Language of document : ECLI:EU:C:2020:29

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 22 janvier 2020 (1)

Affaire C634/18

Prokuratura Rejonowa w Słupsku

contre

JI

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy w Słupsku (tribunal d’arrondissement de Słupsk, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2004/757/JAI – Dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue – Portée – Article 2, paragraphe 1, sous c), et article 4, paragraphe 2, sous a) – Consommation personnelle – Grandes quantités de drogue – Principe de légalité des délits et des peines »






1.        Nullum crimen nulla poena sine lege scripta, praevia, certa et stricta. Les termes de cette maxime, bien qu’ils expriment une règle claire et un principe fondamental, à savoir la légalité des délits et des peines, nécessitent toujours une interprétation (2).

2.        Dans la présente affaire, le Sąd Rejonowy w Słupsku – XIV Wydział Karny (tribunal d’arrondissement de Słupsk – XIVe division pénale, Pologne) s’interroge sur l’interprétation de la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil, du 25 octobre 2004, concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue (3). La juridiction de renvoi demande en substance si est compatible avec cette décision-cadre et avec le principe de légalité des délits et des peines une situation prévue en droit national dans laquelle la notion de « grandes quantités de drogue », constitutive d’une infraction aggravée au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757, n’est pas définie par la législation nationale, mais au cas par cas par les juridictions nationales. Afin de répondre à cette question, la Cour devra d’emblée examiner le point de savoir si elle est compétente pour répondre à des questions préjudicielles dans des affaires relatives à la détention de drogues à des fins de consommation personnelle, une situation qui est exclue du champ d’application de la décision‑cadre 2004/757 en vertu de son article 2, paragraphe 2, ainsi que le point de savoir si la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») est applicable en l’espèce (4).

 Le cadre juridique

 La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

3.        L’article 7, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »), dispose :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »

 Le droit de l’Union

 Le traité UE

4.        L’article 31, paragraphe 1, sous e), TUE, dans sa version applicable au moment de l’adoption de la décision-cadre 2004/757, prévoit que l’action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise à « adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue ». L’article 34, paragraphe 2, sous b), TUE habilite le Conseil de l’Union européenne, agissant à l’unanimité à l’initiative de tout État membre ou de la Commission européenne, à arrêter des décisions-cadres « aux fins du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres. Les décisions-cadres lient les États membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Elles ne peuvent entraîner d’effet direct ».

 La Charte

5.        L’article 49 de la Charte reprend et développe l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH. Il dispose :

« 1.      Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle‑ci doit être appliquée.

2.      Le présent article ne porte pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux reconnus par l’ensemble des nations.

[...] »

6.        Conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celles‑ci « s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union [...] ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». L’article 52, paragraphe 3, prévoit que « [d]ans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère [la CEDH] ».

 La décision-cadre 2004/757

7.        Le préambule de la décision-cadre 2004/757 contient les déclarations suivantes. « Le trafic de drogue représente une menace pour la santé, la sécurité et la qualité de la vie des citoyens de l’Union européenne, ainsi que pour l’économie légale, la stabilité et la sécurité des États membres » (5). « Il est nécessaire d’adopter des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions de trafic de drogue et de précurseurs, qui permettront de définir une approche commune au niveau de l’Union européenne dans la lutte contre le trafic de drogue » (6). « [L]’action de l’Union européenne doit se concentrer sur les formes les plus graves d’infractions en matière de stupéfiants » alors que « [l]’exclusion du champ d’application de [la décision-cadre 2004/757] de certains comportements concernant la consommation personnelle ne constitue pas une orientation du Conseil sur la manière dont les États membres entendent traiter ces autres cas dans leur législation » (7). « Les sanctions prévues par les États membres doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, et inclure des peines privatives de liberté. Pour déterminer le niveau des sanctions, les éléments de fait tels les quantités et la nature des drogues qui font l’objet du trafic, le fait que les infractions aient été ou non commises dans le cadre d’une organisation criminelle, doivent être pris en compte » (8). « L’efficacité des efforts entrepris pour lutter contre le trafic de drogue dépend essentiellement du rapprochement des mesures nationales de mise en œuvre des dispositions de la présente décision‑cadre » (9).

8.        L’article 2 de la décision-cadre 2004/757 dispose :

« 1.      Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les comportements intentionnels suivants soient punis lorsqu’ils ne peuvent être légitimés :

a)      la production, la fabrication, l’extraction, la préparation, l’offre, la mise en vente, la distribution, la vente, la livraison à quelque condition que ce soit, le courtage, l’expédition, l’expédition en transit, le transport, l’importation ou l’exportation de drogues ;

b)      la culture du pavot à opium, du cocaïer ou de la plante de cannabis ;

c)      la détention ou l’achat de drogues dans le but d’exercer l’une des activités énumérées au point a) ;

d)      la fabrication, le transport, la distribution de précurseurs, dont celui qui s’y livre sait qu’ils doivent être utilisés dans ou pour la production ou la fabrication illicites de drogues.

2.      Les comportements décrits au paragraphe 1 ne sont pas inclus dans le champ d’application de la présente décision-cadre lorsque leurs auteurs s’y livrent exclusivement à des fins de consommation personnelle telle que définie par la législation nationale. »

9.        L’article 4 de la décision-cadre 2004/757 dispose :

« 1.      Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées aux articles 2 et 3 soient passibles de peines effectives, proportionnées et dissuasives.

Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l’article 2 soient passibles de peines maximales d’un à trois ans d’emprisonnement au moins.

2.      Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l’article 2, paragraphe 1, points a), b) et c), soient passibles de peines maximales de cinq à dix ans d’emprisonnement au moins dans chacun des cas suivants :

a)      l’infraction porte sur de grandes quantités de drogue ;

[...] »

 Le droit polonais

10.      L’article 62 de l’Ustawa z dnia 29 lipca 2005 roku o przeciwdziałaniu narkomanii (loi du 29 juillet 2005 concernant la lutte contre la toxicomanie, ci‑après la « loi concernant la lutte contre la toxicomanie) dispose :

« 1.      Toute personne qui, en violation de la présente loi, détient des produits stupéfiants ou des substances psychotropes, est passible d’une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à trois ans.

2.      Lorsque l’infraction visée au paragraphe 1 porte sur une quantité importante de produits stupéfiants ou de substances psychotropes, son auteur est passible d’une peine privative de liberté d’un à dix ans. »

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

11.      La Prokuratura Rejonowa w Słupsku (parquet d’arrondissement de Słupsk, Pologne, ci‑après la « Prokuratura ») a initié une procédure à l’encontre de JI notamment pour des faits de détention, premièrement, le 7 novembre 2016, d’une quantité importante de substances psychotropes sous forme d’amphétamines d’un poids net total de 10,73 grammes et de produits stupéfiants sous la forme de marijuana d’un poids total de 16,07 grammes, constitutive d’une infraction d’après l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie et, deuxièmement, le 28 novembre 2016, de produits stupéfiants sous la forme de marijuana d’un poids net de 2,00 grammes et de substances psychotropes sous la forme d’amphétamines d’un poids net de 0,49 gramme, constitutive d’une infraction d’après l’article 62, paragraphe 1, de ladite loi.

12.      Il est constant que JI détenait ces drogues pour son usage personnel. Au cours de la procédure pénale qui a fait suite aux faits, JI a plaidé coupable pour l’ensemble des infractions dont il était accusé.

13.      Le Sąd Rejonowy w Słupsku – XIV Wydział Karny (tribunal d’arrondissement de Słupsk – XIVe division pénale) fait observer que la décision‑cadre 2004/757 ne définit pas l’expression « grandes quantités de drogue ». De même, le droit national ne définit pas l’expression « quantité importante » de drogue, utilisée à l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie. La juridiction de renvoi explique que la jurisprudence a tenté de combler cette lacune en établissant une série de critères en vue de déterminer si la quantité de drogue est « importante », « minime » ou « normale ». Ces critères sont le poids (exprimé en grammes, kilogrammes, tonnes, nombres de doses), la catégorie du produit stupéfiant (distinction entre drogues « dures » et « douces ») et la destination du produit (trafic, usage personnel). Toutefois, la notion de « quantité importante » de drogue demeure vague et est définie de manière différente selon les juridictions nationales. La juridiction de renvoi fournit plusieurs exemples d’interprétation divergente de cette notion dans la jurisprudence nationale (10).

14.      Par conséquent, la juridiction de renvoi exprime des doutes quant à la compatibilité de cette jurisprudence avec le principe de légalité des délits et des peines consacré à l’article 7 de la CEDH. Elle fait également observer que le fait que la notion de « grandes quantités de drogue » n’est pas définie au niveau de l’Union, mais est apparemment laissée à l’appréciation des États membres pourrait avoir pour effet que les citoyens de l’Union soient traités différemment selon l’État membre de leur résidence.

15.      La juridiction de renvoi indique que ces questions ont déjà été examinées par le Trybunał Konstytucyjny (Cour constitutionnelle, Pologne) qui a déclaré, dans un jugement du 14 février 2012, que l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie est compatible avec la Constitution polonaise au regard de l’élément constitutif de l’infraction relatif à « une quantité importante » d’une substance.

16.      Dans ce contexte, le Sąd Rejonowy w Słupsku – XIV Wydział Karny (tribunal d’arrondissement de Słupsk – XIVe division pénale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1)      La norme de droit de l’Union qui ressort des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 2, sous a) et de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la [décision-cadre 2004/757] doit-elle être interprétée en ce sens que lesdites dispositions ne font pas obstacle à ce que la notion de “quantité importante de drogues” reçoive une interprétation au cas par cas dans le cadre de l’appréciation individuelle de la juridiction nationale, sans qu’il soit nécessaire, aux fins de cette appréciation, d’appliquer un quelconque critère objectivé, et notamment de constater que la drogue est détenue par l’auteur de l’infraction dans le but d’exercer l’une des activités relevant de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de cette décision-cadre, à savoir la production, l’offre, la mise en vente, la distribution, le courtage, la livraison à quelque condition que ce soit ?

2)      Dans la mesure où la loi polonaise concernant la lutte contre la toxicomanie ne définit pas précisément ce que recouvre une quantité importante de drogues et laisse cette question à l’interprétation des formations de jugement concrètement saisies d’une affaire – dans le cadre du “pouvoir d’appréciation du juge” – les voies de recours juridictionnel nécessaires pour assurer l’efficacité et l’effectivité des normes de droit de l’Union qui ressortent de la [décision-cadre 2004/757] et, en particulier, des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 2, sous a), et de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de cette décision, suffisent-elles à garantir aux justiciables polonais la protection effective qui découle des normes du droit de l’Union établissant des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogues ?

3)      La norme juridique nationale qui ressort des dispositions de l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie est-elle conforme au droit de l’Union, et en particulier à la norme qui ressort des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 2, sous a), et de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la [décision-cadre 2004/757], et, dans l’affirmative, peut-on considérer que la norme de droit de l’Union relative à la responsabilité pénale aggravée de l’auteur d’une infraction de détention de grandes quantités de drogue dans le but d’exercer l’une des activités visées à l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la [décision cadre 2004/757] ne s’oppose pas à la notion de quantité importante de substances psychotropes ou de produits stupéfiants telle qu’elle est interprétée par les juridictions nationales polonaises ?

4)      Peut-on considérer que l’article 62, paragraphe 2, de la loi polonaise concernant la lutte contre la toxicomanie, relatif à la responsabilité pénale aggravée pour infraction de détention d’une quantité importante de substances psychotropes ou de produits stupéfiants telle qu’interprétée par les juridictions nationales polonaises, n’est pas contraire aux principes d’égalité et de non‑discrimination (article 14 de la [CEDH] ainsi que articles 20 et 21 de la [Charte], lus conjointement avec l’article 6, paragraphe 1, TUE) ? »

17.      Des observations écrites ont été déposées par la Prokuratura, les gouvernements polonais, tchèque, espagnol, néerlandais et suédois, ainsi que par la Commission. À l’audience du 2 octobre 2019, la Prokuratura, les gouvernements polonais, espagnol et suédois, ainsi que la Commission ont présentés des observations orales.

 Appréciation

 La compétence de la Cour

18.      La Prokuratura fait valoir que la Cour n’est pas compétente pour répondre aux questions préjudicielles déférées par la juridiction de renvoi parce que celles‑ci portent sur l’interprétation du droit national, à savoir l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie, et sur la compatibilité de cette disposition avec la décision-cadre 2004/757.

19.      À cet égard, il est de jurisprudence constante que la Cour n’est pas compétente, au titre de l’article 267 TFUE, pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation de règles relevant du droit interne. La compétence de la Cour est limitée à l’examen des dispositions du droit de l’Union (11), toutefois la Cour peut fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union, qui pourraient lui être utiles dans l’appréciation des effets de ces dispositions de droit national. De plus, rien n’empêche la reformulation de cette question en vue de fournir à ladite juridiction une interprétation desdites dispositions qui lui soit utile pour trancher le litige dont elle est saisie (12).

20.      Dans la présente affaire, les questions préjudicielles portent sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), et de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757. Il y a également lieu d’interpréter l’article 2, paragraphe 2, de cette dernière aux fins de déterminer si la présente affaire relève du champ d’application du droit de l’Union. Les questions déférées sont donc à première vue recevables.

21.      La Commission soutient que la présente affaire ne relève pas du champ d’application de la décision-cadre 2004/757. Il ressort des faits décrits par la juridiction de renvoi que JI détenait une quantité de drogue pour sa consommation personnelle. L’article 2, paragraphe 2, exclut un tel comportement du champ d’application de la décision-cadre 2004/757.

22.      À l’audience, la Prokuratura, les gouvernements polonais, espagnol et suédois ont approuvé les observations de la Commission.

23.      Il ressort en effet clairement du libellé de l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre 2004/757 que la détention de drogues « à des fins de consommation personnelle » ne relève pas du champ d’application de cette décision-cadre et que c’est le droit national qui régit (et sanctionne) un tel comportement. Toutefois, ainsi que l’explique le considérant 4 de la décision‑cadre 2004/757, l’exclusion de son champ d’application de certains comportements concernant la consommation personnelle ne constitue pas une orientation du Conseil sur la manière dont les États membres entendent traiter ces autres cas dans leur législation.

24.      Ainsi, le gouvernement polonais a expliqué à l’audience que la loi concernant la lutte contre la toxicomanie, qui a transposé la décision-cadre 2004/757, ne fait pas de distinction, aux fins de réprimer la détention de drogues, entre la détention à des fins de consommation personnelle et la détention à d’autres fins. Ainsi, l’article 62, paragraphe 1 (détention de drogues passible d’une peine privative de liberté jusqu’à trois ans) et paragraphe 2 (détention d’une quantité importante de drogue passible d’une peine privative de liberté d’un à dix ans), érige en infraction la détention de drogues indépendamment de sa finalité. En traitant la détention de drogues de cette manière, l’article 62 de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie va au-delà de la portée de la détention de drogues au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2004/757 et couvre en fait également la détention de drogues à des fins de consommation personnelle.

25.      Les informations fournies par le gouvernement polonais confirment donc que la législation nationale traite la détention de drogues à des fins de consommation personnelle de la même manière que la détention de drogues liée au trafic de drogue, passible d’une peine en application de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2004/757 (13). En outre, en droit polonais, il n’est possible de constater le non‑lieu à statuer dans une procédure pénale ayant pour objet la détention de drogues à des fins de consommation personnelle que si la quantité de drogue en cause est « minime ».

26.      Il est de jurisprudence constante que la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur des questions relatives au droit de l’Union lorsque les faits au principal examinés par les juridictions nationales ne relèvent pas directement du champ d’application du droit de l’Union, mais que les dispositions de ce droit ont été rendues applicables par la législation nationale, qui a adopté, pour des situations internes, la même approche que celle retenue par le droit de l’Union (14). Dans de tels cas, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer (15).

27.      Sous réserve de la nécessaire vérification des faits par la juridiction nationale, il me semble que cette jurisprudence s’applique en l’espèce. La loi concernant la lutte contre la toxicomanie transpose la décision-cadre 2004/757 dans l’ordre juridique national. L’article 62 de ladite loi rend applicable, à des situations qui échapperaient sinon au champ d’application de la décision-cadre, la même approche que celle prévue en droit de l’Union. Plus particulièrement, l’article 62, paragraphe 2, de ladite loi traite les infractions portant sur une « quantité importante de produits stupéfiants » comme des infractions aggravées. Je comprends cette expression comme étant la transposition en droit national de la notion de « grandes quantités de drogue » figurant à l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757. La détention pour un usage personnel est définie et sanctionnée de la même manière que la détention visée par l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2004/757.

28.      Les éléments constitutifs de ces infractions sont définis par la décision‑cadre 2004/757 et doivent par conséquent faire l’objet d’une interprétation uniforme en tant que notions du droit de l’Union. La décision-cadre 2004/757 ne définit pas la notion de « grandes quantités de drogue ». Par conséquent, il appartient à la Cour de fournir tout éclairage nécessaire quant à la signification de cette notion aux fins de prévenir des interprétations divergentes à l’avenir.

29.      De plus, il ressort clairement de la jurisprudence constante de la Cour que le caractère contraignant d’une décision-cadre entraîne à l’égard des autorités nationales, en ce compris les juridictions nationales, une obligation d’interprétation conforme du droit national. En appliquant le droit national, ces juridictions, appelées à interpréter celui‑ci, sont donc tenues de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre afin d’atteindre le résultat visé par cette décision (16).

30.      À l’audience, le gouvernement espagnol a fait valoir que l’expression « grandes quantités de drogue » figurant à l’article 4, paragraphe 2, de la décision‑cadre 2004/757 est dénuée de pertinence lorsque la drogue est détenue à des fins de consommation personnelle. Dans le contexte de la présente procédure, je rejette cet argument. En effet, le législateur national a choisi de traiter la détention à des fins de consommation personnelle et la détention à des fins de trafic de la même manière. Par conséquent, l’interprétation de ce qui constitue une « grande quantité de drogue » est pertinente pour les deux cas de figure.

31.      Les gouvernements espagnol et suédois ont suggéré que les principes établis dans l’arrêt Ullens de Schooten (17) ne sont pas applicables en l’espèce parce qu’il n’est pas nécessaire de donner une interprétation uniforme à des notions que le législateur de l’Union n’a pas souhaité définir dans le contexte d’une décision‑cadre. Toutefois, le principe selon lequel le droit de l’Union doit être interprété de manière uniforme s’applique également à l’interprétation des dispositions d’une décision-cadre (18). Lorsqu’une disposition du droit de l’Union laisse une marge d’appréciation aux États membres en vue de sa mise en œuvre, une interprétation fiable et uniforme du sens de cette disposition du droit de l’Union est un préalable essentiel à la définition es limites de cette marge d’appréciation.

32.      En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée par l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (19).

33.      Dans ces circonstances, je considère que la Cour est compétente pour répondre aux questions déférées.

 L’applicabilité de la Charte

34.      La juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation de différents articles de la Charte aux fins de déterminer si la situation en droit national qu’elle décrit est compatible avec le droit de l’Union.

35.      Dans ses observations écrites, la Commission exprime des doutes quant à l’applicabilité de la Charte en l’espèce. Selon elle, l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie ne met pas en œuvre le droit de l’Union.

36.      L’article 51, paragraphe 1, de la Charte précise que celle‑ci s’adresse aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

37.      Il est de jurisprudence constante que « les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations. C’est dans cette mesure que la Cour a déjà rappelé qu’elle ne peut apprécier, au regard de la Charte, une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit de l’Union. En revanche, dès lors qu’une telle réglementation entre dans le champ d’application de ce droit, la Cour, saisie à titre préjudiciel, doit fournir tous les éléments d’interprétation nécessaires à l’appréciation, par la juridiction nationale, de la conformité de cette réglementation avec les droits fondamentaux dont elle assure le respect ». De même, la Cour a déclaré que « [l]es droits fondamentaux garantis par la Charte devant, par conséquent, être respectés lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application du droit de l’Union, il ne saurait exister de cas de figure qui relèvent ainsi du droit de l’Union sans que lesdits droits fondamentaux trouvent à s’appliquer. L’applicabilité du droit de l’Union implique celle des droits fondamentaux garantis par la Charte ». « Lorsque, en revanche, une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence » (20). La notion de « mise en œuvre du droit de l’Union » au sens de l’article 51 de la Charte « présuppose l’existence d’un lien de rattachement entre un acte du droit de l’Union et la mesure nationale en cause, qui dépasse le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre » (21).

38.      Il est clair que la Cour ne saurait statuer sur l’interprétation de la décision‑cadre 2004/757 sans prendre en considération la Charte qui constitue le droit primaire de l’Union (22). Ainsi que je l’ai expliqué aux points 26 à 28 des présentes conclusions, l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie transpose en droit national l’infraction aggravée relative à de « grandes quantités de drogue » prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757. Il est donc clair que cette disposition est du droit national qui « relève du champ d’application du droit de l’Union » : c’est en effet l’instrument par lequel la République de Pologne « met en œuvre le droit de l’Union » (en l’espèce, la décision-cadre 2004/757) au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

39.      L’arrêt que rendra la Cour sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757 à la lumière de la Charte régira (de toute évidence) l’interprétation de l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie pour les personnes accusées de détenir une « quantité importante de produits stupéfiants » à des fins de trafic. Il est indiscutable que, dans ce contexte, un État membre est tenu de respecter les droits fondamentaux garantis par la Charte. Par souci d’exhaustivité, j’ajoute ici qu’il est de jurisprudence constante que le protocole no 30 aux traités (23) ne remet pas en question l’applicabilité de la Charte en Pologne et n’a pas pour objet d’exonérer la République de Pologne de l’obligation de respecter les dispositions de la Charte (24).

40.      La décision-cadre 2004/757 – je le rappellerai – traite uniquement des « formes les plus graves d’infractions en matière de stupéfiants » (25) et couvre donc le trafic de drogue, mais pas la consommation pour un usage personnel. Dans le cadre du trafic de drogue, le défendeur est protégé par l’exigence que l’interprétation donnée de l’infraction aggravée relative à de « grandes quantités de drogue » doit être compatible avec la Charte. Or, l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie, comme nous l’avons vu, n’opère aucune distinction d’aucune sorte entre détention pour un usage personnel et détention à des fins de trafic. Le législateur national a choisi de traiter les deux cas de figure exactement de la même manière.

41.      Dans ce contexte, peut-on soutenir, d’un point de vue juridique, que, alors que l’article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie doit avoir une signification compatible avec la Charte lorsque des personnes sont inculpées, au titre de cette loi, d’une des « formes les plus graves d’infractions en matière de stupéfiants » (l’infraction aggravée relative au trafic de drogue), exactement la même disposition peut avoir une signification différente (par hypothèse, non compatible avec la Charte) lorsqu’elle constitue le fondement des poursuites dirigées contre une personne pour une infraction moins grave, à savoir la détention des mêmes quantités de drogue pour un usage personnel ?

42.      En définitive, il appartiendra à la juridiction nationale de répondre à cette question à la lumière à la fois de son droit constitutionnel et des exigences posées par la CEDH. Je me limiterai à deux observations.

43.      En premier lieu, il me semble qu’un tel résultat serait à la fois étrange et inapproprié. Des questions me viennent immédiatement à l’esprit quant à la cohérence et au caractère proportionnel d’un tel traitement dans le cadre du droit pénal, et quant au problème de sécurité juridique si un seul et même texte juridique a deux significations radicalement différentes selon qu’il est utilisé pour poursuivre, premièrement, la détention de grandes quantités de drogue à des fins de trafic ou, deuxièmement, la détention de grandes quantités de drogue pour un usage personnel. Pour ma part, je rejetterais par conséquent la possibilité qu’une telle distinction puisse être juridiquement correcte.

44.      En second lieu, la Cour doit évidemment expliquer à la juridiction nationale ce qu’est une interprétation compatible avec la Charte de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757. À défaut, la juridiction nationale ne sera pas en mesure de trancher le litige dont elle est saisie.

 Les questions préjudicielles

45.      Il y a lieu d’examiner ensemble les quatre questions déférées. La juridiction de renvoi demande en substance si l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757, lu en combinaison avec son article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi que les principes d’égalité, de non‑discrimination et de légalité des délits et des peines consacrés, respectivement, aux articles 20, 21 et 49 de la Charte doivent être interprétés comme s’opposant à une législation nationale qui ne définit pas l’infraction aggravée relative à de « grandes quantités de drogue » en recourant à des critères objectifs (tels que la destination de la détention de drogues), mais s’en remet, pour l’interprétation de cette notion, à l’appréciation au cas par cas des juridictions nationales.

 Étendre la responsabilité pénale au titre de l’infraction aggravée relative à la détention de grandes quantités de drogue, qui ne relève pas des infractions énumérées dans la décision-cadre 2004/757

46.      L’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre 2004/757 couvre « la détention ou l’achat de drogues » dans le but d’exercer l’une des (nombreuses) activités énumérées à l’article 2, paragraphe 1, sous a) (26). L’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757 introduit une infraction aggravée, « passible de peines maximales de cinq à dix ans d’emprisonnement au moins » lorsque l’infraction définie à l’article 2, paragraphe 1, sous a), b) et c), porte sur de « grandes quantités de drogue ». L’article 2, paragraphe 2, exclut du champ d’application de la décision-cadre les comportements couverts par l’article 2, paragraphe 1, lorsqu’ils sont commis par « leurs auteurs » exclusivement à des fins de consommation personnelle telle que définie par la législation nationale (27).

47.      Toutefois les États membres restent libres de traiter la détention de grandes quantités de drogue à des fins de consommation personnelle comme une infraction aggravée. La décision-cadre 2004/757 indique qu’elle fixe « des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue » (28). Par définition, les États membres peuvent donc aller au-delà de ces exigences minimales.

48.      Le considérant 4 de la décision-cadre 2004/757 explique utilement que « [l]’exclusion du champ d’application de cette décision-cadre de certains comportements concernant la consommation personnelle ne constitue pas une orientation du Conseil sur la manière dont les États membres entendent traiter ces autres cas dans leur législation ». Ce considérant reflète l’historique de ladite décision-cadre. Le Parlement européen a modifié le projet de décision-cadre en introduisant l’article 2, paragraphe 2, aux fins de refléter le principe de subsidiarité. Il a expliqué que la modification signifiait que, si les États membres le souhaitaient, ils pouvaient sanctionner la consommation personnelle, mais qu’ils n’étaient pas tenus de le faire (29). Je partage cette analyse. Il s’ensuit que les États membres sont libres de réprimer la détention de drogues à des fins de consommation personnelle et de déterminer les éléments constitutifs de ce délit ainsi que de la peine attachée à celui‑ci.

49.      Par conséquent, je conclus que l’article 2, paragraphe 1, sous c), l’article 2, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757 ne s’opposent pas à ce que les États membres étendent la responsabilité pénale au titre de l’infraction aggravée relative à la détention de grandes quantités de drogue à des fins de trafic, telle que définie dans ces dispositions, à la détention de drogues qui ne relève pas des infractions énumérées dans la décision-cadre 2004/757.

 La notion de « grandes quantités de drogue » figurant à l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757 et les principes d’égalité, de nondiscrimination et de légalité des délits et des peines

50.      L’interprétation de la notion de « grandes quantités de drogue » figurant à l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757 à la lumière de ces principes s’oppose-t-elle à une situation dans laquelle l’expression transposant cette notion en droit national n’est pas définie par le législateur, mais fait l’objet d’une interprétation au cas par cas par les juridictions nationales ?

51.      La décision-cadre 2004/757 ne définit pas la notion de « grandes quantités de drogue » qui figure à son article 4, paragraphe 2, sous a), et qui est l’une des circonstances aggravantes entraînant une peine plus sévère pour les infractions dont les éléments constitutifs sont fixés dans la décision-cadre.

52.      La décision-cadre 2004/757 a pour objectif de fixer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions de trafic de drogue et aux peines afférentes (30). À cette époque, les décisions-cadres étaient utilisées pour le rapprochement des lois et réglementations des États membres dans ces domaines du droit. Ces décisions étaient contraignantes quant au résultat à atteindre, mais laissaient aux États membres le choix de la forme et des méthodes (31).

53.      La décision-cadre 2004/757 se contente donc d’imposer aux États membres une exigence minimale consistant à prévoir dans leur droit pénal une circonstance aggravante, le choix de la forme et des méthodes étant laissé à leur discrétion. Les États membres étaient également tenus de s’assurer que les peines pour de telles infractions seraient effectives, proportionnées et dissuasives (32). De plus, le considérant 9 de cette décision-cadre les encourage à garantir l’effectivité des efforts entrepris pour lutter contre le trafic de drogue.

54.      Les éléments soumis à la Cour dans la présente procédure n’ont pas été d’un grand secours pour définir ce que sont les « grandes quantités de drogue » constitutives de la circonstance aggravante prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757. Avec une certaine réticence, je propose les réflexions suivantes à titre d’éclairage en vue de donner une signification tangible à cette notion.

55.      Premièrement, une « grande quantité » peut être définie par son contraire : la petite quantité de drogue qui satisferait probablement les besoins personnels de son détenteur. Une provision qui serait adéquate pour une personne pour un maximum de quelques semaines n’est pas une « grande quantité ». À l’inverse, des quantités qui approvisionneraient une seule personne dépendante pendant une année sont de « grandes quantités » et peuvent indiquer qu’il est réellement possible que la drogue ne soit pas destinée à un usage personnel, mais à du trafic.

56.      Deuxièmement, il me semble plausible de conclure que l’on est en présence de « grandes quantités de drogue » lorsque la drogue trouvée comporte, soit un éventail de différentes drogues, chacune présente en quantités modérées, soit une très importante quantité d’une seule drogue. À nouveau, les deux cas de figure semblent être indicatifs, je pense, d’une détention à des fins de trafic plutôt que d’une détention pour un usage personnel.

57.      Troisièmement, je pense qu’il est davantage pertinent de mesurer la « quantité » en termes de « dose » requise pour obtenir un seul « trip » à partir d’une drogue déterminée, plutôt qu’en termes de poids. Différentes drogues produisent différents effets psychotropes. Les personnes disposant de l’expertise technique nécessaire dans la lutte contre le trafic de drogue seront en mesure de fournir un éclairage convaincant de ce que signifie une « dose » pour les drogues d’utilisation courante et d’élargir cet éclairage au fur et à mesure (hélas) que de nouvelles drogues sont développées. La notion de ce qui constitue une « grande quantité » sera alors comparable (entre différents types de drogue) si elle est formulée en termes de doses, alors qu’elle pourrait donner des chiffres très différents pour chaque drogue si la mesure de référence est le poids.

58.      Dans ce contexte, les États membres bénéficient d’une importante marge d’appréciation quant aux chiffres précis qu’ils utilisent pour étayer la notion de « grandes quantités de drogue » sur leur territoire. Ils doivent toutefois s’assurer, à la fois, que l’application du droit pénal soit raisonnablement prévisible (33) et que l’effectivité de la décision-cadre 2004/757 soit préservée.

59.      La juridiction de renvoi fait observer que la marge d’appréciation des États membres pour la transposition de la notion de « grandes quantités de drogue » a pour résultat que différents régimes peuvent s’appliquer au titre du droit pénal dans différents États membres. De même, le manque de précision de la règle nationale en cause peut entraîner une différence de traitement entre personnes ayant commis la même infraction avec des faits similaires (34).

60.      S’agissant de la première question soulevée par la juridiction de renvoi, la décision-cadre 2004/757 ne vise pas une harmonisation complète des dispositions applicables relatives aux éléments constitutifs des délits et des peines dans le domaine qu’elle couvre. Il s’ensuit que l’on ne saurait considérer que les différences entre les mesures nationales de transposition violent les principes d’égalité et de non‑discrimination (35).

61.      S’agissant de la deuxième question, selon la jurisprudence constante, les principes d’égalité et de non‑discrimination requièrent que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (36).

62.      Dans la présente affaire, il ne ressort pas des informations présentées à la Cour que la loi concernant la lutte contre la toxicomanie traite différemment des situations comparables. Le fait que les juridictions nationales bénéficient d’une certaine marge d’appréciation ne constitue pas non plus, en soi, une violation de ces principes.

63.      Toutefois, la situation décrite par la juridiction de renvoi devrait être examinée sous l’angle du principe de la légalité des délits et des peines, tel que consacré à l’article 49 de la Charte. Cette dernière s’applique parce qu’une seule et même disposition du droit national (article 62, paragraphe 2, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie) à la fois transpose l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757 et s’applique à des situations (détention pour un usage personnel) ne relevant pas du champ d’application de la décision-cadre (voir points 36 et suivants des présentes conclusions).

64.      La juridiction de renvoi exprime des doutes quant au point de savoir si le fait que la notion de « quantité importante de produits stupéfiants » n’est pas définie par le droit national et n’est pas toujours interprétée par la jurisprudence de la même manière est compatible avec le principe de légalité des délits et des peines.

65.      Dans ses observations écrites, le gouvernement polonais a confirmé que le droit national ne définit effectivement pas la notion de « quantité importante de produits stupéfiants ». Il affirme que cela permet aux juridictions nationales de prendre en considération les circonstances pertinentes de chaque cas particulier, ce qui est essentiel à une appréciation correcte du point de savoir si une « quantité importante de drogue » était en cause. Lors de cette appréciation, les juridictions nationales doivent appliquer les principes découlant de la jurisprudence du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne). À l’audience, le gouvernement polonais a mentionné l’arrêt de cette juridiction du 23 septembre 2009 fixant certaines lignes directrices en matière d’appréciation du point de savoir si les circonstances d’un cas particulier impliquaient une « quantité importante de produits stupéfiants ».

66.      Le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les exigences conséquentes relatives à la prévisibilité, la précision et la non‑rétroactivité sont d’une importance primordiale tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux. Ce principe est consacré à l’article 49 de la Charte, mais fait également partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres (37).

67.      Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le droit consacré à son article 49 a le même sens et la même portée que le droit garanti par la CEDH, en ce compris la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (38).

68.      En vertu du principe de légalité des délits et des peines, les dispositions pénales doivent respecter certaines exigences d’accessibilité et de prévisibilité en ce qui concerne tant la définition de l’infraction que la détermination de la peine (39).

69.      L’exigence de précision de la loi applicable, qui est inhérente audit principe, implique que la loi doit définir de manière claire les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (40).

70.      La Cour européenne des droits de l’homme a déclaré qu’« en raison du principe selon lequel les lois doivent être d’application générale, le libellé des lois n’est pas toujours précis. Cela signifie que de nombreuses lois servent par la force des choses de formules plus ou moins floues et leur interprétation et leur application dépendent de la pratique. Par conséquent, dans tout système de droit, quoique rédigée de manière claire, une disposition juridique, en ce compris une disposition de droit pénal, implique inévitablement un élément d’interprétation jurisprudentielle. Il y aura toujours un besoin d’élucidation des points douteux et d’adaptation aux changements de circonstances. Alors que la certitude est hautement souhaitable, elle peut entraîner une rigidité excessive et le droit doit pouvoir s’adapter aux changements de situation. Une loi peut malgré tout satisfaire l’exigence de “prévisibilité” lorsque la personne concernée doit demander un avis juridique approprié en vue d’apprécier, dans une mesure raisonnable compte tenu des circonstances, les conséquences que peut entraîner une action déterminée » (41). « De plus, le niveau de précision requis de la législation interne – laquelle ne saurait parer à toute éventualité – dépend dans une large mesure de la teneur de l’instrument en question, du domaine qu’il couvre et de la qualité de ses destinataires » (42).

71.      À cet égard, la jurisprudence de la Cour affirme que le principe de légalité des délits et des peines « ne saurait être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par des interprétations jurisprudentielles, pour autant que celles‑ci sont raisonnablement prévisibles » (43).

72.      Il résulte de la jurisprudence qui vient d’être citée que le principe de légalité des délits et des peines exige que, premièrement, le droit doit clairement définir les délits et les peines dont leur auteur est passible, deuxièmement, il doit être accessible et prévisible, troisièmement, le fait que certaines dispositions nécessitent une interprétation jurisprudentielle ne signifie pas automatiquement que ces exigences ne sont pas satisfaites (y compris en matière pénale), quatrièmement, le degré de précision exigé de la législation nationale dépend dans une large mesure de la nature et du contexte d’une telle législation, cinquièmement, il s’ensuit que, alors que, par exemple, la nature des dispositions constitutionnelles peut justifier un degré de précision moindre (44), le droit pénal, qui implique souvent des peines d’emprisonnement sévères, exige un degré de précision plus élevé, sixièmement, la clarification graduelle des règles en matière de responsabilité pénale grâce à des interprétations jurisprudentielle est autorisée pour autant que ces interprétations soient raisonnablement prévisibles et, septièmement, la personne concernée doit toutefois être en mesure d’apprécier (grâce à un conseil juridique approprié, dans une mesure raisonnable compte tenu des circonstances) les conséquences qu’est susceptible d’entraîner une action déterminée ainsi que les actes ou omissions qui engageront sa responsabilité pénale.

73.      Selon moi, cette dernière proposition englobe également l’appréciation de la portée de la responsabilité pénale potentielle d’un justiciable et, en particulier, le point de savoir si des circonstances aggravantes susceptibles d’entraîner des peines plus sévères seront retenues, ainsi que l’appréciation de la sévérité de ces peines.

74.      Il appartient à la juridiction nationale d’établir si la situation qu’elle décrit, dans laquelle la notion de « quantité importante de produits stupéfiants » n’est pas définie dans la loi concernant la lutte contre la toxicomanie, mais est interprétée au cas par cas par les tribunaux, permet à un justiciable de savoir quels actes ou omissions engageront sa responsabilité pénale et quelle sera la portée de cette responsabilité.

75.      La hiérarchie, les liens et l’interaction entre les différentes instances des juridictions sont définis par l’ordre juridique de chaque État membre. C’est dans ce contexte et avec une certaine réticence que je propose les observations générales suivantes à titre d’éclairage pour la juridiction qui se lancera dans cet exercice.

76.      Il ressort des éléments présentés à la Cour par la juridiction de renvoi que la jurisprudence nationale, au cours de la période entre 1997 (c’est‑à‑dire, avant l’adoption de la décision-cadre 2004/757 et de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie) et 2012, appliquait un critère quantitatif pour définir une « quantité importante de produits stupéfiants », en lien avec le nombre de personnes pour lesquelles la quantité de drogue en question pouvait procurer un « trip ». Cependant, selon la juridiction de renvoi, le chiffre de référence varie (45). Les juridictions nationales complètent ces règles avec d’autres critères (46).

77.      Le gouvernement polonais a pointé le rôle des juridictions supérieures pour assurer une application uniforme du droit pénal. Il a attiré l’attention de la Cour sur la jurisprudence constante du Sąd Najwyższy (Cour suprême) (de 2006 à 2018) qui définissait une « quantité importante de produits stupéfiants » par référence à un critère quantitatif unique : une quantité qui satisfait, en même temps, les besoins d’au moins plusieurs dizaines de personnes dépendantes. De plus, il s’est également référé à certains critères additionnels ou subsidiaires, tels que la masse du produit, son type (drogue « douce » ou « dure ») et le point de savoir si le produit était destiné au trafic ou à un usage personnel. Dans son arrêt du 23 septembre 2009, le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a également déclaré que « la tentative du Sąd Najwyższy (Cour suprême) de créer une quasi définition légale [de la notion de “quantité importante”] serait une façon non autorisée d’exercer les prérogatives du législateur » et qu’« aucun modèle [de définition] créé par le Sąd Najwyższy (Cour suprême) ne peut englober tous les cas qui pourraient apparaître à l’avenir compte tenu du progrès technologique actuel (et la production de nouvelles drogues synthétiques, encore plus dangereuses pour la vie et la santé de l’homme, capables de produire l’effet désiré avec des masses de moins en moins importantes) ».

78.      Il est solidement établi dans la tradition juridique en Europe que la jurisprudence, en tant que source du droit, contribue nécessairement à l’évolution progressive du droit pénal (47). Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’apprécier des circonstances concernant des substances telles que les drogues. La nature, la variété, les effets et les propriétés intrinsèques des différents types de drogue font qu’il est difficile d’établir une définition « universelle » de ce qui constitue des « grandes quantités » de ces substances. Ainsi que l’a déclaré la Cour européenne des droits de l’homme, « de nombreuses lois servent par la force des choses de formules plus ou moins floues, afin d’éviter une rigidité excessive et de pouvoir s’adapter aux changements de situation. L’interprétation et l’application de pareils textes dépendent de la pratique » (48).

79.      Cela étant, une situation dans laquelle la jurisprudence des juridictions inférieures ne permet pas à un justiciable de savoir si la détention de drogues suffisante pour procurer un trip unique à plusieurs dizaines de personnes suffit à être constitutive d’une infraction aggravée ou de savoir si cette infraction n’est retenue qu’en cas de détention de quantités suffisantes pour plusieurs centaines (voire milliers) de personnes ne satisferait toutefois pas, selon moi, le critère de prévisibilité. Cela irait au-delà du niveau de flexibilité nécessaire pour éviter une rigidité excessive et pour s’adapter aux changements de situation. Si les faits sont tels que le laisse entendre la juridiction de renvoi dans sa décision, le critère d’harmonisation qui aurait prétendument été établi par la jurisprudence du Sąd Najwyższy (Cour suprême) ne me semble pas être en train de produire une application raisonnablement prévisible du droit pénal. Le Sąd Najwyższy (Cour suprême) a également indiqué sa réticence à définir de manière plus détaillée la notion de « quantité importante de produits stupéfiants », considérant cela comme étant une usurpation du rôle du législateur (49). Dans ces circonstances, l’interprétation, au cas par cas et non soumise à des limites, par les juridictions nationales de la circonstance aggravante de ce qui constitue « une quantité importante » de drogue n’est pas compatible avec le principe de légalité des délits et des peines.

80.      Par conséquent, je conclus que l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757 à la lumière des principes d’égalité, de non‑discrimination et de légalité des délits et des peines ne s’oppose pas à une situation dans laquelle l’expression transposant en droit national la notion de « grandes quantités de drogue » n’est pas définie par le législateur, mais est clarifiée par voie d’interprétation jurisprudentielle. Toutefois, cette interprétation doit permettre à l’intéressé d’apprécier l’existence et la portée de sa responsabilité pénale lorsqu’il est trouvé en possession d’une certaine quantité de drogue. Une interprétation au cas par cas de cette notion par les juridictions nationales sur la base d’un critère qui n’offre pas un degré raisonnable de prévisibilité et de certitude n’est pas compatible avec le principe de légalité des délits et des peines consacré à l’article 49 de la Charte. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer si telle est effectivement la situation qui prévaut dans son ordre juridique.

 Conclusion

81.      À la lumière des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions déférées par le Sąd Rejonowy w Słupsku – XIV Wydział Karny (tribunal d’arrondissement de Słupsk – XIVe division pénale, Pologne) :

–        L’article 2, paragraphes 1 et 2, et l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil, du 25 octobre 2004, concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue, ne s’oppose pas à ce que les États membres étendent la responsabilité pénale au titre de l’infraction aggravée relative à la détention de grandes quantités de drogue à des fins de trafic, telle que définie dans cette décision‑cadre, à la détention de drogues ne relevant pas des infractions énumérées dans ladite décision-cadre.

–        L’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la décision‑cadre 2004/757 à la lumière des principes d’égalité, de non‑discrimination et de légalité des délits et des peines ne s’oppose pas à une situation dans laquelle l’expression transposant en droit national la notion de « grandes quantités de drogue » n’est pas définie par le législateur, mais est clarifiée par voie d’interprétation jurisprudentielle. Toutefois, cette interprétation doit permettre à l’intéressé d’apprécier l’existence et la portée de sa responsabilité pénale lorsqu’il est trouvé en possession d’une certaine quantité de drogue. Une interprétation au cas par cas de cette notion par les juridictions nationales sur la base d’un critère qui n’offre pas un degré raisonnable de prévisibilité et de certitude n’est pas compatible avec le principe de légalité des délits et des peines consacré à l’article 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer si telle est effectivement la situation qui prévaut dans son ordre juridique.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Voir, par exemple, mes conclusions dans l’affaire IK (Exécution d’une peine complémentaire) (C‑551/18 PPU, EU:C:2018:890). Voir également point 74 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:564), qui rappelle que le principe de la légalité des délits et des peines est l’un des principes essentiels du droit pénal moderne, identifié notamment par le pénaliste italien Cesare Beccaria, qui cite les travaux de Montesquieu [De l’Esprit des Lois (livre XI, chapitre VI, de la Constitution d’Angleterre), 1748] dans son célèbre traité Des délits et des peines (1764) .


3      JO 2004, L 335, p. 8.


4      JO 2007, C 303, p. 1.


5      Considérant 1.


6      Considérant 3.


7      Considérant 4.


8      Considérant 5.


9      Considérant 9.


10      Voir point 76 ainsi que notes 45 et 46 des présentes conclusions.


11      Arrêt du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler (C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 30).


12      Arrêt du 5 mars 2009, Kattner Stahlbau (C‑350/07, EU:C:2009:127, points 24 et 25).


13      Voir convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1582, p. 95). Son article 3, paragraphe 2, prévoit que « [s]ous réserve de ses principes constitutionnels et des concepts fondamentaux de son système juridique, chaque Partie adopte les mesures nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, à la détention et à l’achat de stupéfiants et de substances psychotropes et à la culture de stupéfiants destinés à la consommation personnelle en violation des dispositions de la Convention de 1961, de la Convention de 1961 telle que modifiée ou de la Convention de 1971 ». Tant l’Union européenne que la République de Pologne sont parties à cette convention.


14      Voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874, point 53 et jurisprudence citée).


15      Arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 20 et jurisprudence citée).


16      Arrêt du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503, point 31).


17      Arrêt du 15 novembre 2016 (C‑268/15, EU:C:2016:874).


18      Voir, par exemple, arrêt du 24 mai 2016, Dworzecki (C‑108/16 PPU, EU:C:2016:346, points 28 et 30).


19      Arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a. (C‑32/11, EU:C:2013:160, point 19 et jurisprudence citée).


20      Arrêt du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 19, 21 et 22 ainsi que jurisprudence citée).


21      Arrêt du 6 octobre 2016, Paoletti e.a. (C‑218/15, EU:C:2016:748, point 14).


22      Voir article 6, paragraphe 1, TUE : « L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte [...], laquelle a la même valeur juridique que les traités. »


23      Protocole (no 30) sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la Pologne et au Royaume‑Uni. L’article 1er, paragraphe 1, de ce protocole prévoit que « [l]a Charte n’étend pas la faculté de la Cour de justice de l’Union européenne, ou de toute juridiction de la Pologne ou du Royaume‑Uni, d’estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives de la Pologne ou du Royaume‑Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu’elle réaffirme ».


24      Arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 85 et jurisprudence citée). Voir également arrêt du 21 décembre 2011, N.S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 119 et 120).


25      Quatrième considérant de la décision-cadre (voir le point 7 ci‑dessus).


26      À savoir « la production, la fabrication, l’extraction, la préparation, l’offre, la mise en vente, la distribution, la vente, la livraison à quelque condition que ce soit, le courtage, l’expédition, l’expédition en transit, le transport, l’importation ou l’exportation de drogues ».


27      Certaines activités énumérées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision-cadre 2004/757 semblent, en toute hypothèse, irréconciliables avec la détention à des fins de consommation personnelle (l’offre, la mise en vente, la distribution, la vente, la livraison, le courtage, l’expédition et l’expédition en transit).


28      Voir également considérant 3 de la décision-cadre 2004/757.


29      Rapport du Parlement européen sur le projet de décision-cadre du Conseil concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue, A5-0095/2004, 23 février 2004, p. 6.


30      L’article 31, paragraphe 1, sous e), TUE fournit une base juridique à la fixation de règles minimales dans certains domaines du droit pénal, qui incluent le trafic de drogue. Voir également considérant 3 de la décision-cadre 2004/757.


31      Article 34, paragraphe 2, sous b), TUE. Voir également arrêt du 8 novembre 2016, Ognyanov (C‑554/14, EU:C:2016:835, point 56).


32      Article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2004/757.


33      Voir points 66 et suivants des présentes conclusions.


34      Je rappelle que la peine pour détention illégale de drogue prévue à l’article 62, paragraphe 1, de la loi concernant la lutte contre la toxicomanie est « une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à trois ans » alors que, en vertu de l’article 62, paragraphe 2, de ladite loi, une infraction impliquant une « quantité importante » est passible d’une « peine privative de liberté d’un à dix ans » (voir point 10 des présentes conclusions).


35      Voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C‑303/05, EU:C:2007:261, point 59).


36      Arrêts du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C‑303/05, EU:C:2007:261, point 56), et du 6 octobre 2009, Wolzenburg (C‑123/08, EU:C:2009:616, point 63).


37      Arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, points 51 à 53 ainsi que jurisprudence citée).


38      Voir Explications relatives à la charte des droits fondamentaux (JO 2007, C 303, p. 17).


39      Arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, point 55 et jurisprudence citée).


40      Arrêt du 5 décembre 2017, M.A.S. et M.B. (C‑42/17, EU:C:2017:936, point 56 et jurisprudence citée).


41      Cour EDH, 15 juillet 2014, Ashlarba c. Géorgie, CE:ECHR:2014:0715JUD004555408, § 34.


42      Cour EDH, Association de citoyens Radko et Paunkovski c. « l’ex-République yougoslave de Macédoine », CE:ECHR:2009:0115JUD007465101, § 54.


43      Arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 167).


44      Cour EDH, 20 mai 1999, Rekvényi c. Hongrie, CE:ECHR:1999:0520JUD002539094, § 34.


45      Les chiffres présentés à la Cour vont d’« au moins plusieurs dizaines de personnes » à « plusieurs centaines », « plusieurs dizaines de milliers » ou « 2 000 doses ».


46      Par exemple, une quantité de drogue qui pourrait satisfaire les besoins d’au moins plusieurs dizaines de personnes dépendantes, ou déterminer s’il est possible, d’une façon générale, de consommer la quantité de drogue trouvée et si, compte tenu de sa nature, elle pourrait avoir un effet stupéfiant.


47      Cour EDH, 21 octobre 2013, Del Rio Prada c. Espagne, CE:ECHR:2013:1021JUD004275009, § 93.


48      Cour EDH, 17 février 2004, Maestri c. Italie, CE:ECHR:2004:0217JUD003974898, § 26.


49      Voir le point 77 des présentes conclusions.