en matière d’aides d’État, la Commission a commis un détournement de pouvoir, dans la décision attaquée, en qualifiant erronément l’aide litigieuse d’aide illégale, alors que celle-ci avait été autorisée par le Conseil. Cette conclusion ne serait pas modifiée par le fait que le Conseil a accordé une autorisation plus longue que celle proposée par la Commission, dès lors que le Conseil a agi légalement, dans le cadre de ses pouvoirs en matière d’harmonisation fiscale.

48      La Commission conclut au rejet des présents moyens comme étant non fondés.

49      À titre liminaire, il convient d’observer que, pour autant que le quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II se réfère à une décision implicite d’autorisation qui serait intervenue, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/1999, après la notification de l’exonération litigieuse à la Commission au début de l’année 1983 et qui aurait permis de transformer l’aide notifiée en aide existante, ce moyen se confond avec la première branche du premier moyen soulevé à l’appui de ce même recours, à l’examen de laquelle il convient, dès lors, de renvoyer (voir points 135 à 163 ci-après).

50      Ensuite, pour autant que, sous couvert de ce même moyen, l’Irlande semble reprocher à la Commission d’avoir porté atteinte à la confiance légitime qu’elle avait elle-même créée, dans l’esprit d’AAL, dans la légalité de l’exonération litigieuse, en raison du retard pris dans l’adoption de la décision alumine I, ce moyen peut être compris comme étant, en substance, tiré d’une violation du principe du respect de la confiance légitime. Dans cette mesure, il se confond avec le troisième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, à l’examen duquel il convient de renvoyer (voir points 205 à 263 ci-après).

51      Enfin, pour autant que, dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande reproche à la Commission d’avoir tardé à adopter la décision attaquée, celle-ci soulève, en substance, un grief tiré d’une violation du principe du respect d’un délai raisonnable, semblable à celui invoqué par AAL dans le cadre du cinquième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, et qu’il convient d’examiner ensemble avec ce dernier moyen (voir points 264 à 273 ci-après).

52      Pour le reste, les présents moyens posent, en substance, la question de savoir si la Commission a violé les principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions, en ce que la décision attaquée produirait des effets juridiques allant à l’encontre de ceux produits par la décision 2001/224, laquelle aurait expressément autorisé l’Irlande à continuer à appliquer l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006, notamment au motif que ladite exonération n’entraînait pas de distorsion de concurrence.

53      En outre, les deuxième et quatrième moyens soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II posent la question d’une éventuelle violation du principe d’estoppel, liée aux effets juridiques contraires prétendument produits par la décision 2001/224 et par la décision attaquée, ainsi que d’une éventuelle violation de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, liée au fait que, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission n’aurait pas suivi la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, aux fins d’obtenir une modification ou la suppression de la décision 2001/224.

54      Par ailleurs, dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande reproche à la Commission de ne pas avoir adopté, en l’espèce, une injonction de suspension de l’aide litigieuse, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

55      Enfin, le quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et le deuxième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II impliquent de contrôler l’existence d’un éventuel détournement de pouvoir, commis par la Commission, lors de l’adoption de la décision litigieuse.

56      Concernant, en premier lieu, le grief tiré d’une violation du principe d’estoppel, invoqué dans le cadre des deuxième et quatrième moyens soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, il convient d’observer que le principe d’estoppel est une institution juridique anglo-saxonne qui n’existe pas, en tant que telle, en droit de l’Union européenne, ce qui ne préjuge pas de ce que certains principes, tels les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, et certaines règles, telle la règle nemo potest venire contra factum proprium, consacrés par celui-ci peuvent être regardés comme étant liés ou apparentés à ce principe. Partant, le présent grief doit être rejeté comme étant non fondé en droit, pour autant qu’il se fonde sur une violation du principe d’estoppel, ce qui ne préjuge pas de la possibilité d’examiner les arguments de l’Irlande lorsque ceux-ci peuvent être réputés venir à l’appui d’un moyen tiré, en substance, des principes de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime.

57      S’agissant, en deuxième lieu, des griefs tirés d’une violation des principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions, d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81 ou d’un dépassement de compétence, invoqués dans le cadre des deuxièmes moyens soulevés à l’appui des présents recours ou du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, il convient, tout d’abord, de rappeler que, en vertu du principe des compétences d’attribution consacré à l’article 5 CE et à l’article 7 CE, la Communauté européenne agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le traité CE et chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par ce même traité.

58      Par ailleurs, selon la jurisprudence, les actes des institutions jouissent, en principe, d’une présomption de légalité et produisent, dès lors, des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec, EU:C:1994:247, point 48 ; du 8 juillet 1999, Chemie Linz/Commission, C‑245/92 P, Rec, EU:C:1999:363, point 93, et du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, Rec, EU:C:2004:585, point 18).

59      Enfin, il importe de rappeler que le principe de sécurité juridique constitue un principe général du droit de l’Union (voir ordonnance du 8 novembre 2007, Fratelli Martini et Cargill, C‑421/06, EU:C:2007:662, point 56 et jurisprudence citée). Il ressort d’une jurisprudence constante que ce principe vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêts du 10 avril 2003, Schulin, C‑305/00, Rec, EU:C:2003:218, point 58, et du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec, EU:C:2005:548, point 69). À cette fin, il est essentiel que les institutions respectent l’intangibilité des actes qu’elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu’elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure (voir arrêt du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec, EU:T:1997:155, point 113 et jurisprudence citée). Le respect du principe de sécurité juridique requiert également que les institutions évitent, par principe, les incohérences pouvant survenir dans la mise en œuvre des différentes dispositions du droit de l’Union, et ce tout particulièrement dans l’hypothèse où ces dispositions visent un même objectif, tel qu’une concurrence non faussée dans le marché commun (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec, EU:C:1993:239, points 41 et 42, et du 31 janvier 2001, RJB Mining/Commission, T‑156/98, Rec, EU:T:2001:29, point 112 et jurisprudence citée).

60      Quant à l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, celui-ci est rédigé comme suit :

« Si la Commission considère que les exonérations ou réductions visées au paragraphe 4 ne peuvent plus être maintenues, notamment pour des raisons de concurrence déloyale ou de distorsion dans le fonctionnement du marché intérieur ou pour des motifs liés à la politique communautaire de protection de l’environnement, elle présente au Conseil des propositions appropriées. Le Conseil statue à l’unanimité sur ces propositions. »

61      En l’espèce, comme le relève à bon droit la Commission, l’argumentation qui sous-tend les présents griefs est directement réfutée par l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812).

62      En effet, aux points 45 à 48 de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), la Cour a établi une claire distinction entre les compétences respectives du Conseil et de la Commission en matière d’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise, d’une part, et en matière d’aides d’État, d’autre part. Elle a dit, en outre, pour droit que la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 avait une finalité et un champ d’application différents de ceux du régime établi à l’article 88 CE.

63      Au point 49 de ce même arrêt, elle en a déduit que, dès lors, une décision du Conseil autorisant un État membre, conformément à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81, à introduire une exonération de droits d’accise ne pouvait avoir pour effet d’empêcher la Commission d’exercer les compétences que lui confiait le traité CE et, par conséquent, de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article 88 CE aux fins d’examiner si cette exonération constituait une aide d’État et de prendre à l’issue de cette procédure, le cas échéant, une décision telle que la décision alumine I.

64      La Cour a encore précisé, au point 50 de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), que la circonstance que les décisions d’autorisation du Conseil accordaient des exonérations totales des droits d’accise en fixant des conditions d’ordres géographique et temporel précises et que ces dernières avaient été strictement respectées par les États membres était sans incidence sur la répartition des compétences entre le Conseil et la Commission et ne pouvait donc priver la Commission d’exercer les siennes.

65      Au point 51 de ce même arrêt, elle a observé que c’était d’ailleurs dans le respect de cette répartition des compétences que le considérant 5 de la décision 2001/224, qui était en vigueur au cours de la période pour laquelle la décision attaquée ordonnait la récupération de l’aide litigieuse, énonçait que ladite décision ne préjugeait pas de l’issue d’éventuelles procédures qui pourraient être engagées en vertu des articles 87 CE et 88 CE et ne dispensait pas les États membres de leur « obligation de notifier à la Commission les aides d’État susceptibles d’être instituées ».

66      Enfin, aux points 52 et 53 de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), la Cour a, de nouveau, indiqué que la circonstance que les décisions d’autorisation du Conseil avaient été adoptées sur proposition de la Commission et que celle-ci n’avait jamais usé des pouvoirs qu’elle détenait, au titre de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81 ou des articles 230 CE et 241 CE, pour obtenir la suppression ou la modification de ces décisions d’autorisation ne pouvait faire obstacle à ce que les exonérations du droit d’accise soient qualifiées d’aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, si les conditions de l’existence d’une aide d’État étaient réunies.

67      Conformément à l’article 61, alinéa 2, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour. Au vu du point 54 des motifs de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), il y a lieu de constater que les motifs cités aux points 62 à 66 ci-dessus sont le soutien nécessaire du dispositif dudit arrêt, par lequel la Cour a annulé l’arrêt Irlande/Commission, point 25 supra (EU:T:2012:134), et renvoyé les affaires alumine I au Tribunal.

68      Or, il ressort de ces motifs que, en mettant en œuvre la procédure prévue à l’article 88 CE aux fins d’examiner si l’exonération litigieuse constituait une aide d’État et en prenant, à l’issue de cette procédure, la décision alumine I, la Commission n’a fait qu’exercer les compétences que lui confiait le traité CE en matière d’aides d’État et que, ce faisant, elle n’a pu porter atteinte aux compétences dont le Conseil était investi par le traité CE en matière d’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise ou aux actes que le Conseil a adoptés dans l’exercice desdites compétences.

69      Il s’ensuit que, en mettant en œuvre, sans engager préalablement la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, la procédure prévue à l’article 88 CE, aux fins d’examiner si l’exonération litigieuse constituait une aide d’État, et en prenant, à l’issue de cette procédure, la décision alumine I alors même que l’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2001/224 autorisait expressément l’Irlande à continuer à appliquer l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006, la Commission n’a pas pu violer les principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions, ni même, comme soutenu par l’Irlande, l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81. En effet, les décisions d’autorisation du Conseil, adoptées sur proposition de la Commission, ne pouvaient produire leurs effets que dans le champ couvert par les règles en matière d’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise et ne préjugeaient pas des effets d’une éventuelle décision, telle la décision alumine I, que la Commission pouvait adopter dans l’exercice de ses compétences en matière d’aides d’État.

70      En outre, il découle des points 52 et 53 de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), dans lesquels la Cour rappelle que la notion d’aide d’État répond à une situation objective et ne peut dépendre du comportement ou des déclarations des institutions, que le fait que la Commission avait estimé, lors de l’adoption des décisions d’autorisation du Conseil, que les exonérations du droit d’accise n’entraînaient pas de distorsions de concurrence et n’entravaient pas le bon fonctionnement du marché commun ne pouvait faire obstacle à ce que lesdites exonérations soient qualifiées d’aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, si les conditions de l’existence d’une aide d’État étaient réunies.

71      Il découle a fortiori de la solution retenue par la Cour que la Commission n’était pas liée, aux fins de la qualification des exonérations du droit d’accise d’aides d’État, par les appréciations du Conseil, dans ses décisions en matière d’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise, selon lesquelles lesdites exonérations n’entraînaient pas de distorsions de concurrence et n’entravaient pas le bon fonctionnement du marché commun.

72      AAL n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission a excédé ses compétences en adoptant la décision attaquée. Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir que la décision attaquée produit des effets juridiques allant à l’encontre de ceux produits par la décision 2001/224.

73      Pour autant que, dans le cadre du deuxième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, AAL reproche, en substance, à la Commission d’avoir qualifié l’exonération litigieuse d’aide illégale, alors que celle-ci aurait été autorisée par le Conseil, il suffit, pour rejeter ce grief comme étant non fondé, de rappeler que, comme indiqué au point 49 de l’arrêt Irlande/Commission, point 27 supra (EU:C:2013:812), la décision d’autorisation du Conseil, au regard des règles d’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise, ne pouvait avoir pour effet d’empêcher la Commission d’exercer ses compétences en matière d’aides d’État et de prendre, à l’issue de la procédure prévue à l’article 88 CE, le cas échéant, une décision telle que la décision attaquée.

74      Par conséquent, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondés, les griefs tirés d’une violation des principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions, d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81 ou d’un dépassement de compétence.

75      S’agissant, en troisième lieu, des griefs pris d’un détournement de pouvoir commis par la Commission, invoqués dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et du deuxième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée précise en droit de l’Union et vise la situation dans laquelle une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑75/06, Rec, EU:T:2008:317, point 254 et jurisprudence citée).

76      En l’espèce, pour établir l’existence d’un détournement de pouvoir, les requérantes n’apportent pas d’indices objectifs, pertinents et concordants permettant de conclure que la décision attaquée a été prise à des fins autres que celles excipées, à savoir la récupération d’une aide d’État incompatible avec le marché commun, au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE.

77      Il y a donc lieu d’écarter également, comme étant non fondés, les griefs pris d’un détournement de pouvoir commis par la Commission.

78      En quatrième lieu, dans la mesure où, dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande reproche à la Commission de ne pas avoir adopté, en l’espèce, une injonction de suspension de l’aide litigieuse, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, « [l]a Commission peut, après avoir donné à l’État membre concerné la possibilité de présenter ses observations, arrêter une décision enjoignant à l’État membre de suspendre le versement de toute aide illégale, jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de cette aide avec le marché commun ».

79      L’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 n’impose pas à la Commission, lorsque certaines conditions sont réunies, d’adopter une injonction de suspension, mais prévoit seulement qu’elle peut adopter une telle injonction, lorsqu’elle l’estime nécessaire. Il s’ensuit que l’Irlande n’est pas fondée à reprocher à la Commission, qui n’a pas jugé devoir, en l’espèce, adopter une injonction de suspension, d’avoir violé l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

80      Par conséquent, il y a lieu d’écarter le grief tiré, en substance, d’une violation de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

81      Sans préjudice des griefs qu’il convient d’examiner soit dans le cadre d’autres moyens (voir points 49 et 50 ci-dessus) soit de manière séparée (voir point 51 ci-dessus), les autres griefs invoqués dans le cadre des deuxièmes moyens soulevés à l’appui des présents recours et du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II étant intégralement rejetés, il y a lieu de rejeter ces moyens comme étant eux-mêmes non fondés.

 Sur le troisième moyen, pris d’une violation des exigences découlant de l’article 3, paragraphe 1, sous m), CE et de l’article 157 CE, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

82      AAL soutient que la Commission a violé les exigences découlant de l’article 3, paragraphe 1, sous m), CE et de l’article 157 CE, en ce que, au lieu d’aider les entreprises communautaires à être concurrentielles, la décision attaquée a rendu la Communauté moins concurrentielle et l’a placée dans une situation désavantageuse sur le marché mondial, sur lequel elle exportait la majorité de sa production. Les décisions d’autorisation du Conseil auraient été fondées sur l’absence de distorsions de concurrence engendrées par l’exonération litigieuse, ce que la Commission aurait initialement admis et qui aurait même été énoncé au quatrième considérant de la décision 92/510.

83      La Commission conclut au rejet du présent moyen comme étant non fondé.

84      Le présent moyen pose, en substance, la question de savoir si, en adoptant la décision attaquée, la Commission aurait violé des exigences découlant de l’article 3, paragraphe 1, sous m), CE et de l’article 157 CE, dans la mesure où elle aurait fait obstacle à l’application d’une mesure, à savoir l’exonération litigieuse, qui aurait visé à renforcer la compétitivité d’AAL sur le marché mondial de la production d’alumine, sans entraîner de distorsions de concurrence, comme il ressortirait de la décision 2001/224.

85      L’article 3 CE dispose notamment ce qui suit :

« Aux fins énoncées à l’article 2, l’action de la Communauté comporte, dans les conditions et selon les rythmes prévus par le présent traité :

[…]

m)      le renforcement de la compétitivité de l’industrie de la Communauté […] »

86      L’article 157 CE énonce notamment ce qui suit :

« 1.      La Communauté et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de la Communauté soient assurées.

À cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à :

–        accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels,

–        encourager un environnement favorable à l’initiative et au développement des entreprises de l’ensemble de la Communauté, et notamment des petites et moyennes entreprises,

–        encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises,

–        favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d’innovation, de recherche et de développement technologique.

[…]

3.      La Communauté contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 au travers des politiques et actions qu’elle mène au titre d’autres dispositions du présent traité. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 [CE] et après consultation du Comité économique et social, peut décider de mesures spécifiques destinées à appuyer les actions menées dans les États membres afin de réaliser les objectifs visés au paragraphe 1.

Le présent titre ne constitue pas une base pour l’introduction, par la Communauté, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence. »

87      Comme le fait valoir à bon droit la Commission, l’article 3 CE, en son paragraphe 1, sous g), prévoyait également que l’action de la Communauté comportait « un régime assurant que la concurrence n’[étai]t pas faussée dans le marché intérieur ». En outre, l’article 157 CE énonçait qu’il ne constituait pas une base pour l’introduction, par la Communauté, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence.

88      Si la Cour a constaté, au point 52 de l’arrêt Irlande/Commission, point 27 supra (EU:C:2013:812), que, lors de l’adoption, par le Conseil, des décisions d’autorisation en application des règles en matière d’harmonisation des législations fiscales, la Commission avait estimé que l’exonération litigieuse n’entraînait pas de distorsion de concurrence et n’entravait pas le bon fonctionnement du marché commun, elle a également observé, au point 53 de ce même arrêt, que cela ne faisait pas obstacle à ce que cette exonération soit qualifiée d’aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, si les conditions de l’existence d’une aide étaient réunies, étant observé que la notion d’aide d’État répond à une situation objective et ne peut dépendre du comportement ou des déclarations des institutions.

89      Or, dans la décision alumine I, la Commission a constaté que l’exonération litigieuse devait être qualifiée d’aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, notamment parce que, comme relevé aux considérants 61 et 62 de cette même décision, il pouvait être présumé qu’elle faussait ou menaçait de fausser la concurrence, même si une proportion importante de la production d’alumine était consommée dans les usines de production d’aluminium, dans la mesure où l’exonération litigieuse visait explicitement à renforcer la compétitivité des bénéficiaires par rapport à leurs concurrents, notamment communautaires, implantés en Grèce, en Espagne, en Allemagne et en Hongrie (à partir de l’adhésion de ce pays à l’Union, le 1er mai 2004), et ce en réduisant leurs coûts de production.

90      Dans le cadre du présent moyen, AAL se borne à observer que l’appréciation de la Commission mentionnée au point 89 ci-dessus est en contradiction avec celle sous-jacente aux décisions d’autorisation adoptées par le Conseil, sur proposition de la Commission, en matière d’harmonisation des législations fiscales, sans contester spécifiquement le bien-fondé de cette appréciation.

91      Dans la mesure où, pour les motifs exposés au point 88 ci-dessus, la Commission n’était pas liée, en l’espèce, par les appréciations figurant dans les décisions d’autorisation adoptées par le Conseil, sur sa proposition, en matière d’harmonisation des législations fiscales, il y a lieu de constater qu’elle n’a pas violé l’article 3, paragraphe 1, sous m), CE et l’article 157 CE en adoptant la décision attaquée.

92      Partant, le troisième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II doit être rejeté comme étant non fondé.

93      Ce rejet est sans préjudice de l’examen qui sera effectué, dans le cadre du sixième moyen soulevé à l’appui de ce même recours, du point de savoir si la Commission a violé l’obligation de motivation qui lui incombe et l’article 87, paragraphe 1, CE en constatant, aux considérants 61 et 62 de la décision alumine I, que la condition d’affectation de la concurrence et des échanges entre les États membres était, en l’espèce, remplie (voir points 94 à 131 ci-après).

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 87, paragraphe 1, CE, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

94      En premier lieu, AAL soutient que la Commission a violé l’obligation de motivation qui lui incombe, dans la décision attaquée, en ce qu’elle n’a pas fourni de motivation adéquate concernant le respect de certaines conditions pour qualifier l’aide litigieuse d’aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, à savoir les conditions d’affectation des échanges entre États membres et de distorsion de la concurrence. Conformément au souhait formulé par certains membres de la Commission, celle-ci aurait dû exposer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles, au terme d’une analyse économique complète et actuelle des effets sur la concurrence et sur les échanges entre États membres de l’aide litigieuse, elle était parvenue à la conclusion que les conditions susmentionnées étaient, en l’espèce, remplies.

95      En second lieu, AAL soutient que la Commission a violé l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la décision attaquée, en ce qu’elle a constaté de manière erronée, faute d’avoir réalisé une analyse économique sérieuse, que l’aide litigieuse lui conférait un avantage, qu’elle affectait les échanges entre États membres ou qu’elle faussait ou menaçait de fausser la concurrence. À cet égard, premièrement, elle s’appuie sur l’absence de prise en compte par la Commission, lors de son analyse des effets sur les échanges et le commerce entre États membres, au considérant 62 de la décision alumine I, de l’existence de deux produits distincts, à savoir l’AM et l’AC, alors que, en tant que producteur d’AM, elle est essentiellement en concurrence avec des producteurs non européens et non avec les autres producteurs européens, notamment ceux qui produisent de l’AC. Deuxièmement, elle se fonde sur l’image erronée de la situation donnée par la Commission, au considérant 61 de la décision alumine I, lorsqu’elle affirme que l’aide litigieuse visait à renforcer sa compétitivité par rapport à ses concurrents, en réduisant ses coûts, ce qui n’était vrai que vis-à-vis des producteurs d’alumine non européens mais non des producteurs d’alumine européens, entre lesquels le degré de concurrence était très faible, compte tenu de ce que la Communauté était un importateur net d’alumine et qu’une part importante de la production d’alumine communautaire était captive. Troisièmement, elle renvoie à l’absence de prise en compte par la Commission de ce que, d’une part, les producteurs d’alumine européens, notamment ceux qui sont implantés en Allemagne, bénéficiaient d’exonérations sur l’énergie qu’ils utilisaient, qui était déjà moins chère, et de ce que, d’autre part, en raison des différentes législations nationales sur les licences et en matière de protection de l’environnement, elle se trouvait dans une situation désavantageuse, au niveau des coûts, par rapport à d’autres producteurs d’alumine européens.

96      La Commission conclut au rejet du présent moyen comme étant non fondé.

97      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:620, point 146 et jurisprudence citée, et du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, Rec, EU:T:2014:254, point 28 et jurisprudence citée).

98      Il convient donc de traiter, en premier lieu, le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, énoncée à l’article 253 CE, puis, en second lieu, le grief tiré d’une violation alléguée de l’article 87, paragraphe 1, CE.

99      S’agissant, en premier lieu, du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation énoncée à l’article 253 CE, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée). L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

100    Appliquée à la qualification d’une mesure d’aide d’État, l’obligation de motivation exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir arrêt du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, Rec, EU:T:2010:233, point 144 et jurisprudence citée), lequel prohibe les aides qui affectent les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence (arrêt du 4 septembre 2009, Italie/Commission, T‑211/05, Rec, EU:T:2009:304, point 151).

101    S’agissant des raisons qui devraient, à cet égard, être fournies par la Commission, celles-ci doivent être déterminées en se référant aux exigences posées par la jurisprudence pour constater le respect des conditions d’affectation des échanges entre États membres et de distorsion de la concurrence, telles que rappelées aux points 112 à 115 ci-après.

102    C’est donc à la lumière de la jurisprudence rappelée, d’une part, aux points 99 et 100 ci-dessus, et, d’autre part, aux points 112 à 115 ci-après qu’il convient d’apprécier, en l’espèce, si la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée, en ce qui concerne le respect des conditions d’affectation des échanges interétatiques et de distorsion de la concurrence.

103    En l’espèce, aux considérants 60 à 62 de la décision attaquée, la Commission a fourni les motifs suivants :

« 60      Les exonérations du droit d’accise réduisent le coût d’une matière première importante et confèrent donc un avantage à leurs bénéficiaires, qui se trouvent dans une situation financière plus favorable que d’autres entreprises qui utilisent des huiles minérales dans d’autres secteurs ou régions.

61      Dans leurs observations, les bénéficiaires et la France ont déclaré que les exonérations ne faussaient ni la concurrence ni le fonctionnement du marché unique, notamment parce que la Communauté est importateur net d’alumine, que les producteurs européens devaient soutenir la concurrence au niveau mondial et étaient défavorisés par le niveau élevé des prix de l’énergie et parce que mettre fin à ces exonérations n’améliorerait pas la situation du marché de l’alumine au niveau communautaire et réduirait la sécurité de l’approvisionnement en ressources primaires pour la production d’aluminium. Ils affirment que l’absence de distorsions de la concurrence est confirmée par le fait qu’aucun concurrent n’a commenté la décision de la Commission d’ouvrir la procédure [formelle d’examen]. Tous ces éléments ne modifient toutefois en rien l’appréciation exposée au considérant 60, mais confirment au contraire que les réductions des droits d’accise visaient explicitement à renforcer la compétitivité des bénéficiaires par rapport à leurs concurrents en réduisant leurs coûts. La Commission observe qu’il existe aussi une production d’alumine en Grèce, en Espagne, en Allemagne et en Hongrie (encore que ce dernier pays ne soit un État membre que depuis le 1er mai 2004).

62      L’alumine (AM et AC) fait l’objet d’un commerce entre États membres, tout comme l’aluminium, dont le marché est étroitement lié à celui de l’alumine. On peut donc présumer que l’aide affecte les échanges interétatiques et fausse ou menace de fausser la concurrence, même si une proportion importante de la production d’alumine est consommée dans des usines de production d’aluminium proches. »

104    Dans la mesure où, au considérant 62 de la décision attaquée, la Commission se réfère à l’« alumine (AM et AC) », il y a lieu de préciser que, au considérant 16 de cette même décision, elle avait indiqué ce qui suit :

« […] Dans plusieurs décisions ayant trait à des concentrations, la Commission a constaté qu’il existait deux marchés de produits distincts, à savoir celui de l’alumine métallurgique (ci-après ‘AM’) et celui de l’alumine chimique (ci-après ‘AC’). L’AC a une valeur ajoutée beaucoup plus élevée que l’AM. Alors que le marché géographique de la première est de dimension mondiale, celui de la seconde ne dépasse pas les frontières de l’Europe. »

105    Aux considérants 61 et 62 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, conformément aux analyses figurant dans la décision 2002/174/CE de la Commission, du 3 mai 2000, déclarant une concentration compatible avec le marché commun et l’accord EEE (affaire COMP/M.1693 – Alcoa/Reynolds) (JO 2002, L 58, p. 25, ci-après la « décision Alcoa/Reynolds »), citée en note de bas de page dans le considérant 16 de la décision attaquée, l’AM et l’AC constituaient deux marchés distincts, de dimension européenne, puisque impliquant non seulement des producteurs implantés en Irlande, en Italie et en France, mais également en Grèce, en Espagne, en Allemagne et en Hongrie (à partir du 1er mai 2004). Elle a, en outre, constaté que l’alumine (AM et AC) faisait l’objet d’un commerce entre États membres, lequel portait, en principe, sur la proportion limitée de la production d’alumine qui n’était pas consommée dans des usines d’aluminium proches (ci-après l’« alumine excédentaire »), laquelle était proposée à des tiers sur le marché libre, par opposition à l’« alumine captive », qui était utilisée en interne par les producteurs intégrés, selon l’analyse effectuée au considérant 13 de la décision Alcoa/Reynolds, précitée.

106    En outre, aux considérants 60 et 61 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les exonérations du droit d’accise, telle l’exonération litigieuse, réduisaient le coût d’une matière première importante utilisée par les producteurs d’alumine qui en bénéficiaient, à savoir ceux implantés en Irlande, dans la région du Shannon, en France, dans la région de Gardanne, et en Italie, en Sardaigne, ce qui revenait à considérer, même si la Commission ne l’indiquait pas expressément dans la décision attaquée, que l’aide litigieuse était une aide au fonctionnement octroyée auxdits producteurs, dont la productivité se trouvait renforcée par rapport aux autres producteurs d’alumine européens, non bénéficiaires de ces exonérations, implantés en Grèce, en Espagne et en Allemagne.

107    Enfin, au considérant 61 de la décision attaqué, la Commission a réfuté les objections qui avaient été émises par les bénéficiaires, dont AAL, et par la République française durant la procédure administrative.

108    Au vu des constatations ainsi opérées, la Commission a estimé, au considérant 62 de la décision attaquée, pouvoir présumer, en l’espèce, que l’aide litigieuse affectait les échanges interétatiques et faussait ou menaçait de fausser la concurrence.

109    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 99 et 100 ci-dessus et aux points 112 à 115 ci-après, la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée, en ce qui concerne le respect des conditions d’affectation du commerce entre États membres et de distorsion de la concurrence, en indiquant, de manière succincte, mais claire, les raisons pour lesquelles, compte tenu de l’existence d’échanges entre États membres et de marchés de dimension européenne concernant l’alumine (AM et AC) excédentaire ainsi que du fait que l’aide litigieuse était une aide au fonctionnement, il pouvait être présumé que cette aide était susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence sur ces marchés, en renforçant la position concurrentielle des producteurs d’alumine implantés en Irlande, dans la région du Shannon, en France, dans la région de Gardanne, et en Italie, en Sardaigne, par rapport aux autres producteurs d’alumine européens implantés en Grèce, en Espagne et en Allemagne.

110    Il y a donc lieu de rejeter, comme étant non fondé, le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation énoncée à l’article 253 CE.

111    S’agissant, en second lieu, du grief tiré d’une violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, AAL soutient en substance que la Commission a commis une erreur de droit dans le cadre de la qualification d’une aide d’État, au sens de l’article 87 CE, en ce qu’elle a estimé que l’aide litigieuse lui conférait un avantage, affectait les échanges entre États membres et faussait ou menaçait de fausser la concurrence.

112    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cadre de son appréciation des conditions d’affectation des échanges entre États membres et de distorsion de la concurrence, la Commission est tenue, non d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêts du 9 septembre 2009, Holland Malt/Commission, T‑369/06, Rec, EU:T:2009:319, point 37 et jurisprudence citée, et Italie/Commission, point 100 supra, EU:T:2009:304, point 152 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que la Commission n’est pas tenue de procéder à une analyse économique de la situation réelle des marchés concernés, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges entre États membres (voir arrêt Mediaset/Commission, point 100 supra, EU:T:2010:233, point 145 et jurisprudence citée).

113    Ensuite, il ressort de la jurisprudence que les conditions relatives à l’incidence sur les échanges entre les États membres et à la distorsion de la concurrence sont, en règle générale, indissociablement liées (arrêts du 4 avril 2001, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑288/97, Rec, EU:T:2001:115, point 41, et du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec, EU:T:2000:151, point 81). En particulier, il ressort de la jurisprudence que toute aide octroyée à une entreprise qui exerce ses activités sur le marché commun est susceptible de causer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges entre États membres (voir arrêts du 11 juin 2009, ASM Brescia/Commission, T‑189/03, Rec, EU:T:2009:193, point 68 et jurisprudence citée, et Italie/Commission, T‑222/04, Rec, EU:T:2009:194, point 43 et jurisprudence citée).

114    Par ailleurs, s’agissant de la condition relative à la distorsion de la concurrence, la jurisprudence consacre une présomption selon laquelle les aides au fonctionnement d’une entreprise, à savoir les aides qui visent à libérer cette dernière des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, procurent à celle-ci un support financier artificiel qui, en principe, fausse les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées (arrêts du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec, EU:T:1995:100, points 48 et 77, et du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec, EU:T:2000:223, point 83 ; voir également, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec, EU:C:2000:467, point 30, et du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, Rec, EU:C:2000:537, points 77 et 78). Il s’ensuit que, lorsque la Commission constate l’existence d’une aide au fonctionnement, elle n’est pas tenue d’exposer les raisons pour lesquelles cette aide fausse ou menace de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, précité, EU:C:2000:537, point 86).

115    Enfin, en ce qui concerne la condition relative à l’affectation des échanges entre les États membres, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges interétatiques, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêts du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec, EU:C:1994:325, point 40 et jurisprudence citée, et Italie/Commission, point 100 supra, EU:T:2009:304, point 153 et jurisprudence citée). Il n’existe pas de seuil en-dessous duquel il est possible de considérer que les échanges entre États membres ne sont pas affectés (voir arrêts ASM Brescia/Commission, point 113 supra, EU:T:2009:193, point 69 et jurisprudence citée, et Italie/Commission, point 113 supra, EU:T:2009:194, point 69 et jurisprudence citée). En particulier, la condition selon laquelle l’aide doit être de nature à affecter les échanges entre États membres ne dépend pas de l’importance du domaine d’activité concerné (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec, EU:C:2003:415, point 82).

116    En ce qui concerne, tout d’abord, le grief par lequel AAL conteste, en substance, que la condition de l’avantage conféré au bénéficiaire de l’aide ait été satisfaite, il convient de rappeler que l’article 87 CE a pour objectif de prévenir que les échanges entre États membres ne soient affectés par des avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (voir arrêt du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C‑387/92, Rec, EU:C:1994:100, point 12 et jurisprudence citée).

117    Selon une jurisprudence constante, la notion d’aide comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions proprement dites, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent le budget d’une entreprise et qui, sans être des subventions au sens strict du mot, sont d’une même nature et ont des effets identiques (arrêt du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T‑204/97 et T‑270/97, Rec, EU:T:2000:148, point 65 et jurisprudence citée). Il en découle qu’une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables constitue une aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêt Banco Exterior de España, point 116 supra, EU:C:1994:100, point 14).

118    En l’espèce, il ressort du considérant 60 de la décision attaquée que l’avantage conféré à AAL par l’exonération litigieuse provenait, selon la Commission, de ce que « [l]es exonérations du droit d’accise réduis[ai]ent le coût d’une matière première importante » utilisée par leurs bénéficiaires, « qui se trouv[ai]ent dans une situation financière plus favorable que d’autres entreprises qui utilis[ai]ent des huiles minérales dans d’autres secteurs ou [d’autres] régions ».

119    Au regard de la jurisprudence citée au point 117 ci-dessus, la Commission était ainsi fondée à relever que les exonérations du droit d’accise supprimaient une charge, à savoir le droit d’accise sur les huiles minérales, qui devait normalement grever le budget des entreprises qui, comme AAL, utilisaient lesdites huiles comme combustible pour la production d’alumine en Irlande, dans la région du Shannon, en France, dans la région de Gardanne, et en Italie, en Sardaigne, et, partant, conféraient à ces dernières un avantage par rapport à d’autres entreprises utilisant également des huiles minérales dans le cadre de leur processus de production, dans d’autres secteurs ou dans d’autres régions.

120    Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument d’AAL fondé, en substance, sur la fonction compensatoire qu’aurait remplie l’exonération litigieuse, compte tenu d’un désavantage concurrentiel objectif qu’elle aurait subi, au niveau des coûts de production, par rapport à d’autres producteurs d’alumine européens, notamment ceux implantés en Allemagne. En effet, il suffit, à cet égard, de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne peut enlever à ces mesures le caractère d’aides (voir arrêt du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, Rec, EU:C:2004:234, point 67 et jurisprudence citée).

121    Partant, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondé, le grief tiré du non-respect de la condition de l’avantage conféré au bénéficiaire de l’aide.

122    En ce qui concerne, ensuite, le grief par lequel AAL conteste, en substance, que la condition de distorsion de la concurrence ait été satisfaite, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 113 et 114 ci-dessus, d’une part, toute aide octroyée à une entreprise qui exerce ses activités dans le marché commun est susceptible de causer des distorsions de concurrence et, d’autre part, les aides au fonctionnement d’une entreprise, à savoir les aides qui visent à libérer cette dernière des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, sont présumées fausser les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées.

123    En l’espèce, il ressort du considérant 60 de la décision attaquée que, selon la Commission, « [l]es exonérations du droit d’accise réduis[ai]ent le coût d’une matière première importante » utilisée par les producteurs d’alumine implantés en Irlande, dans la région du Shannon, en France, dans la région de Gardanne, et en Italie, en Sardaigne. Cette appréciation est fondée, dans la mesure où les entreprises qui, comme AAL, utilisaient des huiles minérales comme combustible pour la production d’alumine dans les régions susmentionnées auraient normalement dû s’acquitter du droit d’accise sur les huiles minérales et, partant, voir leur budget grevé du coût correspondant à ce droit. C’est donc également à bon droit que, comme déjà relevé au point 106 ci-dessus, la Commission a implicitement, mais nécessairement, estimé, au considérant 60 de la décision attaquée, que les exonérations du droit d’accise correspondaient à des aides au fonctionnement, au sens de la jurisprudence citée au point 114 ci-dessus, bénéficiant aux producteurs d’alumine implantés en Irlande, dans la région du Shannon, en France, dans la région de Gardanne, et en Italie, en Sardaigne. Enfin, comme déjà indiqué au point 105 ci-dessus, la Commission a constaté, aux considérants 61 et 62 de la décision attaquée, qu’il existait, de manière générale, des échanges entre États membres et des marchés de dimension européenne portant sur l’alumine (AM et AC) excédentaire. Ces constatations s’appuient, en particulier, sur une analyse économique effectuée, par la Commission, dans la décision Alcoa/Reynolds (voir point 105 ci-dessus). Or, dans le cadre du présent recours, AAL n’a soumis aucune analyse économique, étayée par des éléments de preuve, de nature à remettre en cause le bien-fondé de l’analyse économique générale figurant dans la décision Alcoa/Reynolds, à laquelle renvoie la décision attaquée. Par conséquent, le bien-fondé de cette dernière analyse ne peut, en l’espèce, être remis en cause. Au vu de l’ensemble des constatations ainsi opérées par la Commission, aux considérants 60 à 62 de la décision attaquée, celle-ci était fondée à présumer, conformément à la jurisprudence citée aux points 113 et 114 ci-dessus, que l’aide litigieuse faussait ou menaçait de fausser, sur les marchés de dimension européenne de l’alumine (AM et AC) excédentaire, la concurrence entre les producteurs d’alumine implantés en Irlande, dans la région du Shannon, en France, dans la région de Gardanne, et en Italie, en Sardaigne, d’une part, et les producteurs d’alumine européens implantés en Grèce, en Espagne et en Allemagne, d’autre part.

124    Quant à l’argument d’AAL tiré, en substance, de ce que la Commission n’aurait pas correctement appréhendé les conditions de concurrence précises prévalant sur les marchés de l’alumine (AM et AC), il n’est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée en ce qui concerne le respect de la condition de distorsion de la concurrence. En effet, il convient de rappeler que la Commission n’était pas tenue de procéder à une analyse économique précise des marchés concernés, conformément à la jurisprudence citée au point 111 ci-dessus, et que, dans le cas particulier de l’espèce, où l’exonération litigieuse était une aide au fonctionnement, elle était d’ailleurs fondée à présumer que celle-ci faussait la concurrence, au moins en ce qui concerne l’alumine (AM et AC) qui faisait l’objet d’un commerce entre États membres et dont les marchés étaient de dimension européenne (voir point 123 ci-dessus). Pour autant qu’AAL reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de ce qu’une partie importante de la production communautaire était captive, son grief manque en fait, dans la mesure où, au considérant 62 de la décision attaquée, la Commission a, en substance, observé que le commerce entre États membres ne portait que sur l’alumine (AM et AC) excédentaire.

125    Par ailleurs, dans la mesure où AAL allègue, en substance, avoir été en concurrence non avec les autres producteurs d’alumine européens, mais seulement avec des producteurs d’alumine non européens, son argument n’est pas davantage de nature à remettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée en ce qui concerne le respect de la condition de distorsion de la concurrence. À cet égard, il suffit de constater que les allégations d’AAL ne sont pas étayées et sont, au demeurant, contredites par ses propres affirmations selon lesquelles l’exonération litigieuse devait permettre de compenser la situation désavantageuse, en matière de coûts, d’un producteur d’alumine qui, comme elle, était implanté en Irlande par rapport à celle des producteurs d’alumine implantés dans d’autres États membres, tels que l’Allemagne. Il ressort ainsi des propres affirmations d’AAL que celle-ci était en situation de concurrence avec d’autres producteurs d’alumine européens.

126    Partant, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondé, le grief tiré du non-respect de la condition de distorsion de la concurrence.

127    Enfin, en ce qui concerne le grief par lequel AAL conteste, en substance, que la condition d’affectation du commerce entre États membres ait été satisfaite, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 113 et 115 ci-dessus, d’une part, toute aide octroyée à une entreprise qui exerce ses activités sur le marché européen est susceptible d’affecter les échanges entre États membres et, d’autre part, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges interétatiques, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide.

128    En l’espèce, comme déjà relevé au point 123 ci-dessus, la Commission était fondée à constater qu’il existait, de manière générale, des échanges entre États membres et des marchés de dimension européenne portant sur l’alumine (AM et AC) excédentaire. En outre, dans la mesure où les exonérations du droit d’accise ne bénéficiaient qu’aux producteurs d’alumine qui, comme AAL, étaient implantés en Irlande, dans la région du Shannon, en France, dans la région de Gardanne, et en Italie, en Sardaigne, et non aux producteurs d’alumine européens implantés en Grèce, en Espagne et en Allemagne, avec lesquels AAL était en situation de concurrence (voir point 124 ci-dessus), la Commission était fondée à en conclure que l’aide litigieuse était susceptible d’affecter les échanges entre États membres.

129    Quant à l’argument, soulevé par AAL, tiré, en substance, de ce que la Commission aurait méconnu le fait qu’une partie importante de la production communautaire d’alumine était captive et que l’alumine (AM et AC) n’était pas échangée entre les États membres, mais entre ces derniers et des États tiers, la Communauté étant un importateur net de ces produits, il n’est pas de nature à pouvoir remettre en cause le bien-fondé de la décision attaquée en ce qui concerne le respect de la condition d’affectation du commerce interétatique. D’une part, le grief manque en fait dans la mesure où il concerne l’alumine captive. En effet, comme déjà indiqué au point 124 ci-dessus, au considérant 62 de la décision attaquée, la Commission a, en substance, observé que le commerce entre États membres ne portait que sur l’alumine (AM et AC) excédentaire. D’autre part, dans la mesure où il concerne les échanges d’alumine (AM et AC) entre les États membres, le grief n’est pas étayé et se trouve même contredit par les propres affirmations d’AAL, dans ses écritures, selon lesquelles « [la] petite proportion [de sa production] vendue sous la forme de trihydrate d’alumine […] [étai]t utilisée comme produit de départ par un producteur d’alumine chimique […] établi en Allemagne » et « [l]a totalité de l’alumine [qu’elle] produi[sait] […] [était] exportée via son terminal maritime vers des marchés situés en dehors de l’Irlande, principalement au Royaume Uni, en Scandinavie et dans d’autres endroits en Europe ». Il ressort ainsi des propres affirmations d’AAL que celle-ci alimentait des courants d’échanges interétatiques portant sur l’alumine (AM et AC) excédentaire.

130    Partant, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondé, le grief tiré du non-respect de la condition d’affectation du commerce entre États membres.

131    L’ensemble des griefs invoqués dans le cadre du sixième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II étant ainsi rejeté, il y a lieu de rejeter intégralement ce moyen comme étant lui-même non fondé.

 Sur les premiers moyens soulevés à l’appui des présents recours, tirés d’une erreur de droit dans la qualification de l’aide litigieuse au regard de l’article 88 CE

132    Dans le cadre des premiers moyens soulevés à l’appui des présents recours, les requérantes font grief à la Commission d’avoir commis une erreur de droit, dans la décision attaquée, en ce qu’elle a qualifié l’aide litigieuse d’aide nouvelle, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, plutôt que d’aide existante, au sens de l’article 88, paragraphe 1, CE, et en ce qu’elle n’a pas appliqué à ladite aide la procédure relative aux régimes d’aides existants.

133    Le premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II est divisé en trois branches alternatives. La première branche est tirée, en substance, d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999 ainsi que, en substance, d’une violation des règles procédurales relatives aux régimes d’aides existants, telles que codifiées aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999. La deuxième branche est prise d’une violation des dispositions combinées de l’article 88 CE, de l’article 1er, sous b), iv), et de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999 ainsi que, en substance, d’une violation des règles procédurales relatives aux régimes d’aides existants, telles que codifiées aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999. La troisième branche est tirée, en substance, d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999.

134    Le premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II est également divisé en trois branches alternatives. La première branche est tirée, en substance, d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999. La deuxième branche est prise d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999. La troisième branche est tirée, en substance, d’une violation des dispositions combinées de l’article 88 CE, de l’article 1er, sous b), iv), et de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999.

 Sur la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et sur la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, tirées d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999 ainsi que, dans l’affaire T‑50/06 RENV II, d’une violation des règles procédurales relatives aux régimes d’aides existants, telles que codifiées aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999

135    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a violé l’article 88 CE et la règle codifiée à l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999, dans la décision attaquée, en ce qu’elle n’a pas tenu compte, aux fins de qualifier l’aide litigieuse d’aide nouvelle, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, de ce que cette aide devait être réputée avoir été autorisée, faute pour la Commission d’avoir pris position sur l’exonération litigieuse dans un délai raisonnable à compter de sa notification. Dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande invoque également une violation des règles procédurales relatives aux régimes d’aides existants, telles que codifiées aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999.

136    À cet égard, premièrement, l’Irlande se fonde sur la lettre du 6 mai 1983, d’où il ressort qu’elle a accepté l’offre formulée par la Commission dans la lettre du 22 mars 1983 de traiter sa lettre du 28 janvier 1983, qui l’informait de l’exonération litigieuse projetée, comme une notification, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. Deuxièmement, elle invoque de nouveau la lettre du 6 mai 1983, par laquelle elle a notifié à la Commission le préavis de la mise à exécution de l’exonération litigieuse, conformément à la règle codifiée à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/1999. Troisièmement, elle se prévaut de l’absence de décision prise par la Commission dans les deux mois qui ont suivi la notification de l’exonération litigieuse, conformément au délai codifié à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999, ou dans un délai raisonnable suivant la notification du préavis de la mise à exécution, ainsi que de l’inaction et du silence de la Commission jusqu’en 1992, à savoir pendant les neuf années qui ont suivi ces notifications. Quatrièmement, elle insiste sur le manque de pertinence du fait qu’elle a mis l’exonération litigieuse à exécution sans attendre une prise de position formelle de la Commission au regard des règles en matière d’aides d’État, eu égard au fait que cette prise de position n’est pas intervenue dans un délai raisonnable et que la mise à exécution de l’exonération litigieuse est intervenue plus de deux mois après sa notification à la Commission, le 28 janvier 1983. Par ailleurs, l’Irlande se prévaut de ce que la Commission s’est elle-même comportée comme si elle considérait que l’aide litigieuse était une aide existante. À cet égard, en premier lieu, elle se fonde sur le texte clair et précis du quatrième considérant de la décision 92/510, aux termes duquel « la Commission et tous les États membres admett[ai]ent que toutes [l]es exonérations se justifi[ai]ent pour des raisons liées à des politiques spécifiques, qu’elles n’entraîn[ai]ent pas de distorsions de concurrence et qu’elles n’entrav[ai]ent pas le bon fonctionnement du marché commun », qui peut être considéré comme une décision positive à l’égard de l’exonération litigieuse, notifiée le 28 janvier 1983, ou, à tout le moins, comme une déclaration de principe indiquant que les doutes de la Commission concernant la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché commun avaient déjà été levés. En deuxième lieu, l’Irlande se fonde sur la terminologie employée au cinquième considérant de la décision 97/425 et au considérant 4 de la décision 1999/880, qui est semblable à celle que la Commission emploie lorsqu’elle procède à l’examen de régimes d’aides existants, sur le fondement de l’article 17 du règlement no 659/1999. En troisième lieu, elle invoque les propositions de décisions d’autorisation du Conseil de novembre 1999 et 2000 ainsi que le considérant 5 de la décision 2001/224, qui ne contenaient aucun avertissement concernant l’illégalité de l’aide litigieuse. En quatrième lieu, elle se réfère au fait que, en tout état de cause, la Commission a elle-même proposé au Conseil de l’autoriser à appliquer l’exonération litigieuse après 1983. Par ailleurs, l’Irlande fait, en substance, grief à la Commission d’avoir violé la procédure relative aux régimes d’aides existants, telle que codifiée aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999, en ce qu’elle a ordonné la récupération de l’aide litigieuse avec effet rétroactif, sans égard au fait que, dans le cadre du contrôle permanent des régimes d’aides existants, elle était uniquement habilitée à imposer la suppression ou la modification de cette aide, dans un délai qu’elle aurait déterminé.

137    Premièrement, AAL se prévaut de la lettre du 6 mai 1983, d’où il ressort que l’Irlande a accepté l’offre formulée par la Commission dans la lettre du 22 mars 1983 de traiter la lettre du 28 janvier 1983, qui l’informait de l’exonération litigieuse projetée, comme une notification, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. Deuxièmement, elle renvoie à la mise à exécution de l’exonération litigieuse environ trois mois après l’envoi à la Commission de la lettre du 28 janvier 1983. Troisièmement, elle invoque la lettre du 6 mai 1983, par laquelle l’Irlande a notifié à la Commission le préavis de la mise à exécution de l’exonération litigieuse, conformément à la règle codifiée à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/1999. Quatrièmement, elle se prévaut de l’inopposabilité, à son égard, de l’argument de la Commission selon lequel l’exonération litigieuse n’aurait pas été mise à exécution par l’Irlande et par elle-même dans le strict respect des conditions dégagées par la jurisprudence (arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec, EU:C:1973:152), puis codifiées dans le règlement no 659/1999, dès lors que la Commission a elle-même dérogé à ce cadre juridique en offrant à l’Irlande de considérer sa lettre du 28 janvier 1983 comme une notification, se privant ainsi de la possibilité de prendre position dans un délai raisonnable de deux mois. À titre subsidiaire, elle invoque l’inopposabilité, à son égard, de l’argument de la Commission tiré du caractère prétendument incomplet de la notification, dès lors que, après avoir été informée, par l’Irlande, de l’imminence de la mise à exécution de l’aide, elle a renoncé à exiger, dans la lettre du 22 mars 1983, un complément de notification. Cinquièmement, elle mentionne l’inaction et le silence de la Commission jusqu’en juillet 2000, à savoir pendant les 17 années qui ont suivi la notification de l’exonération litigieuse et l’information qu’elle avait reçue sur l’imminence de sa mise à exécution. Sixièmement, elle se fonde sur l’omission, par la Commission, de la notification intervenue le 28 janvier 1983, lorsqu’elle a demandé la notification de l’exonération, le 17 juillet 2000, et ouvert la procédure formelle d’examen, le 30 octobre 2001, ce qui l’a conduite à commettre une erreur dans la qualification de l’aide. Septièmement, elle se réfère au quatrième considérant de la décision 92/510, qui équivaut à la reconnaissance, par la Commission, de ce que l’exonération litigieuse était une aide existante. Huitièmement, elle se fonde sur la situation que la Commission a provoquée et acceptée pendant une longue période, qui impose objectivement de qualifier l’aide litigieuse d’aide existante.

138    La Commission conclut au rejet des présentes branches des premiers moyens comme étant non fondées.

139    À cet égard, il importe, à titre liminaire, de rappeler que le traité CE institue des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Alors que les aides nouvelles doivent, conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale, les aides existantes peuvent, conformément à l’article 88, paragraphe 1, CE, être légalement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité (voir arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, Rec, EU:T:2011:117, point 187 et jurisprudence citée). Les aides existantes ne peuvent donc faire l’objet, le cas échéant, que d’une décision d’incompatibilité produisant des effets pour l’avenir (voir arrêt Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, précité, EU:T:2011:117, point 187 et jurisprudence citée).

140    Par ailleurs, dans la mesure où les requérantes invoquent formellement une violation de l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999, il y a lieu d’observer que, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, la règle matérielle énoncée dans cette dernière disposition était déjà entrée en vigueur, le 16 avril 1999. Si, selon la jurisprudence (arrêts du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec, EU:C:1975:59, points 33 à 43 ; du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec, EU:C:1990:259, points 16 et 17, et du 5 octobre 1993, Driessen e.a., C‑13/92 à C‑16/92, Rec, EU:C:1993:828, points 30 à 35), la sauvegarde des principes de sécurité juridique et de confiance légitime impose des limites à l’application immédiate des règles matérielles, ces limites ne peuvent jouer dans le cas d’une aide illégale ou d’une aide notifiée, avant qu’elle ne soit autorisée par la Commission. En effet, dans le système et la logique du contrôle des aides d’État, la situation n’est pas définie immédiatement et définitivement par la notification ou l’octroi de l’aide, mais reste en cours jusqu’à une décision des institutions de l’Union. Dans ce contexte, il appartient à la Commission d’appliquer les règles matérielles en vigueur au moment où elle se prononce sur l’aide ou sur le régime d’aides en cause ainsi que sur la compatibilité de celle-ci ou de celui-ci avec le marché commun, seules règles en fonction desquelles doit s’apprécier la légalité de la décision qu’elle prend à cet égard (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, Rec, EU:C:2008:709, point 53). Ainsi, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999 était en vigueur, de sorte que ce dernier est applicable en l’espèce.

141    En revanche, les règles procédurales énoncées à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/1999, auquel renvoie l’article 1er, sous b), iii), de ce même règlement, ne peuvent régir des actes de procédure intervenus avant leur entrée en vigueur, le 16 avril 1999. En effet, conformément à la jurisprudence, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer aux procédures en cours au moment où elles entrent en vigueur (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec, EU:C:1981:270, point 9, et du 23 février 2006, Molenbergnatie, C‑201/04, Rec, EU:C:2006:136, point 31 et jurisprudence citée). Or, à l’époque où la procédure d’examen préliminaire de l’exonération litigieuse s’est déroulée et au cours de laquelle l’aide litigieuse serait réputée avoir été autorisée par la Commission, à savoir dans le courant de l’année 1983, ces règles n’étaient pas encore entrées en vigueur. Il convient toutefois de tenir compte de ce que, comme l’a reconnu à bon droit la Commission, au considérant 67 de la décision alumine I, l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/1999 a notamment visé à codifier certaines règles de procédure qui, conformément à la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt Lorenz, point 137 supra (EU:C:1973:152, point 6) (ci-après la « jurisprudence Lorenz »), étaient applicables à l’époque où les actes de procédure invoqués sont intervenus. Selon cette jurisprudence, citée par AAL dans l’affaire T‑69/06 RENV II, l’article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE) impliquait que, si la Commission, après avoir été informée par un État membre d’un projet tendant à instituer ou à modifier une aide, omettait d’ouvrir la procédure contradictoire prévue au paragraphe 2 de l’article 93 du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) (ou procédure formelle d’examen) en mettant l’État membre concerné en demeure de présenter ses observations, ce dernier pouvait, à l’expiration du délai suffisant pour procéder à son premier examen, mettre l’aide projetée à exécution à condition qu’il en ait été donné préavis à la Commission, cette aide relevant ensuite du régime des aides existantes (arrêt du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C‑44/93, Rec, EU:C:1994:311, point 12). S’agissant du délai suffisant ou raisonnable pour que la Commission effectue le premier examen (ou procédure d’examen préliminaire), la Cour indiquait qu’il convenait de s’inspirer du délai de deux mois prévu, aux articles 173 du traité CE et 175 du traité CE (devenus articles 230 CE et 232 CE), pour l’introduction des recours en annulation et en carence (arrêt Lorenz, point 137 supra, EU:C:1973:152, point 6).

142    Il y a donc lieu de comprendre les griefs tirés d’une violation de l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999 comme des griefs renvoyant, en substance, à une violation de la jurisprudence Lorenz.

143    En l’espèce, les requérantes soutiennent essentiellement que la Commission a commis une erreur, dans la décision attaquée, en qualifiant l’aide litigieuse d’aide nouvelle et en ordonnant la récupération de celle-ci avec effet rétroactif, alors qu’il s’agissait d’une aide existante, au sens de la jurisprudence Lorenz, faute pour la Commission d’avoir pris position sur l’exonération litigieuse dans un délai raisonnable à compter de sa notification.

144    En premier lieu, il convient d’examiner, à titre principal, si la lettre du 28 janvier 1983 ne pourrait pas être formellement considérée comme une notification de l’exonération litigieuse, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, et, à titre subsidiaire, si cette notification était incomplète, faute pour l’Irlande d’avoir répondu, dans la lettre du 6 mai 1983, à la question que la Commission lui avait posée, dans la lettre du 22 mars 1983, concernant la durée d’octroi de l’aide à AAL.

145    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle de la légalité, le Tribunal ne peut, en toute hypothèse, substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir, par analogie, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, Rec, EU:C:2013:32, point 89 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le Tribunal ne peut, sans excéder les limites de son contrôle, s’appuyer, afin de rejeter un moyen d’annulation qui lui est soumis, sur des motifs étrangers à la décision litigieuse (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Frucona Košice/Commission, précité, EU:C:2013:32, point 88).

146    Au considérant 67 de la décision alumine I, la Commission a observé ce qui suit :

« […] l’aide ne peut être réputée autorisée par la Commission au sens de l’article 4, paragraphe 6, du règlement (CE) no 659/1999. La France et l’Italie n’ont jamais notifié les mesures en cause. Par lettre du 6 mai 1983, l’Irlande a confirmé que l’aide était mise à exécution seulement à ce moment-là et que sa lettre à la Commission pouvait être considérée comme une notification aux fins de l’article 93, paragraphe 3, du traité [CE]. Or, l’Irlande n’a jamais avisé préalablement la Commission, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 659/1999 du Conseil, de son intention de mettre l’aide à exécution. Bien au contraire, elle a mis la mesure à exécution une semaine seulement après sa lettre du 6 mai 1983 dans laquelle elle invitait la Commission à considérer l’aide comme notifiée. Par conséquent, la Commission estime que l’aide doit être considérée comme illégale au sens de l’article 1er, point f), du règlement (CE) no 659/1999. Les aides française et italienne ont elles aussi été mises à exécution sans attendre l’autorisation de la Commission, en violation de l’article 88, paragraphe 3 du traité. Les États membres ne peuvent invoquer les dispositions de l’article 4, paragraphe 6, du règlement (CE) no 659/1999 à l’égard de ces aides. Bien que ce règlement ne soit entré en vigueur qu’en 1999, des règles similaires étaient déjà applicables avant cette date conformément à la jurisprudence de la Cour de justice. »

147    En outre, à l’article 5, paragraphe 5, de la décision alumine I, la Commission a notamment ordonné à l’Irlande de récupérer l’aide litigieuse, accordée entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003, auprès de son bénéficiaire, à savoir AAL.

148    Il ressort du considérant 67 de la décision alumine I que, si, dans ladite décision, la Commission a opposé à la République française et à la République italienne de ne pas lui avoir notifié les exonérations du droit d’accise qu’elles avaient appliquées, elle n’a, en revanche, jamais reproché à l’Irlande de ne pas lui avoir notifié l’exonération litigieuse, mais seulement de ne pas l’avoir préalablement avisée, comme requis par la jurisprudence Lorenz, de son intention de mettre ladite exonération à exécution, ce qu’elle a fait une semaine seulement après l’envoi de la lettre du 6 mai 1983, par laquelle elle l’invitait à considérer la lettre du 28 janvier 1983 comme une notification. Cela est cohérent avec le fait que, dans la lettre du 6 mai 1983, l’Irlande n’a fait qu’acquiescer à une proposition formulée par la Commission dans la lettre du 22 mars 1983 de traiter la lettre du 28 janvier 1983, par laquelle l’Irlande l’avait informée de son projet de mettre en œuvre l’exonération litigieuse, comme une notification, conformément à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE.

149    Dans la mesure où le motif d’un défaut de notification ou d’une notification incomplète à la Commission, par l’Irlande, de l’exonération litigieuse est étranger à la décision attaquée, le Tribunal ne peut, sans excéder les limites de son contrôle dans le cadre d’un recours en annulation, s’appuyer sur un tel motif afin de rejeter la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II.

150    Partant, il y a lieu de rejeter les arguments soulevés par la Commission à l’encontre de la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, tirés, à titre principal, de l’absence de notification de l’exonération litigieuse, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, et, à titre subsidiaire, du caractère incomplet de la notification alléguée.

151    En deuxième lieu, il convient d’examiner le moyen de défense, soulevé par la Commission à l’encontre de la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, tiré, en substance, de ce que seule la lettre du 6 mai 1983 lui aurait permis de considérer la lettre du 28 janvier 1983 comme une notification de l’exonération litigieuse, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, de sorte que le délai devrait courir à compter de la réception de la lettre du 6 mai 1983.

152    Il convient, à cet égard, d’observer que ce n’est que par la lettre du 6 mai 1983 que l’Irlande a demandé à la Commission de considérer sa lettre du 28 janvier 1983 comme une notification, conformément à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, comme proposé par la Commission, dans la lettre du 22 mars 1983. La Commission soutient donc à bon droit que, avant la réception de la lettre du 6 mai 1983, aucune notification formelle de l’aide litigieuse ne pouvait être considérée comme étant intervenue, de sorte que le délai suffisant ou raisonnable pour qu’elle effectue le premier examen de cette aide n’a pu commencer à courir qu’à compter de la réception de cette dernière lettre.

153    En troisième lieu, il convient de statuer sur le moyen de défense, soulevé par la Commission à l’encontre de la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et de la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, tiré de ce que la lettre du 6 mai 1983 ne pourrait pas, comme le soutiennent les requérantes, être considérée comme le préavis de la mise à exécution de l’aide projetée, requis par la jurisprudence.

154    À cet égard, il ressort tant du contenu que des finalités des dispositions de l’article 93 du traité CE (devenu article 88 CE) que doivent notamment être regardées comme des aides existantes, au sens du paragraphe 1 de cet article, les aides qui ont pu être mises légalement à exécution dans les conditions prévues par l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, y compris celles résultant de l’interprétation de cet article donnée par la Cour dans l’arrêt Lorenz, point 137 supra (EU:C:1973:152, points 4 à 6) (arrêts Namur-Les assurances du crédit, point 141 supra, EU:C:1994:311, point 13, et du 17 juin 1999, Piaggio, C‑295/97, Rec, EU:C:1999:313, point 48). Compte tenu des règles procédurales issues de la jurisprudence Lorenz, la transformation d’une aide notifiée en aide existante est subordonnée à deux conditions nécessaires et suffisantes, dont l’une est que l’État membre notifie à la Commission le préavis de la mise à exécution de l’aide projetée et l’autre que la Commission omette d’engager la procédure contradictoire au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité CE dans les deux mois suivant la notification complète de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2001, Autriche/Commission, C‑99/98, Rec, EU:C:2001:94, point 84).

155    En l’espèce, il n’y a lieu de statuer que sur le non-respect éventuel de la condition tenant à la notification à la Commission, par l’État membre, du préavis de la mise à exécution de l’aide projetée, seule condition à avoir été examinée par la Commission, au considérant 67 de la décision attaquée (voir point 146 ci-dessus).

156    Même en considérant qu’une notification complète de l’exonération litigieuse à la Commission, par l’Irlande, serait intervenue à la date où cette dernière a demandé à la Commission, par sa lettre du 6 mai 1983, de considérer sa lettre du 28 janvier 1983 comme une notification, conformément à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, comme proposé par la Commission, dans la lettre du 22 mars 1983, cette dernière disposait d’un délai de deux mois, compte tenu des règles procédurales issues de la jurisprudence Lorenz, pour engager la procédure formelle d’examen. Il résulte de ces dernières règles que ce n’est qu’à l’expiration de ce délai, à savoir, en principe, le 7 juillet 1983, que l’Irlande pouvait mettre l’exonération litigieuse à exécution (voir, en ce sens, arrêt Autriche/Commission, point 154 supra, EU:C:2001:94, point 77), à condition d’en avoir préalablement donné préavis à la Commission, l’aide accordée sur le fondement de cette exonération relevant ensuite du régime des aides existantes (arrêt Namur-Les assurances du crédit, point 141 supra, EU:C:1994:311, point 12).

157    Or, d’une part, il convient de constater que la lettre du 6 mai 1983, qui confirmait la notification à la Commission de l’exonération litigieuse, ne pouvait être regardée également comme un préavis de mise à exécution de ladite exonération. En effet, même en admettant que le préavis aurait pu être donné avant l’expiration du délai de deux mois prévu pour l’engagement de la procédure formelle d’examen, soit à une période où, en tout état de cause, l’Irlande n’était pas autorisée à mettre l’exonération litigieuse à exécution, il y a lieu de constater que, dans ladite lettre, cette dernière n’a nullement avisé la Commission de ce que, dans le silence de celle-ci, elle mettrait l’exonération litigieuse à exécution, mais s’est bornée à reconnaître que l’exonération litigieuse devait être notifiée, à confirmer qu’elle notifiait cette même exonération à la Commission et à fournir à cette dernière des informations supplémentaires relatives à ladite exonération. D’autre part, il convient de constater que le dossier ne permet pas d’établir que, après l’envoi de la lettre du 6 mai 1983 et avant la mise à exécution de l’exonération litigieuse, le 12 mai 1983, l’Irlande aurait adressé à la Commission un acte susceptible de constituer un préavis de mise à exécution de ladite exonération.

158    Partant, la Commission soutient à bon droit que l’ensemble des conditions requises par la jurisprudence pour la transformation d’une aide notifiée en aide existante n’était pas, en l’espèce, réuni.

159    En quatrième lieu, il reste à examiner, les arguments des requérantes tirés de ce que la Commission se serait elle-même comportée comme si l’aide litigieuse était une aide existante, lesquels sont fondés, en pratique, sur le contenu des décisions d’autorisation du Conseil, adoptées sur proposition de la Commission, ainsi que sur la longue période durant laquelle cette dernière s’est abstenue d’ouvrir une procédure formelle d’examen.

160    À cet égard, il convient de rappeler que la question de savoir si une aide est nouvelle ou existante, conformément à la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus, et si son instauration requiert ou non, en conséquence, la mise en mouvement de la procédure d’examen préliminaire, prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, ne peut dépendre d’une appréciation subjective de la Commission (voir, en ce sens, arrêt Piaggio, point 154 supra, EU:C:1999:313, points 47 et 48). En outre, le simple fait pour la Commission de ne pas avoir ouvert d’enquête, durant une période relativement longue, sur une mesure étatique donnée ne peut, à lui seul, conférer à cette mesure le caractère objectif d’une aide existante, s’il s’agit d’une aide (arrêt du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec, EU:T:2002:111, point 129).

161    Il ressort de la jurisprudence citée au point 160 ci-dessus que les arguments des requérantes tirés, en substance, de ce que le comportement de la Commission traduisait sa conviction selon laquelle l’aide litigieuse était une aide existante ne sont pas fondés et doivent être rejetés.

162    Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en refusant de considérer que l’aide litigieuse aurait été transformée, après notification, en aide existante. Elle n’a donc pas non plus, en ordonnant la récupération de cette aide avec effet rétroactif au 3 février 2002, violé la procédure relative aux régimes d’aides existants, telle que codifiée aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999, puisque cette dernière procédure n’était pas applicable à ladite aide.

163    Par conséquent, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondées, la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II.

 Sur la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et sur la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, prises d’une violation des dispositions combinées de l’article 88 CE ainsi que de l’article 1er, sous b), iv), et de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999

164    Les requérantes font valoir que la Commission a violé les dispositions combinées de l’article 88 CE ainsi que de l’article 1er, sous b), iv), et de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, au considérant 68 de la décision alumine I, en ce qu’elle n’a pas tenu compte, aux fins de qualifier l’aide litigieuse d’aide nouvelle, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, à compter du 17 juillet 1990, de ce qu’AAL bénéficiait de cette aide depuis septembre 1983, de ce que le délai de prescription de dix ans applicable aux pouvoirs de la Commission en matière de récupération d’une aide, prévu à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, avait donc expiré au moment où la Commission a commencé à agir, le 17 juillet 2000, et de ce que, à compter de cette date, l’aide litigieuse devait être réputée être une aide existante.

165    Par ailleurs, dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande fait, en substance, grief à la Commission d’avoir violé les règles procédurales relatives aux régimes d’aides existants, telles que codifiées aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999, en ce que, dans la décision attaquée, elle a ordonné la récupération de l’aide litigieuse avec effet rétroactif, sans égard au fait que, dans le cadre du contrôle permanent des régimes d’aides existants, elle était uniquement habilitée à imposer la suppression ou la modification de cette aide, dans un délai qu’elle aurait déterminé.

166    À cet égard, l’Irlande, premièrement, se prévaut du fait que, comme le confirmerait la doctrine, la prescription serait acquise à l’issue du délai de prescription lorsque, comme en l’espèce, les caractéristiques de l’aide n’auraient pas changé au cours de ce délai. Deuxièmement, elle invoque l’obligation de qualifier toute aide d’État soit d’aide « existante » soit d’aide « nouvelle », au sens de l’article 15 du règlement no 659/1999, la notion d’aide « partiellement existante et partiellement nouvelle » n’étant pas prévue par le règlement no 659/1999. Troisièmement, elle renvoie à la jurisprudence, d’où il résulte que le délai de prescription vise notamment à protéger les droits ou les intérêts de certaines des parties intéressées, parmi lesquelles l’État membre concerné et le bénéficiaire de l’aide. Quatrièmement, elle invoque l’absence d’effet suspensif du délai de prescription de la lettre du 17 juillet 2000, qui a été rédigée après l’expiration du délai de prescription prévu à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999. Cinquièmement, elle se réfère à la notion d’« aide existante » figurant dans le règlement no 659/1999, qui ne concerne pas uniquement des avantages financiers réellement perçus à une date donnée, mais inclut également les régimes d’aides. Par ailleurs, l’Irlande fait, en substance, grief à la Commission d’avoir violé les règles procédurales relatives aux régimes d’aides existants, telles que codifiées aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999, en ce que, dans la décision attaquée, elle a ordonné la récupération de l’aide litigieuse avec effet rétroactif, sans égard au fait que, dans le cadre du contrôle permanent des régimes d’aides existants, elle était uniquement habilitée à imposer la suppression ou la modification de cette aide, dans un délai qu’elle aurait déterminé.

167    Premièrement, AAL se prévaut de la contrariété au principe de sécurité juridique de l’interprétation de l’article 15 du règlement no 659/1999 que la Commission a retenue dans la décision attaquée, selon laquelle seule la partie de l’aide octroyée sur le fondement de l’exonération litigieuse à l’égard de laquelle le délai de prescription a expiré est une aide réputée existante. Deuxièmement, elle soutient que la Commission ne pouvait prétendre, pour la première fois dans le mémoire en défense, que l’exonération litigieuse était un régime d’aides plutôt qu’une aide individuelle, qui lui avait été octroyée de manière successive, à chaque fois que, en application de l’exonération litigieuse, elle avait été exonérée du droit d’accise dans le cadre d’une opération douanière. Troisièmement, elle se fonde sur le terme « réputée » figurant à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, d’où l’on peut déduire, en l’espèce, que l’aide individuelle est réputée être devenue une aide existante à partir de l’expiration d’un délai de dix ans à compter du premier octroi de l’aide, en 1983.

168    La Commission conclut au rejet des présentes branches des premiers moyens comme étant non fondées.

169    Pour autant que les requérantes invoquent une violation de l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999, il y a lieu d’observer que, conformément à la jurisprudence citée au point 140 ci-dessus, au moment où la Commission a statué sur l’aide litigieuse, cette disposition était en vigueur, de sorte qu’elle est applicable en l’espèce.

170    Aux termes de cette dernière, doit être qualifiée d’« aide existante », « toute aide réputée existante conformément à l’article 15 ».

171    L’article 15 du règlement no 659/1999 dispose ce qui suit :

« 1.      Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans.

2.      Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aides. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes.

3.      Toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante. »

172    Comme cela ressort du considérant 14 du règlement no 659/1999, le délai de prescription énoncé à l’article 15 de ce même règlement vise notamment à protéger certaines des parties intéressées, parmi lesquelles l’État membre concerné et le bénéficiaire de l’aide (arrêt du 6 octobre 2005, Scott/Commission, C‑276/03 P, Rec, EU:C:2005:590, point 30).

173    À titre liminaire, il convient d’observer que l’article 15 du règlement no 659/1999 est une règle procédurale censée, conformément à la jurisprudence citée au point 141 ci-dessus, s’appliquer au moment de son entrée en vigueur, à savoir, en l’espèce, le 16 avril 1999. Cependant, dans la mesure où, à la différence de l’article 11, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement no 659/1999, l’article 15 de ce même règlement ne contient aucune disposition transitoire quant à son application dans le temps, il y a lieu de juger que celui-ci s’applique à toutes les procédures formelles d’examen en cours au 16 avril 1999 ou ouvertes à compter de cette date (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2008, Hotel Cipriani e.a./Commission, T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec, EU:T:2008:537, point 357). Il s’ensuit que, même si l’octroi de l’aide est intervenu à une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur de l’article 15 du règlement no 659/1999, celui-ci a néanmoins pour effet d’ouvrir le délai de prescription de dix ans prévu à cet article, lorsque la décision de récupération de cette aide intervient, comme en l’espèce, postérieurement à l’entrée en vigueur dudit article.

174    En l’espèce, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a commis une erreur en estimant que l’aide litigieuse était une aide nouvelle alors que, au considérant 68 de la décision alumine I, elle avait conclu que l’aide octroyée en application de l’exonération litigieuse était une aide réputée existante conformément à l’article 15 du règlement no 659/1999, au sens de l’article 1er, sous b), iv), de ce même règlement, pour la période antérieure au 17 juillet 1990, et alors que le bénéfice de la prescription prévue à l’article 15 du règlement no 659/1999 devait également jouer pour l’aide litigieuse.

175    Au considérant 68 de la décision alumine I, la Commission a observé ce qui suit :

« […] les aides ne peuvent être considérées que partiellement comme des aides existantes au sens de l’article 15 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil. Cet article soumet les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide à un délai de prescription de 10 ans, qui commence le jour où l’aide illégale est accordée. […] Dans le cas de l’Irlande, ce délai a été interrompu par la lettre de la Commission du 17 juillet 2000. Par conséquent, seule la mesure prise par l’Irlande doit être considérée comme une aide existante pour la période antérieure au 17 juillet 1990. »

176    Il ressort du considérant précité de la décision alumine I que, dans celle-ci, la Commission a considéré que, pour la période antérieure au 17 juillet 1990, l’exonération litigieuse était une aide réputée existante conformément à l’article 15 du règlement no 659/1999, au sens de l’article 1er, sous b), iv), de ce même règlement.

177    Dans ses écritures, la Commission fait valoir que cette solution se justifie au regard du fait que l’exonération litigieuse est un « régime d’aides », au sens de l’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999, et de ce que, conformément à l’article 15 de ce même règlement, le délai de prescription n’a commencé à courir que le jour où une aide illégale a été effectivement accordée à AAL dans le cadre de ce régime.

178    L’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999 dispose que l’on entend par « régime d’aides [...] toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition[,] et toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé ». Cette disposition codifie, en la précisant, une jurisprudence antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission, T‑398/94, Rec, EU:T:1996:73, points 41 et 49).

179    En l’espèce, il est constant que l’exonération litigieuse a été introduite, en droit irlandais, par l’ordonnance de 1983, dont la date de prise d’effet était le 13 mai 1983. Cette ordonnance accorde une remise sur le droit d’accise applicable aux huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine, dont le montant est égal à celui dudit droit d’accise, ce qui revient, en pratique, à instaurer une exonération de ce droit. Même en tenant compte des conditions d’ordres géographique et temporel précises à l’exonération litigieuse fixées par les décisions d’autorisation du Conseil (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra, EU:C:2013:812, point 50), cette mesure correspond à un « régime d’aides », au sens de l’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999, contrairement à ce que soutient AAL, dans la mesure où les bénéficiaires de l’aide sont définis, de manière générale et abstraite, comme étant, en substance, les producteurs d’alumine et où le montant de l’aide qui leur est accordée reste indéterminé.

180    Pour autant qu’AAL fait grief à la Commission d’avoir, pour la première fois dans le mémoire en défense, considéré que l’exonération litigieuse était un régime d’aides plutôt qu’une aide individuelle, il suffit de constater que ledit grief repose sur le postulat que la décision attaquée exclurait que l’exonération litigieuse puisse être qualifiée de « régime d’aides », au sens de l’article 1er, sous d), du règlement no 659/1999. Or, AAL n’a avancé aucun élément à l’appui d’un tel postulat. Par conséquent, le présent grief doit être rejeté.

181    Comme l’observe à bon droit la Commission, il ressort de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 659/1999 que, dans le cadre d’un régime d’aides, le délai de prescription commence à courir le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, ce qui correspond, en l’espèce, à chaque importation par AAL ou livraison à cette dernière, depuis une raffinerie ou un entrepôt de stockage, d’huiles minérales destinées à être utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans son usine de la région du Shannon. En effet, c’est à l’occasion de chacun de ces actes qu’AAL a bénéficié, en pratique, de l’exonération litigieuse et s’est vue octroyer individuellement une aide en application de celle-ci (voir arrêt Hotel Cipriani e.a./Commission, point 173 supra, EU:T:2008:537, point 364 et jurisprudence citée). Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le délai de prescription énoncé à l’article 15 du règlement no 659/1999 courrait à l’égard de chaque aide ainsi octroyée dans le cadre du régime d’aides correspondant à l’exonération litigieuse, à compter du jour d’octroi de ladite aide (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, Rec, EU:C:2011:811, point 84).

182    Cette interprétation de l’article 15 du règlement no 659/1999, relative au point de départ du délai de prescription (dies a quo) s’agissant d’une aide accordée dans le cadre d’un régime d’aides, n’est pas remise en cause par l’arrêt Scott/Commission, point 172 supra (EU:C:2005:590), invoqué par l’Irlande dans l’affaire T‑50/06 RENV II, lequel portait uniquement sur le point de savoir, s’agissant d’une aide individuelle, si l’interruption du délai de prescription énoncé à ce même article était soumise à une condition de notification de l’acte interruptif de la prescription au bénéficiaire de l’aide.

183    Par ailleurs, le délai de prescription énoncé à l’article 15 du règlement no 659/1999 a été interrompu, à l’égard de l’exonération litigieuse, par la lettre de la Commission du 17 juillet 2000.

184    C’est donc à bon droit que, dans ce contexte, la Commission a indiqué, au considérant 68 de la décision alumine I, que le délai de prescription énoncé à l’article 15 du règlement no 659/1999 n’avait expiré qu’à l’égard de l’exonération octroyée avant le 17 juillet 1990 et que, partant, l’aide litigieuse, octroyée après cette date, ne pouvait être réputée être une aide existante, au sens de l’article 1er, sous b), iv), du règlement no 659/1999, lu en combinaison avec l’article 15, paragraphe 3, de ce même règlement. Elle n’a donc pas non plus, en ordonnant la récupération de cette aide avec effet rétroactif au 3 février 2002, violé la procédure relative aux régimes d’aides existants, telle que codifiée aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999, puisque cette dernière procédure n’était pas applicable à ladite aide.

185    Par conséquent, il y a lieu de rejeter, comme étant non fondées, la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II.

 Sur la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et sur la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, tirées, en substance, d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999

186    Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a violé l’article 88 CE et la règle codifiée à l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999, dans la décision attaquée, en ce qu’elle n’a pas tenu compte, aux fins de qualifier l’aide litigieuse d’aide nouvelle, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, de ce que, avant son adhésion à la Communauté économique européenne (CEE), le 1er janvier 1973, l’Irlande avait pris un engagement juridiquement contraignant à l’égard d’Alcan concernant l’application de l’exonération litigieuse dans le cadre de l’exploitation de l’usine de production d’alumine qu’elle a implantée dans la région du Shannon, puis cédée à AAL, de sorte que l’aide litigieuse avait été octroyée avant l’entrée en vigueur, sur son territoire, du traité CEE.

187    À cet égard, premièrement, l’Irlande se fonde sur l’engagement formalisé par les courriers échangés avec Alcan, dès 1970, en vertu duquel aucun droit ne serait dû sur les matières premières utilisées pour la production d’alumine dans l’usine qu’Alcan projetait de construire dans la région du Shannon. Deuxièmement, elle invoque le caractère juridiquement contraignant de cet engagement, en droit irlandais, comme cela est confirmé par les conseillers juridiques du gouvernement irlandais ainsi que par l’Attorney General, en 1981. Troisièmement, elle renvoie à l’absence d’enquête approfondie menée par la Commission sur la nature de cet engagement en droit irlandais. Quatrièmement, elle se réfère au contenu de la lettre du 6 mai 1983, dans laquelle elle n’a jamais admis que l’aide litigieuse n’était pas une aide existante, mais seulement répondu à l’offre de la Commission de traiter la lettre de janvier 1983 comme la notification de la mise en œuvre de l’exonération litigieuse. Cinquièmement, elle se prévaut de l’absence de pertinence de ce que l’ordonnance de 1983 a été adoptée après l’entrée en vigueur, sur son territoire, du traité CEE, dès lors que cette ordonnance n’était que la mise en œuvre formelle d’un engagement juridiquement contraignant pris à l’égard d’Alcan avant ladite entrée en vigueur et que, au moment où cet engagement avait été pris, la loi permettant au ministre d’adopter ladite ordonnance était déjà en vigueur.

188    Premièrement, AAL se prévaut de l’engagement juridiquement contraignant pris par l’Irlande envers Alcan, en avril 1970, en vertu duquel aucun droit ne serait dû sur les matières premières utilisées pour la production d’alumine dans l’usine dont la construction était projetée dans la région du Shannon, engagement juridique dont l’existence a été confirmée à Alcan par la lettre de l’Irlande à la Commission du 28 janvier 1983. Deuxièmement, elle invoque la position constamment affirmée par l’Irlande, y compris dans la lettre du 6 mai 1983, selon laquelle l’exonération litigieuse était une aide non notifiable, car existant déjà au moment de son adhésion à la CEE, dont seule la mise à exécution a été notifiée à la Commission, en 1983. Troisièmement, elle renvoie à l’absence de pertinence du régime fiscal spécifiquement applicable, dès lors que l’aide consistait en une exonération générale de la taxe intérieure sur les matières premières destinées à la transformation. Quatrièmement, elle argue de la nature de la procédure législative irlandaise, dans laquelle le ministre décide par la voie réglementaire et le Parlement confirme ensuite la mesure réglementaire par la voie législative.

189    La Commission conclut au rejet de la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II comme étant irrecevable, en application de la règle nemo potest venire contra factum proprium, dans la mesure où l’Irlande aurait pris une position contraire dans le cadre de la procédure administrative. En tout état de cause, la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II ne serait pas fondée. Par ailleurs, la Commission conclut au rejet de la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II comme étant non fondée.

190    À titre liminaire et dans la mesure où les requérantes invoquent formellement une violation de l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999, il y a lieu d’observer que, conformément à la jurisprudence citée au point 140 ci-dessus, au moment où la Commission a statué sur l’aide litigieuse, l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999 était en vigueur, de sorte que ce dernier est applicable en l’espèce.

191    Aux termes de cette dernière disposition, « toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et [les] aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur », peut être qualifiée d’« aide existante ».

192    En premier lieu, concernant la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’encontre de la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, il y a lieu de rappeler que, en vertu de la règle nemo potest venire contra factum proprium, nul ne peut contester ce qu’il a auparavant reconnu (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 13 février 2014, Marszałkowski/OHMI, C‑177/13 P, EU:C:2014:183, points 73 et 74 et jurisprudence citée).

193    En l’espèce et à supposer que la Commission soit fondée à se prévaloir de la règle nemo potest venire contra factum proprium s’agissant d’allégations initialement présentées dans le cadre de la procédure administrative, il y a lieu de vérifier si l’Irlande a admis, au cours de ladite procédure, ne pas avoir octroyé l’aide litigieuse avant son adhésion à la CEE, le 1er janvier 1973.

194    Dans la lettre du 6 mai 1983, l’Irlande a déclaré que, sur le fondement des arguments indiqués dans la lettre de la Commission du 22 mars 1983, concernant les engagements qu’elle aurait pris à l’égard d’Alcan, elle pouvait admettre que la mise en œuvre desdits engagements devait être notifiée, conformément à l’article 93, paragraphe 3, du traité CE, et a demandé, en conséquence, de bien vouloir traiter sa lettre du 28 janvier 1983 comme une telle notification. À la dernière phrase du considérant 65 de la décision alumine I, la Commission a ainsi relevé que, dans sa lettre du 6 mai 1983, l’Irlande avait admis ses arguments selon lesquels l’aide litigieuse devait être notifiée, ce qui revenait à considérer qu’il ne s’agissait pas d’une aide existante, mais d’une aide nouvelle, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, seules les aides nouvelles étant soumises à l’obligation de notification prévue par l’article 93, paragraphe 3, du traité CE (arrêt Piaggio, point 154 supra, EU:C:1999:313, point 48).

195    Toutefois, comme il ressort du considérant 53 de la décision attaquée, dans le cadre de la procédure formelle d’examen, l’Irlande avait rappelé l’historique de l’exonération litigieuse et maintenu que celle-ci devait être qualifiée d’aide existante.

196    Certes, dans la lettre d’AAL à la Commission du 1er mars 2002, cette contestation était limitée au point de savoir si l’exonération litigieuse, qui était à l’origine une aide nouvelle, ne s’était pas transformée, après notification à la Commission, en une aide existante, conformément à la jurisprudence Lorenz ensuite codifiée à l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999 (voir points 135 et 136 ci-dessus). En effet, dans cette lettre, AAL observait que « l’exonération a[vait] été notifiée en tant qu’aide d’État par les autorités irlandaises en mai 1983 et [était] devenue une aide existante au sens des règles en matière d’aides d’État ».

197    Cependant, au point 3.1 de la lettre du 8 janvier 2002, citée au considérant 13 de la décision attaquée et produite en copie en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’Irlande a maintenu qu’elle considérait « l’aide en question comme ayant été approuvée par les autorités en 1970, avant l’adhésion de l’Irlande à la CEE, et comme étant en place depuis 1982 ». En outre, en annexe à la lettre du 26 avril 2002, citée au considérant 13 de la décision attaquée et produite en copie en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’Irlande a fourni, sur demande de la Commission, un ensemble de documents visant à démontrer que l’aide litigieuse avait été octroyée par l’Irlande avant son adhésion à la CEE.

198    Il résulte ainsi de l’examen des pièces du dossier que, après la notification de l’exonération à la Commission, l’Irlande a continué de soutenir, au cours de la procédure administrative, avoir octroyé l’aide litigieuse avant son adhésion à la CEE, ce qui a conduit la Commission à examiner cette question.

199    Dans un tel contexte, même si l’Irlande a répondu positivement à l’offre de la Commission de traiter la lettre de janvier 1983 comme une notification de la mise en œuvre de l’exonération litigieuse, il ne peut être constaté que, dans le cadre de la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande aurait contesté des éléments de fait et de droit qu’elle aurait préalablement reconnus dans le cadre de la procédure administrative.

200    Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’allégation de la Commission, selon laquelle l’Irlande a admis, au cours de la procédure administrative, ne pas avoir octroyé l’aide litigieuse avant son adhésion à la CEE, le 1er janvier 1973, manque en fait et, par suite, de rejeter la fin de non-recevoir avancée par la Commission sur le fondement de la règle nemo potest venire contra factum proprium.

201    En second lieu, concernant le bien-fondé de la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et de la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, il importe de rappeler que, pour pouvoir être qualifiée d’« aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999, un régime d’aides doit non seulement, avant l’adhésion de l’État membre concerné à la CEE, avoir été accordé, en ce sens que l’autorité nationale compétente s’est engagée, par un acte juridiquement contraignant, à octroyer des aides en application dudit régime (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec, EU:T:2004:4, points 73 et 74), mais encore avoir été mis à exécution, en ce sens que le versement effectif de certaines aides octroyées dans le cadre dudit régime est effectivement intervenu.

202    En l’espèce, il est constant entre les parties que l’exonération litigieuse, qui, selon les requérantes, résulterait d’un engagement pris par l’Irlande à l’égard d’Alcan avant son adhésion à la CEE, le 1er janvier 1973, n’a, en tout état de cause, été mise à exécution qu’à partir de 1983, soit à une date largement postérieure à ladite adhésion. Interrogées sur ce point lors de l’audience, les requérantes n’ont pas été en mesure d’établir que la condition tenant à la mise à exécution du régime d’aides en cause avant l’adhésion de l’État membre concerné à la CEE, requise pour que ledit régime puisse être qualifiée d’« aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999, aurait été satisfaite en l’espèce.

203    Ainsi, sans même qu’il soit nécessaire de vérifier si, comme le soutiennent les requérantes, avant son adhésion à la CEE, l’Irlande avait pris un engagement juridiquement contraignant à l’égard d’Alcan concernant l’application de l’exonération litigieuse dans le cadre de l’exploitation de l’usine de production d’alumine qu’Alcan a implantée dans la région du Shannon, puis cédée à AAL, il peut être constaté que l’une des conditions requises pour que l’exonération litigieuse puisse être qualifiée d’« aide existante » au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999 fait, en l’espèce, défaut. Il y a donc lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II.

204    L’ensemble des branches articulées dans le cadre des premiers moyens soulevés à l’appui des présents recours étant ainsi rejeté, il y a lieu de rejeter intégralement lesdits moyens.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe du respect de la confiance légitime, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, et sur le quatrième moyen, pris d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

205    Dans le cadre du troisième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande soutient que la Commission a violé le principe du respect de la confiance légitime, dans la décision attaquée, en décidant que la confiance légitime d’AAL dans la légalité de l’aide prétendument octroyée avait pris fin le 2 février 2002, à savoir le jour de la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. À cet égard, tout d’abord, elle se prévaut de ce qu’AAL a pu nourrir une confiance légitime dans la qualification de l’aide litigieuse d’aide existante. D’une part, elle se fonde sur le caractère contradictoire de la décision alumine I, qui conclut, en ses considérants 68 et 104, que l’aide litigieuse est partiellement une aide existante, s’agissant de l’aide octroyée avant le 17 juillet 1990, tout en indiquant que celle-ci constitue une aide nouvelle, dans une large mesure incompatible avec le marché commun, au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE. D’autre part, elle invoque l’erreur de la Commission consistant, premièrement, à ne pas avoir qualifié l’aide litigieuse d’aide existante, deuxièmement, à ne pas avoir appliqué, en l’espèce, la procédure relative aux régimes d’aides existants, telle que codifiée dans le règlement no 659/1999, et, troisièmement, à avoir pris du retard pour décider que l’aide litigieuse était incompatible avec le marché commun, au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE, la décision attaquée ayant été adoptée plus de 43 mois après la réception par la Commission, en avril 2002, de sa réponse à la dernière demande de renseignements complémentaires adressée par cette institution. Ensuite, l’Irlande soutient que la Commission ne pouvait s’arroger le droit ou le pouvoir de décider, dans la décision attaquée, du moment où elle aurait fait naître et, ensuite, disparaître la confiance légitime d’AAL dans la légalité de l’aide prétendument octroyée. Enfin, l’Irlande estime qu’elle et AAL étaient en droit de se fonder sur la décision 2001/224, qui l’autorisait à continuer à appliquer l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006.

206    Dans la réplique, l’Irlande fait valoir que, eu égard à l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/1999, qui énonce que la Commission doit s’efforcer de prendre une décision dans un délai de 18 mois, au principe d’équité et au fait que la Commission s’est arrogé le pouvoir de décider elle-même de l’application du principe du respect de la confiance légitime dans la personne d’AAL, la récupération de l’aide devrait être limitée à la période de 18 mois ayant précédé l’adoption de la décision alumine I. Il devrait, en outre, être tenu compte de ce que la Commission avait émis des signaux contradictoires à l’égard d’AAL et de ce que cette dernière n’était pas en mesure de limiter ses pertes en cas de restitution de l’aide prétendument octroyée à compter du 3 février 2002. Enfin, il devrait être tenu compte de ce que la Commission n’aurait pas adopté d’injonction de suspension de l’aide litigieuse, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, et n’aurait donc pas cherché à atténuer les effets de cette aide sur le marché commun.

207    Dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, AAL soutient que, dans la décision attaquée, la Commission a violé les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Ce moyen est divisé en deux branches, dont la seconde n’est que la poursuite, sur la base d’arguments supplémentaires, de la première.

208    Dans le cadre de la première branche du quatrième moyen, AAL fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a violé les principes de respect de la confiance légitime et de sécurité juridique, notamment lorsqu’elle a ordonné la récupération de l’aide litigieuse, aux motifs, exposés aux considérants 98 et 99 de la décision alumine I, que, d’une part, la publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen avait mis fin à sa confiance légitime dans la légalité de l’aide litigieuse et que, d’autre part, le principe de sécurité juridique avait cessé de s’appliquer au moment où elle avait clarifié une situation qui était, auparavant, équivoque. Elle estime qu’il existe, en l’espèce, des circonstances exceptionnelles qui l’autorisent, conformément à la jurisprudence, à invoquer une confiance légitime dans le fait que l’aide litigieuse avait été légalement octroyée en application de la décision 2001/224 et ne serait pas récupérée et dans le fait que l’exonération litigieuse pouvait être légalement appliquée jusqu’au 31 décembre 2006, conformément à cette dernière décision, et ce même après la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Ladite publication n’aurait pas mis fin à la situation équivoque quant à la légalité de l’exonération litigieuse. À cet égard, premièrement, AAL invoque la notification de l’exonération litigieuse à la Commission en 1983 et l’inaction ou le silence gardé par cette dernière pendant 17 ans. Deuxièmement, elle se réfère aux décisions d’autorisation du Conseil, adoptées à l’unanimité sur proposition de la Commission, qui l’ont amenée à penser que l’aide litigieuse était légale dans la mesure où elles constataient ou reposaient sur le postulat que l’exonération litigieuse n’entraînait pas de distorsions de concurrence et autorisaient l’Irlande à appliquer l’exonération litigieuse, en dernier lieu jusqu’en 2006. Troisièmement, elle s’appuie sur la proposition de décision d’autorisation du Conseil de novembre 1999, d’où ressortait l’intention de la Commission d’obtenir, à terme, la suppression de l’autorisation d’appliquer l’exonération litigieuse, mais non de récupérer l’aide octroyée en application de ladite exonération, pendant toute la période au cours de laquelle celle-ci était autorisée par le Conseil. Quatrièmement, elle se prévaut de sa confiance dans le fait que l’Irlande se conformait à ses obligations en vertu des règles en matière d’aides d’État. Cinquièmement, elle renvoie à la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, qui traduisait seulement des doutes de la Commission quant à la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché commun et n’était pas de nature à remettre en cause sa confiance légitime, au regard de la décision 2001/224, dans le fait que, en tout état de cause, l’aide octroyée jusqu’en 2006 ne serait pas récupérée. Sixièmement, elle invoque sa confiance dans le fait que la procédure formelle d’examen n’aboutirait pas à une décision négative en matière d’aides d’État. Septièmement, elle se prévaut du retard pris par la Commission pour adopter la décision alumine I, laquelle, contrairement aux principes de bonne administration et de sécurité juridique, a été adoptée plus de 43 mois après la réception par la Commission, en avril 2002, de la réponse de l’Irlande à la dernière demande de renseignements complémentaires adressée par cette institution, ce qui a renforcé sa confiance légitime dans le fait que l’aide litigieuse ne serait pas récupérée. Huitièmement, elle se réfère au comportement de la Commission à l’occasion de l’adoption par le Conseil de la directive 2003/96, notamment son communiqué de presse, du 27 octobre 2003, saluant cette adoption, qui a nourri sa confiance légitime dans la légalité de l’aide litigieuse au regard des règles en matière d’aides d’État. Neuvièmement, elle mentionne l’absence d’injonction de la Commission à l’Irlande de suspendre le versement de l’aide illégale prétendument octroyée jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de celle-ci avec le marché commun, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. Dixièmement, elle argue des investissements à long terme importants qu’elle a lancés de bonne foi, à l’automne 2003, correspondant, d’une part, à la construction d’une centrale de production combinée de chaleur et d’électricité, d’un coût d’environ 100 millions d’euros, et, d’autre part, à 70 millions d’euros d’investissement pour augmenter sa capacité de production, sur le fondement de la confiance légitime qu’elle avait que l’exonération litigieuse serait appliquée jusqu’au 31 décembre 2006 ou, à tout le moins, que l’aide octroyée jusqu’à cette date ne serait pas récupérée.

209    La Commission conclut au rejet des présents moyens comme étant non fondés.

210    À titre liminaire, il convient de relever que, pour autant que, dans le cadre de la première branche du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, AAL articule un grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique, ladite branche se confond avec le grief, également tiré d’une violation du principe de sécurité juridique, articulé dans le cadre du deuxième moyen soulevé à l’appui de ce même recours.

211    Or, pour les motifs exposés aux points 59 et 61 à 74 ci-dessus, ledit grief doit être rejeté comme étant non fondé.

212    Pour le reste, le troisième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et le quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II posent, en substance, la question de savoir si, en exigeant, dans la décision attaquée, la récupération de l’aide litigieuse, la Commission est allée à l’encontre du principe du respect de la confiance légitime.

213    À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime, principe fondamental du droit de l’Union (arrêt du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec, EU:C:1999:498, point 52), permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir [arrêts du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec, EU:C:1987:121, point 44 ; du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission, C‑369/09 P, Rec, EU:C:2011:175, point 123, et du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T‑328/09, EU:T:2012:498, point 18]. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption par les institutions d’un acte de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice de ce principe, lorsque cette mesure est adoptée (arrêts du 1er février 1978, Lührs, 78/77, Rec, EU:C:1978:20, point 6, et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑332/06, EU:T:2009:79, point 102). Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt Producteurs de légumes de France/Commission, précité, EU:T:2012:498, point 19 et jurisprudence citée).

214    Il convient, ensuite, s’agissant plus particulièrement de l’applicabilité du principe de protection de la confiance légitime en matière d’aides d’État, de rappeler qu’un État membre, dont les autorités ont accordé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 88 CE, peut invoquer la confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire pour contester devant le juge de l’Union la validité d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide, mais non pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de son exécution (voir arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C‑169/95, Rec, EU:C:1997:10, points 48 et 49 et jurisprudence citée). Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les bénéficiaires d’une aide ne peuvent avoir, en principe, une confiance légitime dans la légalité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 88 CE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission ou, comme en l’espèce, sans que le préavis de la mise à exécution requis par la jurisprudence Lorenz soit respecté (voir points 154 et 156 à 158 ci-dessus), de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la légalité de l’octroi de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Producteurs de légumes de France/Commission, point 213 supra, EU:T:2012:498, points 20 et 21 et jurisprudence citée), sauf existence de circonstances exceptionnelles (arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C‑5/89, Rec, EU:C:1990:320, point 16 ; voir, également, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec, EU:C:2004:240, point 86 et jurisprudence citée, et du 30 novembre 2009, France/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, Rec, EU:T:2009:474, point 263 et jurisprudence citée).

215    Il convient, encore, de rappeler que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union (arrêt du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, Rec, EU:T:2003:316, point 136). En outre, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l’existence d’une action excessivement tardive de la part de cette institution (arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec, EU:C:2002:524, points 140 et 141, et Fleuren Compost/Commission, point 201 supra, EU:T:2004:4, points 145 à 147).

216    Le retard pris par la Commission pour décider qu’une aide est illégale et qu’elle doit être supprimée et récupérée par un État membre peut, dans certaines circonstances, fonder chez les bénéficiaires de ladite aide une confiance légitime de nature à empêcher la Commission d’enjoindre audit État membre d’ordonner la restitution de cette aide (arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec, EU:C:1987:502, point 17).

217    Le seul fait que le règlement no 659/1999, hors un délai de prescription d’une durée de dix ans (à compter de l’octroi de l’aide) à l’issue duquel la récupération de l’aide ne peut plus être ordonnée, ne prévoie aucun délai, même indicatif, pour l’examen par la Commission d’une aide illégale, conformément à l’article 13, paragraphe 2, dudit règlement disposant que la Commission n’est pas liée par le délai fixé à l’article 7, paragraphe 6, de ce même règlement, ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie si cette institution n’a pas observé un délai raisonnable ou a agi de manière excessivement tardive (voir, en ce sens et par analogie, s’agissant d’un délai indicatif, arrêts du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec, EU:T:2005:219, point 57, et du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a., T‑230/01 à T‑232/01 et T‑267/01 à T‑269/01, EU:T:2009:316, points 338 et 339, et Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T‑88/02, Rec, EU:T:2009:314, points 259 et 260).

218    Il convient, enfin, de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique impose que, lorsque la Commission a créé, en méconnaissance du devoir de diligence qui lui incombe, une situation de caractère équivoque, du fait de l’introduction d’éléments d’incertitude et d’un défaut de clarté dans la règlementation applicable, cumulée à un défaut de réaction prolongé de sa part nonobstant sa connaissance des aides concernées, il lui appartient de clarifier ladite situation avant de pouvoir prétendre entreprendre toute action visant à ordonner la restitution des aides déjà versées (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 1970, Commission/France, 26/69, Rec, EU:C:1970:67, points 28 à 32).

219    C’est à la lumière des règles rappelées aux points 210 et 218 ci-dessus qu’il convient d’apprécier les arguments des parties.

220    En l’espèce, tout d’abord, il importe de souligner que, même en admettant que l’exonération litigieuse a été notifiée à la Commission par les lettres des 28 janvier et 6 mai 1983, celle-ci a été mise à exécution de manière illégale, dans la mesure où l’une des règles procédurales résultant de la jurisprudence Lorenz, à savoir celle qui impose à l’État membre de notifier à la Commission le préavis de la mise à exécution de l’aide projetée, n’a pas été respectée (voir points 154 et 156 à 158 ci-dessus). L’aide litigieuse a ainsi été mise en œuvre de manière illégale, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE.

221    Ensuite, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la publication au Journal officiel de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen a été de nature à mettre fin à la confiance légitime que pouvait avoir AAL dans la régularité de l’exonération litigieuse, compte tenu de la situation de caractère équivoque antérieurement créée par le libellé des décisions d’autorisation du Conseil, adoptées sur proposition de la Commission, y compris celui de la décision 2001/224, qui était en vigueur au cours de la période concernée par la décision attaquée.

222    Aux points 52 et 53 de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), qui lient le Tribunal conformément à l’article 61, alinéa 2, du statut de la Cour, la Cour a jugé que la circonstance que les décisions d’autorisation du Conseil ont été adoptées sur proposition de la Commission et que cette dernière n’a jamais usé des pouvoirs qu’elle détenait, au titre de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81 ou des articles 230 CE et 241 CE, pour obtenir la suppression ou une modification de ces décisions d’autorisation était à prendre en considération en ce qui concerne l’obligation de récupérer l’aide incompatible, en application des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, ainsi que la Commission l’avait fait, dans la décision alumine I, en renonçant à ordonner la récupération des aides accordées jusqu’au 2 février 2002, date de publication au Journal officiel des décisions d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Ce motif a été décisif pour que la Cour constate, au point 54 de l’arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), que les motifs exposés aux points 39 à 44 de ce même arrêt ne pouvaient fonder, en droit, la conclusion du Tribunal selon laquelle la décision alumine I remettait en cause la validité des décisions d’autorisation du Conseil et violait ainsi les principes de sécurité juridique et de présomption de légalité des actes des institutions et la conclusion, qui reposait sur les mêmes motifs, selon laquelle, dans l’affaire T‑62/06 RENV, la Commission avait violé le principe de bonne administration.

223    Au regard des exigences découlant des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, la situation de caractère équivoque créée par le libellé des décisions d’autorisation du Conseil, adoptées sur proposition de la Commission, ne s’opposait qu’à la récupération de l’aide accordée sur le fondement de l’exonération litigieuse jusqu’à la date de la publication au Journal officiel de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. En revanche, à compter de ladite publication, AAL devait savoir que, si l’aide litigieuse constituait une aide d’État, elle devait être autorisée par la Commission, conformément à l’article 88 CE.

224    Il s’ensuit que la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen a effectivement mis fin à la confiance légitime qu’AAL pouvait précédemment avoir dans la légalité de l’exonération litigieuse, au vu des décisions d’autorisation du Conseil, adoptées antérieurement sur proposition de la Commission.

225    C’est donc à bon droit que, au considérant 98 de la décision alumine I, la Commission a tenu compte de ce que les circonstances de l’espèce étaient exceptionnelles, car elle avait fait naître et maintenu une certaine ambiguïté en soumettant des propositions au Conseil, et de ce que, dans la mesure où elle ne pouvait établir si et, le cas échéant, à quel moment les différents bénéficiaires avaient effectivement été informés par les États membres de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il ne pouvait être exclu que les bénéficiaires aient pu se prévaloir du principe de confiance légitime jusqu’au 2 février 2002, lorsque ses décisions d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard des exonérations du droit d’accise avaient été publiées au Journal officiel, étant observé que, à l’extrême limite, cette publication avait éliminé toute incertitude, liée au libellé des décisions d’autorisation du Conseil, quant au fait que les mesures en cause, si elles constituaient des aides d’État, devaient être autorisées par elle, conformément à l’article 88 CE.

226    Le bien-fondé d’une telle solution n’est pas remis en cause par les autres arguments avancés par les requérantes.

227    S’agissant de l’argument que l’Irlande tire du caractère prétendument contradictoire de la décision alumine I, en ce qu’elle conclut, en ses considérants 68 et 104, que l’aide litigieuse est partiellement une aide existante et partiellement une aide nouvelle, il convient d’observer, pour les raisons déjà exposées aux points 174 à 184 ci-dessus, que, dans ces considérants, la Commission a fait une application correcte et non intrinsèquement contradictoire de la règle instituée à l’article 15 du règlement no 659/1999, compte tenu de la nature de « régime d’aides », au sens de l’article 1er, sous d), de ce même règlement, de l’exonération litigieuse. Ainsi, le présent argument doit être rejeté comme étant non fondé.

228    S’agissant de l’argument que l’Irlande tire de l’erreur prétendument commise par la Commission en n’ayant pas qualifié l’aide litigieuse d’aide existante et en n’ayant pas appliqué à l’exonération litigieuse la procédure applicable aux régimes d’aides existants, il convient de constater, pour les raisons exposées aux points 139 à 143, 155 à 162, 190 et 201 à 203 ci-dessus, que, dans ces considérants, la Commission n’a pas commis d’erreur en appliquant à l’aide litigieuse, octroyée en application de l’exonération litigieuse, l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999, lu en combinaison avec la jurisprudence Lorenz, ainsi que l’article 1er, sous b), i), de ce même règlement. Ainsi, le présent argument doit être rejeté comme étant non fondé.

229    Concernant l’argument qu’AAL tire de l’inaction apparente de la Commission pendant 17 ans, après la notification de l’exonération litigieuse en 1983, il y a lieu d’observer que, dans la mesure où, comme il est rappelé au considérant 5 de la décision 2001/224, les décisions d’autorisation du Conseil ne dispensaient pas l’Irlande de notifier les aides d’État susceptibles d’être instituées (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra, EU:C:2013:812, point 51) et où, après la notification, l’exonération litigieuse a été mise en œuvre par l’Irlande sans respecter le préavis de la mise à exécution requis par la jurisprudence Lorenz (voir point 220 ci-dessus), il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir, dans un délai raisonnable à compter de l’un ou l’autre de ces événements, adopté une décision se prononçant sur la compatibilité de l’exonération litigieuse avec le marché commun, au regard des règles en matière d’aide d’État. Partant, il convient de rejeter le présent argument comme étant non fondé.

230    S’agissant de l’argument qu’AAL tire de la confiance qu’elle aurait eue dans le fait que l’Irlande se conformait à ses obligations en matière d’aides d’État, il y a lieu de rappeler que, pour pouvoir mettre en œuvre légalement l’exonération litigieuse, l’Irlande devait respecter son obligation de notifier à la Commission non seulement ladite exonération, conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, mais encore le préavis de la mise à exécution de celle-ci, requis par la jurisprudence Lorenz. En outre, selon une jurisprudence constante, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne peuvent avoir, en principe, une confiance légitime dans la légalité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée (arrêts Commission/Allemagne, point 214 supra, EU:C:1990:320, point 14, et Espagne/Commission, point 214 supra, EU:C:1997:10, point 51). En l’espèce, il appartenait ainsi à AAL de vérifier, le cas échéant auprès de la Commission, que l’Irlande avait respecté l’ensemble des obligations lui incombant, notamment celle de lui notifier le préavis de la mise à exécution de l’exonération litigieuse. Partant, il convient de rejeter le présent argument comme étant non fondé.

231    S’agissant des arguments que les requérantes tirent du retard pris par la Commission pour adopter la décision alumine I, il y a lieu d’observer que celui-ci n’est pas une circonstance exceptionnelle de nature à avoir fait renaître, dans l’esprit d’AAL, une confiance légitime dans la régularité de l’aide litigieuse, et ce pour l’ensemble des raisons exposées aux points 232 à 255 ci-après.

232    En premier lieu, il convient d’examiner si le délai de la procédure formelle d’examen a dépassé, en l’espèce, les limites du raisonnable.

233    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), la Cour a estimé que le délai de 26 mois pris par la Commission pour adopter sa décision avait dépassé les limites du raisonnable.

234    En outre, il convient de rappeler que, en application de l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/1999, le délai de référence pour mener à terme une procédure formelle d’examen dans le cadre des aides d’État notifiées est de 18 mois. Ce délai, même s’il n’est pas applicable aux aides illégales, conformément à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 659/1999 (voir point 217 ci-dessus), fournit un point de référence utile pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure formelle d’examen portant, comme dans les présentes affaires, sur une mesure mise en œuvre de manière illégale (voir point 220 ci-dessus).

235    En l’espèce, il y a lieu de constater que, le 17 juillet 2000, la Commission a demandé à la République française, à l’Irlande et à la République italienne de lui notifier les exonérations du droit d’accise au titre des dispositions en matière d’aides d’État. Les réponses, qui n’ont pas eu la qualité d’une notification, lui sont parvenues en septembre, en octobre et en décembre 2000. Elle a ensuite ouvert la procédure formelle d’examen par décision du 30 octobre 2001, notifiée aux États membres concernés le 5 novembre 2001 et publiée au Journal officiel le 2 février 2002. Elle a ensuite reçu des observations d’AAL (lettres des 26 février et 1er mars 2002), d’Eurallumina (lettres du 28 février 2002), d’Alcan Inc. (lettre du 1er mars 2002) et de l’Association européenne de l’aluminium (lettre du 26 février 2002). Ces observations ont été communiquées à l’Irlande, à la République italienne et à la République française le 26 mars 2002. L’Irlande a présenté ses commentaires sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen le 8 janvier 2002. La Commission a demandé des renseignements complémentaires à l’Irlande le 18 février 2002, qui a répondu le 26 avril 2002, après avoir demandé une prolongation du délai fixé pour la réponse. Après avoir également demandé une prolongation du délai de réponse le 21 novembre 2001, la République française a commenté la décision d’ouverture le 12 février 2002. La République italienne a présenté ses commentaires le 6 février 2002.

236    La décision alumine I a été adoptée le 7 décembre 2005.

237    Ainsi, il s’est écoulé un peu plus de 49 mois entre l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et l’adoption de la décision alumine I.

238    A priori, un tel délai, qui a été presque le double de celui pris en compte dans l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), et un peu plus du double de celui prévu à l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/1999 pour mener à terme une procédure formelle d’examen dans le cadre des aides d’État notifiées, paraît déraisonnable. Conformément à la jurisprudence, il convient néanmoins d’examiner si ce délai ne pouvait pas se justifier au regard des circonstances de l’espèce.

239    À cet égard, les circonstances invoquées par la Commission ne sont toutefois pas de nature à justifier un délai d’examen de 49 mois.

240    Certes, ce délai prend en compte, d’une part, le délai fourni aux États membres et aux bénéficiaires pour présenter leurs observations et, d’autre part, le fait que les gouvernements français, irlandais et italien ont demandé à la Commission des reports de délais pour présenter leurs observations et leurs réponses dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Compte tenu des liens étroits existant, en l’espèce, entre les exonérations du droit d’accise, s’agissant de mesures similaires autorisées, aux termes de procédures menées parallèlement, par la même décision du Conseil, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des actes de procédure intervenus dans les dossiers en cause et, en particulier, de ce que, le 26 avril 2002, l’Irlande a répondu à la dernière demande de renseignements complémentaires adressée par la Commission.

241    Cependant, après cette dernière date, il s’est encore écoulé un peu plus de 43 mois avant que la Commission n’adopte la décision alumine I. Or, un tel délai d’examen des dossiers en cause, à la lumière de l’ensemble des observations fournies par les États concernés et les parties intéressées, n’est pas justifiable dans les circonstances de l’espèce.

242    Premièrement, s’agissant de la difficulté alléguée des dossiers, celle-ci n’est pas établie et, même si tel était le cas, elle ne pourrait justifier un délai d’examen aussi long que celui de l’espèce. En effet, le dossier ne contient aucun indice de problèmes juridiques d’une importance particulière auxquels la Commission aurait été confrontée, la décision alumine I étant d’ailleurs d’une longueur raisonnable (112 considérants) et ne faisant apparaître, dans ses développements, aucune difficulté manifeste. Ensuite, la Commission avait connaissance des exonérations du droit d’accise bien avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, étant donné que les premières demandes d’exonération remontaient à 1992, pour l’Irlande, à 1993, pour la République italienne, et à 1997, pour la République française. C’est d’ailleurs la Commission qui a transmis les propositions successives de décisions d’autorisation des exonérations du droit d’accise au Conseil, après avoir reçu des demandes en ce sens de la part de la République française, de l’Irlande et de la République italienne. Enfin, dans le cadre de ses rapports concernant les aides d’État, la Commission a informé l’OMC de l’existence de l’exonération irlandaise.

243    De plus, la Commission a elle-même indiqué que, depuis 1999, elle considérait les exonérations du droit d’accise comme étant contraires aux règles en matière d’aides d’État. Elle a donc été en mesure, depuis cette date, d’approfondir sa réflexion sur la régularité desdites exonérations au regard des règles en cette matière.

244    Par ailleurs, le fait que la Commission n’ait plus demandé aucun renseignement complémentaire à la République française, à l’Irlande ou à la République italienne au cours des 43 mois qui ont précédé l’adoption de la décision alumine I atteste qu’elle disposait déjà, à cette époque, de tous les éléments nécessaires pour rendre sa décision concernant les exonérations du droit d’accise.

245    Enfin, s’agissant de la prétendue difficulté résultant de l’évolution du régime communautaire de la taxation des huiles minérales, et notamment de l’adoption de la directive 2003/96, la Commission n’est pas fondée à s’en prévaloir. En effet, la décision alumine I porte sur une situation juridique qui n’était pas régie par le nouveau régime de la taxation des huiles minérales issu de la directive 2003/96, lequel n’est entré en application qu’à partir du 1er janvier 2004, mais par le régime de la taxation des huiles minérales antérieurement applicable. Par conséquent, l’évolution de la réglementation communautaire, invoquée par la Commission, était sans incidence en l’espèce. Cela est confirmé par le fait que, dans la décision alumine I, la Commission a ouvert une nouvelle procédure formelle d’examen concernant les exonérations du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne pour la période à compter du 1er janvier 2004, date marquant le début de l’application du nouveau régime de la taxation des huiles minérales issu de la directive 2003/96. En tout état de cause, il convient de souligner que la décision alumine I a été adoptée près de deux ans après l’adoption de la directive 2003/96. Or, la simple nécessité, alléguée par la Commission, de tenir compte, dans la décision alumine I, du nouveau régime de la taxation des huiles minérales issu de la directive 2003/96 ne pouvait suffire à justifier un délai aussi long que celui de l’espèce.

246    Dans ces conditions, la Commission avait une bonne connaissance du contexte juridique et factuel des exonérations du droit d’accise et ne faisait face à aucune difficulté manifeste concernant leur examen au regard des règles en matière d’aides d’État.

247    Deuxièmement, s’agissant des difficultés d’ordres pratique et linguistique alléguées par la Commission, même à les supposer établies, celles-ci ne peuvent justifier un délai aussi long que celui de l’espèce. En tout état de cause, la Commission disposait de services lui permettant de faire face aux difficultés linguistiques qu’elle allègue ainsi qu’à l’examen, en parallèle, des exonérations du droit d’accise dans des délais bien plus courts que celui de l’espèce, notamment grâce à une bonne coordination de ses services.

248    Partant, le délai d’examen de l’aide litigieuse est, en l’espèce, déraisonnable.

249    En second lieu, il convient d’examiner si le retard ainsi pris par la Commission pour rendre la décision attaquée a pu raisonnablement faire croire à AAL que les doutes de la Commission ne subsistaient plus et que l’exonération litigieuse ne rencontrait pas d’objection, et si ce retard était de nature à empêcher la Commission de demander la récupération de l’aide accordée, entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003, sur le fondement de celle-ci, comme cela a été jugé dans l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502, point 16).

250    Dans ce dernier arrêt, la Cour a certes estimé que le délai de 26 mois pris par la Commission pour adopter sa décision avait pu faire naître, dans l’esprit de la partie requérante, bénéficiaire de l’aide, une confiance légitime de nature à empêcher l’institution d’enjoindre aux autorités nationales concernées d’ordonner la restitution de cette aide.

251    Toutefois, s’il convient de veiller au respect des impératifs de la sécurité juridique protégeant des intérêts privés, il importe également de mettre ces impératifs en balance avec les impératifs de la protection des intérêts publics, parmi lesquels se trouve, dans le domaine des aides d’État, celui visant à éviter que le fonctionnement du marché ne soit faussé par des aides d’État nuisibles pour la concurrence, ce qui exige, selon une jurisprudence constante, que des aides illégales soient restituées afin de rétablir la situation antérieure [voir arrêt du 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, T‑116/01 et T‑118/01, Rec, EU:T:2003:217, points 207 et 208 et jurisprudence citée].

252    La jurisprudence a donc interprété l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), en ce sens que les circonstances concrètes de l’affaire lui ayant donné lieu ont joué un rôle décisif dans l’orientation suivie par la Cour (voir, en ce sens, arrêts Italie/Commission, point 214 supra, EU:C:2004:240, point 90 ; Italie/Commission, point 120 supra, EU:C:2004:234, point 119 ; Diputación Foral de Álava e.a./Commission, point 217 supra, EU:T:2009:314, point 286, et Diputación Foral de Álava e.a., point 217 supra, EU:T:2009:316, point 344). En particulier, il a été tenu compte de ce que l’aide dont il était question dans l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), avait été octroyée avant que la Commission n’ouvre la procédure formelle d’examen y relative. En outre, elle avait fait l’objet, quoique après son versement, d’une notification formelle à la Commission. Par ailleurs, elle se rattachait à des coûts supplémentaires liés à des aides autorisées par la Commission et concernait un secteur qui, depuis 1977, avait bénéficié d’aides autorisées par la Commission. Enfin, l’examen de la compatibilité de l’aide n’exigeait pas une recherche approfondie.

253    Or, l’ensemble des circonstances exceptionnelles présentes dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), ne se retrouve pas dans la présente affaire. Certes, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), au moment où la Commission est apparemment restée inactive, celle-ci avait déjà une bonne connaissance de l’exonération litigieuse et avait donc été en mesure de se forger un avis sur la régularité de celle-ci au regard des règles en matière d’aides d’État, de sorte qu’elle ne devait plus effectuer, à cet égard, une recherche approfondie. Cependant, d’autres circonstances essentielles retenues dans l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), font en l’espèce défaut. En particulier, dans la présente affaire, l’aide litigieuse a été octroyée après l’ouverture, par la Commission, de la procédure formelle d’examen relative à l’exonération litigieuse.

254    Cela différencie fondamentalement les circonstances concrètes de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt RSV/Commission, point 216 supra (EU:C:1987:502), de celles qui sous-tendent la présente affaire.

255    Par ailleurs, il convient de tenir compte de ce que, au point 52 de l’arrêt du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission (C‑183/02 P et C‑187/02 P, Rec, EU:C:2004:701), la Cour a jugé, s’agissant des circonstances exceptionnelles qui pourraient avoir légitimement fondé la confiance légitime du bénéficiaire d’une aide illégale dans le caractère régulier de celle-ci, que toute inaction apparente de la Commission était dépourvue de signification lorsqu’un régime d’aides ne lui avait pas été notifié. Une telle solution s’impose également dans un cas où, comme dans les présentes affaires, un régime d’aides a été mis à exécution sans que le préavis de la mise à exécution requis par la jurisprudence Lorenz soit respecté (voir point 220 ci-dessus) et, partant, sans que la procédure prévue par l’article 88 CE soit intégralement suivie (voir la jurisprudence citée au point 214 ci-dessus). Ainsi, en l’espèce, l’inaction apparente de la Commission pendant 43 mois après la réponse de l’Irlande à la dernière demande de renseignements complémentaires de la Commission (voir point 241 ci-dessus), pour contraire qu’elle soit au principe du respect d’un délai raisonnable, ne revêt toutefois pas de signification particulière du point de vue de l’application des règles en matière d’aides d’État à l’aide litigieuse, qui a été mise en œuvre de manière illégale. Partant, elle ne suffit pas à constater l’existence de circonstances exceptionnelles de nature à avoir fait renaître, dans l’esprit d’AAL, une confiance légitime dans la régularité de l’aide litigieuse au regard des règles en matière d’aides d’État. Il s’ensuit que la seule violation, en l’espèce, du principe du respect d’un délai raisonnable pour l’adoption de la décision alumine I ne faisait pas obstacle à ce que, dans cette décision, la Commission ordonne la récupération de l’aide litigieuse.

256    Ainsi, les arguments tirés du non-respect du délai raisonnable doivent être rejetés.

257    En ce qui concerne l’argument que l’Irlande tire du non-respect du délai de 18 mois visé à l’article 7, paragraphe 6, du règlement no 659/1999, il y a lieu d’observer que cette dernière disposition prévoit uniquement que, dans le cas des aides notifiées, « la Commission s’efforce autant que possible d’adopter une décision dans un délai de 18 mois à compter de la procédure formelle d’examen ». Il ne ressort pas de cet article que le simple écoulement du délai mentionné dans celui-ci ferait obstacle à ce que la Commission puisse récupérer des aides, sous réserve du délai de prescription de dix ans énoncé à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. L’article 7, paragraphe 7, du règlement no 659/1999 prévoit, en effet, que, « [à] l’issue du délai visé au paragraphe 6, et si l’État concerné le lui demande, la Commission prend, dans un délai de deux mois, une décision sur la base des informations dont elle dispose ». Ainsi, le présent argument doit être rejeté comme étant non fondé.

258    Quant à l’argument qu’AAL tire du fait que la Commission a publiquement salué l’adoption par le Conseil de la directive 2003/96, celui-ci est inopérant, car le fait que l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2003/96, lu en combinaison avec l’article 28, paragraphe 2, de cette même directive, autorisait l’Irlande à continuer à appliquer l’exonération litigieuse à partir du 1er janvier 2003 est sans pertinence aux fins d’une éventuelle confiance légitime qu’AAL aurait pu avoir dans la légalité de l’exonération litigieuse au regard des règles en matière d’aides d’État. En effet, à la date à laquelle l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2003/96 est devenu applicable, à savoir le 1er janvier 2003, AAL devait être informée de l’existence d’une procédure formelle d’examen en cours, portant sur l’exonération litigieuse, et de ce que, si l’exonération litigieuse constituait une aide d’État, elle devait être autorisée par la Commission, conformément à l’article 88 CE. Cette situation n’a pu être modifiée par l’adoption et l’entrée en vigueur de la directive 2003/96, respectivement les 27 et 31 octobre 2003, dont le considérant 32 indique expressément que cette directive « ne préjuge pas de l’issue d’éventuelles procédures relatives aux aides d’État qui pourraient être intentées en vertu des articles 87 [CE] et 88 [CE] » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Commission/Irlande e.a., point 27 supra, EU:C:2013:812, point 51). Ainsi, l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2003/96 n’était pas de nature, après la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, à faire renaître, dans l’esprit d’AAL, une confiance légitime dans la légalité de l’exonération litigieuse au regard des règles en matière d’aides d’État.

259    En ce qui concerne les arguments que les requérantes tirent de ce que la Commission n’a pas adopté, en l’espèce, une injonction de suspension de l’aide litigieuse, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, il suffit de rappeler, comme déjà exposé au point 79 ci-dessus, que cette disposition n’impose pas à la Commission, lorsque certaines conditions sont réunies, d’adopter une injonction de suspension, mais prévoit seulement qu’elle peut adopter une telle injonction, lorsqu’elle l’estime nécessaire. Il s’ensuit qu’AAL ne peut, en l’espèce, avoir tiré aucune conclusion de ce que la Commission n’avait pas jugé devoir adopter une injonction de suspension. Par conséquent, il y a lieu d’écarter le présent argument comme étant non fondé.

260    S’agissant de l’argument qu’AAL tire des investissements à long terme qu’elle a réalisés dans son usine de production d’alumine implantée dans la région du Shannon, il y a lieu de relever que c’est à bon droit, en l’espèce, que la Commission n’a pas tenu compte de ceux-ci. En effet, AAL n’est pas fondée à prétendre que ces investissements ont été réalisés sur la base d’une confiance légitime qu’elle aurait eue dans le fait que ces investissements pourraient être amortis grâce, notamment, au bénéfice qu’elle tirerait de l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006. À cet égard, il ressort des propres déclarations d’AAL, dans ses écritures, que les investissements en cause ont été « commandés à l’automne 2003 », soit à une date postérieure à celle de la publication de la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, à savoir le 2 février 2002. Or, ainsi qu’il découle des points 221 à 225 ci-dessus, après ladite publication, AAL ne pouvait plus avoir de confiance légitime dans la légalité de l’exonération litigieuse au regard des règles en matière d’aides d’État et dans le fait que, si elle constituait une aide d’État, la récupération de l’exonération litigieuse pourrait être ordonnée par la Commission. Comme il a été déjà observé au point 258 ci-dessus, l’adoption de la directive 2003/96, dont les dispositions ne régissaient que l’harmonisation des législations relatives aux droits d’accise, n’était pas de nature à faire renaître dans l’esprit d’AAL, après la publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, une confiance légitime dans le fait que l’aide litigieuse était légale au regard des règles en matière d’aides d’État et qu’elle ne serait pas récupérée en application de ces dernières règles. En tout état de cause, AAL n’a produit aucun élément attestant qu’elle aurait réalisé ces investissements en considération de la confiance légitime qu’elle aurait eue dans le fait que lesdits investissements pourraient être amortis grâce, notamment, au bénéfice qu’elle tirerait de l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006. L’un des investissements a d’ailleurs été réalisé dans le cadre d’un concours, à savoir l’Irish Capacity 2005 Competition, remporté par AAL en 2003. Par conséquent, dans la décision attaquée, la Commission était fondée à ne pas tenir compte de la confiance légitime, alléguée en l’espèce par AAL, dans le fait que les investissements réalisés dans son usine de production d’alumine implantée dans la région du Shannon pourraient être amortis grâce, notamment, au bénéfice qu’elle tirerait de l’exonération litigieuse jusqu’au 31 décembre 2006. Partant, le présent argument doit être rejeté comme étant non fondé.

261    S’agissant, enfin, de l’allégation de l’Irlande selon laquelle, avant le 31 décembre 2003, AAL ne pouvait couvrir ses pertes en cas de restitution de l’aide octroyée en application de l’exonération litigieuse, celle-ci ne peut être retenue, faute d’être développée et étayée dans la réplique dans l’affaire T‑50/06 RENV II, dans laquelle elle a été formulée.

262    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les parties requérantes n’ont pas démontré, en l’espèce, l’existence de circonstances exceptionnelles de nature à avoir raisonnablement permis à AAL de croire que les doutes de la Commission ne subsistaient plus et que l’exonération litigieuse ne rencontrait pas d’objection, ce qui aurait fait obstacle à ce que, dans la décision attaquée, la Commission ordonne la récupération de l’aide litigieuse.

263    Par conséquent, le troisième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et le quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur le grief tiré d’une violation du principe du respect d’un délai raisonnable, invoqué dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, et sur le cinquième moyen, fondé sur une violation des principes de respect d’un délai raisonnable, de sécurité juridique et de bonne administration, liée à la durée excessive de la procédure formelle d’examen, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

264    Dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, l’Irlande fait, en substance, grief à la Commission d’avoir violé le principe du respect d’un délai raisonnable en ayant tardé à adopter la décision attaquée (voir points 45 et 51 ci-dessus).

265    Dans le cadre du cinquième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, AAL soutient que la Commission a violé les principes de respect d’un délai raisonnable, de sécurité juridique et de bonne administration en ayant pris du retard pour adopter la décision alumine I, laquelle n’est intervenue que plus de 43 mois après la réception par la Commission, en avril 2002, de la réponse de l’Irlande à la dernière demande de renseignements complémentaires adressée par cette institution.

266    La Commission conclut au rejet du présent grief et du présent moyen comme étant non fondés.

267    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’exigence fondamentale de la sécurité juridique s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs (arrêts du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec, EU:C:1972:73, points 20 et 21, et Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 215 supra, EU:C:2002:524, point 140).

268    En outre, le respect par la Commission d’un délai raisonnable lors de l’adoption de décisions à l’issue des procédures administratives en matière de politique de concurrence constitue un principe de bonne administration (voir arrêt du 20 octobre 2011, Eridania Sadam/Commission, T‑579/08, EU:T:2011:608, point 79 et jurisprudence citée). Ainsi, en matière d’aides d’État, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, elle dispose d’un délai raisonnable pour mener cette procédure à son terme (ordonnance du 11 juillet 1979, Fédération nationale des producteurs de vins de table et vins de pays/Commission, 59/79, Rec, EU:C:1979:188, p. 2425, p. 2428).

269    En l’espèce, comme relevé au point 248 ci-dessus, le délai d’examen de l’aide litigieuse est certes déraisonnable.

270    Toutefois, la violation du respect d’un délai raisonnable ne justifie l’annulation de la décision adoptée au terme de ce délai qu’en tant qu’elle emporte également une violation des droits de la défense des entreprises concernées. Lorsqu’il n’est pas établi que l’écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprises concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe de délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d’être invoquée devant le juge de l’Union [voir arrêt Eridania Sadam/Commission, point 268 supra, EU:T:2011:608, point 80 et jurisprudence citée].

271    En tout état de cause, il convient de rappeler que, lors de la phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE, les intéressés, comme en l’espèce AAL, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir arrêt Eridania Sadam/Commission, point 268 supra, EU:T:2011:608, point 81 et jurisprudence citée).

272    En l’espèce, les requérantes n’allèguent pas que le droit d’AAL d’être entendue et associée à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances de l’espèce aurait été méconnu par la Commission, lors de la procédure formelle d’examen.

273    Par suite, il y a lieu d’écarter, comme étant non fondés, le grief tiré d’une violation du principe du respect d’un délai raisonnable, invoqué dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, ainsi que le cinquième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II.

274    L’ensemble des moyens et griefs soulevés à l’appui des présents recours ayant été rejetés, lesdits recours doivent eux-mêmes être intégralement rejetés.

 Sur les dépens

275    Conformément à l’article 219 du règlement de procédure du Tribunal, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Dans la mesure où, dans les arrêts Commission/Irlande e.a., point 22 supra (EU:C:2009:742), et Commission/Irlande e.a., point 27 supra (EU:C:2013:812), la Cour a réservé les dépens, il appartient au Tribunal de statuer également, dans le présent arrêt, sur les dépens afférents à ces procédures de pourvoi.

276    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie. En outre, selon l’article 135, paragraphe 2, de ce même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela paraît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance. Il est notamment permis au Tribunal de condamner aux dépens une institution dont la décision n’a pas été annulée, en raison de l’insuffisance de cette dernière, qui a pu conduire un requérant à introduire un recours (voir, par analogie, arrêt du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑387/08, EU:T:2010:377, point 177 et jurisprudence citée).

277    Les requérantes ont succombé en leurs conclusions. Toutefois, dans le cadre de l’examen des présents recours, il a été constaté, au point 248 ci-dessus, que la Commission avait violé le principe du respect d’un délai raisonnable, lors de l’adoption de la décision attaquée, ce qui a pu inciter les requérantes à introduire les recours, en vue de faire constater ladite violation. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il est juste et équitable, s’agissant des affaires T‑50/06, T‑50/06 RENV I et T‑50/06 RENV II, de condamner l’Irlande à supporter ses propres dépens ainsi que les trois quarts des dépens exposés par la Commission, cette dernière étant condamnée à supporter un quart de ses propres dépens, et, s’agissant des affaires T‑69/06, T‑69/06 RENV I et T‑69/06 RENV II, de condamner AAL à supporter ses propres dépens ainsi que les trois quarts des dépens exposés par la Commission, cette dernière étant condamnée à supporter un quart de ses propres dépens. Dans l’affaire T‑69/06 R, il y a lieu, en revanche, de condamner AAL aux entiers dépens. S’agissant des affaires C‑89/08 P et C‑272/12 P, dans la mesure où cinq parties étaient opposées à la Commission dans chacune d’entre elles, il convient, en application de la clef de répartition retenue dans les affaires T‑50/06, T‑50/06 RENV I et T‑50/06 RENV II ainsi que dans les affaires T‑69/06, T‑69/06 RENV I et T‑69/06 RENV II, de condamner l’Irlande et AAL à supporter chacune leurs propres dépens ainsi que les trois vingtièmes, à savoir un cinquième des trois-quarts, des dépens exposés par la Commission et de condamner cette dernière à supporter un cinquième de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      L’Irlande est condamnée à supporter ses propres dépens et les trois quarts des dépens exposés par la Commission européenne dans les affaires T‑50/06, T‑50/06 RENV I et T‑50/06 RENV II ainsi que les trois vingtièmes des dépens exposés par la Commission dans les affaires C‑89/08 P et C‑272/12 P.

3)      Aughinish Alumina Ltd est condamnée à supporter ses propres dépens et les trois quarts des dépens exposés par la Commission dans les affaires T‑69/06, T‑69/06 RENV I et T‑69/06 RENV II, les trois vingtièmes des dépens exposés par la Commission dans les affaires C‑89/08 P et C‑272/12 P ainsi que l’intégralité des dépens dans l’affaire T‑69/06 R.

4)      La Commission est condamnée à supporter un quart de ses propres dépens dans les affaires jointes T‑50/06 et T‑69/06, les affaires jointes T‑50/06 RENV I et T‑69/06 RENV I et les affaires jointes T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II ainsi qu’un cinquième de ses propres dépens dans les affaires C‑89/08 P et C‑272/12 P.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Gervasoni

 

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 avril 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

L’exonération litigieuse

Procédure administrative

Décision alumine I

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur, d’une part, le deuxième moyen, pris d’une violation du principe de sécurité juridique, du principe de l’estoppel et de l’article 8, paragraphe 5, de la directive 92/81, et le quatrième moyen, fondé sur une violation du principe de l’estoppel ainsi que sur un détournement de pouvoir, soulevés à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, et, d’autre part, le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et d’effet utile des actes des institutions ainsi que d’un dépassement de compétence et d’un détournement de pouvoir, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

Sur le troisième moyen, pris d’une violation des exigences découlant de l’article 3, paragraphe 1, sous m), CE et de l’article 157 CE, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 87, paragraphe 1, CE, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

Sur les premiers moyens soulevés à l’appui des présents recours, tirés d’une erreur de droit dans la qualification de l’aide litigieuse au regard de l’article 88 CE

Sur la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et sur la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, tirées d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), iii), du règlement no 659/1999 ainsi que, dans l’affaire T‑50/06 RENV II, d’une violation des règles procédurales relatives aux régimes d’aides existants, telles que codifiées aux articles 17 et 18 du règlement no 659/1999

Sur la deuxième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et sur la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, prises d’une violation des dispositions combinées de l’article 88 CE ainsi que de l’article 1er, sous b), iv), et de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 659/1999

Sur la troisième branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II et sur la première branche du premier moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II, tirées, en substance, d’une violation de l’article 88 CE et de la règle codifiée à l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe du respect de la confiance légitime, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, et sur le quatrième moyen, pris d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

Sur le grief tiré d’une violation du principe du respect d’un délai raisonnable, invoqué dans le cadre du quatrième moyen soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑50/06 RENV II, et sur le cinquième moyen, fondé sur une violation des principes de respect d’un délai raisonnable, de sécurité juridique et de bonne administration, liée à la durée excessive de la procédure formelle d’examen, soulevé à l’appui du recours dans l’affaire T‑69/06 RENV II

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.