Language of document : ECLI:EU:T:2014:248

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 mai 2014 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents concernant deux procédures espagnoles en matière de concurrence – Refus implicite d’accès – Décision explicite adoptée après l’introduction du recours – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑419/13,

Unión de Almacenistas de Hierros de España, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes A. Creus Carreras, A. Valiente Martin et C. Maldonado Márquez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision implicite de la Commission refusant d’accorder à la requérante l’accès à certains documents relatifs à la correspondance échangée entre la Commission et la Comisión Nacional de la Competencia (CNC, commission nationale de la concurrence espagnole) s’agissant de deux procédures nationales ouvertes par cette dernière,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

 Réglementation de l’Union européenne en matière d’accès aux documents

1        Aux termes de l’article 15, paragraphe 3, TFUE :

« Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément au présent paragraphe.

[…] »

2        Ces principes et ces conditions sont fixés par le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

3        L’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 dispose :

« Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne. »

4        Aux termes de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, relatif aux exceptions au droit d’accès :

« [...]

2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. 

[…]

4.      Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5.      Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci.

6.      Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

7.      Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. Dans le cas de documents relevant des exceptions concernant la vie privée ou les intérêts commerciaux et de documents sensibles, les exceptions peuvent, si nécessaire, continuer de s’appliquer au-delà de cette période. »

5        L’article 7 du règlement n° 1049/2001, relatif au traitement des demandes initiales, dispose :

« 1.      Les demandes d’accès aux documents sont traitées avec promptitude. Un accusé de réception est envoyé au demandeur. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique au demandeur, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel et l’informe de son droit de présenter une demande confirmative conformément au paragraphe 2 du présent article.

2.      En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut adresser, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative tendant à ce que celle-ci révise sa position.

3.      À titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, le délai prévu au paragraphe 1 peut, moyennant information préalable du demandeur et motivation circonstanciée, être prolongé de quinze jours ouvrables.

[…] »

6        Aux termes de l’article 8 du règlement n° 1049/2001, concernant le traitement des demandes confirmatives :

« 1.      Les demandes confirmatives sont traitées avec promptitude. Dans un délai de quinze jours ouvrables à partir de l’enregistrement de la demande, l’institution soit octroie l’accès au document demandé et le fournit dans le même délai conformément à l’article 10, soit communique, dans une réponse écrite, les motifs de son refus total ou partiel. Si elle refuse totalement ou partiellement l’accès, l’institution informe le demandeur des voies de recours dont il dispose, à savoir former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles [263 TFUE] et [228 TFUE].

2.      À titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, le délai prévu au paragraphe 1 peut, moyennant information préalable du demandeur et motivation circonstanciée, être prolongé de quinze jours ouvrables.

3.      L’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative, et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au médiateur, selon les dispositions pertinentes du traité [FUE]. »

 Réglementation de l’Union en matière de concurrence

7        L’article 11, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose :

« Au plus tard trente jours avant l’adoption d’une décision ordonnant la cessation d’une infraction, acceptant des engagements ou retirant le bénéfice d’un règlement d’exemption par catégorie, les autorités de concurrence des États membres informent la Commission. À cet effet, elles communiquent à la Commission un résumé de l’affaire, la décision envisagée ou, en l’absence de celle-ci, tout autre document exposant l’orientation envisagée. Ces informations peuvent aussi être mises à la disposition des autorités de concurrence des autres États membres. Sur demande de la Commission, l’autorité de concurrence concernée met à la disposition de la Commission d’autres documents en sa possession nécessaires à l’appréciation de l’affaire. Les informations fournies à la Commission peuvent être mises à la disposition des autorités de concurrence des autres États membres. Les autorités nationales de concurrence peuvent également échanger entre elles les informations nécessaires à l’appréciation d’une affaire qu’elles traitent en vertu de l’article [101 TFUE] ou [102 TFUE]. »

 Antécédents du litige

8        La requérante, Unión de Almacenistas de Hierros de España, a présenté à la Commission européenne le 25 février 2013 deux demandes initiales tendant à obtenir l’accès à l’ensemble de la correspondance échangée, dans le cadre prévu à l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, entre la Commission et la Comisión Nacional de la Competencia (CNC, commission nationale de la concurrence espagnole) s’agissant de deux procédures nationales ouvertes par cette dernière.

9        Par courrier du 15 mars 2013, la Commission a informé la requérante de la prorogation, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, du délai de réponse à ses demandes initiales.

10      Par courrier du 11 avril 2013, la Commission a répondu aux demandes initiales de la requérante. Elle a accordé l’accès aux accusés de réception que sa direction générale (DG) de la concurrence avait envoyés à la CNC. Elle a également indiqué que sa DG n’avait transmis aucune réponse à la suite de la communication, par la CNC, des informations mentionnées à l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003. Elle a enfin refusé l’accès aux autres documents demandés.

11      La requérante a présenté, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001, une demande confirmative datée du 25 avril 2013. Cette lettre a été déposée le 30 avril 2013 à la représentation de la Commission en Espagne. La Commission a envoyé à la requérante un courriel accusant réception de ladite lettre le 2 mai 2013.

12      Par courrier du 28 mai 2013, la Commission a informé la requérante de la prorogation, jusqu’au 18 juin 2013, du délai de réponse à sa demande confirmative, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

13      Par courrier du 18 juin 2013, la Commission a informé la requérante qu’il ne lui était pas possible de répondre, dans le délai prévu, à sa demande confirmative.

 Procédure et conclusions des parties

14      La requérante a introduit sa requête le 14 août 2013.

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la « décision de la Commission du 18 juin 2013 » ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        ordonner à la Commission de produire les documents dont l’accès a été refusé, afin que le Tribunal soit en mesure de procéder à leur examen et de vérifier le bien-fondé des arguments avancés dans la requête.

16      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 23 octobre 2013, la Commission a demandé au Tribunal de constater que le recours n’avait plus d’objet à la suite de l’adoption, après l’introduction dudit recours, d’une décision rejetant explicitement la demande confirmative de la requérante et, par conséquent, de prononcer un non-lieu à statuer. Elle a également demandé au Tribunal de décider librement des dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal.

17      Dans ses observations formulées le 13 novembre 2013 sur la demande de non-lieu à statuer présentée par la Commission, la requérante a demandé au Tribunal, à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer et de condamner la Commission aux dépens et, à titre subsidiaire, d’accepter sa demande de désistement et de condamner la Commission aux dépens.

18      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 14 novembre 2013, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne ont demandé à intervenir au soutien de la Commission.

 En droit

19      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur un incident sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

20      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande de la Commission sans ouvrir la procédure orale.

21      Il convient tout d’abord de rappeler que, en application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, l’absence de réponse de la Commission à une demande confirmative dans le délai requis doit être considérée comme une décision implicite de refus d’accès aux documents demandés, laquelle peut être contestée selon les conditions prévues à l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 24 mars 2011, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑36/10, Rec. p. II‑1403, point 40).

22      En l’espèce, il est constant que la Commission ne s’est prononcée de manière explicite sur la demande confirmative de la requérante que le 18 septembre 2013, c’est-à-dire après la date d’expiration du délai prévu à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

23      Certes, par courrier du 18 juin 2013, la Commission a informé la requérante qu’il ne lui était pas possible de répondre dans le délai prévu à sa demande confirmative.

24      Cependant, ce courrier ne saurait être regardé comme une réponse à la demande confirmative de la requérante. Il ne saurait, par ailleurs, avoir par lui-même aucun autre effet juridique, notamment celui de prolonger le délai prévu par l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, Rec. p. II‑5723, points 39 et 40, et ordonnance du Tribunal du 13 novembre 2012, ClientEarth e.a./Commission, T‑278/11, non encore publiée au Recueil, points 43 à 46 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 17 février 1972, Richez-Parise/Commission, 40/71, Rec. p. 73, points 8 et 9).

25      Ainsi, en l’absence de réponse de la Commission à la date d’expiration du délai prévu à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, une décision implicite de rejet de la demande confirmative de la requérante a été adoptée.

26      Il y a lieu de relever que la requérante vise, en substance, par ses conclusions dirigées contre la lettre du 18 juin 2013, à obtenir l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande confirmative.

27      Or, par décision du 18 septembre 2013, adoptée après l’introduction du présent recours, la Commission a rejeté explicitement la demande confirmative de la requérante.

28      À cet égard, il convient de rappeler que l’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du Tribunal du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, Rec. p. II‑1, points 41 et 43).

29      Au regard des circonstances de l’espèce, il convient de conclure qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation, lesquelles sont dirigées, en substance, contre la décision implicite de rejet de la demande confirmative de la requérante (voir, en ce sens, arrêt Co-Frutta/Commission, point 28 supra, point 45).

30      De même, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions accessoires à ces conclusions en annulation, par lesquelles la requérante demande qu’il soit ordonné à la Commission de communiquer les documents dont l’accès a été refusé afin que le Tribunal puisse vérifier le bien-fondé des arguments qu’elle avance au soutien de ses conclusions en annulation.

31      Par ailleurs, il faut relever que la requérante, dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer présentée par la Commission, a demandé elle-même au Tribunal de prononcer un non-lieu.

32      Enfin, il convient de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention introduites par la République fédérale d’Allemagne et par le Royaume d’Espagne (voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 10 mai 2001, FNAB e.a./Conseil, C‑345/00 P, Rec. p. I‑3811, point 53).

 Sur les dépens

33      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

34      En l’espèce, la disparition de l’objet du litige est la conséquence de l’adoption tardive, par la Commission, d’une décision expresse répondant à la demande confirmative de la requérante.

35      De plus, dans la mesure où il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur le bien-fondé du choix de la requérante d’introduire un nouveau recours contre la décision du 18 septembre 2013, au lieu d’adapter ses conclusions dans la présente affaire afin de tenir compte de cette décision, cette circonstance ne saurait être prise en compte au stade du règlement des dépens par le Tribunal sur le fondement de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance Internationaler Hilfsfonds/Commission, point 21 supra, point 54 ).

36      Partant, au regard des circonstances factuelles qui caractérisent le cas d’espèce et notamment le fait que la Commission a excédé le délai dont elle disposait, en vertu de l’article 8 du règlement n° 1049/2001, pour répondre à la demande confirmative, de sorte que la requérante n’avait pas d’autre choix, afin de sauvegarder ses droits, que d’introduire le présent recours contre la décision implicite de rejet, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante (voir, en ce sens, ordonnance Internationaler Hilfsfonds/Commission, point 21 supra, point 55 ).

37      Par ailleurs, selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il convient de faire application de ces dispositions à la République fédérale d’Allemagne et au Royaume d’Espagne, qui ont demandé à intervenir.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes en intervention.

3)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de Unión de Almacenistas de Hierros de España.

4)      

5)      La République fédérale d’Allemagne et le Royaume d’Espagne supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 mai 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. E. Martins Ribeiro



* Langue de procédure : l’espagnol.