Language of document : ECLI:EU:T:2013:306


DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 juin 2013 (*)

« Concurrence – Concentrations – Marchés du commerce de produits de consommation courante – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur – Engagements – Erreur manifeste d’appréciation – Droit d’être entendu – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑405/08,

Spar Österreichische Warenhandels AG, établie à Salzbourg (Autriche), représentée initialement par Mes A.-H. Bischke, S. Brack et D. Bräunlich, puis par Mes Bischke et Bräunlich, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. S. Noë, N. von Lingen et O. Weber, puis par MM. Noë, von Lingen et R. Sauer, en qualité d’agents, assistés de MM. Buntscheck, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Billa AG, établie à Wiener Neudorf (Autriche), représentée par Mes H. Wollmann, G. Drauz et F. Urlesberger, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission, du 23 juin 2008, déclarant l’opération de concentration par laquelle Billa AG a acquis le contrôle exclusif d’Adeg Österreich Handels AG compatible avec le marché commun (affaire COMP/M.5047 – REWE/ADEG), sous réserve du respect des engagements proposés, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen (rapporteur) et Mme M. E. Martins Ribeiro, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er mars 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

A –  Entreprises en cause

1        Billa AG est une société appartenant au groupe REWE. REWE est un groupe d’entreprises allemand, présent dans plusieurs pays européens, actif dans le commerce de détail de produits de consommation courante, alimentaires et non alimentaires, dans le commerce de gros de produits de consommation courante, alimentaires et non alimentaires, ainsi que dans les secteurs du voyage et du tourisme.

2        Adeg Österreich Handels AG (ci-après « Adeg ») opère dans le commerce de détail et de gros de biens de consommation courante en Autriche.

3        La requérante, Spar Österreichische Warenhandels AG, opère dans le commerce de détail de biens de consommation courante en Autriche.

B –  Procédure administrative devant la Commission

4        Le 23 avril 2008, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), du projet de concentration par lequel Billa acquiert, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 139/2004, le contrôle d’Adeg par achat d’actions (ci-après le « projet de concentration »).

5        Le 30 avril 2008, la Commission a envoyé un questionnaire aux acteurs concernés du marché afin de recenser les effets concurrentiels du projet de concentration (ci-après le « questionnaire acteurs du marché »). Le même jour, un autre questionnaire a été envoyé aux fournisseurs de REWE et d’Adeg (ci-après le « questionnaire fournisseurs »).

6        Le 7 mai 2008, par une communication publiée au Journal officiel de l’Union européenne, la Commission a invité les tiers intéressés à donner leur avis sur le projet de concentration dans un délai de dix jours à compter de cette date (JO C 112, p. 36).

7        Le même jour, au cours d’un entretien entre les représentants de la requérante et ceux de la Commission, la requérante a exprimé des doutes quant aux effets concurrentiels du projet de concentration et a remis un exposé écrit de ces doutes.

8        Le 9 mai 2008, la requérante a répondu au questionnaire acteurs du marché.

9        Le 16 mai 2008, la requérante a remis à la Commission ses observations écrites sur le projet de concentration. Le même jour, la Commission a adressé des questions à la requérante concernant ses réponses au questionnaire acteurs du marché. La requérante y a répondu le 20 mai 2008.

10      Le 22 mai 2008, la Commission a posé de nouvelles questions, auxquelles la requérante a répondu par lettre du 26 mai 2008.

11      Le 27 mai 2008, pour compléter ses observations écrites sur le projet de concentration du 16 mai 2008, la requérante a remis une nouvelle lettre à la Commission.

12      Le même jour, REWE a proposé des engagements à la Commission.

13      Le 28 mai 2008, les représentants de la requérante ont rencontré ceux de la Commission.

14      Par décision du 29 mai 2008, prise au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004, la Commission a constaté que les informations communiquées par REWE à la suite d’une demande de renseignements n’étaient pas complètes et a décidé, en conséquence, en application de l’article 9 du règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en oeuvre du règlement n° 139/2004 (JO L 133, p. 1), de suspendre les délais visés à l’article 10, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 139/2004, durant la période comprise entre la fin du délai fixé dans la première demande d’informations et la réception des informations complètes requises par la décision en question, conformément à l’article 11, paragraphe 3, de ce dernier règlement.

15      Le 30 mai 2008, REWE a communiqué les renseignements requis.

16      Le 10 juin 2008, REWE a proposé des modifications de ses engagements.

17      Le 11 juin 2008, la requérante a transmis à la Commission ses observations sur les engagements de REWE. Le même jour, elle a reçu de la Commission un questionnaire sur les modifications des engagements proposées le 10 juin 2008 (ci-après le « questionnaire engagements »). Elle y a répondu le 13 juin 2008.

18      Le 19 juin 2008, REWE a remis à la Commission une nouvelle proposition d’engagements.

19      Le même jour, a eu lieu une dernière rencontre entre les représentants de la requérante et ceux de la Commission, au cours de laquelle la requérante a réitéré ses objections à l’encontre du projet de concentration. À la suite de cette réunion, la requérante a transmis, le 20 juin 2008, un document concernant la fiabilité des données auxquelles se référait les modifications des engagements proposées le 10 juin 2008.

20      Le 23 juin 2008, la Commission a adopté la décision déclarant le projet de concentration compatible avec le marché commun, sous réserve du respect des engagements proposés, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 139/2004 (affaire COMP/M.5047 – REWE/ADEG, ci-après la « décision attaquée »), dont la version non confidentielle a été publiée au Journal officiel dans la langue faisant foi, l’allemand (JO C 177, p.6).

21      Le 9 juillet 2008, la Commission a communiqué à la requérante la version non confidentielle de la décision attaquée.

22      Le 29 avril 2011, la Commission a adopté une nouvelle décision, confirmant et complétant la décision attaquée.

C –  Contenu de la décision attaquée

1.     Marchés concernés

23      Il ressort de la décision attaquée que :

–        le projet de concentration concerne le marché du commerce de détail de biens de consommation courante (ci-après le « marché du commerce de détail »), le marché du commerce de gros de biens de consommation courante (ci-après le « marché du commerce de gros ») ainsi que plusieurs marchés de l’approvisionnement ;

–        les détaillants à bas prix font partie du marché du commerce de détail ;

–        la réponse à la question de savoir si les produits « non-food II », à savoir les produits non alimentaires qui ne sont pas de consommation courante, comme les appareils de télévision, les bicyclettes ou les jouets, font partie du marché du commerce de détail peut rester en suspens dans la mesure où elle n’a pas d’impact sur l’appréciation des effets du projet de concentration sur la concurrence ;

–        le marché du commerce de détail couvre l’ensemble du territoire de l’Autriche, même si, du point de vue du consommateur, le marché du commerce de détail est normalement limité à un territoire sur lequel les magasins sont facilement accessibles, à savoir un rayon d’environ 20 à 30 minutes de transport en voiture ;

–        en ce qui concerne le marché du commerce de gros ainsi que les marchés de l’approvisionnement, la Commission considère que, quelle que soit la délimitation retenue, tant du point de vue des produits concernés que du point de vue de la zone géographique visée, le projet de concentration ne donne pas lieu à des doutes d’ordre concurrentiel.

2.     Effets du projet de concentration sur la concurrence

24      En ce qui concerne le marché du commerce de détail, la Commission estime d’abord que, à la suite de la concentration, en ce qui concerne le marché autrichien :

–        les parts de marché communes à REWE et à Adeg (ci-après, prises ensemble, les « parties à la concentration ») resteront « modérées », se situant entre 30 et 35 %, Adeg ne contribuant que peu, entre 0 et 5 %, à cette part de marché commune ;

–        subsistera une « série de concurrents significatifs », dont la requérante, laquelle est le plus gros concurrent avec une part de marché d’environ 28 %, et le détaillant à bas prix Hofer avec une part de marché substantielle de 19 %, lequel gagne en permanence de nouvelles parts de marché ;

–        la pression concurrentielle exercée par Adeg est faible, notamment dans ses rapports avec REWE ;

–        le renforcement de la puissance d’achat de REWE est limité et il est peu probable que REWE puisse mettre à profit sa puissance d’achat pour évincer des concurrents ;

–        l’effet sur les prix sera très limité.

25      La Commission constate ensuite que les parties à la concentration bénéficieront, au niveau de 24 districts « critiques », d’un accroissement de leur chiffre d’affaires proportionnellement plus important qu’au niveau national, ce qui aura probablement des répercussions sur la structure nationale des prix avec pour conséquence un relèvement général du niveau des prix. Elle en conclut que le projet de concentration donne lieu à des doutes sérieux quant à une entrave significative à une concurrence effective sur le marché du commerce de détail en Autriche.

26      Selon la décision attaquée, un district « critique » est celui dans lequel :

–        soit la part de marché commune aux parties à la concentration est supérieure à 45 %, avec un accroissement de cette part de marché à la suite de la concentration ;

–        soit la part de marché commune aux parties à la concentration se situe entre 35  et 45 %, avec une augmentation de cette part de marché, à la suite de la concentration, d’au moins 5 %.

27      En ce qui concerne le marché du commerce de gros, la Commission déclare que le projet de concentration ne soulève pas de doutes d’ordre concurrentiel, les parts de marché de REWE et d’Adeg sur ce marché étant faibles en Autriche.

28      Quant aux effets concurrentiels du projet de concentration sur les marchés de l’approvisionnement, la Commission indique d’abord que, compte tenu de l’élimination des doutes d’ordre concurrentiel sur le marché du commerce de détail, du fait des engagements pris par REWE, il n’y a pas lieu de craindre que des problèmes d’ordre concurrentiel préjudicient aux intérêts des consommateurs sur les marchés de l’approvisionnement. Elle considère ensuite que la puissance d’achat de REWE n’entraînerait ni une limitation de la production ni une éviction de concurrents. Elle conclut enfin que le projet de concentration ne soulève pas de doutes sérieux quant à ses effets sur la concurrence en ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement.

3.     Engagements pris par REWE

29      Il ressort de la décision attaquée que les engagements pris par REWE sont considérés par la Commission comme de nature à éliminer les doutes sérieux quant à la compatibilité du projet de concentration avec le marché commun en ce qui concerne le marché du commerce de détail.

30      Selon la description effectuée dans la décision attaquée, les engagements pris par REWE sont les suivants :

–        premièrement, tous les établissements d’Adeg exploités en régie présents dans les 24 districts « critiques » sont cédés ;

–        deuxièmement, REWE s’engage à veiller à ce que les commerçants « Adeg » indépendants établis dans les districts « critiques » aient la possibilité, sans restriction, de se lier à un autre grossiste en produits alimentaires. Cet engagement est réputé rempli si, d’une part, le commerçant « Adeg » concerné n’a pas à observer en vertu d’éventuels accords contractuels existant avec Adeg, avant de se lier à un autre grossiste en produits alimentaires, de délai de résiliation d’une durée supérieure à trois mois et si, d’autre part, le commerçant « Adeg » concerné n’a pas à s’acquitter, à l’occasion de la cessation de ses relations d’affaires avec Adeg, de prestations financières au profit d’Adeg d’une valeur supérieure à 50 000 euros. Dans le cas où les commerçants « Adeg » qui souhaitent cesser leur relation d’affaires avec Adeg exercent leur activité dans un bien immobilier loué auprès d’Adeg, REWE s’engage à ce que ces commerçants se voient offrir un bail d’une durée minimale de 5 ans aux conditions normales du marché. REWE s’engage en outre à déployer tous les efforts raisonnables pour qu’un nombre suffisant de commerçants « Adeg » quittent effectivement Adeg dans les districts « critiques » pour une période de [confidentiel](1) ans, sans toutefois être tenu de mettre un terme aux relations d’affaires existant entre les commerçants « Adeg » et Adeg lorsque une telle rupture est contraire aux souhaits des commerçants « Adeg » ;

–        troisièmement, si REWE ne parvient pas à obtenir que des commerçants « Adeg » indépendants quittent Adeg, il s’engage à céder des succursales lui appartenant en propre (régime dit des « joyaux de la couronne ») dont le chiffre d’affaires agrégé correspond à au moins 65 % du chiffre d’affaires agrégé réalisé en 2007 sur le marché du commerce de détail par les commerçants « Adeg » dont le départ d’Adeg aurait été nécessaire pour apurer les problèmes de concurrence.

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

32      Le 17 décembre 2008, la Commission a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense et s’est engagée à produire une version non confidentielle dudit mémoire en vue de la publication du rapport d’audience et de l’arrêt.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2009, Billa a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

34      Le 11 mars 2009, la requérante a demandé que soit accordé un traitement confidentiel à l’égard de certaines données relevant, selon elle, du secret des affaires.

35      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 15 avril 2009, la requérante a demandé au Tribunal de ne pas communiquer à Billa les pièces de procédure désignées dans son courrier du 11 mars 2009 comme étant confidentielles, pour le cas où Billa serait admise à intervenir.

36      Par ordonnance du 3 juin 2009, le président de la première chambre du Tribunal a admis Billa à intervenir au litige à l’appui des conclusions de la Commission. Il a également décidé de communiquer à l’intervenante une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties et a réservé sa décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel de la requérante à l’égard de l’intervenante.

37      Par lettre du 17 juin 2009, l’intervenante a été invitée à présenter ses observations sur les versions non confidentielles des mémoires et annexes qui lui avaient été transmises. Le 8 juillet 2009, l’intervenante a émis des objections quant au traitement confidentiel d’une annexe de la requête, auxquelles elle a finalement renoncé après que la requérante a modifié sa demande de traitement confidentiel le 12 janvier 2010.

38      L’intervenante a déposé son mémoire et les autres parties leurs observations sur ce mémoire, dans les délais impartis. Le 14 avril 2010, l’intervenante a déposé un mémoire complémentaire, auquel les autres parties ont répondu par courriers du 3 juin 2010.

39      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        ordonner à la Commission, au titre de l’article 64, paragraphe 3, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la production des réponses au questionnaire fournisseurs, au questionnaire acteurs du marché ainsi qu’au questionnaire engagements.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la requérante tendant à ce qu’il lui soit enjoint de produire, en application de l’article 64, paragraphe 3, sous c), du règlement de procédure, les réponses au questionnaire fournisseurs, au questionnaire acteurs du marché ainsi qu’au questionnaire engagements et, à titre subsidiaire, la dispenser de produire l’exploitation des réponses faite par elle dans le cadre de la fiche statistique jointe en annexe B 2 au mémoire en défense ainsi que les versions non confidentielles des documents demandés par la requérante ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

41      Billa conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens y compris ceux exposés par l’intervenante.

42      Le 8 septembre 2011, la requérante a déposé au greffe du Tribunal un courrier relatif à l’adaptation de ses conclusions et moyens afin de viser la décision du 29 avril 2011, citée au point 22 ci-dessus, et a communiqué au Tribunal la copie de ladite décision ainsi que ses observations sur cette décision. Le Tribunal a versé ces documents au dossier de l’affaire et a invité la Commission et l’intervenante à présenter leurs observations, ce qu’elles ont fait le 24 novembre 2011.

43      Le 21 novembre 2011, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a posé par écrit des questions aux parties ainsi que demandé la production de documents. Les parties ont satisfait à ces demandes.

 En droit

44      La requérante invoque deux moyens à l’appui du recours. Le premier est tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 139/2004. Le second est tiré d’une violation des formes substantielles.

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 139/2004

45      La requérante soutient en substance que, compte tenu de l’importance des effets du projet de concentration sur la concurrence et de l’inaptitude des engagements proposés par REWE à dissiper les doutes en matière de concurrence, la Commission était tenue d’engager la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 139/2004.

46      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 6 du règlement n° 139/2004 distingue deux phases de la procédure de contrôle des concentrations. Dans le cadre de la première phase, la Commission peut décider qu’un projet de concentration est compatible avec le marché commun au motif qu’il ne soulève pas de doutes d’ordre concurrentiel [article 6, paragraphe 1, sous b)] ou décider qu’un projet de concentration est compatible avec le marché commun même s’il présente des doutes d’ordre concurrentiel, dès lors que des modifications du projet ont été par la suite apportées par les parties à la concentration [article 6, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2]. Dans le cadre de la seconde phase, la Commission décide d’engager la procédure d’examen approfondi si elle constate que le projet de concentration soulève des doutes sérieux d’ordre concurrentiel [article 6, paragraphe 1, sous c)].

47      Il ressort également de la lecture combinée des dispositions de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 139/2004 et du paragraphe 2 dudit article que la Commission peut décider que, du fait des engagements pris par les entreprises concernées par la concentration, il n’existe plus de doutes sérieux quant à la compatibilité de cette dernière avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, ARD/Commission, T‑158/00, Rec. p. II‑3825, point 163).

48      Ainsi, afin de vérifier si, dans un cas d’espèce, la Commission s’est à bon droit fondée sur les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, sous b), et celles de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 139/2004 pour décider que le projet de concentration était compatible avec le marché commun, il convient d’examiner si la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation, d’une part, des effets du projet de concentration sur la concurrence et, d’autre part, des engagements pris par REWE en vue de dissiper les doutes en matière de concurrence.

49      Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004, doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci. À l’inverse, la Commission est tenue de déclarer compatible avec le marché commun toute opération de concentration notifiée entrant dans le champ d’application dudit règlement, dès lors que les deux conditions prévues par ladite disposition ne sont pas remplies (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T-102/96, Rec. p. II-753, point 170 ; du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T-342/99, Rec. p. II-2585, points 58 et 82, et du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, Rec. p. II‑1931, point 45).

50      La position dominante, visée à l’article 2 du règlement n° 139/2004, concerne une situation de puissance économique détenue par une ou plusieurs entreprises qui leur donnerait le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en leur fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable à l’égard de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Gencor/Commission, point 49 supra, point 200, et du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, point 195).

51      Selon une jurisprudence constante, le contrôle exercé par le juge de l’Union européenne sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère le règlement n° 139/2004 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, points 223 et 224 ; arrêts du Tribunal du 3 avril 2003, Petrolessence et SG2R/Commission, T‑342/00, Rec. p. II‑1161, point 101, et du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, Rec. p. II‑3745, point 151).

52      À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union doit vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt de la Cour du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, Rec. p. I‑987, point 39 ; arrêt du Tribunal du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, Rec. p. II‑1219, point 54).

53      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé du premier moyen.

54      Le premier moyen est constitué de cinq branches. Dans le cadre des trois premières branches, la requérante entend démontrer que la Commission a commis des erreurs manifestes, d’une part, dans l’appréciation des effets du projet de concentration sur la concurrence en ce qui concerne le marché du commerce de détail, au niveau national (première branche) et au niveau infranational (deuxième branche) et, d’autre part, dans l’appréciation des engagements pris par REWE en vue de dissiper les doutes en matière de concurrence sur ce marché (troisième branche). Les quatrième et cinquième branches sont tirées d’erreurs manifestes commises par la Commission dans l’appréciation des effets du projet de concentration sur la concurrence en ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement.

1.     Sur la première branche, tirée de l’appréciation manifestement erronée des effets concurrentiels du projet de concentration sur le marché du commerce de détail au niveau national

55      Au soutien de la première branche, la requérante soulève sept griefs. Elle soutient que la Commission, premièrement, a méconnu la structure fortement concentrée du marché du commerce de détail en Autriche, deuxièmement, a surestimé l’importance des autres concurrents, troisièmement, a sous-estimé la pression concurrentielle et la concurrence potentielle d’Adeg, quatrièmement, n’a pas examiné les effets du projet de concentration sur la concurrence sans tenir compte des produits « non-food II », cinquièmement, a procédé à une appréciation contradictoire avec celle effectuée dans l’affaire IV/M.1221 – REWE/Meinl (ci-après l’« affaire REWE/Meinl »), sixièmement, a incorrectement apprécié l’interaction du marché de la distribution et des marchés de l’approvisionnement, septièmement, n’a pas considéré, à tort, que les parts de marché communes aux parties à la concentration étaient critiques.

56      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le sixième grief de la requérante pris de ce que la Commission n’aurait pas correctement apprécié l’interaction du marché de la distribution et des marchés de l’approvisionnement sera examiné dans le cadre de l’examen des quatrième et cinquième branches du premier moyen, auxquelles il est étroitement lié.

a)     Sur le premier grief, selon lequel la Commission a méconnu la structure fortement concentrée du marché du commerce de détail en Autriche

57      D’abord, la requérante prétend que l’affirmation de la Commission selon laquelle les parts de marché communes aux parties à la concentration sont « modérées » méconnaît les lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004 C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices »). Ensuite, elle soutient que l’absence de mention de l’indice de Herfindahl-Hirschmann (IHH) dans la décision attaquée est également contraire aux lignes directrices. Enfin, elle indique que la décision attaquée est silencieuse sur le renforcement, par le projet de concentration, du caractère fortement concentré du marché du commerce de détail en Autriche.

58      S’agissant de la prétendue méconnaissance des lignes directrices en ce que la Commission a affirmé que les parts de marché communes aux parties à la concentration étaient « modérées », il convient de rappeler que la Commission est liée par les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des concentrations, dans la mesure où elles ne s’écartent pas des normes du traité et du règlement n° 139/2004 (arrêts du Tribunal du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, Rec. p. II‑1279, point 143, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, Rec. p. II‑2149, point 55).

59      Il ressort du paragraphe 17 des lignes directrices, d’une part, que seule une part de marché particulièrement élevée de 50 % et plus peut, en elle-même, constituer la preuve de l’existence d’une position dominante sur le marché et, d’autre part, que, si avec une part de marché inférieure à 50 % l’opération de concentration peut néanmoins soulever des problèmes de concurrence, c’est en raison d’autres facteurs, comme, notamment, la puissance des concurrents et leur nombre (voir, en ce sens, arrêts Gencor/Commission, point 49 supra, point 201, et Sun Chemical Group e.a./Commission, point 58 supra, point 135).

60      En l’espèce, la requérante fait valoir que, en tenant compte des détaillants à bas prix, la part de marché commune des parties à la concentration citée dans la décision attaquée était de 35,1 % en 2007, tandis que celle mentionnée dans l’étude effectuée par une société d’audit, produite par la requérante dans le cadre de la procédure devant la Commission, était de 35,5 % pour la même année 2007.

61      Il suffit de constater, au regard du paragraphe 17 des lignes directrices, que, en tenant compte d’une part de marché commune aux parties à la concentration tant de 35,1 que de 35,5 %, la Commission n’a pas méconnu les lignes directrices en estimant que la part de marché commune aux parties à la concentration était « modérée ».

62      À supposer que la requérante entende faire valoir que, avec une part de marché inférieure à 50 %, le projet de concentration soulève néanmoins des problèmes de concurrence, il y a lieu d’indiquer que les arguments de la requérante portant sur d’autres facteurs, tels que l’importance des autres concurrents ou la pression concurrentielle d’Adeg, seront examinés aux points 73 à 93 ci-après.

63      Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle en excluant les détaillants à bas prix, la part de marché commune aux parties à la concentration serait de 45,8 %, il suffit de constater que, pour justifier l’exclusion des détaillants à bas prix du calcul de la part de marché commune aux parties à la concentration, la requérante se borne à invoquer la pression concurrentielle minime des détaillants à bas prix, sans toutefois parvenir à l’établir, ainsi qu’il ressort des points 79 à 81 ci-après.

64      En ce qui concerne le grief pris de ce que la Commission n’aurait procédé à aucun calcul de l’IHH, il y a d’abord lieu de constater que la Commission admet elle-même ne pas avoir procédé à ce calcul. Il convient dès lors de vérifier si, ce faisant, la Commission a méconnu les lignes directrices.

65      Selon le paragraphe 14 des lignes directrices, le degré de concentration donne souvent une première indication utile sur la structure du marché et sur l’importance des parties à la concentration. Il ressort également du paragraphe 16 des lignes directrices que le degré de concentration global d’un marché peut constituer une donnée précieuse sur les conditions de concurrence. Selon ce dernier paragraphe, pour mesurer les degrés de concentration, la Commission utilise souvent l’IHH, lequel est égal à la somme des carrés des parts de marché de chacune des entreprises présentes sur le marché. Si le niveau absolu de l’IHH peut donner une première indication des pressions concurrentielles qui s’exerceront sur le marché à l’issue de l’opération de concentration, la variation de l’IHH, connue sous le nom de « delta », est un indicateur utile de la modification du degré de concentration qui résultera directement de l’opération.

66      Toutefois, ni le paragraphe 14 ni le paragraphe 16 des lignes directrices n’imposent à la Commission de traiter de l’IHH dans toutes ses décisions (voir, en ce sens, arrêt Sun Chemical Group e.a./Commission, point 58 supra, point 140).

67      Il convient de constater ensuite que les paragraphes 19 à 21 des lignes directrices définissent, pour l’essentiel, les seuils de l’IHH en dessous desquels une concentration ne pose pas, en toute probabilité, de problèmes concurrentiels. Ainsi, dans les lignes directrices, la Commission estime, notamment, qu’il est peu probable qu’une opération soulève des problèmes de concurrence horizontaux sur un marché lorsque l’IHH, à l’issue de l’opération, est compris entre 1 000 et 2 000 et que le delta est inférieur à 250, ou lorsque l’IHH, à l’issue de l’opération, est supérieur à 2 000 et que le delta est inférieur à 150, sauf dans des cas exceptionnels.

68      La requérante soutient, sans être démentie par la Commission, que, en l’espèce, l’IHH est passé de 2 149 avant la concentration à environ 2 500 après la concentration, ce qui représente un delta d’environ 350. Ces valeurs indiquent, certes, que les effets de la concentration sur le marché dépassent les seuils de l’IHH en dessous desquels il est, en principe, exclu que la concentration pose des problèmes concurrentiels. Toutefois, la seconde phrase du paragraphe 21 des lignes directrices précise qu’un dépassement de ces seuils ne donne pas lieu à une présomption d’existence de problèmes concurrentiels. Il convient toutefois de considérer que plus le dépassement de ces seuils est prononcé, plus les valeurs sont révélatrices de problèmes concurrentiels (voir, en ce sens, arrêt Sun Chemical Group e.a./Commission, point 58 supra, point 138).

69      En l’espèce, il ne saurait être considéré que la valeur de l’IHH après la concentration fournit un indice clair de l’existence de problèmes concurrentiels, puisqu’elle ne dépasse pas de manière prononcée le seuil IHH de 2000 (voir, en ce sens, arrêt Sun Chemical Group e.a./Commission, point 58 supra, point 139). Seul le delta franchit clairement le seuil IHH correspondant. Or, si le dépassement des seuils énoncés aux paragraphes 19 et 20 des lignes directrices est le seul à être susceptible d’indiquer des problèmes concurrentiels, alors que ni les parts de marché ni les autres facteurs examinés n’indiquent de tels problèmes, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir méconnu les lignes directrices en n’examinant pas les degrés de concentration dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Sun Chemical Group e.a./Commission, point 58 supra, point 139).

70      En l’occurrence, ainsi qu’il a déjà été mentionné aux points 59 à 61 ci-dessus, les parts de marché communes aux parties à la concentration ne sauraient, en tant que telles, établir l’existence d’une position dominante. Quant aux arguments de la requérante portant sur d’autres facteurs d’appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration, à savoir l’importance des autres concurrents ainsi que la pression concurrentielle d’Adeg, ils seront examinés aux points 73 à 93 ci-après.

71      S’agissant de l’absence prétendue de prise en compte du renforcement du caractère « fortement concentré » du commerce de détail en Autriche, il y a lieu de constater que, après avoir exposé les parts de marché des principaux opérateurs du marché, à savoir REWE (29,7 %), la requérante (27,9 %), Hofer (19,6 %), Adeg (5,4 %), les commerçants « ZEV » (5,1 %), Zielpunkt (4,5 %), Lidl (3,2 %), M-Preis (2,7 %) et les autres (moins de 2 %), la Commission a relevé, au point 40 de la décision attaquée, que la part de marché commune aux parties à la concentration s’élevait à 35,1 % et que les plus gros concurrents étaient la requérante et Hofer. En outre, au point 73 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que REWE et la requérante étaient « les deux leaders » sur le marché du commerce de détail. La requérante ne saurait donc soutenir que la Commission n’a pas tenu compte du renforcement, par le projet de concentration, du caractère fortement concentré dudit marché.

72      Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de l’examen, aux points 73 à 93 ci-après, du bien-fondé des arguments de la requérante portant sur d’autres facteurs d’appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration, le premier grief doit être rejeté.

b)     Sur le deuxième grief, selon lequel la Commission a surestimé l’importance des autres concurrents

73      La requérante soutient que la Commission a fait une appréciation erronée des conditions du marché du commerce de détail en estimant qu’une « série d’autres concurrents significatifs » subsisteraient après l’opération de concentration. Selon elle, après l’opération de concentration, seuls subsisteraient elle-même, en tant que détaillant de l’assortiment complet agissant dans l’ensemble de l’Autriche, une série de petits détaillants de l’assortiment complet n’opérant qu’au niveau régional (M‑Preis et les membres du groupe ZEV Markant), un détaillant à bas prix n’opérant que dans certaines régions de l’Autriche (Zielpunkt), ainsi que deux détaillants à bas prix opérant à l’échelle nationale (Hofer et Lidl), lesquels, selon l’estimation même de la Commission, n’exerceraient qu’une pression concurrentielle limitée sur les détaillants de l’assortiment complet. À cet égard, la requérante prétend que la part de marché de Lidl n’était que de 3,2 % en 2007.

74      Selon la jurisprudence, la simple constatation que l’entité combinée affrontera des concurrents sur un marché n’implique pas que la concentration ne soulève pas de doutes d’ordre concurrentiel sur ce marché. La présence de concurrents ne pourrait constituer un facteur de nature, le cas échéant, à tempérer, voire à éliminer, la position dominante détenue par l’entité combinée que dans l’hypothèse où ces concurrents détiendraient une position forte de nature à exercer un contrepoids réel (voir, en ce sens, arrêts BaByliss/Commission, point 58 supra, point 329, et Cementbouw Handel & Industrie/Commission, point 50 supra, point 212).

75      Dans la décision attaquée, après avoir énuméré les concurrents des parties à la concentration et indiqué leur part de marché respective pour 2007, la Commission relève qu’il existe « une série de concurrents significatifs ».

76      Il y a d’abord lieu de constater que la requérante ne conteste pas l’existence de concurrents. Elle relève elle-même l’existence de concurrents opérant sur le plan national, à savoir elle-même, en tant que détaillant de l’assortiment complet, et Hofer et Lidl, en tant que détaillants à bas prix de type « hard discount », et de concurrents opérant au niveau de certaines régions, à savoir, d’une part, M‑Preis et les membres du groupe ZEV Markant et, d’autre part, Zielpunkt en tant que détaillant à bas prix de type « soft discount ».

77      La requérante estime, en revanche, que les concurrents des parties à la concentration ne sont pas « significatifs », sans toutefois établir que l’appréciation de la Commission est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

78      En effet, premièrement, la requérante se présente comme étant, après la concentration, le seul concurrent dans le secteur de l’assortiment complet opérant sur l’ensemble du territoire autrichien, sans nier son importance.

79      Deuxièmement, la requérante se limite à invoquer la pression concurrentielle minime des détaillants à bas prix sur les détaillants de l’assortiment complet et à citer la part de marché de Lidl de 3,2 % en 2007, sans toutefois démontrer que la Commission a surestimé l’importance concurrentielle des détaillants à bas prix. En effet, aux points 19 et 50 de la décision attaquée, la Commission relève certes que les magasins de « hard discount » exercent sur les magasins dotés d’un assortiment complet une pression concurrentielle graduellement plus faible que les magasins de « soft discount » ou que les autres magasins dotés d’un assortiment complet. Il ne saurait toutefois en être inféré que les détaillants à bas prix, et en particulier les magasins de « hard discount », exercent une pression concurrentielle limitée sur les détaillants de l’assortiment complet. Il ressort, au contraire, du point 16 de la décision attaquée, sans que la requérante le conteste, que les détaillants à bas prix « exercent une pression concurrentielle sur les distributeurs dotés d’un assortiment complet ». La requérante ne réfute pas davantage le point 20 de la décision attaquée, selon lequel Hofer « exerce une pression concurrentielle tout d’abord sur les marques maisons des supermarchés dotés d’un assortiment complet », ou le point 50 de la décision attaquée, selon lequel REWE est moins sensible à la présence d’Adeg qu’à celle de Hofer, « alors même que Hofer, en tant que [détaillant à bas prix], n’exerce […] qu’une pression tendanciellement plus faible sur les supermarchés dotés d’un assortiment complet que celle existant entre les magasins de ce dernier type entre eux ».

80      Il y a lieu de constater en outre que la requérante ne remet pas en cause l’affirmation de la Commission, au point 16 de la décision attaquée, selon laquelle la part de marché commune à Hofer et à Lidl est passée de 11 à environ 24 % entre 1995 et 2007, démontrant ainsi la pression concurrentielle exercée par les détaillants à bas prix sur les détaillants de l’assortiment complet.

81      Au surplus, ainsi que le fait valoir la Commission, sans que la requérante le conteste, celle-ci a indiqué en réponse au questionnaire acteurs du marché que, « en ce qui concern[ait] les produits de référence représentatifs de la politique de prix et générateurs de fréquentation (par exemple, le lait entier, le beurre, les huiles comestibles, les fruits et légumes), Hofer exer[çait] une très forte pression concurrentielle sur les détaillants de l’assortiment complet » (question n° 9) [confidentiel].

82      Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté.

c)     Sur le troisième grief, selon lequel la Commission a sous-estimé la pression et le potentiel concurrentiels d’Adeg

83      La requérante soutient en substance que la Commission a sous-estimé la pression et le potentiel concurrentiels d’Adeg.

84      Dans la duplique, la Commission a soutenu que, au cas où la requérante ferait valoir que la coopération entre REWE et Adeg n’avait pas été suffisamment examinée par la Commission en vue d’établir le potentiel concurrentiel d’Adeg, ce grief, soulevé au seul stade de la réplique, devrait être rejeté comme irrecevable.

85      Dans la décision attaquée, la pression concurrentielle exercée par Adeg sur REWE est qualifiée de « faible ». La Commission fait valoir, premièrement, qu’Adeg est une société pratiquant des prix élevés, deuxièmement, que, au cours des dix dernières années précédant la décision attaquée, Adeg avait perdu des parts de marché, réduisant de moitié sa position sur le marché, ce qui témoignerait du caractère critique de sa situation financière, troisièmement, que les parties à la concentration ne seraient pas en situation de concurrence étroite, la fermeture d’un magasin Adeg n’ayant qu’une influence limitée sur le chiffre d’affaires de REWE, quatrièmement, que les magasins Adeg seraient pour la plupart des magasins de proximité ou des supermarchés situés en majorité dans les régions rurales, de sorte que les magasins de REWE, plus citadins, n’auraient pas à souffrir de leur concurrence.

86      La requérante n’établit pas que ces constatations de la Commission sont entachées d’erreurs manifestes d’appréciation. Elle se limite à relever, d’une part, que, en tant que détaillant de l’assortiment complet, Adeg est plus proche de REWE que des concurrents opérant au niveau régional ou des détaillants à bas prix et, d’autre part, qu’Adeg dispose, dans un marché fortement concentré, de plus de 650 points de vente dans les villes et les milieux ruraux, ce qui démontrerait son « potentiel de concurrence considérable ».

87      Or, s’il ne saurait être nié que, en tant que détaillant de l’assortiment complet opérant dans l’ensemble de l’Autriche, Adeg est plus proche de REWE que des détaillants à bas prix en particulier, ce qui, du reste, n’est pas contredit par la Commission, il y a lieu de relever que ces ressemblances ne saurait pour autant établir, en tant que telles, le potentiel de concurrence d’Adeg. Plusieurs différences entre Adeg et REWE sont relevées par la Commission dans la décision attaquée, ainsi qu’il ressort du point 85 ci-dessus. Or, ces différences n’ont pas été contestées par la requérante.

88      Il convient de constater en outre, ainsi que le fait valoir la Commission, que la requérante n’établit pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’Adeg exerçait une pression concurrentielle faible, quand bien même la Commission aurait tenu compte des 650 points de vente d’Adeg situés dans les villes et les milieux ruraux. En effet, d’une part, la requérante n’explique pas dans quelle mesure l’existence de ces points de vente serait de nature à infirmer les éléments avancés par la Commission, au point 85 ci-dessus, au soutien de son appréciation selon laquelle la pression concurrentielle d’Adeg est faible. D’autre part, la requérante n’établit pas que, comparativement aux autres concurrents, le nombre des points de vente d’Adeg traduit son potentiel concurrentiel considérable.

89      À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans la décision REWE/Meinl, dont la requérante se prévaut au soutien du présent grief, la Commission procède à un examen comparatif des points de vente des parties à la concentration avec ceux des concurrents afin d’examiner la pression concurrentielle liée au projet de concentration. En revanche, en l’espèce, la requérante se borne à invoquer les points de vente d’Adeg et en déduit « le potentiel de concurrence considérable » sans toutefois mettre cette donnée chiffrée en rapport avec le nombre de points de vente des autres concurrents. Il y a lieu de relever en outre que, contrairement à l’affaire REWE/Meinl, dans laquelle la Commission avait constaté, après la concentration, l’existence d’un « réseau particulièrement bien développé de points de vente de grande surface à productivité forte », les établissements d’Adeg sont pour l’essentiel des magasins de proximité dont la surface de vente est limitée, comme l’a rappelé l’intervenante, sans être contredite par la requérante.

90      En ce qui concerne l’argument de la requérante invoqué dans la réplique selon lequel, en raison des barrières à l’accès au marché, l’entrée d’un tiers sur ledit marché n’aurait de succès que si un nombre suffisant d’établissements pouvaient être repris, ce qui serait le cas des 650 établissements d’Adeg, il y a lieu de relever, comme l’indique la Commission, que cet argument ne saurait, en tant que tel, établir le potentiel concurrentiel d’Adeg au niveau national, mais tout au plus la capacité d’un tiers à accéder au marché et à s’y maintenir.

91      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la situation financière d’Adeg était sans pertinence dans l’appréciation de l’opération de concentration, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 139/2004, que, dans l’appréciation des concentrations, la Commission tient compte de la « puissance économique et financière » des entreprises concernées. Cette disposition est applicable sans préjudice de l’application de la théorie de l’entreprise défaillante. La requérante ne saurait donc soutenir que ces difficultés ne sauraient être prises en compte que dans le cas où les conditions d’une fusion de sauvetage sont réunies.

92      Il importe de relever en outre que la prise en compte des difficultés financières d’Adeg n’a pas constitué le facteur déterminant de l’appréciation de la Commission. La requérante n’établit d’ailleurs pas que, sans la prise en compte de cet élément, l’appréciation de la Commission eût été différente.

93      Enfin, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, telle que mentionnée au point 84 ci-dessus, il y a lieu de constater que, par l’argument de la requérante selon lequel l’acquisition par REWE d’une participation de 24,9 % dans Adeg dès avant la concentration expliquerait la faible pression concurrentielle d’Adeg, la requérante admet, non sans contradiction, la faible pression concurrentielle d’Adeg, ainsi que l’a relevé la Commission. Il convient également d’observer que la requérante se borne à invoquer cette prise de participation sans démontrer dans quelle mesure ladite prise de participation serait la véritable cause de la faible pression concurrentielle d’Adeg, alors que la Commission invoque d’autres causes dans la décision attaquée, énoncées au point 85 ci-dessus.

94      Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté.

d)     Sur le quatrième grief, selon lequel la Commission n’a pas examiné les effets du projet de concentration sur la concurrence sans tenir compte des produits « non-food II »

95      La requérante prétend, en substance, que la Commission n’a pas tenu compte, dans son appréciation des effets du projet de concentration sur la concurrence, de la part de marché commune aux parties à la concentration sans tenir compte des produits « non-food II ».

96      Ce grief manque en fait. En effet, il ressort de la partie intitulée « Appréciation au regard de la concurrence » de la décision attaquée que la Commission a pris en compte la part de marché commune aux parties à la concentration, produits « non-food II » compris, laquelle était de l’ordre de 30 à 35 %, ainsi que celle calculée en excluant les produits « non-food II », qui se situait entre 35 et 40 %, et en a déduit que « les parts de marché communes demeur[ai]ent en toute hypothèse modérées après la concentration ».

97      Il s’ensuit que le quatrième grief doit être rejeté.

e)     Sur le cinquième grief, selon lequel l’appréciation de la Commission dans la présente affaire est contradictoire avec celle effectuée dans l’affaire REWE/Meinl

98      La requérante soutient, en substance, que la Commission a, dans l’affaire REWE/Meinl et la présente affaire, adopté des décisions différentes alors que les parts de marché en cause étaient comparables.

99      Il convient, d’abord, de relever que, si, selon la jurisprudence, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite lorsqu’une décision va sensiblement plus loin que sa pratique décisionnelle antérieure, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une pratique décisionnelle antérieure pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 512, et la jurisprudence citée ; arrêt NVV e.a./Commission, point 52 supra, point 136).

100    Il y a lieu, ensuite, de rappeler, comme il a déjà été mentionné au point 59 ci-dessus, qu’il ressort du paragraphe 17 des lignes directrices que seule une part de marché particulièrement élevée de 50 % et plus peut, en elle-même, constituer la preuve de l’existence d’une position dominante sur le marché. Dans l’hypothèse d’une part de marché moindre, comme en l’espèce, l’opération peut soulever des problèmes de concurrence en raison d’autres facteurs.

101    En l’espèce, compte tenu de la part de marché commune aux parties à la concentration, qui est de l’ordre de 35 %, l’analyse des autres facteurs est nécessaire afin de déterminer d’un point de vue général s’il existe des indications d’une position dominante. Il s’ensuit que l’existence d’une position dominante doit être déterminée individuellement dans chaque affaire, en fonction des circonstances de l’espèce, et que les appréciations portées par la Commission sur les circonstances factuelles de la concentration ayant donné lieu à la décision dans l’affaire REWE/Meinl ne sont pas transposables en l’espèce (voir, en ce sens, arrêts ARD/Commission, point 47 supra, point 169, et Sun Chemical Group e.a./Commission, point 58 supra, point 136).

102    À cet égard, il y a lieu de relever que, si, comme le soutient la requérante, la part de marché commune aux parties à la concentration dans la présente affaire peut être considérée comme comparable à celle de l’entité issue de la concentration dans l’affaire REWE/Meinl, la Commission fait état de conditions concurrentielles différentes dans les deux affaires, ce que la requérante ne conteste pas. La Commission indique, notamment, que les conditions du marché ont sensiblement évolué depuis l’affaire REWE/Meinl datant de 1999 en ce que, d’une part, la position de marché du détaillant à bas prix Hofer a considérablement évolué et, d’autre part, en ce que Meinl était, à l’époque, un concurrent effectif de REWE. Or, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 86 à 93 ci-dessus, la Commission a estimé qu’Adeg exerçait une faible pression concurrentielle, sans que la requérante ne soit parvenue à établir une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

103    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que, en raison de la seule similitude des parts de marché des parties à la concentration dans la présente affaire et de celles dans l’affaire REWE/Meinl, la Commission aurait dû considérer que le projet de concentration dans la présente affaire présentait des effets sur la concurrence au même titre que dans l’affaire REWE/Meinl.

104    Il y a donc lieu de rejeter le cinquième grief.

f)     Sur le septième grief, selon lequel les parts de marchés des parties à la concentration étaient « critiques »

105    La requérante soutient en substance que, compte tenu de la définition du district « critique » par la décision attaquée, les parts de marché des parties à la concentration, au niveau national, devaient être considérées comme « critiques ». Elle fait valoir, à cet égard, que, après l’opération de concentration, la part de marché commune aux parties à la concentration atteignait au moins 35 % et que l’augmentation de cette part de marché dépassait, dans tous les cas, 5 points de pourcentage.

106    Il y a d’abord lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a apprécié les effets concurrentiels du projet de concentration à deux niveaux distincts, à savoir, d’abord, au niveau du marché national autrichien, considéré par la Commission comme étant le niveau géographique pertinent et, ensuite, au niveau des « districts politiques », afin de s’assurer que le projet de concentration ne présentait pas d’effets concurrentiels au niveau infranational pouvant avoir des répercussions sur la fixation des prix au niveau national.

107    S’agissant de l’appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration au niveau national, il convient de rappeler que, selon le paragraphe 17 des lignes directrices, seule une part de marché particulièrement élevée de 50 % et plus peut, en elle-même, constituer la preuve de l’existence d’une position dominante sur le marché. Selon le même paragraphe, dans l’hypothèse d’une part de marché inférieure à 50 %, l’opération de concentration peut néanmoins soulever des problèmes de concurrence en raison d’autres facteurs. Or, en l’espèce, les éléments de fait et de droit avancés par la requérante portant sur les autres facteurs ne permettent pas de considérer, ainsi qu’il ressort des points 73 à 93 ci-dessus, que le projet de concentration présente des problèmes de concurrence au niveau national.

108    En ce qui concerne l’appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration au niveau des « districts politiques », il y a lieu de relever, comme il a été mentionné au point 26 ci-dessus, que le district « critique » est celui dans lequel :

–        soit la part de marché commune aux parties à la concentration est supérieure à 45 %, avec un accroissement de cette part de marché à la suite de la concentration ;

–        soit la part de marché commune aux parties à la concentration se situe entre 35 et 45 %, avec une augmentation de cette part de marché, à la suite de la concentration, d’au moins 5 %.

109    Il ressort sans ambiguïté de la décision attaquée que ces critères ont été fixés par la Commission aux fins d’identifier les districts « critiques » et non aux fins de déterminer, comme le soutient la requérante, les seuils de parts de marché susceptibles de démontrer que le projet de concentration présente des problèmes de concurrence au niveau national.

110    La requérante ne saurait dès lors appliquer les critères établis par la Commission pour identifier les districts « critiques » aux données chiffrées collectées au niveau national, aux fins d’en conclure que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des effets du projet de concentration sur la concurrence.

111    Il s’ensuit que le septième grief doit être rejeté.

112    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, la requérante ne saurait soutenir que la Commission a violé les lignes directrices, en ce que, d’une part, elle a qualifié de « modérées » les parts de marché communes aux parties à la concentration et, d’autre part, celle-ci n’a pas tenu compte de l’IHH. En effet, elle n’a pas établi que, au regard des autres facteurs d’appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration, celui-ci présentait des problèmes de concurrence sur le marché du commerce de détail au niveau national.

113    En conséquence, sous réserve de l’examen du sixième grief dans le cadre de l’examen des quatrième et cinquième branches du premier moyen, la première branche dudit moyen doit être rejetée.

2.     Sur la deuxième branche, tirée d’une appréciation erronée de la position de marché des parties à la concentration au niveau infranational

114    Au soutien de la deuxième branche du premier moyen, la requérante soulève deux griefs. D’une part, elle soutient que la Commission a commis une erreur en examinant les effets concurrentiels du projet de concentration au niveau infranational en tenant compte des « districts politiques ». D’autre part, elle prétend que le nombre de districts « critiques » recensé par la Commission est erroné.

a)     Sur le premier grief, selon lequel la Commission a erronément tenu compte des « districts politiques » dans l’appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration au niveau infranational

115    La requérante soutient, en substance, que le choix des « districts politiques » pour apprécier les effets concurrentiels du projet de concentration au niveau infranational constitue une erreur en ce que ce niveau ne saurait donner une idée exacte de la position concurrentielle des parties à la concentration. Selon elle, la Commission aurait dû prendre en compte le niveau régional, à la place ou en plus de l’examen mené au niveau des districts ou, à tout le moins, le niveau du « marché local » défini dans la décision attaquée comme une zone géographique dans laquelle les commerces sont aisément accessibles par les consommateurs, à savoir dans un rayon représentant environ 20 à 30 minutes de trajet en voiture.

116    Il convient d’abord de rappeler que la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à toute appréciation portée sur l’impact concurrentiel d’une opération de concentration (voir, en ce sens, arrêts France e.a./Commission, point 51 supra, point 143, Airtours/Commission, point 49 supra, point 19, et NVV e.a./Commission, point 52 supra, point 51).

117    Ainsi qu’il découle tant de l’article 9, paragraphe 7, du règlement n° 139/2004 que du paragraphe 8 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5), le marché géographique à prendre en considération comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des territoires voisins, en particulier en raison des conditions de concurrence sensiblement différentes de celles prévalant sur ces territoires (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission, T‑310/01, Rec. p. II‑4071, point 153, et NVV e.a./Commission, point 52 supra, point 52).

118    Il y a lieu d’ajouter que, selon une jurisprudence constante, le contrôle juridictionnel des appréciations de la Commission en matière de définition des marchés de référence est celui de l’erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêts Airtours/Commission, point 49 supra, points 26 et 32, et NVV e.a./Commission, point 52 supra, points 53 et 80).

119    C’est au regard de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments avancés par la requérante.

120    Comme il a été mentionné au point 106 ci-dessus, la Commission a estimé, aux points 29 et 30 de la décision attaquée, que, en l’espèce, le marché géographique pertinent était national. Cependant, aux fins de s’assurer que le projet de concentration ne présentait pas d’effets concurrentiels au niveau infranational pouvant avoir des répercussions sur la fixation des prix au niveau national, la Commission a également examiné, aux points 61 à 72 de la décision attaquée, la position des parties à la concentration au niveau des « districts politiques », lesquels constituent des subdivisions politiques du territoire national autrichien.

121    La requérante ne conteste ni la dimension nationale du marché géographique pertinent ni la démarche de la Commission consistant à examiner, à titre complémentaire, les effets concurrentiels du projet de concentration à un niveau infranational. Elle critique en revanche le fait que, dans le cadre de ladite démarche, la Commission a pris en compte le niveau des districts et non celui des régions, voire des « marchés locaux ».

122    Il y a toutefois lieu de considérer que la requérante, d’une part, n’établit pas que, en prenant en compte les districts, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et, d’autre part, ne démontre pas que la prise en compte du niveau des régions ou de celui des « marchés locaux » serait plus pertinente que celle du niveau des districts.

123    En effet, premièrement, la requérante prétend que les districts ne rendraient pas compte des rapports concurrentiels effectifs au niveau infranational, dans la mesure où les établissements des parties à la concentration qui se situent dans des districts urbains voisins se font mutuellement concurrence.

124    D’une part, il y a lieu de constater que cet argument ne vise que les districts urbains et leurs alentours. Or, la requérante admet par ailleurs l’existence de districts très étendus à l’intérieur desquels la concurrence entre les établissements des parties à la concentration doit être diversement appréciée. D’autre part, il convient de relever que la requérante ne rapporte aucun élément de fait concret de nature à établir l’existence d’établissements des parties à la concentration se situant dans des districts urbains voisins et se faisant mutuellement concurrence. En outre, même à supposer que tel soit le cas, la requérante n’établit pas dans quelle mesure une telle circonstance aurait eu, en l’espèce, des conséquences quant à la détermination des districts « critiques ». Dans ces conditions, elle ne saurait soutenir que les districts ne rendraient pas compte des rapports concurrentiels effectifs au niveau infranational.

125    Deuxièmement, la requérante soutient qu’il n’existait pas de données indépendantes sur les parts de marché des parties à la concentration au niveau des districts, alors que de telles données existaient au niveau des régions ou des « marchés locaux ».

126    Il suffit de constater à cet égard que la Commission disposait, au moment de l’adoption de la décision attaquée, de données chiffrées relatives aux districts, fournies par les parties à la concentration ainsi que par les tiers à l’opération de concentration, et qu’aucune norme ne l’empêchait de les prendre en compte. D’ailleurs, la requérante n’indique pas l’existence d’une règle juridique interdisant à la Commission de prendre appui sur les données fournies par les parties à la concentration elles-mêmes dans le cadre de la procédure administrative ou, au contraire, l’obligeant à mener sa propre enquête de marché indépendamment des données fournies par les parties à la concentration.

127    En outre, comme le précise la Commission, sans que la requérante parvienne à le réfuter, sa décision de s’appuyer sur les données fournies par REWE n’a été prise qu’après avoir procédé à la comparaison des données avancées par REWE et par la requérante, d’une part, avec celles fournies par une société d’audit, d’autre part.

128    Dès lors, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir tenu compte, aux fins de son examen des effets concurrentiels du projet de concentration au niveau des districts, de données présentées par REWE.

129    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, dans le mémoire en défense, la Commission soutient qu’il n’y a pas de données exactes sur chaque volume de marché au niveau des districts. En effet, il ressort dudit mémoire, que cette absence de données a précisément conduit la Commission à estimer les différents volumes de marché, ce qu’elle a pu faire sur la base des données transmises par REWE au cours de la procédure administrative.

130    Troisièmement, au soutien de la prise en compte du niveau régional, la requérante prétend, d’une part, que, en dehors du niveau national, les actions publicitaires s’effectuent presque exclusivement au niveau régional, d’autre part, qu’il existe des données précises fournies par une société d’audit en ce qui concerne le niveau régional, à la différence des districts et des marchés locaux et, enfin, que, dans l’affaire REWE/Meinl, la Commission avait pris en compte le niveau des régions.

131    D’abord, selon les points 28 et 29 de la décision attaquée, la publicité se fait principalement au niveau national et peut, de façon ponctuelle, être « régionale ou locale ». Or, la requérante ne saurait inférer du constat que les actions publicitaires peuvent s’effectuer ponctuellement au niveau des régions que seul ce niveau est pertinent pour apprécier les effets concurrentiels du projet de concentration au niveau infranational.

132    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel des données précises fournies par une société d’audit existaient au niveau des régions, il suffit de rappeler, ainsi qu’il a été mentionné au point 126 ci-dessus, que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la Commission disposait de données fournies par REWE relatives aux districts et que rien ne l’empêchait d’en tenir compte.

133    Quant au fait que, dans l’affaire REWE/Meinl, la Commission a mené son examen des effets concurrentiels du projet de concentration en tenant compte du niveau régional, il convient d’abord de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 99 ci-dessus, que les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une pratique décisionnelle antérieure, pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union.

134    Il y a de considérer, ensuite, que, compte tenu des différences entre l’affaire REWE/Meinl et la présente affaire, la requérante ne saurait se prévaloir de la décision de la Commission dans l’affaire REWE/Meinl pour soutenir qu’un examen des effets concurrentiels du projet de concentration aurait dû être mené au niveau régional dans la présente affaire. D’abord, force est de constater que l’affirmation de la requérante selon laquelle la part de marché de REWE, dans l’Est de l’Autriche ainsi qu’à Vienne (Autriche), serait sensiblement plus élevée en 2007 que celle constatée par la Commission dans la décision REWE/Meinl manque en fait. Ainsi qu’il ressort des points 79 à 81 ci-dessus, la requérante n’a pas apporté d’explications de nature à justifier l’exclusion des détaillants à bas prix dans le calcul des parts de marché. Or, il ressort de la décision de la Commission dans l’affaire REWE/Meinl, que la part de marché de REWE était située entre 49 et 52 % à Vienne et entre 42 et 47 % dans l’Est de l’Autriche et que ces données, qui ne tenaient pas compte du détaillant à bas prix Hofer, ne variaient pas sensiblement dans le cas contraire, alors que, ainsi que le relève la requérante elle-même dans ses écritures, en l’espèce, la part de marché de REWE, en 2007, calculée en incluant les détaillants à bas prix, était d’environ 44 % à Vienne et d’environ 40 % dans l’Est de l’Autriche.

135    Ensuite, il importe d’observer que les parts de marché d’Adeg dans l’Est de l’Autriche et à Vienne étaient, en 2007, relativement modérées. Selon les données fournies par une société d’audit, qui excluent les détaillants à bas prix, Adeg détenait une part de marché de 2,1 % à Vienne et de 5,6 % dans l’Est de l’Autriche. Or, dans l’affaire REWE/Meinl, les parts de marché de Meinl, calculées sans tenir compte du détaillant à bas prix Hofer, étaient comprises entre 13 et 18 % à Vienne et entre 7 et 12 % dans l’Est de l’Autriche, de sorte que, au total, REWE/Meinl détenaient à Vienne une part de marché de 60 à 71 %, voire plus de 80 % dans certains arrondissements de la capitale, et de 49 à 59 % dans l’Est de l’Autriche.

136    En outre, il importe de relever que REWE et Meinl disposaient, après la concentration, d’un nombre élevé de points de vente dans l’Est de l’Autriche, ce qui, selon la Commission, leur conférait « un avantage concurrentiel déterminant ». Compte tenu du nombre élevé de points de vente et des parts de marché importantes de REWE et de Meinl dans l’Est de l’Autriche, la Commission avait estimé qu’ils présentaient une « position de force exceptionnelle » après la concentration dans cette région ayant une « incidence considérable sur la position de REWE sur l’ensemble du marché autrichien » dans la mesure où « les avantages liés à cette position éminente dans l’Est du pays [étaient] de nature à fournir à REWE, par rapports aux autres concurrents, des moyens supplémentaires qu’[il aurait pu] utiliser dans des régions où sa part de marché [était] comparativement faible ».

137    Dans ces conditions, la requérante ne saurait se borner à comparer les seules parts de marché de REWE dans l’Est de l’Autriche, mentionnées dans l’affaire REWE/Meinl, et celles de REWE en 2007 dans cette même région, aux fins de soutenir que la Commission aurait dû tenir compte du niveau régional, au même titre que dans l’affaire REWE/Meinl, et parvenir ainsi à une autre conclusion dans le cadre de son appréciation de la position de marché des parties à la concentration.

138    Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû, à tout le moins, tenir compte du « marché local », défini dans la décision attaquée comme une zone dans laquelle les commerces sont aisément accessibles pour les consommateurs, soit dans un rayon représentant environ 20 à 30 minutes de trajet en voiture, force est de constater que la requérante se contente d’indiquer que la Commission n’a pas retenu le niveau du « marché local » sans établir que, en ne retenant pas ce niveau, dans le cadre de l’examen complémentaire de la position des parties à la concentration, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

139    De l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en opérant, au niveau des districts, son examen des effets concurrentiels du projet de concentration.

140    Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.

b)     Sur le second grief, selon lequel le nombre des districts « critiques » recensés par la Commission serait erroné

141    La requérante prétend, premièrement, que l’application des seuils arrêtés par la Commission pour identifier un district « critique » conduit à des résultats contradictoires et illogiques, deuxièmement, que la Commission a commis plusieurs erreurs dans l’application des seuils de détermination des districts « critiques ».

 Sur les prétendus résultats contradictoires et illogiques auxquels conduirait l’application des seuils arrêtés par la Commission pour identifier un district « critique »

142    La requérante soutient que l’application des seuils de détermination des districts « critiques », tels que arrêtés par la Commission dans la décision attaquée (point 67), aboutit à des résultats illogiques et contradictoires dans la mesure où un district pourrait ne pas être considéré comme « critique » avec une part de marché des parties à la concentration s’élevant à 44,9 %, au motif que l’augmentation de cette part de marché ne serait que de 4,9 %, alors qu’un district dans lequel la part de marché commune aux parties à la concentration serait de 35,1 % pourrait, au motif que son augmentation dépasse de peu 5 % après la concentration, être considéré comme « critique ».

143    D’abord, il y a lieu de relever que la réglementation sur les concentrations confère à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique (arrêt France e.a./Commission, point 51 supra, point 223, et arrêt du Tribunal du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T‑5/02, Rec. p. II‑4381, point 119).

144    Ensuite, il convient de rappeler que, selon la décision attaquée, un district « critique » est celui dans lequel, à la suite de la concentration :

–        soit la part de marché commune aux parties à la concentration est supérieure à 45 %, avec un accroissement de cette part de marché à la suite de la concentration ;

–        soit la part de marché commune aux parties à la concentration se situe entre 35 et 45 %, avec une augmentation de cette part de marché, à la suite de la concentration, d’au moins 5 %.

145    Il importe de préciser en outre que, en l’espèce, la Commission a procédé à plusieurs ajustements des seuils de détermination des districts « critiques » aux fins, précisément, de tenir compte de situations « limites ». Au point 64 de la décision attaquée, la Commission indique en effet que, initialement, un district était considéré comme « critique » lorsque la part de marché commune aux parties à la concentration était supérieure à 50 % ou lorsque cette part de marché commune se situait entre 30 et 50 % avec un accroissement de cette part, à la suite de la concentration, d’au moins 5 %. Au point 65 de la décision attaquée, il est indiqué que le seuil de 50 % a été modifié pour tenir compte des réserves émises par certains acteurs du marché au sujet précisément de situations « limites ». D’après la décision attaquée, ces acteurs du marché soulignaient que la combinaison des seuils de 50 et de 5 % risquait d’exclure des districts potentiellement « critiques » dans une hypothèse extrême dans laquelle la part de marché commune après la concentration serait de 49,9 % et l’accroissement de cette part de marché de 4,9 %, de sorte que le seuil de 50 % a été abaissé à 45 %.

146    Enfin, il convient de relever que la requérante se contente de critiquer l’application des seuils de détermination des districts « critiques » sans démontrer que, en l’espèce, les seuils visés conduisent effectivement à des résultats illogiques et contradictoires. Elle se borne en effet à présenter des hypothèses théoriques et abstraites susceptibles de se produire par une application de ces seuils, mais n’établit pas que, en l’espèce, des districts seraient concernés par ces hypothèses théoriques qu’elle décrit. Or, l’examen des données fournies par la requérante elle-même, tant celles établies par la société RegioData (ci-après les « données de RegioData ») que celles établies par la société RegioPlan (ci-après les « données de RegioPlan »), montre qu’aucun district n’entre dans le cadre des hypothèses théoriques décrites par la requérante, à savoir un district dans lequel les parties à la concentration auraient une part de marché commune de 44,9 ou de 35,1 % avec une augmentation de cette part de marché après la concentration respectivement de 4,9 et de 5,1 %. Le seul district, à savoir celui de Baden, dans lequel la part de marché commune aux parties à la concentration était proche d’atteindre 45 % (44,5 %) avec une augmentation de celle-ci, après la concentration, de près de 5 % (4,6 %) a été considéré par la Commission comme un district « critique ».

147    La requérante ne saurait donc soutenir que, en l’espèce, les seuils fixés par la Commission en vue de déterminer les districts « critiques », aboutissent à des résultats contradictoires et illogiques.

 Sur les prétendues erreurs commises par la Commission dans l’application des seuils de détermination des districts « critiques »

148    Selon la requérante, la Commission a commis plusieurs erreurs dans le recensement des districts « critiques ». Elle prétend, premièrement, que les données sur la base desquelles la Commission a recensé 24 districts « critiques » n’étaient pas fiables, deuxièmement, que lesdites données étaient inadéquates, troisièmement, que ces données n’avaient pas fait l’objet d’une consultation suffisante des acteurs du marché. Elle soutient, quatrièmement, que la Commission a regroupé de façon arbitraire certains districts urbains et certains districts de campagne et, cinquièmement, que la ville de Vienne a été segmentée à tort en 23 districts distincts.

–       Sur le prétendu manque de fiabilité des données sur la base desquelles ont été recensés les 24 districts « critiques »

149    Selon la requérante, les données sur la base desquelles la Commission a déterminé les districts « critiques » n’étaient pas fiables en ce qu’elles avaient été fournies par les parties à la concentration au cours de la procédure administrative et n’avaient pas été collectées par la Commission elle-même à l’issue de sa propre enquête de marché.

150    La Commission ne conteste pas s’être fondée sur les données fournies par les parties à la concentration, et en particulier sur les données de RegioPlan communiquées par REWE, en vue de déterminer les districts « critiques ».

151    Il y a toutefois lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 126 et 127 ci-dessus, que, d’une part, aucune norme n’interdit à la Commission de prendre appui sur les données fournies par les parties à la concentration elles-mêmes dans le cadre de la procédure administrative et que, d’autre part, la requérante n’a pas démontré que les données fournies par REWE n’avaient pas fait l’objet de vérifications.

152    Dans la réplique, la requérante met en doute le fait que la Commission ait procédé à des vérifications des données fournies par REWE. Elle soutient que la Commission « cherche à donner l’impression (fausse) que, pendant la procédure administrative, elle aurait choisi, après une comparaison des avantages et des inconvénients de ces deux ensembles de données [données de RegioPlan et données de RegioData], d’utiliser les données RegioPlan de REWE [alors que c]ela ne correspond pas à la réalité ». Cette allégation de la requérante n’est, cependant, nullement étayée.

–       Sur le prétendu caractère inadéquat de l’utilisation des données de RegioPlan

153    La requérante soutient que l’utilisation par la Commission des données de RegioPlan fournies par REWE n’était pas « adéquate » aux motifs que ces données, premièrement, reposaient sur les dépenses potentielles des ménages, deuxièmement, ne concernaient pas uniquement le commerce de détail, seul concerné par le marché en cause, mais tous les canaux de distribution, troisièmement, ne prenaient pas en compte les dépenses non alimentaires, lesquelles feraient partie du marché en cause, quatrièmement, ne renseignaient pas sur les lieux d’achat des consommateurs, cinquièmement, ne visaient pas les ventes de denrées alimentaires liées au tourisme et, sixièmement, ne prenaient pas en compte la taille variable des ménages autrichiens. Selon elle, des données de RegioData, qui étaient plus pertinentes, étaient disponibles.

154    Il convient d’indiquer, à titre liminaire, que les parties ont évoqué deux types de données permettant d’estimer les volumes de marché d’une entreprise, à savoir les données de RegioPlan et les données de RegioData.

155    Au cours de la procédure administrative, la requérante a fourni des données de RegioData et REWE a produit des données de RegioPlan. La Commission a déterminé les districts « critiques » sur la base des données de RegioPlan fournies par REWE.

156    Il ne saurait toutefois suffire à la requérante d’alléguer le caractère « inadéquat » des données de RegioPlan, pour les motifs énoncés au point 153 ci-dessus, aux fins d’établir l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission. Or, la requérante n’apporte, pour aucun desdits motifs, d’élément concret de nature à démontrer que la prise en compte des données de RegioPlan par la Commission constitue une erreur manifeste d’appréciation.

157    Il y a également lieu de constater que la requérante ne conteste pas que tant les données de RegioPlan que celles de RegioData constituent des extrapolations permettant d’estimer les volumes de marché d’une entreprise, qui ne sauraient dès lors être prises en compte en tant que telles, mais doivent être corrigées. À cet égard, la Commission précise, sans être contredite par la requérante, que les données de RegioPlan doivent être corrigées en ce qu’elles visent d’autres canaux de distribution que le commerce de détail, de même que doivent être corrigées les données de RegioData en ce qu’elles se fondent sur les surfaces de vente des entreprises du commerce de détail et sur des valeurs moyennes de la productivité ramenée à la surface.

158    Compte tenu de cette considération, la requérante n’établit pas que les données de RegioData étaient plus pertinentes que les données de RegioPlan.

159    Il convient de constater par ailleurs que, pour toute réponse à l’argument de la Commission avancé dans le mémoire en défense selon lequel les données de RegioPlan fournies par la requérante étaient erronées et imprécises, la requérante se borne à critiquer les données de RegioPlan fournies par REWE en faisant valoir, premièrement, que REWE ne connaissait pas les chiffres d’affaires exacts de la requérante et des autres acteurs du marché, deuxièmement, que les données fournies par REWE se rapportaient à l’année 2006 et non à l’année 2007 et, troisièmement, que la Commission aurait dû mener sa propre enquête aux fins de relever ses propres données ou du moins de vérifier celles fournies par REWE.

160    Il y a lieu de rappeler, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 126 ci-dessus, qu’aucune norme ne fait interdiction à la Commission de prendre en compte les données fournies par les parties à la concentration elles-mêmes dans le cadre de la procédure administrative et, d’autre part, que, comme il a été mentionné au point 127 ci-dessus, la Commission n’a pas tenu compte des données fournies par REWE sans les vérifier et les soumettre à un examen critique.

161    Par ailleurs, l’argument selon lequel REWE ne connaissait pas les chiffres d’affaires exacts de la requérante et des autres acteurs du marché est dénué de pertinence. Ainsi que le relève la Commission, en vue de déterminer les districts « critiques », seuls les chiffres d’affaires de REWE et d’Adeg étaient nécessaires.

162    Enfin, l’affirmation de la requérante selon laquelle les données fournies par REWE concernaient l’année 2006 est inexacte. Comme l’indique la Commission sans être contredite par la requérante, même si les données de RegioPlan fournies par REWE étaient issues d’une étude fondée sur des données datant de 2006, ces données ont fait l’objet d’une correction en vue de prendre en compte l’évolution du marché en 2007.

163    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’argument de la requérante selon lequel, d’après les données dont elle dispose, le nombre de district « critiques » était plus important que celui retenu par la Commission ne saurait être accueilli.

–       Sur la prétendue consultation insuffisante des acteurs du marché en ce qui concerne les données de RegioPlan fournies par REWE

164    La requérante prétend que les données de RegioPlan fournies par REWE n’ont pas fait l’objet d’une consultation suffisante des acteurs du marché. Seules les données fournies par REWE concernant les 18 et 23 districts qualifiés de « critiques » par la Commission aurait été soumises à une consultation des acteurs du marché, dans le cadre, respectivement, du questionnaire acteurs du marché et du questionnaire engagements, de sorte qu’aucune possibilité n’aurait été donnée aux acteurs du marché de vérifier, pour l’ensemble des 121 districts autrichiens, les données sur lesquelles la Commission s’est fondée.

165    Il convient d’abord de rappeler que, aux fins de déterminer les districts « critiques », la Commission s’est fondée sur les données fournies par REWE se rapportant aux 121 districts autrichiens.

166    Ainsi qu’il ressort des points 126 à 129 ci-dessus, il n’est pas établi par la requérante que la Commission ait commis une erreur manifeste en se fondant sur ces données fournies par REWE. Comme il est indiqué aux points 149 à 163 ci-dessus, la requérante n’a pas davantage démontré que ces données n’étaient pas fiables ou adéquates.

167    Il importe de relever par ailleurs, ainsi que l’indique la Commission, que, à l’occasion de la consultation des acteurs du marché dans le cadre du questionnaire acteurs du marché et du questionnaire engagements, ceux-ci avaient la possibilité de faire valoir leurs observations sur l’ensemble des districts. C’est d’ailleurs à la suite de ces observations que le nombre de districts « critiques » a été revu par la Commission dans le cadre de son enquête de marché, ainsi que l’admet la requérante elle-même, qui indique, notamment, que le district de Favoriten à Vienne a été classé comme un district « critique » par la Commission après que, au cours de la procédure administrative, elle avait fourni certaines indications à la Commission.

168    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir suffisamment consulté les acteurs du marché sur les données fournies par REWE concernant l’ensemble des districts autrichiens.

–       Sur le prétendu regroupement arbitraire de certains districts urbains et certains districts de campagne

169    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû procéder au regroupement de tous les districts urbains et districts de campagne. Or, de manière arbitraire, certains districts, comme les districts Steyr-ville et Steyr-campagne, n’auraient pas été regroupés.

170    Il y a lieu de relever, ainsi que le soutient la Commission dans ses écritures sans que la requérante le réfute, que les districts Steyr-ville et Steyr-campagne ont été regroupés par la Commission.

171    La requérante ne saurait donc, sans autre élément concret étayant son allégation, soutenir que la Commission n’a pas regroupé l’ensemble des districts urbains et des districts de campagne.

–       Sur la fragmentation prétendument erronée de la ville de Vienne en 23 districts distincts

172    La requérante soutient que la ville de Vienne a été fragmentée, à tort, en 23 districts distincts.

173    Par ce grief, la requérante entend faire reconnaître la ville de Vienne, prise dans son ensemble, comme un district « critique », en faisant valoir, d’une part, les habitudes des acheteurs, qui, dans cette ville, ne limiteraient pas leurs achats à un seul district, et, d’autre part, la « densité considérable » des points de vente à Vienne.

174    Les arguments de la requérante ne sont toutefois nullement étayés. En particulier, la requérante n’apporte pas d’éléments concrets de nature à démontrer que les acheteurs ont l’habitude, à Vienne, de faire leurs achats dans plusieurs districts. Elle ne donne pas davantage de précision quant à la prétendue « densité considérable » des points de vente dans cette ville. Pour toute précision sur ce point, la requérante se borne à affirmer qu’Adeg détient, à Vienne, 17 points de vente, ce qui, de toute évidence, ne témoigne pas de cette « densité considérable ».

175    En tout état de cause, il ne suffit pas à la requérante de soutenir que la ville de Vienne peut être considérée, prise dans son ensemble, comme un district « critique », pour établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en segmentant la ville de Vienne en 23 districts distincts.

176    Il s’ensuit que le grief pris de ce que le nombre des districts « critiques » recensés par la Commission est erroné doit être rejeté ainsi que, en conséquence, la deuxième branche du premier moyen.

3.     Sur la troisième branche, tirée d’une appréciation erronée des engagements proposés par les parties

177    Au soutien de la troisième branche, la requérante soulève deux griefs. D’une part, elle soutient que la Commission peut accepter des engagements au cours de la première phase de la procédure de contrôle des concentrations, à condition toutefois que les problèmes de concurrence soient aisément identifiables, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. D’autre part, la requérante prétend que les engagements proposés par REWE ne sont pas de nature à dissiper les doutes en matière de concurrence.

a)     Sur le premier grief, selon lequel les problèmes de concurrence n’étaient pas aisément identifiables

178    La requérante soutient que la Commission ne disposait pas des données de marché au niveau infranational au moment de l’adoption de la décision attaquée. Elle n’aurait donc pas eu une connaissance suffisante des problèmes de concurrence et, par conséquent, de leur importance.

179    Comme il a été mentionné aux points 46 et 47 ci-dessus, l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 139/2004 prévoit la faculté pour la Commission de ne pas engager la seconde phase de la procédure de contrôle des concentrations et de déclarer l’opération compatible avec le marché commun si elle constate que, après modifications apportées par les parties, ladite opération ne soulève plus de doutes sérieux en matière de concurrence. Il s’ensuit que la circonstance selon laquelle la Commission estime que la concentration soulève des doutes sérieux n’implique pas qu’elle est tenue d’ouvrir ladite seconde phase, dès lors que les parties soumettent des engagements permettant de dissiper les doutes en matière de concurrence.

180    Il ressort du considérant 30 du règlement n° 139/2004 qu’il y a lieu d’accepter des engagements au cours de la première phase de la procédure de contrôle des concentrations « lorsque le problème de concurrence est aisément identifiable et qu’il peut être facilement résolu ». Une même exigence figure au paragraphe 37 de la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447/98 de la Commission (JO 2001, C 68, p. 3), aux termes duquel « les remèdes de [première phase de la procédure de contrôle des concentrations] sont construits de façon à fournir une réponse directe à des problèmes de concurrence aisément identifiables » (voir, en ce sens, arrêt BaByliss/Commission, point 58 supra, points 162 et 163).

181    Il convient donc d’examiner si, en l’espèce, les problèmes de concurrence étaient aisément identifiables de sorte que la Commission a pu, à bon droit, accepter les engagements proposés par REWE dans le cadre de la première phase de la procédure de contrôle des concentrations.

182    Il y a d’abord lieu de relever qu’il est inexact d’affirmer que, à la date de l’adoption de la décision attaquée, la Commission ne disposait pas des données nécessaires aux fins d’examiner les effets concurrentiels du projet de concentration au niveau infranational. Ainsi qu’il ressort des points 126 à 129 ci-dessus, la Commission s’est fondée, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, sur des estimations de chiffres d’affaires et de volumes de marché que REWE lui avait communiquées pour chacun des 121 districts autrichiens, aux fins d’apprécier les effets concurrentiels du projet de concentration au niveau infranational.

183    Il y a lieu de relever, au surplus, que, dès le 7 mai 2008, soit le même jour que celui de la publication de l’invitation des tiers par la Commission à donner leur avis sur le projet de concentration, la requérante a exprimé ses doutes au sujet du projet de concentration et a remis à la Commission un exposé écrit de ces doutes. Elle ne saurait, dans ces conditions, prétendre que les problèmes de concurrence n’étaient pas clairement identifiables (voir, en ce sens, arrêt ARD/Commission, point 47 supra, point 168).

184    Le premier grief doit donc être rejeté.

b)     Sur le second grief, selon lequel les engagements proposés par REWE n’étaient pas de nature à dissiper les doutes en matière de concurrence

185    La requérante soutient d’abord que les engagements de REWE ne concernaient pas l’ensemble des districts qui, selon elle, étaient « critiques », mais seulement les 24 districts qualifiés de « critiques » par la Commission. Elle prétend ensuite que certains engagements sont insuffisants pour écarter les doutes en matière de concurrence.

186    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 139/2004, si la Commission constate que, à la suite des engagements des parties, une opération de concentration ne soulève plus de doutes sérieux en matière de concurrence, elle peut déclarer ladite opération compatible avec le marché commun, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 139/2004.

187    Compte tenu des appréciations économiques complexes que la Commission est amenée à effectuer dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont elle jouit pour évaluer les engagements proposés par les parties à la concentration, il appartient au requérant, pour obtenir l’annulation d’une décision approuvant une concentration, au motif que les engagements sont insuffisants pour dissiper les doutes sérieux en matière de concurrence, de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T‑119/02, Rec. p. II‑1433, point 78, et easyJet/Commission, point 49 supra, point 128).

188    Toutefois, dans le cadre de l’exercice de son contrôle juridictionnel, le Tribunal doit tenir compte de la finalité spécifique des engagements pris au cours de la première phase de la procédure de contrôle des concentrations, lesquels, contrairement aux engagements pris au cours de la seconde phase de ladite procédure, n’ont pas pour objet d’empêcher la création ou le renforcement d’une position dominante, mais de dissiper tous doutes sérieux à ce sujet. En conséquence, lorsque le Tribunal est amené à examiner si les engagements pris au cours de la première phase de cette procédure, eu égard à leur portée et à leur contenu, de nature à permettre à la Commission d’adopter une décision d’approbation sans ouvrir la seconde phase de la même procédure, il lui appartient de vérifier que la Commission a pu, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, considérer que lesdits engagements constituaient une réponse directe et suffisante de nature à dissiper clairement tous les doutes sérieux (voir, en ce sens, arrêt Royal Philips Electronics/Commission, point 187 supra, points 79 et 80, et arrêt easyJet/Commission, point 49 supra, point 129).

189    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par la requérante.

 Sur le champ d’application des engagements limité aux 24 districts « critiques » recensés par la Commission

190    Il ressort des points 141 à 176 ci-dessus, que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ayant recensé 24 districts « critiques ». La requérante ne saurait donc soutenir que les engagements de REWE devaient viser d’autres districts « critiques » que ceux identifiés par la Commission.

 Sur le caractère prétendument insuffisant des engagements de REWE

191    La requérante prétend, premièrement, que la solution du régime des « joyaux de la couronne » ne permettrait pas d’éliminer totalement les effets concurrentiels du projet de concentration, deuxièmement, qu’il serait loisible à REWE de céder des « joyaux de la couronne » en situation déficitaire, troisièmement, que la cessation des relations d’affaires entre les commerçants « Adeg » indépendants et Adeg serait rendue difficile par les conditions posées.

–       Sur l’absence d’élimination totale des effets concurrentiels du projet de concentration par la solution du régime des « joyaux de la couronne »

192    La requérante soutient que la solution du régime des « joyaux de la couronne » ne permet pas d’éliminer la totalité des problèmes concurrentiels, dans la mesure où les établissements devant être cédés par REWE sont ceux dont le chiffre d’affaires agrégé représente seulement 65 % du chiffre d’affaires réalisé par les commerçants « Adeg » indépendants dont le départ d’Adeg aurait été nécessaire pour éliminer les problèmes concurrentiels.

193    Il ressort du point 77 de la décision attaquée que REWE s’engage à veiller à ce que les commerçants « Adeg » indépendants, établis dans les 24 districts « critiques », puissent se lier à un grossiste en produits alimentaires autre qu’Adeg.

194    Selon le point 81 de la décision attaquée, dans l’hypothèse où REWE ne parviendrait pas, dans un ou plusieurs districts concernés, à faire en sorte que les commerçants « Adeg » indépendants quittent Adeg, REWE s’engage à céder des succursales lui appartenant en propre (voir point 30 ci-dessus). Il est précisé que, pour chaque commerçant « Adeg » indépendant dont le départ d’Adeg aurait été nécessaire pour éliminer les problèmes concurrentiels, REWE cédera des succursales dont le chiffre d’affaires agrégé correspond au moins à 65 % du chiffre d’affaires agrégé réalisé en 2007 par les commerçants « Adeg » indépendants.

195    Dans la décision attaquée, la Commission relève que les commerçants « Adeg » indépendants, présents dans les districts concernés, s’approvisionnent auprès d’Adeg à hauteur de 65 %, le reste des produits étant acquis auprès d’autres grossistes. Elle ajoute que, en revanche, les succursales REWE acquièrent 100 % de leurs produits auprès de REWE. Au plan économique, la cession de succursales appartenant à REWE toucherait dès lors beaucoup plus gravement les parties à la concentration que la sortie d’un commerçant « Adeg » indépendant qui ne s’approvisionne auprès d’Adeg qu’à hauteur de 65 %. Selon la Commission, le seuil de 65 % constituerait donc un critère adapté et objectif.

196    Il y a lieu de constater que la requérante n’établit pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant que les succursales de REWE à céder sont celles dont le chiffre d’affaires est au moins égal à 65 % de celui des commerçants « Adeg » indépendants dont le départ d’Adeg aurait été nécessaire pour éliminer les problèmes concurrentiels. La requérante se contente d’affirmer, d’une part, que le pourcentage d’approvisionnement est sans pertinence dans l’appréciation des engagements qui visent à résoudre les problèmes concurrentiels sur le marché de la distribution et, d’autre part, que les commerçants « Adeg » indépendants s’approvisionnent à hauteur de 85 % auprès d’Adeg et non seulement à hauteur de 65 %.

197    D’abord, il convient de relever que l’utilisation du pourcentage d’approvisionnement des commerçants « Adeg » indépendants auprès d’Adeg ne sert pas à mesurer la puissance d’achat d’Adeg sur les marchés de l’approvisionnement, comme le soutient la requérante, mais à mesurer le poids que représentent les commerçants « Adeg » indépendants par rapport aux succursales REWE dans la réalisation de la solution du régime des « joyaux de la couronne ». Or, la requérante n’établit pas que la fixation du ratio de 65 % aux fins de prendre en compte les différences entre les succursales de REWE et les commerçants « Adeg » indépendants constitue une erreur manifeste.

198    Ensuite, il convient de constater que la requérante n’apporte aucun élément de nature à étayer l’allégation selon laquelle le pourcentage d’approvisionnement des commerçants « Adeg » indépendants auprès d’Adeg serait de 85 et non de 65 %. La requérante se contente de renvoyer à ses observations du 13 juin 2008 relatives au questionnaire engagements du 11 juin 2008. Or, dans ces observations, la requérante affirme que le pourcentage d’approvisionnement des commerçants « Adeg » indépendants auprès d’Adeg se situerait entre 80 et 85 % sans davantage le démontrer.

–       Sur la faculté de REWE de choisir librement les « joyaux de la couronne » à céder

199    La requérante soutient, en substance, qu’il serait loisible à REWE de céder des succursales déficitaires, n’exerçant plus dès lors aucune pression concurrentielle.

200    Il ressort du point 34 des engagements que le choix des « joyaux de la couronne » à céder, à l’intérieur de chaque district « critique » concerné, incombe à REWE et que les « joyaux de la couronne » ne peuvent englober des succursales ayant affiché une perte au cours du dernier exercice, soit en 2007.

201    D’abord, il y a lieu de relever que, selon ce même point 34 des engagements, les dispositions des sections B et C desdits engagements s’appliquent mutatis mutandis à la cession des « joyaux de la couronne ». Or, comme le fait valoir à juste titre la Commission, ces dispositions prévoient la nomination d’un mandataire indépendant de REWE chargé du contrôle du respect des engagements par les parties, de sorte qu’il n’est pas « loisible » à REWE de céder une succursale déficitaire, comme le soutient la requérante. En particulier, le point 19 des engagements énonce l’ensemble des obligations incombant à ce mandataire en vue de contrôler les engagements proposés. Le point 22 des engagements indique également qu’à cet effet REWE s’engage notamment à fournir au mandataire « tout le soutien et toutes les informations nécessaires pour l’accomplissement de sa mission » et à lui accorder « un accès intégral et complet à tous registres, comptes, documents, à l’ensemble du personnel d’encadrement et autre, à tous les établissements, lieux d’exploitation et informations techniques de Billa, dans la mesure nécessaire à l’exécution de l’engagement proposé ».

202    Ensuite, il convient de constater que l’argumentation de la requérante selon laquelle REWE est susceptible de céder des succursales présentant de mauvais résultats en 2007, en violation des conditions posées dans la décision attaquée, n’est nullement étayée.

203    Dans la réplique, la requérante a certes fait valoir que, dans le district « critique » de Waidhofen an der Thaya, REWE aurait proposé à la vente en tant que « joyau de la couronne » un point de vente sous la marque Penny, lequel serait au bord de la fermeture. Cependant, la requérante n’a apporté aucun élément concret au soutien de cette allégation.

–       Sur les conditions de séparation des commerçants indépendants « Adeg » d’Adeg

204    La requérante soutient que la séparation entre les commerçants « Adeg » indépendants et Adeg est rendue difficile par les conditions posées. Elle prétend à cet égard, d’une part, que les commerçants « Adeg » indépendants doivent verser à Adeg, au moment de la cessation de leurs relations commerciales, une somme pouvant atteindre 50 000 euros et, d’autre part, qu’Adeg est tenue de proposer aux commerçants « Adeg » indépendants qui cessent de louer leur local commercial à Adeg, un contrat de location répondant à des conditions moins avantageuses que celles jusqu’alors applicables.

205    Il ressort du point 29 des engagements que REWE s’engage à veiller à ce que les commerçants « Adeg » indépendants, établis dans les districts « critiques », bénéficient de la possibilité illimitée de se lier à un grossiste en produits alimentaires autre qu’Adeg. Selon ce même point, cet engagement de REWE est réputé rempli si « le commerçant « Adeg » concerné n’a pas à s’acquitter, à l’occasion de la cessation ou de la restriction de ses relations d’affaires avec Adeg, de prestations financières au profit d’Adeg […] d’une valeur supérieure à 50 000 euros ».

206    Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des engagements pris par REWE que les commerçants « Adeg » indépendants doivent verser à Adeg, au moment de la cessation de leurs relations commerciales, une somme pouvant atteindre 50 000 euros, qualifiée par la requérante de « prime de départ ». Ainsi que le relève l’intervenante, le montant de 50 000 euros indiqué au point 29 des engagements de REWE n’est pas constitutive d’une « prime de départ » devant être versée par tout commerçant « Adeg » indépendant qui quitte Adeg, mais d’un plafond à ne pas dépasser quant aux obligations financières du commerçant « Adeg » à l’égard d’Adeg au moment de son départ. En réponse à une question posée par le Tribunal au cours de l’audience, la Commission a également soutenu que le montant de 50 000 euros constituait un plafond, ce que la requérante n’a pas contesté.

207    Dès lors, loin de constituer un obstacle au départ d’un commerçant « Adeg » indépendant d’Adeg, le montant de 50 000 euros constitue un plafond de remboursement pour les commerçants « Adeg » indépendants qui envisagent de quitter Adeg.

208    Quant à l’engagement de REWE, tel qu’il ressort du point 30 des engagements, de veiller à ce que le commerçant « Adeg » indépendant qui quitte Adeg se voit offrir un bail aux conditions normales du marché, la requérante se contente d’affirmer qu’un tel engagement aboutirait pour ce commerçant à une hausse substantielle du loyer, sans établir une telle allégation. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne démontre pas, ainsi qu’elle l’affirme, que les contrats de bail conclus entre les commerçants « Adeg » indépendants, d’une part, et Adeg, d’autre part, ne suivent pas les conditions normales du marché. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait soutenir que les conditions de l’engagement de REWE prévu au point 30 des engagements rendent difficile la séparation des commerçants « Adeg » indépendants d’Adeg.

209    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler, comme le fait remarquer la Commission, que le point 33 des engagements prévoit une autre solution au cas où les commerçants « Adeg » ne se sépareraient pas d’Adeg. Dans ce cas, ainsi qu’il a été mentionné au point 194 ci-dessus, REWE s’engage à céder des succursales dont il est propriétaire en propre.

210    Partant, quand bien même les conditions du retrait des commerçants « Adeg » indépendants d’Adeg ne seraient pas suffisamment incitatrices, la décision attaquée prévoit un engagement de substitution. Or, dans la mesure où il a été constaté que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en acceptant la solution du régime des « joyaux de la couronne » comme étant de nature à dissiper les doutes en matière de concurrence (voir points 192 à 203 ci-dessus), la critique avancée par la requérante sur les conditions de séparation des commerçants « Adeg » indépendants d’Adeg ne saurait être retenue.

211    Au regard de ce qui précède, il convient donc de rejeter la troisième branche du premier moyen.

4.     Sur les quatrième et cinquième branches, tirées d’une appréciation erronée des effets concurrentiels du projet de concentration sur les marchés de l’approvisionnement

212    Au soutien des quatrième et cinquième branches, la requérante soulève quatre griefs. Premièrement, elle prétend que la Commission a fondé la décision attaquée sur une « base incomplète et inexacte ». Deuxièmement, elle soutient que la dépendance des fournisseurs à l’égard des parties à la concentration a été insuffisamment examinée par la Commission. Troisièmement, la Commission aurait méconnu les parts de marché élevées de REWE sur un grand nombre de marchés de l’approvisionnement. Quatrièmement, la Commission aurait méconnu les lignes directrices en n’examinant pas le renforcement de la capacité de REWE à verrouiller certains marchés de l’approvisionnement à l’égard de ses concurrents.

a)     Sur le premier grief, pris de ce que l’appréciation de la Commission serait fondée sur une « base incomplète et inexacte »

213    La requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas segmenté les marchés de l’approvisionnement en canaux de distribution distincts (commerce de détail, commerce de gros, industrie, restauration, exportation), n’a pas envisagé séparément les produits biologiques et n’a pas tenu compte de la distinction entre l’approvisionnement en marques de producteurs et l’approvisionnement en marques de distributeurs (marques propres des entreprises du commerce de détail de l’alimentation).

214    Il y a d’abord lieu d’indiquer que, dans la décision attaquée, la Commission estime que la délimitation exacte des marchés d’approvisionnement, notamment en ce qui concerne leur segmentation en canaux de distribution distincts ou la prise en compte des produits biologiques en tant que marché d’approvisionnement autonome, « peut rester en suspens », dès lors que le projet de concentration ne présente pas de doutes d’ordre concurrentiel sur les marchés de l’approvisionnement.

215    La Commission a en effet considéré que, du fait des engagements pris par REWE, les doutes en matière de concurrence sur le marché du commerce de détail étaient éliminés et, partant, la puissance d’achat de REWE sur les marchés de l’approvisionnement ne saurait présenter des doutes d’ordre concurrentiel.

216    Or, la requérante n’établit pas que cette appréciation de la Commission est entachée d’une erreur manifeste, ni que la segmentation des marchés de l’approvisionnement en canaux de distribution distincts, la prise en compte, comme marché autonome, des produits biologiques ou la prise en compte de la distinction entre l’approvisionnement en marques de producteurs et l’approvisionnement en marques de distributeurs serait de nature à remettre en cause cette appréciation de la Commission.

217    Au surplus, il convient de relever que, en vue de contester l’absence de prise en compte par la Commission des différents canaux de distribution, la requérante se prévaut de la décision de la Commission dans l’affaire REWE/Meinl. Or, dans cette décision, bien que la Commission ait indiqué, dans le cadre de l’examen de la structure des marchés d’approvisionnement, que le canal du commerce de détail constituait « le débouché le plus important pour les fournisseurs de produits alimentaires », elle a conclu au renforcement de la position dominante de REWE sur les marchés de l’approvisionnement à la suite de la concentration, en tenant compte de l’ensemble des canaux de distribution.

218    En ce qui concerne l’absence de prise en compte par la Commission des produits biologiques en tant que marché autonome, il y a également lieu de constater que la requérante justifie la nécessité d’une telle prise en compte par la part de marché élevée de REWE dans ce secteur, en corrélation avec le risque de verrouillage par REWE de ce secteur. Toutefois, comme il sera établi ci-après, aux points 241 à 253, le renforcement de la puissance d’achat de REWE dans le marché d’approvisionnement en produits biologiques n’était pas de nature à entraîner le verrouillage dudit marché, de sorte que la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte des produits biologiques dans le cadre de son appréciation.

219    Quant à l’absence de prise en compte de la distinction entre l’approvisionnement en produits de distributeurs et l’approvisionnement en produits de fabrique invoquée par la requérante, force est de constater que celle-ci se contente d’explications et d’affirmations d’ordre général. En particulier, la requérante se borne à affirmer que, si la Commission avait interrogé les fournisseurs sur les différences entre les produits de marque de fabrique et les produits de marque de distributeurs, elle « aurait pu constater que les différences [étaient] considérables », sans toutefois établir ces différences.

220    Il s’ensuit que le premier grief doit donc être rejeté.

b)     Sur le deuxième grief, tiré de l’examen insuffisant de la dépendance des fournisseurs à l’égard des parties à la concentration

221    La requérante soutient, en substance, que la dépendance des fournisseurs à l’égard des parties à la concentration a été insuffisamment examinée par la Commission. À cet égard, elle fait valoir, premièrement, que, en l’espèce, il n’y a pas eu d’enquête comparable à celle menée dans l’affaire REWE/Meinl. Deuxièmement, elle affirme que les parts de marché mentionnées dans la décision attaquée sont celles fournies par REWE sans que la Commission ait procédé à leur vérification. Troisièmement, elle indique que la Commission s’est contentée de faire mention des parts d’achat des parties à la concentration sur quelques marchés de l’approvisionnement, ce qui ne renseignerait aucunement sur la dépendance des fournisseurs individuels à l’égard des parties à la concentration. Quatrièmement, elle prétend que certaines questions posées aux fournisseurs dans le cadre du questionnaire fournisseurs seraient « inadéquates ». Cinquièmement, elle estime que l’étude de marché a abouti à des résultats trompeurs en ce que les fournisseurs se seraient abstenus de s’exprimer négativement sur le projet de concentration par crainte des représailles de REWE. Sixièmement, elle considère que, contrairement à ce que soutient la Commission, les réponses des fournisseurs établissent la capacité de REWE à renforcer son indépendance à leur égard après la concentration.

222    D’abord, il y a lieu de relever que, sans que la requérante le conteste, la Commission soutient avoir consulté 218 fournisseurs. Même si dans l’affaire REWE/Meinl, 300 fournisseurs environ avaient été consultés, la requérante ne saurait en inférer que la Commission n’a pas, dans la présente affaire, mené une véritable enquête de marché.

223    Ensuite, force est de constater que l’allégation de la requérante selon laquelle les données chiffrées fournies par REWE auraient été prises en compte par la Commission sans faire l’objet d’une vérification n’est nullement étayée. D’ailleurs, dans la requête, la requérante se borne à indiquer que les parts de marché énoncées par la Commission ne « reposent vraisemblablement » que sur des allégations de REWE.

224    En outre, s’il est vrai que, dans la décision attaquée, la Commission s’appuie sur les parts de marché des parties à la concentration par catégorie de produits et non sur les parts de vente des fournisseurs à l’égard des parties à la concentration, comme dans l’affaire REWE/Meinl, il importe, d’une part, de rappeler que les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une pratique décisionnelle antérieure pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union.

225    Il convient, d’autre part, de constater que la requérante n’établit pas que la prise en compte des parts de marché des parties à la concentration plutôt que celle des parts de vente des fournisseurs est manifestement erronée. La requérante se contente en effet d’affirmer que la référence aux parts de marché « ne renseigne aucunement sur les parts des ventes que représentent les parties pour des fournisseurs individuels », sans toutefois établir dans quelle mesure ces parts de ventes des fournisseurs à l’égard des parties à la concentration présentent une pertinence supérieure aux parts d’achat réalisées par les parties à la concentration sur le marché de l’approvisionnement. Or, ainsi que le relève la Commission, sans que la requérante le conteste, la dépendance d’un fournisseur à l’égard des parties à la concentration n’est pas un problème du point de vue du consommateur final dès lors qu’il existe suffisamment d’autres fournisseurs qui approvisionnent les concurrents des parties à la concentration.

226    La requérante prétend également que les questions nos 7 et 8 du questionnaire fournisseurs, ainsi que la question n° 23 dudit questionnaire sont inadéquates. S’agissant, premièrement, des questions nos 7 et 8, s’il est vrai que la Commission a demandé aux fournisseurs d’indiquer leurs chiffres d’affaires portant sur les produits fabriqués en Autriche, la requérante ne démontre pas que, ce faisant, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. Elle se contente en effet d’affirmer qu’« il est sans pertinence de savoir où les marchandises sont produites, mais bien de savoir où elles sont achetées », sans toutefois réfuter le constat établi par la Commission, dans le mémoire en défense, que les parties à la concentration sont les plus importants clients des producteurs autrichiens alors que les producteurs actifs à l’échelle mondiale sont moins dépendants des parties à la concentration. Elle n’établit pas davantage, compte tenu de ce constat, dans quelle mesure la prise en compte des produits écoulés en Autriche et pas seulement fabriqués en Autriche aurait modifié les résultats et donc l’appréciation de la Commission sur la dépendance des fournisseurs. Au surplus, il y a lieu de relever que la requérante ne contredit pas l’affirmation de la Commission selon laquelle, au cours de l’enquête de marché, elle a, à titre complémentaire, demandé aux fournisseurs de transmettre des indications sur les produits fabriqués à l’étranger.

227    En ce qui concerne la question n° 23 du questionnaire fournisseurs portant sur le pourcentage à partir duquel il est possible de considérer qu’un fournisseur est dépendant de son client, la requérante critique le caractère général de cette question, qui, partant, ne permettrait pas d’apprécier la dépendance d’un fournisseur. Elle prétend en effet que la dépendance est appréciée par rapport à un groupe de produits particulier et non par rapport à l’assortiment complet. Il convient toutefois de constater que ladite question ne vise expressément ni l’assortiment complet, ni certains produits ou groupes de produits. Cette question est suffisamment générale pour que chaque fournisseur puisse répondre en fonction de la gamme de produits plus ou moins étendue qu’il vend. Il y a lieu de constater en outre que la requérante ne réfute pas la constatation de la Commission selon laquelle la prise en compte d’un seul produit ne fournirait pas d’information sur la dépendance du fournisseur, dans la mesure où, si les ventes d’un produit ne représentent, par exemple, que 10 % du total des ventes d’un fournisseur, une réduction de ce pourcentage de ventes, même importante, ne risquerait guère d’entraîner la faillite économique du fournisseur.

228    Par ailleurs, il y a lieu de constater que l’allégation de la requérante selon laquelle les réponses des fournisseurs au questionnaire fournisseurs ne seraient pas fiables, compte tenu de la crainte de ces fournisseurs des représailles de la part de REWE, repose sur de pures supputations. La requérante ne fournit aucun élément concret de nature à établir que les réponses d’un fournisseur auraient été fausses ou incomplètes par crainte de représailles de la part de REWE. Il y a lieu d’ajouter à cet égard, ainsi que le relève la Commission sans que la requérante le conteste, que les réponses au questionnaire fournisseurs pouvaient être anonymes, de sorte que les fournisseurs n’avaient pas à craindre les représailles de REWE.

229    Enfin, s’agissant de l’interprétation, par la requérante, des réponses au questionnaire fournisseurs, il y a avant tout lieu de rappeler que la Commission a consulté 218 fournisseurs. Or, la requérante procède à une analyse des réponses des 122 fournisseurs ayant répondu au questionnaire, en excluant les 96 fournisseurs qui n’ont pas répondu audit questionnaire. En limitant ainsi le périmètre de son analyse aux seules réponses des fournisseurs ayant répondu totalement ou partiellement audit questionnaire, la requérante parvient à conforter sa position selon laquelle, après la concentration, la dépendance des fournisseurs de REWE se trouverait renforcée, sans toutefois établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en tenant compte, dans l’analyse des résultats au questionnaire fournisseurs, des 218 fournisseurs consultés.

230    Compte tenu de cette considération, il y a lieu de constater, ainsi que le relève la Commission, que, même s’il était admis, comme le fait valoir la requérante, que 36 ou 37 fournisseurs considéraient que la concentration était susceptible de renforcer la puissance d’achat de REWE, ces fournisseurs représentaient seulement 17 % des 218 fournisseurs interrogés. Or, au cours de l’audience, cette constatation n’a pas été réfutée par la requérante. Elle ne saurait dès lors soutenir que, selon la moitié des fournisseurs consultés, REWE aurait renforcé son indépendance à leur égard après la concentration.

231    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté, sans qu’il soit besoin de faire droit à la demande de la requérante que lui soient communiquées par la Commission les réponses au questionnaire fournisseurs, au questionnaire acteurs du marché ainsi qu’au questionnaire engagements.

c)     Sur le troisième grief, pris de la prétendue méconnaissance par la Commission des parts de marché élevées de REWE sur un grand nombre de marchés d’approvisionnement

232    La requérante conteste en substance l’affirmation de la Commission, dans la décision attaquée, selon laquelle « REWE ne dispose de parts [de marché] particulièrement élevées que sur un petit nombre de marchés d’approvisionnement ».

233    Il ressort de la décision attaquée que la Commission a fixé à 22 % le seuil de part de marché à partir duquel un client devient indispensable à un fournisseur. Ce seuil n’est pas contesté par la requérante.

234    La requérante ne conteste pas davantage l’exactitude de la constatation de la Commission selon laquelle, en tenant compte de tous les canaux de distribution, la part de marché commune aux parties à la concentration ne dépassait 22 % que dans quatre marchés de l’approvisionnement.

235    La requérante prétend, en revanche, que la Commission « passe sous silence » que, en ne tenant pas compte de l’industrie, de la restauration et de l’exportation, les parts de marché communes aux parties à la concentration dépassaient 22 % dans au moins 10 des 13 marchés de l’approvisionnement mentionnés dans la décision attaquée.

236    À cet égard, il suffit d’observer que le tableau figurant au point 91 de la décision attaquée prévoit deux colonnes principales, la première consacrée aux parts de marché des parties à la concentration calculées en tenant compte de tous les canaux de distribution et la seconde relative aux parts de marché des parties à la concentration calculées en excluant l’industrie, le service traiteur et l’exportation. La Commission a donc indiqué, dans la décision attaquée, ces dernières parts de marché.

237    Il y a lieu de relever en outre que, quand bien même la Commission n’aurait pas tenu compte de la part de marché commune aux parties à la concentration calculée en excluant l’industrie, la restauration et l’exportation, la requérante ne démontre pas que cette omission constituerait une erreur manifeste d’appréciation.

238    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, en prenant en compte le canal du commerce de détail, REWE aurait une part de marché supérieure à 22 % pour tous les groupes de produits, il suffit de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 214 à 217 ci-dessus, que la requérante n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste en ne retenant pas spécifiquement le canal du commerce de détail dans l’examen des effets concurrentiels du projet de concentration sur les marchés de l’approvisionnement. Partant, la requérante ne saurait se prévaloir des données chiffrées relatives à ce seul canal de distribution aux fins d’établir que le projet de concentration présente des effets concurrentiels sur les marchés de l’approvisionnement.

239    Quant à l’argument de la requérante selon lequel, après la concentration, le volume d’approvisionnement de REWE augmentera durablement d’environ 20 %, il y a lieu de considérer, comme le soutient à juste titre la Commission, que la requérante ne saurait inférer de la seule augmentation du volume d’approvisionnement de REWE un renforcement de sa puissance d’achat ayant pour conséquence des effets nuisibles à la concurrence.

240    Le troisième grief doit donc être rejeté.

d)     Sur le quatrième grief, pris de la prétendue méconnaissance des lignes directrices

241    La requérante soutient que la Commission a méconnu le paragraphe 61 des lignes directrices en n’examinant pas le renforcement de la capacité de REWE à verrouiller certains marchés de l’approvisionnement à l’égard de ses concurrents, tel que le marché de l’approvisionnement en produits biologiques.

242    Ainsi qu’il ressort du paragraphe 61 des lignes directrices, deux effets néfastes peuvent résulter du renforcement de la puissance d’achat des parties à la concentration, à la suite de la concentration, sur les marchés de l’approvisionnement, à savoir, d’une part, une limitation de la production et, d’autre part, une éviction des concurrents.

243    Selon le paragraphe 61 des lignes directrices, la limitation de la production pouvant résulter du renforcement de la puissance d’achat des parties à la concentration est définie comme suit :

« La nouvelle entité peut être en mesure d’obtenir de meilleurs prix en diminuant ses achats de biens et de ressources destinés à la production. Cela peut la pousser ensuite à réduire sa production sur le marché des produits finals, au détriment du bien être des consommateurs. »

244    Le paragraphe 61 des lignes directrices définit l’effet d’éviction des concurrents pouvant également résulter du renforcement de la puissance d’achat des parties à la concentration comme suit :

« Une concentration pourrait aussi produire des effets préjudiciables à la concurrence sur les marchés [de la distribution], en particulier si la nouvelle entité issue de l’opération était susceptible de faire usage de sa puissance d’achat vis-à-vis de ses fournisseurs afin d’évincer ses concurrents. »

245    Dans la décision attaquée, la Commission estime que les parties à la concentration ne seraient pas en mesure d’obtenir de meilleures conditions d’achat en réduisant la quantité achetée. La requérante ne conteste pas cette appréciation de la Commission.

246    La requérante soutient, en revanche, que le renforcement de la puissance d’achat des parties à la concentration a pour effet l’éviction de concurrents sur les marchés de l’approvisionnement. Elle cite, à cet égard, l’exemple du marché de l’approvisionnement en produits biologiques. La requérante indique d’abord que REWE, dès avant le projet de concentration, détenait une part de marché d’environ 55 % dans le secteur des produits biologiques. Étant donné la « ressource limitée » que constitueraient les produits biologiques, REWE mettrait à profit sa position dominante pour lier les producteurs par des contrats de fourniture exclusive de longue durée, en privant ainsi ses concurrents d’un approvisionnement auprès de ces producteurs. [confidentiel]

247    D’abord, il y a lieu de relever que la requérante fait elle-même valoir que REWE détenait déjà, avant la concentration, une position dominante sur les marchés de l’approvisionnement, sans établir dans quelle mesure le projet de concentration renforce de manière significative la position de REWE sur ces marchés.

248    Ensuite, il convient de constater que, même dans l’hypothèse où REWE aurait augmenté sa puissance d’achat à la suite de la concentration, la requérante ne démontre pas dans quelle mesure cette évolution a eu pour effet l’éviction de concurrents sur les marchés de l’approvisionnement.

249    Premièrement, la requérante ne réfute pas l’affirmation de la Commission selon laquelle, compte tenu de la faible augmentation de la puissance d’achat de REWE à la suite de la concentration, la requérante et Hofer, principaux concurrents de REWE, ne pouvaient être éliminés du marché.

250    Deuxièmement, la requérante se borne à soutenir que la Commission a examiné le verrouillage des marchés de l’approvisionnement sous l’angle unique de l’effet de « matelas à eau », c’est-à-dire l’obtention par celui qui détient une puissance d’achat de meilleures conditions d’achat au détriment de ses concurrents moins puissants, alors que d’autres stratégies conduiraient à la détérioration des conditions d’achat des concurrents, sans toutefois étayer cette considération d’ordre général par des éléments concrets de nature à démontrer les insuffisances de l’examen de l’« effet du matelas à eau ».

251    Troisièmement, la requérante soutient que REWE fait usage de sa puissance de marché dans l’approvisionnement en produits biologiques pour lier les producteurs de produits biologiques par des contrats de fourniture exclusive de longue durée et ainsi priver durablement ses concurrents actifs dans le commerce de détail de l’alimentation d’un approvisionnement auprès de ces producteurs, sans démontrer qu’une telle situation est causée par le projet de concentration. En effet, il est constant entre les parties que REWE disposait, dès avant l’opération de concentration, d’une puissance d’achat importante dans le secteur des produits biologiques. L’éviction de concurrents était donc susceptible de se poser avant même la concentration, du fait, notamment, des contrats de fourniture exclusive. [confidentiel] Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel la rareté des produits biologiques constitue un indice clair du risque d’éviction des concurrents causée par le renforcement de la puissance d’achat de REWE ne saurait être accueilli.

252    Il convient de relever en outre que la requérante n’infirme pas davantage la constatation de la Commission et de l’intervenante selon laquelle, avant la concentration, les activités d’Adeg dans le secteur des produits biologiques étaient marginales. La requérante se contente d’affirmer, en effet, que, du fait de la reprise des établissements Adeg par REWE après la concentration, le volume des approvisionnements en produits biologiques augmentera, sans toutefois en apporter la preuve. Or, comme l’indique la Commission, REWE pourrait suivre une stratégie différente pour les établissements Adeg en ce qui concerne les produits biologiques.

253    Partant, la requérante ne saurait soutenir que le renforcement de la puissance d’achat de REWE dans le marché d’approvisionnement en produits biologiques était de nature à entraîner le verrouillage dudit marché.

254    Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le projet de concentration ne soulevait pas de doute d’ordre concurrentiel sur le marché de la distribution en raison du renforcement de la puissance d’achat de REWE sur les marchés de l’approvisionnement.

255    En conséquence, les quatrième et cinquième branches doivent être rejetées.

256    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le premier moyen.

B –  Sur le second moyen, tiré de violations des formes substantielles

257    Le second moyen est divisé en deux branches.

1.     Sur la première branche, tirée de violations du droit d’être entendu et du droit de participation à la procédure

258    Au soutien de la première branche, la requérante soulève deux griefs. D’une part, en tant que tiers intéressé, la requérante n’aurait pas été consultée sur la troisième proposition d’engagements, datée du 19 juin 2008, en violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004. D’autre part, en violation de l’article 19, paragraphe 1, du même règlement, cette proposition d’engagements n’aurait pas été transmise aux États membres.

a)     Sur le premier grief, pris d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004

259    L’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004, dispose :

« Avant de prendre les décisions prévues à l’article 6, paragraphe 3, à l’article 7, paragraphe 3, à l’article 8, paragraphes 2 à 6, ainsi qu’aux articles 14 à 15, la Commission donne aux personnes, entreprises et associations d’entreprises intéressées l’occasion de faire connaître, à tous les stades de la procédure jusqu’à la consultation du comité consultatif, leur point de vue au sujet des objections retenues à leur encontre. »

260    Comme le fait observer la Commission, l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004 ne vise pas les décisions prises sur le fondement de l’article 6, paragraphes 1 et 2, dudit règlement. La requérante ne conteste d’ailleurs pas cet argument de la Commission.

261    Or, en l’espèce, la décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement n° 139/2004.

262    Il s’ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir d’une violation de son droit d’être entendue, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004. Le premier grief doit donc être rejeté.

b)     Sur le second grief, pris de la violation de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004

263    La requérante soutient, dans la requête, que, en violation de l’article 19, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement n° 139/2004, la Commission n’a pas transmis aux États membres la troisième proposition de modifications des engagements datée du 19 juin 2008.

264    Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement n° 139/2004 :

« La Commission transmet dans un délai de trois jours ouvrables aux autorités compétentes des États membres copie des notifications ainsi que, dans les meilleurs délais, les pièces les plus importantes qui lui sont adressées ou qui sont émises par elle en application du présent règlement. Ces pièces incluent les engagements proposés par les entreprises concernées à la Commission en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun conformément à l’article 6, paragraphe 2, ou l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa. »

265    En l’espèce, il y a lieu de considérer que la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l’absence de communication, telle que prévue à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004, dont elle n’est pas destinataire.

266    Dans ces conditions, le second grief doit être rejeté ainsi que, partant, la première branche du second moyen.

2.     Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

267    La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée de plusieurs défauts de motivation. Premièrement, la décision attaquée ne ferait pas mention de la structure fortement concentrée du marché du commerce de détail en Autriche, et en particulier de l’IHH, ni des barrières élevées mises à l’accès audit marché.  Deuxièmement, la décision attaquée ne comporterait pas de motivation quant aux effets du projet de concentration sur la concurrence dans le cas où il n’est pas tenu compte des produits « non-food-II ». Troisièmement, dans la décision attaquée, la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles les parts de marché communes aux parties à la concentration ont été considérées comme « modérées », alors qu’il en a été décidé autrement dans l’affaire REWE/Meinl pour des parts de marché comparables.  Quatrièmement, dans la décision attaquée, contrairement à ce qui avait été fait dans la décision dans l’affaire REWE/Meinl, la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles elle n’a pas examiné les effets concurrentiels du projet de concentration dans les différentes régions d’Autriche.  Cinquièmement, dans la décision attaquée, la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles elle n’a pas étendu le regroupement des districts urbains et des districts de campagne à tous les districts susceptibles d’être regroupés, notamment aux districts de Steyr-ville et de Steyr-campagne. Sixièmement, la décision attaquée ne comporterait pas d’explication sur les raisons pour lesquelles la Commission s’est fondée sur le pourcentage d’approvisionnement pour déterminer les « joyaux de la couronne » qui devaient être cédés. Septièmement, dans la décision attaquée, la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles le projet de concentration entraînerait uniquement un renforcement minime de la puissance de REWE sur les marchés de l’approvisionnement.  Huitièmement, la décision attaquée ne comporterait aucune explication quant à l’absence d’effets concurrentiels du projet de concentration, même dans le cas où les marchés de l’approvisionnement seraient segmentés par canaux de distribution et où l’examen serait limité aux seuls produits biologiques.  Neuvièmement, la décision attaquée ne comporterait aucune motivation quant au verrouillage des marchés de l’approvisionnement, en particulier du marché de l’approvisionnement en produits biologiques.

268    Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, Rec. p. I‑6079, point 66 ; arrêt NVV e.a./Commission, point 52 supra, point 191).

269    À cet égard, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, elle n’inclut pas, dans sa décision, de motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt NVV e.a./Commission, point 52 supra, point 192). Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations (arrêts Cementbouw Handel & Industrie/Commission, point 50 supra, point 39, et NVV e.a./Commission, point 52 supra, point 192).

270    C’est au vu de ces principes qu’il convient de vérifier si, ainsi que le fait valoir la requérante, la Commission a violé son obligation de motivation.

271    Aux points 42 et 54 de la décision attaquée, la Commission constate que la part de marché commune des parties à la concentration est « modérée » et qu’il existe une « série de concurrents significatifs ». Aux points 46 à 52 et 55 de la décision attaquée, elle estime qu’Adeg exerce une « faible pression concurrentielle » sur ses concurrents et, en particulier, sur REWE. Aux points 58 à 74 de la décision attaquée, elle expose son appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration au niveau national ainsi que, en complément, au niveau infranational et en conclut que, en ce qui concerne le marché du commerce de détail, le projet de concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun. Aux points 75 à 89 de la décision attaquée, après avoir examiné les engagements proposés par REWE, elle considère que les doutes d’ordre concurrentiels étaient éliminés. Puis, aux points 91 à 107 de la décision attaquée, consacrés à l’examen des effets concurrentiels du projet de concentration sur les marchés de l’approvisionnement, elle estime que le renforcement de la puissance d’achat de REWE à la suite de la concentration reste limitée et qu’il n’entraînera pas, notamment, l’éviction de concurrents.

272    Il s’ensuit que, à la lumière des considérations exposées au point 271 ci-dessus, la requérante ne saurait soutenir que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée.

273    Les arguments de la requérante, énoncés au point 267 ci-dessus, ne sont pas de nature à infirmer cette constatation.

274    Premièrement, en ce qui concerne l’absence de mention de la structure fortement concentrée du marché du commerce de détail en Autriche, et en particulier de l’IHH, ou des barrières d’accès au marché du commerce de détail, il y a lieu de relever, d’abord, que les lignes directrices n’exigent pas un examen, dans tous les cas, de tous les éléments qu’elles mentionnent, la Commission disposant d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments (arrêt Sun Chemical Group e.a./Commission, point 58 supra, point 57). Dans ces conditions, la requérante ne saurait exiger de la Commission que celle-ci motive la décision attaquée au regard de la nature fortement concentrée du marché du commerce de détail en Autriche, de l’IHH ou des barrières d’accès au marché du commerce de détail. 

275    Il convient de noter ensuite que, en tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 71 ci-dessus, l’indication de la nature fortement concentrée du marché du commerce de détail ressort des points 40 et 73 de la décision attaquée.

276    Deuxièmement, comme il a déjà été relevé au point 96 ci-dessus, il ressort de la décision attaquée que la Commission a examiné les effets concurrentiels du projet de concentration en excluant les produits « non-food II ».

277    Troisièmement, ainsi qu’il ressort du point 99 ci-dessus, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une décision antérieure pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union. Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que la Commission était tenue de motiver la décision attaquée par rapport à la décision REWE/Meinl.

278    Quatrièmement, s’il est vrai que la décision attaquée n’expose pas les raisons permettant d’expliquer pourquoi, à l’inverse de la décision REWE/Meinl, la Commission n’a pas tenu compte des régions, il y a lieu de rappeler que la Commission n’est pas tenue d’anticiper des objections potentielles (voir, en ce sens, arrêt NVV e.a./Commission, point 52 supra, point 192). Par ailleurs, il convient de relever que la Commission explique en détail, aux points 62 à 71 de la décision attaquée, pourquoi elle a examiné la position des parties à la concentration sur le marché du commerce de détail au niveau des districts.

279    Cinquièmement, comme il a été relevé au point 170 ci-dessus, la Commission soutient, sans que la requérante le conteste, que les districts de Steyr-ville et Steyr-campagne ont été effectivement regroupés. Dans ces conditions, la requérante ne saurait exiger de la Commission qu’elle motive un prétendu défaut de regroupement de ces districts.

280    Sixièmement, l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée n’explique pas les raisons pour lesquelles la Commission s’est fondée sur le pourcentage d’approvisionnement pour déterminer les « joyaux de la couronne » à céder n’est pas fondé. Comme il est mentionné au point 195 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission indique que les commerçants « Adeg » indépendants dans les districts concernés réalisent environ 65 % de leur chiffre d’affaires dans le commerce de détail avec des produits qu’ils acquièrent auprès d’Adeg, le reste étant acquis auprès de sources tierces. La Commission ajoute qu’il apparaît approprié de prendre ce facteur en considération dans le cadre de la solution du régime des « joyaux de la couronne », et ce afin de distinguer les succursales REWE qui acquièrent 100 % de leurs produits auprès de l’organisation REWE et les établissements « Adeg » indépendants qui s’approvisionnent à hauteur de 65 % auprès d’Adeg.

281    Septièmement, la requérante ne saurait soutenir que la Commission n’a pas expliqué pourquoi le renforcement de la puissance d’achat de REWE serait minime après la concentration. En effet, aux points 92 et 93 de la décision attaquée, d’abord, la Commission relève que les parties à la concentration atteignent des parts de marché de plus de 15 % sur treize marchés de l’approvisionnement sur 19 et que, sur ces treize marchés, la part de marché d’Adeg n’atteint 5 % ou plus que sur deux marchés. La Commission ajoute que, sur la base d’une donnée de référence de 22 % issue de la décision de la Commission dans l’affaire REWE/Meinl, la part de marché des parties à la concentration atteint ce seuil sur quatre marchés de l’approvisionnement. Ensuite, il ressort du point 94 de la décision attaquée, que l’enquête de marché a confirmé que REWE disposait d’une puissance d’achat sur différents marchés de l’approvisionnement. Il est également indiqué que, fort de sa puissance d’achat, REWE pouvait agir indépendamment de ses fournisseurs dès avant la concentration et que ces fournisseurs n’ont pas manifesté d’inquiétude quant à la répercussion de la concentration sur les différents marchés de l’approvisionnement. Enfin, au point 96 de la décision attaquée, la Commission explique que, même un renforcement sensible de la puissance d’achat de REWE n’aurait pas suscité de doutes sérieux en matière de concurrence, dans la mesure où une grande puissance d’achat n’est normalement pas problématique tant qu’il subsiste une concurrence effective sur le marché de la distribution.

282    Huitièmement, ne saurait pas davantage être accueilli l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas donné d’explications quant à l’absence d’effets concurrentiels du projet de concentration, même dans le cas où les marchés de l’approvisionnement seraient segmentés par canaux de distribution et où l’examen serait limité aux seuls produits biologiques. Il convient en effet de lire le point 35 de la décision attaquée à la lumière des points 96 et 97 de cette décision, dans lesquels la Commission indique que, dans la mesure où la concurrence reste effective sur le marché du commerce de détail du fait des engagements pris par REWE, il n’y a pas lieu de considérer qu’une augmentation de la puissance d’achat de REWE soulève des doutes d’ordre concurrentiel sur les marchés de l’approvisionnement. Elle en infère, au point 35 de la décision attaquée, qu’il était dépourvu de pertinence de savoir quelles auraient été exactement les parts de marché dans le cadre d’une approche des marchés de l’approvisionnement segmentés par canaux de distribution ou en tenant compte des seuls produits biologiques.

283    Neuvièmement, l’argument de la requérante selon lequel, dans la décision attaquée, la Commission ne consacre aucun développement au verrouillage du marché et en particulier en ce qui concerne les produits biologiques doit également être écarté. Il y a lieu de rappeler à cet égard que, aux points 96 et 97 de la décision attaquée, la Commission indique à titre liminaire que, dès lors que la concurrence reste effective sur le marché du commerce de détail, il n’y a pas lieu de craindre que des problèmes d’ordre concurrentiel se manifestent sur les marchés de l’approvisionnement. À titre complémentaire, la Commission rappelle, au point 98 de la décision attaquée, le paragraphe 61 des lignes directrices et aborde, aux points 103 à 106 de la décision attaquée, la question de l’éviction de concurrents sous l’intitulé « éviction/dumping de prix ». Après avoir rappelé, au point 103 de la décision attaquée, que la puissance d’achat peut avoir pour effet l’éviction de concurrents, elle indique que plusieurs éléments, qu’elle expose aux points 104 et 105 de la décision attaquée, plaident à l’encontre d’un tel résultat dans la présente affaire. La requérante ne saurait dès lors soutenir que la décision attaquée ne consacre aucun développement au verrouillage du marché.

284    Il convient de relever, au surplus, qu’il ressort des points 33 à 35 de la décision attaquée, relatifs à la définition des produits concernés par les marchés de l’approvisionnement, que les produits biologiques ne doivent pas être considérés comme constituant un marché d’approvisionnement distinct, de sorte que, conformément au point 269 ci-dessus, la question du verrouillage du marché des produits biologiques est manifestement apparue hors de propos pour la Commission.

285    Il s’ensuit que la seconde branche du second moyen doit être rejetée ainsi que, partant, le second moyen.

286    En conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble en tant qu’il vise la décision attaquée telle que complétée par la décision de la Commission du 29 avril 2011, citée au point 22 ci-dessus. Ainsi que l’ont admis les parties au cours de l’audience, la décision du 29 avril 2011 porte sur un aspect mineur de l’affaire, qui, dès lors, ne saurait remettre en cause l’appréciation par la Commission des effets concurrentiels du projet de concentration.

 Sur les dépens

287    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Spar Österreichische Warenhandels AG est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et Billa AG.

Truchot

Kanninen

Martins Ribeiro

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

A –  Entreprises en cause

B –  Procédure administrative devant la Commission

C –  Contenu de la décision attaquée

1.  Marchés concernés

2.  Effets du projet de concentration sur la concurrence

3.  Engagements pris par REWE

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 139/2004

1.  Sur la première branche, tirée de l’appréciation manifestement erronée des effets concurrentiels du projet de concentration sur le marché du commerce de détail au niveau national

a)  Sur le premier grief, selon lequel la Commission a méconnu la structure fortement concentrée du marché du commerce de détail en Autriche

b)  Sur le deuxième grief, selon lequel la Commission a surestimé l’importance des autres concurrents

c)  Sur le troisième grief, selon lequel la Commission a sous-estimé la pression et le potentiel concurrentiels d’Adeg

d)  Sur le quatrième grief, selon lequel la Commission n’a pas examiné les effets du projet de concentration sur la concurrence sans tenir compte des produits « non-food II »

e)  Sur le cinquième grief, selon lequel l’appréciation de la Commission dans la présente affaire est contradictoire avec celle effectuée dans l’affaire REWE/Meinl

f)  Sur le septième grief, selon lequel les parts de marchés des parties à la concentration étaient « critiques »

2.  Sur la deuxième branche, tirée d’une appréciation erronée de la position de marché des parties à la concentration au niveau infranational

a)  Sur le premier grief, selon lequel la Commission a erronément tenu compte des « districts politiques » dans l’appréciation des effets concurrentiels du projet de concentration au niveau infranational

b)  Sur le second grief, selon lequel le nombre des districts « critiques » recensés par la Commission serait erroné

Sur les prétendus résultats contradictoires et illogiques auxquels conduirait l’application des seuils arrêtés par la Commission pour identifier un district « critique »

Sur les prétendues erreurs commises par la Commission dans l’application des seuils de détermination des districts « critiques »

–  Sur le prétendu manque de fiabilité des données sur la base desquelles ont été recensés les 24 districts « critiques »

–  Sur le prétendu caractère inadéquat de l’utilisation des données de RegioPlan

–  Sur la prétendue consultation insuffisante des acteurs du marché en ce qui concerne les données de RegioPlan fournies par REWE

–  Sur le prétendu regroupement arbitraire de certains districts urbains et certains districts de campagne

–  Sur la fragmentation prétendument erronée de la ville de Vienne en 23 districts distincts

3.  Sur la troisième branche, tirée d’une appréciation erronée des engagements proposés par les parties

a)  Sur le premier grief, selon lequel les problèmes de concurrence n’étaient pas aisément identifiables

b)  Sur le second grief, selon lequel les engagements proposés par REWE n’étaient pas de nature à dissiper les doutes en matière de concurrence

Sur le champ d’application des engagements limité aux 24 districts « critiques » recensés par la Commission

Sur le caractère prétendument insuffisant des engagements de REWE

–  Sur l’absence d’élimination totale des effets concurrentiels du projet de concentration par la solution du régime des « joyaux de la couronne »

–  Sur la faculté de REWE de choisir librement les « joyaux de la couronne » à céder

–  Sur les conditions de séparation des commerçants indépendants « Adeg » d’Adeg

4.  Sur les quatrième et cinquième branches, tirées d’une appréciation erronée des effets concurrentiels du projet de concentration sur les marchés de l’approvisionnement

a)  Sur le premier grief, pris de ce que l’appréciation de la Commission serait fondée sur une « base incomplète et inexacte »

b)  Sur le deuxième grief, tiré de l’examen insuffisant de la dépendance des fournisseurs à l’égard des parties à la concentration

c)  Sur le troisième grief, pris de la prétendue méconnaissance par la Commission des parts de marché élevées de REWE sur un grand nombre de marchés d’approvisionnement

d)  Sur le quatrième grief, pris de la prétendue méconnaissance des lignes directrices

B –  Sur le second moyen, tiré de violations des formes substantielles

1.  Sur la première branche, tirée de violations du droit d’être entendu et du droit de participation à la procédure

a)  Sur le premier grief, pris d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004

b)  Sur le second grief, pris de la violation de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 139/2004

2.  Sur la seconde branche, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

Sur les dépens


* Langue de procédure : l'allemand.


1 –      Données confidentielles occultées.