Language of document : ECLI:EU:C:2011:84

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

17 février 2011 (*)

«Marchés publics de fournitures et de travaux – Secteur de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications – Directive 93/38/CEE – Avis de marché – Critères d’attribution – Égalité de traitement entre les soumissionnaires – Principe de transparence – Directive 92/13/CEE – Procédure de recours – Obligation de motiver une décision d’écarter un soumissionnaire»

Dans l’affaire C‑251/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 7 juillet 2009,

Commission européenne, représentée par MM. C. Zadra, I. Chatzigiannis et Mme M. Patakia, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République de Chypre, représentée par M. K. Likourgos et Mme A. Pantazi-Lamprou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), président de chambre, MM. A. Rosas, U. Lõhmus, A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 novembre 2010,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’appliquant pas uniformément, au cours d’une procédure de passation de marché public, les dispositions de l’avis de marché et, notamment, en rejetant une offre sur le fondement d’un critère qui n’était pas clairement mentionné dans l’avis de marché ainsi que, en ne fournissant pas au plaignant les informations nécessaires quant aux motifs de son rejet afin qu’il puisse bénéficier pleinement de la protection procédurale, la République de Chypre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 2 et des principes généraux connexes de transparence et d’égalité de traitement des candidats visés à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84) ainsi que de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/13/CEE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 76, p. 14).

 Le cadre juridique

2        Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/38:

«Les entités adjudicatrices veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services.»

3        L’article 31, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:

«Les entités adjudicatrices qui sélectionnent les candidats à une procédure de passation de marchés restreinte ou négociée doivent le faire en accord avec les règles et les critères objectifs qu’elles ont définis et qui sont à la disposition des fournisseurs, des entrepreneurs ou des prestataires de services intéressés.»

4        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/13 dispose:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les décisions prises par les entités adjudicatrices peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, [...]»

 Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

5        Archi Ilektrsimou Kyprou (ci-après «AIK») est une entreprise publique dont l’activité consiste à mettre à disposition ou à exploiter des réseaux fixes destinés à la fourniture de services publics dans le domaine de la production, du transport et de la distribution d’électricité.

6        AIK a lancé un appel d’offres dans le cadre d’une procédure ouverte de passation de marché portant sur la conception, la livraison et la construction de la quatrième unité de la centrale thermoélectrique de Vassilikos, de type cycle combiné, ainsi que sur un contrat de maintenance à long terme du système des turbines, pour une valeur estimée à 170 000 000 euros.

7        Deux groupes ont soumis des offres dans le cadre de cette procédure, le groupe Babcock Hitachi Europe/Itochu Corporation & J&P Avax ainsi que le groupe Ansaldo Energia SpA & METKA SA. L’offre du groupe Ansaldo Energia SpA & METKA SA a été rejetée lors de la deuxième phase de la procédure d’évaluation des offres techniques.

8        Estimant que tant le rejet de son offre que l’acceptation de l’offre de l’autre soumissionnaire étaient contraires au droit communautaire, le groupe Ansaldo Energia SpA & METKA SA a déposé une plainte auprès de la Commission.

9        La Commission a adressée une lettre de mise en demeure, le 18 octobre 2006, aux autorités chypriotes, lesquelles ont répondu, selon la Commission, le 14 mai 2007, et, selon le gouvernement chypriote, le 29 janvier 2007.

10      N’ayant pas été convaincue par les explications fournies, la Commission a adressé, le 26 juin 2008, à la République de Chypre un avis motivé et a invité cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci. Les autorités chypriotes ont répondu par lettre du 8 août 2008.

11      Non satisfaite de cette réponse, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Sur la recevabilité

12      La République de Chypre soulève une exception d’irrecevabilité fondée sur deux moyens.

13      La République de Chypre argue, en premier lieu, que la Commission n’a pas démontré que le principe de collégialité a été respecté lors de l’adoption des décisions relatives à l’émission de l’avis motivé et à l’introduction du recours en manquement. Cet État membre reproche notamment à la Commission de ne pas lui avoir transmis, à la suite d’une demande écrite formée le 15 septembre 2009, une copie des décisions du collège des commissaires d’émettre un avis motivé.

14      L’article 1er du règlement intérieur de la Commission (JO 2005, L 347, p. 83) établit que «la Commission agit en collège conformément aux dispositions du présent règlement».

15      Selon la Commission, les décisions d’envoyer l’avis motivé et d’introduire un recours dans la présente affaire ont été prises dans le cadre d’une procédure écrite, conformément à ce règlement intérieur. Cette procédure, qui est la procédure habituelle de prise de décision du collège, prévoit que le projet de décision est soumis à tous les membres de la Commission, puis réputé adopté si, dans un délai déterminé, aucun membre n’a formulé d’observations ou de réserves.

16      La Commission a précisé que, aux fins de la décision d’envoyer un avis motivé ou d’introduire un recours en manquement, une «fiche d’infraction», qui résume les faits, la procédure précontentieuse, les principaux griefs émis à l’encontre de l’État membre, les arguments de défense de ce dernier ainsi que la base juridique de l’avis motivé ou du recours envisagé, est communiquée aux membres du collège.

17      Au regard des éléments produits par la Commission et notamment de la «fiche d’infraction» sur le fondement de laquelle a été décidé d’envoyer l’avis motivé, de la lettre du secrétariat général de la Commission attestant de la clôture de la procédure écrite qui a conduit à envoyer cet avis, de la «fiche d’infraction» sur le fondement de laquelle a été décidé d’introduire le recours ainsi que de la lettre du secrétariat général de la Commission attestant de la clôture de la procédure écrite qui a conduit à l’introduction du recours, il y a lieu de considérer que ces décisions ont été adoptées dans le respect du principe de collégialité, tel que prévu à l’article 1er du règlement intérieur de la Commission.

18      La République de Chypre soutient, en second lieu, que la Commission n’a pas respecté la règle selon laquelle l’objet du recours en manquement est délimité par l’avis motivé. En effet, la violation de l’article 31, paragraphe 1, sous a), de la directive 93/38 ne figurerait pas dans le dispositif de l’avis motivé du 26 juin 2008.

19      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’objet du recours introduit en vertu de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par cette disposition et que, par conséquent, l’avis motivé de la Commission et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques (voir arrêts du 17 novembre 1992, Commission/Grèce, C‑105/91, Rec. p. I‑5871, point 12; du 18 juillet 2007, Commission/Allemagne, C‑490/04, Rec. p. I‑6095, point 36, et du 22 janvier 2009, Commission/Portugal, C‑150/07, point 20).

20      Cette exigence répond à la finalité de la procédure précontentieuse qui, selon une jurisprudence établie, consiste à donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (voir arrêts du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C‑439/99, Rec. p. I‑305, point 10, et Commission/Portugal, précité, point 20).

21      En l’espèce, la Commission a admis que la mention, dans le dispositif de l’avis motivé, de l’article 33 de la directive 93/38 au lieu de l’article 31 de celle-ci était due à une erreur de frappe. Elle a toutefois précisé que tant la lettre de mise en demeure que l’argumentation qui précède le dispositif de l’avis motivé font clairement référence à l’article 31, paragraphe 1, sous a), de ladite directive.

22      La Commission a également ajouté, ce que la Cour a pu constater, que la République de Chypre a présenté, dans sa réponse à l’avis motivé, des observations relatives à la violation qui lui était reprochée sur le fondement de l’article 31, paragraphe 1, sous a), de la directive 93/38 et non sur celui de l’article 33 de celle-ci.

23      Il résulte de ces éléments que la République de Chypre a été en mesure de faire valoir utilement ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission.

24      L’exception d’irrecevabilité doit, par conséquent, être rejetée.

 Sur le fond

 Sur le premier grief de la Commission

–       Argumentation des parties

25      La Commission fait valoir que AIK, en rejetant l’offre du plaignant, au motif qu’il n’a pas fourni de rendements garantis dans des conditions de fréquence variable, alors que ce critère n’apparaissait pas expressément et incontestablement comme tel dans le dossier d’appel d’offres, a violé les articles 4, paragraphe 2, et 31, paragraphe 1, de la directive 93/38.

26      La Commission considère, notamment, que AIK a violé les principes d’égalité de traitement entre les soumissionnaires et de transparence, tels que garantis par les dispositions susmentionnées et la jurisprudence de la Cour, en modifiant, après la procédure d’attribution, les critères d’attribution du marché.

27      À titre subsidiaire, la Commission allègue que AIK a violé le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, dès lors que le soumissionnaire retenu n’a mentionné les rendements qu’il pouvait garantir dans des conditions de fréquence variable que lors des réponses données aux demandes de précisions orales formulées par l’entité adjudicatrice et qu’il a subordonné les valeurs fournies à certaines conditions, elles-mêmes contraires aux modalités prévues par le pouvoir adjudicateur dans les documents contractuels. La Commission reproche également le fait que AIK a retenu un soumissionnaire qui ne satisfaisait pas à la condition de participation à la procédure tenant à l’expérience demandée en matière de construction.

28      La République de Chypre estime que l’exigence des rendements garantis a été formulée de manière claire.

29      Cet État membre aurait fourni à la Commission, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, des avis d’experts attestant que, dans la procédure de passation de marché litigieuse, l’existence d’une telle condition allait de soi pour un soumissionnaire expérimenté. L’offre proposée par le soumissionnaire retenu contenait, d’ailleurs, les rendements garantis.

30      La République de Chypre conteste également l’appréciation de l’expérience acquise par le soumissionnaire retenu à laquelle se livre la Commission.

31      Selon cet État membre, la Commission n’a pas démontré que AIK avait traité différemment les deux soumissionnaires, en violation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/38.

32      La Commission rétorque que la République de Chypre confond les connaissances requises pour l’exécution du marché et l’exigence préalable de clarté dans la formulation dont doit faire preuve le pouvoir adjudicateur, particulièrement lorsqu’il est question d’un critère décisif pour l’attribution du marché.

33      Pour la Commission, l’obligation de fournir des rendements garantis dans des conditions de variations de fréquence du réseau est apparue, a posteriori, lors des demandes de précisions orales formulées par l’entité adjudicatrice. La question posée par le pouvoir adjudicateur ainsi que la réponse donnée par le soumissionnaire retenu démontreraient que ce dernier n’avait pas compris qu’il devait donner des valeurs garanties en mode de fonctionnement adapté aux variations de fréquence.

34      La Commission disposerait de quatre avis élaborés par des experts internationaux concluant que l’avis de marché ne prévoyait pas l’obligation de fournir des valeurs garanties dans des conditions de variations de fréquence du réseau. Pour cette institution, en admettant que cette obligation était prévue par l’avis de marché, elle n’y figurait pas clairement, même pour des personnes expérimentées.

–       Appréciation de la Cour

35      À titre liminaire et concernant l’applicabilité de l’article 31 de la directive 93/38 à la procédure de passation de marché public en cause, il importe de prendre en compte le fait que cette dernière était une procédure ouverte. Or, ainsi que l’a souligné la République de Chypre, ledit article vise explicitement les procédures restreintes ou négociées et non les procédures ouvertes.

36      La Commission a indiqué, lors de l’audience, qu’elle renonçait à invoquer la violation de l’article 31 de la directive 93/38.

37      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission ne fonde son premier grief que sur la violation du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, tel que garanti par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/38.

38      Ce principe, qui constitue la base des directives relatives aux procédures de passation des marchés publics, implique une obligation de transparence, afin de permettre de vérifier son respect (voir, notamment, arrêts du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, Rec. p. I‑10745, point 61; du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 91, ainsi que du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, point 109).

39      Les principes d’égalité de traitement et de transparence signifient, notamment, que les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur (voir, notamment, arrêts du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 34; du 16 décembre 2008, Michaniki, C‑213/07, Rec. p. I‑9999, point 45, et du 12 novembre 2009, Commission/Grèce, C‑199/07, Rec. p. I‑10669, point 37).

40      Cela implique, plus particulièrement, que les critères d’attribution doivent être formulés, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, de manière à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la même manière (arrêts SIAC Construction, précité, point 42, ainsi que du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, C‑448/01, Rec. p. I‑14527, point 57) et que, lors d’une évaluation des offres, ces critères doivent être appliqués de manière objective et uniforme à tous les soumissionnaires (arrêt SIAC Construction, précité, point 44).

41      Il ressort des éléments du dossier que l’unité de la centrale thermoélectrique de Vassilikos devrait pouvoir fonctionner selon deux choix principaux de fonction, à savoir en «fonction de réponse fréquence» et en «fonction de contrôle de charge».

42      Si la Commission n’a nullement remis en cause la clarté de l’exigence tenant à ce que cette unité de la centrale thermoélectrique soit capable de répondre à des variations de fréquence réseau, elle affirme cependant que l’obligation de fournir des valeurs garanties dans de telles conditions n’apparaissait pas explicitement dans le cahier des charges. Selon la Commission, cette obligation n’est apparue que lors des demandes de précisions orales formulées par l’entité adjudicatrice.

43      À ce propos, le volume III du cahier des charges indiquait que les rendements garantis devaient être fournis dans des conditions de réseaux de fréquence de 50 Hertz sans qu’il soit précisé que ces quantités garanties concernaient un mode de fonctionnement donné. Toutefois, le volume II dudit cahier, notamment les articles relatifs au «Plant design criteria», mettait l’accent sur la spécificité du réseau chypriote, eu égard à la nécessité de maintenir une fréquence stable et précisait que toute variation de la courbe de la température de combustion, dont dépend le rendement de l’unité de la centrale thermoélectrique de Vassilikos, devait être précisée par le soumissionnaire.

44      Il ne résulte pas des éléments figurant au dossier sur les quantités garanties en «fonction de réponse en fréquence» que AIK ait modifié postérieurement les critères d’attribution du marché.

45      En outre, à supposer même que l’exigence tenant à la fourniture de quantités garanties en «fonction de réponse en fréquence» aurait pu être énoncée avec davantage de clarté dans les documents contractuels, il ne peut être présumé que ce prétendu manque de clarté est à l’origine d’une inégalité de traitement entre les soumissionnaires.

46      Conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, il incombe à la Commission, qui a la charge d’établir l’existence du manquement allégué, d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence dudit manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir, notamment arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas, 96/81, Rec. p. 1791, point 6, et du 8 juillet 2010, Commission/Portugal, C‑171/08, non encore publié au Recueil, point 19).

47      Or, en l’espèce, la Commission n’est pas parvenue à établir que le prétendu manque de clarté dans l’énoncé de ce critère d’attribution a abouti à une violation du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires.

48      Il n’est, notamment, pas contesté que, lors des demandes de précisions orales formulées par l’entité adjudicatrice, tous les soumissionnaires ont été interrogés sur les quantités garanties en «fonction de réponse en fréquence». AIK a, ainsi, mis les deux soumissionnaires en mesure de préciser leur offre sur ce point.

49      La Commission n’a, par ailleurs, pas établi que les éléments contenus dans la lettre adressée par le soumissionnaire retenu à AIK, afin de compléter les réponses apportées aux demandes de précisions orales formulées par le pouvoir adjudicateur, ne respectaient pas les modalités prévues dans le dossier d’appel d’offres.

50      En outre, la Commission n’a pas démontré que le soumissionnaire retenu ne remplissait pas le critère relatif à l’expérience professionnelle dans le domaine de la construction.

51      Dès lors, il ne ressort pas des éléments présentés à la Cour que le pouvoir adjudicateur a violé le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires tel que garanti par l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/38.

52      Le premier grief doit, en conséquence, être rejeté.

 Sur le second grief de la Commission

–       Argumentation des parties

53      La Commission estime que AIK a violé le droit à un recours effectif garanti par l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/13, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour. L’entité adjudicatrice n’aurait pas communiqué, en temps utile, les motifs de rejet de son offre – à tout le moins, n’aurait pas précisé en quoi consistait la violation des conditions contractuelles – empêchant, par voie de conséquence, le soumissionnaire évincé d’exercer un recours efficace contre cette décision de rejet.

54      La République de Chypre soutient que AIK a communiqué à ce soumissionnaire les motifs de rejet de son offre, à savoir la violation des conditions contractuelles.

55      L’entité adjudicatrice n’aurait pas exposé plus en détails les motifs de rejet de l’offre, car ledit soumissionnaire avait connaissance de ces motifs. En tout état de cause, l’ouverture d’une procédure de recours hiérarchique aurait assuré au candidat évincé un accès à l’ensemble du dossier d’AIK, lui permettant ainsi de prendre connaissance des motifs de la décision de rejet.

–       Appréciation de la Cour

56      L’objectif de la directive 92/13 est de garantir que les décisions illégales des pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible (voir, en ce sens, arrêts Universale-Bau e.a., précité, point 74, ainsi que du 23 décembre 2009, Commission/Irlande, C-455/08, point 26).

57      Certes, la directive 92/13, dans sa version en vigueur au moment des faits, ne contenait pas de dispositions relatives au contenu de la motivation devant accompagner la notification de la décision de rejet d’une offre aux soumissionnaires exclus.

58      Néanmoins, la motivation de la décision de rejet d’une offre doit être communiquée aux soumissionnaires concernés, en temps utile, afin que les soumissionnaires évincés aient la possibilité d’introduire efficacement un recours (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande, précité, point 34).

59      En l’espèce, le pouvoir adjudicateur a communiqué sa décision de rejet au soumissionnaire évincé par une lettre, en date du 1er février 2006, sur laquelle figuraient les délais et voies de recours qui lui étaient ouverts. Ce dernier a, conformément à la législation nationale, demandé au pouvoir adjudicateur les motifs de la décision de rejet, par une lettre du 3 février 2006. AIK a répondu par une lettre du 8 février 2006. Il est constant que, selon la législation chypriote, ce n’est qu’à compter de la réception de cette dernière que le délai de recours a commencé à courir.

60      Il est également constant que la lettre, en date du 8 février 2006, faisait référence aux dispositions du cahier des charges qui n’avaient pas été respectées. Ces dispositions concernaient des clauses techniques, à savoir le volume II dudit cahier relatif au «Plant design criteria», telles que mentionnées au point 43 du présent arrêt.

61      Les raisons ayant conduit AIK à rejeter l’offre du soumissionnaire évincé ont ainsi été portées à la connaissance de celui-ci.

62      La Commission n’ayant pas démontré que le pouvoir adjudicateur a violé le droit à un recours effectif, tel que garanti à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/13, le second grief doit être également rejeté.

63      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours de la Commission.

 Sur les dépens

64      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Chypre ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ces moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.