Language of document : ECLI:EU:T:2018:44

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

30 janvier 2018 (*)

« REACH – Redevance due pour l’enregistrement d’une substance – Réduction accordée aux PME – Erreur dans la déclaration relative à la taille de l’entreprise – Décision imposant un droit administratif – Cessation de production de la substance – Critères de calcul du montant du droit administratif – Recommandation 2003/361/CE – Sécurité juridique – Confiance légitime – Proportionnalité – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑625/16,

Przedsiębiorstwo Energetyki Cieplnej sp. z o.o., établie à Grajewo (Pologne), représentée par Me T. Dobrzyński, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée initialement par MM. E. Maurage, J.-P Trnka et Mme M. Heikkilä, puis par M. Trnka et Mme Heikkilä, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision SME(2016) 2851 de l’ECHA, du 23 juin 2016, constatant que la requérante ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui imposant un droit administratif, deuxièmement, des factures no 10058238 et no 10058239 émises par l’ECHA et annexées à la décision SME(2016) 2851 et, troisièmement, de la décision MB/43/2014 du conseil d’administration de l’ECHA, du 4 juin 2015, portant modification de la décision MB/D/29/2010, telle que modifiée par la décision MB/21/2012, relative à la classification des services pour lesquels des droits sont perçus,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Przedsiębiorstwo Energetyki Cieplnej sp. z o.o., est une société de droit polonais qui exerce une activité de production, de transport et de distribution de chaleur entraînant la fabrication de substances chimiques soumises à une obligation d’enregistrement auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en vertu du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).

2        Le 29 novembre 2010, la requérante a procédé à l’enregistrement de la substance cendres (résidus) de charbon au titre du règlement no 1907/2006. Lors de la procédure d’enregistrement, elle a déclaré qu’elle était une « moyenne entreprise » au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36). Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction du montant de la redevance due sur le fondement de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

3        Le même jour, l’ECHA a émis la facture no 10024695, d’un montant de 16 275 euros correspondant à la redevance due par une moyenne entreprise, dans le cadre d’une soumission conjointe, pour une quantité de substances supérieure à 1 000 tonnes. Cette facture a été acquittée par la requérante.

4        Par courrier du 1er mars 2013, l’ECHA a informé la requérante que le statut des micro-, petites et moyennes entreprises (ci-après les « PME ») qu’elle avait déclaré faisait l’objet d’une procédure de vérification. L’ECHA a invité la requérante à fournir des informations et des documents de nature à prouver son éligibilité concernant la catégorie des moyennes entreprises. Dans ce courrier, l’ECHA a également informé la requérante qu’elle pouvait déposer une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte », lui permettant de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif qui serait dû au titre de la rectification.

5        Le 21 mars 2013, la requérante a envoyé à l’ECHA un courrier électronique contenant les informations et les documents demandés en vue de démontrer qu’elle relevait de la catégorie des moyennes entreprises.

6        Par courrier du 12 mai 2014, l’ECHA a indiqué à la requérante que la taille d’une entreprise devait être évaluée sur la base des critères énoncés dans l’annexe de la recommandation 2003/361. Or, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de cette annexe, une entreprise ne pourrait être considérée comme une PME si 25 % ou plus de son capital ou de ses droits de vote sont contrôlés, directement ou indirectement, par un ou plusieurs organismes publics ou collectivités publiques, à titre individuel ou conjointement. Faisant application de cette disposition, l’ECHA a précisé que, à partir des informations qui lui avaient été fournies par la requérante, elle était arrivée à la constatation préliminaire que la Gmina Grajewo (commune de Grajewo, Pologne) détenait 100 % du capital de la requérante. Sur cette base, elle a considéré que la requérante ne pouvait être qualifiée de moyenne entreprise.

7        Par un courrier du 8 août 2014 de l’ECHA, la requérante a été informée que la procédure de vérification allait être recommencée en polonais en raison d’une décision récente prise par le conseil d’administration de l’ECHA et selon laquelle une entreprise visée par une procédure de vérification avait le droit de voir cette procédure menée dans la langue officielle de l’État membre dont elle était ressortissante. Les premiers échanges ayant été conduits en anglais, l’ECHA a décidé de recommencer la procédure de vérification.

8        Dans ce courrier du 8 août 2014, l’ECHA a réitéré sa conclusion selon laquelle la requérante ne pouvait pas être considérée comme une moyenne entreprise. Elle a par ailleurs rappelé à la requérante que celle-ci avait la possibilité de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif en déposant une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte ».

9        Par courrier électronique du 23 septembre 2014, la requérante a informé l’ECHA qu’elle maintenait sa position relative à son statut de moyenne entreprise. Pour elle, le fait que l’un de ses actionnaires était le maire de la ville ne pouvait avoir une influence sur la taille de l’entreprise. Dans ce courrier, la requérante a également indiqué vouloir annuler l’enregistrement de sa substance auprès de l’ECHA.

10      Dans un courrier du 1er octobre 2014, l’ECHA a expliqué à la requérante que, à la lumière des documents fournis, 100 % des actions de la requérante étaient détenues par la commune de Grajewo, et non par le maire. La requérante ne pouvait ainsi, conformément à l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe de la recommandation 2003/361, être qualifiée de moyenne entreprise. L’ECHA a précisé qu’une décision finale allait être adoptée en l’absence d’informations supplémentaires de la part de la requérante permettant de soutenir la position de cette dernière. En réponse au souhait exprimé par la requérante dans son courrier électronique du 23 septembre 2014 d’annuler son enregistrement, l’ECHA a spécifié qu’une telle annulation n’était pas permise par le règlement no 1907/2006.

11      Le 23 juin 2016, l’ECHA a adopté la décision SME(2016) 2851. Dans cette décision, l’ECHA a considéré que la requérante relevait de la catégorie des grandes entreprises au sens de la recommandation 2003/361 et qu’elle n’avait pas le droit de bénéficier de la redevance réduite applicable aux moyennes entreprises. L’ECHA y a indiqué que, à la suite de la procédure de vérification, la requérante était redevable, d’une part, d’une somme correspondant à la différence entre le montant de la redevance déjà acquittée et le montant de la redevance applicable aux grandes entreprises et, d’autre part, d’un droit administratif correspondant à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de la déclaration incorrecte en ce qui concerne la taille de l’entreprise.

12      En conséquence, l’ECHA a annexé deux factures à la décision attaquée, à savoir la facture no 10058238, d’un montant de 6 975 euros au titre de la différence entre la redevance acquittée lors de l’enregistrement et la redevance due par les grandes entreprises, et la facture no 10058239, d’un montant de 17 437 euros au titre du droit administratif (ci-après, pour ces deux documents, les « factures attaquées »).

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

14      Par acte séparé déposé le même jour, la requérante a introduit une demande tendant à l’octroi de mesures provisoires visant, d’une part, le sursis à l’exécution de la décision SME(2016) 2851 et, d’autre part, la condamnation de l’ECHA à annuler les factures attaquées. Par ordonnance du 10 mars 2017, Przedsiębiorstwo Energetyki Cieplnej/ECHA (T‑625/16 R, non publiée, EU:T:2017:156), le président du Tribunal a rejeté cette demande et réservé les dépens.

15      Le mémoire en défense de l’ECHA a été déposé au greffe du Tribunal le 17 novembre 2016.

16      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 9 janvier 2017.

17      La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2017.

18      Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision SME(2016) 2851 ;

–        annuler les factures attaquées ;

–        annuler la décision MB/43/2014 du conseil d’administration de l’ECHA, du 4 juin 2015, portant modification de la décision MB/D/29/2010, telle que modifiée par la décision MB/21/2012 du conseil d’administration de l’ECHA, du 12 février 2013, relative à la classification des services pour lesquels des droits sont perçus ;

–        condamner l’ECHA aux dépens.

20      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation des factures attaquées comme étant irrecevable ;

–        rejeter la demande en annulation de la décision MB/43/2014 comme étant irrecevable ;

–        rejeter la demande en annulation de la décision SME(2016) 2851 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en annulation des factures attaquées

21      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante soutient que les factures attaquées doivent être annulées. Selon la requérante, elle n’était plus soumise à l’obligation d’enregistrement dans le système REACH lorsque la décision SME(2016) 2851 a été adoptée et que lesdites factures ont été émises. Les conditions dans lesquelles l’ECHA pouvait imposer les montants réclamés dans ces documents n’étaient donc, selon la requérante, pas réunies.

22      À l’encontre de ce chef de conclusions, l’ECHA soulève une fin de non-recevoir au motif que les factures attaquées ne constitueraient pas des actes attaquables.

23      À titre subsidiaire, elle fait valoir que la cessation de la production ou de l’importation après l’enregistrement d’une substance n’a pas d’incidence sur l’obligation de payer en totalité la redevance due lors de l’enregistrement. Dès lors, la vérification du droit à bénéficier d’une réduction de redevance serait effectuée par rapport au moment où l’entreprise procède à l’enregistrement. Il n’y aurait donc pas lieu de supprimer ou de réduire les montants du fait de la modification du statut de l’entreprise.

24      À cet égard, il convient de relever que la demande d’annulation dirigée à l’encontre des facturesest non fondée et qu’il convient de la rejeter sans qu’il soit nécessaire de prendre position sur sa recevabilité.

25      En effet, la raison d’être de la redevance est, conformément à l’article 74, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, de financer les activités de l’ECHA consistant à évaluer les activités des entreprises déclarantes, c’est-à-dire notamment à examiner les propositions d’essai, à contrôler la conformité des enregistrements et les informations communiquées et à effectuer le suivi de l’évaluation des dossiers.

26      Or, ces activités ont lieu à chaque enregistrement, indépendamment de la durée de production ou d’importation de la substance.

27      Pour cette raison, le règlement no 1907/2006 ne prévoit aucun remboursement des frais engagés au titre de l’enregistrement et la redevance est due même en cas d’arrêt de production ou d’importation de la substance enregistrée. Lorsque l’ECHA vérifie qu’une entreprise s’est correctement acquittée de la redevance, les données prises en compte sont celles qui étaient pertinentes au moment où a été effectué l’enregistrement.

28      Il convient de relever, pour le reste, que les moyens et arguments soulevés par la requérante en ce qui concerne les factures attaquées se confondent avec ceux avancés au soutien du premier chef de conclusions, moyens qui seront analysés et écartés ci-après par le Tribunal.

 Sur la demande en annulation de la décision MB/43/2014

29      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision MB/43/2014.

30      À l’encontre de ce chef de conclusions, l’ECHA soulève une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la requérante.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

32      Dans la mesure où la décision MB/43/2014 n’est pas adressée à la requérante, la demande en annulation de cet acte ne saurait être recevable au regard de la première hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Partant, la recevabilité de ladite demande doit être examinée au regard des autres hypothèses prévues par le quatrième alinéa de cet article.

 Sur l’affectation directe et individuelle de la requérante

33      Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les personnes physiques ou morales peuvent introduire un recours en annulation notamment contre un acte de l’Union européenne dont elles ne sont pas le destinataire dans la mesure où elles sont directement et individuellement concernées par cet acte.

34      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de la jurisprudence, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

35      En l’espèce, il convient d’observer que la décision MB/43/2014 modifie la décision MB/D/29/2010 du conseil d’administration de l’ECHA, du 12 novembre 2010, sur la classification des services pour lesquels des droits sont perçus, telle que modifiée par la décision MB/21/2012, laquelle établit le montant du droit administratif perçu par l’ECHA lorsqu’une entreprise déclarante prétendant pouvoir bénéficier d’une réduction de redevance est en défaut de démontrer à l’ECHA qu’elle a droit à cette réduction. Cette décision est énoncée de manière générale, s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

36      Il en résulte que, comme le soutient l’ECHA, la requérante n’est pas individuellement concernée par la décision MB/43/2014 et, partant, qu’elle ne satisfait pas à l’exigence à laquelle est subordonnée la recevabilité, dans la deuxième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur la qualification d’acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution

37      Par ailleurs, selon le dernier membre de phrase de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale peut introduire un recours en annulation contre un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution et la concerne directement.

38      En l’espèce, il convient de relever que, à supposer que la décision MB/43/2014 puisse être qualifiée d’acte réglementaire, au sens de cette disposition, elle comporte une mesure d’exécution à l’égard de la requérante, comme le démontre l’adoption de la décision SME(2016) 2851 adressée à cette dernière.

39      En conséquence, la qualité pour agir de la requérante ne peut être établie sur le fondement de la troisième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

40      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, ne satisfaisant pas aux exigences prévues par le traité FUE pour l’introduction des recours, la demande en annulation dirigée contre la décision MB/43/2014 doit être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur la demande en annulation de la décision SME(2016) 2851

41      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision SME(2016) 2851, dans laquelle l’ECHA a constaté qu’elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui a imposé le paiement d’un droit administratif.

42      À l’appui de cette demande, elle soulève, en substance, cinq moyens, tirés, premièrement, de la violation du principe d’attribution, deuxièmement, de la violation du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime, troisièmement, de la violation du droit à une bonne administration, quatrièmement, de la violation du principe de proportionnalité et, cinquièmement, de la violation du principe d’égalité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’attribution

43      La requérante soutient que la décision attaquée est contraire à l’article 5 TUE et au règlement (CE) no 340/2008 de la Commission, du 16 avril 2008, relatif aux redevances et aux droits dus à l’ECHA en application du règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 107, p. 6). En vertu du principe d’attribution énoncé à l’article 5 TUE, les institutions et les organes de l’Union auraient seulement les compétences qui leur sont octroyées par les traités et les actes pris pour leur exécution. En ce qui concerne l’imposition du droit administratif, cette compétence aurait été mise en œuvre dans le règlement no 340/2008. En vertu de ce dernier, seuls les États membres, et non l’ECHA, auraient la compétence pour imposer une amende aux entreprises qui auraient commis une erreur en déclarant leur taille lors de l’enregistrement d’une substance. Or, le droit administratif imposé à la requérante par l’ECHA, en l’espèce, aurait le caractère d’une amende dès lors qu’il serait supérieur aux frais exposés par cette autorité pour vérifier la taille de la requérante et lui imposer un droit administratif. L’ECHA aurait, ainsi, outrepassé les compétences qui lui sont attribuées.

44      L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

45      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 5 TUE, le principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union et que, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, TUE, chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités.

46      Pour ce qui concerne la protection contre les substances chimiques dangereuses, les questions de compétences ont été réglées par le règlement no 340/2008, selon lequel la transmission de fausses informations doit être découragée par l’ECHA par l’imposition d’un droit administratif et, le cas échéant, par l’imposition d’une amende dissuasive par les États membres (considérant 11).

47      De cette répartition, il résulte que, en ce qui la concerne, l’ECHA impose un droit administratif qui participe à l’objectif de décourager la transmission de fausses informations par les entreprises. De leur côté, les États membres sont seuls habilités à imposer une amende à ces mêmes entreprises.

48      Cette répartition des compétences a pour conséquence que, en application du règlement no 340/2008, comme le souligne la requérante, l’ECHA n’a pas le pouvoir d’imposer un droit administratif qui s’apparenterait à une amende.

49      En ce qui le concerne, le montant du droit administratif a été fixé dans la décision MB/D/29/2010. Dans cette décision, le montant a été calculé en fonction d’une estimation des coûts supportés par l’ECHA pour effectuer les vérifications de la qualité de PME déclarée par les entreprises lors de l’enregistrement de substances chimiques. Comme l’ECHA l’a expliqué dans ses écrits, le coût moyen de vérification d’une entreprise a été évalué à 14 500 euros, sur la base d’une enquête effectuée en 2010. Dans la décision MB/D/29/2010, le conseil d’administration de l’ECHA a décidé que ce coût moyen constituerait le montant à payer au titre du droit administratif par les moyennes entreprises. Ledit montant a été réduit à 8 300 euros pour les petites entreprises et a été augmenté à 20 700 euros pour les grandes entreprises. Par la suite, le coût moyen par entreprise a été réévalué par la décision MB/21/2012. Cette réévaluation a entraîné une légère diminution du montant pour les trois catégories d’entreprises. Par ailleurs, afin de tenir compte de l’arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA (T‑177/12, EU:T:2014:849), le conseil d’administration de l’ECHA a adopté la décision MB/43/2014, qui a limité le montant du droit administratif à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de l’indication incorrecte de la taille de l’entreprise.

50      La requérante conteste, en substance, la méthode de calcul utilisée pour établir le montant du droit administratif dans la mesure où, selon elle, cette méthode pourrait aboutir à des cas où le montant imposé à une entreprise est supérieur aux coûts effectivement encourus par l’ECHA pour procéder à la vérification et lui imposer un droit administratif. La requérante prétend qu’il en est ainsi dans le cas qui la concerne et que, dans ces circonstances, le montant du droit administratif imposé peut être assimilé à une sanction.

51      Dans la réplique, elle fait aussi valoir que l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 340/2008 commanderait de faire correspondre le montant du droit administratif aux coûts réels exposés par l’ECHA au titre du contrôle.

52      À supposer que le moyen puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision qui fixe le montant du droit administratif, à savoir la décision MB/D/29/2010, telle que modifiée par la décision MB/21/2012, puis par la décision MB/43/2014 (ci-après la « décision MB/D/29/2010 modifiée »), ou de la décision MB/43/2014 qui a modifié cette dernière, il serait en tout état de cause non fondé.

53      En effet, en vertu de la jurisprudence, le fait que le montant du droit administratif soit calculé sur la base des coûts de vérification globaux supportés par l’ECHA ne peut conduire, en tant que tel, à la conclusion que le montant du droit administratif s’apparente à une amende (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA, T‑392/13, EU:T:2016:478, point 112).

54      Il est vrai que, comme l’indique la requérante, l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 340/2008 précise que le montant du droit tient compte de la charge de travail correspondante.

55      Toutefois, le droit auquel il est fait allusion dans cette disposition n’est pas le droit administratif qui est imposé par l’ECHA en cas de soumission incorrecte d’informations par une entreprise sur sa taille pour l’établissement de la redevance due en cas d’enregistrement.

56      Le droit mentionné dans cette disposition concerne « les services administratifs et techniques fournis par l’[ECHA] à la demande d’une partie, qui ne sont pas couverts par une autre redevance ou un autre droit prévu par le règlement ».

57      Or, la procédure de vérification n’est pas un service fourni par l’ECHA à la demande d’une partie. Par ailleurs, les actes posés par l’ECHA dans ce cadre sont couverts par un droit spécifique, prévu dans une autre disposition du même règlement, à savoir l’article 13, paragraphe 4, selon lequel l’ECHA perçoit un droit administratif lorsqu’une entreprise qui prétend pouvoir bénéficier d’une réduction ou d’une exemption de redevance ne peut démontrer qu’elle a droit à une telle réduction ou exemption.

58      L’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008 précise que certaines dispositions contenues dans l’article 11 s’appliquent « mutatis mutandis ». Le paragraphe 1 de cet article n’est toutefois pas repris parmi ces dispositions. Il en résulte qu’il n’est pas applicable au droit administratif imposé en cas de déclaration incorrecte et que la précision selon laquelle le montant tient compte de la charge de travail correspondante ne s’applique pas à lui.

59      En revanche, l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008, qui régit le droit administratif, prévoit que les paragraphes 2, 3 et 5 de l’article 11 dudit règlement s’appliquent « mutatis mutandis ». En vertu de ce dernier paragraphe, une classification des services et des droits est établie par le conseil d’administration de l’ECHA après avoir reçu un avis favorable de la Commission européenne.

60      De cette disposition, il résulte que le mode de calcul à utiliser pour établir le montant dû par les entreprises au titre du droit administratif peut être déterminé par le conseil d’administration de l’ECHA. La compétence accordée à cette autorité sur ce point est encadrée de deux manières. Tout d’abord, elle doit obtenir, comme cela est indiqué dans cette disposition, l’avis favorable de la Commission. Ensuite, les décisions prises par elle dans ce cadre doivent être conformes, de manière générale, au droit de l’Union et, en particulier, aux règlements applicables à la matière visée, notamment à l’objectif assigné par ces règlements au droit administratif, objectif qui est de dissuader la transmission de fausses informations par les entreprises.

61      Il convient ensuite de relever que la fixation du montant du droit administratif en fonction des coûts de vérification, lorsqu’il s’agit de la méthode de calcul choisie, n’implique pas qu’il doit y avoir une corrélation exacte entre le montant du droit administratif imposé à une entreprise et les coûts effectivement encourus par l’ECHA pour la vérification de la taille de cette entreprise particulière. Si les conditions susmentionnées au point 60 ci-dessus sont satisfaites, le calcul du montant de ce droit peut être fondé sur une estimation des coûts généraux supportés par cette autorité pour ses activités de vérification considérées dans leur ensemble.

62      Cette méthode de calcul présente plusieurs avantages, notamment celui de garantir une certaine efficacité administrative ainsi que le requiert le considérant 15 du règlement no 1907/2006, selon lequel « il est nécessaire d’assurer une gestion efficace des aspects techniques, scientifiques et administratifs du présent règlement au niveau [de l’Union] ». Exiger de l’ECHA qu’elle fournisse une grille détaillée des coûts supportés pour chaque procédure de vérification impliquerait qu’elle consacrât du temps et des ressources excessives pour le suivi du temps investi dans chaque dossier – ce qui conduirait à l’augmentation du coût des procédures et à une perte d’efficacité.

63      Par ailleurs, la méthode de calcul retenue par l’ECHA assure l’égalité de traitement entre les entreprises imposées. Étant fondée sur les coûts généraux de vérification, cette méthode assure que, lorsqu’elles se trouvent dans une même catégorie, les entreprises sont traitées de la même manière.

64      En outre, la méthode suivie par l’ECHA permet de connaître à l’avance le montant du droit administratif. Or, la connaissance préalable du montant du droit administratif participe à la finalité de ce droit, qui, comme l’indique le considérant 11 du règlement no 340/2008, est de décourager les entreprises de transmettre des informations fausses concernant leur taille.

65      Enfin, comme le relève l’ECHA, si le montant du droit administratif était fondé sur les coûts réels de vérification des entreprises, certaines entreprises pourraient soumettre une déclaration erronée, en prévoyant de fournir les informations correctes dès l’ouverture de la procédure de vérification afin de réduire le montant du droit administratif susceptible d’être imposé. Cette méthode de calcul du droit administratif aurait alors une incidence négative sur l’objectif de ce droit qui est de dissuader les entreprises de transmettre des informations erronées.

66      Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime

67      La requérante soutient que la décision SME(2016) 2851, par laquelle l’ECHA a considéré que la taille de la requérante n’avait pas été correctement déclarée, enfreint le principe de sécurité juridique. En effet, la requérante se serait fondée sur les informations disponibles sur la page Internet du service d’assistance réglementaire REACH polonais pour déterminer sa taille au moment de l’enregistrement de la substance. Or, il y était indiqué, selon elle, que la taille d’une entreprise devait être déterminée sur le fondement de la loi polonaise du 2 juillet 2004 sur le libre exercice de l’activité économique. Cette loi définirait l’entreprise sur les seuls critères du nombre d’employés et du chiffre d’affaires. La requérante serait, par conséquent, partie du principe que, en se fondant sur les dispositions du droit national, elle se comportait de manière régulière.

68      L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

69      À cet égard, il convient de relever que le principe de sécurité juridique, qui se trouve mentionné par la requérante, constitue un principe général du droit de l’Union et exige, notamment, que toute réglementation de l’Union, en particulier lorsqu’elle est susceptible de comporter des conséquences financières pour les personnes concernées, soit claire et précise, afin que ces dernières puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 1990, Commission/France, C‑30/89, EU:C:1990:114, point 23, et du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, point 66).

70      Selon l’article 3, point 36, du règlement no 1907/2006, les PME sont des petites et moyennes entreprises « conformément à la définition qui figure dans la recommandation [2003/361] ».

71      En vertu du considérant 9 du règlement no 340/2008, « [d]es redevances et des droits réduits doivent […] s’appliquer aux [PME] au sens de la recommandation [2003/361] ».

72      Selon l’article 2 du règlement no 340/2008, une entreprise est considérée comme moyenne lorsqu’elle présente les caractéristiques d’une telle entreprise, telles qu’elles sont stipulées dans cette recommandation.

73      Ainsi, les deux règlements s’appliquant dans la présente affaire opèrent un renvoi clair et exprès à la recommandation 2003/361 aux fins de définir ce qu’il convient d’entendre par « moyenne entreprise ». En revanche, ces règlements ne renvoient pas au droit national sur ce point. Partant, le droit national ne peut être considéré comme étant applicable pour définir la taille d’une entreprise redevable d’une redevance pour l’enregistrement d’une substance chimique.

74      À titre surabondant, il convient de relever que l’argumentation de la requérante pourrait être interprétée comme invoquant une atteinte à la confiance que la requérante aurait pu avoir, de manière légitime, en l’exactitude des informations présentées sur le site Internet du service national d’assistance technique mis en place dans le cadre du règlement no 1907/2006.

75      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de protection de la confiance légitime peut être invoqué à l’encontre d’une réglementation de l’Union lorsque la situation susceptible d’engendrer une telle confiance a été créée par une institution de l’Union (arrêt du 14 juin 2012, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, C‑606/10, EU:C:2012:348, point 78).

76      En revanche, ce principe ne peut être invoqué à l’encontre d’une telle réglementation lorsque, comme cela est le cas dans la présente affaire, le comportement engendrant la confiance est imputable à une autorité nationale.

77      En l’espèce, les services nationaux d’assistance technique ont été mis en place par les États membres afin d’aider les entreprises à se conformer aux exigences du règlement no 1907/2006.

78      À supposer que les autorités nationales se soient référées exclusivement au droit national sur le site Internet du service national d’assistance technique, cette pratique des autorités nationales ne peut avoir donné à la requérante l’assurance que l’ECHA procéderait à la vérification du statut de PME sur la base de ce droit national.

79      Du reste, il convient d’observer que, dans ses écritures, la requérante n’a pas démontré que, en ce qui la concernait, l’ECHA avait pu faire naître, par un comportement qui lui aurait été imputable, une attente légitime quant à l’application du droit national pour déterminer la taille d’une entreprise.

80      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé, que ce moyen concerne une violation du principe de sécurité juridique ou une atteinte au principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit à une bonne administration

81      La requérante fait valoir qu’elle n’a pas agi de mauvaise foi lorsqu’elle a déclaré relever de la catégorie des moyennes entreprises lors de l’enregistrement de la substance. À ce sujet, elle indique qu’elle ignorait la nécessité de prendre en compte les liens qu’elle aurait eus avec des collectivités publiques et les conséquences financières qu’aurait entraînées le dépôt d’une déclaration erronée.

82      Par ailleurs, la requérante estime qu’elle n’a commis aucune faute et que, dès lors, l’ECHA aurait dû lui permettre de corriger son erreur sous peine de violer le droit à une bonne administration. Dans le cadre de cette argumentation, la requérante indique notamment qu’elle a procédé à l’enregistrement en cause en tant que participante au consortium Polska Unia Ubocznych Produktów Spalania (union polonaise des sous-produits de la combustion) dont les représentants ne l’ont pas informée de la nécessité de tenir compte de la structure de son actionnariat pour déterminer la taille de l’entreprise. Elle signale aussi que, lors des formations consacrées à l’enregistrement de substances dans le système REACH, dispensées par des spécialistes de l’ECHA, elle n’aurait pas été informée qu’elle risquait de se voir imposer un droit administratif en cas de déclaration erronée.

83      L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

84      À cet égard, il convient de relever qu’aucune disposition du règlement no 340/2008 n’impose à l’ECHA d’établir que l’entreprise redevable d’un droit administratif avait l’intention de l’induire en erreur sur sa taille.

85      Selon l’article 13, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 340/2008, il revient à l’entreprise déclarante, sur demande de l’ECHA, de démontrer qu’elle a droit à une réduction ou à une exemption de redevance.

86      Lorsque l’entreprise ne démontre pas avoir droit à une telle réduction ou exemption, l’ECHA, en application de l’article 13, paragraphe 4, du règlement no 340/2008, perçoit la redevance ou le droit intégral ainsi qu’un droit administratif.

87      Pour être redevable d’un droit administratif, il suffit ainsi que l’entreprise déclarante soit en défaut de démontrer qu’elle a droit à une réduction de redevance.

88      Cette conclusion vaut indépendamment d’une quelconque faute qui pourrait avoir été commise par l’entreprise, ou de la mauvaise foi qui pourrait caractériser son comportement, ou encore des circonstances dans lesquelles elle pourrait se trouver, y compris celles invoquées par la requérante et mentionnées au point 82 ci-dessus.

89      S’agissant du droit à une bonne administration, il convient, de rappeler que, en vertu de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. À cet égard, la jurisprudence a précisé qu’il appartenait à l’administration, en vertu dudit principe, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une affaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle mettait en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga, C‑534/10 P, EU:C:2012:813, point 51).

90      En l’espèce, l’ECHA a informé la requérante, par courrier du 1er mars 2013, que, tel qu’il avait été déclaré, le statut de PME faisait l’objet d’une procédure de vérification. Elle a, dans ce cadre, invité la requérante à fournir des informations de nature à prouver son statut de moyenne entreprise. À la suite de l’envoi des documents par la requérante, l’ECHA a expliqué, par courrier du 12 mai 2014, qu’elle était arrivée à la constatation préliminaire que la requérante devait, en application de l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe de la recommandation 2003/361, être considérée comme une grande entreprise, dès lors que la commune de Grajewo détenait 100 % de son capital. L’ECHA a réitéré sa conclusion dans un courrier du 8 août 2014 lorsqu’elle a recommencé la procédure de vérification en polonais, puis une fois encore dans un courrier du 1er octobre 2014. Dans ses courriers, l’ECHA a répondu aux arguments de la requérante et a invité cette dernière à lui communiquer toute information qui mettrait en cause son analyse. Le 23 juin 2016, l’ECHA a adopté la décision SME(2016) 2851 imposant un droit administratif, dans la mesure où elle a estimé que la requérante n’avait pas prouvé qu’elle relevait de la catégorie des moyennes entreprises.

91      Eu égard à ces étapes ayant jalonné la vérification de son statut, le Tribunal considère que la requérante n’a pas démontré que, en traitant ainsi la procédure dont elle a fait l’objet, l’ECHA aurait violé le principe de bonne administration tel que défini au point 89 ci-dessus.

92      Par ailleurs, il y a lieu de relever que le droit à une bonne administration n’impose pas aux institutions de l’Union l’obligation de permettre à un administré, lorsque ce dernier est de bonne foi, d’échapper à l’imposition d’un montant prévu par la loi. Les entreprises doivent supporter elles-mêmes le risque d’une appréciation erronée de leur situation juridique, conformément à l’adage général selon lequel nul n’est censé ignorer la loi (arrêt du 15 juillet 2015, Socitrel et Companhia Previdente/Commission, T‑413/10 et T‑414/10, EU:T:2015:500, point 304).

93      Partant, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

94      La requérante soutient que le montant du droit administratif imposé par l’ECHA à une entreprise doit être proportionné aux prestations que l’ECHA fournit. Ainsi, ce montant ne devrait pas dépasser les coûts réels que l’ECHA a supportés au titre du contrôle de la taille de cette entreprise. Or, en l’espèce, le contrôle de la taille de la requérante par l’ECHA se serait limité à un examen de l’extrait du registre du commerce de la requérante afin de vérifier si plus de 25 % de son capital ou des droits de vote étaient contrôlés, directement ou indirectement, à titre individuel ou conjointement, par une ou plusieurs organismes publics ou collectivités publiques. En outre, la requérante aurait coopéré aux demandes de documents de l’ECHA et ainsi facilité le travail de cette dernière, ce qui aurait diminué ses coûts.

95      L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

96      À cet égard, il convient de relever que, à supposer que le moyen puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision qui fixe le montant du droit administratif, à savoir la décision MB/D/29/2010 modifiée, ou de la décision MB/43/2014 qui a modifié cette dernière, il serait en tout état de cause non fondé.

97      En effet, comme cela est indiqué aux points 53 à 66 ci-dessus, l’ECHA n’a pas à faire correspondre le montant du droit administratif au coût effectif de chaque procédure de vérification menée. L’ECHA peut fixer le montant du droit administratif, comme elle l’a fait, en se fondant sur la charge de travail estimée pour l’ensemble des procédures de vérification qu’elle prévoyait de mettre en œuvre.

98      S’agissant de la situation de la requérante, il convient de relever que celle-ci a déclaré être une moyenne entreprise. Sur la base de cette déclaration, elle a reçu une facture d’un montant de 16 275 euros de la part de l’ECHA. Après vérification, il s’est avéré que la somme finalement due par la requérante était une redevance d’un montant de 23 250 euros due par les grandes entreprises. La déclaration erronée de sa taille par la requérante lui a donc permis d’éviter le versement de la somme de 6 975 euros, que l’ECHA lui a sommé de rembourser.

99      Par ailleurs, la requérante s’est vu imposer un droit administratif d’un montant de 17 437 euros, qui correspond à 2,5 fois le gain financier obtenu du fait de la déclaration erronée.

100    Ainsi, le montant du droit administratif appliqué à la requérante est inférieur au montant de la redevance normalement due. Il est par ailleurs 2,5 fois supérieur au gain qu’elle a réalisé du fait de la déclaration erronée.

101    La requérante soutient que l’application du coefficient correspondant à 2,5 fois le gain obtenu, qui a été retenu pour fixer le montant du droit administratif imposé à elle en raison de sa déclaration erronée, n’est pas conforme au principe de proportionnalité.

102    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, ce principe exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union puissent permettre la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51).

103    En l’espèce, la réglementation dont il s’agit d’assurer l’application vise à décourager la transmission de fausses informations par l’imposition d’un droit administratif par l’ECHA. L’objectif poursuivi par cette réglementation est in fine de protéger la santé publique. Pour atteindre cet objectif, des redevances sont appliquées aux entreprises. Ces redevances dépendent de la taille de ces dernières. De manière à limiter les coûts du système, elles sont fixées sur la base des déclarations fournies par les entreprises elles-mêmes.

104    Dans ce contexte, le caractère correct des informations servant à établir les redevances doit être assuré. C’est précisément pour atteindre cette exigence qu’il a été décidé, dans le cadre des règlements nos 1907/2006 et 340/2008, d’imposer un droit administratif aux entreprises ayant présenté des déclarations erronées. Parmi ces entreprises, figure la requérante.

105    S’agissant du comportement adopté par la requérante, il convient de rappeler que c’est la transmission d’informations fausses par la requérante qui a conduit à la fixation d’un montant de redevance erroné. La requérante disposait pourtant de toutes les informations nécessaires pour évaluer, avec clarté, la catégorie dont elle relevait et, par suite, le montant qui aurait dû lui être réclamé.

106    Par ailleurs, depuis la décision MB/21/2012, les entreprises faisant l’objet d’une vérification bénéficient d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif si elles corrigent leur erreur dans le délai imparti par l’ECHA.

107    Cette possibilité a été portée à la connaissance de la requérante quand la procédure de vérification a été ouverte à son égard, puis rappelée lorsque la procédure de vérification a été recommencée en polonais, sans que celle-ci en fasse toutefois usage.

108    Au vu de l’importance de l’objectif recherché dans le cadre de la réglementation, de l’effet négatif que peuvent avoir des déclarations erronées sur la réalisation de cet objectif et de la possibilité ouverte à la requérante de diminuer le montant dû par elle par une rectification de sa déclaration, le montant qui lui a été réclamé ne peut pas être considéré comme étant contraire au principe de proportionnalité.

109    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité

110    Selon la requérante, le montant du droit administratif ne peut être fixé en fonction de la taille de l’entreprise visée par une procédure de vérification. Imposer un droit administratif d’un même montant à toutes les « grandes entreprises » violerait le principe d’égalité, notamment en raison de la différence de charge de travail incombant à l’ECHA pour procéder à la vérification de la taille déclarée. Cela méconnaîtrait également, pour la même raison, l’article 5 du code européen de bonne conduite administrative, approuvé par la résolution du Parlement européen du 6 septembre 2001 (JO 2002, C 72 E, p. 331).

111    L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

112    À cet égard, il convient de relever que, comme cela a été indiqué au point 49 ci-dessus, le montant du droit administratif a été calculé, d’une part, en fonction d’une estimation des coûts généraux supportés par cette autorité pour ses activités de vérification considérées dans leur ensemble et, d’autre part, de la taille de l’entreprise auquel ledit droit administratif est imposé.

113    La requérante conteste les critères énoncés ci-dessus. Selon elle, le droit administratif devrait être fixé en fonction de la quantité de travail effective consacrée au contrôle de l’entreprise visée par une procédure de vérification et non en fonction de la taille de cette entreprise.

114    À supposer que ce moyen puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision qui fixe le montant du droit administratif, à savoir la décision MB/D/29/2010 modifiée, ou de la décision MB/43/2014 qui a modifié cette dernière, il serait en tout état de cause non fondé.

115    Tout d’abord, il convient de relever que, comme il ressort des points 53 à 66 ci-dessus, l’ECHA a pu valablement décider de fixer le calcul du montant du droit administratif dans la décision MB/D/29/2010 sur le fondement d’une estimation des coûts généraux supportés par cette autorité pour ses activités de vérification considérées dans leur ensemble.

116    Ensuite, s’agissant du critère de calcul relatif à la taille de l’entreprise, retenu par le conseil d’administration de l’ECHA dans la décision MB/D/29/2010 modifiée pour fixer le montant du droit administratif, il y a lieu de rappeler que le code européen de bonne conduite administrative n’est pas un texte juridiquement contraignant et qu’il ne crée aucun droit dont la requérante pourrait se prévaloir à l’appui du recours [voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, point 139 (non publié)].

117    Par contre, l’égalité de traitement est un principe général du droit de l’Union, consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux. Selon ce principe, des situations comparables ne peuvent être traitées de manière différente et des situations différentes ne peuvent être traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51).

118    Or, les grandes, les moyennes et les petites entreprises ne se trouvent pas dans des situations comparables lorsqu’il s’agit de leur imposer un droit administratif.

119    En effet, le législateur européen a reconnu que les PME étaient dans une situation particulière en raison des difficultés d’accès au financement qu’elles pouvaient rencontrer et auxquelles il convenait de remédier compte tenu de la place importante qu’elles occupaient en termes de tissu de l’emploi.

120    L’un des objectifs du règlement no 1907/2006 est de tenir compte de cette situation particulière des PME, ainsi que cela résulte notamment du considérant 8 et de l’article 74, paragraphe 3, dudit règlement, selon lequel une redevance réduite est fixée dans tous les cas pour les PME. Par ailleurs, le considérant 9 du règlement no 340/2008 indique que « [d]es redevances et des droits réduits doivent […] s’appliquer aux [PME] ». Cet objectif peut se traduire par l’imposition d’un droit administratif moins élevé pour ces entreprises.

121    En outre, l’imposition d’un droit administratif participe à l’objectif visant à décourager la transmission de fausses informations par les entreprises. La poursuite de cet objectif peut impliquer de tenir compte de la catégorie des entreprises déclarantes et donc de leur capacité contributive (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA, T‑392/13, EU:T:2016:478, point 113).

122    Ainsi, aux termes de la réglementation applicable, la taille de l’entreprise constitue un critère pertinent afin de fixer le montant du droit administratif.

123    Or, en vertu de la recommandation 2003/361, la taille d’une entreprise ne dépend pas uniquement de son chiffre d’affaires, du total de son bilan ou de son effectif, mais également d’une série d’autres facteurs applicables selon la situation dans laquelle se trouve l’entreprise considérée.

124    Selon ce principe, la recommandation a introduit des règles particulières applicables aux situations où 25 % ou plus du capital ou des droits de vote d’une entreprise sont contrôlés, directement ou indirectement, par un ou plusieurs organismes publics ou collectivités publiques, à titre individuel ou conjointement. Selon l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe de la recommandation 2003/361, l’entreprise dont le capital est ainsi détenu en une telle proportion par un ou plusieurs organismes publics ne peut être considérée comme une PME.

125    Comme l’indique le considérant 13 de la recommandation, cette règle a été adoptée « [a]fin d’éviter des distinctions arbitraires entre les différentes entités publiques d’un État membre, et dans l’intérêt de la sécurité juridique ».

126    En l’espèce, il ressort du dossier que, dans le cas de la requérante, l’intégralité du capital est détenue par la commune de Grajewo, qui a le statut d’une collectivité publique.

127    Ayant constaté que la situation visée par l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe de la recommandation 2003/361 se trouvait réalisée en l’espèce, l’ECHA a dû décider que la requérante ne pouvait être considérée comme une PME. C’est donc à juste titre que, dans la décision SME(2016) 2851, elle a constaté que la requérante devait être qualifiée de « grande entreprise » et qu’elle était, pour cette raison, redevable du montant de droit administratif fixé pour cette catégorie d’entreprises.

128    Au regard de ces considérations, il convient de rejeter le cinquième moyen soulevé par la requérante et, partant, les conclusions à fin d’annulation de la décision SME(2016) 2851.

129    Les motifs développés pour rejeter ces conclusions conduisent au même résultat en ce qui concerne les conclusions dirigées contre les factures attaquées. L’ensemble des moyens et arguments soulevés par la requérante à l’appui de sa demande en annulation des factures attaquées étant ainsi rejeté, il convient de rejeter le deuxième chef de conclusions de la requérante et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Przedsiębiorstwo Energetyki Cieplnej sp. z o.o. est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 janvier 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.