Language of document : ECLI:EU:C:2020:383

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 14 mai 2020 (1)

Affaire C663/18

B. S.,

C. A.

en présence de

Ministère public,

Conseil national de l’Ordre des pharmaciens

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (France)]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des marchandises – Organisation commune des marchés dans le secteur du chanvre – Législation nationale limitant l’importation, depuis un autre État membre, du chanvre aux seules fibres et graines »






1.        Le litige au principal porte sur la commercialisation en France d’une cigarette électronique dont le liquide contient du cannabidiol (CBD), une molécule extraite de la plante de chanvre mais qui, à la différence du tétrahydrocannabinol (THC), également extrait du chanvre, est, du moins en l’état actuel des connaissances scientifiques, dépourvu d’effets psychotropes. B. S. et C. A., les dirigeants de la société qui commercialise cette cigarette électronique sous le nom de Kanavape, ont fait l’objet d’une condamnation pénale par le tribunal correctionnel de Marseille (France), au motif que l’huile de CBD contenue dans les cartouches de celle-ci était extraite de l’intégralité de la plante de chanvre, feuilles et fleurs incluses. En effet, la réglementation française limite la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale du chanvre à ses seules fibres et graines.

2.        Dans la mesure où l’huile de CBD contenue dans le Kanavape était, en l’espèce, importée de République tchèque, où était cultivée la plante de chanvre et où était réalisée l’extraction du CBD, la juridiction de renvoi, à savoir la cour d’appel d’Aix-en-Provence (France), s’interroge sur la conformité de la réglementation française aux dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des marchandises, ainsi qu’aux textes de droit dérivé adoptés dans le cadre de la politique agricole commune, plus précisément le règlement (UE) n° 1307/2013 (2) et le règlement (UE) n° 1308/2013 (3).

3.        La présente affaire fournira donc à la Cour l’occasion de se prononcer sur la conformité d’une réglementation nationale limitant l’importation d’une substance issue du chanvre, à savoir l’huile de CBD, dont les parties soutiennent qu’elle connaît une popularité croissante, aux dispositions du traité FUE et, notamment, à l’article 36 TFUE, qui autorise les États membres à adopter des mesures interdisant ou restreignant les importations pour des raisons tenant à la protection de la santé et de la vie des personnes.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Le traité FUE

4.        L’article 38 TFUE prévoit :

« 1.      L'Union définit et met en œuvre une politique commune de l’agriculture et de la pêche.

Le marché intérieur s’étend à l’agriculture, à la pêche et au commerce des produits agricoles. Par produits agricoles, on entend les produits du sol, de l’élevage et de la pêcherie, ainsi que les produits de première transformation qui sont en rapport direct avec ces produits. Les références à la politique agricole commune ou à l’agriculture et l'utilisation du terme “agricole” s'entendent comme visant aussi la pêche, eu égard aux caractéristiques particulières de ce secteur.

[…]

3. Les produits qui sont soumis aux dispositions des articles 39 à 44 inclus sont énumérés à la liste qui fait l’objet de l'annexe I.

[…] »

5.        L’annexe I aux traités, intitulée « Liste prévue à l’article 38 [TFUE] », fait référence à la position 57.01 de la « nomenclature de Bruxelles » (4), laquelle vise le « [c]hanvre (Cannabis sativa) brut, roui, teillé, peigné ou autrement traité, mais non filé ; étoupes et déchets (y compris les effilochés) ». Cette annexe fait également référence au chapitre 12 de la nomenclature de Bruxelles, relative aux « Graines et fruits oléagineux ; graines, semences et fruits divers ; plantes industrielles et médicinales ; pailles et fourrages ».

2.      Le règlement n° 1307/2013

6.        L’article 32, paragraphe 6, du règlement n° 1307/2013 dispose :

« Les surfaces utilisées pour la production de chanvre ne sont des hectares admissibles que si les variétés cultivées ont une teneur en tétrahydrocannabinol n'excédant pas 0,2 %. »

3.      Le règlement n° 1308/2013

7.        L’article 189 du règlement n° 1308/2013 dispose :

« 1.      Les produits suivants ne peuvent être importés dans l’Union que si les conditions suivantes sont remplies :

a)      le chanvre brut relevant du code NC 5302 10 00 répond aux conditions établies à l'article 32, paragraphe 6, et à l'article 35, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 1307/2013 ;

[…]

2. Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions plus restrictives prises par les États membres, dans le respect du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et des obligations découlant de l'accord de l’OMC sur l’agriculture. »

B.      Le droit français

8.        L’article R. 5132‑86 du code de la santé publique dispose :

« I. — Sont interdits la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi :

1° Du cannabis, de sa plante et de sa résine, produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine ;

2° Des tétrahydrocannabinols, à l’exception du delta-9‑tétrahydrocannabinol, de leurs esters, éthers, sels ainsi que des sels des dérivés précités et de produits qui en contiennent.

II. — Des dérogations aux dispositions énoncées ci-dessus peuvent être accordées aux fins de recherche et de contrôle ainsi que de fabrication de dérivés autorisés par le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

La culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés peuvent être autorisées, sur proposition du directeur général de l’agence, par arrêté des ministres chargés de l’agriculture, des douanes, de l’industrie et de la santé.

[…] »

9.        Au titre des dérogations prévues par l’article R. 5132‑86 du code de la santé publique a été adopté l’arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R. 5181 (aujourd’hui article R. 5132‑86) du code de la santé publique pour le cannabis (5), modifié en 2004 (6) (ci-après l’« arrêté du 22 août 1990 »).

10.      L’article 1er de l’arrêté du 22 août 1990 prévoit :

« Au sens de l'article R. 5181 du code susvisé, sont autorisées la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de Cannabis sativa L. répondant aux critères suivants :

–        la teneur en delta-9‑tétrahydrocannabinol de ces variétés n'est pas supérieure à 0,20 % ;

–        la détermination de la teneur en delta-9‑tétrahydrocannabinol et la prise d'échantillons en vue de cette détermination sont effectuées selon la méthode communautaire prévue en annexe.

[…] »

11.      Par circulaire du 23 juillet 2018 (7), le ministre de la Justice a invité les parquets à poursuivre et réprimer « avec une particulière fermeté » les infractions susceptibles d’être retenues concernant la vente au public des produits issus du cannabis. Le point 2.2 de cette circulaire indique qu’« [i]l convient de préciser que le cannabidiol se trouve principalement dans les feuilles et dans les fleurs de la plante, et non dans les fibres et graines. Par conséquent, en l’état de la législation applicable, l’extraction du cannabidiol dans des conditions conformes au code de la santé publique ne paraît pas possible ».

II.    Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

12.      Comme indiqué au point 1 ci-dessus, la société SAS Catlab, établie à Marseille (France) et qui a pour dirigeants B. S. et C. A., commercialise une cigarette électronique, le Kanavape, dont le liquide contient du CBD. Le CBD est une molécule extraite du chanvre, plus précisément du Cannabis sativa L. Bien que le CBD possède, selon l’argumentaire de vente du Kanavape, des propriétés relaxantes, il n’a toutefois aucun effet psychotrope connu, à la différence du THC.

13.      En décembre 2014, Catlab a mené une campagne de communication pour le lancement du Kanavape. À la suite de cette campagne, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille (France) a ordonné une enquête. Celle-ci a établi que l’huile de CBD utilisée pour le Kanavape était issue de plantes cultivées en République tchèque, où était également effectuée l’extraction de cette huile. Il ressort également de cette enquête que l’intégralité de la plante de chanvre, feuilles et fleurs comprises, était utilisée pour produire l’huile de CBD. Cette huile était ensuite importée en France par Catlab, qui la conditionnait en cartouches pour le Kanavape (8).

14.      Par jugement du 8 janvier 2018 (ci-après le « jugement du tribunal correctionnel de Marseille »), le tribunal correctionnel de Marseille a déclaré B. S. et C. A. coupables, notamment, du chef d’infraction au règlement sur le commerce des plantes vénéneuses. Cette infraction est prévue à l’article L. 5432-1 I, 1°, du code de la santé publique, qui incrimine le fait de ne pas respecter les dispositions prises en application de l'article L. 5132-8 du même code, tel l’arrêté du 22 août 1990. Le tribunal correctionnel de Marseille a, notamment, relevé qu’aux termes de cet arrêté, la production d’huile de chanvre destinée à être injectée dans le Kanavape n’était « licite que dès lors qu’elle [était] obtenue par pression des graines », tandis que « l’immixtion dans ce produit des feuilles, bractées, ou fleurs suffi[sait] à rendre illicite l’utilisation de la plante de cannabis à des fins industrielles ou commerciales ». Dès lors que l’intégralité de la plante de chanvre, feuilles et fleurs comprises, avait été utilisée pour confectionner l’huile de CBD injectée dans le Kanavape, l’infraction était constituée. Le tribunal correctionnel de Marseille a donc condamné B. S. à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’une amende de 10 000 euros. C. A. a, quant à lui, été condamné à une peine de quinze mois d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’une amende de 10 000 euros.

15.      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que B. S. et C. A. n’ont pas été poursuivis pour avoir commercialisé un produit comportant un taux de THC supérieur au seuil légal de 0,20 %, dès lors qu’une analyse effectuée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé avait établi que ce seuil n’était pas atteint.

16.      B. S. et C. A. ont interjeté appel contre le jugement du tribunal correctionnel de Marseille devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Celle-ci s’interroge sur la conformité au principe de libre circulation des marchandises de l’arrêté du 22 août 1990, dès lors que cet arrêté limite l’importation d’un produit qui ne peut, en raison d’une teneur en THC inférieure au seuil légal de 0,20 %, être considéré comme un stupéfiant. Elle s’interroge également sur la conformité de l’arrêté du 22 août 1990 aux règlements n os1307/2013 et 1308/2013, qui autorisent la culture et l’importation dans l’Union de chanvre dont la teneur en THC est inférieure à 0,20 %.

17.      La cour d’appel d’Aix-en-Provence a donc sursis à statuer et a posé à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les règlements [n°os1307/2013 et 1308/2013], ainsi que le principe de libre circulation des marchandises, doivent-ils être interprétés de telle sorte que les dispositions dérogatoires instituées par l’arrêté du 22 août 1990 édictent, en limitant la culture du chanvre, son industrialisation et sa commercialisation aux seules fibres et graines, une restriction non conforme au droit [de l’Union] ? »

18.      La question préjudicielle a fait l’objet d’observations écrites de la part de B. S., de C. A., des gouvernements français et hellénique ainsi que de la Commission européenne. Ces parties ont été entendues lors de l’audience du 23 octobre 2019.

III. Analyse

19.      La juridiction de renvoi demande à la Cour si, d’une part, les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013, d’autre part, le « principe de libre circulation des marchandises » doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure telle que l’arrêté du 22 août 1990, qui limite la culture, l’importation et l’utilisation industrielle et commerciale du chanvre aux seules fibres et graines de la plante, à l’exclusion des feuilles et des fleurs.

20.      Je souhaite faire, à titre liminaire, deux remarques sur l’objet de la question préjudicielle.

A.      Remarques liminaires sur l’objet de la question préjudicielle

21.      En premier lieu, la référence, par la juridiction de renvoi, au « principe de libre circulation des marchandises », doit, comme le soutient la Commission, s’entendre d’une référence aux articles 34 et 36 TFUE, relatifs aux restrictions quantitatives à l’importation et aux mesures d’effet équivalent entre États membres. Peu importe que la juridiction de renvoi fasse, dans les motifs de l’arrêt de renvoi, référence aux articles 28, 29, 30 et 32 TFUE. En effet, ces articles portent sur l’interdiction des droits de douane à l’importation et à l’exportation et des taxes d’effet équivalent. Or, l’arrêté du 22 août 1990, s’il limite, notamment, l’importation du chanvre à certaines parties de la plante, ne contient aucune disposition relative à des droits de douane ou à des taxes d’effet équivalent. C’est donc au regard des seuls articles 34 et 36 TFUE qu’il convient d’apprécier la conformité d’une mesure telle que celle en cause au principal au « principe de libre circulation des marchandises » visé par la juridiction de renvoi.

22.      En second lieu, je ne souscris pas à l’avis de B. S., selon lequel il convient, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, d’élargir l’objet de la question préjudicielle.

23.      De l’avis de B. S., la Cour devrait apprécier la conformité au droit de l’Union non seulement de l’interdiction de commercialiser les feuilles et les fleurs de chanvre, mais également des trois autres conditions auxquelles la réglementation française soumet la commercialisation du chanvre, c’est-à-dire, premièrement, le fait que la plante en cause appartienne à certaines variétés de Cannabis sativa L. limitativement énumérées, deuxièmement, que la teneur de cette plante en THC ne soit pas supérieure à 0,20 % et, troisièmement, que la teneur en THC du produit fini soit nulle (9). Cependant, la Cour ne saurait, à mon sens, procéder à un tel examen. La question de savoir si ces trois dernières conditions sont conformes aux articles 34 et 36 TFUE est en effet sans rapport avec l’objet du litige au principal, dans la mesure où, selon la juridiction de renvoi, B. S. et C. A. ont été condamnés « du fait de l’utilisation pour la fabrication du produit litigieux de l’entière plante de chanvre, feuilles et fleurs incluses », non du fait que l’huile de CBD utilisée était extraite d’une variété de chanvre non visée par l’arrêté du 22 août 1990, ou du fait que la teneur en THC de cette huile, bien qu’inférieure à 0,20 %, n’était pas nulle.

24.      En outre, selon B. S., la Cour devrait également déterminer si le Kanavape peut être assimilé à un médicament à usage humain, au sens de la directive 2001/83/CE (10). Certes, cette question n’est pas sans rapport avec l’objet du litige au principal. En effet, B. S. et C. A. ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Marseille non seulement pour infraction au règlement sur le commerce des plantes vénéneuses, mais également pour commercialisation d’un médicament (par présentation, non par fonction) n’ayant pas obtenu d’autorisation de mise sur le marché. Il n’en reste pas moins que la Cour ne saurait, selon moi, procéder à l’examen proposé par B. S, dès lors que, selon une jurisprudence constante, une réponse à des questions complémentaires mentionnées par les parties serait incompatible avec l’obligation de la Cour de permettre, conformément à l’article 23 de son statut, aux gouvernements des États membres de présenter des observations, seule la décision de renvoi étant notifiée aux intéressés (11). Pour la même raison, la Cour ne saurait, contrairement aux allégations de B. S., examiner la conformité d’une réglementation telle que celle en cause au principal aux articles 15, 16 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, auxquels la demande de décision préjudicielle ne se réfère à aucun moment.

25.      J’en conclus que l’examen de la Cour doit se limiter à l’appréciation de la conformité aux règlements n°os1307/2013 et 1308/2013, ainsi qu’aux articles 34 et 36 TFUE, d’une réglementation nationale qui limite l’importation, depuis un autre État membre, du chanvre à ses seules fibres et graines.

26.      J’examinerai donc ci-dessous, dans un premier temps, la conformité d’une telle réglementation à ces règlements et, dans un second temps, sa conformité aux articles 34 et 36 TFUE.

B.      Sur l’interprétation des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013

27.      Je souligne qu’en l’espèce, la culture du chanvre ainsi que l’extraction du CBD ayant lieu en République tchèque, le produit importé par B. S. et C. A. est une huile de CBD (12). Il s’agit donc de déterminer si les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 s’opposent à ce qu’un État membre interdise l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de CBD lorsque celle-ci est extraite de l’intégralité de la plante de chanvre et non de ses seules fibres et graines.

28.      À cet égard, B. S. soutient que le CBD est un produit agricole au sens de l’article 38, paragraphe 1, TFUE et qu’il relève, à ce titre, des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013, lesquels s’opposent à ce qu’un État membre limite l’utilisation de la plante de chanvre à ses fibres et à ses graines. De même, C. A. avance que les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 sont applicables à l’intégralité de la plante de chanvre, donc au CBD issu des fleurs et des feuilles de celle-ci, et que l’arrêté du 22 août 1990 porte atteinte à l’organisation commune des marchés dans le secteur du chanvre.

29.      À l’inverse, le gouvernement français soutient que les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 ne sont pas applicables, dès lors que le premier traite de la culture du chanvre, non de sa commercialisation, et que le second couvre non pas les feuilles et les fleurs de chanvre, mais uniquement les tiges et les graines. En tout état de cause, la seule disposition pertinente de ces règlements, à savoir l’article 189 du règlement n° 1308/2013, ne s’opposerait pas à une mesure telle que celle en cause au principal.

30.      Le gouvernement grec a indiqué lors de l’audience que le CBD ne relevait pas du champ d’application des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013. De même, la Commission souligne que le CBD est un produit chimique organique qui ne saurait, à ce titre, relever de ces règlements.

31.      À mon avis, les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 ne s’opposent pas à ce qu’un État membre interdise l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de CBD lorsque celle-ci est extraite de l’intégralité de la plante de chanvre. En effet, l’huile de CBD ne figure pas, selon moi, au nombre des produits auxquels les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 sont applicables. En tout état de cause, ces règlements, à les supposer applicables, n’interdiraient pas à un État membre d’adopter une réglementation telle que celle décrite au point 27 des présentes conclusions, pourvu que celle-ci soit propre à garantir la protection de la santé des personnes et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

32.      J’examinerai ci-dessous l’applicabilité des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013, puis, à titre subsidiaire, leur application.

1.      Sur l’applicabilité des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013

33.      Je relève que le règlement n° 1307/2013 définit, à son article 4, paragraphe 1, sous d), les « produits agricoles » auxquels il s’applique comme « les produits, à l’exclusion des produits de la pêche, énumérés à l’annexe I des traités, et le coton ». De même, le règlement n° 1308/2013 dispose, à son article 1er, paragraphe 1, qu’il établit une organisation commune des marchés pour les « produits agricoles, c’est-à-dire tous les produits énumérés à l’annexe I des traités, à l’exclusion des produits de la pêche et de l’aquaculture définis dans les textes législatifs de l’Union sur l’organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture ». Concernant le chanvre, l’annexe I des traités vise, d’une part, la position 57.01 de la nomenclature de Bruxelles, à savoir le « [c]hanvre (Cannabis sativa) brut, roui, teillé, peigné ou autrement traité, mais non filé ; étoupes et déchets (y compris les effilochés) » et, d’autre part, le chapitre 12 de la nomenclature de Bruxelles, à savoir les « graines et fruits oléagineux ; graines, semences et fruits divers ; plantes industrielles et médicinales ; pailles et fourrages », y compris les graines de chanvre.

34.      Il convient de se rapporter ici aux notes explicatives du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (13). Il est, en effet, de jurisprudence constante que celles-ci contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires, sans toutefois avoir force obligatoire de droit (14). Or, la note explicative du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises relative à la position 5302 énonce que celle-ci couvre (15) « 1) le chanvre brut, tel qu’il provient de l’arrachage, égrené ou non ; 2) le chanvre roui, dont les fibres, décollées partiellement de la chènevotte, adhèrent encore à celle-ci ; 3) le chanvre teillé, c’est-à-dire la filasse seule, constituée par des faisceaux de fibres (filaments textiles) excédant parfois 2 m de longueur ; 4) la filasse de chanvre peignée ou autrement traitée pour le filage (mais non filée), présentée ordinairement sous forme de rubans ou de mèches » (16).

35.      L’huile de CBD, en cause dans la présente affaire, est extraite de la plante de chanvre par adjonction de dioxyde de carbone, sous haute pression et à basse température. L’huile de CBD ne saurait donc être regardée comme du chanvre brut, celui-ci étant défini comme le chanvre « tel qu’il provient de l’arrachage ». Elle ne saurait pas davantage être considérée comme du chanvre roui ou teillé, ni comme de la filasse, dès lors que le processus d’extraction du CBD n’implique pas de séparer les fibres du reste de la plante.

36.      L’huile de CBD n’est donc pas un produit visé à l’annexe I des traités. Il s’ensuit que l’huile de CBD ne relève pas du champ d’application des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013, dès lors que l’article 4, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1307/2013 et l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1308/2013 disposent qu’ils s’appliquent aux produits « énumérés à l’annexe I des traités ».

37.      Au soutien de cette conclusion, je souligne, premièrement, qu’à l’exception du coton, expressément visé à l’article 4, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1307/2013, ni cette disposition, ni l’article 1er du règlement n° 1308/2013 ne prévoient qu’ils s’appliquent à des produits autres que ceux visés à l’annexe I des traités. L’inclusion expresse du coton à l’article 4, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1307/2013, ainsi que l’exclusion expresse des produits de la pêche et de l’aquaculture, dont certains sont pourtant visés à l’annexe I des traités, à l’article 4, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1307/2013 et à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1308/2013, confirment le caractère exhaustif de la référence aux produits énumérés à l’annexe I des traités.

38.      Deuxièmement, je relève que l’annexe I au règlement n° 1308/2013, laquelle énumère, selon l’article 1er, paragraphe 2, de ce règlement, « les produits agricoles définis au paragraphe 1 », vise, concernant le chanvre, la position 5302 et la sous-position 1207 99 91 de la nomenclature combinée, qui correspondent aux positions de la nomenclature de Bruxelles visées à l’annexe I des traités. L’annexe I au règlement n° 1308/2013 ne vise donc, concernant le chanvre, aucune position qui ne soit pas déjà visée à l’annexe I des traités. En particulier, l’annexe I au règlement n° 1308/2013 ne vise pas l’huile de CBD, ni même le CBD.

39.      Troisièmement, il ne saurait être considéré que l’huile de CBD relève du champ d’application des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 en tant que produit de première transformation du chanvre au sens de l’article 38, paragraphe 1, TFUE.

40.      À cet égard, je relève que les « produits agricoles » sont définis à l’article 38, paragraphe 1, TFUE comme « les produits du sol, de l’élevage et de la pêcherie, ainsi les produits de première transformation qui sont en rapport direct avec ces produits ». Selon la jurisprudence, la notion de « première transformation » implique une interdépendance économique manifeste entre les produits de base et les produits issus d’un processus productif, indépendamment du nombre d’opérations que celui-ci comporte (17). Cependant, une deuxième définition des produits agricoles figure à l’article 38, paragraphe 3, TFUE. Selon cette disposition, sont des produits agricoles les produits figurant sur la liste qui fait l’objet de l’annexe I des traités. Or, il ressort de la jurisprudence que ces deux définitions n’en sont qu’une, de sorte qu’un produit qui satisfait à la définition du produit agricole énoncée à l’article 38, paragraphe 1, TFUE, mais qui n’est pas énuméré à l’annexe I des traités, ne saurait être considéré comme un produit agricole (18) et ne saurait donc être soumis, notamment, à l’article 43 TFUE, qui est la base juridique des règlements portant organisation commune des marchés. En d’autres termes, la liste figurant à l’annexe I des traités est exhaustive.

41.      Or, d’une part, je doute que l’huile de CBD puisse être regardée comme un produit de première transformation du chanvre. Il convient, à cet égard, de se rapporter aux observations du gouvernement hellénique et de la Commission, selon lesquells l’huile de CBD, qui est extraite de la plante de chanvre au moyen d’un processus complexe et coûteux, n’est pas « en rapport direct » avec cette plante, comme l’exige l’article 38, paragraphe 1, TFUE.

42.      D’autre part, à supposer même que l’huile de CBD puisse être considérée comme un produit de première transformation du chanvre, elle n’en relèverait pas pour autant du champ d’application des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013.

43.      En effet, il ne suffit pas, pour que l’huile de CBD relève du champ d’application de ces règlements, qu’elle soit qualifiée de produit de première transformation au sens de l’article 38, paragraphe 1, TFUE. En effet, comme je l’ai exposé aux points 36 à 38 ci-dessus, les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 disposent expressément qu’ils s’appliquent, non pas aux produits agricoles au sens de l’article 38, paragraphe 1, TFUE, y compris les produits de première transformation, mais aux seuls produits agricoles énumérés à l’annexe I des traités. Une telle interprétation irait à l’encontre de la jurisprudence relative au caractère exhaustif de la liste figurant à l’annexe I des traités, citée au point 40 des présentes conclusions.

44.      Il ne saurait pas davantage être considéré que l’huile de CBD relève du champ d’application des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 en tant que produit de première transformation d’un produit visé à l’annexe I des traités, à savoir le chanvre brut. Une telle interprétation irait à l’encontre de la même jurisprudence.

45.      J’en conclus que l’huile de CBD ne relève pas du champ d’application des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013. Toutefois, dans l’hypothèse où la Cour serait d’avis que les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 sont applicables à l’huile de CBD, je vais à présent déterminer si ceux-ci s’opposent à une réglementation telle que celle en cause au principal.

2.      Sur l’application des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013

46.      Comme indiqué au point 31 ci-dessus, à supposer même que les règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 soient applicables à l’huile de chanvre, ceux-ci ne s’opposeraient pas, selon moi, à ce qu’un État membre adopte une réglementation telle que celle en cause au principal, sous réserve qu’elle soit propre à garantir la protection de la santé des personnes et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

47.      En effet, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la politique agricole commune, qui relève d’une compétence partagée entre l’Union et les États membres, ces derniers disposent d’un pouvoir législatif leur permettant d’exercer leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne. Dès lors, en présence d’un règlement portant organisation commune des marchés dans un domaine déterminé, les États membres sont tenus de s’abstenir de toute mesure qui serait de nature à y déroger ou à y porter atteinte, ou à faire obstacle à son bon fonctionnement. Néanmoins, l’établissement d’une organisation commune des marchés n’empêche pas les États membres d’appliquer des règles nationales qui poursuivent un objectif d’intérêt général autre que ceux couverts par cette organisation commune des marchés, même si ces règles sont susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché intérieur dans le secteur concerné (19).

48.      En l’espèce, il me semble qu’une règlementation nationale interdisant l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de CBD lorsque celle-ci est extraite de la plante entière, ne déroge à aucune des dispositions des règlements n°os1307/2013 et 1308/2013 relatives au chanvre, pas plus qu’elle ne porte atteinte à ces dispositions.

49.      En effet, l’article 32, paragraphe 6, du règlement n° 1307/2013, auquel fait référence la juridiction de renvoi, dispose que ne constituent pas des hectares admissibles et ne peuvent donc pas donner lieu à des paiements directs aux agriculteurs les surfaces utilisées pour la production de chanvre lorsque la variété cultivée a une teneur en THC supérieure à 0,20 %. L’article 32, paragraphe 6, du règlement n° 1307/2013 traite donc de la culture du chanvre, non de son importation depuis un autre État membre, en cause dans la présente affaire. Manque également de pertinence l’article 35, paragraphe 3, de ce règlement, lui aussi mentionné par la juridiction de renvoi, dès lors que cette disposition se contente d’autoriser la Commission à adopter des actes délégués visant à fixer, notamment, la procédure pour la vérification de la teneur en THC prévue à l’article 32, paragraphe 6, du même règlement. Quant au règlement n° 1308/2013, si son article 189, paragraphe 1, également visé par la juridiction de renvoi, interdit l’importation de chanvre brut lorsque sa teneur en THC est supérieure à 0,20 %, il s’agit de l’importation « dans l’Union » de chanvre depuis un État tiers, non de l’importation de chanvre depuis un autre État membre. L’article 189 du règlement n°1308/2013 appartient d’ailleurs à la partie III de ce règlement, intitulée « Échanges avec les pays tiers », non à sa partie II, intitulée « Marché intérieur ».

50.      Cependant, il pourrait être considéré qu’une réglementation nationale interdisant l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de CBD lorsque celle-ci est extraite de la plante entière, fait obstacle au bon fonctionnement de l’organisation commune des marchés dans le secteur du chanvre, régie par le règlement n° 1308/2013, au sens de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus. En effet, il est de jurisprudence constante que les dispositions du traité interdisant toute restriction quantitative ou mesure d'effet équivalent font partie intégrante de l’organisation commune des marchés dans le secteur en cause (20). Or, toute mesure d’un État membre susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce au sein de l’Union doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation, au sens de l’article 34 TFUE (21). Partant, une réglementation nationale interdisant l’importation d’huile de CBD lorsque celle-ci est extraite de l’intégralité de la plante de chanvre, et notamment de ses feuilles et de ses fleurs, doit être regardée comme une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 34 TFUE. Une telle réglementation rend en effet impossible l’importation d’huile de CBD en France, dès lors que, ainsi que l’a indiqué lors de l’audience le gouvernement français, il est techniquement très difficile et économiquement non viable de produire du CBD à partir des fibres et des graines de chanvre.

51.      Je précise qu’à mon sens, l’Union a exercé sa compétence de manière exhaustive dans le domaine de la libre circulation des produits couverts par le règlement n° 1308/2013 (22). Il n’importe pas, à cet égard, qu’aucune disposition du règlement n° 1308/2013 ne prévoie expressément l’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d’effet équivalent, dès lors qu’une telle interdiction fait, même en l’absence de disposition expresse, partie intégrante du règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur concerné (23). Peu importe également que l’article 189, paragraphe 2, du règlement n° 1308/2013 autorise les États membres à adopter des « dispositions plus restrictives » que celles prévues à son paragraphe 1 et décrites au point 49 des présentes conclusions. En effet, l’article 189, paragraphe 2, du règlement n° 1308/2013 prévoit que de telles dispositions doivent être prises par les États membres « dans le respect du traité [FUE] », donc, notamment, de l’article 34 TFUE. Dès lors, l’article 189, paragraphe 2, du règlement n° 1308/2013 ne saurait, à mon sens, être interprété comme autorisant un État membre à interdire l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de chanvre.

52.      Partant, il découle de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus que le règlement n° 1308/2013 interdit aux États membres d’adopter une réglementation interdisant l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de CBD lorsque celle-ci est extraite de la plante entière, à moins que cette réglementation ne poursuive un objectif d’intérêt général autre que ceux couverts par ce règlement.

53.      À cet égard, le gouvernement français a indiqué poursuivre, à travers l’arrêté du 22 août 1990, un objectif de protection de la santé et de la vie des personnes.

54.      Or, il ne saurait, à mon sens, être considéré que les risques pour la santé des personnes que présentent, ou pourraient présenter, le chanvre et les substances qui en sont extraites sont couverts de manière exhaustive par le règlement n° 1308/2013 (24).

55.      Certes, il ressort de l’arrêt du 16 janvier 2003, Hammarsten (C‑462/01, EU:C:2003:33, points 34 et 35), que les risques pour la santé des personnes que comporte l’usage des stupéfiants ont été pris en compte dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du chanvre. Il pourrait, dès lors, être considéré que les risques que présente le chanvre pour la santé des personnes ont été pris en compte de manière exhaustive par le règlement n° 1308/2013, qu’il s’agisse des risques posés par le THC ou, le cas échéant, des risques posés par le CBD.

56.      Toutefois, je relève que, à la différence des premiers et deuxième considérants du règlement (CEE) n° 1430/82 (25), en cause dans l’arrêt cité au point précédent, le règlement n° 1308/2013 ne fait pas expressément référence, à propos des cultures de chanvre, à la protection de la santé des personnes. En effet, le considérant 154 du règlement n° 1308/2013 indique que c’est « pour que des cultures illicites ne perturbent pas le marché » qu’une teneur maximale en THC est définie pour le chanvre importé dans l’Union (26).

57.      Je relève également que d’autres actes de droit de l’Union ayant pour objectif la protection de la santé des personnes sont susceptibles de s’appliquer au chanvre et, notamment, au CBD qui en est extrait.

58.      Ainsi, il ressort des observations de C. A. et de la Commission que le CBD est utilisé dans les produits cosmétiques, lesquels ne peuvent être mis sur le marché que si la personne responsable garantit qu’ils sont sûrs pour la santé humaine et établit un rapport sur leur sécurité. Si un produit présente un risque pour la santé humaine, cette personne doit en informer immédiatement les autorités nationales compétentes (27).

59.      Il ressort également des observations de C. A., du gouvernement hellénique et de la Commission que le CBD pourrait être considéré comme un nouvel aliment au sens de l’article 3 du règlement (UE) 2015/2283 (28). Une demande en ce sens a, en effet, été introduite auprès de la Commission. Elle est, à l’heure actuelle, pendante. Si le CBD constituait un nouvel aliment au sens du règlement 2015/2283, sa mise sur le marché devrait faire l’objet d’une autorisation par la Commission et d’une inscription sur la liste de l’Union des nouveaux aliments autorisés, lesquelles ne sont possibles que si cet aliment « ne présente aucun risque en matière de sécurité pour la santé humaine, compte tenu des données scientifiques disponibles » (29).

60.      Enfin, un médicament à base de CBD a récemment fait l’objet d’une décision de la Commission autorisant sa mise sur le marché (30), sur le fondement de l’article 10, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 726/2004 (31).

61.      Les risques pour la santé des personnes que présente le chanvre et les substances qui en sont extraites ne sont donc pas couverts de manière exhaustive par le règlement n° 1308/2013. Il s’ensuit qu’un État membre peut adopter une réglementation ayant pour objectif la protection de la santé des personnes contre les risques présentés par le CBD, sous réserve que, comme l’exige la jurisprudence (32), cette réglementation soit propre à garantir la réalisation d’un tel objectif et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. L’examen de la nécessité et de la proportionnalité d’une telle réglementation nationale sera fait ci-dessous, dans le cadre de la section C.

C.      Sur l’interprétation des articles 34 et 36 TFUE

62.      J’examinerai ci-dessous si les articles 34 et 36 TFUE s’opposent à ce qu’un État membre interdise l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de CBD lorsque celle-ci est extraite de l’intégralité de la plante de chanvre, au motif qu’une telle réglementation a pour objectif la protection de la santé et de la vie des personnes. Il s’agira également de déterminer, au préalable, si les articles 34 et 36 TFUE sont applicables à une réglementation nationale relative à l’huile de CBD, ou si, celle-ci devant être considérée comme un stupéfiant et n’étant pas utilisée à des fins médicales ou scientifiques, il s’agit d’une marchandise « hors commerce ».

63.      B. S. soutient que le Kanavape ne saurait être considéré comme un stupéfiant et que les articles 34 et 36 TFUE lui sont donc applicables. Ceux-ci s’opposeraient à une réglementation telle que celle en cause au principal, qui limite l’importation du Kanavape alors qu’aucun risque pour la santé n’a été démontré. C. A. est, lui aussi, d’avis que les liquides pour cigarettes électroniques contenant du CBD relèvent des articles 34 et 36 TFUE, lesquels s’opposent à l’arrêté du 22 août 1990. Le gouvernement grec considère que cet arrêté n’est pas conforme aux articles 34 et 36 TFUE.

64.      À l’inverse, le gouvernement français soutient que l’arrêté du 22 août 1990, à supposer qu’il soit contraire à l’article 34 TFUE, serait justifié par la protection de la santé et de la vie des personnes au sens de l’article 36 TFUE, dès lors que, notamment, il se contente d’interdire l’importation des feuilles et des fleurs de chanvre, non de la plante entière, ce qui est conforme aux engagements internationaux de la République française.

65.      La Commission est d’avis que les articles 34 et 36 TFUE sont applicables au CBD. Elle considère que l’article 34 TFUE s’oppose à une réglementation telle que celle en cause au principal, mais qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si cette réglementation est propre à protéger la santé et la vie des personnes et si elle est proportionnée, au sens de l’article 36 TFUE.

66.      J’indique d’emblée que les articles 34 et 36 TFUE sont, à mon sens, applicables et qu’ils s’opposent à une réglementation telle que celle décrite au point 62 des présentes conclusions, dès lors que l’huile de CBD apparaît être dépourvue d’effets psychotropes et que la réglementation en cause au principal n’est donc pas propre à garantir la protection de la santé des personnes. Il appartiendra, toutefois, à la juridiction de renvoi de s’assurer qu’aucun risque tenant à d’éventuels effets nocifs, notamment autres que psychotropes,  ne naît de l’utilisation d’huile de CBD et, si un tel risque existe, que la réglementation en cause au principal ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire à la protection de la santé des personnes.

67.      Je me pencherai donc ci-dessous, dans un premier temps, sur l’applicabilité et, dans un second temps, sur l’application des articles 34 et 36 TFUE.

1.      Sur l’applicabilité des articles 34 et 36 TFUE

68.      Il ressort de la jurisprudence que, la nocivité des stupéfiants étant généralement reconnue, leur commercialisation est interdite dans tous les États membres, exception faite d’un commerce strictement contrôlé en vue d’une utilisation à des fins médicales et scientifiques (33). Partant, les stupéfiants qui, comme le cannabis vendu dans les coffee shops néerlandais, ne relèvent pas d’un circuit strictement surveillé par les autorités compétentes en vue d’être utilisés à des fins médicales et scientifiques, ne bénéficient pas de la liberté de circulation des marchandises (34). À l’inverse, les stupéfiants qui, telle la diamorphine, un dérivé d’opium utilisé comme antidouleur dans le cadre de traitements médicaux, relèvent d’un tel circuit bénéficient de la liberté de circulation des marchandises (35).

69.      L’huile de CBD en cause dans la présente affaire n’est pas commercialisée dans le cadre d’un circuit strictement surveillé par les autorités compétentes en vue d’être utilisée à des fins médicales et scientifiques. Dès lors, si l’huile de CBD devait être considérée comme un stupéfiant, elle échapperait au champ d’application des articles 34 et 36 TFUE.

70.      À mon sens, tel n’est pas le cas.

71.      Je relève, à cet égard, qu’il ressort des observations de C. A. et de la Commission qu’en droit français, le CBD, à la différence du THC, n’est pas classé comme stupéfiant.

72.      Je relève également que, si la Cour a considéré à deux reprises que des produits à base de cannabis ne relevaient pas du champ d’application des règles relatives à la libre circulation des marchandises, aucune de ces affaires ne concernait le CBD. Il s’agissait, dans la première affaire, de haschisch, un concentré de résine de cannabis (36), et, dans la seconde affaire, de cannabis vendu dans des coffee shops néerlandais, qui présentait donc, très certainement, une forte teneur en THC (37).

73.      Enfin, je note que le CBD n’est pas considéré comme un stupéfiant par les conventions internationales auxquelles les États membres sont parties, à savoir la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants, conclue à New York le 30 mars 1961, amendée par le protocole de 1972 portant modification de la convention unique de 1961 (ci-après la « convention unique ») (38), et la convention des Nations unies sur les substances psychotropes, conclue à Vienne le 21 février 1971 (ci-après la « convention sur les substances psychotropes ») (39).

74.      En effet, l’article 1er, paragraphe 1, sous j), de la convention unique définit comme un « stupéfiant » toute substance inscrite aux tableaux I et II annexés à cette convention. Figure au tableau I annexé à la convention unique l’entrée suivante : « Cannabis, résine de cannabis, extraits et teintures des cannabis ». Certes, le CBD pourrait être considéré comme un « extrait de cannabis », d’autant qu’il est extrait principalement des feuilles et des fleurs de cannabis (40) et que, selon l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la convention unique, « le terme “cannabis” désigne les sommités florifères ou fructifères de la plante de cannabis (à l’exclusion des graines et des feuilles qui ne sont pas accompagnées des sommités) ». Cependant, d’une part, il découle de l’article 28, paragraphe 2, de la convention unique que celle-ci ne s’applique pas à la culture de la plante de cannabis « exclusivement à des fins industrielles (fibres et graines) ou pour des buts horticulturaux », d’autre part, il ressort des commentaires à la convention unique publiés par les Nations unies (41) que la culture de cette plante « à toute autre fin [que la production de cannabis et de résine de cannabis], et pas seulement aux fins [industrielles ou pour des buts horticulturaux] » ne relève pas du régime de contrôle prévu à l’article 23 de la même convention. En d’autres termes, la culture de la plante de chanvre n’est pas soumise à contrôle lorsqu’elle n’a pas pour fin la production d’un stupéfiant. Or, la convention sur les substances psychotropes, si elle considère le THC comme une substance psychotrope (42), ne considère pas le CBD comme tel.

75.      Je relève, enfin, que l’Organisation mondiale de la santé a recommandé aux Nations unies de modifier le tableau I annexé à la convention unique de manière à clarifier que le CBD n’est pas un stupéfiant, d’une part, en supprimant, dans ce tableau, la référence aux « extraits et teintures de cannabis » et, d’autre part, en insérant une note en bas de page indiquant que « les préparations contenant principalement du [CBD] et dont la teneur en [THC] n’excède pas 0,20 % ne sont pas soumises au contrôle international » (43). La circonstance, mentionnée par le gouvernement français lors de l’audience, que la convention unique n’ait pas déjà été modifiée conformément à la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé n’établit pas, à mon sens, que le CBD doit être considéré comme un stupéfiant au sens de cette convention, dès lors qu’à l’heure actuelle, il ne figure pas au nombre des substances psychotropes énumérées par la convention sur les substances psychotropes.

76.      Il s’ensuit que l’huile de CBD relève du champ d’application des articles 34 et 36 TFUE.

2.      Sur l’application des articles 34 et 36 TFUE

77.      Il ressort du point 50 des présentes conclusions qu’une réglementation nationale qui, telle celle en cause au principal, interdit l’importation d’huile de CBD lorsqu’elle est extraite de l’intégralité de la plante de chanvre, doit être regardée comme une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 34 TFUE.

78.      Cependant, une mesure nationale qui restreint la libre circulation des marchandises peut être justifiée, notamment, par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de l’article 36 TFUE. À cet égard, je relève que, s’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes, il demeure qu’une réglementation qui est de nature à restreindre une liberté fondamentale garantie par le traité FUE, telle que la libre circulation des marchandises, ne peut être justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de l’article 36 TFUE, que si cette mesure est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (44).

79.      Le gouvernement français fait valoir que l’arrêté du 22 août 1990 est justifié par des raisons tenant à la protection de la santé des personnes, visée à l’article 36 TFUE. Il avance que, bien que le caractère toxique et dangereux du CBD ne soit, à l’heure actuelle, pas établi, des études scientifiques récentes, reprises dans une étude du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et l’addictovigilance de Paris de 2018, auraient mis en avant certains effets indésirables du CBD, comme la somnolence, la léthargie, l’ataxie, des troubles psychiatriques ou des atteintes hépatiques. En présence d’une telle incertitude scientifique quant à la nocivité du CBD, le principe de précaution autoriserait, selon le gouvernement français, les États membres à adopter une réglementation telle que celle en cause au principal.

80.      En l’espèce, d’une part, il ressort de la demande de décision préjudicielle qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, le CBD n’a pas d’effets psychotropes, ce que confirme la circonstance, relevée aux points 74 et 75 des présentes conclusions, que le CBD ne relève pas de la convention sur les substances psychotropes. D’autre part, je note que la Commission conteste les allégations du gouvernement français selon lesquelles il existerait un risque que l’huile de CBD ait des effets nocifs autres que psychotropes.

81.      Le gouvernement français prétend, cependant, s’appuyer sur le principe de précaution pour interdire l’importation d’huile de CBD.

82.      Selon la jurisprudence, en présence d’une incertitude scientifique quant à l'existence ou à la portée de risques réels pour la santé publique, un État membre peut, en vertu du principe de précaution, prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. À cet égard, une application correcte du principe de précaution présuppose, en premier lieu, l’identification des conséquences potentiellement négatives pour la santé des substances ou des denrées alimentaires concernées et, en second lieu, une évaluation compréhensive du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (45).

83.      Or, au vu des informations fournies à la Cour, il me semble difficile de considérer que le gouvernement français a clairement identifié les effets nocifs, notamment psychotropes, que comporte l’utilisation d’huile de CBD dans des cigarettes électroniques, encore moins qu’il a procédé à une évaluation exhaustive du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale.

84.      Toutefois, au vu du peu d’informations précises fournies à la Cour, il appartiendra au juge de renvoi de vérifier si l’utilisation d’huile de CBD dans des cigarettes électroniques comporte des risques pour la santé des personnes et, notamment, si l’huile de CBD a des effets nocifs autres que psychotropes. Si tel est le cas, il lui appartiendra également de déterminer si l’arrêté du 22 août 1990 va au-delà de ce qui est nécessaire à la protection de la santé des personnes, dès lors que cet arrêté interdit purement et simplement l’importation d’huile de CBD extraite des feuilles et des fleurs de chanvre, là où il aurait peut-être été possible de prévoir une teneur maximale en CBD, à l’image du seuil de 0,20 % fixé pour le THC.

85.      J’en conclus que les articles 34 et 36 TFUE s’opposent à une réglementation telle que celle en cause au principal, qui interdit l’importation d’huile de CBD lorsqu’elle est extraite de l’intégralité de la plante de chanvre, dès lors que, en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas établi que l’huile de CBD ait des effets psychotropes. Il appartient, cependant, au juge de renvoi de s’assurer qu’aucun risque lié, notamment, aux effets non psychotropes du CBD n’a été identifié et n’a fait l’objet d’une évaluation scientifique exhaustive et, s’il devait conclure à l’existence d’un tel risque et d’une telle évaluation, de s’assurer que pouvait être adoptée une mesure alternative moins restrictive de la libre circulation des marchandises, comme la fixation d’une teneur maximale en CBD.

IV.    Conclusion

86.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (France) :

1)      Ni le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil, ni le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ne sont applicables à l’huile de cannabidiol ;

2)      Les articles 34 et 36 TFUE s’opposent à ce qu’un État membre interdise l’importation, depuis un autre État membre, d’huile de cannabidiol lorsque celle-ci est extraite de l’intégralité de la plante de chanvre, et non de ses seules fibres et graines, dès lors que, en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas établi que l’huile de cannabidiol ait des effets psychotropes. Il appartient, cependant, au juge de renvoi de s’assurer qu’aucun risque lié, notamment, aux effets non psychotropes du cannabidiol n’a été identifié et n’a fait l’objet d’une évaluation scientifique exhaustive et, s’il devait conclure à l’existence d’un tel risque et d’une telle évaluation, de s’assurer que pouvait être adoptée une mesure alternative moins restrictive de la libre circulation des marchandises, comme la fixation d’une teneur maximale en cannabidiol.


1      Langue originale : le français.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 608).


3      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671).


4      La « nomenclature de Bruxelles » à laquelle fait référence l’annexe I aux traités est celle établie par la convention internationale sur la nomenclature pour la classification des marchandises dans les tarifs douaniers, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950. Je précise, à toutes fins utiles, que la nomenclature de Bruxelles se distingue de la nomenclature établie par le règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dite « nomenclature combinée », laquelle s’appuie elle-même sur la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1). Je précise également, d’une part, que la position 57.01 de la nomenclature de Bruxelles correspond à la position 5302 de la nomenclature combinée, laquelle vise le « [c]hanvre (Cannabis sativa L.) brut ou travaillé mais non filé ; étoupes et déchets de chanvre (y compris les déchets de fils et les effilochés) » et, d’autre part, que le chapitre 12 de la nomenclature de Bruxelles correspond, notamment, à la sous-position 1207 99 91 de la nomenclature combinée, laquelle vise les « graines de chanvre, même concassées, autres que destinées à l’ensemencement ». Voir, à cet égard, Bianchi, D., La politique agricole commune (PAC). Précis de droit agricole européen, Bruylant, Bruxelles, 2e édition, 2012 (note en bas de page 378), et McMahon, J. A., EU Agricultural Law, Oxford University Press, Oxford, 2007 (paragraphe 1.06).


5      JORF n° 230 du 4 octobre 1990, p. 12041.


6      Par l’arrêté du 24 février 2004 modifiant l’arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R. 5181 du code de la santé publique pour le cannabis (JORF n° 69 du 21 mars 2004, p. 5508).


7      Circulaire du directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice, ayant pour objet le régime juridique applicable aux établissements proposant à la vente au public des produits issus du cannabis (coffee shop), n° 2018/F/0069/FD2 (ci-après la « circulaire du 23 juillet 2018 »).


8      En effet, il ressort du jugement du tribunal correctionnel de Marseille (voir point 14 des présentes conclusions) que « le chanvre […] était produit par la société Hempoint en République tchèque. L’huile essentielle produite par la société Hempoint contenait du [CBD] isolé de la plante par extraction de CO2. Tous les ingrédients étaient assemblés en solution pour obtenir le e-liquide au sein de la société APPLICANT-INT en République tchèque. Cette dernière vendait en décembre 2014 à [Catlab] 500 ml de e-liquide contenant 5 % de [CBD] ».


9      Selon B. S., le seuil de 0,20 % s’appliquerait en effet à la seule plante de chanvre et non au produit fini issu du chanvre.


10      Directive du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).


11      Voir arrêt du 30 janvier 2020, Dr. Willmar Schwabe (C‑524/18, EU:C:2020:60, point 30).


12      Voir point 13 des présentes conclusions.


13      Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises a été élaboré par l’Organisation mondiale des douanes et institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 (voir note en bas de page 4 des présentes conclusions).


14      Voir arrêts du 9 février 2017, Madaus (C‑441/15, EU:C:2017:103, point 38), et du 13 septembre 2018, Vision Research Europe (C‑372/17, EU:C:2018:708, point 23).


15      Outre les étoupes et déchets de chanvre, qui proviennent du teillage et du peignage de chanvre et qui ne sont pas en cause ici.


16      Je précise que rouir le chanvre consiste à en isoler les fibres en détruisant la matière gommeuse qui les entoure. Teiller le chanvre consiste, après rouissage et séchage, à séparer les fibres des chènevottes afin d’obtenir de la filasse. La chènevotte est la partie ligneuse et intérieure de la tige de chanvre, qui subsiste après qu’on a enlevé la filasse.


17      Voir arrêt du 29 mai 1974, König (185/73, EU:C:1974:61, point 13).


18      Voir arrêts du 14 décembre 1962, Commission/Luxembourg et Belgique (2/62 et 3/62, EU:C:1962:45, p. 830) ; du 25 mars 1981, Coöperatieve Stremsel- en Kleurselfabriek/Commission (61/80, EU:C:1981:75, points 19 à 21), ainsi que du 29 février 1984, Cilfit e.a. (77/83, EU:C:1984:91, points 11 et 12). Voir, à cet égard, Bianchi, D., Jurisclasseur Europe Traité, fascicule n° 1310, octobre 2014 (paragraphe 9).


19      Voir arrêts du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, points 19 et 26), ainsi que du 13 novembre 2019, Lietuvos Respublikos Seimo narių grupė (C‑2/18, EU:C:2019:962, points 28 à 30).


20      Voir arrêt du 22 mai 2003, Freskot (C‑355/00, EU:C:2003:298, point 38). Voir, également, arrêt du 3 mars 2011, Kakavetsos-Fragkopoulos (C‑161/09, EU:C:2011:110, point 27), et conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Kakavetsos-Fragkopoulos (C‑161/09, EU:C:2010:531, point 34).


21      Voir arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville (8/74, EU:C:1974:82, point 5) ; du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 31), ainsi que du 27 octobre 2016, Audace e.a. (C‑114/15, EU:C:2016:813, point 66).


22      Voir, par analogie, arrêt du 13 novembre 2019, Lietuvos Respublikos Seimo narių grupė (C‑2/18, EU:C:2019:962, points 42 à 45).


23      Voir arrêt du 29 novembre 1978, Redmond (83/78, EU:C:1978:214, points 52 à 55).


24      Voir, par analogie, arrêt du 13 novembre 2019, Lietuvos Respublikos Seimo narių grupė (C‑2/18, EU:C:2019:962, points 46 à 53).


25      Règlement du Conseil du 18 mai 1982 prévoyant des mesures restrictives à l'importation du chanvre et des graines de chanvre et modifiant le règlement (CEE) n° 1308/70 en ce qui concerne le chanvre (JO 1982, L 162, p. 27). Le premier considérant du règlement n° 1430/82 indique que « le recours croissant aux stupéfiants dans la Communauté risque de mettre en danger la santé humaine ». Le deuxième considérant du même règlement prévoit que tant l’aide octroyée pour le chanvre que les importations de chanvre dans l’Union doivent être limitées aux « variétés donnant des garanties suffisantes pour la santé humaine ».


26      Il en est de même de l’ordonnance du 11 juillet 2008, Babanov (C‑207/08, non publiée, EU:C:2008:407, points 28 à 30), dans laquelle la Cour fait référence, à propos du seuil maximal de THC, non pas à l’objectif de protection de la santé des personnes, mais uniquement aux « risques que des cultures illicites se cachent parmi celles cultivées licitement ».


27      Ces obligations sont prévues, respectivement, à l’article 3 et à l’article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques (JO 2009, L 342, p. 59), à l’article 10 et à l’annexe I de ce règlement, ainsi qu’à l’article 5, paragraphe 2, deuxième alinéa, du même règlement.


28      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif aux nouveaux aliments, modifiant le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 1852/2001 de la Commission (JO 2015, L. 327, p. 1).


29      Article 6 et article 7, sous a), du règlement 2015/2283.


30      Décision d’exécution de la Commission du 19 septembre 2019 portant autorisation de mise sur le marché du médicament orphelin à usage humain « Epidyolex – cannabidiol » au titre du règlement [n° 726/2004] [COM(2019) 6893 (final)].


31      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).


32      Voir arrêt du 13 novembre 2019, Lietuvos Respublikos Seimo narių grupė (C‑2/18, EU:C:2019:962, points 56 et 57).


33      Voir arrêt du 16 décembre 2010, Josemans (C‑137/09, EU:C:2010:774, point 36).


34      Voir arrêt du 16 décembre 2010, Josemans (C‑137/09, EU:C:2010:774, points 31, 42 et 54). Je précise que, même si le Royaume des Pays-Bas applique une politique de tolérance à l’égard de la vente de cannabis (en quantités strictement limitées), celle-ci n’en est pas moins interdite dans cet État membre (arrêt du 16 décembre 2010, Josemans, C‑137/09, EU:C:2010:774, points 12 à 13 et 43). Voir, également, arrêts du 5 février 1981, Horvath (50/80, EU:C:1981:34, points 10 à 13) ; du 26 octobre 1982, Wolf (221/81, EU:C:1982:363, points 8 à 13 et 16) ; du 26 octobre 1982, Einberger (240/81, EU:C:1982:364, points 8 à 13 et 16) ; du 28 février 1984, Einberger (294/82, EU:C:1984:81, points 14, 15 et 22) ; du 5 juillet 1988, Mol (269/86, EU:C:1988:359, points 15, 16 et 21), ainsi que du 5 juillet 1988, Vereniging Happy Family Rustenburgerstraat (289/86, EU:C:1988:360, points 17, 18 et 23). Voir, enfin, Van Cleynenbreugel, P., Droit matériel de l’Union européenne. Libertés de circulation et marché intérieur, Larcier, Bruxelles, 2017 (p. 55).


35      Voir arrêt du 28 mars 1995, Evans Medical et Macfarlan Smith (C‑324/93, EU:C:1995:84, point 20). Je souligne que la diamorphine était, dans cette affaire, importée en vue d’un usage médical et que son importation était, dès lors, licite (arrêt du 28 mars 1995, Evans Medical et Macfarlan Smith, C‑324/93, EU:C:1995:84, points 4, 20 et 37). Voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Josemans (C‑137/09, EU:C:2010:433, points 85 et 86), selon lequel « au regard des règles du marché intérieur, les stupéfiants n’entrent pas tous dans la même catégorie. Il s’agit d’une différence tenant non pas à la nature des marchandises, mais à leur utilisation finale. Ainsi, en vertu d’une jurisprudence constante, les stupéfiants qui connaissent une application médicale ou scientifique relèvent de la réglementation du marché intérieur. Or, tel n’est pas le cas pour les stupéfiants importés illégalement ou destinés à des fins illicites ». Voir, enfin, Blumann, C., « Le champ d’application du marché intérieur », in Blumann, C. (dir.), Introduction au marché intérieur. Libre circulation des marchandises, Éditions de l’université de Bruxelles, Bruxelles, 2015 (paragraphe 70).


36      Arrêt du 5 juillet 1988, Vereniging Happy Family Rustenburgerstraat (289/86, EU:C:1988:360, point 17).


37      Arrêt du 16 décembre 2010, Josemans (C‑137/09, EU:C:2010:774, point 36).


38      Recueil des traités des Nations unies, vol. 520, n° 7515.


39      Recueil des traités des Nations unies, vol. 1019, n° 14956. Je précise, à cet égard, qu’à ma connaissance, aucun texte de droit de l’Union ne définit ce qu’est un « stupéfiant » ou une « drogue ». En effet, tant l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil, du 25 octobre 2004, concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue (JO 2004, L 335, p. 8), que l’article 71, paragraphe 1, de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19) font référence, à cet égard, à la convention unique, ainsi qu’à la convention sur les substances psychotropes. Partant, il me semble qu’il convient, afin de déterminer si le CBD doit être considéré comme un stupéfiant, de se rapporter à ces conventions internationales. Je remarque d’ailleurs, que, dans l’arrêt du 5 juillet 1988, Mol (269/86, EU:C:1988:359, points 24 et 25), la Cour relève que la convention sur les substances psychotropes considère les amphétamines comme des substances psychotropes et que, dans l’arrêt du 5 juillet 1988, Vereniging Happy Family Rustenburgerstraat (289/86, EU:C:1988:360, points 3 et 25), elle note que la convention unique considère les produits à base de chanvre indien, tel le haschisch, comme des stupéfiants.


40      Voir point 2.2 de la circulaire du 23 juillet 2018, cité au point 11 des présentes conclusions.


41      Nations unies (éd.), « Commentaires sur la convention unique sur les stupéfiants de 1961 », New York, 1975. Voir commentaire de l’article 28 à cette convention.


42      Article 1er, sous e), de la convention sur les substances psychotropes et tableau I annexé à celle-ci.


43      Lettre adressée par le Secrétaire général de l’Organisation mondiale de la santé au Secrétaire général des Nations unies, en date du 24 janvier 2019.


44      Voir arrêts du 8 juin 2017, Medisanus (C‑296/15, EU:C:2017:431, points 82 et 83) ; du 3 juillet 2019, Delfarma (C‑387/18, EU:C:2019:556, point 29), ainsi que du 18 septembre 2019, VIPA (C‑222/18, EU:C:2019:751, points 67, 69 et 71).


45      Voir arrêts du 28 janvier 2010, Commission/République française (C‑333/08, EU:C:2010:44, points 91 et 92), ainsi que du 19 janvier 2017, Queisser Pharma (C‑282/15, EU:C:2017:26, points 56 et 60).