Language of document : ECLI:EU:C:2014:2167

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves BOT

présentées le 4 septembre 2014 (1)

Affaire C‑562/13

Centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve

contre

Moussa Abdida

[demande de décision préjudicielle
formée par la cour du travail de Bruxelles (Belgique)]

«Renvoi préjudiciel – Système européen commun d’asile – Directive 2003/9/CE – Normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres – Directive 2004/83/CE – Normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié – Personne pouvant bénéficier du statut conféré par la protection subsidiaire – Article 2, sous e) – Risque réel de subir des atteintes graves – Article 15, sous b) –Traitements inhumains ou dégradants – Directive 2005/85/CE – Normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres – Directive 2008/115/CE – Normes et procédures communes en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier – Article 13, paragraphe 2 – Effet suspensif du recours – Article 14, paragraphe 1 – Garanties dans l’attente du retour – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Refus par l’État membre d’octroyer à un ressortissant de pays tiers gravement malade une autorisation de séjour pour des raisons médicales, assorti d’une obligation de quitter le territoire – Absence d’un recours suspensif de plein droit de l’exécution de l’éloignement – Absence de prise en charge des besoins élémentaires autres que médicaux – Octroi de l’aide médicale d’urgence»





1.        Par le présent renvoi préjudiciel, la juridiction de renvoi s’interroge sur les garanties procédurales et les avantages sociaux qu’un État membre est tenu d’accorder à un ressortissant de pays tiers dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale, lorsque ce dernier est dans l’attente du jugement statuant sur la légalité de la décision portant rejet de sa demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales et ordre de quitter le territoire.

2.        En particulier, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour d’apprécier, au regard des directives 2003/9/CE (2), 2004/83 (3) et 2005/85/CE (4) – lesquelles fondent le régime d’asile européen commun – et de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (5), la compatibilité d’une réglementation nationale qui, d’une part, exclut l’existence d’un recours de plein droit suspensif de l’exécution de l’éloignement et, d’autre part, limite, pendant toute la durée de la procédure contentieuse, la prise en charge des besoins élémentaires de l’intéressé à la seule aide médicale d’urgence.

3.        Ce renvoi préjudiciel s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant le centre public d’action sociale d’Ottignies-Louvain-la-Neuve (ci-après le «CPAS») à M. Abdida, un ressortissant nigérien souffrant du sida. À la suite de la décision par laquelle l’État belge a rejeté sa demande d’autorisation de séjour pour des raisons médicales et lui a ordonné de quitter le territoire, l’intéressé s’est vu retirer son attestation d’immatriculation qui lui permettait de bénéficier gratuitement de la prise en charge de ses besoins élémentaires. En outre, il n’a pas pu bénéficier d’un recours de plein droit suspensif de l’exécution de l’éloignement lors du recours en annulation introduit à l’encontre de cette décision.

4.        Ledit renvoi préjudiciel soulève, en substance, trois questions.

5.        Premièrement, le ressortissant d’un pays tiers qui souffre d’une maladie grave et qui, s’il est renvoyé dans son pays d’origine, court un risque réel de subir un traitement inhumain ou dégradant en raison de l’absence d’un traitement médical adéquat dans son pays est-il susceptible d’être considéré comme une «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire» au sens de l’article 2, sous e), de la directive 2004/83?

6.        Cette question est identique à celle posée par la Cour constitutionnelle dans le cadre de l’affaire M’Bodj, actuellement pendante devant la Cour et dans laquelle nous avons rendu nos conclusions le 17 juillet 2014 (6).

7.        Deuxièmement, le recours introduit à l’encontre d’une décision rejetant la demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales et ordonnant l’éloignement de l’intéressé du territoire doit-il être de plein droit suspensif compte tenu des droits garantis à ce dernier dans le cadre des directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85 et de la Charte?

8.        Troisièmement, et sur le fondement de ces mêmes textes, les États membres sont-ils tenus de prendre en charge les besoins élémentaires autres que médicaux de l’intéressé jusqu’à ce qu’il soit statué sur la légalité de la décision de retour, le CPAS ayant, en l’occurrence, limité l’aide sociale à l’octroi d’une aide médicale d’urgence?

9.        Dans le cadre des présentes conclusions, nous soutiendrons qu’aucun des textes régissant le régime d’asile européen commun, à savoir les directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85, n’est applicable à une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, celle-ci ne relevant pas d’une forme subsidiaire de protection internationale.

10.      Ensuite, nous exposerons les raisons pour lesquelles c’est en considération, d’une part, des prescriptions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (7), et, d’autre part, des droits fondamentaux proclamés par la Charte que nous examinerons si, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, l’absence d’un recours de plein droit suspensif de l’exécution de l’éloignement et l’absence d’une prise en charge des besoins de base de l’intéressé respectent les droits qui sont reconnus aux migrants dans l’Union européenne.

11.      À cet égard, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que le droit à un recours juridictionnel effectif exigé au titre de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 et consacré à l’article 47, paragraphe 1, de la Charte implique l’existence d’un recours de plein droit suspensif lorsque l’exécution de la décision de retour est, compte tenu de l’état de santé de l’intéressé, susceptible d’exposer ce dernier à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 4 de la Charte.

12.      Nous expliquerons également pourquoi, dans une telle situation, la finalité de l’article 14 de la directive 2008/115 ainsi que le respect des droits fondamentaux, notamment des exigences tirées des articles 1er à 4 et 35 de la Charte, exigent de la part des États membres qu’ils garantissent, pendant toute la durée de la procédure contentieuse, une prise en charge suffisante des besoins de base de l’intéressé de manière à assurer sa subsistance ainsi qu’un niveau de vie digne et adéquat pour sa santé, en lui permettant, notamment, de disposer d’un hébergement et en tenant compte, le cas échéant, de ses besoins particuliers.

I –    Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

1.      Le régime d’asile européen commun

13.      Le régime d’asile européen commun se compose de trois textes: les directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85

a)      La directive 2003/9

14.      La directive 2003/9 établit des normes minimales relatives à l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres.

15.      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, celle-ci «s’applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d’asile à la frontière ou sur le territoire d’un État membre tant qu’ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d’asile».

16.      Néanmoins, et conformément au paragraphe 4 de ladite disposition, «[l]es États membres peuvent décider d’appliquer [cette] directive aux procédures de traitement des demandes de formes de protection autres que celle qui découle de la convention de Genève pour les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour lesquels il est établi qu’ils ne sont pas des réfugiés».

17.      Dans le cadre de son chapitre II, ladite directive fixe les conditions minimales d’accueil que les États membres sont tenus de réserver aux demandeurs d’asile afin de leur garantir un niveau de vie adéquat pour leur santé et assurer leur subsistance.

18.      Aux articles 7 à 10 et 15 de la directive 2003/9, le législateur de l’Union prévoit des garanties relatives notamment au séjour et à la liberté de circulation des demandeurs, au maintien de l’unité familiale, aux examens médicaux et aux soins de santé, ainsi qu’à la scolarisation et à l’éducation des mineurs.

19.      Dans le cadre de son chapitre IV et, en particulier, ses articles 17 à 20, la directive 2003/9 établit des dispositions spécifiques concernant les personnes ayant des besoins particuliers.

b)      La directive 2004/83

20.      La directive 2004/83 a pour objectif de fixer des critères communs à tous les États membres en ce qui concerne les conditions de fond que doivent remplir les ressortissants des pays tiers pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale (8) ainsi que le contenu matériel de cette protection (9). C’est dans ce cadre que la directive 2004/83 détermine, à son article 2, sous c) et e), les personnes susceptibles de bénéficier du statut de réfugié et du statut conféré par la protection subsidiaire, fixe, dans le cadre de ses chapitres II, III et V, les conditions de fond que ce dernier doit satisfaire et détermine, dans son chapitre VII, les droits inhérents à chacun de ces statuts.

21.      Dans le cadre du régime d’asile européen commun, la protection subsidiaire complète les règles relatives au statut de réfugié établies par la convention relative au statut des réfugiés (10).

22.      Il s’agit d’une protection internationale qui, conformément à l’article 2, sous e), de la directive 2004/83, s’adresse à «tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine [...], courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, [...] et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays».

23.      Aux termes de l’article 18 de ladite directive, «les États membres octroient le statut conféré par la protection subsidiaire à un ressortissant d’un pays tiers [...] qui remplit les conditions pour être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire conformément aux chapitres II et V».

24.      Le chapitre II de ladite directive concerne l’«[é]valuation des demandes de protection internationale». Son article 6, intitulé «Acteurs des persécutions ou des atteintes graves», dispose ce qui suit:

«Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a)      l’État;

b)      des partis ou organisations qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c)      des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 7.»

25.      Le chapitre V de la directive 2004/83 est relatif aux «[c]onditions à remplir pour être considéré comme personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire». Son article 15 définit la notion d’«atteintes graves» comme suit:

«Les atteintes graves sont:

a)      la peine de mort ou l’exécution, ou

b)      la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou

c)      des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle ou en cas de conflit armé interne ou international.»

26.      En outre, dans le cadre du chapitre VII de cette directive, relatif au «[c]ontenu de la protection internationale», le législateur de l’Union précise aux articles 28 et 29 que l’octroi d’une protection internationale, qu’il s’agisse du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire, exige de la part des États membres qu’ils confèrent à l’intéressé la même assistance sociale et les mêmes conditions d’accès aux soins de santé que celles prévues en faveur des ressortissants nationaux. Les États membres peuvent néanmoins opérer une distinction entre ces deux statuts puisque ces dispositions les autorisent à limiter aux prestations essentielles l’assistance sociale accordée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire (11).

27.      Enfin, il faut relever que la directive 2004/83 tend à établir des normes minimales. Aux termes de son considérant 8 et de son article 3, les États membres restent, par conséquent, libres d’adopter ou de maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec cette directive.

28.      Pour autant, le législateur de l’Union précise, au considérant 9 de la directive 2004/83, que «[l]es ressortissants de pays tiers ou les apatrides qui sont autorisés à séjourner sur le territoire des États membres pour des raisons autres que le besoin de protection internationale, mais à titre discrétionnaire par bienveillance ou pour des raisons humanitaires, n’entrent pas dans le champ d’application de la présente directive».

c)      La directive 2005/85

29.      La directive 2005/85 fixe les règles de procédure relatives à l’examen d’une demande de protection internationale. Conformément à son article 1er, celle-ci a pour objectif d’établir des normes minimales communes à l’ensemble des États membres en ce qui concerne la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié et précise, à ses chapitres II et III, les droits et les obligations procédurales s’imposant au demandeur et à l’État membre concernant l’évaluation d’une demande de protection internationale.

30.      Le champ d’application de cette directive est précisé à son article 3, comme suit:

«1.      La présente directive s’applique à toutes les demandes d’asile introduites sur le territoire des États membres, y compris à la frontière ou dans une zone de transit, ainsi qu’au retrait du statut de réfugié.

[...]

3.      Lorsque les États membres utilisent ou instaurent une procédure dans le cadre de laquelle les demandes d’asile sont examinées en tant que demandes fondées sur la convention de Genève, et en tant que demandes des autres types de protection internationale accordée dans les circonstances précisées à l’article 15 de la directive [2004/83], ils appliquent la présente directive pendant toute leur procédure.

4.      En outre, les États membres peuvent décider d’appliquer la présente directive aux procédures de traitement des demandes visant tout type de protection internationale.»

31.      Sous l’intitulé «Droit à un recours effectif», l’article 39 de ladite directive précise:

«1.      Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants:

a)      une décision concernant leur demande d’asile;

[...]

3.      Les États membres prévoient le cas échéant les règles découlant de leurs obligations internationales relatives:

a)      à la question de savoir si le recours prévu en application du paragraphe 1 a pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l’État membre concerné dans l’attente de l’issue du recours;

b)      à la possibilité d’une voie de droit ou de mesures conservatoires si le recours visé au paragraphe 1 n’a pas pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l’État membre concerné dans l’attente de l’issue de ce recours. Les États membres peuvent aussi prévoir une procédure d’office [...]»

2.      Le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier

32.      Les règles relatives à l’éloignement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sont établies dans le cadre de la directive 2008/115.

33.      Conformément à son article 2, cette directive s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre.

34.      Elle a pour objectif de mettre en place une politique efficace d’éloignement et de rapatriement fondée sur des normes et des garanties juridiques communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux ainsi que de leur dignité (12).

35.      Dans cette perspective, l’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115 reconnaît au ressortissant concerné des garanties procédurales dans le cadre du recours introduit contre la décision de retour.

36.      Cette disposition est rédigée comme suit:

«1.      Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour [...].

2.      L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour [...] et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale».

37.      L’article 14 de cette directive établit, quant à lui, les droits économiques et sociaux dont le migrant peut se prévaloir dans l’attente de son éloignement.

38.      L’article 14, paragraphe 1, est libellé comme suit:

«Sauf dans la situation visée aux articles 16 et 17, les États membres veillent à ce que les principes ci-après soient pris en compte dans la mesure du possible en ce qui concerne les ressortissants de pays tiers au cours du délai de départ volontaire accordé conformément à l’article 7 et au cours des périodes pendantes lesquelles l’éloignement a été reporté conformément à l’article 9:

a)      l’unité familiale avec les membres de la famille présents sur le territoire est maintenue;

b)      les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés;

c)      les mineurs ont accès au système éducatif de base en fonction de la durée de leur séjour;

d)      les besoins particuliers des personnes vulnérables sont pris en compte.»

B –    La législation belge

1.      La loi du 15 décembre 1980 relative à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers

39.      La loi du 15 décembre 1980 relative à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers (13) a pour objectif de transposer dans l’ordre juridique belge la directive 2004/83.

a)      Les règles de fond et de procédures relatives à l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons médicales

40.      L’article 9 ter de ladite loi précise les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons médicales. Son paragraphe 1 est libellé comme suit:

«L’étranger qui séjourne en Belgique qui démontre son identité conformément au § 2 et qui souffre d’une maladie telle qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu’il n’existe aucun traitement adéquat dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne, peut demander l’autorisation de séjourner dans le Royaume auprès du ministre ou son délégué.

La demande doit être introduite par pli recommandé auprès du ministre ou son délégué et contient l’adresse de la résidence effective de l’étranger en Belgique.

L’étranger transmet avec la demande tous les renseignements utiles et récents concernant sa maladie et les possibilités et l’accessibilité de traitement adéquat dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne.

Il transmet un certificat médical type prévu par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres. Ce certificat médical datant de moins de trois mois précédant le dépôt de la demande indique la maladie, son degré de gravité et le traitement estimé nécessaire.

L’appréciation du risque visé à l’alinéa 1er, des possibilités de traitement, leur accessibilité dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne et de la maladie, son degré de gravité et le traitement estimé nécessaire indiqués dans le certificat médical, est effectuée par un fonctionnaire médecin ou un médecin désigné par le ministre ou son délégué qui rend un avis à ce sujet. Ce médecin peut, s’il l’estime nécessaire, examiner l’étranger et demander l’avis complémentaire d’experts.

[...]»

41.      Dans l’hypothèse où l’autorisation de séjour pour raisons médicales est octroyée, les autorités nationales compétentes délivrent à l’intéressé un titre de séjour d’une durée limitée d’un an, lequel est néanmoins prorogeable. Celui-ci dispose alors du droit à l’aide sociale versée par le CPAS, qui peut prendre en charge, si l’intéressé est nécessiteux, sa cotisation à une assurance maladie-invalidité ainsi que ses frais médicaux. À l’expiration d’une période de cinq ans, l’intéressé peut disposer d’un titre de séjour d’une durée illimitée, lequel lui donne les mêmes droits que ceux conférés aux ressortissants nationaux.

42.      Dans l’hypothèse où cette autorisation de séjour est rejetée, les autorités nationales compétentes notifient à l’intéressé un ordre de quitter le territoire, le séjour de ce dernier sur le territoire belge devenant irrégulier. L’aide sociale est alors limitée à l’octroi d’une aide médicale d’urgence. Selon la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, cette aide médicale doit recouvrir les soins médicaux, tant préventifs que curatifs, afin d’éviter que les personnes souffrant d’une maladie grave n’encourent un risque pour leur vie ou leur intégrité physique (14).

43.      L’intéressé peut introduire devant le Conseil du contentieux des étrangers un recours en annulation à l’encontre de la décision portant rejet de son autorisation de séjour, lequel n’est pas suspensif de l’exécution de la mesure d’éloignement.

44.      L’article 39/82 de la loi du 15 décembre 1980 prévoit que ce recours peut être assorti d’une demande de suspension de la mesure, laquelle peut être introduite soit selon la procédure ordinaire, soit selon la procédure d’extrême urgence, elle-même suspensive de l’exécution de la mesure.

45.      Cette disposition est rédigée comme suit:

«1)      Lorsqu’un acte d’une autorité administrative est susceptible d’annulation en vertu de l’article 39/2, le Conseil est seul compétent pour ordonner la suspension de son exécution.

La suspension est ordonnée, les parties entendues ou dûment convoquées, par décision motivée du président de la chambre saisie ou du juge au contentieux des étrangers qu’il désigne à cette fin.

En cas d’extrême urgence, la suspension peut être ordonnée à titre provisoire sans que les parties ou certaines d’entre elles aient été entendues.

Lorsque le requérant demande la suspension de l’exécution, il doit opter soit pour une suspension en extrême urgence, soit pour une suspension ordinaire. Sous peine d’irrecevabilité, il ne peut ni simultanément, ni consécutivement, soit faire une nouvelle fois application de l’alinéa 3, soit demander une nouvelle fois la suspension dans la requête visée au § 3.

Par dérogation à l’alinéa 4 et sans préjudice du § 3, le rejet de la demande de suspension selon la procédure d’extrême urgence n’empêche pas le requérant d’introduire ultérieurement une demande de suspension selon la procédure ordinaire, lorsque cette demande de suspension en extrême urgence a été rejetée au motif que l’extrême urgence n’est pas suffisamment établie.

2)      La suspension de l’exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte contesté sont invoqués et à la condition que l’exécution immédiate de l’acte risque de causer un préjudice grave difficilement réparable.

[...]

3)      Sauf en cas d’extrême urgence, la demande de suspension et la requête en annulation doivent être introduits par un seul et même acte.

Dans l’intitulé de la requête, il y a lieu de mentionner qu’est introduit soit un recours en annulation soit une demande de suspension et un recours en annulation. Si cette formalité n’est pas remplie, il sera considéré que la requête ne comporte qu’un recours en annulation.

Une fois que le recours en annulation est introduit, une demande de suspension introduite ultérieurement n’est pas recevable, sans préjudice de la possibilité offerte au demandeur d’introduire, de la manière visée ci-dessus, un nouveau recours en annulation assorti d’une demande de suspension, si le délai de recours n’a pas encore expiré.

[...]

4)      [...]

Si l’étranger fait l’objet d’une mesure d’éloignement ou de refoulement dont l’exécution est imminente, et n’a pas encore introduit une demande de suspension, il peut demander la suspension de cette décision en extrême urgence. [...] [S]i la suspension n’a pas été accordée, l’exécution forcée de la mesure est à nouveau possible.»

46.      En vertu de l’article 39/84 de cette loi, le Conseil du contentieux des étrangers est seul compétent pour ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exception des mesures qui ont trait à des droits civils.

47.      L’article 39/85 de ladite loi réglemente, quant à lui, l’examen des mesures provisoires sollicitées au titre de l’extrême urgence. Il prévoit ce qui suit:

«Si l’étranger fait l’objet d’une mesure d’éloignement ou de refoulement dont l’exécution est imminente, l’étranger qui a déjà introduit une demande de suspension, peut, à condition que le Conseil ne se soit pas encore prononcé sur cette demande, demander, par voie de mesures provisoires au sens de l’article 39/84, que le Conseil examine sa demande de suspension dans les meilleurs délais.

La demande de mesures provisoires et la demande de suspension sont examinées conjointement [...].

[...]

Dès la réception de la demande de mesures provisoires, il ne peut être procédé à l’exécution forcée de la mesure d’éloignement ou de refoulement jusqu’à ce que le Conseil se soit prononcé sur la demande ou qu’il ait rejeté la demande. [...] [S]i la suspension n’a pas été accordée, l’exécution forcée de la mesure est à nouveau possible.

[...]»

48.      Tant la demande de suspension en extrême urgence que la demande de mesures provisoires en extrême urgence nécessitent que l’intéressé démontre l’imminence d’un préjudice grave et en particulier l’existence d’une mesure de contrainte en vue de l’obliger à quitter le territoire belge.

b)      Les règles relatives à l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire

49.      L’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 précise, quant à lui, les conditions à satisfaire pour bénéficier du statut conféré par la protection subsidiaire (15). Il transpose les articles 2, sous e), 15 et 17 de la directive 2004/83 et précise ce qui suit:

«1)      Le statut de protection subsidiaire est accordé à l’étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l’article 9 ter, et à l’égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s’il était renvoyé dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, il encourrait un risque réel de subir les atteintes graves visées au paragraphe 2, et qui ne peut pas ou, compte tenu de ce risque, n’est pas disposé à se prévaloir de la protection de ce pays et ce, pour autant qu’il ne soit pas concerné par les clauses d’exclusion visées à l’article 55/4.

2)      Sont considérées comme atteintes graves:

a)      la peine de mort ou l’exécution; ou

b)      la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants du demandeur dans son pays d’origine; ou

c)      les menaces graves contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.»

50.      Dans l’hypothèse où la demande de protection internationale est rejetée, l’intéressé peut introduire un recours de pleine juridiction devant le Conseil du contentieux des étrangers. Aux termes de l’article 39/70 de la loi du 15 décembre 1980, ce recours est suspensif: sauf accord de l’intéressé, aucune mesure d’éloignement du territoire ou de refoulement ne peut être exécutée de manière forcée à son égard pendant le délai fixé pour l’introduction du recours et durant l’examen de celui-ci. Par ailleurs, l’intéressé conserve le droit de bénéficier de l’aide sociale octroyée par le CPAS. Celle-ci couvre l’ensemble des besoins élémentaires de l’intéressé, à savoir l’aide médicale, l’assistance sociale, le logement, la nourriture ainsi que l’éducation des enfants.

2.      La loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976

51.      La loi organique des centres publics d’action sociale du 8 juillet 1976 prévoit à son article 1er le droit à l’aide sociale pour chaque citoyen dans le but de permettre à ce dernier de mener une vie conforme à la dignité humaine.

52.      Aux termes de l’article 57 de cette loi, le CPAS a pour mission d’assurer aux personnes et aux familles l’aide due par la collectivité. Il assure non seulement une aide palliative ou curative mais également une aide préventive. Cette aide peut être matérielle, sociale, médicale ou psychologique.

53.      L’article 57, paragraphe 2, premier alinéa, de ladite loi introduit néanmoins une dérogation à ce principe puisqu’il permet au CPAS de limiter sa mission à l’octroi d’une aide médicale d’urgence à l’égard des étrangers qui séjournent illégalement sur le territoire.

54.      L’arrêté royal du 12 décembre 1996 relatif à l’aide médicale d’urgence octroyée par les centres publics d’aide sociale aux étrangers qui séjournent illégalement dans le Royaume (16) indique que l’aide médicale d’urgence visée à l’article 57, paragraphe 2, premier alinéa, de la loi du 8 juillet 1976 concerne l’aide qui revêt un caractère exclusivement médical et dont le caractère urgent est attesté par un certificat médical. Cette aide ne peut pas être une aide financière, un logement ou une autre aide sociale en nature.

II – Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

55.      Le 15 avril 2009, M. Abdida a introduit une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980. Cette demande a été déclarée recevable le 4 décembre 2009 et M. Abdida a, de ce fait, bénéficié de l’aide sociale versée par le CPAS.

56.      Le 6 juin 2011, les autorités nationales compétentes ont néanmoins rejeté cette demande au motif que le pays d’origine du requérant dispose d’une infrastructure médicale permettant la prise en charge des malades atteints du sida. Cette décision, assortie d’une obligation de quitter le territoire, a été notifiée à M. Abdida le 29 juin 2011. Cette notification précisait que l’introduction d’un recours en annulation et d’une demande en suspension n’avaient pas pour effet de suspendre l’exécution de la mesure.

57.      Le 7 juillet 2011, M. Abdida a dès lors introduit un recours contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers. Le 13 juillet 2011, le CPAS a décidé de retirer l’aide sociale jusqu’à présent versée à l’intéressé et a refusé de lui verser l’aide médicale d’urgence. Le CPAS a néanmoins revu cette décision le 27 juillet 2011, en accordant l’aide médicale d’urgence à M. Abdida.

58.      Le 5 août 2011, celui-ci a introduit un recours contre la décision du CPAS devant le tribunal du travail de Nivelles. Par un jugement du 9 septembre 2011, celui-ci a condamné le CPAS à verser une aide sociale équivalente au revenu d’intégration au taux isolé en considérant, notamment, que le droit à l’aide sociale est une condition indispensable à l’exercice effectif d’un recours et que l’aide sociale dont bénéficie M. Abdida doit donc être maintenue dans l’attente d’une décision statuant sur le recours introduit à l’encontre de la décision portant rejet de sa demande d’autorisation de séjour.

59.      Le 7 octobre 2011, le CPAS a interjeté appel de ce jugement devant la cour du travail de Bruxelles.

60.      Cette juridiction constate que, en application de la législation nationale, M. Abdida ne dispose pas d’un recours suspensif de l’exécution de la décision d’éloignement et qu’il est privé, dans l’attente d’une décision sur ce recours, de toute autre aide sociale que l’aide médicale d’urgence. Elle relève également qu’il existe une différence de traitement entre l’intéressé qui sollicite le statut conféré par la protection subsidiaire sur le fondement de l’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 et celui qui sollicite l’octroi d’une autorisation de séjour pour des raisons médicales sur le fondement de l’article 9 ter de ladite loi. La Cour constitutionnelle aurait néanmoins justifié cette différence de traitement.

61.      La cour du travail de Bruxelles a par conséquent décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les directives 2004/83[...], 2005/85[...] et 2003/9[…] doivent-elles être interprétées comme faisant obligation à l’État membre qui prévoit que l’étranger qui «souffre d’une maladie telle qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu’il n’existe aucun traitement adéquat dans son pays d’origine», a droit à la protection subsidiaire au sens de l’article 15, [sous] b), de la directive 2004/83[...],

–        de prévoir un recours suspensif contre la décision administrative refusant le droit de séjour et/ou la protection subsidiaire et faisant ordre de quitter le territoire,

–        de prendre en charge dans le cadre de son régime d’aide sociale ou d’accueil, les besoins élémentaires autres que médicaux du requérant, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours introduit contre cette décision administrative?

2)      Dans la négative, la [Charte], ses articles 1 à 3 (dignité humaine, droit à la vie et à l’intégrité), son article 4 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), son article 19, paragraphe 2 (droit de ne pas être expulsé vers un État où il existe un risque sérieux de traitements inhumains ou dégradants), ses articles 20 et 21 (égalité et non-discriminations, par rapport à d’autres catégories de demandeurs de protection subsidiaire) et/ou son article 47 (droit au recours effectif), font-ils obligation à l’État membre qui transpose les directives 2004/83[...], 2005/85[...] et 2003/9[...] de prévoir le recours suspensif et la prise en charge des besoins élémentaires dont [il est fait référence à la première] question [visée] ci-dessus?»

62.      Des observations ont été déposées par les parties au principal, ainsi que par le gouvernement belge, le gouvernement français, le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission européenne.

III – Notre analyse

A –    Sur la première question

63.      La première question que nous adresse le juge de renvoi concerne les garanties d’ordre procédural et les avantages sociaux qu’un État membre est tenu d’accorder dans le cadre de la procédure d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

64.      Comme l’ont relevé les gouvernements belge et français, ainsi que la Commission dans leurs observations, cette question repose sur le postulat selon lequel une autorisation de séjour délivrée à un ressortissant de pays tiers en raison de son état de santé et fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980 constitue une forme subsidiaire de protection internationale au sens de l’article 2, sous e), de la directive 2004/83.

65.      Or, pour les raisons que nous avons évoquées aux points 40 à 70 de nos conclusions rendues dans l’affaire M’Bodj et dont nous présentons ici les grandes lignes, ce postulat est, à notre sens, erroné (17).

66.      En effet, nous pensons que le ressortissant d’un pays tiers qui souffre d’une maladie grave et qui, s’il est renvoyé dans son pays d’origine, court un risque réel de subir un traitement inhumain ou dégradant en raison de l’absence d’un traitement médical adéquat dans son pays ne peut pas être considéré comme une «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire» au sens de l’article 2, sous e), de la directive 2004/83. Si, dans certaines circonstances particulières, la souffrance due à une maladie est susceptible de constituer un traitement inhumain ou dégradant, il n’en reste pas moins que l’un des critères essentiels à l’octroi de la protection subsidiaire, à savoir l’identification d’un acteur à l’origine de l’atteinte et contre lequel une protection s’impose, fait à notre avis défaut.

67.      Par conséquent, nous estimons qu’une autorisation de séjour délivrée sur le fondement de l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980 n’est pas susceptible de constituer une forme subsidiaire de protection internationale et ne peut relever du champ d’application des textes fondant le régime d’asile européen commun.

68.      Il ne faut pas perdre de vue que le régime d’asile européen commun repose sur la nécessité d’assurer aux individus qui craignent soit d’être persécutés en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe social, soit d’être confrontés à un risque d’atteintes graves dans leur pays d’origine, une protection que leur pays n’est pas ou n’est plus en mesure de garantir car il œuvre intentionnellement à la commission de ces actes ou est défaillant.

69.      Le régime tendant à l’octroi d’une protection internationale par un État membre, qu’il s’agisse du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire, poursuit donc un but particulier et institue un mécanisme de protection spécifique (18) supposant la réunion de deux éléments essentiels. Le premier est constitué par l’existence d’un risque de persécutions ou d’atteintes graves dont serait victime l’intéressé, une fois de retour dans son pays d’origine. Le second est constitué par la responsabilité directe ou indirecte de ce pays dans l’existence de ce risque. Le bénéfice du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire est donc réservé aux cas où les autorités publiques du pays d’origine n’ont pas pris le parti d’assurer cette protection, soit en étant à l’origine des persécutions, soit en encourageant ou tolérant les persécutions de milices ou d’autres groupes privés.

70.      Ces deux éléments sont déterminants aux fins de l’octroi d’une protection internationale puisqu’ils fondent la crainte de l’individu et expliquent l’impossibilité ou le refus de celui-ci de se réclamer de la protection de son pays d’origine.

71.      S’agissant de la protection subsidiaire, ces deux éléments ressortent très clairement des termes de l’article 2, sous e), de la directive. En effet, le législateur de l’Union précise sans ambiguïté qu’une «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire» est une personne qui, non seulement, est susceptible de courir un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15 de la directive si elle était renvoyée dans son pays d’origine, mais qui, également, ne peut pas ou n’est pas disposée, compte tenu de ce risque, à se prévaloir de la protection de ce pays.

72.      Par ailleurs, celui-ci définit la notion d’«atteintes graves» comme des actes ou des circonstances pour lesquels les autorités publiques du pays d’origine sont directement ou indirectement responsables.

73.      En effet, l’article 15 de la directive 2004/83 doit être lu en combinaison avec l’article 6 de celle-ci.

74.      L’article 15 de cette directive définit trois types d’atteintes graves parmi lesquelles nous trouvons, sous son point b), les traitements inhumains ou dégradants infligés au demandeur dans son pays d’origine. Le législateur définit ici l’élément matériel de l’atteinte grave. Il s’agit de la peine de mort ou de l’exécution, de la torture, des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants que subit l’intéressé dans son pays d’origine et des menaces graves contre sa vie ou sa personne engendrées par une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Ces actes supposent en soi une intention délibérée de la part d’un acteur d’infliger des souffrances physiques ou mentales d’une intensité particulière.

75.      L’article 6 de ladite directive définit quant à lui l’élément personnel puisqu’il détermine les «acteurs des atteintes graves». Le législateur de l’Union limite ainsi expressément le périmètre des atteintes visées à l’article 15 de la directive 2004/83 à celles commises soit par l’État, soit par des partis ou des organisations qui contrôlent cet État ou une partie importante de son territoire, soit par des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que l’État ou les partis ou organisations qui le contrôlent ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves.

76.      Pour qu’une personne puisse être considérée comme susceptible de bénéficier de la protection subsidiaire, il n’est donc pas suffisant de prouver que celle-ci courrait un risque d’être exposé à un traitement inhumain ou dégradant une fois de retour dans son pays d’origine, encore faut-il démontrer que ce risque provient de facteurs qui sont directement ou indirectement imputables aux autorités publiques de ce pays, soit que les menaces pesant sur l’intéressé sont le fait des autorités du pays dont il a la nationalité ou sont tolérées par ces autorités, soit que ces menaces sont le fait de groupes indépendants contre lesquels les autorités de son pays d’origine ne sont pas en mesure d’assurer une protection effective à leurs ressortissants.

77.      Or, comme le relève le gouvernement français dans ses observations, dans le cas d’un individu dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale et qui ne pourrait pas bénéficier d’un traitement adéquat dans son pays d’origine, le traitement inhumain ou dégradant qu’il risque de subir en cas de retour dans ce pays ne provient pas d’un acte ou d’une omission intentionnelle des autorités publiques ou d’organes indépendants de l’État. Autrement dit, dans un tel cas, l’un des critères essentiels à la reconnaissance du bénéfice de la protection subsidiaire visé à l’article 6 de la directive 2004/83, à savoir la responsabilité directe ou indirecte des autorités publiques du pays d’origine dans la commission de l’atteinte grave et contre lesquelles une protection s’impose, fait nécessairement défaut.

78.      Dans une telle situation, la protection offerte par l’État membre ne répond pas à un besoin de protection internationale au sens de l’article 2, sous a), de cette directive et ne peut donc s’inscrire dans le cadre du régime d’asile européen commun.

79.      Conformément aux termes de l’article 2, sous g), in fine, de ladite directive (19), il s’agit d’un «autre type de protection» ne relevant pas du champ d’application de la même directive. Cette protection est accordée pour une raison autre, à titre discrétionnaire et par bienveillance, ou est dictée par des considérations humanitaires, fondées sur le respect de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (20) et des articles 4 et 19, paragraphe 2, de la Charte. Dans cette dernière hypothèse, c’est la mise à exécution de la décision d’expulsion de l’intéressé par l’État membre d’accueil, combinée à l’absence de ressources médicales adéquates dans le pays d’origine, qui est susceptible de constituer un traitement inhumain.

80.      Or, le législateur de l’Union a manifestement souhaité exclure les situations fondées sur des motifs d’humanité du champ d’application de la directive 2004/83.

81.      En effet, celui-ci précise expressément, dans le cadre du considérant 9 de la directive 2004/83, que «[l]es ressortissants de pays tiers ou les apatrides qui sont autorisés à séjourner sur le territoire des États membres pour des raisons autres que le besoin de protection internationale, mais à titre discrétionnaire par bienveillance ou pour des raisons humanitaires, n’entrent pas dans le champ d’application de [cette directive]» (21).

82.      Par ailleurs, il est intéressant de se référer aux travaux préparatoires de ladite directive relatifs à la rédaction de l’article 15, sous b) (22), dans lesquels le législateur de l’Union précise ce qui suit:

«Cependant, si le point b) devait inclure toute la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme [(23)] relative à l’article 3 de la CEDH, il conviendrait d’inclure les affaires basées uniquement sur des motifs d’humanité telles que l’affaire D c. Royaume-Uni (1997) aussi connue sous le nom de ľaffaire Saint-Kitts [(24)].

Dans l’affaire Saint-Kitts, bien que l’absence d’accès à un système de santé développé ainsi que l’absence d’un entourage ne soient pas considérées comme une torture ou un traitement inhumain ou dégradant en soi, ľ expulsion vers ce pays, qui constituerait une menace contre la vie de la personne concernée, était décrite comme telle.

Par conséquent, afin d’éviter les affaires basées sur des motifs d’humanité dans le régime de protection subsidiaire, ce qui n’a jamais été l’intention de la présente directive, la présidence propose de limiter le champ d’application du point b) en énonçant qu’un risque réel de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants doit régner dans le pays d’origine» (25).

83.      Si, comme l’a relevé la Cour dans arrêt Elgafaji (26), l’article 15, sous b), de la directive «correspond, en substance, à l’article 3 de la CEDH» (27), le législateur de l’Union en a néanmoins limité le champ d’application aux traitements «infligés à un demandeur dans son pays d’origine» (28), ce qui suppose la responsabilité directe ou indirecte des autorités publiques de ce pays. Le régime de la protection internationale et en particulier le statut conféré par la protection subsidiaire institue donc bien un mécanisme de protection qui se veut propre et spécifique (29), distinct des obligations incombant aux États contractants au titre de l’article 3 de la CEDH.

84.      Au vu de ces éléments, nous estimons par conséquent que le ressortissant d’un pays tiers qui souffre d’une maladie grave et qui, s’il est renvoyé dans son pays d’origine, court un risque réel de subir un traitement inhumain ou dégradant en raison de l’absence d’un traitement médical adéquat dans son pays ne peut pas être considéré comme une «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire» au sens de l’article 2, sous e), de la directive 2004/83.

85.      Par conséquent, une demande fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980 et tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons médicales n’est pas susceptible de relever du champ d’application de la directive 2004/83.

86.      Elle n’est pas davantage susceptible de relever du champ d’application des deux autres textes fondant le régime d’asile européen commun, à savoir les directives 2003/9 et 2005/85.

87.      En effet, les conditions matérielles d’accueil que prévoit le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 2003/9 s’adressent, conformément à l’article 3 de cette directive, aux demandeurs d’asile ou, si l’État membre en a décidé ainsi, aux demandeurs d’une autre forme de protection.

88.      De la même façon, les garanties procédurales reconnues par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 2005/85 concernent, conformément à l’article 3 de cette directive, les demandes d’asile ainsi que les décisions portant retrait du statut de réfugié et, si l’État membre en a décidé ainsi, toute autre demande tendant à l’octroi d’un autre type de protection internationale.

89.      Or, il ressort des éléments du dossier que le Royaume de Belgique n’a pas entendu garantir l’application de ces textes aux personnes introduisant une demande fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980.

90.      Nous sommes donc d’avis que les garanties d’ordre procédural et les avantages sociaux fixées par le législateur de l’Union dans le cadre des directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85 ne sont pas applicables à une situation telle que celle en cause dans la présente affaire.

91.      Au vu de ces éléments, nous estimons, par conséquent, que les directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85 doivent être interprétées en ce sens que les garanties d’ordre procédural et les avantages sociaux fixés dans ce cadre par le législateur de l’Union ne sont pas applicables à une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980.

B –    Sur la seconde question

92.      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour d’apprécier la compatibilité d’une réglementation nationale qui, d’une part, exclut l’existence d’un recours de plein droit suspensif de la décision d’éloignement s’agissant des décisions portant rejet d’une autorisation de séjour pour raisons médicales et, d’autre part, limite la prise en charge des besoins élémentaires de l’intéressé à la seule aide médicale d’urgence pendant toute la durée de la procédure contentieuse à l’aune des droits fondamentaux consacrés par la Charte et des obligations incombant aux États membres au titre des directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85.

1.      Observations liminaires

93.      À titre liminaire, il convient de préciser que la question que pose la juridiction de renvoi à la Cour exige de tenir compte d’autres normes de droit que celles expressément visées dans la décision de renvoi (30).

94.      En effet, la cour du travail de Bruxelles axe cette seconde question sur les droits et garanties procédurales accordés au demandeur d’une protection internationale par les directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85 ainsi que par la Charte et notamment les exigences tirées de ses articles 1er à 4, lesquels consacrent le principe de la dignité humaine ainsi que les droits à la vie, à l’intégrité physique et à ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, de son article 19, paragraphe 2, lequel établit le principe du non-refoulement, de ses articles 20 et 21, lesquels fondent les principes d’égalité et de non-discrimination et enfin, de son article 47, lequel garantit le droit à un recours juridictionnel effectif.

95.      Or, pour les raisons que nous venons d’exposer, il convient d’exclure l’application des textes fondant le régime d’asile européen commun à une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal. Par conséquent, il n’y a pas lieu, à notre sens, d’examiner la question que nous pose la juridiction de renvoi en tenant compte des directives 2003/9, 2004/83 et 2005/85.

96.      En revanche, il faut, à notre avis, évoquer les règles de procédure applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier établies dans le cadre de la directive 2008/115. En effet, conformément à ses articles 1er et 13, celle-ci a pour objectif d’établir des normes et des procédures communes à l’ensemble des États membres en ce qui concerne, notamment, les recours introduits à l’encontre d’une décision de retour et précise, à son chapitre III, les droits et les garanties procédurales qui doivent dans ce cadre être accordés au ressortissant du pays tiers en séjour irrégulier.

97.      Or, il est constant dans la présente affaire que, pendant toute la durée de la procédure engagée devant le Conseil du contentieux des étrangers, le séjour de M. Abdida est considéré par les autorités nationales compétentes comme étant irrégulier. Celui-ci relève donc du champ d’application de la directive 2008/115, tel que déterminé par l’article 2 de cette directive.

98.      En outre, nous sommes d’avis que la décision par laquelle les autorités nationales ont rejeté la demande d’autorisation de séjour formulée par l’intéressé et ordonné, conformément à l’article 7 de la loi du 15 décembre 1980, son éloignement du territoire constitue une «décision de retour» au sens de l’article 3, point 4, de ladite directive (31). En effet, par cette décision, les autorités belges ont déclaré le séjour de M. Abdida sur le territoire belge comme étant illégal et ont énoncé à son encontre une obligation de retour. Cette décision ne constitue rien d’autre que la mise en œuvre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115, lequel prescrit aux États membres d’adopter une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire.

99.      Dans une telle situation, régie par le droit de l’Union, les États membres sont donc tenus, conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte d’appliquer les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique de l’Union. Ainsi que l’a relevé la Cour dans les arrêts Åkerberg Fransson (32) et Pfleger e.a. (33), l’applicabilité du droit de l’Union implique dans de telles circonstances celle des droits fondamentaux garantis par la Charte.

100. C’est donc en considération, d’une part, des prescriptions de la directive 2008/115 et, d’autre part, des droits fondamentaux proclamés dans le cadre de la Charte qu’il convient d’examiner si, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, l’absence d’un recours suspensif de l’exécution de l’éloignement et d’une prise en charge des besoins élémentaires autres que médicaux de l’intéressé respectent les droits qui sont reconnus à ce dernier dans l’Union.

2.      Notre interprétation

a)      S’agissant de l’existence d’un recours suspensif de plein droit

101. L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115, intitulé «Voies de recours», confère au ressortissant concerné le droit de disposer d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour.

102. Aux termes du paragraphe 2 de cette disposition, les autorités nationales compétentes peuvent alors temporairement suspendre l’exécution de la décision attaquée. Dans une telle hypothèse, cette suspension emporte, conformément à l’article 9 de cette directive, le report de l’éloignement.

103. Force est de constater que, contrairement à la proposition de directive que la Commission avait formulée, cette disposition ne contraint pas les États membres à prévoir un recours suspensif lorsque ce dernier est introduit à l’encontre d’une décision de retour (34), cela relevant d’une simple faculté.

104. Dans des circonstances telles que celles du litige au principal, nous pensons néanmoins que la finalité de la directive 2008/113 ainsi que le respect des droits fondamentaux, notamment les exigences tirées des articles 1er, 2, 3, 4, 19, paragraphe 2, et 47 de la Charte, exigent que l’intéressé dispose d’un recours suspensif de plein droit de l’exécution de l’éloignement.

105. En effet, la finalité de l’article 13 de la directive 2008/115 se déduit clairement du principe directeur exprimé par le législateur de l’Union à l’article 1er de cette directive, lequel tend à garantir, dans le respect des droits fondamentaux des personnes concernées, une protection efficace de leurs intérêts et en particulier un rapatriement dans des conditions humaines et dignes (35).

106. La finalité de cette disposition ne peut donc se comprendre qu’en conformité et en cohérence avec les droits garantis aux articles 1er à 4 de la Charte qui garantissent le respect de la dignité humaine ainsi que le droit à la vie et à l’intégrité de la personne et interdisent les traitements inhumains et dégradants. Elle doit également être interprétée conformément au principe de non-refoulement visé à l’article 19, paragraphe 2, de la Charte. Enfin, elle doit assurer le respect des principes d’égalité et de non-discrimination tels qu’ils sont consacrés aux articles 20 et 21 de ce même texte et garantir le droit à un recours juridictionnel effectif, tel que celui-ci est consacré à l’article 47 de ladite Charte. Ces références sont, en effet, forcément comprises dans les références aux droits fondamentaux incluses à l’article 1er de la directive 2008/115.

107. Par conséquent, l’article 13 de cette directive, et, plus généralement, les dispositions traitant spécifiquement des garanties procédurales dont les ressortissants concernés peuvent se prévaloir dans le cadre de leur recours, ne peut être appliqué concrètement et en conformité avec ces textes que s’il assure le respect de ces valeurs.

108. Or, l’effectivité du recours visé à l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive et consacré à l’article 47 de la Charte implique, à notre sens, que, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal où l’exécution de la décision de retour est susceptible d’exposer l’intéressé à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, ce recours soit de plein droit suspensif.

109. Premièrement, dans une telle situation, l’État membre est tenu de respecter le principe de non-refoulement conformément aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 5 de la directive 2008/115 et de l’article 19, paragraphe 2, de la Charte, lequel prescrit, nous le rappelons, que «nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants». Le respect d’une telle prescription exige, par conséquent, que l’exécution de la décision de retour soit automatiquement suspendue le temps que l’autorité nationale compétente examine la légalité de cette dernière ainsi que les griefs soulevés par l’intéressé quant à l’existence d’un risque de traitement contraire à l’article 4 de la Charte.

110. Deuxièmement, la Cour EDH juge que le droit à un recours juridictionnel effectif consacré à l’article 13 de la CEDH requiert que l’étranger à l’encontre duquel un ordre d’expulsion a été ordonné, puisse disposer d’un recours de plein droit suspensif, lorsqu’il soutient un «grief défendable» selon lequel son éloignement l’exposerait à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 3 de la CEDH (36). En effet, la Cour EDH estime que, dans une telle situation, l’exécution de l’éloignement dont la légalité est contestée est susceptible d’entraîner un dommage irréversible dont il convient de prévenir la réalisation en suspendant son exécution. Or, celle-ci estime qu’un étranger qui souffre d’une maladie grave et qui ne peut être soigné dans son pays d’origine, soutient un tel grief. Elle estime, par ailleurs, que l’effectivité du recours implique également des exigences de qualité et de célérité (37).

111. C’est sur le fondement de cette jurisprudence que le Royaume de Belgique a été condamné dans un arrêt en date du 27 février 2014 (38). Cette affaire concernait une ressortissante nigériane, souffrant du sida et à l’encontre de laquelle les autorités avaient adopté un ordre d’éloignement. Celle-ci alléguait que son éloignement vers son pays d’origine l’exposerait à des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH et se plaignait de l’absence de recours effectif au sens de l’article 13 de cette convention.

112. Après avoir examiné les règles de procédure applicables, la Cour EDH a jugé que les voies de recours ouvertes contre un ordre d’éloignement adopté à la suite du rejet d’une demande d’autorisation de séjour fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980 n’étaient pas suffisantes pour garantir le respect de l’article 13, combiné à l’article 3, de la CEDH.

113. La Cour EDH a tout d’abord constaté que, conformément à la législation nationale applicable, un tel recours n’est pas suspensif de l’exécution de l’éloignement (39).

114. Elle a ensuite fait le point sur les procédures spécifiques établies dans le cadre des articles 39/82 à 39/85 de la loi du 15 décembre 1980 et tendant à la suspension de l’exécution de l’éloignement.

115. La première combinaison de recours consiste à introduire, dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la décision, un recours en annulation ainsi qu’une demande de suspension ordinaire assortie, au moment où l’intéressé fait l’objet d’une mesure de contrainte, d’une demande de mesures provisoires en extrême urgence. La seconde combinaison consiste à introduire une demande de suspension en extrême urgence laquelle requiert l’existence d’une mesure de contrainte à l’encontre de l’intéressé (40).

116.  La Cour EDH a jugé ces procédures «difficilement opérationnelle[s]» et «trop complexe[s]» pour remplir les exigences de disponibilité et d’accessibilité des recours exigées au titre de l’article 13, combiné avec l’article 3 de la CEDH (41).

117. Elle a tout d’abord relevé que ce système a pour effet d’obliger l’intéressé, qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement et qui soutient qu’il y a urgence à demander le sursis à exécution de la mesure, à introduire un recours conservatoire, en l’occurrence une demande de suspension ordinaire. Selon elle, ce recours, qui n’a pas d’effet suspensif, doit donc être introduit dans le seul but de préserver le droit de l’intéressé à pouvoir agir en urgence lorsque la véritable urgence, à savoir l’existence d’une mesure de contrainte, se réalise. Dans l’hypothèse où l’intéressé n’aurait pas initié ce recours conservatoire au début de la procédure, et où l’urgence devrait se concrétiser par la suite, la Cour EDH a par conséquent constaté que l’intéressé se trouverait alors définitivement privé de la possibilité de demander la suspension de la mesure d’éloignement (42). Quant aux règles gouvernant les demandes de suspension introduites en extrême urgence, la Cour EDH a ajouté qu’elles «accule[nt] les intéressés, qui se trouvent déjà dans une position vulnérable, à agir encore in extremis au moment de l’exécution forcée de la mesure» (43).

118. C’est à l’issue de ces constatations que la Cour EDH a conclu que l’intéressé n’avait pas disposé d’un recours effectif, celui-ci n’étant pas suspensif et ne permettant pas un examen effectif des moyens tirés de la violation de l’article 3 de la CEDH (44).

119. Dans la présente affaire et à la suite, notamment, des observations déposées à l’audience, le gouvernement belge a décrit une procédure qui nous semble effectivement complexe à mettre en œuvre face à l’urgence et à la gravité de la situation et peu accessible aux migrants auxquels elle s’adresse (45). En effet, l’effectivité d’un recours doit être appréciée au cas par cas et selon le contexte dans lequel il s’inscrit. Or, nous devons tenir compte du dénuement psychologique dans lequel les migrants sont susceptibles de se trouver et des difficultés qu’ils sont à même de rencontrer, en raison de leur langue, par exemple, pour connaître les procédures qu’il convient d’engager à la veille de leur éloignement du territoire, nombreux étant ceux qui n’ont pas les moyens de disposer, à ce stade, d’une assistance judiciaire.

120. À l’audience, le gouvernement belge s’est défendu quant à l’absence d’un recours de plein droit suspensif arguant du fait que, en pratique, l’introduction d’un recours en annulation devant le Conseil du contentieux des étrangers aboutit à une suspension de fait de l’exécution de la décision d’éloignement, les autorités nationales belges tolérant le séjour irrégulier de l’intéressé sur le territoire le temps de l’instance.

121. Si une telle situation est, en pratique, identique à celle dans laquelle le recours serait expressément suspensif de l’exécution de l’éloignement, elle présente néanmoins de nombreux inconvénients.

122. Premièrement, malgré cette suspension de fait, l’intéressé n’est pas officiellement protégé contre un éloignement forcé dans la mesure où, conformément à l’article 74/14, paragraphes 1 et 2, de la loi du 15 décembre 1980, cette protection est accordée uniquement pendant le délai de 30 jours octroyé pour un départ volontaire. Or, ce délai est vite expiré et les autorités nationales compétentes peuvent alors officiellement exécuter l’ordre d’éloignement à tout moment. Cela soulève une difficulté majeure, notamment, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal où l’exécution de la décision de retour est susceptible d’exposer l’intéressé à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 4 de la Charte.

123. Deuxièmement, malgré la tolérance de fait dont font preuve les autorités, l’intéressé reste susceptible de faire l’objet d’une sanction pénale en raison de son séjour irrégulier sur le territoire. Il n’est donc pas officiellement protégé contre une éventuelle arrestation.

124. Troisièmement, dans la mesure où l’éloignement est suspendu de manière officieuse, cette suspension ne s’accompagne pas des droits y afférents et, en particulier, des garanties d’ordre économique et social que le législateur reconnaît à l’article 14 de la directive 2008/115 aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dont l’éloignement est officiellement reporté. Cela soulève une autre difficulté, notamment, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal où la mesure d’éloignement concerne une personne gravement malade, laquelle devrait pouvoir bénéficier, comme tout autre ressortissant de pays tiers dont l’éloignement a été officiellement reporté, de la prise en charge des besoins particuliers qu’exige son état de santé.

125. Quatrièmement, nous ne pouvons pas faire fi des délais particulièrement longs de la procédure en cause, celle-ci ayant été introduite le 7 juillet 2011. Au-delà des inconvénients liés aux incertitudes entourant le statut juridique de l’intéressé, à sa situation matérielle extrêmement préoccupante ainsi qu’à la gravité des griefs que ce dernier soulève devant le juge, nous pouvons nous demander si, compte tenu de sa durée, une telle procédure est adéquate et offre toutes les garanties qui doivent accompagner l’introduction d’un recours effectif.

126. Au vu de ces éléments, et dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal où l’exécution de la décision de retour est susceptible d’exposer l’intéressé à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, nous avons le sentiment que l’intéressé ne bénéficie pas des droits que lui reconnaît cette Charte et, en particulier, du droit de bénéficier d’un recours effectif au sens de l’article 47 de ladite Charte.

127. Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous estimons par conséquent que l’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de procédure nationale qui exclut l’existence d’un recours de plein droit suspensif lorsque ce recours est introduit à l’encontre d’une décision de retour dont l’exécution est susceptible d’exposer l’intéressé à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, et ce compte tenu de l’état de santé de ce dernier.

b)      S’agissant de la prise en charge des besoins élémentaires autres que médicaux de l’intéressé

128. L’article 14 de la directive 2008/115, lu en combinaison avec le considérant 12 de cette directive, énonce les garanties d’ordre économique et social dont «les ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier mais qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’un éloignement» peuvent se prévaloir «dans l’attente du retour». Ainsi, au cours du délai de départ volontaire et au cours des périodes pendant lesquelles l’éloignement a été reporté, les États membres doivent veiller à maintenir l’unité familiale ainsi qu’à garantir les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies. Ils doivent également s’assurer que les mineurs ont accès au système éducatif de base et que les besoins particuliers des personnes vulnérables sont pris en compte. Cette disposition fait écho à l’article 5 de la directive 2008/115, lequel exige des États membres qu’ils tiennent dûment compte de la situation médicale, familiale et sociale de l’intéressé et, en particulier, de son état de santé lorsqu’ils mettent en œuvre cette directive.

129. Si le législateur de l’Union a exprimé au considérant 12 de ladite directive son intention de «régler la situation» de ces migrants, cet objectif n’est, à notre sens, que partiellement atteint, et ce pour les raisons suivantes.

130. En premier lieu, si nous nous en tenons aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2008/115, nous constatons que M. Abdida n’est pas susceptible de relever du champ d’application de cette disposition et donc de bénéficier des garanties visées par ladite disposition. En effet, le délai de 30 jours qui lui a été accordé aux fins d’un départ volontaire a expiré et la mesure d’éloignement adoptée à son encontre n’a pas été officiellement reportée.

131. Ce texte ne reconnaît donc pas expressément de garanties dans une situation telle que celle en cause dans le litige au principal où l’éloignement de l’intéressé est de facto suspendu le temps de la procédure contentieuse (46).

132. En second lieu, nous relevons que les garanties prévues par le législateur de l’Union à ladite disposition ne couvrent pas l’ensemble des droits et, en particulier, les droits qui nous semblent les plus essentiels à l’heure où l’intéressé ne dispose plus nécessairement de sources de revenus et doit être éloigné du territoire, à savoir la possibilité de se nourrir, de se vêtir et de se loger.

133. Si l’unité familiale doit être maintenue, l’éducation de base des mineurs garantie, les soins médicaux d’urgence et le traitement «indispensable des maladies» assurés et les besoins particuliers des personnes vulnérables pris en compte, l’article 14, paragraphe 1, de cette directive ne contraint pas expressément les États membres à prendre en charge les besoins de base autres que médicaux de l’intéressé.

134. La directive 2008/115 ne procède donc pas à une harmonisation, même minimale, des règles gouvernant la prise en charge par les États membres des besoins de base de ces migrants. Cette directive se distingue donc très nettement de la directive 2003/9 dans laquelle le législateur de l’Union a entendu contraindre les États membres à garantir des conditions minimales d’accueil aux demandeurs d’asile dans l’attente d’une décision, recouvrant l’ensemble de leurs besoins les plus essentiels.

135. Ce constat peut être formulé sur la base d’une simple lecture du considérant 12 de la directive 2008/115. En effet, aux termes de ce considérant, le législateur de l’Union précise que «[les] besoins de base [des ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier, mais qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’un éloignement] devraient être définis conformément à la législation nationale» (47). L’emploi du conditionnel et, en particulier, le choix du verbe «définir», démontrent à l’évidence la volonté du législateur de l’Union de laisser aux États membres une large marge d’appréciation quant à la nature des besoins que ces derniers entendent satisfaire (alors même, selon nous, que la définition des besoins de base s’impose par elle-même). Le législateur de l’Union ne fait, par ailleurs, aucune autre mention quant à la satisfaction de ces besoins dans le reste du texte de cette directive.

136. Cette rédaction se distingue de celle proposée par la Commission dans le cadre de sa proposition de directive et dans laquelle elle militait pour un alignement des garanties à accorder aux migrants en situation irrégulière avec celles prévues dans le cadre de la directive 2003/9.

137. Le considérant 8 de la proposition de directive était, en effet, rédigé comme suit:

«Il faudrait tenir compte de la situation des personnes en séjour irrégulier, mais qui ne peuvent pas (encore) faire l’objet d’un éloignement. Il convient de fixer des normes minimales applicables aux conditions de séjour de ces personnes, en se référant aux dispositions de la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres» (48).

138. À l’article 13 de la proposition de directive, relatif aux «[g]aranties dans l’attente du retour», la Commission s’était donc expressément référée aux chapitres II et IV de la directive 2003/9, lesquels prévoient en des termes beaucoup plus concrets et précis les conditions matérielles d’accueil que les États membres doivent assurer aux demandeurs d’asile dans l’attente d’une décision afin, d’une part, de leur garantir un niveau de vie digne et adéquat et, d’autre part, de leur assurer des conditions de vie comparables dans tous les États membres (49). Cette disposition était rédigée comme suit:

«Les États membres veillent à ce que les conditions de séjour des ressortissants de pays tiers pour lesquels l’exécution d’une décision de retour a été reportée ou qui ne peuvent être éloignés pour les motifs énoncés à l’article 8 de la présente directive ne soient pas moins favorables que ce qui est prévu aux articles 7 à 10, à l’article 15 et aux articles 17 à 20 de la directive [2003/9]» (50).

139. Lors des négociations, ces propositions de texte ont été abandonnées et, en particulier, toute référence expresse au régime accordé aux demandeurs d’asile par la directive 2003/9. Si le nouvel article 14 de la directive 2008/115 reprend en partie certaines des garanties prévues par la directive 2003/9, il en omet, néanmoins, certains éléments fondamentaux et, en particulier, la garantie d’un niveau de vie digne et adéquat.

140. Enfin, en dernier lieu, l’article 14 de la directive 2008/115 est rédigé d’une manière telle qu’il est difficile d’apprécier la portée, la forme et le niveau minimal des prestations à accorder à l’intéressé.

141. Cet article ne précise pas, en effet, quelles dispositions les États membres sont tenus d’adopter afin de préserver l’unité familiale et quel type de prise en charge il convient d’accorder aux personnes les plus vulnérables afin de répondre à leurs besoins particuliers. De la même façon, certaines expressions telles que celles visant «le traitement indispensable des maladies» sont suffisamment larges pour revêtir diverses interprétations et avoir une portée à géométrie variable selon les États membres.

142. Au vu de ces éléments, et contrairement à l’objectif affiché par le législateur de l’Union au considérant 12 de la directive 2008/115, la situation de ces «ressortissants de pays tiers qui sont en séjour irrégulier, mais qui ne peuvent pas encore faire l’objet d’un éloignement» ne peut pas être considérée comme étant «régl[ée]».

143. Dans le cadre de sa proposition de résolution sur la réduction des inégalités de santé dans l’Union européenne (51), le Parlement a d’ailleurs constaté que l’accès équitable aux services de santé consacrés à l’article 35 de la Charte n’est pas garanti en pratique ou dans la loi pour les personnes sans autorisation de séjour. En conséquence, celui-ci a appelé les États membres à veiller à ce que les migrants sans papiers puissent bénéficier – et bénéficient réellement – d’un accès équitable aux soins de santé et les a invités à engager une réflexion sur la viabilité des financements publics en matière de soins apportés aux populations migrantes en situation irrégulière, en définissant une offre de soins de base fondée sur des principes communs comme le prévoit la législation nationale.

144. Au-delà du constat dressé par le Parlement, la présente affaire dévoile une autre réalité, celle de la situation juridique et matérielle concrète dans laquelle se trouvent des migrants en attente d’éloignement.

145. Comment concrètement M. Abdida, qui est dans un état de santé critique, subvient-il à ses besoins les plus élémentaires depuis l’introduction de son recours devant le Conseil du contentieux des étrangers le 7 juillet 2011, c’est à dire depuis 3 ans?

146. Celui-ci est en situation irrégulière sur le territoire belge depuis le 29 juin 2011, date à laquelle les autorités lui ont notifié son obligation de quitter le territoire et l’ont radié du registre des étrangers. Pour autant, sa présence sur le territoire est tolérée de facto par les autorités le temps que celles-ci se prononcent sur la légalité de la décision contestée. Or, comme nous l’avons vu, cette procédure est longue, et durant de nombreux mois, voire, quelques années, l’intéressé reste non seulement dans l’incertitude quant à son éventuel éloignement, mais n’est pas non plus protégé contre une éventuelle arrestation, le séjour irrégulier étant susceptible de faire l’objet d’une sanction pénale.

147. Ce statut détermine évidemment son degré d’accès à un emploi, à un logement et aux prestations sociales et médicales, qui est, en l’occurrence, quasiment nul. M. Abdida se trouve exclu du marché régulier du travail, ce qui implique une absence de revenus pour subvenir à ses besoins et, en particulier, pour se nourrir, se vêtir et se loger. Il se trouve certainement confronté à de grandes difficultés pour accéder à un logement, la location d’un logement à un migrant en situation irrégulière pouvant, par ailleurs, être répréhensible. En outre, il ne peut accéder que d’une façon partielle à l’aide sociale puisque celle-ci est, conformément à la législation nationale applicable, limitée à l’octroi d’une aide médicale d’urgence.

148. Cet état de fait est, à l’évidence, susceptible de placer l’intéressé dans une situation d’indigence et affecte directement le respect de ses droits fondamentaux. Dans sa jurisprudence constante, la Cour EDH estime d’ailleurs qu’une insuffisance de revenus peut, dans certaines circonstances particulières, entraîner un risque pour la vie ou l’intégrité physique de l’individu ainsi qu’un risque de traitement inhumain ou dégradant, contraires aux articles 2 et 3 de la CEDH (52).

149. Si nous nous en tenons au texte de l’article 14 de la directive 2008/115, nous ne pensons pas qu’il soit cohérent de contraindre les États membres à fournir une aide médicale d’urgence si, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, il n’existe aucune prise en charge des besoins les plus élémentaires de l’intéressé. De la même façon, il n’est pas cohérent, à notre sens, de contraindre les États membres à garantir l’unité de la famille ou bien encore l’éducation de base des enfants sans que cela n’implique une obligation d’assurer la subsistance de ces individus et de leur assurer des conditions de vie humaines et dignes.

150. Nous ne pensons pas non plus qu’il soit juste et équitable que le ressortissant d’un pays tiers dont le séjour sur le territoire fait l’objet d’une tolérance de fait dans l’attente de l’examen de son recours soit traité d’une façon moins favorable que celui placé en rétention au titre de l’article 15 de la directive 2008/115. Si ce dernier est effectivement privé de sa liberté de mouvement, et ce compte tenu de son comportement, il est néanmoins logé dans un centre de rétention spécialisé qui couvre, en principe, l’ensemble de ses besoins de base, y compris une assistance juridique ainsi qu’une prise en charge sociale et médicale, et ce, durant une période pouvant aller jusqu’à 18 mois. Or, force est de constater que, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal où l’intéressé reste lui aussi «en attente d’éloignement», la couverture de ces besoins n’est pas assurée.

151. Nous ne pensons pas non plus qu’il soit cohérent d’exiger des États membres qu’ils assurent l’effectivité d’un recours et, notamment, qu’ils prévoient un recours suspensif de plein droit de la décision d’éloignement si le migrant ne peut pas, dans l’attente de la décision rendue par le juge, se nourrir, se loger et se vêtir dignement.

152. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’absence de prise en charge des besoins les plus élémentaires des migrants accentue leur marginalisation. Or, le fait qu’un ressortissant de pays tiers en attente d’éloignement soit privé, durant une période si longue après l’introduction de son recours, d’une couverture de ses besoins les plus essentiels, risque de le conduire à quitter le territoire de l’État d’accueil pour se rendre dans un autre État membre, alimentant ainsi les mouvements secondaires de migrants en situation irrégulière et par conséquent l’immigration clandestine au sein même des frontières de l’Union. Cette situation peut également l’inciter à rentrer non pas dans l’illégalité ou la clandestinité – car il se trouve déjà dans une telle situation – mais dans la criminalité, et ce afin de subvenir à ses besoins. Manifestement, de telles conséquences sont bien loin de l’objectif affiché par le législateur de l’Union au considérant 4 de la directive 2008/115 selon lequel il convient de «fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée» (53).

153. Appliquer la directive 2008/115 d’une façon telle qu’elle aboutit à de telles incohérences et à de telles irrégularités ne permet pas, à l’évidence, de garantir son effet utile.

154. La portée des garanties visées à l’article 14 de cette directive doit donc être interprétée à la lumière de son objectif qui, nous le rappelons, tend à fixer des règles claires et équitables afin de définir une politique de retour qui soit non seulement efficace, mais qui permette également d’assurer, conformément au principe directeur exprimé par le législateur à l’article 1er de ladite directive, le respect des valeurs consacrées par la Charte.

155. Or, le respect de la dignité humaine ainsi que des droits à la vie, à l’intégrité et à la santé consacré respectivement aux articles 1er, 2, 3 et 35 (54) de la Charte mais aussi l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants visée à l’article 4 de cette Charte s’opposent, à notre avis, à ce que, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier et dont l’éloignement a été suspendu de fait soit privé, dans l’attente de l’examen de son recours, d’une couverture de ses besoins de base.

156. La satisfaction des besoins les plus élémentaires est, à notre sens, un droit essentiel qui ne peut être tributaire du statut juridique de l’intéressé.

157. Si l’importance de cette prise en charge doit être déterminée par chacun des États membres, et ce compte tenu de la marge d’appréciation que leur confère la directive 2008/115, il nous semble que cette prise en charge doit être suffisante pour garantir à l’intéressé sa subsistance ainsi qu’un niveau de vie digne et adéquat pour sa santé, en lui permettant, notamment, de disposer d’un hébergement en tenant compte, le cas échéant, de ses besoins particuliers (55).

158. Au vu de ces éléments, nous considérons, par conséquent, que l’article 14 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, s’agissant des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ayant introduit un recours à l’encontre de la décision de retour, limite la prise en charge de leurs besoins de base à la seule aide médicale d’urgence. Dans une telle situation, et pendant toute la durée de la procédure contentieuse, l’État membre est tenu de garantir une prise en charge suffisante des besoins de base de l’intéressé de manière à garantir sa subsistance ainsi qu’un niveau de vie digne et adéquat pour sa santé, en lui permettant, notamment, de disposer d’un hébergement et en tenant compte, le cas échéant, de ses besoins particuliers.

IV – Conclusion

159. À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit à la cour du travail de Bruxelles:

«1)      La directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, ainsi que la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, doivent être interprétées en ce sens que les garanties d’ordre procédural et les avantages sociaux fixés dans ce cadre par le législateur de l’Union ne sont pas applicables à une demande d’autorisation de séjour pour raisons médicales fondée sur l’article 9 ter de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

2)      L’article 13, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de procédure nationale qui exclut l’existence d’un recours de plein droit suspensif lorsque ce recours est introduit à l’encontre d’une décision de retour dont l’exécution est susceptible d’exposer l’intéressé à un risque de traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et ce compte tenu de son état de santé.

3)      L’article 14 de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, s’agissant des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ayant introduit un recours à l’encontre de la décision de retour, limite la prise en charge de leurs besoins de base à la seule aide médicale d’urgence. Dans une telle situation, et pendant toute la durée de la procédure contentieuse, l’État membre est tenu de garantir une prise en charge suffisante des besoins de base de l’intéressé de manière à garantir sa subsistance ainsi qu’un niveau de vie digne et adéquat pour sa santé, en lui permettant, notamment, de disposer d’un hébergement et en tenant compte, le cas échéant, de ses besoins particuliers.»


1 – Langue originale: le français.


2 – Directive du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (JO L 31, p. 18). Cette directive a été remplacée par la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO L 180, p. 96).


3 – Directive du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12, et rectificatif JO 2005, L 204, p. 24).


4 – Directive du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326, p. 13, et rectificatif JO 2006, L 236, p. 36).


5 –      Ci-après la «Charte».


6 – Conclusions M’Bodj (C‑542/13, EU:C:2014:2113).


7 – JO L 348, p. 98.


8 – Voir article 1er de cette directive.


9 –      Voir conclusions M. (C‑277/11, EU:C:2012:253, point 19) ayant donné lieu à l’arrêt M. (C‑277/11, EU:C:2012:744, point 72).


10 – Cette convention, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, nº 2545 (1954)], est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967, entré en vigueur le 4 octobre 1967.


11 – Dans l’arrêt M. (EU:C:2012:744), la Cour a relevé que la nature des droits inhérents au statut de réfugié et celle des droits inhérents au statut conféré par la protection subsidiaire sont en effet différentes (point 92). Il faut néanmoins relever que la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, laquelle procède à une refonte de la directive 2004/83, élimine les différences existantes dans le niveau des droits conférés aux réfugiés et aux bénéficiaires d’une protection subsidiaire s’agissant de l’accès aux soins de santé (article 30). Une telle différence n’a néanmoins pas été éliminée concernant la protection sociale (article 29).


12 – Voir article 1er ainsi que considérants 2 et 11 de ladite directive.


13 – Loi telle que modifiée par la loi du 15 septembre 2006 (ci-après la «loi du 15 décembre 1980»).


14 – Voir arrêt de la Cour constitutionnelle nº 43/2013, du 21 mars 2013, point B 13, p. 16.


15 – Le statut de protection subsidiaire permet à celui qui en bénéficie de disposer d’un titre de séjour d’une durée d’un an, lequel est renouvelable pendant cinq ans. Au-delà de cette période de cinq ans, l’intéressé peut être admis au séjour pour une durée illimitée sur le fondement de l’article 49/2, paragraphes 2 et 3, de la loi du 15 décembre 1980.


16 –      Moniteur belge du 31 décembre 1996, p. 32518, modifié le 13 janvier 2003 (Moniteur belge du 17 janvier 2003, p. 1553).


17 –      Ainsi que nous l’avons signalé aux points 34 à 37 des conclusions M’Bodj (EU:C:2014:2113), un désaccord existe entre les autorités nationales sur le point de savoir si une telle autorisation de séjour constitue une transposition de l’article 15, sous b), de la directive 2004/83.


18 –      Voir, à cet égard arrêt Diakité (C‑285/12, EU:C:2014:39).


19 – Ainsi que l’a relevé la Cour dans l’arrêt B et D (C-57/09 et C‑101/09, EU:C:2010:661), il ressort de l’article 2, sous g), in fine, de la directive 2004/83 que celle-ci ne s’oppose pas à ce qu’une personne demande à être protégée dans le cadre d’un «autre type de protection » ne relevant pas de son champ d’application (point 116).


20 – Ci-après la «CEDH». Convention signée à Rome le 4 novembre 1950.


21 – La directive 2004/83, à l’instar de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, part du principe que les États membres d’accueil peuvent accorder, conformément à leur droit national, une protection nationale assortie de droits permettant aux personnes exclues du statut de réfugié en vertu de l’article 12, paragraphe 2, de ladite directive de séjourner sur le territoire de l’État membre concerné.


22 –      Voir note de la présidence du Conseil de l’Union européenne au comité stratégique sur l’immigration, les frontières et l’asile, du 25 septembre 2002 (12148/02, p. 6).


23 – Ci-après la «Cour EDH».


24 – Cour EDH, 2 mai 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-III. Dans cette affaire, la Cour EDH a jugé que la mise à exécution de la décision d’expulsion d’un individu souffrant du SIDA constituerait, en cas de retour dans son pays d’origine, une violation de l’article 3 de la CEDH dans la mesure où celui-ci était exposé à un risque réel de mourir dans des circonstances particulièrement douloureuses. Dans son jugement, la Cour EDH a tenu compte du fait que l’intéressé se trouvait à un stade avancé de la maladie et que le retrait abrupte des soins médicaux procurés dans l’État d’accueil, conjugué à l’absence de traitement adéquat dans son pays d’origine, ainsi qu’à l’absence de toute forme de soutien moral et d’assistance sociale précipiteraient la mort de l’intéressé et le soumettraient à des souffrances physiques et mentales aigues (§ 42, 51 à 54). La Cour EDH a ainsi déclaré se réserver une souplesse suffisante pour traiter de l’application de l’article 3 de la CEDH dans les situations dans lesquelles le risque que l’intéressé subisse des traitements interdits dans le pays de destination provient de facteurs qui ne peuvent engager, ni directement ni indirectement, la responsabilité des autorités publiques de ce pays ou qui, pris isolément, n’enfreignent pas par eux-mêmes les normes de cet article. Dans une telle hypothèse, les États contractants ne peuvent donc mettre à exécution leur décision d’expulsion pour des considérations humanitaires jugées impérieuses, et ce au risque d’engager leur responsabilité au titre de l’article 3 de la CEDH.


25 – Italique ajouté par nos soins.


26 – C‑465/07, EU:C:2009:94.


27 – Ibidem, point 28.


28 – McAdam, J., «The Qualification Directive: An Overview», The Qualification Directive: Central Themes, Problem Issues, and Implementation in Selected Member States, Wolf Legal Publishers, Nimègue, 2007, p. 19.


29 –      Voir, à cet égard, arrêt Diakité (EU:C:2014:39, point 24).


30 –      Nous rappelons qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de la procédure de coopération avec les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à la Cour de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, la Cour peut prendre en considération des normes de droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans ses questions préjudicielles dans la mesure où ces normes sont nécessaires aux fins de l’examen du litige au principal [voir, notamment, arrêt Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (C‑157/10, EU:C:2011:813) points 18 à 20 et jurisprudence citée)].


31 –      Aux termes de cette disposition, une «décision de retour» est «une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour».


32 – C‑617/10, EU:C:2013:105, point 21.


33 – C‑390/12, EU:C:2014:281, point 34.


34 – Voir article 12, paragraphe 2, de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, COM(2005) 391 final, du 1er septembre 2005 (ci-après la «proposition de directive»), lequel était rédigé comme suit: «Ce recours juridictionnel a un effet suspensif ou confère au ressortissant d’un pays tiers le droit de demander le sursis à l’exécution de la décision de retour ou d’éloignement, auquel cas l’exécution de ladite décision est reportée jusqu’à ce qu’elle soit confirmée ou ne soit plus susceptible de recours suspensif» (italique ajouté par nos soins).


35 – Voir également considérants 2 et 11 de ladite directive.


36 – Voir les principes généraux relatifs à l’effectivité des recours et des garanties à fournir par les États contractants en cas d’expulsion d’un étranger en vertu des articles 13 et 3 combinés de la CEDH, résumés dans les arrêts Cour EDH, M.S.S c. Belgique et Grèce [GC], nº 30696/09, § 286 à 293, CEDH 2011, ainsi que Cour EDH, I.M. c. France, nº 9152/09, § 127 à 135, 2 février 2012, et Cour EDH, De Souza Ribeiro c. France [GC], nº 22689/07, § 77 à 83, CEDH 2012.


37 –      Voir Cour EDH, I.M. c. France, précité, § 132 à 134 et jurisprudence citée.


38 –      S.J. c. Belgique, nº 70055/10, 27 février 2014. Cet arrêt fait l’objet d’un renvoi en grande chambre.


39 –      § 95.


40 – § 96 et 97.


41 – § 103.


42 – Idem.


43 – § 104.


44 – § 106.


45 – Nous renvoyons à l’exposé des articles 39/82 à 39/85 de la loi du 15 décembre 1980 figurant aux points 44 à 47 des présentes conclusions.


46 – Dans le cadre des travaux préparatoires de la directive, le Parlement européen avait néanmoins formulé une proposition en ce sens. Voir amendement 53 porté à l’article 13, paragraphe 1, dans le rapport du Parlement européen sur la proposition de directive (A6-0339/2007).


47 – Italique ajouté par nos soins.


48 – Italique ajouté par nos soins.


49 –      Considérants 7 et 8 de la directive 2003/9.


50 – Italique ajouté par nos soins. Nous remarquons néanmoins que la Commission ne s’est pas expressément référée aux articles 13 et 14 de la directive 2003/9, lesquels garantissent aux demandeurs d’asile des conditions matérielles d’accueil leur assurant un niveau de vie adéquat ainsi que leur subsistance. L’article 13, paragraphe 2, de cette directive contraint, en effet, les États membres à prévoir des conditions d’accueil (une aide matérielle ou financière) permettant de «garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs [d’asile]». Quant à l’article 14, il prévoit que, «lorsque le logement est fourni en nature, il doit [prendre la forme de] «centres d’hébergement offrant un niveau de vie suffisant» ou de «maisons, [...] appartements, [...] hôtels privés ou [...] autres locaux adaptés à l’hébergement des demandeurs».


51 –      Rapport du 8 février 2011, sur la réduction des inégalités de santé dans l’Union européenne [2010/2089(INI)], voir, notamment, considérant AD et point 5.


52 –      Voir, en ce qui concerne l’article 2 de la CEDH, les arrêts Cour EDH, Kutepov et Anikeyenko c. Russie, nº 68029/01, § 62, 25 octobre 2005, et Cour EDH, Huc c. Roumanie et Allemagne (déc.), nº 7269/05, § 59, 1er décembre 2009, ainsi que, s’agissant de l’article 3 de la CEDH, Cour EDH Larioshina c. Russie (déc.), nº 56869/00, 23 avril 2002, et Cour EDH Budina c. Russie (déc.), nº 45603/05, 18 juin 2009.


53 –      Considérant 4 de la directive 2008/115. Italique ajouté par nos soins.


54 –      Conformément à cette disposition, «[t]oute personne a le droit d’accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales. Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union».


55 –      Nous nous référons, à cet égard, à l’arrêt Saciri e.a. (C‑79/13, EU:C:2014:103) dans lequel la Cour s’est prononcée quant aux conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, et, en particulier, au point 40.