Language of document : ECLI:EU:T:2016:424

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

20 juillet 2016 (*)

« Référé – Droit institutionnel – Décision de levée de l’immunité de juridiction du directeur général de l’OLAF – Acte susceptible de mettre en cause l’indépendance du directeur général – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑251/16 R,

Directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), représenté par M. L. Jelínek, en qualité d’agent, assisté de Mes G. M. Roberti et I. Perego, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Banks, MM. J.-P. Keppenne et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision C(2016) 1449 final de la Commission, du 2 mars 2016, relative à une demande de levée d’immunité,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le présent litige porte sur la décision C(2016) 1449 final de la Commission européenne, du 2 mars 2016, relative à une demande de levée d’immunité (ci-après la « décision attaquée »). Par cette décision, la Commission, en réponse à une demande des autorités judiciaires belges, a levé partiellement l’immunité de juridiction du requérant, le directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), conformément à l’article 17, second alinéa, du protocole (nº 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266). La demande de levée d’immunité est intervenue dans le cadre d’une instruction que lesdites autorités mènent concernant une mise sur écoute téléphonique prétendument illégale dont le requérant serait responsable en sa qualité officielle de directeur général de l’OLAF.

 Cadre juridique

2        L’article 11 du protocole nº 7 est ainsi libellé :

« Sur le territoire de chacun des États membres et quelle que soit leur nationalité, les fonctionnaires et autres agents de l’Union :

a)      jouissent de l’immunité de juridiction pour les actes accomplis par eux, y compris leurs paroles et écrits, en leur qualité officielle, sous réserve de l’application des dispositions des traités relatives, d’une part, aux règles de la responsabilité des fonctionnaires et agents envers l’Union et, d’autre part, à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour statuer sur les litiges entre l’Union et ses fonctionnaires et autres agents. Ils continueront à bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions,

[…] »

3        L’article 17 du protocole nº 7 prévoit :

« Les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires et autres agents de l’Union exclusivement dans l’intérêt de cette dernière.

Chaque institution de l’Union est tenue de lever l’immunité accordée à un fonctionnaire ou autre agent dans tous les cas où elle estime que la levée de cette immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union. »

4        Les missions de l’OLAF, créé en 1999 en tant que direction générale de la Commission, sont déterminées dans le règlement (UE, Euratom) n° 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) n° 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1). Dans son article 1er, paragraphes 1, 3 et 4, le règlement n° 883/2013 – qui s’applique sans préjudice du protocole nº 7 – charge l’OLAF d’effectuer des enquêtes administratives tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des institutions, organes et organismes de l’Union, en vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. À cet effet, l’OLAF enquête, notamment, sur les faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, constituant un manquement aux obligations des membres des institutions et organes, des dirigeants des organismes ou de leurs agents.

5        L’OLAF est placé sous l’autorité d’un directeur général, dont le mandat, pour garantir la pleine indépendance de ses fonctions, n’est pas renouvelable (article 17, paragraphe 1, et considérant 42 du règlement n° 883/2013). Afin d’assurer l’indépendance de l’OLAF dans l’exécution de ses tâches, son directeur général peut ouvrir une enquête de sa propre initiative lorsqu’il existe des soupçons suffisants qui laissent supposer l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (article 5 et considérant 17 du règlement n° 883/2013). Le directeur général de l’OLAF dirige l’exécution des enquêtes et désigne les membres de son personnel qui les conduisent en toute indépendance (article 7, paragraphe 1, et considérants 18, 20, 37 et 41 du règlement n° 883/2013).

6        L’article 17, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement n° 883/2013 prévoit :

« Si le directeur général estime qu’une mesure prise par la Commission met en cause son indépendance, il en informe immédiatement le comité de surveillance et décide de l’opportunité d’engager une procédure contre la Commission devant la Cour de justice [de l’Union européenne]. »

 Faits à l’origine du litige

 Enquête de l’OLAF

7        En mai 2012, la société Swedish Match, un fabricant de produits de tabac, a déposé une plainte auprès de la Commission qui contenait de graves allégations sur l’implication de M. John Dalli, membre de la Commission chargé de la santé et de la protection des consommateurs, dans des tentatives de corruption. Selon la société plaignante, un entrepreneur maltais, M. Silvio Zammit, avait utilisé ses relations avec M. Dalli pour tenter d’obtenir d’elle et de l’association European Smokeless Tobacco Council (ESTOC) un avantage pécuniaire, en échange de son intervention visant à influer, en faveur de l’industrie du tabac, sur une éventuelle future proposition législative sur les produits de tabac. La plainte mentionnait, notamment, une conversation téléphonique qui avait eu lieu le 29 mars 2012 entre le secrétaire général de l’ESTOC et M. Zammit, pendant laquelle ce dernier aurait avancé une demande de paiement très élevé en contrepartie d’une réunion avec M. Dalli, comme étape préliminaire à une possible initiative de celui-ci en faveur de l’industrie du tabac.

8        L’OLAF a entamé une enquête administrative au sujet de cette plainte. Sur la base des éléments collectés dans la première phase de l’enquête, il a estimé qu’il pouvait être opportun de demander au secrétaire général de l’ESTOC d’avoir une nouvelle conversation téléphonique avec M. Zammit, susceptible d’apporter des éléments de preuve supplémentaires, ce qui aurait permis de mieux planifier les suites de l’investigation et de confirmer, ou de démentir, la réalité des faits concernant la tentative de corruption dénoncée et d’en préciser la portée. Le secrétaire général de l’ESTOC a confirmé sa disponibilité pour coopérer avec l’OLAF en ce sens.

9        Cette seconde conversation téléphonique entre M. Zammit et le secrétaire général de l’ESTOC a eu lieu le 3 juillet 2012. Le secrétaire général de l’ESTOC a passé l’appel en utilisant, avec l’accord et en présence du requérant, un téléphone portable dans les locaux de l’OLAF. La conversation téléphonique a été enregistrée par l’OLAF et relatée dans le rapport final de l’enquête, adopté par l’OLAF le 15 octobre 2012.

10      Après la clôture de cette enquête administrative, M. Dalli a déposé devant le juge belge des plaintes pénales, avec constitution de partie civile, dans le cadre desquelles il invoquait, notamment, le chef d’écoute téléphonique illégale. Ces plaintes ont amené deux juges d’instruction belges à s’adresser à la Commission pour solliciter, dans le cadre d’une enquête judiciaire visant à établir la réalité d’une telle écoute téléphonique, la levée de l’immunité de quatre agents de l’OLAF, dont le requérant, en vue de leur audition en qualité de prévenus. En réponse, la Commission a demandé la communication d’explications plus détaillées lui permettant de statuer en pleine connaissance de cause.

11      Ensuite, le parquet fédéral belge s’est saisi du dossier et a, par lettre du 23 juin 2015, réitéré la demande de levée d’immunité qui avait, entre-temps, été limitée au seul requérant. Il a fait état de certains éléments qui, selon lui, démontraient que l’enquête réalisée par l’OLAF comportait des indices d’une mise sur écoute téléphonique illégale pénalement répréhensible. À cet égard, il s’est référé, notamment, à un témoignage effectué par le secrétaire général de l’ESTOC devant les autorités judiciaires belges, selon lequel l’OLAF avait enregistré, dans le bureau du requérant, une conversation téléphonique entre ledit secrétaire général et M. Zammit, à l’insu de ce dernier, et que cette conversation avait, en outre, été mise sur haut-parleur, de sorte que toutes les personnes présentes avaient pu l’entendre.

 Décision attaquée

12      C’est dans ces conditions que, le 2 mars 2016, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a levé l’immunité de juridiction du requérant concernant les allégations factuelles relatives à l’écoute d’une conversation téléphonique mentionnée dans la lettre du procureur général belge du 23 juin 2015, tout en rejetant la demande de levée d’immunité s’agissant d’autres allégations.

13      Dans les motifs de la décision attaquée, d’une part, la Commission a indiqué que l’article 17 du protocole nº 7 l’obligeait de s’assurer qu’une levée d’immunité ne porterait pas préjudice aux intérêts de l’Union et, plus particulièrement, à l’indépendance et au bon fonctionnement des institutions, des organes et des organismes de l’Union. Il s’agirait là, selon la jurisprudence de la Cour, du seul critère de fond permettant un refus de lever l’immunité. Dans le cas contraire, l’immunité devrait être levée systématiquement, le protocole nº 7 ne permettant pas aux institutions d’exercer un contrôle quant au bien-fondé ou au caractère équitable de la procédure judiciaire nationale sous-jacente à la demande.

14      D’autre part, il convenait, selon la Commission, de tenir compte du cadre juridique très spécifique régissant les enquêtes de 1’OLAF. Ainsi, par le règlement n° 883/2013, le législateur de l’Union aurait confié à l’OLAF des compétences d’enquête que ce dernier, tout en étant rattaché à la Commission, exerçait en toute indépendance, y compris par rapport à la Commission elle-même. Ce cadre réglementaire particulier obligerait la Commission à s’assurer que, en accédant à la demande de levée d’immunité, elle ne porterait pas entrave à l’indépendance et au bon fonctionnement de l’OLAF en tant qu’organisme indépendant d’enquête anti-fraude de l’Union, sous peine d’une censure par la Cour de justice de l’Union européenne à la suite d’un recours introduit par le fonctionnaire concerné sur le fondement de l’article 17, paragraphe 3, du règlement n° 883/2013.

15      La Commission a poursuivi en exposant qu’elle ne pourrait lever l’immunité du directeur général de l’OLAF que si elle était informée, avec suffisamment de clarté et de précision, des raisons pour lesquelles l’autorité judiciaire demanderesse considérait que les allégations formulées à son égard pourraient, le cas échéant, justifier qu’il soit entendu en qualité de prévenu. À défaut, toute personne concernée par une enquête de 1’OLAF pourrait, en formulant des allégations manifestement infondées à l’encontre de son directeur général, parvenir à paralyser le fonctionnement de cet organisme, ce qui serait contraire aux intérêts de 1’Union. En l’espèce, s’agissant des allégations d’écoutes téléphoniques illégales, la Commission a estimé que, à la suite de la lettre du parquet fédéral belge du 23 juin 2015, elle disposait désormais d’indications très claires et précises qui laissaient apparaître que l’autorité judiciaire demanderesse pouvait raisonnablement, et en tout cas sans agir de manière arbitraire ou abusive, considérer que les allégations formulées à l’encontre du requérant justifiaient de poursuivre une instruction à son égard. Dans cette situation, il serait contraire au principe de coopération loyale avec les autorités nationales de refuser de lever l’immunité du requérant. La Commission serait donc tenue d’accéder à la demande de levée d’immunité pour ces allégations.

16      La Commission n’en a pas moins relevé que le requérant jouissait de la présomption d’innocence et que la décision de lever son immunité ne comportait aucun jugement portant sur le bien-fondé des allégations faites à son égard ni sur le caractère équitable de la procédure nationale engagée. En outre, elle a souligné que le requérant serait en droit de solliciter auprès d’elle une assistance juridique sur le fondement de l’article 24, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, couvrant les frais de justice et d’avocat, dans l’hypothèse où l’instruction menée par les autorités belges à son égard conduirait à des étapes de procédure pouvant lui occasionner des dépens.

 Événements postérieurs à l’adoption de la décision attaquée

17      La décision attaquée a été communiquée au requérant le 11 mars 2016.

18      En mars et en avril 2016, la Commission a émis des déclarations publiques réaffirmant que le requérant continuait à bénéficier de sa confiance et de la présomption d’innocence. De plus, elle a publiquement souligné que la décision attaquée n’affectait ni le fonctionnement de l’OLAF ni l’autorité du requérant en sa qualité de directeur général de l’OLAF.

19      Par ailleurs, faisant suite à une demande du requérant, la Commission lui a accordé, en date du 1er avril 2016, l’assistance prévue à l’article 24, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne pour la prise en charge de ses frais d’avocat dans le cadre des poursuites engagées par les autorités belges.

20      Enfin, par lettre du 12 avril 2016, le parquet fédéral belge a sollicité auprès de la Commission la levée du devoir de réserve du requérant afin qu’il puisse être auditionné. Par courrier du 28 avril 2016, la Commission a fait droit à cette demande.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 mai 2016, le requérant a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où elle lève son immunité. Il estime que la décision attaquée est entachée de vices graves et met en cause son indépendance.

22      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 23 mai 2016, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée, dans la mesure où elle lève son immunité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      Par ordonnance du 6 juin 2016, le président du Tribunal, en vertu de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, a accordé le sursis à exécution sollicité jusqu’à l’adoption de l’ordonnance clôturant la présente procédure de référé.

24      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 16 juin 2016, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter cette demande comme dépourvue de fondement ;

–        réserver les dépens.

25      Le requérant a répondu aux observations de la Commission par mémoire du 4 juillet 2016. La Commission a pris définitivement position sur celui-ci par mémoire du 18 juillet 2016.

 En droit

26      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir ordonnance du 11 novembre 2013, CSF/Commission, T‑337/13 R, non publiée, EU:T:2013:599, point 21 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, il convient d’examiner d’abord la recevabilité de la présente demande en référé.

 Sur la recevabilité

28      La Commission fait valoir que ni l’OLAF, un de ses services, ni le requérant, son directeur général, ne figurent parmi les requérants privilégiés énumérés aux trois premiers alinéas de l’article 263 TFUE. L’OLAF ferait partie de la Commission « en termes administratifs », mais n’en constituerait pas moins un organe indépendant dans le cadre de sa fonction d’enquête. Son directeur général serait d’ailleurs désigné par la Commission seulement après concertation avec le Parlement et le Conseil de l’Union européenne. Selon la Commission, la nature du présent litige pourrait donc s’apparenter à celle d’un contentieux interinstitutionnel que l’article 51, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne réserve à la Cour pour leur résolution en une seule instance.

29      En réponse à une question posée par le Tribunal, le requérant a précisé, dans un mémoire du 2 juin 2016, que son recours en annulation, fondé sur l’article 17, paragraphe 3, du règlement n° 883/2013, ne visait pas à sauvegarder ses droits statutaires en tant que fonctionnaire européen, mais reposait sur des considérations d’ordre institutionnel, à savoir l’exigence de sauvegarder sa propre indépendance ainsi que l’indépendance et le bon fonctionnement de l’OLAF dans l’exercice de sa mission d’enquête. La mesure susceptible de compromettre cette indépendance étant un acte de la Commission, le recours serait fondé également sur l’article 263 TFUE.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 156, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, une demande en référé n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisi. Cette règle implique que le recours principal, sur lequel se greffe la demande en référé, puisse être effectivement examiné par le juge du fond (voir ordonnance du 17 juillet 2013, Borghezio/Parlement, T‑336/13 R, non publiée, EU:T:2013:385, point 23 et jurisprudence citée).

31      Dans ce contexte, il est de jurisprudence constante que la recevabilité du recours principal ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure de référé. C’est seulement dans l’hypothèse où l’irrecevabilité manifeste du recours principal est soulevée que la partie sollicitant les mesures provisoires doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité de ce recours, sur lequel se greffe la demande en référé, afin d’éviter qu’elle puisse, par la voie du référé, obtenir le sursis à l’exécution d’un acte dont elle se verrait par la suite refuser l’annulation, son recours étant déclaré irrecevable lors de son examen au fond. Un tel examen, par le juge des référés, de la recevabilité du recours principal est nécessairement sommaire, compte tenu du caractère urgent de la procédure de référé [voir, en ce sens, ordonnances du 18 novembre 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, C‑329/99 P(R), EU:C:1999:572, point 89, et du 12 octobre 2000, Federación de Cofradías de Pescadores de Guipúzcoa e.a./Conseil, C‑300/00 P(R), EU:C:2000:567, points 34 et 35].

32      Ainsi, le juge des référés ne doit rejeter la demande en référé dont il est saisi comme irrecevable que si la recevabilité du recours principal peut être totalement exclue. À défaut, statuer sur la recevabilité du recours principal au stade du référé lorsque celle-ci n’est pas prima facie totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal statuant dans l’affaire principale (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juillet 2013, Borghezio/Parlement, T‑336/13 R, non publiée, EU:T:2013:385, point 25 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, la Commission, loin de dénoncer l’irrecevabilité manifeste du recours en annulation sur lequel se greffe la demande en référé, s’est bornée à exprimer ses doutes à cet égard, tout en indiquant qu’elle « réserv[ait] sa position sur cette question de compétence » et qu’elle « pourrait la développer ultérieurement dans le cadre des procédures relatives à la présente affaire ». Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu pour le juge des référés d’examiner dans le cadre de la présente procédure de référé les doutes avancés par la Commission au regard de la recevabilité du recours principal (voir, en ce sens, ordonnance du 17 mars 1986, Royaume-Uni/Parlement, 23/86 R, EU:C:1986:125, point 21).

 Sur le fond

34      L’article 156, paragraphe 3, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le juge des référés peut ordonner le sursis à exécution et d’autres mesures provisoires s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant l’intervention de la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut (voir ordonnance du 11 novembre 2013, CSF/Commission, T‑337/13 R, non publiée, EU:T:2013:599, point 22 et jurisprudence citée).

35      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 11 novembre 2013, CSF/Commission, T‑337/13 R, non publiée, EU:T:2013:599, point 23 et jurisprudence citée).

36      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

37      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

38      Dans ce contexte, le requérant fait valoir que la levée de son immunité exposerait sa propre indépendance ainsi que l’indépendance et le bon fonctionnement de l’OLAF à un préjudice grave et irréparable. En effet, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, l’autorité judiciaire belge compétente lui aurait adressé, le 12 mai 2016, une convocation judiciaire, aux termes de laquelle il a été invité à se rendre au siège de ladite autorité pour y être entendu en qualité d’auteur présumé de faits pouvant être constitutifs, selon droit pénal belge, d’infractions relatives au secret des communications et des télécommunications privées, infractions qui auraient été commises dans le cadre d’une enquête administrative de l’OLAF. Le requérant en conclut qu’il ne se trouve pas confronté tout simplement à un risque d’engagement de mesures à son égard. Ce risque serait, en définitive, en train de se réaliser, en ce qu’il serait déjà assujetti à des actes contraignants, qui affecteraient son statut d’indépendance.

39      Le requérant est convaincu que ladite convocation judiciaire n’est que le « premier anneau » d’une chaîne d’actes judiciaires qui seront adoptés par les autorités belges compétentes dans les prochains mois. Selon lui, il est plus que plausible que ces autorités procéderont rapidement à des mesures d’instruction ultérieures. Partant, il devrait s’attendre à l’inculpation par le juge d’instruction, au renvoi devant le tribunal correctionnel et au prononcé d’un arrêt par ce tribunal éventuellement déjà au début de l’année 2017. En effet, l’avocat chargé de la défense du requérant devant les juridictions belges aurait confirmé que, compte tenu de la pratique des autorités judiciaires concernées et des caractéristiques de l’affaire, l’évolution de la procédure aurait lieu en l’espace de quelques mois et que le prononcé d’un arrêt au début de l’année 2017 était tout à fait plausible.

40      Au demeurant, l’un des deux juges d’instruction belges aurait précisé, dans sa demande de levée d’immunité, que cette demande « pouvait » se limiter au requérant « à ce stade de l’instruction ». Par conséquent, un élargissement de l’instruction à d’autres fonctionnaires de l’OLAF – d’ailleurs déjà personnellement visés dans d’autres lettres des autorités belges – serait loin d’être écarté. Au contraire, dans sa lettre du 23 juin 2015, le parquet fédéral belge aurait mis en évidence que le comportement en cause était le résultat de l’action conjointe de plusieurs fonctionnaires de l’OLAF et qu’il pouvait même relever d’une « association de malfaiteurs », caractérisée par une « unité d’intention ». Ainsi, il existerait un risque réel d’élargissement de la procédure nationale, ce qui impliquerait des effets préjudiciables encore plus marqués sur l’indépendance et le bon fonctionnement de l’OLAF dans son ensemble. Or, la réalisation d’un tel risque ne pourrait être ultérieurement réparée par l’annulation de la décision attaquée.

41      Au soutien de son argumentation, le requérant se réfère à l’ordonnance du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement (T‑17/00 R, EU:T:2000:119).

42      La Commission considère que le requérant s’abstient d’expliquer quel préjudice concret pourrait découler de la simple instruction de l’affaire, telle qu’elle est actuellement menée par les autorités belges. Selon elle, il n’y en a aucun dans les faits. En effet, l’OLAF continuerait à remplir ses tâches sans aucun problème, ses enquêtes seraient poursuivies et menées à terme, ses rapports seraient adoptés et envoyés aux autorités compétentes. En particulier, le requérant conserverait et exercerait l’ensemble de ses attributions de directeur général ainsi que son autorité en pleine indépendance et sans aucune entrave. Par ailleurs, l’ordonnance du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement (T‑17/00 R, EU:T:2000:119), ne serait pas pertinente pour la solution du présent litige.

43      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Cependant, il n’est pas suffisant d’alléguer que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins être prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du 30 septembre 2011, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 R, non publiée, EU:T:2011:553, point 16 et jurisprudence citée).

44      En l’espèce, le préjudice invoqué par le requérant consiste en l’atteinte grave et irréparable qui serait portée, en cas de rejet de la demande en référé, à l’accomplissement de ses missions en tant que directeur général de l’OLAF, en ce que sa propre indépendance ainsi que l’indépendance et le bon fonctionnement de l’OLAF seraient compromis, s’il était permis aux autorités judiciaires belges, en vertu de la décision attaquée, de procéder à l’instruction pénale des écoutes téléphoniques illégales qu’il aurait pratiquées dans l’exercice de ses fonctions officielles.

45      S’agissant de l’atteinte prétendument portée à l’accomplissement des missions du requérant et au bon fonctionnement de l’OLAF, premièrement, il convient de rappeler que l’OLAF est chargé d’effectuer des enquêtes administratives tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des institutions, organes et organismes de l’Union, en vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union (voir point 4 ci-dessus). Deuxièmement, afin d’assurer l’indépendance de l’OLAF dans l’exécution de ses tâches, son directeur général peut ouvrir des enquêtes de sa propre initiative lorsqu’il existe des soupçons suffisants qui laissent supposer l’existence de telles activités illégales. Troisièmement, le directeur général dirige l’exécution des enquêtes et désigne les membres de son personnel qui les conduisent en toute indépendance (voir point 5 ci-dessus).

46      Or, il ne ressort pas du dossier que ces attributions tant en ce qui concerne le requérant qu’en ce qui concerne l’OLAF soient affectées par la décision attaquée, dans la mesure où elle permet l’instruction pénale, par les autorités judiciaires belges, d’écoutes téléphoniques telles qu’elles auraient été opérées au sein de l’OLAF sous l’autorité du requérant. Ainsi, le requérant n’a pas identifié une enquête dont l’ouverture, par ses soins, aurait été empêchée ou rendue plus difficile par la menace de devoir faire face à ladite instruction pénale. Il n’a pas davantage indiqué que l’exécution, par les agents de l’OLAF, d’une enquête déjà ouverte aurait été compromise en raison de cette menace.

47      Cela étant constaté, il s’avère que l’instruction pénale, autorisée par la décision attaquée, ne vise qu’un outil – la mise sur écoute téléphonique – qui a été utilisé dans le cadre d’une enquête menée par l’OLAF. Or, le requérant n’a pas fait valoir que cet outil était indispensable au bon fonctionnement des enquêtes menées par l’OLAF et que les agents de ce dernier l’utilisait régulièrement. En particulier, il n’a pas prétendu que la mise sur écoute téléphonique, telle qu’elle aurait précisément été effectuée le 3 juillet 2012 – soit apparemment sans l’autorisation préalable octroyée par un magistrat –, constituait un outil auquel l’OLAF devait avoir systématiquement recours dans le cadre de ses enquêtes, sous peine de les voir échouer. Tout au contraire, le requérant a souligné que ladite mise sur écoute téléphonique concernait une activité « épuisée » depuis longtemps, remontant à juillet 2012 et faisant partie d’une enquête close déjà en octobre 2012.

48      Par conséquent, le seul fait que la Commission ait permis aux autorités judiciaires belges d’ouvrir une instruction pénale à l’encontre du requérant pour la prétendue mise sur écoute téléphonique du 3 juillet 2012 ne saurait affecter gravement ni l’accomplissement des missions de celui-ci ni le bon fonctionnement de l’OLAF.

49      En ce qui concerne le point de savoir si le déroulement concret de cette instruction pourrait causer une telle affectation grave, il ressort du dossier que les autorités judiciaires belges n’ont convoqué le requérant qu’à une « première audition » qui avait été fixée à un lundi et devait débuter à 14 h 00. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, il s’agit là d’un stade précoce de la procédure nationale, qui ne justifie pas encore la crainte du requérant de faire l’objet de mesures d’instruction ultérieures pour être inculpé, renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné par celui-ci. Toutes ces étapes de la procédure nationale se rapportent plutôt à des événements qui, à ce stade de la présente procédure de référé, sont de nature hypothétique, le requérant bénéficiant actuellement de la présomption d’innocence et rien ne permettant d’établir la probabilité de sa condamnation pénale par la juridiction compétente, plutôt que celle de son acquittement. Or, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur une probabilité aléatoire d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 30 septembre 2011, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 R, non publiée, EU:T:2011:553, point 21 et jurisprudence citée).

50      Toutefois, il y a lieu de préciser que, dans l’hypothèse où la durée et la fréquence des auditions du requérant prendraient une ampleur de nature à gêner sérieusement l’accomplissement de ses missions, il lui serait loisible soit de demander à la Commission de prendre les mesures nécessaires à un rétablissement approprié de son immunité, soit de déposer une nouvelle demande en référé. Il en irait de même dans l’hypothèse, redoutée par le requérant, où l’instruction pénale serait élargie à d’autres agents de l’OLAF, dont l’immunité aurait été levée à la demande des autorités judiciaires belges : si la durée et la fréquence des auditions de ces agents risquaient d’affecter sérieusement le fonctionnement de l’OLAF, la Commission devrait en tenir compte et rétablir, le cas échéant, l’immunité de ces agents.

51      Il s’ensuit que, en l’état actuel du dossier, une exécution immédiate de la décision attaquée ne serait de nature à compromettre gravement ni l’accomplissement des missions du requérant ni le bon fonctionnement de l’OLAF.

52      Au demeurant, face à une situation comparable aux circonstances de l’espèce – à savoir celle d’un député européen, objet de poursuites pénales, qui s’opposait à la levée de son immunité par le Parlement en soutenant que l’exécution de ces poursuites entraverait l’accomplissement de ses missions parlementaires –, le juge des référés a constaté que ce n’était que l’emprisonnement dudit député qui l’empêchait effectivement d’accomplir ces missions, alors que le déroulement concret du procès pénal ouvert contre lui n’avait pas interféré avec les missions en cause (voir, en ce sens, ordonnances du 16 mars 2007, V/Parlement, T‑345/05 R, non publiée, EU:T:2007:89, points 87 à 89 ; du 27 juin 2007, V/Parlement, T‑345/05 RII, non publiée, EU:T:2007:190, points 40 et 41, et du 22 novembre 2007, V/Parlement, T‑345/05 RIII, non publiée, EU:T:2007:353, point 42).

53      Pour démontrer l’urgence du sursis à exécution sollicité, le requérant invoque l’ordonnance du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement (T‑17/00 R, EU:T:2000:119), ayant pour objet une décision du Parlement qui avait permis à l’OLAF d’engager des enquêtes internes contre des députés européens indépendamment de leur volonté, ce qui pouvait entraîner des poursuites judiciaires sur le plan national. Le requérant relève que, dans cette ordonnance, le juge des référés – soulignant que le statut d’immunité reconnu à ces députés visait à assurer leur indépendance en empêchant que des pressions, consistant en des menaces d’arrestation ou de poursuites judiciaires, puissent être exercées à leur égard pendant l’exercice de leur activité institutionnelle – a reconnu que le fait même d’assujettir les députés à la possibilité d’enquêtes internes avait pour effet que le risque d’une atteinte portée à leur immunité apparaissait comme suffisamment probable et que, dans l’hypothèse où une telle enquête serait effectivement ouverte, cela constituerait une réalisation de ce risque qui ne pourrait être ultérieurement réparée par l’annulation de la décision litigieuse. Selon le requérant, ce raisonnement doit être entièrement transposé au présent litige.

54      Cependant, ainsi que la Commission l’a fait observer à bon droit, dans l’ordonnance du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement (T‑17/00 R, EU:T:2000:119, points 105, 107 et 109), l’urgence n’a été reconnue qu’en raison des circonstances particulières du cas d’espèce. En effet, dans le cadre d’une enquête interne menée à l’encontre de députés européens, les agents de l’OLAF auraient été habilités, en vertu de la décision litigieuse du Parlement, à accéder aux bureaux de ces députés en leur absence, sans avoir préalablement obtenu leur consentement, et à se procurer des documents et d’autres informations dans ces bureaux, sans que les députés concernés aient pu s’y opposer. C’est cet ensemble d’éléments particuliers et très spécifiques qui a amené le juge des référés à estimer que l’exercice de ces compétences par les agents de l’OLAF risquait d’entraver l’immunité dont bénéficie tout membre du Parlement.

55      Or, de telles circonstances particulières ne sont pas réunies en l’espèce. Ainsi qu’il ressort de la convocation judiciaire du 12 mai 2016 (voir point 38 ci-dessus), le requérant a été dûment informé de l’audition à laquelle il devait comparaître et rien ne permet de présumer que l’instruction pénale ouverte contre lui par les autorités judiciaires belges pourrait être menée au mépris des garanties procédurales prévues par le droit belge.

56      Il s’ensuit que l’ordonnance du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement (T‑17/00 R, EU:T:2000:119) est dénuée d’utilité pour la solution du présent litige, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument avancé par la Commission et fondé sur la distinction fondamentale qui devrait être faite entre l’immunité accordée par le protocole n° 7 à un membre du Parlement et celle accordée à un agent de l’Union, tel que le requérant.

57      Enfin, dans la mesure où le requérant soutient qu’il lui serait déjà causé un préjudice si, sans égard à d’éventuelles entraves apportées à l’exécution concrète de ses missions, son statut spécifique d’indépendance et d’autonomie n’était pas protégé en tant que tel, force est de constater qu’il allègue ainsi le risque de subir un préjudice moral. Or, la protection de ce statut spécifique faisant également l’objet du recours principal formé par le requérant, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, à supposer même que ledit statut soit effectivement compromis par la décision attaquée, l’annulation de cette décision au terme de la procédure principale constituerait une réparation suffisante du préjudice moral allégué [voir, en ce sens, ordonnances du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), EU:C:1999:176, points 14, 61 et 62 ; du 22 juillet 2010, H/Conseil e.a., T‑271/10 R, non publiée, EU:T:2010:315, point 37, et du 18 novembre 2011, EMA/Commission, T‑116/11 R, non publiée, EU:T:2011:681, point 21]. Il s’ensuit que le préjudice moral allégué ne saurait être considéré comme irréparable.

58      Il convient d’ajouter qu’une protection du statut spécifique du requérant, telle qu’il la sollicite, reviendrait à lui conférer une impunité pour tout acte commis dans l’exercice de ses fonctions, sans qu’il ne puisse jamais être poursuivi par les autorités judiciaires nationales. Or, sans entrer dans l’examen du fumus boni juris, cette thèse ne saurait manifestement être accueillie. En effet, d’une part, le requérant ne saurait raisonnablement exiger le maintien de son immunité de juridiction pour des raisons purement statutaires et de principe, alors qu’il a lui-même expressément admis que cette immunité existait dans le seul intérêt des institutions de l’Union et ne visait qu’à éviter que ne fussent apportées des entraves au bon fonctionnement de ces dernières. D’autre part, il convient de rappeler que l’article 17 du protocole n° 7 prévoit que chaque institution de l’Union est tenue de lever l’immunité accordée à un fonctionnaire ou à un autre agent dans tous les cas où elle estime que la levée de cette immunité n’est pas contraire aux intérêts de l’Union.

59      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris est remplie [voir, en ce sens, ordonnance du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, C‑168/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:674, point 31], ni de procéder à la mise en balance des intérêts en présence [voir, en ce sens, ordonnance du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), EU:C:1999:609, point 61].

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      L’ordonnance du 6 juin 2016 rendue dans l’affaire T‑251/16 R est rapportée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 20 juillet 2016.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.