Language of document : ECLI:EU:C:2020:255

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 2 avril 2020 (1)

Affaire C817/18 P

Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland,

Stichting Het Groninger Landschap,

Vereniging It Fryske Gea,

Stichting Het Drentse Landschap,

Stichting Het Overijssels Landschap,

Stichting Het Geldersch Landschap,

Stichting Flevo-Landschap,

Stichting Het Utrechts Landschap,

Stichting Landschap Noord-Holland,

Stichting Het Zuid-Hollands Landschap,

Stichting Het Zeeuwse Landschap,

Stichting Het Noordbrabants Landschap,

Stichting Het Limburgs Landschap,

Commission européenne

contre

Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters,

Exploitatiemaatschappij De Berghaaf BV,

Stichting Het Nationale Park De Hoge Veluwe,

BV Landgoed Den Alerdinck II,

Landgoed Ampsen BV,

Pallandt van Keppel Stichting,

Landgoed Kasteel Keppel BV,

Baron van Lynden,

Stichting het Lijndensche Fonds voor Kerk en Zending,

Landgoed Welna BV,

Landgoed « Huis te Maarn » BV,

Vicariestichting De Vijf Capellarijen / Ambachtsheerlijkheid Kloetinge,

Maatschappij tot Exploitatie van het Landgoed Tongeren onder Epe BV,

Landgoed Anderstein NV,

Landgoed Bekspring BV,

Landgoed Nijenhuis en Westerflier BV,

Landgoed Caprera BV,

Landgoed Schapenduinen BV,

Stichting Schapenduinen,

Landgoed de Noetselenberg BV

« Pourvoi – Aide d’État – Régime d’aide relatif à l’acquisition subventionnée ou à la mise à disposition à titre gracieux de zones naturelles – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Notion de “partie intéressée” – Difficultés sérieuses »






I.      Introduction

1.        Par leur pourvoi, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland, Stichting Het Groninger Landschap, Vereniging It Fryske Gea, Stichting Het Drentse Landschap, Stichting Landschap Overijssel, Stichting Het Geldersch Landschap, Stichting Flevo-Landschap, Stichting Het Utrechts Landschap, Stichting Landschap Noord-Holland, Stichting Het Zuid-Hollands Landschap, Stichting Het Zeeuwse Landschap, Stichting Het Noordbrabants Landschap et Stichting Het Limburgs Landschap demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 octobre 2018, Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters e.a./Commission (2), par lequel celui-ci a annulé la décision C(2015) 5929 final de la Commission, du 2 septembre 2015, concernant l’aide d’État SA.27301 (2015/NN) – Pays-Bas relative à l’acquisition subventionnée ou à la mise à disposition gratuite de zones naturelles, dont un résumé a été publié au Journal Officiel de l’Union européenne (3) (ci-après la « décision litigieuse »).

2.        Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse de la seconde branche du premier moyen et de la première branche du second moyen du pourvoi.

3.        La seconde branche du premier moyen porte, en substance, sur le point de savoir si Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters (ci-après la « VGG »), Exploitatiemaatschappij De Berghaaf BV, Stichting Het Nationale Park De Hoge Veluwe, BV Landgoed Den Alerdinck II, Landgoed Ampsen BV, Pallandt van Keppel Stichting, Landgoed Kasteel Keppel BV, Baron van Lynden, Stichting het Lijndensche Fonds voor Kerk en Zending, Landgoed Welna BV, Landgoed « Huis te Maarn » BV, Vicariestichting De Vijf Capellarijen / Ambachtsheerlijkheid Kloetinge, Maatschappij tot Exploitatie van het Landgoed Tongeren onder Epe BV, Landgoed Anderstein NV, Landgoed Bekspring BV, Landgoed Nijenhuis en Westerflier BV, Landgoed Caprera BV, Landgoed Schapenduinen BV, Stichting Schapenduinen et Landgoed de Noetselenberg BV, les requérantes en première instance (ci-après, ensemble, « VGG e.a »), pouvaient être qualifiées de « parties intéressées » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (CE) nº 659/1999 (4), tandis que la première branche du second moyen vise, en substance, à contester la reconnaissance par le Tribunal de l’existence de difficultés sérieuses obligeant la Commission européenne à ouvrir la procédure formelle d’examen.

II.    Le cadre juridique

4.        L’article 1er, sous h), du règlement nº 659/1999 définit la notion de « parties intéressées » comme suit :

« [T]out État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. »

5.        Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 à 4, de ce règlement :

« 1.      La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l’article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.

2.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article 92, paragraphe 1, du traité, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun [...]. Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.

4.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [108, paragraphe 2, TFUE]. »

6.        Il ressort du point 11 de la communication de la Commission du 11 janvier 2012, intitulée « Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensation de service public » (5), que « les aides d’État [...] peuvent être déclarées compatibles avec l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] si elles sont nécessaires au fonctionnement des services d’intérêt économique concernés et n’affectent pas le développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union ».

III. Les antécédents du litige

7.        Les antécédents du litige, tels que présentés dans l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

8.        Les organisations de gestion de terrain (OGT) sont des associations et fondations non gouvernementales sans but lucratif ayant pour objet statutaire la conservation et la protection de la nature.

9.        Aux fins de la création d’une structure écologique et d’un réseau « Natura 2000 » pour la protection de la biodiversité, le Royaume des Pays-Bas a octroyé des subventions pour l’acquisition de zones naturelles (ci-après le « régime PNB ») à treize OGT (ci-après les « treize OGT »), intervenantes en première instance. Les coûts éligibles aux subventions dans ce régime étaient le prix d’achat des terrains, les autres frais d’acquisition et les coûts de résiliation des baux de ferme grevant lesdits terrains.

10.      Outre leur activité principale de gestion de la nature, les treize OGT exerçaient également des activités secondaires de nature économique, telles que l’acquisition de terrains, la sylviculture, la vente de bois et de viande, la location de droits de chasse et de pêche ou des activités touristiques. Ces activités génèrent des recettes à leur profit et constituent une source de financement de leur activité principale devant être utilisées pour couvrir les coûts de gestion, au même titre que les subventions reçues dans le cadre du régime PNB.

11.      Le régime PNB a été en vigueur de 1993 à 2012. Le 23 décembre 2008, la Commission a reçu une plainte de deux fondations privées sans but lucratif de droit néerlandais, à savoir la Stichting het Nationale Park De Hogue Veluwe et la Stichting Linschoten, qui gèrent des terrains et exercent des activités de conservation de la nature et de gestion du patrimoine culturel ainsi que des activités secondaires, telles que l’affermage des terres, l’agriculture, la sylviculture et le tourisme. En 2009, les plaignantes ont été remplacées, dans le cadre de la procédure administrative en cause, par la VGG, un organisme dont l’objet social est d’assurer l’égalité des droits de tous les propriétaires fonciers privés dans le cadre du subventionnement de l’acquisition de terrains.

12.      À la suite de plusieurs échanges et de réunions entre la Commission, la VGG et les autorités néerlandaises, la Commission a, à la suite de la phase préliminaire d’examen, adopté la décision litigieuse le 2 septembre 2015, par laquelle elle a déclaré le régime d’acquisition de zones naturelles compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

13.      Dans la décision litigieuse, la Commission a, en premier lieu, considéré que, si la tâche principale des OGT n’avait pas de caractère économique, en ce qu’elle vise la protection de la nature, les OGT exerçaient cependant certaines activités secondaires de nature économique, de sorte qu’il convenait de qualifier les OGT d’« entreprises » au sens des règles de concurrence s’agissant de ces activités.

14.      En deuxième lieu, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle a estimé que le régime PNB constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle a ainsi souligné que les subventions dont avaient bénéficié les treize OGT pour l’acquisition de terrains leur conféraient un premier avantage économique, accordé au moyen de ressources d’État. Elle a en outre considéré que ces OGT pouvaient également percevoir un second avantage économique découlant de la revente des terrains acquis à l’aide des subventions. La Commission a par ailleurs relevé que le régime PNB était sélectif dès lors que seules ces treize OGT étaient bénéficiaires de ce régime. Elle a enfin estimé que les conditions identifiées par la Cour dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (6) n’étaient pas remplies, dès lors que la compensation des bénéficiaires du régime PNB n’avait pas été déterminée selon une procédure adéquate.

15.      En troisième lieu, la Commission a étudié la compatibilité de la mesure d’aide en cause en vertu des règles relatives aux services d’intérêt économique général. Plus particulièrement, elle a considéré que les treize OGT avaient été investies d’une obligation de service public de protection de la nature en vertu de la mesure d’aide et que le régime PNB remplissait les conditions de l’encadrement SIEG, de sorte que ce régime devait être déclaré compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

IV.    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

16.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2016, VGG e.a. ont formé un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

17.      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 mai 2016, les treize  OGT ont demandé à intervenir dans cette affaire au soutien des conclusions de la Commission.

18.      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 6 avril 2017, les parties entendues, il a été fait droit à la demande d’intervention.

19.      VGG e.a. ont avancé quatre moyens au soutien de leur recours en annulation tirés, le premier, d’une violation de leurs droits procéduraux, le deuxième, d’une violation des principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique, le troisième, à titre subsidiaire, d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation dans l’application de l’encadrement SIEG et, le quatrième, de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

20.      La Commission et les treize OGT ont contesté la qualité de « parties intéressées » de VGG e.a., ainsi que la recevabilité des deuxième et quatrième moyens du recours.

21.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré le recours recevable, a accueilli le premier moyen de VGG e.a. et a, en conséquence, annulé la décision litigieuse sans procéder à l’examen des autres moyens.

V.      Conclusions formulées par les parties et procédure devant la Cour

22.      Les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué, et

–        à titre principal, de condamner VGG e.a. aux dépens, ou

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

23.      La Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué,

–        de rejeter le recours, et

–        de condamner VGG e.a. aux dépens.

24.      Le gouvernement néerlandais demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué.

25.      VGG e.a. demandent à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner les requérantes au pourvoi aux dépens.

26.      Il n’a pas été tenu d’audience.

VI.    Analyse

A.      Sur la seconde branche du premier moyen

1.      Argumentation des parties

27.      Par leur premier moyen, les requérantes, soutenues en ce sens par la Commission et le gouvernement néerlandais, font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant le recours de VGG e.a. recevable, dès lors que celles-ci ne sauraient être considérées comme « parties intéressées » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999.

28.      Les requérantes et la Commission soutiennent que, afin d’être qualifiées de « parties intéressées », il devait être établi, d’une part, que VGG e.a. se trouvaient dans un rapport de concurrence avec les bénéficiaires de l’aide, et, d’autre part, que l’aide risquait d’avoir une incidence concrète sur leur situation, faussant le rapport de concurrence en question.

29.      Or, les requérantes et la Commission font valoir que, dans l’appréciation de l’incidence concrète de l’aide sur la situation concurrentielle de VGG e.a., le raisonnement du Tribunal est entaché d’erreurs de droit.

30.      Il m’apparaît nécessaire de formuler certaines observations générales sur la notion de « partie intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et du règlement n° 659/1999 avant d’étudier, à la lumière de ces observations, le raisonnement mené par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

2.      Appréciation

a)      Sur la notion de « partie intéressée »

31.      Je rappelle que, dans le cadre de la procédure de contrôle visée à l’article 108 TFUE, deux phases doivent être distinguées. D’une part, la phase préliminaire d’examen instituée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui permet à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité de l’aide en cause. D’autre part, la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, qui permet à la Commission d’avoir une information complète sur les données de l’affaire. Ce n’est que dans le cadre de cette procédure que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (7).

32.      Lorsque la procédure formelle d’examen n’est pas ouverte, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette seconde phase, sont dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen (8). Ainsi, un recours visant à l’annulation d’une décision fondée sur l’article 108, paragraphe 3, TFUE introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est recevable lorsque l’auteur de ce recours tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (9).

33.      En l’espèce, il est constant que la procédure formelle d’examen n’a pas été ouverte par la Commission et que VGG e.a. ont invoqué, devant le Tribunal, une violation de leurs droits procéduraux. Dès lors, comme l’a relevé à juste titre le Tribunal (10), la recevabilité du recours dépend essentiellement de la question de savoir si VGG e.a. ont établi être des parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et de l’article 1er, sous h), du règlement nº 659/1999.

34.      Cette seconde disposition définit une partie intéressée comme « tout État membre et toute personne, entreprise, ou association d’entreprises, dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes, et les associations professionnelles ». Cette disposition reprend, en substance, la définition constante de la notion de « partie intéressée » apportée par la Cour dans sa jurisprudence (11).

35.      Il s’agit, en d’autres termes, d’un « ensemble indéterminé de destinataires » (12), de sorte qu’il est de jurisprudence constante que ladite disposition « n’exclut pas qu’une entreprise qui n’est pas une concurrente directe de la bénéficiaire de l’aide [...] soit qualifiée de partie intéressée, pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide » (13).

36.      En clair, la qualité de « partie intéressée » dépend essentiellement de ce que les intérêts de l’entité qui se prévaut de cette qualité pourraient être affectés par l’octroi de la mesure d’aide. Il convient donc de déterminer de quelle façon il peut être établi que les intérêts d’une entreprise pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, de sorte à conférer à cette dernière la qualité de « partie intéressée ».

37.      À mon sens, il ressort tant du texte du règlement nº 659/1999 que de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que deux situations doivent être distinguées, à savoir, d’une part, celle des entreprises concurrentes du bénéficiaire de l’aide et, d’autre part, celle des entités qui ne sont pas concurrentes du bénéficiaire.

38.      S’agissant, en premier lieu, des entreprises concurrentes des bénéficiaires de la mesure, il ressort de la jurisprudence de la Cour que celles-ci figurent « incontestablement parmi les parties intéressées » (14).

39.      Le Tribunal reconnaît également, dans une jurisprudence constante, la qualité de « partie intéressée » à une entreprise se trouvant dans un rapport de concurrence avec le bénéficiaire de l’aide pour cette seule raison (15).

40.      En d’autres termes, pour une entreprise, la simple qualité de concurrent du bénéficiaire de l’aide suffit à établir que ses intérêts seront affectés par l’octroi de l’aide et, ainsi, à la qualifier de « partie intéressée ». Dans cette situation, l’entreprise qui se prévaut de la qualité de « partie intéressée » en raison de sa qualité de concurrente du bénéficiaire de l’aide doit seulement pouvoir démontrer qu’elle se trouve dans un rapport de concurrence avec ce bénéficiaire. Ainsi que le relève le Tribunal dans sa jurisprudence, « toute entreprise se prévalant d’un rapport de concurrence, actuel ou potentiel, [avec le bénéficiaire de la mesure] peut se voir reconnaître la qualité de partie intéressée » (16).

41.      S’agissant, en second lieu, d’une entité qui n’est pas un concurrent du bénéficiaire de l’aide, celle-ci peut se voir reconnaître la qualité de « partie intéressée », pour autant qu’il puisse être démontré que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide. Pour ce faire, il lui appartient, aux termes de la jurisprudence, d’établir que la mesure risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (17).

42.      La Cour a notamment admis qu’un syndicat de travailleurs pouvait être considéré comme une partie intéressée à condition de démontrer que lui-même ou ses affiliés seront éventuellement affectés dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, en établissant que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation ou celle des travailleurs qu’il représente (18).

43.      En clair, pour être qualifiées de « parties intéressées », les entités doivent établir que leurs intérêts seront affectés par l’octroi de l’aide. Pour ce faire, les entreprises concurrentes du bénéficiaire de l’aide doivent seulement démontrer l’existence d’un rapport de concurrence avec le bénéficiaire. En revanche, les entreprises qui ne se trouvent pas dans un tel rapport de concurrence doivent, quant à elles, établir que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur leur situation.

44.      À cet égard, il me faut relever qu’une telle distinction est en contradiction avec un courant – minoritaire – de la jurisprudence du Tribunal, dont fait partie l’arrêt attaqué.

b)      Le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt attaqué et le courant jurisprudentiel dans lequel il s’inscrit

45.      Selon cette jurisprudence du Tribunal, une entité devrait, « pour pouvoir être qualifiée de partie intéressée, d’une part, établir qu’elle se trouve dans un rapport de concurrence avec les bénéficiaires de l’aide et, d’autre part, prouver que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation, faussant le rapport de concurrence en question » (19). En d’autres termes, il serait exigé des entreprises concurrentes des bénéficiaires de l’aide de prouver à la fois l’existence d’un rapport de concurrence et l’incidence concrète de l’aide sur leur situation.

46.      Cependant, je pense qu’une telle solution ne saurait être maintenue. Dès lors que celle-ci impose, pour la reconnaissance de la qualité de « partie intéressée », des conditions supplémentaires à la qualité de concurrent du bénéficiaire, elle est tout d’abord en contradiction avec le texte du règlement nº 659/1999, qui désigne expressément le concurrent du bénéficiaire comme partie intéressée, ainsi qu’avec la jurisprudence de la Cour, selon laquelle un concurrent du bénéficiaire figure incontestablement parmi les parties intéressées.

47.      Cette solution est, ensuite, en opposition avec une jurisprudence pléthorique du Tribunal, au terme de laquelle la seule preuve de la qualité de concurrent suffit à qualifier l’entreprise qui s’en prévaut de « partie intéressée » (20), sans qu’il soit besoin de démontrer également l’existence d’un risque d’incidence concrète de l’aide sur la situation de l’entreprise concurrente qui viendrait fausser le rapport de concurrence établi.

48.      Enfin, je crois qu’une telle solution risquerait d’entraîner une certaine confusion avec la jurisprudence relative à la recevabilité du recours d’un concurrent lorsque ce dernier vise à mettre en cause non seulement la violation de ses droits procéduraux, comme c’est le cas en l’espèce, mais également le bien-fondé d’une décision appréciant la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur (21).

49.      Selon cette jurisprudence, une entreprise qui conteste le bien-fondé d’une décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de « concurrente » par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir en outre que sa situation sur le marché serait substantiellement affectée par l’aide en cause (22). La solution proposée par la jurisprudence du Tribunal conduit, dans une certaine mesure, à un alignement des conditions de recevabilité, que l’entreprise conteste la violation de ses droits procéduraux en raison du refus par la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen ou le bien-fondé d’une décision appréciant la compatibilité de l’aide, contrairement à la jurisprudence constante de la Cour.

50.      En effet, dans les deux cas, l’entreprise concurrente ne pourrait se contenter de démontrer l’existence d’un rapport de concurrence, mais devrait en outre établir que sa situation est concrètement affectée par la mesure d’aide en ce que le rapport de concurrence serait faussé par cette dernière (23). La distinction des conditions de recevabilité en raison de l’objet du recours serait alors largement gommée.

51.      Ainsi, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 54 de l’arrêt attaqué et à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait, à mon sens, être exigé de VGG e.a. de prouver tant l’existence d’un rapport de concurrence avec les treize OGT bénéficiaires du régime d’aide en cause que l’incidence concrète de la mesure sur leur situation, qui fausserait ce rapport de concurrence, afin de démontrer leur qualité de « partie intéressée ». Je suis donc d’avis que l’examen par le Tribunal de l’incidence concrète de l’aide sur la situation de VGG e.a. constitue un motif surabondant.

52.      En effet, dès lors que, aux points 61 à 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a établi le fait que VGG e.a. se trouvaient dans un rapport de concurrence avec les treize OGT, c’est à juste titre que celui-ci a qualifié VGG e.a. de « parties intéressées », conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 37 à 39 des présentes conclusions et aux dispositions du règlement n° 659/1999.

53.      En jugeant que VGG e.a. devaient être considérées comme des entreprises concurrentes desdites OGT, le Tribunal pouvait valablement qualifier VGG e.a. de « parties intéressées ».

54.      Ainsi, même si, comme le soutiennent les requérantes et la Commission, il était avéré que le Tribunal avait commis une erreur de droit dans l’appréciation de l’incidence concrète de la mesure sur la situation de VGG e.a., une telle erreur ne saurait, en tout état de cause, conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué dès lors que son appréciation apparaît fondée pour d’autres motifs de droit (24).

55.      Dans ces circonstances, je suis d’avis que la seconde branche du premier moyen est inopérante et, partant, ne saurait être accueillie.

c)      Considérations subsidiaires sur l’appréciation par le Tribunal du risque d’incidence concrète de la mesure sur la situation de VGG e.a.

56.      Cela étant, je relève que la constatation de l’existence d’un rapport de concurrence entre VGG e.a. et les treize OGT bénéficiaires du régime en cause est contestée par les requérantes, la Commission et le gouvernement néerlandais dans le cadre de la première branche du premier moyen. Par souci d’exhaustivité, il me faut alors examiner le point de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la mesure d’aide risquait d’avoir une incidence concrète sur la situation de VGG e.a.

57.      En effet, pour le cas où la première branche du premier moyen devait être accueillie, VGG e.a. ne pourraient être qualifiées de « parties intéressées » que s’il a correctement été jugé que la mesure en cause risquait d’avoir une incidence concrète sur leur situation. Plus précisément, dès lors que VGG e.a. auraient été erronément qualifiées de concurrentes des treize OGT, il faut encore vérifier que leurs intérêts n’ont pas été, en tout état de cause, affectés par l’octroi de l’aide, en ce que l’aide risquait d’avoir une incidence concrète sur leur situation.

58.      Les requérantes, soutenues par le gouvernement néerlandais, et la Commission font valoir, d’une part, que le critère identifié par le Tribunal pour établir l’incidence concrète de l’aide sur la situation de VGG e.a. est erroné en droit. D’autre part, ces mêmes parties soutiennent que le Tribunal ne pouvait se borner à constater l’existence d’une influence de l’aide sur la situation de VGG e.a., dès lors qu’il était requis de ces dernières d’établir des effets concrets de l’aide sur leur situation. Le raisonnement du Tribunal serait ainsi entaché d’une erreur de droit.

59.      S’agissant du critère dégagé par le Tribunal pour établir l’existence d’un risque d’une incidence concrète de l’aide sur la situation de VGG e.a., celui-ci a relevé, au point 68 de l’arrêt attaqué, que « lorsqu’une aide accordée par l’État renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide ». Or, ainsi que le relèvent à bon droit les requérantes et la Commission, la jurisprudence sur laquelle le Tribunal s’appuie est relative à l’affectation des échanges entre États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (25). Un tel critère, qui permet d’établir si les échanges entre les États membres sont affectés par la mesure d’aide, m’apparaît manifestement dénué de pertinence afin de déterminer si cette mesure risque d’avoir une incidence sur la situation de VGG e.a. Ce raisonnement, qui procède d’une confusion dans la lecture de la jurisprudence, me paraît dès lors entaché d’une erreur de droit.

60.      Pour autant, je ne crois pas qu’une telle erreur de droit dans l’identification du critère pertinent pour établir l’existence d’un risque d’incidence concrète sur la situation de VGG e.a. ait affecté le résultat de l’appréciation menée par le Tribunal de cette condition. Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une erreur de droit commise par le Tribunal n’est pas de nature à invalider l’arrêt attaqué si le dispositif de celui‑ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit (26), ce qui m’apparaît être le cas s’agissant de l’arrêt attaqué.

61.      D’une part, et contrairement à ce que soutiennent les requérantes et la Commission, il ressort de la jurisprudence qu’il ne s’agit pas, pour prouver que les intérêts d’un requérant pourraient être affectés par l’aide, de démontrer une altération actuelle de sa situation, mais seulement le risque d’une incidence concrète (27). Je ne crois donc pas que le Tribunal ait commis une erreur de droit en jugeant, au point 73 de l’arrêt attaqué, que ce qu’il « importe aux requérantes de rapporter [...] n’est pas la preuve d’une affectation substantielle de leur position concurrentielle, mais la simple influence » de l’aide sur leur situation.

62.      Il est constant, d’autre part, qu’une mesure d’aide peut affecter la situation d’un opérateur « de [différentes] manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide » (28).

63.      Or, le Tribunal a relevé, au point 71 de l’arrêt attaqué, que VGG e.a. devaient « investir dans des espaces naturels afin d’exercer [des] activités secondaires économiques similaires » à celles exercées par les treize OGT, entraînant un désavantage par rapport à ces dernières, qui pouvaient acquérir des terrains dans des conditions plus favorables grâce à la mesure en cause. Le Tribunal s’est en outre référé, au point 69 de l’arrêt attaqué, à l’argumentation non contestée de VGG e.a. selon laquelle « [leur] impossibilité d’élargir leurs propriétés foncières aux mêmes conditions que [les] bénéficiaires a entraîné une évolution de leurs activités moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle mesure d’aide ».

64.      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant, en substance, que la mesure en cause risquait d’avoir une incidence concrète sur la situation de VGG e.a. et en jugeant que ces dernières devaient dès lors être qualifiées de « parties intéressées ».

65.      Partant, je suis d’avis que la seconde branche du premier moyen est inopérante ou, en tout état de cause, infondée et ne saurait être accueillie.

B.      Sur la première branche du second moyen

66.      Par leur second moyen, les requérantes, soutenues en ce sens par la Commission et le gouvernement néerlandais, font valoir que le Tribunal a admis à tort l’existence de difficultés sérieuses pour apprécier la compatibilité de la mesure d’aide en cause avec le marché nécessitant l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

67.      En effet, par la première branche du second moyen, les requérantes soutiennent, premièrement, que le Tribunal ne pouvait, sans commettre d’erreurs de droit, juger que la constatation de l’existence d’un SIEG « global » et « atypique » confié aux OGT révélait l’existence de difficultés sérieuses, deuxièmement, que son raisonnement souffre en outre d’un défaut de motivation et que, troisièmement, en tout état de cause, en jugeant que la qualification de SIEG « global » ou « atypique » était un indice de l’existence de difficultés sérieuses, le Tribunal s’était fondé sur l’existence d’une contradiction dans la décision litigieuse qui n’avait pas été invoquée par les requérantes.

1.      Sur la prétendue constatation, par le Tribunal, d’une contradiction dans la décision litigieuse

68.      D’emblée, je suis d’avis que l’argument selon lequel le Tribunal aurait statué ultra petita en se fondant sur l’existence d’une contradiction dans le raisonnement de la Commission dans la décision litigieuse qui n’avait pas été invoquée par VGG e.a. ne saurait prospérer.

69.      Certes, aux points 117 à 120 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est référé à l’existence d’une contradiction, dans la décision litigieuse, entre les conclusions de la Commission relatives à la qualification des OGT d’« entreprises » et celles relatives à la définition du SIEG en cause, qui recouvrirait tant l’activité principale de protection de la nature que les activités secondaires des OGT. Une telle contradiction n’a pas été invoquée par les parties en première instance.

70.      Il n’en reste pas moins que, d’une part, ce faisant, le Tribunal s’est contenté d’exposer les arguments des différentes parties relatifs à cette contradiction, sur laquelle ces dernières ont été interrogées dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

71.      D’autre part, si, au point 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est référé au raisonnement de la Commission relatif au caractère économique des activités secondaires des OGT, il n’a en revanche pas mis en exergue la présence d’une éventuelle contradiction entre ce raisonnement et les motifs présidant à la définition du SIEG dans la décision litigieuse, qui n’aurait pas été invoquée par les parties.

72.      La solution à laquelle est parvenu le Tribunal, selon laquelle la qualification de SIEG « global » ou « atypique » des activités des OGT peut constituer un indice de l’existence de difficultés sérieuses, n’est dès lors pas fondée sur la présence d’une contradiction dans la décision de la Commission (29).

73.      Ainsi, quand bien même le Tribunal aurait relevé, au stade de l’exposé des arguments des parties, un argument qui n’avait pas été invoqué par VGG e.a., cela serait sans incidence sur la solution apportée.

2.      Sur le raisonnement du Tribunal relatif à l’existence de difficultés sérieuses quant à la définition du SIEG

74.      Les requérantes, soutenues en ce sens par la Commission, font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en jugeant que la définition par la Commission du SIEG, en tant que SIEG « atypique », était un indice de difficultés sérieuses.

75.      Tout d’abord, le Tribunal aurait confondu le point de savoir si les activités des OGT sont des activités économiques et le point de savoir si ces activités font partie du SIEG confié aux OGT. Puis, le Tribunal aurait mis en œuvre un critère manifestement erroné pour déterminer si les activités secondaires font partie du SIEG. Ensuite, le Tribunal aurait considéré à tort que la Commission ne disposait pas d’éléments suffisants pour juger que les activités secondaires des OGT relevaient d’un SIEG global ou atypique. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu la marge d’appréciation des États membres dans la définition des SIEG. Enfin, les requérantes et la Commission relèvent que le raisonnement du Tribunal est incompréhensible et soulèvent donc, en substance, une insuffisance de motivation.

76.      Il ressort du point 127 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a conclu à l’existence de difficultés sérieuses quant à la définition du SIEG dans la décision litigieuse en raison du « caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure préliminaire d’examen » qui, selon la jurisprudence, constitue un indice de difficultés sérieuses (30).

77.      En effet, le Tribunal a rappelé que, si les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition d’une mission de SIEG, ce pouvoir n’est cependant pas illimité. Conformément à la jurisprudence, « pour pouvoir être qualifié de SIEG, le service en cause d[oit] revêtir un intérêt économique général qui présent[e] des caractéristiques spécifiques au regard de celui que revêt[ent] d’autres activités de la vie économique » (31).

78.      Le Tribunal a constaté, au point 126 de l’arrêt attaqué, d’une part, que la Commission avait considéré que si les activités secondaires des OGT résultaient de l’activité principale de protection de la nature, ces activités secondaires n’étaient pas rendues obligatoires par cette activité principale et, d’autre part, que la Commission n’avait pas examiné si les activités secondaires des OGT revêtaient un intérêt général.

79.      Le Tribunal a précisé, au point 128 de l’arrêt attaqué, que « bien que les recettes que les activités secondaires généraient visent à couvrir une partie des coûts de l’activité principale de conservation de la nature et qu’elles soient étroitement liées à la mission d’intérêt général de ladite activité principale, les éléments que possédait la Commission ne lui permettaient pas, sur cette seule base, de conclure [...] qu’[elles] revêtaient un intérêt économique général ».

80.      Au point 129, le Tribunal a ajouté que si une entreprise à laquelle est conféré un SIEG pouvait exercer d’autres activités économiques liées à la mission d’intérêt général qui lui était confiée, cela n’impliquait pas automatiquement que ces dernières faisaient partie du SIEG.

81.      Dans ces conditions, le Tribunal a conclu que l’examen de la Commission était incomplet et constituait un indice de l’existence de difficultés sérieuses.

82.      Le Tribunal a considéré, au point 128 de l’arrêt attaqué, que cette conclusion était corroborée par le fait que les éléments dont disposait la Commission ne lui permettait pas davantage de « conclure que les activités secondaires étaient nécessaires au fonctionnement du SIEG au sens du point 11 de l’encadrement [SIEG], qu’elle a appliqué dans la décision attaquée ».

83.      À cet égard, je relève que le Tribunal a, certes, à juste titre, rappelé que le caractère incomplet ou insuffisant de l’examen relatif à la définition du SIEG pouvait être un indice de l’existence de difficultés sérieuses. Je crois cependant que le raisonnement du Tribunal l’ayant conduit à cette conclusion est entaché de plusieurs incohérences.

84.      S’agissant, en premier lieu, de la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission ne pouvait, avec les éléments dont elle disposait, conclure que les activités secondaires des OGT étaient nécessaires au fonctionnement du SIEG au sens du point 11 de l’encadrement SIEG, de sorte que l’inclusion des activités secondaires dans le SIEG ne s’imposait pas et soulevait des difficultés sérieuses, je suis d’avis, à l’instar des requérantes et de la Commission, que le Tribunal a effectué une lecture erronée de cet encadrement SIEG.

85.      En effet, le point 11 de l’encadrement SIEG prévoit simplement que « les aides d’État [...] peuvent être déclarées compatibles avec l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] si elles sont nécessaires au fonctionnement » (32) du SIEG. Ce ne sont donc non pas les activités secondaires qui doivent être nécessaires au fonctionnement du SIEG, mais la mesure d’aide dont la compatibilité est examinée.

86.      Le Tribunal établit ce faisant un critère manifestement erroné, reprochant à la Commission de ne pas avoir démontré la nécessité des activités secondaires pour le fonctionnement du SIEG, alors même que le point 11 de l’encadrement SIEG ne l’impose pas à la Commission. Dès lors, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir correctement appliqué ledit point pour cette seule raison.

87.      Dans ces conditions, le Tribunal ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, se fonder sur cet élément pour conclure à l’incomplétude de l’examen de la Commission et, partant, à l’existence de difficultés sérieuses dans la définition du SIEG.

88.      Pour autant, dès lors que l’incomplétude de l’examen de la Commission dans la définition du SIEG n’est pas fondée uniquement sur la prétendue erreur dans l’application de l’encadrement SIEG, une telle erreur de droit ne saurait suffire, en elle-même, à accueillir la présente branche du second moyen. En effet, une erreur de droit commise par le Tribunal n’est pas de nature à invalider l’arrêt attaqué si le dispositif de celui‑ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit (33). Étant donné que le Tribunal s’est également fondé sur le fait que la Commission n’aurait pas établi que les activités secondaires des OGT revêtaient un intérêt général pour conclure au caractère incomplet de l’examen de la Commission, il me faut donc encore examiner le raisonnement du Tribunal relatif à cet élément.

89.      S’agissant ainsi, en second lieu, du constat selon lequel la Commission n’aurait pas établi que les activités secondaires revêtaient un intérêt général, de sorte que l’examen de la Commission serait également incomplet sur ce point, je crois qu’un tel constat souffre d’une insuffisance de motivation.

90.      En effet, le Tribunal s’est borné à relever que les éléments dont disposait la Commission n’étaient pas suffisants pour aboutir à la conclusion selon laquelle ces activités secondaires revêtaient un intérêt général, alors même que le Tribunal a admis, aux points 128 et 129 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait relevé des éléments établissant un lien certain entre l’activité de protection de la nature et les activités secondaires des OGT, qui participent ainsi à la réalisation de la mission d’intérêt général identifiée. De cette façon, le Tribunal n’a nullement étayé les raisons pour lesquelles de tels éléments, pourtant manifestement pertinents, n’étaient pas suffisants.

91.      En outre, le raisonnement du Tribunal ne permet pas davantage de comprendre quels éléments auraient permis de démontrer à suffisance de droit que les activités secondaires des OGT revêtaient un intérêt général, et ce d’autant plus que l’existence d’un lien étroit entre ces activités et l’intérêt général poursuivi ne permet pas, selon le Tribunal, de l’établir.

92.      À cet égard, je rappelle que l’obligation de motiver les arrêts résulte de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, rendu applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 81 du règlement de procédure du Tribunal. Il ressort d’une jurisprudence constante que la motivation d’un arrêt du Tribunal doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de celui-ci, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (34).

93.      Or, le Tribunal s’est contenté d’affirmer que les éléments dont disposait la Commission n’étaient pas suffisants pour parvenir à la conclusion que celle-ci n’avait pas établi que les activités secondaires revêtaient un intérêt général, sans toutefois démontrer en quoi ces éléments étaient insuffisants ou préciser quels éléments l’auraient été. Dans ces conditions, il convient de constater que le raisonnement du Tribunal manque de clarté et, à mon sens, ne permet pas aux intéressés de connaître les motifs de la solution adoptée, de sorte que celui-ci souffre, selon moi, d’une insuffisance de motivation.

94.      Ainsi, le raisonnement du Tribunal relatif à l’incomplétude de l’examen par la Commission de la définition du SIEG, d’une part, est entaché d’une erreur de droit et souffre, d’autre part, d’une insuffisance de motivation.

95.      Partant, je suis d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la première branche du second moyen.

VII. Conclusion

96.      Au vu des considérations qui précèdent, j’estime que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant inopérante et que la première branche du second moyen doit être accueillie, sans que cela préjuge du bien-fondé des autres branches des moyens du pourvoi.


1      Langue originale : le français.


2      Arrêt du 15 octobre 2018 (T‑79/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:680).


3      JO 2016, C 9, p. 1.


4      Règlement du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).


5      JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement SIEG » (service d’intérêt économique général).


6      Arrêt du 24 juillet 2003 (C‑280/00, EU:C:2003:415).


7      Voir, notamment, arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, (C‑198/91, EU:C:1993:197, point 22) ; du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, EU:C:1993:239, point 16), ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 94).


8      Arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 53).


9      Arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 36), et du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission (C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56).


10      Point 59 de l’arrêt attaqué.


11      Voir, notamment, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, EU:C:1984:345, point 16) ; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 41), ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a. (C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).


12      Voir, notamment, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, EU:C:1984:345, point 16) ; du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 63), ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a. (C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).


13      Arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 64), ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a. (C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).


14      Arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission (C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 59, et jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins.


15      Voir, notamment, arrêts du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission (T‑27/02, EU:T:2004:348, point 44) ; du 28 mars 2012, Ryanair/Commission (T‑123/09, EU:T:2012:164, point 73) ; du 12 juin 2014, Sarc/Commission (T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, point 41) ; du 5 novembre 2014, Vtesse Networks/Commission (T‑362/10, EU:T:2014:928, point 47) ; du 19 juin 2019, NeXovation/Commission (T‑353/15, EU:T:2019:434, point 69), ainsi que ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission (T‑321/13, non publiée, EU:T:2014:175, point 41).


16      Arrêt du 19 juin 2019, NeXovation/Commission (T‑353/15, EU:T:2019:434, point 69).


17      Voir, notamment, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 65), ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a. (C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132).


18      Arrêt du 9 juillet 2009, 3F/Commission (C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 33).


19      Arrêt du 12 mai 2016, Hamr – Sport/Commission (T‑693/14, non publié, EU:T:2016:292, point 42), arrêt attaqué (point 54), ainsi que ordonnance du 28 septembre 2018, Motex/Commission (T‑713/17, non publiée, EU:T:2018:631, point 26). Mise en italique par mes soins.


20      Voir, notamment, arrêts du 1er décembre 2004, Kronofrance/Commission (T‑27/02, EU:T:2004:348, point 44) ; du 28 mars 2012, Ryanair/Commission (T‑123/09, EU:T:2012:164, point 73) ; du 12 juin 2014, Sarc/Commission (T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, point 41) ; du 5 novembre 2014, Vtesse Networks/Commission (T‑362/10, EU:T:2014:928, point 47) ; du 19 juin 2019, NeXovation/Commission (T‑353/15, EU:T:2019:434, point 69), ainsi que ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission (T‑321/13, non publiée, EU:T:2014:175, point 41).


21      Voir, pour une synthèse utile des différentes conditions de recevabilité selon l’objet du recours, arrêts du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, EU:C:2005:761, points 31 à 37), ou, plus récemment, du 6 mai 2019, Scor/Commission (T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, points 37 à 45).


22      Voir, notamment, arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing (C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 33).


23      Un tel risque se révèle d’ailleurs à la lecture des écritures des requérantes et de la Commission. Celles-ci soutiennent qu’en affirmant que VGG e.a. ne doivent pas apporter la preuve d’une affectation substantielle de leur position concurrentielle, mais seulement de l’influence de l’aide sur cette dernière, le Tribunal aurait commis une erreur de droit. Les requérantes font valoir, plus particulièrement, que VGG e.a. auraient dû produire une analyse économique démontrant une incidence concrète sur leur position concurrentielle.


24      Voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 47), ainsi que du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, EU:C:2011:191, point 136).


25      Le Tribunal cite, au point 68 de l’arrêt attaqué, l’arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, EU:C:1980:209, point 11).


26      Voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 47), ainsi que du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, EU:C:2011:191, point 136).


27      Voir, notamment, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex (C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 65), ainsi que du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a. (C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 132). Mise en italique par mes soins.


28      Arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 53).


29      La Commission elle-même admet, dans ses écritures, que le Tribunal n’a pas constaté l’existence d’une contradiction dans la décision litigieuse.


30      Voir, notamment, arrêt du 17 mars 2015, Pollmeier Massivholz/Commission (T‑89/09, EU:T:2015:153, point 50 et jurisprudence citée).


31      Arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova (C‑179/90, EU:C:1991:464, point 27), et du 17 juillet 1997, GT-Link (C‑242/95, EU:C:1997:376, point 53).


32      Mise en italique par mes soins.


33      Voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 47), ainsi que du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C‑352/09 P, EU:C:2011:191, point 136).


34      Arrêt du 19 décembre 2012, Mitteldeutsche Flughafen et Flughafen Leipzig-Halle/Commission (C‑288/11 P, EU:C:2012:821, point 83 et jurisprudence citée).