Language of document : ECLI:EU:C:2020:34

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 23 janvier 2020 (1)

Affaire C673/18

Santen SAS

contre

Directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle

[demande de décision préjudicielle formée par la cour d’appel de Paris (France)]

« Renvoi préjudiciel – Spécialités pharmaceutiques – Certificat complémentaire de protection pour les médicaments – Droit de brevet – Produits contenant un même principe actif, ayant obtenu des autorisations de mise sur le marché successives par des détenteurs distincts – Portée de l’arrêt Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11) – Notions d’“application différente” et d’“application entrant dans le champ de la protection conférée par le brevet de base” »






1.        À quelques mois seulement du prononcé de l’arrêt Abraxis Bioscience (2), la Cour est à nouveau invitée, cette fois par la cour d’appel de Paris (France), à clarifier la portée de son arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (3), dans lequel, par le biais d’une interprétation téléologique de l’article 3, sous d), du règlement (CE) nº 469/2009 (4), elle a ouvert la voie à la possibilité d’obtenir un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (ci‑après le « CCP »), dans le cas d’applications nouvelles de principes actifs anciens.

2.        Alors que, dans l’arrêt Abraxis, la question de la portée de l’arrêt Neurim est restée en filigrane, malgré l’invitation adressée à la Cour par plusieurs gouvernements intervenants et par l’avocat général Saugmandsgaard Øe (5) de revenir sur les principes établis par cet arrêt, dans la présente affaire, la cour d’appel de Paris demande ouvertement à la Cour d’éclairer les conditions d’application dudit arrêt et de préciser s’il y a lieu de circonscrire son champ d’application au seul cas de figure en cause dans l’affaire au principal ayant donné lieu à son prononcé, à savoir lorsque le principe actif ancien a fait l’objet d’une première autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») en tant que médicament vétérinaire et d’une seconde AMM visant un médicament à usage humain, ou bien s’il convient de lui reconnaître une portée plus large (6).

3.        Créé par le règlement (CEE) nº 1768/92 (7), dont le règlement nº 469/2009 constitue une codification, le CCP est un « droit sui generis » (8), dont l’objectif est d’accorder aux titulaires de brevets pharmaceutiques, à certaines conditions, une forme de protection complémentaire, qui permet de retarder, au-delà de la cessation du brevet, le moment à compter duquel l’invention protégée par celui-ci tombe dans le domaine public et peut voir sa commercialisation soumise au jeu de la concurrence. La création du CCP repose sur la considération que, dans le domaine pharmaceutique, la durée de la protection effective conférée par les brevets est insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche, à cause de l’impossibilité par le titulaire du brevet d’exploiter économiquement son invention entre la date de dépôt de la demande de brevet et celle de la délivrance de l’AMM du médicament intégrant cette invention (9).

I.      Le cadre juridique

4.        L’article 1er, sous a) à c), du règlement nº 469/2009 dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)      « médicament » : toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal ;

b)      « produit » : le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament ;

c)      « brevet de base » : un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat. »

5.        En vertu de l’article 2 de ce règlement, qui en définit le champ d’application, « [t]out produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (10) ou de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires (11) peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l’objet d’un certificat ».

6.        L’article 3 dudit règlement est libellé comme suit :

« Le certificat est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande :

a)      le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;

b)      le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE suivant les cas ;

c)      le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat ;

d)      l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament ».

7.        Conformément à l’article 4 du règlement n° 469/2009 « [d]ans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s’étend au seul produit couvert par l’autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat ».

II.    Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

8.        Santen SAS (ci-après « Santen ») est un laboratoire pharmaceutique spécialisé en ophtalmologie. Il est titulaire du brevet européen nº EP 057959306 (ci-après le « brevet de base en cause au principal »), déposé le 10 octobre 2005 et délivré le 31 décembre 2008, sous le titre « Émulsion huile-dans-eau à basse concentration de l’agent cationique et au potentiel de zéta positif », comportant 27 revendications. Ce brevet viendra à expiration le 11 octobre 2025. Santen a obtenu une AMM délivrée par l’Agence européenne des médicaments (EMA) le 19 mars 2015 pour le médicament Ikervis, un collyre en émulsion ayant comme principe actif la ciclosporine et permettant de traiter la kératite (12) sévère chez des patients adultes présentant une sécheresse oculaire qui ne s’améliore pas malgré l’instillation de substituts lacrymaux (ci-après l’« AMM en cause au principal »).

9.        Le 3 juin 2015, sur le fondement du brevet de base et de l’AMM en cause au principal, Santen a déposé une demande de CCP auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle (ci-après l’« INPI ») portant sur un produit dénommé « Ciclosporine collyre en émulsion », qu’elle a ultérieurement renommé « Ciclosporine pour son utilisation dans le traitement de la kératite », à la suite des observations de l’INPI.

10.      Par décision du 6 "octobre 2017, le directeur de l’INPI a rejeté cette demande au motif qu’une AMM avait déjà été délivrée, le 23 décembre 1983, pour un médicament dénommé « Sandimmun » dont la substance active était également la ciclosporine et, dès lors, que l’AMM en cause au principal n’était pas la première AMM du produit visé par la demande de CCP au sens de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 (ci-après la « décision du directeur de l’INPI »). Le médicament Sandimmun se présentait sous la forme d’une solution buvable et avait plusieurs indications thérapeutiques, d’une part dans la prévention du rejet de greffes d’organes solides ou de moelle osseuse, d’autre part hors greffe, dont le traitement de l’uvéite endogène (13). Dans sa décision, le directeur de l’INPI indiquait que les conditions de l’arrêt Neurim, invoqué par la société Santen pour soutenir que le médicament Ikervis comprenait une « application nouvelle » de la ciclosporine permettant l’octroi d’un CCP, ne lui apparaissaient pas réunies, dès lors que, d’abord, le brevet de base invoqué ne protégeait pas seulement une application nouvelle de la ciclosporine (revendications 23 et 24), mais également, et principalement, une émulsion ophtalmique huile-dans-eau de type submicronique comprenant une substance active, dont la ciclosporine (revendications 1 à 21, 25 et 26), et, qu’ensuite, il n’était pas démontré que l’application médicale de l’AMM en cause au principal constituait une « nouvelle application thérapeutique », au sens de la jurisprudence Neurim, par rapport à la spécialité Sandimmun, toutes deux ayant trait au traitement d’inflammations dans le domaine ophtalmologique.

11.      Santen a attaqué la décision du directeur de l’INPI devant la juridiction de renvoi, en demandant, à titre principal, l’annulation de cette décision et, à titre subsidiaire, que la Cour soit saisie d’une demande de décision préjudicielle visant à clarifier si l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 s’oppose à ce qu’un CCP soit délivré dans les circonstances de l’affaire au principal.

12.      Selon Santen, le médicament Ikervis constitue une application différente et nouvelle de la ciclosporine, au sens de l’arrêt Neurim, dès lors que : i) aucune des formulations antérieures du médicament Sandimmun n’est l’émulsion huile-dans-eau revendiquée dans le brevet de base en cause au principal ; ii) les médicaments Sandimmun et Ikervis n’ont pas la même indication thérapeutique et traitent des maladies différentes (14) ; iii) si, dans les deux cas, la ciclosporine exerce notamment une fonction anti-inflammatoire, c’est pour traiter des parties différentes de l’œil et des affections différentes ; iv) leur posologie et leur mode d’administration sont différents, les deux spécialités n’étant pas interchangeables.

13.      Devant la juridiction de renvoi, le directeur de l’INPI a expliqué qu’il entend appliquer la jurisprudence Neurim de manière mesurée. En premier lieu, la portée du brevet de base devrait concorder avec celle de l’AMM invoquée et, par conséquent, se limiter à la nouvelle utilisation médicale correspondant à l’indication thérapeutique de ladite AMM. Tel ne serait pas le cas de la demande de CCP présentée par Santen, dans laquelle le brevet de base protège à la fois un produit, à savoir une émulsion ophtalmique dans laquelle la substance active est la ciclosporine (revendication 21), et l’utilisation d’une telle émulsion pour la préparation d’une composition ophtalmique destinée au traitement de nombreuses maladies oculaires expressément citées, dont également l’uvéite (revendication 24). En second lieu, l’AMM invoquée devrait concerner une indication relevant d’un nouveau champ thérapeutique, au sens d’une nouvelle spécialité médicale, par rapport à l’AMM antérieure, ou un médicament dans lequel le principe actif exerce une action différente de celle qu’il exerce dans le médicament ayant fait l’objet de la première AMM. Une utilisation médicale nouvelle ne serait pas démontrée en ce qui concerne la demande de CCP de Santen, puisque les AMM ont trait toutes deux au traitement d’inflammations de parties de l’œil chez l’humain, par le même mécanisme d’action de la ciclosporine.

14.      La juridiction de renvoi relève qu’il n’est pas contesté que la demande de CCP de Santen remplit les conditions énoncées sous a), b) et c), de l’article 3 du règlement nº 469/2009. En revanche, s’agissant de la condition sous d) de cet article, les parties s’opposent sur l’interprétation qu’il convient de donner à la notion d’« application différente du même produit » figurant dans l’arrêt Neurim, ainsi que sur la portée que doit avoir le brevet de base pour que les conditions de délivrance du CCP soit remplies dans les cas de figure couverts par cet arrêt.

15.      C’est dans ce contexte que, par arrêt du 9 octobre 2018, la cour d’appel de Paris a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La notion d’“application différente”, au sens de l’[arrêt Neurim], doit-elle s’entendre de manière stricte, c’est-à-dire :

–        être limitée au seul cas d’une application humaine faisant suite à une application vétérinaire ;

–        ou concerner une indication relevant d’un nouveau champ thérapeutique, au sens d’une nouvelle spécialité médicale, par rapport à l’AMM antérieure, ou un médicament dans lequel le principe actif exerce une action différente de celle qu’il exerce dans le médicament ayant fait l’objet de la première AMM ;

–        ou plus généralement, au regard des objectifs du [règlement nº 469/2009] visant à mettre en place un système équilibré prenant en compte tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, être appréciée selon des critères plus exigeants que ceux présidant à l’appréciation de la brevetabilité de l’invention ?

Ou doit-elle au contraire s’entendre de manière extensive, c’est-à-dire incluant non seulement des indications thérapeutiques et des maladies différentes, mais encore des formulations, posologies et/ou modes d’administration différents ?

2)      La notion d’“application entrant dans le champ de protection conférée par le brevet de base”  au sens de l’[arrêt Neurim], implique‑t‑elle que la portée du brevet de base devrait concorder avec celle de l’AMM invoquée et, par conséquent, se limiter à la nouvelle utilisation médicale correspondant à l’indication thérapeutique de ladite AMM ? »

16.      L’affaire faisant l’objet des présentes conclusions a bénéficié d’observations écrites déposées par Santen, par les gouvernements français, hongrois et néerlandais, ainsi que par la Commission européenne. Ces intéressés, à l’exception du gouvernement hongrois, ont présenté leurs observations orales lors de l’audience qui s’est tenue devant la Cour le 5 novembre 2019.

III. Analyse

17.      Puisque, par ses questions préjudicielles, la cour d’appel de Paris demande à la Cour de préciser la portée de son arrêt Neurim, je commencerai par illustrer le contenu de cet arrêt et analyser ses implications sur l’interprétation du règlement nº°469/2009, sur sa cohérence interne et, plus généralement, sur le régime du CCP. Ensuite, étant donné que la Cour s’est fondée dans ledit arrêt sur une interprétation essentiellement téléologique de ce règlement, je parcourrai les objectifs de celui-ci, tels qu’ils ressortent, notamment, de ses travaux préparatoires. Au bout de mon analyse, j’arriverai à la conclusion qu’il convient d’abandonner l’interprétation retenue par la Cour dans l’arrêt Neurim. C’est donc uniquement à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour ne suivrait pas cette conclusion que je répondrai aux interrogations de la juridiction de renvoi sur la portée qu’il convient de reconnaître à l’arrêt Neurim.

A.      L’arrêt Neurim

18.      Dans l’affaire au principal ayant donné lieu à l’arrêt Neurim, le laboratoire Neurim Pharmaceuticals (1991) (ci-après « Neurim ») avait attaqué, devant les juridictions britanniques, le rejet, de la part de l’United Kingdom Intellectual Property Office (Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni), de sa demande de CCP pour un médicament à usage humain à base de mélatonine, dénommé « Circadin », indiqué dans le traitement de l’insomnie. Le motif du rejet résidait dans le fait que la mélatonine avait déjà fait l’objet d’une AMM, délivrée pour un médicament vétérinaire, le Regulin, utilisé pour la régulation de l’activité de reproduction des moutons. Le Regulin était protégé par un brevet détenu par la société Hoechst, qui avait expiré en mai 2007, soit avant la délivrance de l’AMM pour le Circadin, datant du 28 juin 2007. Neurim soutenait, en substance, que, puisque le règlement nº 469/2009 vise à permettre d’obtenir une protection complémentaire à celle conférée par le brevet de base, une AMM pour un produit qui n’est pas couvert par ce brevet ne peut pas empêcher la délivrance du CCP et que chaque brevet doit permettre la délivrance d’un CCP pour la première AMM tombant dans le champ d’application du brevet de base. Adhérant à la thèse de Neurim, la juridiction de renvoi (15) avait posé à la Cour cinq questions préjudicielles.

19.      En examinant conjointement les première (16) et troisième questions (17), la Cour, après avoir rappelé, au point 17 des motifs, les spécificités de l’affaire au principal, a précisé, au point 19, que la juridiction de renvoi visait essentiellement à déterminer « s’il existe un lien entre, d’une part, l’AMM visée à l’article 3, sous b) et d), du règlement [nº 469/2009] et, d’autre part, le brevet de base visé à l’article 3, sous a), du même règlement ». Aux points 22, 23 et 24 des motifs, la Cour a rappelé que l’objectif fondamental du règlement nº 469/2009 consiste « à garantir une protection suffisante pour encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique » et que l’adoption de ce règlement « a été motivée par la durée insuffisante de la protection effective conférée par le brevet pour amortir les investissements effectués dans la recherche pharmaceutique et a ainsi visé à combler cette insuffisance » (18). Au point 24, la Cour a observé qu’il ressort du point 28 de l’exposé des motifs que, « à l’instar d’un brevet protégeant un “produit” ou d’un brevet protégeant un procédé d’obtention d’un “produit”, un brevet protégeant une application nouvelle d’un produit nouveau ou déjà connu, tel que celui en cause au principal, peut, conformément à l’article 2 du règlement [n° 469/2009], permettre l’octroi d’un CCP ». Au point 25, la Cour en a tiré la conséquence que « si un brevet protège une application thérapeutique nouvelle d’un principe actif connu et qui a déjà été commercialisé sous la forme d’un médicament, à usage humain ou animal, visant d’autres indications thérapeutiques, qu’elles aient été ou non protégées par un brevet antérieur, la mise sur le marché d’un nouveau médicament exploitant commercialement la nouvelle application thérapeutique du même principe actif, telle que celle-ci est protégée par le nouveau brevet, peut permettre à son titulaire d’obtenir un CCP dont l’étendue de protection, en tout état de cause, pourra couvrir non pas le principe actif en tant que tel, mais uniquement l’utilisation nouvelle de ce produit ». Dans une telle situation, selon la Cour, « seule l’AMM du premier médicament, contenant le produit et autorisé pour une utilisation thérapeutique correspondant à celle protégée par le brevet invoqué à l’appui de la demande de CCP, pourra être considérée comme première AMM de “ce produit” en tant que médicament exploitant cette nouvelle utilisation au sens de l’article 3, sous d), du règlement [n° 469/2009] » (19). Se fondant sur ces motifs, la Cour a répondu à la première et à la troisième question préjudicielle que « les articles 3 et 4 du règlement [n° 469/2009], doivent être interprétés en ce sens que, dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, la seule existence d’une AMM antérieure obtenue pour le médicament à usage vétérinaire ne s’oppose pas à ce que soit délivré un CCP pour une application différente du même produit pour laquelle a été délivrée une AMM, pourvu que cette application entre dans le champ de la protection conférée par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP » (20). En s’alignant sur cette conclusion, la Cour a répondu à la deuxième question préjudicielle portant sur l’article 13, paragraphe 1, du règlement nº 469/2009 (21) que cette disposition devait être interprétée en ce sens qu’elle « se réfère à l’AMM d’un produit qui entre dans le champ de la protection conférée par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP » (22). Enfin, s’agissant des quatrième et cinquième questions, la Cour a précisé que « les réponses aux questions précédentes ne seraient pas différentes si, dans une situation telle que celle de l’affaire au principal où un même principe actif est présent dans deux médicaments ayant obtenu des AMM successives, la seconde AMM avait exigé l’introduction d’une demande complète, conformément à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83, ou si le produit couvert par la première AMM du médicament correspondant relevait du champ d’application de la protection d’un brevet différent appartenant à un titulaire distinct du demandeur du CCP ». (23)

20.      La Cour s’est donc appuyée, dans l’arrêt Neurim, sur une interprétation essentiellement téléologique du règlement nº 469/2009 pour conclure que le « champ d’application de la protection du brevet de base » constitue le critère matériel pour apprécier si le « produit » couvert par l’AMM qui sert de base à la demande de CCP a déjà fait l’objet d’une AMM antérieure dans l’État membre où la demande est introduite. Cela implique, en substance, qu’une AMM antérieure, octroyée pour le même principe actif (ou la même composition de principes actifs) que celui de l’AMM sur laquelle se fonde la demande de CCP, ne pourra être considérée comme « la première AMM du produit » au sens de l’article 3, sous d), dudit règlement que si elle entre dans le champ de protection du brevet de base. Ainsi, l’arrêt Neurim a ouvert la voie à l’obtention d’un CCP pour les applications ultérieures d’un principe actif déjà connu, voie qui serait en revanche fermée, comme je l’expliquerai plus loin dans les présentes conclusions, sur la base d’une interprétation littérale de cette disposition.

21.      Bien que le raisonnement suivi par la Cour dans les motifs de l’arrêt Neurim soit linéaire et conséquent, cet arrêt a néanmoins laissé plusieurs questions non résolues, ce qui rend sa véritable portée difficile à cerner.

22.      Tout d’abord, comme on le verra plus en détail ci-après, l’arrêt Neurim n’est pas en ligne avec la jurisprudence antérieure de la Cour sur la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, ce qui amène à se demander s’il doit être interprété comme une exception, applicable uniquement dans des circonstances factuelles identiques à celles examinées par la Cour (24), ainsi que semblerait le confirmer son dispositif, ou bien s’il revêt une portée plus générale, comme, en revanche, semble le suggérer la teneur du raisonnement suivi par la Cour. Je dirai d’emblée que, à mon sens, l’arrêt Neurim ne saurait être lu comme une exception. S’oppose à une telle lecture le raisonnement développé aux points 22 à 26 de cet arrêt, qui dépasse clairement le contexte factuel de l’affaire au principal soumis à l’examen de la Cour. C’est plutôt une interprétation qui introduit un développement majeur dans la réglementation en matière de CCP que la Cour a livrée dans l’arrêt Neurim.

23.      Ensuite, à supposer que la solution retenue dans l’arrêt Neurim s’applique au-delà du seul cas d’un usage en médecine humaine d’un produit autorisé auparavant uniquement dans le domaine vétérinaire, la portée des expressions « application thérapeutique nouvelle », « utilisation nouvelle », « application différente » ou « autre indication thérapeutique », qui figurent dans les points des motifs, n’est pas définie et ouvre la porte, ainsi que la présente demande de décision préjudicielle le démontre, à plusieurs interprétations possibles. Cela a donné lieu à des pratiques divergentes des offices nationaux des brevets, comme souligné dans l’étude réalisée par le Max Planck Institute for Innovation and Competition pour la Commission, dont le rapport final, intitulé « Study on the Legal Aspects of Supplementary Protection Certificates in the EU », a été publié en 2018 (ci-après l’« étude Max Planck »). Ainsi, parmi les offices qui ne cantonnent pas l’application de l’arrêt Neurim au cas d’une première AMM vétérinaire et d’une seconde AMM en médecine humaine (25), certains n’y ont recours qu’en cas de « nouvelle indication médicale » (26), alors que d’autres le font aussi en cas « d’application différente » (27). En outre, certains offices (28) délivrent un CCP également en cas de variations de type II (29), contrairement à d’autres qui considèrent ces variations comme non pertinentes (30).

24.      Enfin, il n’est pas clairement établi si l’approche téléologique suivie dans l’arrêt Neurim, en interprétant l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009, doit être étendue à d’autres dispositions du règlement, dont la teneur littérale conduirait à reconnaître à la protection conférée par le CCP un champ d’application plus retreint.

B.      Les implications de l’arrêt Neurim sur le régime applicable au CCP

1.      L’arrêt Neurim et la notion de « produit » au sens du règlement n° 469/2009

25.      La notion de « produit », au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 défini comme « le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament », constitue la pierre angulaire du régime du CCP. De son interprétation dépend non seulement la question de savoir si une invention brevetée peut donner lieu à l’octroi d’un CCP (31), mais également la délimitation du périmètre de la protection conférée par celui-ci (32). Comme l’avocat général Jacobs l’a souligné dans ses conclusions dans l’affaire Pharmacia Italia (33), il est essentiel, afin de correctement interpréter le règlement n° 469/2009, de bien avoir à l’esprit la distinction entre la notion de « produit » et celle de « médicament ». Le « produit », tel que défini, est l’objet de la protection par brevet que le CCP cherche à étendre (34), alors que le médicament constitue l’objet de l’AMM, constitutive de la naissance du droit au CCP (35). Le règlement opère à l’interface entre la protection des produits par le brevet et l’AMM des médicaments : il vise à étendre la protection par brevet des produits qui sont des constituants de médicaments autorisés.

26.      Avant l’arrêt Neurim, la notion de « produit » avait fait l’objet de plusieurs décisions de la Cour, parmi lesquelles il convient d’en rappeler brièvement trois.

27.      Dans l’arrêt Pharmacia Italia (36), où il était question de savoir si une AMM antérieure délivrée pour un médicament à usage vétérinaire faisait obstacle à l’octroi d’un CCP portant sur le même principe actif, autorisé en tant que médicament à usage humain, la Cour, en interprétant l’article 19, paragraphe 1, du règlement nº 1768/92 (37), a précisé, d’une part, que « le critère déterminant pour la délivrance du certificat n’est pas la destination du médicament » et, d’autre part, que « l’objet de la protection conférée par le certificat concerne toute utilisation du produit, en tant que médicament, sans qu’il y ait lieu de distinguer l’utilisation du produit en tant que médicament à usage humain de celle à usage vétérinaire » (38).

28.      Dans l’arrêt Massachusetts Institute of Technology (ci-après l’arrêt « MIT ») (39), la Cour a été appelée à se prononcer sur la question de savoir si la notion de « composition de principes actifs d’un médicament » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 1768/92 inclut « une composition constituée de deux substances dont l’une seulement est dotée d’effets thérapeutiques propres pour une indication déterminée et dont l’autre permet d’obtenir une forme pharmaceutique du médicament qui est nécessaire à l’efficacité thérapeutique de la première substance pour cette même indication » (40). Avant de répondre par la négative à cette question, la Cour a précisé, d’une part, que la notion de « produit » doit être entendue au sens strict de « principe actif » (ou de « substance active ») (41) et, d’autre part, que, en l’absence de toute définition de cette dernière notion dans le règlement n° 1768/92, la détermination de la signification et de la portée de ces termes devait être établie en considération du contexte général dans lequel ils sont utilisés et conformément à leur sens habituel en langage courant (42). Au point 21 de cet arrêt, la Cour a affirmé expressément que la « forme pharmaceutique du médicament » n’entre pas dans la définition de la notion de « produit » et cela malgré le fait, comme précisé plus loin au point 27, que cette forme pharmaceutique soit nécessaire à assurer l’efficacité thérapeutique du principe actif (43).

29.      Enfin, dans l’ordonnance Yissum (44), la Cour s’est prononcée sur la question de savoir si la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement no 1768/92 inclut un second usage médical d’un principe actif connu. Les faits de l’affaire au principal ayant donné lieu à cette ordonnance présentent de fortes ressemblances avec ceux de la procédure au principal dans la présente affaire. La Yissum Research and Development Company of the Hebrew University of Jerusalem (ci‑après « Yissum ») avait demandé, auprès de l’Office des brevets britannique, un CCP pour une composition contenant le principe actif calcitriol, destinée à traiter localement des affections de la peau. La demande avait été rejetée sur le fondement de l’article 3, sous d), du règlement nº 1768/92, au motif que l’AMM invoquée par Yissum n’était pas la première pour le produit en tant que médicament, comme requis par cette disposition. En effet, deux autres médicaments, contenant des formulations différentes du même principe actif et utilisés dans le traitement de pathologies distinctes (insuffisance rénale et ostéoporose), avaient déjà été autorisés sur la base de brevets différents. La question préjudicielle portait néanmoins, non pas sur l’interprétation de l’article 3, sous d), du règlement n° 1768/92, mais sur celle de l’article 1er, sous b), de ce règlement, la juridiction de renvoi souhaitant savoir quelle était la définition de la notion de « produit » visée à cet article 1er, « dans l’hypothèse où le brevet de base protège un second usage médical d’un principe actif » et si « cet usage du principe actif [faisait] partie intégrante [de cette notion] » aux fins du[dit] règlement. La réponse à cette question pouvant, selon la Cour, être clairement déduite de l’arrêt MIT, cette dernière s’est bornée à préciser que la notion de « produit » au sens de ce même règlement « ne saurait inclure l’utilisation thérapeutique d’un principe actif protégée par le brevet de base » (45).

30.      Au moment où la Cour a été saisie de la demande de décision préjudicielle qui a conduit à l’arrêt Neurim, il existait donc une ligne jurisprudentielle consolidée qui consacrait une interprétation stricte de la notion de « produit ». En procédant à une lecture de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009, dans laquelle la notion de « première AMM » se dissocie de celle de « produit », au sens de l’article 1er, sous b), de ce règlement, pour se rattacher à celle de « brevet de base », au sens de l’article 1er, sous c), l’arrêt Neurim a de facto contourné cette jurisprudence, sans cependant l’infirmer, avec pour conséquences d’introduire une séparation artificielle entre deux dispositions du règlement n° 469/2009 unies par un lien fonctionnel – la première définissant la notion utilisée dans la seconde (46) –, et de briser la cohérence systémique de ce règlement, qui se construit sur le rôle clé attribué à la notion de « produit ». Cette opération a, par ailleurs, permis à la Cour d’entériner une solution ouvertement opposée à celle qui se dégageait, quelques années auparavant, de l’ordonnance Yissum.

31.      Postérieurement à l’arrêt Neurim, la Cour a confirmé tant l’interprétation restrictive de la notion de « produit » visée à l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 (47) que – bien qu’uniquement dans des obiter dicta –, la solution retenue dans cet arrêt s’agissant des applications thérapeutiques nouvelles d’un principe actif ancien (48), perpétuant ainsi la contradiction introduite dans la jurisprudence et dans le système de ce règlement.

32.      L’arrêt Abraxis a essayé d’atténuer cette contradiction, d’une part, en réaffirmant l’interprétation stricte de la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 (49) et, d’autre part, en rétablissant le lien qui unit cette disposition à l’article 3, sous d), de ce règlement. Ainsi, au point 35 de cet arrêt, la Cour a dit pour droit que « seule peut être considérée comme étant la première AMM d’un produit en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009, l’AMM correspondant au premier médicament mis sur le marché comprenant le produit concerné répondant à la définition de l’article 1er, sous b), dudit règlement » (50). Tout en consacrant une interprétation de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 différente et incompatible avec celle retenue dans l’arrêt Neurim, l’arrêt Abraxis n’a pas reviré ce dernier, comme l’avait, en substance, suggéré l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans ses conclusions (51), mais l’a relégué au rôle d’« exception à l’interprétation stricte » de cette disposition (52).

33.      Ainsi que je l’ai déjà mentionné au point 22 des présentes conclusions, je ne crois pas que l’arrêt Neurim puisse être lu comme une exception et que l’incohérence jurisprudentielle à laquelle il a donné lieu puisse être résolue en restreignant sa portée jusqu’à le réduire à une sorte de coquille vide. Une telle opération trahirait l’esprit et la lettre de cet arrêt, sans éliminer toute contradiction au sein de la jurisprudence de la Cour. Celle-ci est donc appelée, dans le cadre de la présente affaire, à effectuer un choix clair, soit en revirant l’arrêt Neurim, soit en élargissant les mailles serrées de la notion de « produit » actuellement retenue dans la jurisprudence.

2.      L’arrêt Neurim et l’interprétation littérale de l’article 3, sous d) du règlement n° 469/2009

34.      Selon une jurisprudence constante de la Cour, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte des termes de celle-ci, de sa genèse, ainsi que de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (53). Cependant, la Cour a également souligné qu’une interprétation téléologique n’ira pas jusqu’à consacrer une lecture de la disposition en cause qui soit contraire à son libellé (54). Or, ainsi que l’a également relevé l’avocat général Saugmandsgaard Øe (55), l’arrêt Neurim a, par le biais d’une interprétation téléologique, forcé le libellé clair de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009.

35.      Cette disposition énonce la quatrième des conditions auxquelles est soumise la délivrance du CCP et stipule que l’AMM visée à la lettre b) de cet article doit être « la première du produit [...], en tant que médicament ». Son libellé renvoie aux notions de « produit », d’« AMM » et de « première AMM du produit ». S’agissant de la notion de « produit », elle vise, conformément à l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, le seul principe actif protégé par le brevet de base faisant l’objet de l’AMM présentée au soutien de la demande de CCP, et non pas l’application de ce principe actif comprise dans les revendications du brevet de base. S’agissant de la notion d’« AMM », s’il est clair que celle-ci se réfère à l’AMM obtenue pour le principe actif protégé par le brevet de base qui est invoquée au soutien de la demande de CCP, il est tout autant clair que cette AMM n’est pas forcement la première AMM pour ce produit au sens de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 et qu’il incombe à l’office national des brevets concerné de rechercher s’il n’existe pas une AMM antérieure pour ce même produit. S’agissant, enfin, de la troisième notion, rien dans le texte de cette disposition n’indique que seule une AMM qui entre dans le champ de protection du brevet de base, ou que seule la première AMM permettant d’exploiter économiquement ledit brevet, peut être considérée comme la « première AMM du produit » au sens de ladite disposition.

36.      Se fondant sur la teneur littérale de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009, la « première AMM du produit » est donc l’AMM chronologiquement la plus ancienne à avoir été délivrée dans l’État membre concerné pour le principe actif qui fait l’objet de la demande de CCP. L’ajout d’un autre critère, hormis celui de l’ordre chronologique selon lequel constitue la première AMM du produit la première AMM qui entre dans le champ de protection du brevet de base, serait contraire au libellé clair de ladite disposition (56).

37.      Le caractère plus ou moins strict de la condition énoncée à l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 ne dépend pas, dès lors, de l’existence d’un lien entre le brevet et la première AMM visée par cette disposition, mais de la latitude que l’on reconnaît à la notion de « produit », au sens de l’article 1er, sous b), de ce règlement. Dans ce contexte, je relève qu’il serait en théorie possible d’aboutir au résultat recherché par l’arrêt Neurim, à savoir celui de permettre la délivrance d’un CCP pour une seconde application médicale d’un principe actif ancien, sans s’éloigner d’une interprétation littérale de l’article 3, sous d), dudit règlement, à la condition, cependant, d’interpréter la notion de « produit » en ce sens qu’elle inclut également ledit cas de figure.

3.      L’arrêt Neurim et la cohérence systémique du règlement nº 469/2009

38.      À cause de l’impossibilité de concilier l’interprétation stricte de la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 avec la lecture de l’article 3, sous d), de ce règlement retenue dans l’arrêt Neurim, la jurisprudence de la Cour renferme, à l’heure actuelle, une contradiction qui mine la cohérence systémique dudit règlement et dont les effets risquent de se propager bien au-delà de l’application de la condition visée à cette dernière disposition.

39.      En effet, d’une part, l’approche téléologique adoptée par la Cour dans l’arrêt Neurim est susceptible de s’appliquer également à l’article 3, sous c), du règlement nº 469/2009, dont l’objectif est d’éviter qu’un même produit fasse l’objet de plusieurs CCP successifs, avec un risque de dépassement de la durée totale de protection prévue à l’article 13 de ce règlement (57). Cette question fait actuellement l’objet d’un renvoi préjudiciel introduit par la cour d’appel de Stockholm, siégeant en tant que cour d’appel de la propriété intellectuelle et des affaires économiques (Suède) (58), qui se demande, en substance, si l’objectif d’encourager la recherche dans de nouvelles applications thérapeutiques de produits déjà connus, sous-jacent, entre autres (59), à l’arrêt Neurim, ne pourrait justifier qu’un demandeur qui s’est déjà vu délivrer un CCP pour un produit protégé en tant que tel par un brevet en vigueur se voie accorder un certificat visant une nouvelle application dudit produit dans le cas où cette nouvelle application constitue une nouvelle indication thérapeutique protégée spécifiquement par un nouveau brevet de base.

40.      D’autre part, l’interprétation des notions de « produit » et de « première AMM du produit » qui se dégage de la lecture de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 retenue par l’arrêt Neurim influe nécessairement sur d’autres dispositions fondamentales de ce règlement. Il en est ainsi, comme il ressort d’ailleurs expressément de l’arrêt Neurim (60), de l’article 13 de ce règlement, qui fixe la mécanisme de calcul de la durée du CCP à partir de la première AMM dans l’Union, afin de permettre la cessation simultanée de tout CCP délivré pour un même produit (61). Il en va de même de l’article 4 dudit règlement qui fixe l’objet de la protection conférée par le CCP, précisant qu’elle s’étend au seul « produit » couvert par l’AMM du médicament correspondant, « pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisé avant l’expiration du certificat », et de l’article 5 de ce même règlement concernant les effets du CCP, selon lequel un CCP délivré en lien avec un produit couvert, en tant que médicament, par une AMM confère, « à l’expiration du brevet, les mêmes droits que ceux qui étaient conférés par le brevet de base à l’égard de ce produit, dans les limites de la protection conférée par ce brevet telles qu’énoncées à l’article 4 [du] règlement [n° 469/2009] » (62). Or, dans les cas envisagés par l’arrêt Neurim, où un CCP est délivré pour une utilisation nouvelle d’un principe actif connu, la notion de « produit couvert par l’AMM », qui figure à cet article 4, doit nécessairement être interprétée en ce sens qu’elle ne vise que la nouvelle utilisation dudit principe actif (63), avec la conséquence que c’est par rapport à cette nouvelle utilisation, identifiée comme « produit », que doivent être délimités tant l’objet que les effets du CCP aux sens desdites dispositions, ce qui ne paraît pas en accord avec ledit article 4 et qui semble compliquer l’application du test qui se dégage de l’article 5 dudit règlement (64).

41.      Enfin, les motifs de l’arrêt Neurim sont susceptibles de s’appliquer également dans le cas où l’objet du brevet de base est non pas une nouvelle utilisation d’un produit ancien, mais un procédé nouveau d’obtention d’un produit déjà connu ou encore, une composition nouvelle contenant un produit déjà connu. Cette transposition, théoriquement possible, élargirait, d’une part, la sphère d’application d’une interprétation de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 qui force le libellé de cette disposition et, d’autre part, serait contraire à la position prise par la Cour dans l’arrêt BASF (65), en ce qui concerne les brevets de procédé, et dans l’arrêt MIT, en ce qui concerne, les brevets de composition (66).

C.      L’arrêt Neurim et l’interprétation téléologique du règlement nº 469/2009

42.      Après avoir analysé les difficultés applicatives auxquelles l’arrêt Neurim a donné lieu, il convient de vérifier si l’interprétation retenue par la Cour dans cet arrêt se justifie à la lumière des objectifs du règlement n° 469/2009, tels qu’ils ressortent en particulier des travaux préparatoires de ce règlement.

43.      Il ressort de l’exposé des motifs (67) ainsi que du préambule du règlement nº 469/2009 que, par son adoption, le législateur communautaire visait, en substance, les quatre objectifs principaux énumérés ci-dessous.

1.      Prévenir la création d’obstacles à la libre circulation des médicaments dans le marché intérieur

44.      Premièrement, conformément à sa base juridique, qui est l’article 95 CE, le règlement nº 469/2009 était censé rapprocher les législations des États membres afin d’établir un système uniforme concernant les conditions de délivrance, la portée, la durée et la validité du CCP, afin de prévenir une évolution hétérogène des législations nationales, susceptible d’affecter le fonctionnement du marché intérieur en entravant la libre circulation des médicaments dans celui-ci (considérant 7 du règlement n  469/2009 et points 18 et suivants de l’exposé des motifs).

2.      Encourager la recherche pharmaceutique

45.      Deuxièmement, le règlement n° 469/2009 vise à encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique, en prévoyant une protection destinée à supplémenter celle conférée par le brevet, dont la durée effective est réduite à cause du temps nécessaire à obtenir une AMM avant de pouvoir commencer à exploiter commercialement le brevet et à amortir les investissements effectués dans la recherche (considérants 3 et 4 du règlement nº 469/2009, point 2 de l’exposé des motifs) (68). L’exigence de pallier cette insuffisance de protection pénalisant la recherche pharmaceutique (considérant 5 du règlement nº 469/2009) est mise en relation avec deux différents objectifs socio-économiques : d’une part, préserver la « contribution décisive à l’amélioration continue de la santé publique » (69) que cette recherche apporte (considérant 2 du règlement n° 469/2009, point 1 de l’exposé des motifs) et, d’autre part, réduire le risque que les centres de recherche situés dans les États membres se déplacent vers des pays offrant une meilleure protection (considérant 6 du règlement n° 469/2009) et que les médicaments, notamment ceux résultant d’une recherche longue et coûteuse, ne continuent plus à être développés en Europe (considérant 3 du règlement n° 469/2009). À cet égard, le point 6 de l’exposé des motifs mentionne également le maintien de la compétitivité de l’industrie européenne face, notamment, à la concurrence provenant des États-Unis et du Japon, déjà dotés d’une législation sur la restauration de la durée des brevets.

46.      La question de savoir quel type de recherche est encouragée par le règlement nº 469/2009 et lesquels parmi les résultats de cette recherche tombent dans le périmètre de la protection offerte par ce règlement est au cœur des interrogations auxquelles la Cour est appelée à donner une réponse dans le cadre de la présente affaire. Or, force est de constater, avec les auteurs de l’étude Max Planck, qu’il existe une certaine ambiguïté à cet égard dans le règlement nº 469/2009 (70).

47.      Ainsi, d’une part, en illustrant les caractéristiques du régime envisagé, le point 12 de l’exposé des motifs précise que la proposition de règlement « n’est pas limitée aux nouveaux produits », qu’« un nouveau procédé d’obtention d’un produit ou une nouvelle application du produit peuvent également être protégés par un certificat » et que « toute recherche, quel que soit sa stratégie ou résultat final doit être suffisamment protégée ». Dans le même sens, commentant l’expression « produit protégé par le brevet », afin de préciser le type d’invention qui peut servir de base pour un certificat, ce même exposé des motifs réitère, au point 29, que « la proposition [de règlement] ne prévoit aucune exclusion » et que « toute recherche pharmaceutique, à condition qu’elle conduise à une nouvelle invention susceptible d’être brevetée, qu’il s’agisse d’un nouveau produit, d’un nouveau procédé pour obtenir un nouveau produit ou un produit déjà connu, une nouvelle application pour un produit nouveau ou déjà connu ou une nouvelle combinaison de substances contenant un nouveau produit ou un produit déjà connu, doit être encouragée, sans discrimination ». Le préambule du règlement nº 469/2009, quant à lui, ne fait pas non plus de distinction entre recherche sur les produits – nouveaux ou connus –, sur les procédés d’obtention de produits ou sur les applications concernant des produits nouveaux ou anciens, tous ces types de recherche pouvant contribuer à l’amélioration de la santé publique et encourant le risque de délocalisation en cas de protection insuffisante. Dans cette même ligne, l’article 1er du règlement nº 469/2009 définit la notion de « brevet de base » comme « un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat ».

48.      D’autre part, ainsi que le souligne l’étude Max Planck, plusieurs passages de l’exposé des motifs font référence à la nécessité de protéger les « entreprises innovantes » (71) et précisent que le système envisagé n’est censé s’appliquer qu’aux seuls « médicaments nouveaux » (72). Si je ne saurais partager la conclusion à laquelle arrive cette étude, à savoir que, lorsque l’exposé des motifs utilise l’expression « médicaments nouveaux », il se réfère en réalité aux « principes actifs », et donc à la notion de « produit » telle que définie dans la proposition de règlement (73), il n’en reste pas moins qu’il ressort de l’exposé des motifs l’intention claire de la Commission de restreindre l’application du règlement aux spécialités pharmaceutiques innovantes et « research-intensive » (74). Les modifications apportées à la proposition de règlement au cours de la procédure législative confirment cette lecture (75). Le but même du règlement nº 469/2009, tel qu’il ressort de son préambule, est d’ailleurs celui de pallier l’insuffisance de protection conférée par le brevet à cause de l’érosion de la durée de celui-ci due à la longueur de la procédure d’autorisation. Or un tel délai est, en règle générale, plus important dans le cas de médicaments contenant des principes actifs non encore mis sur le marché, nécessitant la présentation de dossiers complets à l’appui de la demande de MAA, concernant tant l’efficacité que la sécurité de tels médicaments (76). Le choix du législateur de l’Union d’ériger la notion de « produit », au sens strict de principe actif (77), en clé de voûte du régime instauré par le règlement nº 469/2009, d’une part, et le libellé de l’article 3 de ce règlement, lui-même axé sur cette notion, d’autre part, militent également en ce sens.

49.      L’idée que toute recherche pharmaceutique ayant conduit à une invention brevetable, même lorsque celle-ci porte sur un produit déjà commercialisé, doit pouvoir bénéficier de la protection supplémentaire offerte par le CCP a sans doute inspiré l’interprétation retenue au point 25 de l’arrêt Neurim (78), qui repose d’ailleurs sur les éléments de l’exposé des motifs évoqués aux point 47 des présentes conclusions (79).

50.      L’inverse est, en revanche, affirmé, cette fois de manière explicite, dans l’arrêt Abraxis, où la Cour, renvoyant aux éléments de l’exposé des motifs rappelés au point 48 des présentes conclusions (80), a dit pour droit, au point 37, que « le législateur a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament » (81).

51.      Le point 25 de l’arrêt Neurim et le point 37 de l’arrêt Abraxis sont clairement antinomiques. La Cour est appelée, entre autres, à résoudre cette antinomie, sachant que, confirmer l’interprétation téléologique du règlement nº 469/2009 figurant au point 37 de l’arrêt Abraxis signifie invalider celle sur laquelle est fondée la solution retenue au point 25 de l’arrêt Neurim.

52.      Pour ma part, je suis d’avis que, plutôt que de persévérer dans l’exercice d’exégèse d’un texte – l’exposé des motifs – qui, s’agissant du point qui nous intéresse, n’excelle pas par sa clarté, il conviendrait, pour définir l’objet de la protection accordée par le règlement nº 469/2009 et le périmètre de cette protection, de se référer au libellé de ses dispositions ainsi qu’à l’économie générale de ce règlement, qui militent en faveur d’une limitation du champ d’application dudit règlement aux cas où la demande de CCP porte sur un principe actif non encore commercialisé, ainsi que sur un procédé de fabrication ou une utilisation thérapeutique d’un tel principe actif. Même si ce n’est pas le cas de tous les éléments de l’exposé des motifs, nombreux confirment une telle interprétation.

53.      Cette interprétation sort d’ailleurs renforcée de l’examen du troisième objectif poursuivi par le règlement nº 469/2009.

54.      Avant de procéder à cet examen, il convient cependant de répondre brièvement à certains des arguments soulevés par Santen au sujet de l’étendue de l’objectif de promotion de la recherche pharmaceutique poursuivi par le règlement n° 469/2009. Selon Santen, ce règlement est incontestablement destiné à encourager la recherche pour toute innovation, y compris celle portant sur les formulations, sans faire de discriminations entre la recherche de nouvelles substances actives et la recherche sur des substances connues. Il fait valoir, en premier lieu, qu’une distinction claire doit être faite entre, d’une part, le développement d’un seul et même produit par un seul et même titulaire d’une AMM vers de nouvelles formulations ou de nouvelles indications et, d’autre part, les situations du type de celle ayant donné lieu à l’arrêt Neurim, où une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, permettant le traitement d’une maladie qui ne pouvait pas être traitée auparavant avec ce même principe actif, est développée à risque, longtemps après la première autorisation dudit principe actif, par un laboratoire pharmaceutique différent et indépendant. À cet égard, je relève, premièrement, qu’il ressort du point 11 de l’exposé des motifs que les nouvelles formulations sont a priori exclues du champ d’application de la proposition de règlement (82), deuxièmement, que ni l’exposé des motifs, ni la proposition de règlement, ni l’article 3 du règlement n° 469/2009 ne distinguent selon que la nouvelle indication thérapeutique ou le nouveau procédé d’obtention d’un produit déjà autorisé aient été développés par le titulaire de la première AMM ou par un laboratoire tiers et, troisièmement, que la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Neurim fait abstraction, ainsi que précisé au point 34 de cet arrêt, de toute considération concernant « la détermination des titulaires des AMM, des brevets ou de la demande de CCP ». En second lieu, Santen fait valoir qu’interpréter le règlement nº 469/2009 en ce sens que la nouvelle utilisation d’un principe actif ancien ne peut ouvrir droit à un CCP que dans le cas où ce principe n’a pas encore été autorisé restreindrait de manière indue et contraire aux intentions du législateur communautaire le champ d’application de ce règlement. À cet égard, j’observe que, si le point 29 de l’exposé des motifs énonce que même la recherche sur les nouvelles utilisations doit être encouragée, il précise que ce n’est que lorsque toutes les conditions prévues par la proposition de règlement sont réunies que le résultat de cette recherche peut obtenir un CCP. Il ne peut, dès lors, être inféré de ce seul point 29 de l’exposé des motifs l’intention du législateur communautaire d’inclure dans le champ d’application de la proposition de règlement également les nouvelles applications de principes actifs déjà autorisés. Cette intention ne se trouve pas non plus reflétée dans le libellé des dispositions pertinentes du règlement nº 469/2009.

3.      Créer un système uniforme basé sur des règles simples et transparentes

55.      La proposition de règlement préconisait un régime simple, transparent et facilement accessible à tous les sujets impliqués (83). La délivrance du CCP étant du ressort des offices nationaux des brevets, afin de ne pas alourdir la tâche de ces derniers, la Commission a opté pour un système dans lequel l’examen des demandes de CCP se fait sur la base de données objectives et simples à vérifier (84). Si la pratique démontre que certaines étapes de cet examen peuvent impliquer des appréciations même très complexes (85), il n’en reste pas moins que celui‑ci exige seulement d’établir l’existence du double lien entre le brevet et le produit, d’une part, et entre ce dernier et l’AMM, d’autre part, ainsi que de vérifier l’existence de CCP ou d’AMM antérieurs portant sur le même produit. Aucune appréciation de la valeur de l’invention couverte par le brevet ou de l’investissement nécessaire pour la développer n’est requise de la part des offices nationaux des brevets. Dans l’optique du législateur communautaire, un ensemble de règles simples, basées sur des critères objectifs aurait contribué à l’harmonisation du système communautaire des CCP, limitant les cas de décisions nationales divergentes et augmentant la prévisibilité et la sécurité juridique pour les détenteurs de brevets (86). Dans l’arrêt MIT, la Cour a d’ailleurs elle-même souligné la nécessité d’éviter d’introduire, dans l’application du règlement nº 469/2009, des éléments d’insécurité juridique sous forme de critères n’ayant pas un contenu suffisamment déterminé, afin de ne pas nuire à l’objectif d’harmonisation poursuivi par celui‑ci (87).

56.      Or, il est indéniable que l’arrêt Neurim va à l’encontre de l’objectif décrit ci-dessus, en ce sens qu’il insère dans le système du règlement nº 469/2009 des notions aux contours flous (« nouvelle application thérapeutique » « utilisation nouvelle », « application différente » du même produit), se prêtant à plusieurs interprétations, comme la présente affaire l’illustre clairement, et pouvant impliquer, selon l’interprétation privilégiée, des appréciations complexes et subjectives de la part des offices nationaux des brevets.

4.      Réaliser un correct équilibre des intérêts en jeu

57.      Il résulte tant du préambule du règlement nº 469/2009 que de l’exposé des motifs (88) que, alors que l’objectif principal de ce règlement est d’étendre la durée de protection des brevets pharmaceutiques et d’éviter le développement de règlementations nationales hétérogènes en la matière, cet objectif doit être mis en balance avec un certain nombre d’intérêts politiques, économiques et sociaux concurrents. Le titulaire d’un tel brevet a un monopole sur la vente des médicaments couverts par celui-ci, ce qui augmente ses chances de récupérer les sommes qu’il a investies dans la recherche, mais retarde l’entrée sur le marché des génériques et augmente le prix des médicaments au détriment des patients et des systèmes nationaux de sécurité sociale. Les règles concernant le champ d’application, la durée et les conditions pour la délivrance d’un CCP représentent un équilibre délicat entre ces intérêts en conflit. Or l’arrêt Neurim a altéré cet équilibre en faveur des laboratoires pharmaceutiques.

D.      Conclusion intermédiaire

58.      Dans l’arrêt Neurim, la Cour s’est livrée à une interprétation téléologique du règlement nº 469/2009. Cette interprétation confère indéniablement de la flexibilité au régime du CCP et répond, très probablement, davantage aux exigences actuelles de la recherche pharmaceutique, qui apparaissent différentes par rapport à celles qui ont conduit à l’adoption du règlement nº 1768/92. Le développement des utilisations médicales ultérieures de substances déjà connues occupe, sans doute, une place significative dans le contexte de cette évolution, une grande partie de la recherche pharmaceutique, ainsi que le souligne Santen dans ses observations écrites, étant, à l’heure actuelle, focalisée dans ce secteur (89). En outre, l’interprétation retenue dans l’arrêt Neurim permet d’accorder une protection juridique suffisante à toute innovation aboutissant à renforcer l’efficacité thérapeutique de principes actifs déjà connus ou à les utiliser dans le traitement de nouvelles pathologies, ce qui répond à l’objectif d’amélioration continue de la santé publique, qui figure également parmi ceux poursuivis par la création du CCP (90)

59.      Néanmoins, comme nous l’avons vu, l’interprétation de l’article 3, sous d), et des articles 4 et 13 du règlement nº 469/2009 retenue dans l’arrêt Neurim s’éloigne du libellé de ces dispositions et ne semble pas trouver un appui solide dans les travaux préparatoires de ce règlement, ni répondre à l’équilibre des intérêts en jeu envisagé par le législateur communautaire lors de la création du CCP. Or les règles qui reflètent cet équilibre, relatives à la notion de « produit », aux conditions d’octroi, à l’objet et à la durée du CCP sont restées inchangées depuis l’adoption du règlement nº 1768/92, malgré le fait que le règlement nº 469/2009 ait été récemment modifié (91). Les incohérences systémiques décrites ci‑dessus, créées par la jurisprudence, doivent, dès lors, être résolues par la jurisprudence elle‑même. La présente affaire offre à la Cour l’occasion de le faire.

60.      Le rôle unificateur de la Cour est d’importance capitale dans l’interprétation du règlement nº 469/2009, compte tenu de la nature de titre national du CCP et de l’absence d’harmonisation du droit des brevets, qui favorisent une application souvent discordante de ce règlement de la part des offices des brevets nationaux. De même, il importe, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique, de veiller particulièrement à assurer la cohérence de la jurisprudence et à garantir un niveau le plus élevé possible de sécurité juridique aux différents opérateurs économiques concernés. Le règlement nº 469/2009 relève d’un domaine hautement technique, son adoption a requis la prise en compte et la mise en balance de plusieurs intérêts et a impliqué des choix délicats en matière de politique économique et sociale. C’est pourquoi privilégier une lecture téléologique de ce règlement, qui, tout en ayant le mérite de protéger et d’encourager d’autres formes de recherche pharmaceutique, s’éloigne du libellé clair de ses dispositions dans lesquelles se reflète l’équilibre entre les différents intérêts en jeu voulu par le législateur communautaire et maintenu par le législateur de l’Union, ne me paraît pas une voie à suivre.

61.      Dès lors, à la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’accord avec l’avocat général Saugmandsgaard Øe, dans ses conclusions dans l’affaire Abraxis Bioscience (C‑443/17, EU:C:2018:1020), pour conclure que la Cour devrait abandonner le « test du champ d’application du brevet » introduit dans l’arrêt Neurim et revenir à une interprétation littérale de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009. Il incombe, en effet, au législateur de l’Union et non pas à la Cour de décider si, et dans quelle mesure, le bénéfice du CCP doit s’étendre au développement d’applications pharmacologiques ou médicales ultérieures.

62.      S’agissant de la méthode à suivre afin d’opérer un tel revirement, je suis d’avis que « marginaliser » l’arrêt Neurim, en circonscrivant sa portée au seul cas d’une première AMM vétérinaire et d’une deuxième AMM pour un médicament à usage humain, statistiquement très rare, ne soit pas une option satisfaisante. Tout d’abord, comme je l’ai souligné plus haut, cet arrêt ne se prête pas à être interprété comme une exception dont l’application est strictement limitée aux circonstances factuelles de l’affaire au principal qui lui a donné lieu. Ensuite, une telle marginalisation n’éliminerait pas les contradictions qui existent actuellement dans la jurisprudence de la Cour et leur incidence sur la cohérence systémique du droit des CCP. Il me semble, dès lors, préférable de suivre l’arrêt Abraxis, en se fondant, mutatis mutandis, sur l’analyse contenue aux points 24 à 40 de celui-ci. Dans cette partie des motifs de l’arrêt Abraxis, partant d’un récapitulatif de la jurisprudence sur la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, la Cour a abouti à une « interprétation stricte » de l’article 3, sous d), de ce règlement, qui, en soi, est incompatible avec le raisonnement suivi par la Cour dans l’arrêt Neurim. Si, dans l’arrêt Abraxis, la Cour n’est pas allée jusqu’à revirer l’arrêt Neurim, se bornant à conclure que celui-ci ne visait en tout état de cause pas le cas d’une formulation nouvelle d’un produit déjà connu (92), elle doit, à mon sens, franchir ce pas dans son arrêt à venir.

63.      Je suggère donc à la Cour, à titre principal, de répondre aux questions préjudicielles posées par la cour d’appel de Paris que l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’AMM visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de CCP portant sur une application différente et nouvelle d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première AMM du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une telle autorisation en tant que tel.

64.      Si, en revanche, la Cour devait décider de confirmer l’arrêt Neurim sur la base de considérations telles que celles développées au point 58 de présentes conclusions, il lui incomberait soit de revenir sur la notion de « produit » au sens de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009 retenue dans l’ordonnance Yissum s’agissant des applications ultérieures de principes actifs existants, soit d’infirmer l’interprétation de l’article 3, sous d), de ce règlement, livrée aux points 32 à 39 de l’arrêt Abraxis (93). Pour des raisons tenant au respect tant du libellé de cette disposition que de la cohérence du système du règlement nº 469/2009, je préfère la première option. Les réflexions qui suivent ne sont développées qu’à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour déciderait de confirmer l’arrêt Neurim et d’en clarifier la portée en répondant aux questions posées par la juridiction de renvoi.

E.      À titre subsidiaire : sur les questions préjudicielles

1.      Sur la première question préjudicielle

65.      Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si la notion d’« application différente » au sens de l’arrêt Neurim doit s’entendre de manière stricte ou extensive. Cette juridiction avance différentes interprétations possibles, qui se situent entre deux extrêmes : l’un limitant la portée de cette notion au seul cas d’une application humaine faisant suite à une application vétérinaire, l’autre l’interprétant selon les mêmes critères qui président à l’appréciation de la brevetabilité de l’invention, c’est-à-dire en y incluant également des formulations, posologies et/ou modes d’administration différents (94).

66.      Pour les motifs en partie déjà exposés, ni l’un ni l’autre de ces extrêmes ne me semblent répondre à la logique sous-jacente à l’arrêt Neurim. D’une part, ainsi que je l’ai souligné plusieurs fois, rien dans les motifs de cet arrêt, au vu desquels il faut lire le dispositif de celui-ci, ne permet de limiter sa portée au seul cas d’une application humaine faisant suite à une application vétérinaire (95). D’autre part, tant la terminologie employée aux points 25 et 26 de cet arrêt (96) que le raisonnement développé par la Cour – qui infère des objectifs et de la genèse du règlement nº 469/2009 le droit au CCP des titulaires des brevets protégeant des applications nouvelles de principes actifs anciens – ne permettent de considérer que la Cour entendait viser également les situations où un tel brevet ne portait que sur des modifications mineures aux applications connues desdits principes, telles des formulations, posologies et/ou modes d’administration différents, modifications qui, au demeurant, ont été expressément exclues du champ d’application de la proposition de règlement (97).

67.      La portée de l’arrêt Neurim, au cas où la Cour déciderait de le confirmer, doit donc être identifiée entre les deux extrêmes analysés ci‑dessus. Deux cas, à mon sens, devraient être considérés comme couverts par cet arrêt. Le premier est celui d’une nouvelle application thérapeutique, à savoir le cas où l’invention protégée par le brevet qui sert de base à la demande de CCP permet de traiter une maladie nouvelle (98). Si la Cour décidait d’accepter ce critère de lecture de l’arrêt Neurim, elle devrait revenir sur l’arrêt MIT. Le second cas, envisagé par la Commission dans ses observations écrites (99), est celui où le principe actif ancien exerce une « action pharmacologique, immunologique ou métabolique » propre, différente de celle précédemment connue. En présence d’une telle action nouvelle, le principe actif ancien serait, en substance, assimilé à un nouveau produit (100).

68.      Certes, ainsi qu’il a été souligné dans ses observations écrites et lors de l’audience par le gouvernement français, les critères proposés ci‑dessus compliquent l’examen qui doit être conduit par les offices nationaux des brevets sur les demandes de CCP. Je ne surestimerais cependant pas ces difficultés. En effet, d’une part, ces offices devraient être équipés pour résoudre les questions liées à l’application desdits critères, d’autre part, ainsi que la Commission l’a correctement souligné lors de l’audience, il incomberait au demandeur de CCP de fournir les preuves nécessaires à établir la nouvelle indication thérapeutique ou la nouvelle action de la substance active ou de la composition connue, faute de quoi la demande sera rejetée.

69.      Sur la base des considérations qui précèdent je propose, à titre subsidiaire, à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 3 du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens que la délivrance d’un CCP pour une application différente d’un principe actif pour lequel une AMM a été octroyée dans l’État membre concerné, au sens de l’arrêt Neurim, requiert que l’AMM qui sert de base à la demande de CCP couvre une indication thérapeutique nouvelle dudit principe actif ou porte sur une utilisation de celui-ci dans laquelle ce principe actif exerce une nouvelle action pharmacologique, immunologique ou métabolique propre.

2.      Sur la seconde question préjudicielle

70.      Par sa seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour comment faut-il interpréter la notion d’« application entrant dans le champ de protection conféré par le brevet de base » qui figure dans l’arrêt Neurim. Elle se demande, notamment, si cette notion implique que le brevet de base doit se limiter à la nouvelle utilisation médicale correspondant à l’indication thérapeutique de l’AMM sur laquelle s’appuie la demande de CCP. Il ressort de l’ordonnance de renvoi que l’INPI interprète et applique en ce sens l’arrêt Neurim.

71.      Force est de constater, comme le fait valoir Santen, que l’arrêt Neurim ne contient aucun élément qui permet de conclure dans le sens voulu par l’INPI. En effet, lorsque la Cour précise dans cet arrêt que l’application différente du principe actif connu doit entrer dans le champ de protection conféré par le brevet de base, elle ne fait que décliner autrement le critère retenu au point 26 dudit arrêt, selon lequel c’est l’AMM du premier médicament autorisé pour « une utilisation thérapeutique du produit correspondant à celle protégée par le brevet invoqué à l’appui de la demande de CCP » qui constitue la première AMM de ce produit au sens de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009.

72.      Cela dit, le souci, sous-jacent à la position de l’INPI et du gouvernement français, d’éviter que l’octroi d’un CCP pour une application différente d’un produit ancien puisse amener à retarder le moment où le principe actif en tant que tel tombe dans le domaine public ou, encore, que la portée de ce CCP s’étende, conformément à l’article 4 du règlement nº 469/2009, à d’autres utilisations du produit en tant que médicament, protégées par le brevet de base et autorisées avant l’expiration du certificat, est tout à fait justifié. À cet égard, je souligne que l’arrêt Neurim lui-même précise que l’étendue d’un tel CCP ne pourra, en tout état de cause, couvrir que la nouvelle utilisation du principe actif ancien, telle qu’elle est protégée par le brevet de base et couverte par l’AMM qui sert de base à la demande de CCP. En aucun cas, la portée de ce CCP ne pourra s’étendre au principe actif en tant que tel ou à d’autres utilisations de ce principe actif. Cela découle du point 25 de l’arrêt Neurim et du fait que cet arrêt a interprété en même temps l’article 4 du règlement nº 469/2009 qui définit l’objet du CCP. Dès lors, lorsqu’un CCP portant sur une application différente d’un principe actif ancien est octroyé, le « produit » couvert par l’AMM du médicament correspondant, auquel s’étend, conformément à cet article 4, la protection conférée par le CCP, est non pas le « principe actif » lui-même, mais l’« application différente de ce principe » qui tombe dans le champ de protection du brevet de base (101). Ainsi, à supposer que la demande de CCP de Santen remplisse les critères indiqués dans la réponse à la première question préjudicielle, ce qui incombe à la juridiction de renvoi d’établir, le CCP ne couvrirait que l’application « ciclosporine pour le traitement de la kératite ».

73.      Dans ses observations écrites, la Commission doute que cette application du principe actif « ciclosporine » fasse partie de l’invention couverte par le brevet de base en cause au principal. À cet égard, ainsi que la Commission le relève d’ailleurs elle-même, je constate que la juridiction de renvoi part de la prémisse que la condition énoncée à l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 est remplie (ou, à tous le moins, du constat qu’une telle prémisse n’est pas litigieuse) et ne pose dès lors pas de questions à ce sujet. La Cour n’est donc pas tenue de prendre position. En tout état de cause, la question de savoir si les doutes de la Commission sont justifiés relève de l’application des dispositions du règlement nº 469/2009 et non pas de leur interprétation. Il incombe, dès lors, à la juridiction de renvoi d’apprécier si la nouvelle application de la « ciclosporine » sur laquelle s’appuie la demande de CCP de Santen entre dans le champ d’application du brevet de base au principal, sur la base des indications contenues dans la jurisprudence de la Cour et, notamment, dans l’arrêt Teva (102), qui a procédé à un récapitulatif des critères d’application de la condition énoncée à l’article 3, sous a) de ce règlement.

74.      Sur la base des considérations qui précèdent, je propose, à titre subsidiaire, à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 4 du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où le CCP porte sur une application différente d’un principe actif ancien, la notion de « produit » au sens de cette disposition désigne uniquement ladite application et ne s’étend pas au principe actif en tant que tel ou à d’autres applications de celui‑ci.

IV.    Conclusion

75.      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour, à titre principal, de répondre à la cour d’appel de Paris (France) de la manière suivante :

L’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de certificat complémentaire de protection portant sur une application différente et nouvelle d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une telle autorisation en tant que tel.

À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour déciderait de procéder à l’interprétation de l’arrêt Neurim, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par cour d’appel de Paris :

1)      L’article 3 du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens que la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour une application différente d’un principe actif pour lequel une autorisation de mise sur le marché précédente a été octroyée dans l’État membre concerné, au sens de l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991), (C-130/11, EU :C2012 :489), requiert que l’autorisation de mise sur le marché qui sert de base à la demande de certificat complémentaire de protection couvre une indication thérapeutique nouvelle dudit principe actif ou porte sur une utilisation de celui-ci dans laquelle ce principe actif exerce une nouvelle action pharmacologique, immunologique ou métabolique propre.

2)      L’article 4 du règlement nº 469/2009 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où le certificat complémentaire de protection porte sur une application différente d’un principe actif ancien, la notion de « produit », au sens de cette disposition, désigne uniquement ladite application et ne s’étend pas au principe actif en tant que tel ou à d’autres applications de celui-ci.


1      Langue originale : le français.


2      Arrêt du 21 mars 2019, Abraxis Bioscience(C‑443/17, ci-après l’« arrêt Abraxis », EU:C:2019:238).


3      C‑130/11, ci-après l’« arrêt Neurim », EU:C:2012:489 .


4      Règlement (CE) nº 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 2009, L 152, p. 1). Ce règlement a été modifié, à compter du 1er juillet 2019, par le règlement (UE) 2019/933 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019 (JO 2019, L 153, p. 1). Les modifications ne concernent pas les dispositions dont l’interprétation est demandée dans le présent renvoi préjudiciel.


5      Conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Abraxis Bioscience (C‑443/17, EU:C:2018:1020).


6      Il convient d’observer que la procédure écrite dans la présente affaire a été clôturée avant que la Cour ne prononce l’arrêt Abraxis. Les parties et intéressés ayant déposé des observations écrites dans la présente affaire ont été invités par la Cour à prendre position sur les conséquences de cet arrêt aux fins de la réponse à donner aux questions préjudicielles posées par la cour d’appel de Paris.


7      Règlement du Conseil du 18 juin 1992 concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1).


8      Cette définition du CCP figure dans l’exposé des motifs ayant conduit à la proposition de règlement (CEE) du Conseil, du 11 avril 1990, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments [COM (90) 101 final, ci-après la « proposition de règlement » (JO 1990, C 114, p. 10)]. (ci-après l’« exposé des motifs »)


9      Des considérations analogues ont amené le législateur communautaire à adopter le règlement (CE) nº 1610/96 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques (JO 1996, L 198, p. 30).


10      JO 2001, L 311, p. 67.


11      JO 2001, L 311, p. 1.


12      Inflammation de la cornée, partie antérieure du globe oculaire.


13      Inflammation de tout ou partie de l’uvée, partie centrale du globe oculaire.


14      La juridiction de renvoi souligne qu’il n’est pas contesté que les deux médicaments, tout en ayant trait, tous deux, au traitement d’inflammations de parties de l’œil chez l’humain, traitent des maladies différentes affectant des parties distinctes de l’œil.


15      La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni] résumait comme suit le litige soumis à son examen : « In short, commercially, medically and legally there is a vast expanse of clear blue water between the parties’ products and legal rights. None of the work done by Hoechst helped Neurim at all – it may indeed have hindered them because the regulator would naturally have been concerned about possible side effects. »


16      Cette question était rédigée comme suit : « Aux fins d’interpréter l’article 3 du règlement [nº 469/2009], lorsqu’une [AMM] (A) a été délivrée pour un médicament qui contient un principe actif, convient-il d’interpréter l’article 3, sous d), comme s’opposant à la délivrance d’un CCP fondé sur une [AMM] ultérieure (B) visant un médicament différent contenant le même principe actif si les limites de la protection conférée par le brevet de base ne s’étendent pas à la commercialisation du produit faisant l’objet de l’autorisation de mise sur le marché antérieure au sens de l’article 4 ? » (mis en italique par mes soins).


17      La troisième question avait la teneur suivante : « Les réponses aux questions précédentes seraient-elles différentes si l’[AMM] antérieure avait été délivrée à un médicament vétérinaire pour une indication spécifique et l’[AMM] ultérieure avait été délivrée pour un médicament à usage humain visant une indication différente ? »


18      Le point 23 contient un renvoi aux arrêts du 24 novembre 2011, Medeva (C‑322/10, EU :C :2011 :773, points 30 et 31) et Georgetown University e.a. (C‑422/10, EU :C :2011 :776, points 24 et 25).


19      Point 26 de l’arrêt Neurim.


20      Point 27 des motifs et point 1 du dispositif de l’arrêt Neurim.


21      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement nº 469/2009, « [l]e certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’une période de cinq ans ».


22      Point 31 des motifs et point 2 du dispositif de l’arrêt Neurim.


23      Point 35 des motifs et point 3 du dispositif de l’arrêt Neurim.


24      Au point 43 de l’arrêt Abraxis, la Cour a considéré que l’arrêt Neurim a introduit une « exception à l’interprétation stricte de l’article 3, sous d) » du règlement nº 469/2009.


25      Selon les données fournies par l’étude Max Planck, adoptent une interprétation restrictive de l’arrêt Neurim les offices des brevets néerlandais et portugais (voir point 11.3.1.4, p. 229 et 230). Dans la présente affaire, le gouvernement français adopte la même interprétation.


26      À savoir lorsque le principe actif est appliqué à une nouvelle population de patients et traite une maladie nouvelle.


27      À savoir en l’absence de nouvelle application thérapeutique.


28      Par exemple, les offices autrichien et du Royaume-Uni ; voir étude Max Planck, point 11.3.1.4, p. 229 et 230).


29      Selon la définition donnée par l’Agence européenne des médicaments (EMA), la variation de type II « correspond à une modification majeure d’une AMM qui peut avoir un impact significatif sur la qualité, la sécurité ou l’efficacité d’un médicament, mais n’implique pas une modification de la substance active, de sa force ou de sa voie d’administration. Cette variation ne demande qu’une approbation formelle ». disponible sur le site Internet https://www.ema.europa.eu/en/glossary/type-ii-variation.


30      Par exemple, l’office espagnol (voir étude Max Planck, point 11.3.1.4, p. 229 et 230).


31      Voir article 3 du règlement nº 469/2009.


32      C’est par rapport à la notion de « produit » que l’article 4 du règlement n° 469/2009 définit l’objet de la protection conférée par le CCP.


33      C‑31/03, EU:C:2004:278, point 38.


34      Le CCP a vocation à protéger le « produit » couvert par l’AMM et non le médicament en tant que tel ; voir arrêt du 24 novembre 2011, Medeva (C‑322/10, EU:C:2011:773, point 37).


35      Voir arrêt du 12 juin 1997, Yamanouchi Pharmaceutical (C‑110/95, EU:C:1997:291, point 26).


36      Arrêt du 19 octobre 2004 (C‑31/03, ci-après l’arrêt « Pharmacia Italia », EU:C:2004:641).


37      À titre transitoire, cet article prévoyait qu’un certificat pouvait être délivré pour tout produit, à savoir tout principe actif ou composition de principes actifs d’un médicament, à la condition que, à la date d’entrée en vigueur du règlement, soit le 2 janvier 1993, le produit soit protégé par un brevet de base en vigueur, et qu’une première AMM ait été obtenue pour le produit, en tant que médicament, dans la Communauté après le 1er janvier 1985 (une date différente était fixée pour certains États membres).


38      Point 20 de l’arrêt Pharmacia Italia (mis en italique par mes soins).


39      Arrêt du 4 mai 2006 (C‑431/04, EU:C:2006:291).


40      Point 29 de l’arrêt MIT. Il est à noter que, dans l’affaire au principal ayant donné lieu à l’arrêt MIT, l’Office allemand des brevets et des marques avait rejeté la demande de CCP de MIT portant sur le principe actif « carmustine » en combinaison avec d’autres substances sur la base de l’article 3, sous d), du règlement n° 1768/92, ce principe actif ayant déjà été autorisé depuis des nombreuses années. Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Massachusetts Institute of Technology (C‑431/04, EU:C:2005:721, point 22 et note en bas de page 16).


41      Point 21 de l’arrêt MIT.


42      Point 17 de l’arrêt MIT.


43      Dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt MIT (C‑431/04, EU:C:2005:721), l’avocat général Léger avait suggéré à la Cour de répondre affirmativement. Exclure de la notion de « composition de principes actifs » une composition comprenant un principe actif et un excipient, dans le cas particulier où ce dernier est nécessaire à l’efficacité thérapeutique du principe actif, n’était, selon lui, conforme ni à l’économie générale du règlement dans lequel elle s’insère ni, surtout, aux objectifs poursuivis par le législateur communautaire.


44      Ordonnance du 17 avril 2007 (C‑202/05, ci-après l’« ordonnance Yissum », EU:C:2007:214).


45      Voir points 11 et 18 de l’ordonnance Yissum (mis en italique par mes soins). Au point 19, la Cour a observé que la même interprétation pouvait également être déduite de l’arrêt Pharmacia Italia.


46      Rien n’indique, en effet, que la notion de « produit » qui figure à l’article 1, du règlement nº 469/2009, diffère de celle autour de laquelle s’articule l’article 3 de ce règlement. Voir, par analogie, arrêt du 10 mai 2001, BASF (C‑258/99, EU:C:2001:261, point 24).


47      Voir, dans le même sens que l’arrêt MIT, ordonnance du président de la Cour du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma (C‑210/13, EU:C:2013:762, points 27 à 32), dans laquelle, au point 44, la Cour a affirmé explicitement que « la Cour n’a [...] pas infirmé, [dans l’arrêt Neurim], l’interprétation stricte de l’article 1er, sous b), du règlement nº 469/2009, retenue dans l’arrêt [MIT], selon laquelle la notion de « produit » ne saurait couvrir une substance qui ne répond pas à la définition de « principe actif » ou de « composition de principes actifs ». Voir, dans le même sens, arrêt Abraxis, point 44.


48      Voir arrêt du 12 décembre 2013, Georgetown University (C‑484/12, EU:C:2013:828, points 28 et 38).


49      Voir arrêt Abraxis, points 24 à 31.


50      La Cour a renvoyé sur ce point à l’arrêt du 24 novembre 2011, Medeva, C322/10, EU:C:2011:773. J’observe, à titre incident, que cet arrêt ne semble offrir ni un appui irréfutable à l’interprétation de l’article 3, sous d), du règlement nº 469/2009 retenue dans l’arrêt Abraxis, ni, surtout, un précédent s’opposant à l’interprétation de cet article retenue dans l’arrêt Neurim. En effet, le point 40 de l’arrêt Medeva, auquel renvoie la Cour dans l’arrêt Abraxis, énonce que seule peut être considérée comme première AMM du produit en tant que médicament, au sens dudit article, « l’autorisation correspondant au premier médicament mis sur le marché comprenant parmi ses principes actifs la composition des deux principes actifs mentionnée dans le libellé des revendications du brevet » (mis en italique par mes soins). Or, il ne peut pas, à mon sens, être inféré de manière claire de ce passage qu’une AMM portant sur une utilisation différente d’un principe actif ancien, mentionnée dans le brevet de base, ne puisse pas constituer une première AMM au sens de l’article susmentionné. Il en va de même de l’arrêt du 10 mai 2001, BASF (C‑258/99, EU:C:2001:261, point 28), interprétant l’article 3, sous d), du règlement nº 1610/96, qui est indiqué, dans les conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Abraxis Bioscience (C‑443/17, EU:C:2018:1020) (point 31), comme un précédant s’opposant à l’interprétation retenu dans l’arrêt Neurim. Il est vrai que la Cour a considéré, dans ledit arrêt BASF, qu’un nouveau produit phytopharmaceutique, qui ne différait d’un produit phytopharmaceutique faisant l’objet d’une AMM antérieure que par la proportion entre le principe actif et les impuretés, cette proportion résultant de l’application d’un procédé couvert par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP, ne constituait pas un nouveau « produit » au sens de ladite disposition, et que, dès lors, celle-ci s’opposait à l’octroi du CCP demandé sur le fondement de ce brevet de base, au motif que l’AMM du nouveau produit phytopharmaceutique n’était pas la première accordée pour le produit en cause. Cependant, la Cour a précisé qu’il en allait ainsi, notamment, puisque les deux substances en question, hormis leur composé chimique identique exerçaient « la même action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles, ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux » (voir, notamment, points 27 et 28 ; mis en italique par mes soins).


51      Conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Abraxis Bioscience (C‑443/17, EU:C:2018:1020).


52      Voir point 43 de l’arrêt Abraxis.


53      Voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Hassan (C‑647/16, EU:C:2018:368, point 40 et jurisprudence citée).


54      Voir, en ce sens, arrêts du 23 mars 2000, Met-Trans et Sagpol (C‑310/98 et C‑406/98, EU:C:2000:154, point 32), ainsi que du 15 septembre 2016, Mc Fadden (C‑484/14, EU:C:2016:689, points 68 à 70). Voir également conclusions de l’avocat général Cosmas dans l’affaire Schlebusch (C‑273/98, EU:C:2000:78, point 45).


55      Voir conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Abraxis Bioscience (C‑443/17, EU:C:2018:1020, notamment point 32).


56      L’avocat général Trstenjak va dans le même sens dans ses conclusions dans l’affaire Neurim Paharmaceuticals (C‑130/11, EU:C:2012:268, point 23), tout en suggérant à la Cour de s’appuyer sur une interprétation téléologique de l’article 3, sous d), du règlement nº°469/2009.


57      Voir arrêt du 3 septembre 2009, AHP Manufacturing (C‑482/07, EU:C:2009:501, point 42) et point 36 de l’exposé des motifs.


58      Affaire pendante C-354/19, Novartis.


59      La juridiction de renvoi cite également l’arrêt du 23 janvier 1997, Biogen, (C‑181/95, EU:C:1997:32, point 27), et l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1610/96, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 3 septembre 2009, AHP Manufacturing (C‑482/07, EU:C:2009:501, points 25 et 26).


60      Voir points 30 et 31, ainsi que point 2 du dispositif de l’arrêt Neurim.


61      Cette uniformité est, comme souligné par l’avocat général Jacobs, dans ses conclusions dans l’affaire Espagne/Conseil (C‑350/92, EU:C:1995:64, point 44), probablement le résultat le plus important du CCP.


62      Ainsi, comme l’explique la Cour dans l’arrêt du 24 novembre 2011, Medeva (C‑322/10, EU:C:2011:773, point 39), « si le titulaire du brevet pouvait, pendant la période de validité de celui-ci, s’opposer, sur le fondement de son brevet, à toute utilisation ou à certaines utilisations de son produit sous la forme d’un médicament consistant en un tel produit ou contenant celui-ci, le CCP délivré à l’égard de ce même produit lui conférera les mêmes droits pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat ».


63      Comme il ressort, d’ailleurs, du point 25 de l’arrêt Neurim. Voir également point 72 des présentes conclusions.


64      Voir note en bas de page 62.


65      Arrêt du 10 mai 2001 (C‑258/99, EU:C:2001:261, point 28).


66      Voir point 31 et dispositif de l’arrêt MIT. Dans cet arrêt, la Cour a, en substance, exclu que la combinaison d’un nouvel excipient avec un principe actif connu puisse faire l’objet d’un CCP de protection, même lorsque cette combinaison donne naissance à un nouveau médicament dans lequel les effets thérapeutiques du principe actif sont définis et contrôlés par la substance additionnelle.


67      Voir citation à la note en bas de page 8 des présentes conclusions.


68      Dans l’exposé des motifs, le délai entre le dépôt de la demande de brevet pour un nouveau médicament et sa mise à disposition des patients est calculé comme étant en moyenne de douze ans, avec une réduction à huit ans de l’exclusivité conférée par le brevet (point 2).


69      Mis en italique par mes soins.


70      Voir étude Max Planck, point 2.1.3.1, p. 14.


71      Voir, par exemple, le point 3 de l’exposé des motifs, où la Commission fait référence également à la protection accrue accordée aux « médicaments de haute technologie » par la directive 87/21/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, modifiant la directive 65/65/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1987, L 15, p. 36).


72      Voir, par exemple, point 11 de l’exposé des motifs, qui énonce : « La proposition de règlement [...] concerne uniquement les médicaments nouveaux. Elle n’implique pas l’octroi d’un certificat pour tout médicament autorisé à être placé sur le marché. […] [D]es changements mineurs apportés au médicament, tels un nouveau dosage, l’utilisation d’un sel ou d’un ester différents ou une formulation pharmaceutique différente n’amèneront pas à l’octroi d’un nouveau certificat. » ; ou point 24, dans lequel la Commission explique que les répercussions du futur règlement sur les coûts de la santé et des systèmes de sécurité sociale sont limitées, étant donné que le système n’a pas vocation à s’appliquer à « tout médicament breveté sur le marché, mais uniquement aux “médicaments nouveaux”, ou bien encore point 36. Dans le même sens que le point 11 déjà cité , voir exposé des motifs de la proposition de règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil concernant la création d’un certificat complémentaire de protection des produits phytopharmaceutiques [COM (94) 579 final, point 68].


73      Pour quelle raison la Commission aurait-elle utilisé, tout au long de l’exposé des motifs, le mot « médicament » (« medicinal product »), dans l’expression « médicament nouveau » (« new medicinal product »), pour se référer à une « substance active », alors que la proposition de règlement désigne ce concept par un terme différent, à savoir celui de « produit » (« product ») [article 1er, sous a), et, dans le même sens, point 11 de l’exposé de motifs] ? Cette expression doit donc, à mon sens, plutôt être entendue comme une référence générique aux médicaments innovants. L’articulation entre le point 11, où la Commission emploie l’expression « médicaments nouveaux », et le point 12 de l’exposé de motifs, où c’est l’expression « produits nouveaux » qui est utilisée, confirme cette conclusion.


74      Voir, notamment, point 24 de l’exposé des motifs, où il est indiqué « qu’annuellement environ 50 médicaments nouveaux sont autorisés dans le monde […] et que ce sont ceux-ci qui sont couverts par la proposition de règlement ».


75      Il en est ainsi notamment des modifications concernant l’article 1er, dans lequel la définition de la notion de « produit » a été restreinte en la séparant de celle de « médicament » et la notion de « produit protégé par un brevet » a été remplacée par celle de « brevet de base ».


76      En ce sens, voir étude Max Planck, point 2.1.3.2, p. 19.


77      Voir point 28 de l’exposé des motifs.


78      Cette solution est d’ailleurs inférée des éléments des travaux préparatoires évoqués au point 47 des présentes conclusions.


79      Voir point 24 de l’arrêt Neurim.


80      Tels que commentés aux points 52 à 55, 66 et 69 des conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Abraxis Bioscience (C‑443/17, EU:C:2018:1020).


81      Mis en italique par mes soins.


82      En ce sens, voir arrêt Abraxis ; voir également ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma (C‑210/13, EU:C:2013:762, point 29).


83      Voir point 16 de l’exposé des motifs.


84      Ibidem.


85      Cela est souvent le cas lorsqu’il est question de vérifier si le produit est « protégé par un brevet », comme l’exige l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009. Voir, à cet égard, arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585).


86      Voir point 16 de l’exposé de motifs.


87      Arrêt MIT, points 28 et 29.


88      Voir, notamment, considérant 10 du règlement nº°469/2009, ainsi que points 24 et 25 de l’exposé des motifs.


89      Il convient cependant de souligner que, avant la modification, le 29 novembre 2000, de l’article 54 (5) de la Convention sur le brevet européen (CBE 1973), signée à Munich le 5 octobre 1973 et entrée en vigueur le 7 octobre 1977, la brevetabilité des deuxièmes indications médicales avait déjà été reconnue en 1984 dans une décision de la Grande Chambre des recours de l’Office européen des brevets et avait, dès lors, pu être prise en considération par le législateur de l’Union lors de l’élaboration du règlement n° 1768/92 ; voir étude Max Planck, point 11.3.1.6, p. 234.


90      Dans ce sens, voir conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Massachusetts Institute of Technology (C‑431/04, EU:C:2005:721, points 47 et suivants).


91      Le règlement (UE) 2019/933 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019, modifiant le règlement (CE) n° 469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 2019, L 153, p. 1) a modifié l’article 5 du règlement nº 469/2009, introduisant l’exception ainsi nommée de « manufacturing waiver » en faveur des producteurs de génériques.


92      Voir point 43 de l’arrêt Abraxis.


93      Dans cette seconde configuration, l’arrêt Neurim pourrait être interprété comme une application par analogie du règlement nº 469/2009 à des situations comparables à celles visées par ce règlement, à savoir lorsque l’utilisation nouvelle du principe ancien revendiquée par le demandeur de CCP constitue une innovation majeure, fruit de recherches longues et coûteuses. Voir, pour une telle application, arrêt du 12 décembre 1985, Krohn (165/84, EU:C:1985:507).


94      Aux termes de l’article 54, paragraphes 4 et 5, de la Convention sur le brevet européen (voir note en bas de page 88 des présentes conclusions), les deuxièmes utilisations médicales d’une substance ou d’une composition connue, si elles ne sont pas comprises dans l’état de la technique, sont brevetables, y inclus, selon la pratique de l’Office européen des brevets, lorsque l’utilisation revendiquée concerne un nouveau dosage, une nouvelle posologie ou un certain groupe de patients à traiter. Dans un tel cas, la substance ou la composition sont protégées uniquement dans les limites de l’utilisation revendiquée ; voir étude Max Planck, point 5.5, p. 67.


95      Le point 25 va en sens ouvertement contraire.


96      Ces points se réfèrent constamment à l’« application » ou à l’« indication » « thérapeutique » du principe actif.


97      Voir point 11 de l’exposé des motifs.


98      Il n’est pas exclu qu’une telle utilisation thérapeutique nouvelle soit rendue possible grâce à une nouvelle formulation de la substance active. Dans ce cas, qui se distingue de celui examiné par la Cour dans l’arrêt Abraxis, où l’utilisation thérapeutique de la nouvelle formulation était la même, devrait, à mon sens, être également couvert par l’arrêt Neurim. En effet, exclure, dans un tel cas, les nouvelles formulations aboutirait à une application arbitraire du critère d’interprétation que je propose de cet arrêt.


99      Il est intéressant de noter que, devant la Cour, la Commission a toujours adopté des positions favorables à une lecture souple des conditions énoncées à l’article 3 du règlement nº 469/2009, notamment lorsque l’application du point d) de cette disposition était, directement ou indirectement, visée. Il en a été ainsi, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Neurim et Abraxis ainsi que dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Yissum, de même que dans la présente affaire.


100      Voir arrêt du 15 janvier 2015, Forsgren (C‑631/13, EU:C:2015:13, points 25, 27 et 47).


101      Dans le même sens doit s’entendre le « produit » couvert par l’AMM au titrede l’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009, et de l’arrêt du 16 septembre 1999, Farmitalia (C‑392/97, EU:C:1999:416, points 19 à 22).


102      Arrêt du 25 juillet 2018, Teva UK e.a. (C‑121/17, EU:C:2018:585).