Language of document : ECLI:EU:T:2017:795

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

10 novembre 2017 (*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens – Décision constatant six infractions à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Manipulation des taux de référence interbancaires JPY LIBOR et Euroyen TIBOR – Restriction de concurrence par objet – Participation d’un courtier aux infractions – Procédure “hybride” de transaction – Principe de présomption d’innocence – Principe de bonne administration – Amendes – Montant de base – Adaptation exceptionnelle – Article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑180/15,

Icap plc, établie à Londres (Royaume-Uni),

Icap Management Services Ltd, établie à Londres,

Icap New Zealand Ltd, établie à Wellington (Nouvelle-Zélande),

représentées par Mes C. Riis-Madsen et S. Frank, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka, B. Mongin et Mme J. Norris-Usher, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2015) 432 final de la Commission, du 4 février 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39861 – Produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens), et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes dans ladite décision,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de MM. M. Prek (rapporteur), président, E. Buttigieg, F. Schalin, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 janvier 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Les requérantes, Icap plc, Icap Management Services Ltd et Icap New Zealand Ltd, font partie d’une entreprise de services de courtage par l’entremise de réseaux vocaux et électroniques qui est également un fournisseur de services de post-négociation (ci-après « Icap »).

2        Par sa décision C(2015) 432 final, du 4 février 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39861 – Produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a retenu qu’Icap avait participé à la réalisation de six infractions à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE concernant la manipulation des taux de référence interbancaires London Interbank Offered Rate (LIBOR, taux interbancaire pratiqué à Londres) et Tokyo Interbank Offered Rate (TIBOR, taux interbancaire pratiqué à Tokyo) sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais, lesquelles avaient été préalablement constatées par la décision C(2013) 8602 final de la Commission, du 4 décembre 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39861 – Produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens) (ci-après la « décision de 2013 »).

3        Le 17 décembre 2010, UBS AG et UBS Securities Japan (ci-après, prises ensemble, « UBS ») ont saisi la Commission d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération »), en l’informant de l’existence d’une entente dans le secteur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais.

4        Le 24 avril 2011, le 18 novembre 2011, le 28 septembre 2012 et le 3 décembre 2012, Citigroup Inc. et Citigroup Global Markets Japan Inc. (ci-après, prises ensemble, « Citi »), Deutsche Bank Aktiengesellschaft (ci-après « DB »), R. P. Martin Holdings et Martin Brokers (UK) Ltd ainsi que The Royal Bank of Scotland (ci-après « RBS ») ont respectivement présenté des demandes au titre de la communication sur la coopération (considérants 47 à 50 de la décision attaquée). Le 29 juin 2011 et le 12 février 2013, la Commission a octroyé à UBS et à Citi une immunité conditionnelle en application du paragraphe 8, sous b), de ladite communication (considérants 45 et 47 de ladite décision).

5        Le 12 février 2013, en application de l’article 11, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a engagé une procédure d’infraction contre UBS, RBS, DB, Citi, R. P. Martin Holdings et Martin Brokers (UK) ainsi que JP Morgan Chase & Co., JP Morgan Chase Bank, National Association and J. P. Morgan Europe Ltd (considérant 51 de la décision attaquée).

6        Le 29 octobre 2013, la Commission a adressé une communication des griefs aux sociétés visées au point 5 ci-dessus (considérant 52 de la décision attaquée).

7        En application de la procédure de transaction prévue à l’article 10 bis du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) n° 622/2008 de la Commission du 30 juin 2008 (JO 2008, L 171, p. 3), la Commission a adopté la décision de 2013, par laquelle elle a conclu que les sociétés visées au point 5 ci-dessus avaient violé les dispositions de l’article 101 TFUE et de l’article 53 EEE, en participant à des accords ou à des pratiques concertées ayant pour objet de restreindre ou de fausser la concurrence dans le secteur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais.

A.      Procédure administrative à l’origine de la décision attaquée

8        Le 29 octobre 2013, en application de l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, la Commission a engagé une procédure d’infraction à l’encontre des requérantes (considérant 53 de la décision attaquée).

9        Le 31 octobre 2013, une réunion visant à parvenir à une transaction au sens de l’article 10 bis du règlement n° 773/2004 s’est tenue, au cours de laquelle la Commission a présenté aux requérantes les griefs qu’elle envisageait de retenir à l’encontre d’Icap ainsi que les preuves principales en sa possession qui les sous-tendaient (considérant 54 de la décision attaquée).

10      Le 12 novembre 2013, les requérantes ont informé la Commission de leur intention de ne pas opter pour une procédure de transaction (considérant 55 de la décision attaquée).

11      Le 6 juin 2014, la Commission a adressé aux requérantes une communication des griefs. Ces dernières y ont répondu le 14 août 2014 ainsi que lors de l’audition qui s’est tenue le 12 septembre 2014 (considérants 58 et 59 de la décision attaquée).

12      Le 4 février 2015, la Commission a adopté la décision attaquée, reprochant à Icap d’avoir « facilité » six infractions et lui imposant six amendes pour un montant total de 14 960 000 euros.

B.      Décision attaquée

1.      Produits en cause

13      Les infractions en cause portent sur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais indexés sur le JPY LIBOR ou sur l’Euroyen TIBOR. Le JPY LIBOR est un ensemble de taux d’intérêt de référence pratiqué à Londres (Royaume-Uni) qui, au moment de l’adoption de la décision attaquée, était établi et publié par la British Bankers Association (BBA, Association des banquiers britanniques) et utilisé pour de nombreux produits financiers libellés en yens japonais. Il est calculé à partir des offres de prix présentées quotidiennement par un panel de banques membres de ladite association (ci-après le « panel JPY LIBOR »). Lesdites offres permettent d’établir le taux « moyen » à partir duquel chaque banque, membre dudit panel, pourrait emprunter des fonds en demandant et en acceptant des offres interbancaires pour un volume raisonnable. À partir des informations communiquées par lesdites banques et en excluant les quatre références les plus élevées et les quatre références les moins élevées, la BBA établissait ainsi les taux journaliers du JPY LIBOR. L’Euroyen TIBOR est un ensemble de taux d’intérêt de référence pratiqué à Tokyo (Japon) qui remplit une fonction équivalente, mais est calculé par la Japanese Banker Association (JBA, Association des banquiers japonais) à partir des offres d’un panel des membres de ladite association et en excluant les deux références les plus élevées ainsi que les deux les moins élevées. La Commission a retenu que les taux du JPY LIBOR et de l’Euroyen TIBOR constituent une composante des prix des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais. Ils peuvent affecter le niveau de numéraire qu’une banque va devoir verser ou va recevoir à l’arrivée à échéance du terme de sa contrepartie ou à des intervalles spécifiques. Les produits dérivés les plus fréquents sont les contrats de garantie de taux, les swaps de taux d’intérêt, les options sur taux d’intérêt et les contrats à terme de taux d’intérêt (voir considérants 9 à 19 de la décision attaquée).

2.      Comportements reprochés à Icap

14      Les comportements reprochés à Icap consistent dans la « facilitation » de six infractions, à savoir :

–        l’« infraction UBS/RBS de 2007 », entre le 14 août et le 1er novembre 2007 ;

–        l’« infraction UBS/RBS de 2008 », entre le 28 août et le 3 novembre 2008 ;

–        l’« infraction UBS/DB », entre le 22 mai et le 10 août 2009 ;

–        l’« infraction Citi/RBS », entre le 3 mars et le 22 juin 2010 ;

–        l’« infraction Citi/DB », entre le 7 avril et le 7 juin 2010 ;

–        l’« infraction Citi/UBS », entre le 28 avril et le 2 juin 2010.

15      En premier lieu, la Commission a, notamment, retenu qu’Icap était active en tant que courtier sur le marché des dépôts en espèces de yens japonais, par l’intermédiaire de son guichet « Cash/Money Market desk », basé à Londres. Dans le cadre de cette activité, elle fournirait des estimations aux acteurs dudit marché tant sur les volumes disponibles que sur les prix, dont l’objet serait de faciliter la conclusion d’accords entre ces acteurs. S’agissant plus précisément des estimations fournies par Icap auxdits acteurs, la Commission a relevé, en substance, que celles-ci incluaient ses estimations quant aux taux du JPY LIBOR du jour, sous la forme d’un bulletin communiqué à des établissements financiers, dont certains membres du panel JPY LIBOR. Elle a considéré ledit bulletin comme ayant disposé d’une influence significative sur le comportement des banques à l’occasion de l’émission de leurs offres de taux (considérants 98 à 101 de la décision attaquée).

16      En deuxième lieu, la Commission a relevé qu’Icap était également un courtier sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais, ce rôle étant exercé par un guichet particulier. Elle a estimé que certains des traders opérant au sein de ce guichet, outre des transactions légitimes avec M. H., trader d’UBS puis de Citi, ont également, à la demande de ce dernier, tenté d’affecter les cours du JPY LIBOR soit par une modification du bulletin en cause, soit en utilisant les contacts d’Icap avec certaines banques du panel JPY LIBOR (considérants 102 et 103 de la décision attaquée).

17      En troisième lieu, la Commission a estimé que cela avait conduit Icap à faciliter la réalisation des six infractions constatées dans la décision de 2013 (considérants 165 à 171 de la décision attaquée). S’agissant, premièrement, des infractions UBS/RBS de 2007, UBS/RBS de 2008 et UBS/DB, elle a relevé qu’un trader d’UBS avait utilisé les services d’Icap aux fins d’influencer les offres de certaines banques membres du panel JPY LIBOR ne participant pas à ces trois ententes. À cet égard, elle a reproché à Icap d’avoir utilisé ses contacts avec les banques membres dudit panel dans le sens recherché par UBS et d’avoir disséminé des informations erronées portant sur les futurs taux du JPY LIBOR [considérant 77, sous a) et b), et considérants 106 à 141 de ladite décision]. S’agissant, deuxièmement, des infractions Citi/UBS et Citi/DB, elle a retenu qu’un trader de Citi avait utilisé les services d’Icap aux fins d’influencer les offres de certaines banques membres de ce panel ne participant pas à ces deux ententes. Dans ce cadre, elle a également reproché à Icap d’avoir utilisé ses contacts avec les banques membres du même panel et d’avoir disséminé des renseignements erronés [considérant 83, sous a) et b), et considérants 154 à 164 de cette décision]. S’agissant, troisièmement, de l’infraction Citi/RBS, elle a reproché à Icap d’avoir servi de moyen de communication entre un trader de Citi et un trader de RBS aux fins de faciliter sa réalisation (considérants 84 et 142 à 153 de la même décision).

3.      Calcul de l’amende

18      La Commission a rappelé de manière liminaire que, en application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), le montant de base de l’amende doit être déterminé eu égard au contexte dans lequel l’infraction a été commise ainsi que, en particulier, à la gravité et à la durée de l’infraction et que le rôle joué par chacun des participants doit faire l’objet d’une évaluation individuelle tout en reflétant d’éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes (considérant 284 de la décision attaquée).

19      La Commission a observé que les lignes directrices de 2006 ne fournissaient que peu d’orientations sur la méthode de calcul de l’amende pour les facilitateurs. Étant donné qu’Icap était un opérateur actif sur les marchés de service de courtage, et non sur celui des produits dérivés de taux d’intérêt, elle a estimé qu’elle ne pouvait pas substituer les frais de courtage à ceux des prix des produits dérivés de taux d’intérêt en yens japonais, pour établir le chiffre d’affaires et fixer le montant de l’amende, dès lors qu’une telle substitution ne reflèterait pas la gravité ainsi que la nature de l’infraction. Elle en a déduit, en substance, qu’il convenait de faire application du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, qui permet de s’écarter de ces lignes directrices s’agissant de la détermination du montant de base de l’amende (considérant 287 de la décision attaquée).

20      Au vu de la gravité des comportements en cause et de la durée de participation d’Icap à chacune des six infractions en cause, la Commission a fixé, pour chacune d’entre elles, un montant de base de l’amende, à savoir 1 040 000 euros pour l’infraction UBS/RBS de 2007, 1 950 000 euros pour l’infraction UBS/RBS de 2008, 8 170 000 euros pour l’ infraction UBS/DB, 1 930 000 euros pour l’ infraction Citi/RBS, 1 150 000 euros pour l’ infraction Citi/DB et 720 000 euros pour l’infraction Citi/UBS (considérant 296 de la décision attaquée).

21      En ce qui concerne la fixation du montant définitif de l’amende, la Commission n’a retenu l’existence d’aucune circonstance aggravante ou atténuante et a pris note du fait que le plafond de 10 % de chiffre d’affaires annuel n’avait pas été dépassé (considérant 299 de la décision attaquée). L’article 2 du dispositif de la décision attaquée inflige, dès lors, aux requérantes des amendes dont le montant définitif est équivalent à celui de leur montant de base.

II.    Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe le 14 avril 2015, les requérantes ont introduit le présent recours.

23      Le 15 février 2016, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre), au titre des mesures d’organisation de la procédure, prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les requérantes à répondre à une question relative à leur deuxième moyen, à la suite du prononcé de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717).

24      Le 29 février 2016, les requérantes ont répondu à la question posée par le Tribunal, en renonçant à une partie de leur deuxième moyen.

25      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

26      Sur proposition de la deuxième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

27      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties et a demandé à la Commission de produire les demandes de transaction présentées par UBS au titre des infractions UBS/RBS de 2007 et UBS/RBS de 2008.

28      Le 30 novembre 2016, la Commission a refusé de déférer à la demande de production de documents. Par une ordonnance du 1er décembre 2016, le Tribunal a ordonné à la Commission de lui fournir ces deux documents. Conformément à l’article 92, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure et aux fins de concilier, d’une part, le principe du contradictoire et, d’autre part, les caractéristiques de la procédure de transaction, l’ordonnance du 1er décembre 2016 a limité la consultation de ces deux documents aux seuls représentants des parties au greffe, sans que des copies puissent en être faites. Le 7 décembre 2016, la Commission a déféré à la mesure d’instruction.

29      Le 8 et le 9 décembre 2016, les requérantes et la Commission, respectivement, ont répondu aux questions posées par le Tribunal. Le 31 décembre 2016 et le 5 janvier 2017, la Commission et les requérantes, respectivement, ont présenté leurs observations sur les réponses présentées par l’autre partie.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 janvier 2017.

31      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler en tout ou partie la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire le montant des amendes infligées ;

–        condamner la Commission aux dépens et autres frais exposés dans le cadre du présent litige ;

–        ordonner toute mesure que le Tribunal jugera appropriée.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité d’un document et d’un chef de conclusions

33      La Commission conteste la recevabilité du quatrième chef de conclusions des requérantes ainsi que la recevabilité d’un courrier adressé au Tribunal.

1.      Sur la recevabilité du quatrième chef de conclusions des requérantes

34      Par leur quatrième chef de conclusions, les requérantes demandent au Tribunal « d’ordonner toute mesure qu[’il] jugera appropriée ».

35      Pour autant qu’un tel chef de conclusions doive être interprété en une demande que le Tribunal adresse des injonctions à la Commission, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge de l’Union européenne d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Il incombe à l’institution concernée, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt rendu dans le cadre d’un recours en annulation (voir arrêt du 30 mai 2013, Omnis Group/Commission, T‑74/11, non publié, EU:T:2013:283, point 26 et jurisprudence citée).

36      Le quatrième chef de conclusions, pour autant qu’il inclue une demande d’injonction, doit, partant, être déclaré irrecevable.

2.      Sur la contestation de la recevabilité d’un courrier des requérantes

37      Dans la duplique, la Commission soutient qu’un courrier des requérantes adressé au Tribunal et dont une copie lui a été communiquée directement par les requérantes doit être déclaré irrecevable en ce qu’il ne serait pas conforme aux dispositions du règlement de procédure.

38      Il suffit à cet égard de souligner que, par une décision en date du 2 mars 2016, il a été décidé de ne pas verser ledit courrier au dossier. La contestation de recevabilité de la Commission s’en trouve, dès lors, privée d’objet.

B.      Sur les conclusions en annulation

39      Au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée, les requérantes avancent six moyens. Les quatre premiers moyens, portant respectivement, premièrement, sur l’interprétation et l’application de la notion de restriction ou de distorsion de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, deuxièmement, sur l’application de la notion de « facilitation » aux circonstances de l’espèce, troisièmement, sur la durée des six infractions en cause et, quatrièmement, sur une violation des principes de la présomption d’innocence et de bonne administration, concernent la légalité de l’article 1er de ladite décision, relatif à l’existence desdites infractions. Les cinquième et sixième moyens, relatifs, respectivement, à la détermination du montant des amendes et à une violation du principe ne bis in idem, concernent la légalité de l’article 2 de cette décision, relatif aux amendes infligées par la Commission pour chacune de ces infractions.

1.      Sur le premier moyen, tiré des erreurs dans l’interprétation et l’application de la notion de restriction ou de distorsion de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE

40      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes contestent la qualification d’infraction par objet appliquée aux comportements incriminés par la Commission, en ce que ceux-ci seraient insusceptibles d’avoir une influence sur la concurrence, et en déduisent qu’Icap ne saurait être tenue responsable de la « facilitation » d’une quelconque infraction.

41      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

42      Dans la mesure où est en cause la qualification d’infractions par objet appliquée par la Commission, il convient de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur.

43      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 49, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 113 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 34).

44      En effet, certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 50, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 114 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 35).

45      Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 115).

46      Dans l’hypothèse où l’analyse d’un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d’en examiner les effets et, pour l’interdire, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible (arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 34 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 52, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 116).

47      Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 36).

48      En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte (arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 37 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 54, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 118).

49      En ce qui concerne plus particulièrement l’échange d’informations entre concurrents, il convient de rappeler que les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 32, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 119).

50      Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a été décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a été envisagé d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 33, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 120).

51      La Cour a ainsi jugé que l’échange d’informations entre concurrents était susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténuait ou supprimait le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 89 ; du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 35, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 121).

52      En particulier, il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 122 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 41).

53      Par ailleurs, une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel bien qu’elle n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation. En effet, le libellé de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne permet pas de considérer que seules seraient interdites les pratiques concertées ayant un effet direct sur le prix acquitté par les consommateurs finaux (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 123 ; voir également, en ce sens, arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 36).

54      Au contraire, il ressort dudit article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE qu’une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction » (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 37, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 124).

55      En tout état de cause, l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une pratique concertée ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 38 et 39, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 125).

56      Enfin, il convient de rappeler qu’il résulte des termes mêmes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE que la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 126).

57      À cet égard, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombait aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. En particulier, la Cour a conclu qu’une telle pratique concertée relevait de l’article 101, paragraphe 1, TFUE même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur ledit marché (arrêts du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 127).

58      En l’espèce, aux considérants 77 et 78 de la décision attaquée, la Commission a retenu que les six infractions en cause incluaient toutes deux formes de comportements, à savoir, d’une part, la discussion des soumissions d’au moins une des banques en vue d’influencer la direction de cette soumission et, d’autre part, la communication ou la réception d’informations commercialement sensibles concernant soit des positions de négociation, soit de futures soumissions d’au moins une des banques respectives. En outre, s’agissant de l’infraction UBS/DB, elle a également relevé, au considérant 78 de ladite décision, l’exploration par les banques de la possibilité de conclure des transactions visant à aligner leurs intérêts commerciaux en matière de produits dérivés et l’éventuelle conclusion, à de rares occasions, de telles transactions.

59      La Commission a retenu que les comportements litigieux avaient pour objet une manipulation des taux du JPY LIBOR, laquelle aurait permis une amélioration de la position des banques participantes sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais.

60      Aux considérants 13 à 17 de la décision attaquée, la Commission a souligné que les produits dérivés et notamment les contrats de garantie de taux et les swaps de taux d’intérêt disposaient de deux « jambes » ou « pattes », l’une correspondant à un flux à payer, l’autre à un flux à recevoir. L’une serait constituée par un taux fixe, l’autre par un taux variable. Une partie verserait à l’autre un paiement calculé sur la base du taux variable et recevrait un paiement déterminé sur la base du taux fixe déterminé lors de la conclusion, et inversement.

61      La Commission a relevé que la manipulation des taux du JPY LIBOR avait eu une incidence directe sur les recettes en numéraire (cash-flow) perçus ou versés au titre de la jambe « variable » des contrats visés au point 60 ci-dessus (considérants 199 et 201 de la décision attaquée), dès lors que ceux-ci étaient calculés directement par référence auxdits taux.

62      La Commission a considéré que la manipulation des taux du JPY LIBOR avait eu une incidence également sur la jambe « fixe » des contrats visés au point 60 ci-dessus, dans la mesure où le niveau actuel desdits taux était indirectement reflété dans le taux fixe des futurs contrats, dès lors, en substance, que ceux-ci constituaient une estimation de ce que seraient ces taux dans le futur (considérants 200 et 201 de la décision attaquée).

63      Dans la décision attaquée, la Commission a retenu que la coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR ainsi que l’échange d’informations confidentielles entre les banques participantes correspondaient à une restriction de la concurrence devant normalement s’effectuer entre elles, ayant abouti à une distorsion de la concurrence à leur profit et au détriment des banques non participantes. Cela aurait ainsi permis la création d’une situation d’« information asymétrique » au profit des seules banques participantes, leur permettant de proposer des contrats dans de meilleures conditions que les autres banques intervenant sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais (considérants 202 à 204 de ladite décision). Les comportements litigieux auraient ainsi faussé la concurrence au profit des banques participantes et au détriment des autres acteurs dudit marché. La Commission en a déduit que les six infractions en cause disposaient du degré de nocivité suffisant pour être qualifiées d’infractions par objet (considérants 219 et 220 de cette décision).

64      À l’encontre de cette analyse, les requérantes mettent en exergue la définition restrictive de la notion d’infraction par objet retenue dans la jurisprudence de la Cour. Elles soutiennent que les comportements en cause ne présentent pas un degré de nocivité pour le jeu normal de la concurrence dans le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais justifiant leur qualification d’infractions par objet. Elles ajoutent que les échanges d’informations reprochés ne constituent pas un comportement ayant « pour objet » de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Elles soulignent également que certains éléments pertinents pour la qualification d’infraction par objet auraient été mis en exergue pour la première fois au considérant 200 de la décision attaquée. Enfin, elles estiment que, s’agissant de l’infraction UBS/DB, la Commission n’a pas démontré la conclusion de transactions entre les banques visant à aligner leurs intérêts commerciaux en matière de produits dérivés et n’a pas qualifié ce comportement de constitutif d’un échange d’informations.

65      Dans la mesure où, pour les six infractions en cause, la Commission a retenu l’existence à la fois d’une coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR et d’un échange d’informations confidentielles, il suffit de vérifier si l’un de ces deux comportements dispose d’un objet anticoncurrentiel.

66      En ce qui concerne le premier comportement commun aux six infractions en cause, à savoir la coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR, il convient de relever que c’est à juste titre que la Commission a constaté que les paiements dus par un établissement financier à un autre, au titre d’un produit dérivé, étaient soit directement, soit indirectement, liés aux niveaux des taux du JPY LIBOR.

67      Ainsi, en ce qui concerne, en premier lieu, les paiements dus au titre des contrats en cours, l’incidence des taux du JPY LIBOR peut être considérée comme relevant de l’évidence. Elle concerne les paiements dus au titre de la jambe « variable » des contrats visés au point 60 ci-dessus, lesquels sont directement basés sur lesdits taux. Ainsi, à leur égard, une coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR pouvait conduire à influencer le niveau desdits taux dans un sens favorable aux intérêts des banques à l’origine de ladite coordination, ainsi que l’a retenu, en substance, la Commission aux considérants 199 et 201 de la décision attaquée.

68      En ce qui concerne, en second lieu, les paiements dus au titre des contrats futurs, force est de constater que c’est également à bon droit que la Commission a retenu que la coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR avait une incidence sur les paiements dus au titre de la jambe « fixe » des contrats visés au point 60 ci-dessus.

69      D’une part, il convient de relever qu’aux considérants 34 à 44 et 200 de la décision attaquée, la Commission a explicité les raisons pour lesquelles le niveau des taux du JPY LIBOR avait une incidence sur la jambe « fixe » des contrats visés au point 60 ci-dessus. En substance, elle a relevé que la détermination des taux fixes s’appréciait en une projection, basée sur formule mathématique, de la courbe de rendement actuelle des produits dérivés, elle-même fonction des niveaux actuels des taux du JPY LIBOR.

70      D’autre part et par voie de conséquence, il peut être considéré qu’une coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR permettait aux banques y participant de réduire grandement l’incertitude quant aux niveaux auxquels se situeraient les taux du JPY LIBOR et, partant, leur fournissait un avantage concurrentiel à l’occasion de la négociation et de l’offre de produits dérivés par rapport aux banques n’ayant pas participé à ladite coordination, ce que la Commission a justement relevé aux considérants 201 à 204 de la décision attaquée.

71      Il ressort de ce qui précède que la coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR est pertinente pour les paiements dus au titre des contrats visés au point 60 ci-dessus tant en ce qui concerne leur jambe « variable » que leur jambe « fixe ».

72      Force est de constater qu’une telle coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR, en ce qu’elle est destinée à influencer l’étendue des paiements dus par les banques concernées, ou devant leur être versés, recèle clairement un objet anticoncurrentiel.

73      Dans la mesure où les six infractions en cause incluent toutes une coordination des soumissions auprès du panel JPY LIBOR, laquelle est de nature à justifier la qualification d’infraction par objet retenue par la Commission, il n’est pas nécessaire d’examiner si l’autre comportement commun auxdites infractions, à savoir l’échange d’informations confidentielles, est également de nature à justifier une telle qualification.

74      En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, EU:C:2001:408, point 27, et du 12 décembre 2006, SELEX Sistemi Integrati/Commission, T‑155/04, EU:T:2006:387, point 47).

75      En toute hypothèse, au vu de l’importance de l’incidence du niveau des taux du JPY LIBOR sur le montant des paiements effectués au titre tant de la jambe « variable » que de la jambe « fixe » des contrats visés au point 60 ci-dessus, force est de constater que la seule communication d’informations concernant les soumissions futures d’une banque membre du panel JPY LIBOR était susceptible de fournir un avantage aux banques concernées, les éloignant de l’application du jeu normal de la concurrence sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais d’une manière telle que cet échange d’informations peut être considéré comme ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en application de la jurisprudence citée aux points 49 à 52 ci-dessus. Le même raisonnement est applicable au comportement portant sur l’échange d’informations confidentielles concernant les soumissions futures relatives à l’Euroyen TIBOR, retenu par la Commission dans le cadre de la seule infraction Citi/UBS.

76      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que c’est sans commettre d’erreur de droit ou d’appréciation que la Commission a retenu que les six infractions en cause étaient restrictives de concurrence de par leur objet.

77      Cette conclusion n’est pas infirmée par les différents arguments avancés par les requérantes.

78      Il en est ainsi, en premier lieu, de la réfutation par les requérantes de la nocivité pour le jeu normal de la concurrence des comportements litigieux.

79      Premièrement, c’est à tort que les requérantes font valoir qu’il n’existe pas de relation de concurrence entre les banques sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais. La conclusion de contrats sur ledit marché impliquant une négociation desdits produits, et plus particulièrement du taux fixe applicable, il existe nécessairement un processus de concurrence s’agissant de l’offre de ces produits entre les différentes banques actives sur ce marché.

80      Deuxièmement, et par voie de conséquence, ne saurait non plus être suivie l’affirmation des requérantes tirée d’une prétendue contrariété entre, d’une part, la possibilité pour les banques concernées de proposer de meilleures conditions que leurs concurrents et, d’autre part, la qualification d’infraction par objet. Au contraire, cette possibilité constitue plutôt la manifestation de l’altération du processus concurrentiel sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais au profit des banques ayant participé à la collusion.

81      Troisièmement, est dépourvue de pertinence la mise en exergue par les requérantes de ce que les banques concluent un nombre important de transactions dans lesquelles elles adoptent des positions opposées. En effet, l’un des intérêts d’une manipulation des taux du JPY LIBOR, s’agissant plus particulièrement des contrats en cours, est de permettre que celui-ci reflète le mieux possible les intérêts des banques concernées, à savoir un taux élevé en cas de position nette créditrice et bas en cas de position nette débitrice.

82      En deuxième lieu, les requérantes allèguent, en substance, une violation de leurs droits de la défense en ce que certains éléments pertinents pour la qualification d’infraction par objet auraient été mis en exergue pour la première fois au considérant 200 de la décision attaquée.

83      Certes, en application d’une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (voir arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 265 et jurisprudence citée).

84      L’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 reflète ce principe, dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (voir arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 266 et jurisprudence citée).

85      Toutefois, cette indication peut être donnée de manière sommaire et la décision finale ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire. Sont ainsi admissibles des ajouts à la communication des griefs effectués à la lumière de la réponse des parties, dont les arguments démontrent qu’elles ont effectivement pu exercer leurs droits de la défense. La Commission peut également, au vu de la procédure administrative, réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 267 et jurisprudence citée).

86      Ainsi, la communication aux intéressés d’un complément de griefs n’est nécessaire que dans le cas où le résultat des vérifications amène la Commission à mettre à la charge des entreprises des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (voir arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 268 et jurisprudence citée).

87      Enfin, il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, il y a violation des droits de la défense lorsqu’il existe une possibilité que, en raison d’une irrégularité commise par la Commission, la procédure administrative menée par elle ait pu aboutir à un résultat différent. Une entreprise requérante établit qu’une telle violation a eu lieu lorsqu’elle démontre à suffisance non pas que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité, par exemple en raison du fait qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense des documents dont l’accès lui a été refusé lors de la procédure administrative (voir arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 269 et jurisprudence citée).

88      En l’espèce, d’une part, il convient de relever que la référence à une fixation indirecte des prix figurant au considérant 200 de la décision attaquée ne revêt pas le caractère nouveau allégué par les requérantes. Certes, les points 137 et 175 de la communication des griefs auxquels la Commission se réfère ne sauraient être considérés comme l’explicitation d’un grief tiré d’une fixation indirecte des prix en ce qu’ils constituent un simple rappel des principes juridiques gouvernant l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Néanmoins, il ressort de la lecture de la communication des griefs que la substance de l’argumentation qui y figure était la même que celle présentée dans ladite décision, et notamment au considérant 200 de cette dernière, à savoir l’incidence du niveau du JPY LIBOR sur le niveau des taux applicables aux contrats futurs (voir, en particulier, le point 157 de la communication des griefs). Les requérantes ont, dès lors, été en mesure de présenter leurs observations à l’égard de ce grief au cours de la procédure administrative.

89      D’autre part, s’agissant de l’allégation tirée du caractère nouveau de la référence, au considérant 200 de la décision attaquée, au fait que la manipulation du JPY LIBOR constituerait également une fixation des conditions de transaction au sens de l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE, il convient d’observer que, pour les raisons exposées aux points 66 à 76 ci-dessus, les incidences de cette manipulation sur le niveau des paiements dus au titre de produits dérivés suffisent à justifier la qualification d’infractions par objet retenue par la Commission. Partant, il ne saurait être considéré que l’éventuelle absence de possibilité pour les requérantes de présenter leur observations à l’égard du grief tiré d’une fixation des conditions de transaction les aurait empêchées de mieux assurer leur défense au sens de la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus.

90      En troisième lieu, s’agissant des critiques diligentées par les requérantes à l’encontre de la constatation par la Commission de l’existence d’un comportement consistant dans l’exploration par les banques de la possibilité de conclure des transactions visant à aligner leurs intérêts commerciaux en matière de produits dérivés et de l’éventuelle conclusion, à de rares occasions, de telles transactions, laquelle ne concerne que l’infraction UBS/DB, il ressort de la lecture du considérant 78 de la décision attaquée que ledit comportement n’a été envisagé par la Commission que comme visant à faciliter la coordination des futures soumissions auprès du panel JPY LIBOR. Dans la mesure où ce comportement n’apparaît pas revêtir un caractère autonome par rapport à celui de ladite coordination dont l’objet anticoncurrentiel a été démontré à suffisance de droit, il n’est pas nécessaire de répondre à cet aspect de l’argumentation des requérantes.

91      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs dans l’application de la notion de « facilitation » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de la jurisprudence

92      Les requérantes estiment que c’est à tort que la Commission a retenu qu’Icap avait facilité les six infractions en cause. À la suite du prononcé de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), elles ont renoncé à une partie de leur argumentation, de sorte que le présent moyen est désormais constitué de trois branches.

93      Par la première branche du deuxième moyen, laquelle ne concerne pas l’infraction Citi/RBS, mais seulement les cinq autres infractions en cause, les requérantes soutiennent que le critère de « facilitation » appliqué à Icap est trop large, nouveau et viole le principe de sécurité juridique. Par la deuxième branche dudit moyen, laquelle concerne les cinq mêmes infractions, elles soutiennent que le rôle joué par Icap ne répond pas aux critères jurisprudentiels de la « facilitation ». Enfin, par la troisième branche de ce moyen, laquelle ne concerne que les infractions UBS/RBS de 2007, Citi/UBS et Citi/DB, elles contestent le bien-fondé des motifs de la décision attaquée pris de l’utilisation par Icap de ses contacts auprès de plusieurs banques aux fins d’influencer leurs soumissions auprès du panel JPY LIBOR.

94      Le Tribunal estime qu’il convient d’analyser, d’abord, les deuxième et troisième branches du présent moyen, dès lors qu’elles concernent, en substance, le caractère infractionnel des comportements reprochés à Icap, et, ensuite, la contestation de la conformité au principe de sécurité juridique du caractère infractionnel retenu, contenue dans la première branche dudit moyen.

a)      Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance par la Commission des critères jurisprudentiels de la « facilitation »

95      Les requérantes, dans le cadre de la présente branche, soutiennent, en substance, que la conclusion tirée de ce que le comportement d’Icap relevait du champ d’application de l’article 101 TFUE est erronée.

96      La Commission conclut au rejet de la présente branche.

97      Il convient de rappeler que rien dans le libellé de l’article 101, paragraphe 1, TFUE n’indique que l’interdiction qui y est énoncée vise uniquement les parties aux accords ou pratiques concertées qui sont actives sur les marchés affectés par ceux‑ci (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 27).

98      En outre, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’existence d’un « accord » est fondée sur l’expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n’étant pas déterminante par elle‑même (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 28 et jurisprudence citée).

99      S’agissant de la notion de « pratique concertée », il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’article 101, paragraphe 1, TFUE distingue cette notion notamment de celle d’« accord » et de « décision d’association d’entreprises » dans le seul dessein d’appréhender différentes formes de collusion entre entreprises qui, du point de vue subjectif, partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 29 et jurisprudence citée).

100    En outre, lorsqu’il s’agit d’accords et de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la Commission doit démontrer, afin de pouvoir conclure à la participation d’une entreprise à l’infraction et à sa responsabilité pour tous les différents éléments qu’elle comporte, que l’entreprise concernée a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 30 et jurisprudence citée).

101    À cet égard, la Cour a notamment jugé que les modes passifs de participation à l’infraction, tels que la présence d’une entreprise à des réunions au cours desquelles des accords ayant un objet anticoncurrentiel avaient été conclus, sans s’y être manifestement opposée, traduisent une complicité qui était de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dès lors que l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, avait pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et de compromettre sa découverte (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 31 et jurisprudence citée).

102    Si la Cour a déjà relevé qu’un « accord » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE visait l’expression de la volonté concordante des parties de se comporter sur le marché d’une manière déterminée et que les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une « pratique concertée », au sens de la même disposition, devaient être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique devait déterminer de manière autonome la politique qu’il entendait suivre sur le marché commun, il ne ressort pas de ces considérations que les notions d’accord et de pratique concertée présupposent une limitation réciproque de la liberté d’action sur un même marché sur lequel seraient présentes l’ensemble des parties (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, points 32 et 33).

103    En outre, il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que l’article 101, paragraphe 1, TFUE concerne uniquement soit les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence, ou encore sur des marchés situés en amont, en aval ou voisins dudit marché, soit les entreprises qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée. En effet, il découle d’une jurisprudence bien établie de la Cour que le texte de l’article 101, paragraphe 1, TFUE se réfère de façon générale à tous les accords et les pratiques concertées qui, dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux, faussent la concurrence dans le marché commun, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives, tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles soit concerné par les termes des arrangements en cause (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, points 34 et 35 et jurisprudence citée).

104    Il convient aussi de souligner que l’objectif principal de l’interdiction envisagée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE est d’assurer le maintien d’une concurrence non faussée à l’intérieur du marché commun et que sa pleine efficacité implique que soit appréhendée la contribution active d’une entreprise à une restriction de concurrence, alors même que cette contribution ne concerne pas une activité économique relevant du marché pertinent sur lequel cette restriction se matérialise ou a pour objet de se matérialiser (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 36 et jurisprudence citée).

105    En l’espèce, il importe d’emblée de relever que la Commission n’a pas retenu l’existence d’infractions autonomes entre Icap et UBS, puis Icap et Citi, dont l’objet aurait été de manipuler le niveau des soumissions des banques dans un sens conforme aux intérêts d’UBS, puis de Citi, par le biais de la propagation par Icap d’informations erronées. Dans la décision attaquée, la responsabilité d’Icap est engagée sur la base de sa participation aux comportements anticoncurrentiels relevés par la Commission, que cette dernière a qualifiée de « facilitation ».

106    Au vu du raisonnement suivi par la Commission dans la décision attaquée, il y a lieu de vérifier si la participation d’Icap remplit les critères mis en exergue par la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus, dont seule la réunion est de nature à justifier l’engagement de sa responsabilité au titre des infractions commises par les banques concernées.

107    À cet égard, il y lieu de relever que les requérantes contestent la réunion de ces critères dans le cadre de trois griefs tirés de ce que la Commission n’a pas démontré, premièrement, une connaissance par Icap de l’existence d’une collusion entre les banques concernées dans le cadre de certaines des six infractions en cause (premier grief), deuxièmement, l’existence d’une volonté de la part d’Icap de contribuer à l’objectif commun aux banques concernées (deuxième grief) et, troisièmement, qu’Icap aurait contribué à la réalisation des objectifs communs aux banques concernées (troisième grief). Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, tout d’abord, le premier grief, puis le troisième grief et, enfin, le deuxième grief.

1)      Sur le premier grief, relatif à l’absence de démonstration de la connaissance par Icap de l’existence d’une collusion entre les banques concernées dans le cadre de certaines des six infractions en cause

108    Dans le cadre du premier grief, les requérantes estiment que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit l’existence d’une connaissance par Icap d’une collusion entre les banques concernées dans le cadre des infractions UBS/RBS de 2007, UBS/RBS de 2008, Citi/DB et Citi/UBS, mais seulement, le cas échéant, des tentatives unilatérales d’un trader de manipuler les taux du JPY LIBOR.

109    Le présent grief ne concerne, dès lors, que quatre des six infractions en cause.

110    Les requérantes font valoir que les courts messages utilisés à titre d’élément de preuve par la Commission pourraient seulement démontrer qu’un trader de l’une des banques concernées était au courant des futures soumissions d’une autre banque. Dans un contexte marqué, notamment, par l’existence de contacts licites entre lesdites banques, il ne saurait en être déduit qu’Icap avait connaissance de la volonté commune de ces banques de coordonner leurs soumissions auprès du panel JPY LIBOR. Cela serait le cas pour les infractions UBS/RBS de 2007, UBS/RBS de 2008, Citi/DB et Citi/UBS.

111    Les requérantes soutiennent que la structure du marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais, laquelle implique des négociations continuelles entre les banques concernées, peut expliquer la connaissance par une banque donnée de la direction des soumissions d’une autre banque, sans que cette connaissance soit le produit d’un échange d’informations. Elles en déduisent qu’Icap pouvait raisonnablement estimer que les références à la position future d’une autre banque contenues dans les communications d’un trader n’était pas la conséquence d’une entente illicite. Elles reprochent à la Commission de ne pas avoir pris en compte cette possible interprétation des éléments de preuve, tant pour l’infraction UBS/RBS de 2007 que pour l’infraction UBS/RBS de 2008. S’agissant de la référence par la Commission à la reconnaissance par UBS du rôle de facilitateur d’Icap dans sa demande de transaction, elles font valoir, notamment, que la décision de transaction souligne explicitement que les faits acceptés par les parties ne peuvent établir aucune responsabilité en ce qui concerne Icap. En ce qui concerne les infractions Citi/DB et Citi/UBS, elles réitèrent que les éléments avancés ne démontrent pas l’existence d’une collusion entre les banques concernées durant la période infractionnelle retenue.

112    La Commission soutient que les considérants 214 à 221 de la décision attaquée démontrent à suffisance de droit qu’Icap avait conscience ou aurait dû avoir conscience que ses actions contribuaient à des infractions restreignant la concurrence. Pour chacune des six infractions en cause, Icap aurait été informée par UBS, puis par Citi, de l’identité de l’autre banque du panel JPY LIBOR avec laquelle elles entretenaient des contacts anticoncurrentiels. Cela serait le cas tant pour l’infraction UBS/RBS de 2007 que pour l’infraction UBS/RBS de 2008. S’agissant de ces dernières infractions, la Commission observe que la preuve de la connaissance par Icap de la collusion entre les banques concernées s’appuie également sur la reconnaissance par UBS dans sa demande de transaction du rôle de facilitateur d’Icap, figurant aux considérants 115 et 126 de la décision attaquée, reconnaissance non remise en cause par les requérantes. Elle se réfère également à la connaissance du marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais par Icap et à sa qualité de courtier principal sur ce marché pour souligner que la nature anticoncurrentielle de cette collusion ne pouvait être ignorée. En ce qui concerne les infractions Citi/DB et Citi/UBS, elle fait observer que les requérantes ne contestent pas la connaissance par Icap de la collusion entre les banques concernées, mais seulement la portée temporelle de celle-ci. Elle rappelle, à cet égard, que la date de commencement d’une infraction est celle de la collusion et non de sa mise en œuvre.

113    À cet égard, il y a lieu de relever que, en application de la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus, il appartenait à la Commission de démontrer qu’Icap avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par chacune des banques concernées ou pouvait raisonnablement les prévoir.

114    En outre, il convient de rappeler que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 71 et jurisprudence citée).

115    Pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par cette institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée).

116    De plus, s’il subsiste un doute dans l’esprit du juge, il doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. En effet, la présomption d’innocence constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 72 et jurisprudence citée).

117    Il résulte également de la jurisprudence de la Cour que le principe de la présomption d’innocence s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 73 et jurisprudence citée).

118    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, pour se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 182 et jurisprudence citée).

119    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si, pour chacune des quatre infractions en cause, la Commission a démontré à suffisance de droit qu’Icap avait connaissance ou pouvait raisonnablement prévoir que les demandes qui lui étaient adressées par UBS, puis Citi, n’étaient pas effectuées dans l’intérêt exclusif de son interlocuteur, mais étaient le fruit d’une collusion entre les banques concernées.

120    À cet égard, s’il ressort de la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus qu’il était loisible à la Commission de démontrer alternativement, d’une part, la connaissance par Icap de la participation de l’autre banque concernée à chacune des quatre infractions en cause ou, d’autre part, de ce qu’Icap pouvait raisonnablement prévoir une telle participation, il convient de relever que cette seconde possibilité doit être examinée en prenant en compte le contexte dans lequel s’inscrivaient les échanges entre UBS, puis Citi, et Icap.

121    En effet, ainsi que le soulignent, en substance, les requérantes, les demandes adressées par UBS, puis Citi, à Icap visant une manipulation des taux du JPY LIBOR n’impliquaient pas, de par leur nature l’existence d’une concertation en amont avec une autre banque. De telles demandes pouvaient légitimement être interprétées par cette dernière comme étant effectuées par UBS, puis par Citi, aux fins de manipuler lesdits taux dans la poursuite de leurs seuls intérêts. Force est de constater qu’une telle circonstance rend plus difficile la démonstration par la Commission de ce qu’Icap aurait raisonnablement dû déduire des demandes d’UBS, puis de Citi, qu’elles s’inscrivaient dans le cadre d’une collusion avec une autre banque.

i)      Sur la preuve par la Commission de la connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2007

122    Les éléments matériels sur lesquels la Commission s’est appuyée aux fins de retenir l’existence d’un comportement infractionnel d’Icap sont, s’agissant de l’infraction UBS/RBS de 2007, explicités au point 5.3.2 de la décision attaquée.

123    La Commission, en premier lieu, s’est fondée sur la référence, dans une conversation entre M. H., alors trader d’UBS, et M. R., membre du personnel d’Icap, le 14 août 2007 (ci-après la « conversation du 14 août 2007 »), à ce que « RBS et UBS visent haut pour six mois », pour considérer que, à compter de cette discussion, « [Icap] savait ou, à tout le moins, aurait dû savoir qu’[UBS] coordonnait les futures soumissions de taux JPY LIBOR avec RBS et que l’aide apportée à UBS après cette conversation facilitait ou aurait pu faciliter les pratiques anticoncurrentielles entre UBS et RBS » (considérant 106 de la décision attaquée).

124    En deuxième lieu, la Commission a mis en exergue différentes communications entre M. H. et M. R. ou entre cette dernière personne et d’autres membres du personnel d’Icap ayant eu lieu le 15 août 2007 et le 1er novembre 2007, aux fins de démontrer le rôle joué par Icap dans la manipulation des taux du JPY LIBOR (considérants 107 à 114 de la décision attaquée).

125    Enfin, en troisième lieu, la Commission s’est référée à la reconnaissance par UBS, dans sa demande de transaction, de l’utilisation des services d’Icap aux fins d’influencer les futures soumissions de taux du JPY LIBOR de certaines banques du panel JPY LIBOR. Elle a retenu que RBS n’était pas au courant du rôle joué par Icap (considérant 115 de la décision attaquée).

126    Ainsi, la décision attaquée ne mentionne que deux éléments de preuve éventuellement susceptibles de démontrer la connaissance par Icap de la participation de RBS à l’infraction UBS/RBS de 2007, à savoir, d’une part, la conversation du 14 août 2007 et, d’autre part, les déclarations d’UBS dans sa demande de transaction. En effet, il est constant entre les parties que les échanges survenus entre Icap et UBS après le 14 août 2017 ne contenaient aucune référence à RBS.

127    En ce qui concerne les déclarations d’UBS dans sa demande de transaction, il ne ressort pas de l’examen de ce document qu’UBS y reconnaît avoir informé Icap de la participation de RBS à l’infraction UBS/RBS de 2007, UBS se limitant à souligner avoir fait usage des services d’Icap.

128    Il en résulte que le seul élément de preuve susceptible de démontrer l’existence d’une connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2007 tient dans un passage de la conversation du 14 août 2017, dans lequel M. H. informe M. R. que « RBS et UBS visent haut pour six mois ». Au considérant 106 de la décision attaquée, la Commission a interprété cette phrase comme impliquant que M. H., alors trader d’UBS, avait informé M. R., membre du personnel d’Icap, de ses discussions en cours sur les futures soumissions de taux JPY LIBOR avec RBS.

129    Au titre des mesures d’organisation de la procédure, il a été demandé aux parties de donner leur avis sur l’interprétation de cette phrase compte tenu de la suite de la conversation : « [Icap :] bien, ce sera utile :) ; [UBS :] will me fait une faveur ; [Icap :] il [devrait] », ainsi que de préciser si le mot « will » désignait un employé de RBS. Il en est ressorti que ladite conversation visait W. H., trader de RBS, dont les échanges avec M. H. ont été pris en compte aux fins de constater l’existence de l’infraction UBS/RBS de 2007.

130    Il doit en être déduit que, à la suite de cette conversation, M. R., membre du personnel d’Icap, a été informé dans des termes dépourvus d’ambiguïté par M. H., alors trader d’UBS, qu’il s’était mis d’accord avec W. H., trader de RBS, sur une augmentation de leurs soumissions relatives aux taux d’intérêt d’une maturité de six mois. Dans la mesure où cet élément de preuve est constitué par une conversation à laquelle M. R. a directement participé et au vu de sa teneur, il convient, en application de la jurisprudence mentionnée au point 118 ci-dessus, de lui reconnaître une force probante élevée.

131    Dans ces conditions, à elle seule, la conversation du 14 août 2017 permet de démontrer la connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2007.

132    Partant, le premier grief, en ce qu’il concerne l’infraction UBS/RBS de 2007, doit être rejeté.

ii)    Sur la preuve par la Commission de la connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2008

133    Au point 5.3.3 de la décision attaquée, intitulé « Facilitation par Icap de l’infraction UBS/RBS de 2008 », la Commission s’est, en premier lieu, référée à une conversation en date du 28 août 2008 dans laquelle M. H., alors trader d’UBS, aurait dévoilé à M. R., membre du personnel d’Icap, la direction des soumissions auprès du panel JPY LIBOR de RBS, à savoir des soumissions « basses sur toute la ligne » (ci-après la « conversation du 28 août 2008 ») (considérant 116 de la décision attaquée).

134    En deuxième lieu, la Commission a mis en exergue différentes communications entre M. H. et M. R. ou entre cette dernière personne et d’autres membres du personnel d’Icap ayant eu lieu le 28 août 2008 et le 3 novembre 2008, aux fins de démontrer le rôle joué par Icap dans la manipulation des taux du JPY LIBOR (considérants 117 à 125 de la décision attaquée). Parmi ces éléments de preuve figure un courrier électronique interne à Icap en date du 5 septembre 2008, dans lequel était écrit qu’UBS et RBS avaient un intérêt particulier à un taux faible pour le JPY LIBOR à trois mois.

135    En troisième lieu, la Commission s’est référée à la reconnaissance par UBS, dans sa demande de transaction, de l’utilisation des services d’Icap aux fins d’influencer les futures soumissions de taux auprès du panel JPY LIBOR. Elle a retenu que RBS n’était pas au courant du rôle joué par Icap (considérant 126 de la décision attaquée).

136    Ainsi, la décision attaquée mentionne trois éléments de preuve éventuellement susceptibles de démontrer la connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2008, à savoir, tout d’abord, la conversation du 28 août 2008, ensuite, le courrier électronique interne à Icap du 5 septembre 2008 (voir point 134 ci-dessus) et, enfin, les déclarations d’UBS dans sa demande de transaction.

137    En ce qui concerne, en premier lieu, les déclarations d’UBS dans sa demande de transaction, force est de constater que, à l’égard de cette infraction également, l’examen de ce document fait seulement ressortir qu’UBS reconnaît avoir fait usage des services d’Icap, sans soutenir avoir informé Icap de la participation de RBS à l’infraction UBS/RBS de 2008.

138    En ce qui concerne, en deuxième lieu, la conversation du 28 août 2008, la Commission a estimé que la mention par M. H., alors trader d’UBS, de ce que les soumissions de RBS seraient « basses sur toute la ligne » aurait dû conduire M. R., membre du personnel d’Icap, à conclure qu’il existait des contacts entre UBS et RBS et que l’aide apportée à partir de ce moment à M. H. pour modifier les taux du JPY LIBOR était ou pouvait également être une aide aux pratiques anticoncurrentielles entre UBS et RBS (considérant 118 de la décision attaquée).

139    Force est de constater que le passage de la conversation du 28 août 2008 mis en exergue par la Commission ne dispose pas d’un sens univoque, lequel n’aurait pu que conduire Icap à suspecter qu’UBS avait reçu des informations confidentielles portant sur le niveau des soumissions futures de RBS auprès du panel JPY LIBOR. Il pouvait également être interprété comme la manifestation d’une analyse ou d’un avis de M. H. sur les positions futures probables de l’un de ses concurrents.

140    En outre, l’examen du passage de la conversation du 28 août 2008 mis en exergue par la Commission ne permet pas, dans le contexte plus général de ladite conversation, de clarifier son sens. S’il en ressort l’intention conjointe d’UBS et d’Icap d’altérer le cours normal de la fixation des taux du JPY LIBOR, aucun élément supplémentaire n’est fourni quant à une éventuelle participation de RBS à l’infraction UBS/RBS de 2008.

141    Partant, cet élément de preuve ne permet pas, à lui seul, de prouver la connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2008. Il importe néanmoins de vérifier si, conjointement avec d’autres éléments, il peut constituer un faisceau d’indices au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

142    En ce qui concerne, en troisième lieu, le courriel échangé entre deux membres du personnel d’Icap, il y est écrit qu’« UBS et RBS disposent d’un intérêt particulier à ce que le [JPY LIBOR] à trois mois soit faible » (considérant 121 de la décision attaquée). Il convient de constater que l’interprétation favorisée par la Commission, à savoir que ce courriel constituerait la manifestation de la connaissance par Icap de l’existence d’une infraction entre RBS et UBS, n’est pas la seule possible. En effet, dans la mesure où Icap, par ses fonctions, est en contact permanent avec les banques concernées, il ne saurait être exclu qu’elle se forge sa propre opinion sur les intérêts de chacune des banques actives sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais. La probabilité de cette interprétation alternative peut apparaître renforcée au vu du caractère tronqué de la citation utilisée par la Commission, mis en exergue par les requérantes, dès lors que la rédaction exacte du courriel, à savoir « [je] pense qu’[UBS] et [RBS] ont un intérêt manifeste à ce que [les taux] soient bas », s’inscrit plus dans le cadre de l’expression d’un avis personnel.

143    Force est de constater que ces deux éléments ne sauraient être qualifiés de preuves sérieuses, précises et concordantes au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus. Au contraire, l’ambiguïté des termes qu’ils contiennent implique nécessairement un doute quant à une connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2008, lequel doit, en application de la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus, lui profiter.

144    En outre, pour les raisons exposées au point 121 ci-dessus, il ne saurait être conclu qu’Icap aurait dû suspecter que les demandes d’UBS s’inscrivaient dans la mise en œuvre d’une collusion avec une autre banque, dès lors que de telles demandes pouvaient tout à fait avoir été effectuées par M. H. dans la poursuite des seuls intérêts d’UBS.

145    Au vu de ce qui précède, il convient de faire droit au premier grief, en ce qui concerne l’infraction UBS/RBS de 2008, et d’annuler l’article 1er, sous b), de la décision attaquée en ce qu’il constate la participation d’Icap à cette infraction.

iii) Sur la preuve de la connaissance par Icap du rôle joué par DB et UBS dans les infractions Citi/DB et Citi/UBS

146    Au point 5.3.6 de la décision attaquée, intitulé « Facilitation par Icap de l’infraction Citi/DB », la Commission s’est fondée sur la référence à une conversation entre M. H., désormais trader de Citi, et M. R, membre du personnel d’Icap, qui s’est tenue le 7 avril 2010, relative à une future diminution concertée des taux soumis par Citi, UBS et DB au panel JPY LIBOR après le mois de juin 2010 (ci-après la « conversation du 7 avril 2010 »). Elle a également mis en exergue deux demandes de M. H. à M. R en date du 18 mai 2010, l’une portant sur des taux à un an bas et l’autre portant de manière générale sur des taux bas du JPY LIBOR jusqu’à la fin du mois de juin, ainsi qu’une demande en date du 23 mai 2010 portant sur des taux bas pour le taux du JPY LIBOR disposant d’une maturité d’un an et sur un taux élevé pour celui disposant d’une maturité de trois ans (considérant 155 de la décision attaquée).

147    En outre, la Commission s’est également fondée sur une communication entre M. R. et M. G., membres du personnel d’Icap, visant à un ajustement du bulletin visé au point 15 ci-dessus en date du 1er juin 2010 (considérant 157 de la décision attaquée), ainsi que sur une conversation du 2 juin 2010 dans laquelle M. R. informe M. H., désormais trader de Citi, que M. G. a effectué les modifications souhaitées (considérant 156 de ladite décision).

148    Enfin, la décision attaquée mentionne une conversation du 7 juin 2010 dans laquelle M. H., désormais trader de Citi, a demandé à M. R., membre du personnel d’Icap, des taux faibles pour ce mois (considérant 158) (ci-après la « conversation du 7 juin 2010 »). Il convient de relever que, dans cette conversation, Icap fait clairement allusion à l’existence d’une collusion entre Citi, DB et UBS.

149    Au point 5.3.7 de la décision attaquée, intitulé « Facilitation par Icap de l’infraction Citi/UBS », la Commission s’est exclusivement fondée sur les éléments visés aux points 146 et 147 ci-dessus (considérants 161 à 163), la conversation du 7 juin 2010 n’étant pas avancée à titre d’élément de preuve s’agissant de cette infraction.

150    En premier lieu, il convient de relever que l’élément central sur lequel repose la démonstration de la connaissance par Icap du rôle joué par DB et UBS dans les infractions Citi/DB et Citi/UBS consiste dans le contenu de la conversation du 7 avril 2010.

151    Premièrement, force est de constater que, dans le cadre de cette conversation, M. H., désormais trader de Citi, explicite à M. R., membre du personnel d’Icap, dans des termes dépourvus d’ambiguïté, s’être mis d’accord avec deux traders de DB et de RBS aux fins d’obtenir une baisse des taux soumis par Citi, UBS et DB au panel JPY LIBOR après juin 2010.

152    Deuxièmement, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas la portée anticoncurrentielle de la conversation du 7 avril 2010, mais sa valeur probante à l’égard des infractions Citi/UBS et Citi/DB, dès lors que la Commission a retenu comme date de fin de ces infractions, respectivement, le 2 juin 2010 et le 7 juin 2010, soit antérieurement à la baisse des taux envisagée dans la conversation du 7 avril 2010, laquelle portait sur la période postérieure à juin 2010.

153    S’il est exact, ainsi que le souligne, en substance, la Commission, que la conversation du 7 avril 2010 suffit à démontrer la connaissance par Icap d’une concertation en vue d’altérer les taux du JPY LIBOR et, par conséquent, de l’existence d’un comportement infractionnel entre Citi, DB et UBS, il demeure que ledit comportement visait une période infractionnelle différente de celles retenues par la Commission pour les infractions Citi/DB et Citi/UBS qu’il est reproché à Icap d’avoir favorisées.

154    Or, selon la jurisprudence, la durée d’une infraction constitue un élément faisant partie intégrante de celle-ci et, comme tel, indissociable de toute constatation d’infraction (arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, EU:T:2006:350, point 21).

155    Partant, il doit en être déduit que la conversation du 7 avril 2010 concernait une infraction différente des infractions Citi/DB et Citi/UBS qu’il est reproché à Icap d’avoir facilitées et qu’elle ne peut, en elle-même, démontrer sa connaissance de ces dernières infractions.

156    En second lieu, s’agissant des autres éléments de preuve mis en exergue dans la décision attaquée, il convient de distinguer l’infraction Citi/DB et l’infraction Citi/UBS.

157    S’agissant de l’infraction Citi/DB, dans la mesure où la Commission invoque, à titre d’élément de preuve, la conversation du 7 juin 2010, dans laquelle Icap se réfère elle-même à une intervention concertée de Citi, d’UBS et de DB, il en découle nécessairement que la connaissance par Icap de l’existence d’une collusion entre Citi et DB est démontrée à suffisance de droit.

158    S’agissant de l’infraction Citi/UBS, il convient de relever que la Commission a fixé sa date de fin au 2 juin 2010 et n’invoque, dès lors, pas, à titre d’élément de preuve, la conversation du 7 juin 2010.

159    Il s’en déduit que, s’agissant de l’infraction Citi/UBS, la Commission n’apporte aucun élément de preuve démontrant une connaissance par Icap de la collusion entre Citi et UBS.

160    Néanmoins, il y a lieu de vérifier si Icap, informée par la conversation du 7 avril 2010 de futures manœuvres concertées de Citi, UBS et DB, n’aurait pas dû « raisonnablement prévoir », au sens de la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus, que certaines des demandes que Citi lui a adressées à partir du 18 mai 2010 s’inscrivaient dans le cadre de la mise en œuvre d’une collusion entre les banques concernées.

161    À cet égard, il convient de relever que la lecture de la conversation du 7 avril 2010, dans son ensemble, donne l’impression que l’objectif de Citi, d’UBS et de DB, tel que porté à la connaissance d’Icap, était une chute de certains taux du JPY LIBOR jusqu’en décembre, suivie d’une hausse desdits taux, tout au moins ceux disposant d’une maturité de trois mois.

162    Il y a lieu, partant, de vérifier si certaines des demandes de M. H., désormais trader de Citi, à M. R., membre du personnel d’Icap, au cours de la période infractionnelle auraient dû raisonnablement amener Icap à considérer qu’elles s’inscrivaient dans le cadre de la préparation de la collusion entre les banques concernées évoquée dans la conversation du 7 avril 2010.

163    Force est de constater qu’il ressort des considérants 161 à 163 de la décision attaquée que, à l’exception d’une référence à des taux d’une maturité de trois ans élevés, les demandes adressées par M. H., désormais trader de Citi, à Icap le 18 mai 2010 et le 23 mai 2010 visaient à maintenir des taux bas. Partant, Icap pouvait raisonnablement prévoir que des demandes visant une baisse ou une stabilisation des taux du JPY LIBOR adressées aux mois d’avril et de mai s’inscrivaient dans le cadre de la préparation de la collusion entre Citi, DB et UBS, portée à sa connaissance le 7 avril 2010.

164    Le premier grief encourt, par conséquent, le rejet en ce qui concerne les infractions Citi/DB et Citi/UBS.

2)      Sur le troisième grief, contestant la contribution d’Icap aux objectifs communs des banques concernées

165    Par le troisième grief, les requérantes soutiennent que le comportement reproché à Icap dans le cadre de cinq infractions en cause diffère trop de celui retenu à l’égard des banques concernées pour qu’il soit conclu à l’existence d’objectifs communs au sens de la jurisprudence mentionnée au point 100 ci-dessus. Dans la mesure où la décision attaquée en ce qu’elle retient la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2008 encourt l’annulation pour les motifs exposés aux points 133 à 145 ci-dessus, il suffit d’examiner le présent grief à l’égard des infractions UBS/RBS de 2007, UBS/DB, Citi/DB et Citi/UBS.

166    En substance, les requérantes estiment que, pour chacune des quatre infractions visées au point 165 ci-dessus, une différenciation doit être effectuée entre, d’une part, le comportement des deux banques concernées par chacune des infractions, qui concerne la manipulation de leurs propres soumissions au panel JPY LIBOR, et, d’autre part, le comportement reproché à Icap, qui porte sur une tentative de manipulation des soumissions d’autres banques audit panel. Elles rappellent, en outre, que, dans chacune de ces infractions, l’une des deux banques concernées n’était pas au courant du rôle joué par Icap.

167    Les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission a considéré que les deux comportements mentionnés au point 166 ci-dessus participaient d’une même infraction. Ainsi, les références à un objectif commun de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais ou de modifier le JPY LIBOR seraient vagues, erronées et non étayées. Les requérantes ajoutent que la circonstance que, à l’exception de M. H., ces deux comportements n’ont pas fait intervenir les mêmes participants constitue un motif objectif pour considérer qu’ils constituent des événements séparés. De même, elles considèrent que les méthodes employées dans chacun de ces deux comportements sont radicalement différentes, ce qui empêcherait qu’ils relèvent de la même infraction.

168    En outre, les requérantes font valoir que la Commission s’était engagée, au cours d’une réunion tenue lors de la procédure administrative, à ne pas se fonder, dans la décision attaquée, sur le grief d’une amplification par Icap des effets des infractions en cause. Dans la réplique, elles reprochent à la Commission ne pas avoir établi de compte rendu de cette réunion et demandent que celle-ci fournisse au Tribunal les notes qu’elle avait préparées en vue de cette réunion, et estiment, en substance, que le non-respect d’un tel engagement s’apparente à une violation du principe de confiance légitime.

169    La Commission conclut au rejet de ce grief.

170    En premier lieu, il convient de relever que, pour les quatre infractions visées au point 165 ci-dessus, la Commission a reproché à Icap d’avoir influencé, notamment par une modification du bulletin visé au point 15 ci-dessus, le niveau des offres de taux de certaines banques membres du panel JPY LIBOR (voir points 15 à 17 ci-dessus) et que la matérialité de ce comportement n’est pas contesté par les requérantes.

171    En second lieu, il est manifeste qu’il existe une relation de complémentarité entre le comportement reproché à Icap et celui reproché aux banques concernées, dès lors que les taux du JPY LIBOR sont calculés à partir des soumissions de banques membres du panel JPY LIBOR. La modification de ces taux aurait, dès lors, disposé d’une probabilité de réussite bien moindre si les quatre infractions visées au point 165 ci-dessus n’avaient reposé que sur l’alignement des soumissions des deux banques concernées par chaque infraction. Il en découle qu’Icap a disposé d’un rôle central dans la mise en œuvre de ces infractions en influençant certaines des soumissions auprès dudit panel dans le sens recherché par les banques concernées.

172    C’est, dès lors, à bon droit que la Commission a conclu que le comportement reproché à Icap a contribué aux objectifs communs des banques concernées par chacune des quatre infractions visées au point 165 ci-dessus.

173    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation des requérantes tirée de leur confiance légitime dans le fait que la Commission n’invoquerait pas, dans la décision attaquée, l’ampliation des effets des manipulations du JPY LIBOR par Icap.

174    Une telle argumentation se fonde sur l’existence d’assurances qui auraient été fournies aux représentants d’Icap par des fonctionnaires de la Commission lors d’une réunion postérieure à la communication des griefs.

175    Toutefois, sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur le point de savoir si des assurances fournies dans le cadre informel d’une réunion de la Commission sont de nature à faire naître une confiance légitime chez les requérantes, il suffit d’observer qu’une telle argumentation repose sur une prémisse erronée en fait. Il ressort de l’annexe C.1, fournie par les requérantes et constituée par les notes manuscrites de leurs représentants au cours de cette réunion, que de telles assurances n’ont été données par la Commission qu’en ce qui concerne le calcul de l’amende et non dans le cadre de la reconnaissance de l’existence d’une infraction. En effet, chacune des trois séries de notes démontre que cette question a été abordée au cours de la discussion sur le montant de l’amende et en réaction aux termes utilisées au point 248 de la communication des griefs, lequel concernait ledit calcul.

176    Le troisième grief encourt, dès lors, le rejet, sans qu’il soit nécessaire de procéder à la mesure d’organisation de la procédure sollicitée par les requérantes.

3)      Sur le deuxième grief, contestant l’existence d’une intention de la part d’Icap de contribuer à la réalisation des objectifs communs aux banques concernées

177    Par le deuxième grief, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une volonté de la part d’Icap de contribuer aux objectifs communs des banques concernées dans le cadre des cinq infractions. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 165 ci-dessus, il suffit d’examiner le présent grief à l’égard des infractions UBS/RBS de 2007, UBS/DB, Citi/DB et Citi/UBS.

178     Seule ressortirait des éléments de preuve la volonté d’Icap de satisfaire les souhaits d’un trader constituant le client unique de l’un de ses courtiers. Les requérantes soutiennent que l’argumentation de la Commission tend à remettre en cause le critère de l’intention figurant dans la jurisprudence pertinente.

179    La Commission conclut au rejet du présent grief.

180    Dès lors que, d’une part, pour les quatre infractions demeurant en cause, c’est à bon droit que la Commission a retenu qu’Icap avait connaissance de l’existence d’une collusion entre les banques concernées et, d’autre part, il a été retenu qu’existait une très grande complémentarité entre le comportement des banques concernées et celui d’Icap, il s’en déduit nécessairement l’existence d’une intention de sa part de contribuer à la réalisation des objectifs communs auxdites banques.

181    En effet, force est de constater que l’argumentation des requérantes repose sur une confusion entre les mobiles d’Icap, lesquels ont pu effectivement consister en le souhait de satisfaire les demandes d’un trader, et la conscience de ce que son comportement avait pour objectif de faciliter la manipulation des taux du JPY LIBOR en influençant les soumissions auprès du panel JPY LIBOR dans le sens souhaité par les banques concernées par l’infraction.

182    Le deuxième grief encourt, partant, le rejet.

b)      Sur la troisième branche, tirée du caractère erroné des motifs de la décision attaquée relatifs à l’utilisation par Icap de ses contacts aux fins d’influencer les soumissions de certaines banques

183    Par la présente branche, laquelle ne concerne que les infractions UBS/RBS de 2007, Citi/UBS et Citi/DB, les requérantes contestent l’interprétation par la Commission de certaines communications d’Icap avec ses clients. D’une part, la Commission n’expliquerait pas en quoi les communications prises en compte à titre d’éléments de preuve seraient pertinentes pour les infractions concernées. D’autre part, elle aurait méconnu le sens desdites communications, lesquelles ne seraient pas révélatrices d’une intention de manipuler les soumissions d’autres banques auprès du panel JPY LIBOR.

184     La Commission conclut au rejet de la présente branche.

185    Dans le cadre de l’infraction UBS/RBS de 2007, la Commission a relevé au considérant 79, sous a), de la décision attaquée que, le 24 octobre 2007, Icap avait utilisé ses contacts pour tenter d’influencer le comportement d’une banque du panel. Dans le cadre des infractions Citi/UBS et Citi/DB, elle a relevé, au considérant 83, sous a), de ladite décision, un comportement équivalent le 30 avril 2010.

186    En l’espèce, il suffit de souligner, d’une part, qu’il ressort du considérant 79, sous b), et du considérant 83, sous b), de la décision attaquée que la Commission ne s’est pas limitée à constater la participation d’Icap à ces trois infractions sur la seule base de l’utilisation de ses contacts, mais l’a également fondée sur la communication d’informations trompeuses aux banques du panel JPY LIBOR par le biais du bulletin visé au point 15 ci-dessus, et, d’autre part, que les requérantes ne contestent pas cet aspect du raisonnement de la Commission.

187    Ainsi, dans la mesure où la communication d’informations trompeuses est, en elle-même, de nature à démontrer la participation d’Icap à ces trois infractions, il convient, en application de la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus, de rejeter cette branche du moyen comme étant inopérante.

c)      Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique

188    Par la présente branche, les requérantes soutiennent que le critère de « facilitation » appliqué à Icap est trop large, nouveau et viole le principe de sécurité juridique. La qualification de « facilitateur » appliquée à Icap n’aurait pas raisonnablement pu être déduite de l’arrêt du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission (T‑99/04, EU:T:2008:256), et serait, dès lors, contraire tant au principe de sécurité juridique qu’au principe de légalité des délits et des peines.

189    Les requérantes font valoir, à cet égard, que la notion de « facilitation » est récente et peu développée. Elles ajoutent que la situation d’Icap se différencie nettement du rôle joué par AC-Treuhand tant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission (T‑99/04, EU:T:2008:256), que dans celle ayant donné lieu à l’arrêt du 6 février 2014, AC-Treuhand/Commission (T‑27/10, EU:T:2014:59). Alors qu’AC-Treuhand aurait rendu la collusion possible, il serait seulement reproché à Icap d’avoir agi au service de la collusion ou d’y avoir contribué. À cet égard, les requérantes font observer que, en l’espèce, la collusion entre les banques concernées aurait existé en l’absence même de toute intervention d’Icap.

190    Plutôt que la « facilitation » d’un accord horizontal, le rôle d’Icap se limiterait à une restriction verticale avec un trader, laquelle ni ne restreindrait ni ne fausserait la concurrence en elle-même. Les requérantes ajoutent que, dans cinq des six infractions en cause, l’autre banque partie à la collusion ignorait l’implication d’Icap. Elles estiment que l’application d’un critère aussi large que la notion de « facilitation » dispose d’incidences particulièrement lourdes pour des entreprises tierces à la collusion.

191    La Commission conclut au rejet de la présente branche.

192    Dans la mesure où la décision attaquée en ce qu’elle retient la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2008 encourt l’annulation pour les motifs exposés aux points 133 à 145 ci-dessus, il suffit d’examiner la présente branche du moyen à l’égard des infractions UBS/RBS de 2007, UBS/DB, Citi/RBS, Citi/DB et Citi/UBS.

193    Il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (voir arrêt du 17 décembre 2015, X-Steuerberatungsgesellschaft, C‑342/14, EU:C:2015:827, point 59 et jurisprudence citée).

194    En matière pénale, le principe de sécurité juridique trouve son expression particulière dans le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C‑308/06, EU:C:2008:312, point 70), qui implique que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment, cette condition se trouvant remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 40 et jurisprudence citée).

195    Le principe de légalité des délits et des peines ne saurait dès lors être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 41 et jurisprudence citée).

196    La portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de l’affaire, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut‑on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 42 et jurisprudence citée).

197    En l’espèce, il y a lieu de considérer qu’Icap aurait dû s’attendre, au besoin après avoir recouru à des conseils éclairés, à ce que son comportement puisse être déclaré incompatible avec les règles de concurrence du droit de l’Union, eu égard, notamment, à la portée large des notions d’« accord » et de « pratique concertée » résultant de la jurisprudence de la Cour.

198    S’agissant de l’argumentation des requérantes visant à minorer le rôle joué par Icap dans les infractions en cause en le comparant avec celui dévolu à AC-Treuhand dans les cartels visés dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission (T‑99/04, EU:T:2008:256), et à l’arrêt du 6 février 2014, AC-Treuhand/Commission (T‑27/10, EU:T:2014:59), il convient, au contraire, de souligner l’importance de cette participation pour certaines desdites infractions. En effet, dans la mesure où les taux du JPY LIBOR sont calculés à partir des soumissions des membres du panel, l’influence exercée par Icap sur ses clients membres dudit panel par le biais du bulletin visé au point 15 ci-dessus a permis de donner aux manipulations desdits taux une ampleur beaucoup plus importante que si elles étaient restées cantonnées aux seules soumissions des deux banques concernées par chacune de ces infractions.

199    Il convient, partant, de rejeter la première branche du moyen.

200    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le présent moyen en ce qui concerne l’infraction UBS/RBS de 2008 et de le rejeter pour le surplus.

3.      Sur le troisième moyen, tiré du caractère erroné de la durée des infractions en cause

201    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir apporté d’éléments de preuve justifiant le choix de la durée des infractions en cause. Selon elles, la Commission ne démontre pas, d’une part, que la participation d’Icap auxdites infractions a eu une durée équivalente à celle des banques concernées et, d’autre part, que cette participation s’est poursuivie sans discontinuer entre les dates pour lesquelles celle-ci estime avoir des éléments de preuve. Plus particulièrement, la Commission devrait démontrer une connaissance continue par Icap du comportement infractionnel des banques concernées sur l’ensemble de la période retenue pour chacune de ces infractions.

202    Cela serait d’autant plus nécessaire au vu tant du caractère quotidien du calcul de la détermination des taux d’intérêts que de l’admission par la Commission qu’Icap n’avait pas connaissance de toutes les mesures adoptées par les banques concernées. En outre, en substance, les requérantes mettent en exergue la diversité de teneur, voire le caractère contradictoire, des demandes unilatérales d’UBS, puis de Citi, pour souligner qu’il était raisonnable pour Icap de les considérer comme ne s’inscrivant pas dans le cadre du comportement infractionnel des banques concernées.

203    La Commission fait valoir que les éléments de preuve avancés dans la décision attaquée sont pertinents tant en ce qui concerne l’existence des infractions en cause que leur durée. Il en ressortirait l’existence de contacts réguliers qui auraient eu lieu à des périodes intermittentes sur la base des besoins des banques concernées. Il serait, dès lors, artificiel de scinder une série d’occurrences étroitement liées en des cas individuels d’une durée de quelques jours au simple motif que les taux du JPY LIBOR sont déterminés sur une base quotidienne. La Commission renvoie, à cet égard, à l’argumentation figurant au considérant 234, sous c), de la décision attaquée et rappelle que l’adhésion intentionnelle d’Icap aux objectifs communs des infractions concernées a été démontrée.

204    La Commission souligne également que, pour chacune des infractions en cause, les banques concernées ont toutes admis la même durée que celle retenue contre Icap et que pour chaque infraction une des banques concernées a reconnu le rôle joué par Icap. Cela priverait de pertinence l’argumentation tirée de ce qu’Icap aurait pu penser que chaque infraction était terminée après une courte période initiale.

205    Selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux‑mêmes et pris isolément, une violation de cette disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 156 et jurisprudence citée).

206    Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 157 et jurisprudence citée).

207    Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de cette infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle‑ci dans son ensemble (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 158 et jurisprudence citée).

208    En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ces participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seuls comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 159 et jurisprudence citée).

209    En l’espèce, aux fins de déterminer la durée des infractions en cause, la Commission s’est appuyée sur leur qualification d’infraction unique et continue, ainsi qu’il ressort des considérants 210 à 217 de la décision attaquée. Au considérant 234, sous c), de ladite décision, elle a estimé que les éléments de preuve apportés démontraient l’existence de contacts réguliers ayant eu lieu à des périodes intermittentes en fonction des besoins des différents participants et en a déduit qu’il serait artificiel de les scinder en des cas individuels d’une durée de quelques jours, au motif que le processus de fixation des taux du JPY LIBOR dispose d’une fréquence journalière. Au considérant 234, sous d), de cette décision, elle a considéré que la connaissance des contacts entre UBS, puis Citi, et l’autre banque concernée impliquait qu’Icap était en mesure de supposer que l’ensemble de ses actions ordinaires en faveur d’UBS puis de Citi pourraient également soutenir un mécanisme entre ces banques et les autres banques concernées par lesdites infractions.

210    L’argumentation des requérantes peut être divisée en deux griefs. Elles contestent, d’une part, la pertinence de certains des comportements d’Icap sur lesquels la Commission s’est appuyée et, d’autre part, l’inclusion dans les périodes infractionnelles d’intervalles pour lesquels aucune preuve de participation d’Icap n’a été fournie.

211    Dans la mesure où la décision attaquée en ce qu’elle retient la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2008 encourt l’annulation pour les motifs exposés aux points 133 à 145 ci-dessus, il suffit d’examiner le présent moyen à l’égard des infractions UBS/RBS de 2007, UBS/DB, Citi/RBS, Citi/DB et Citi/UBS.

212    Deux observations liminaires sont nécessaires avant d’apprécier la légalité de la décision attaquée en ce qui concerne chacune des périodes infractionnelles retenues par la Commission.

213    S’agissant du premier grief, il convient de rappeler la constatation effectuée au point 105 ci-dessus tirée de ce que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas retenu l’existence d’infractions autonomes entre Icap et UBS, puis entre Icap et Citi, dont l’objet aurait été de manipuler les taux du JPY LIBOR en cause dans un sens conforme aux intérêts d’UBS, puis de Citi, par le biais de la propagation par Icap d’informations erronées. Elle s’est basée sur la mise en œuvre par Icap d’infractions décidées chaque fois entre deux banques. Partant, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 119 à 121 ci-dessus, seuls des éléments de preuve permettant de démontrer qu’Icap avait connaissance ou pouvait raisonnablement prévoir que les demandes qui lui étaient adressées par UBS, puis Citi, s’inscrivaient dans la poursuite des objectifs communs aux deux banques concernées par chacune des infractions pouvaient être pris en compte comme preuve de sa participation auxdites infractions.

214    S’agissant du second grief, il convient de relever que l’argumentation des requérantes repose essentiellement sur la circonstance que les taux du JPY LIBOR sont adoptés sur une base quotidienne et que, partant, la manipulation devait être réitérée chaque jour pour continuer à produire ses effets.

215    Force est de constater qu’une telle argumentation équivaut à contester le bien-fondé du caractère continu de la participation d’Icap aux infractions en cause retenu par la Commission.

216    À cet égard, il convient de rappeler que, selon les circonstances, une infraction unique peut être continue ou répétée.

217    En effet, si la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet et de sujets, les modalités selon lesquelles l’infraction a été commise permettent de qualifier l’infraction unique soit de continue, soit de répétée (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, points 85 et 86, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 484).

218    À l’égard d’une infraction continue, la notion de plan d’ensemble permet à la Commission de présumer que la réalisation d’une infraction n’a pas été interrompue même si, pour une certaine période, elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée à cette infraction, pour autant que celle-ci a participé à l’infraction avant et après cette période et pour autant qu’il n’existe pas de preuves ou d’indices pouvant laisser penser que l’infraction s’était interrompue en ce qui la concerne. En ce cas, elle pourra infliger une amende pour toute la période infractionnelle, y compris la période pour laquelle elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 87, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 481).

219    Toutefois, le principe de sécurité juridique impose que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 482 et jurisprudence citée).

220    Si la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel est un critère pertinent afin d’établir le caractère continu d’une infraction, il n’en demeure pas moins que la question de savoir si ladite période est ou non suffisamment longue pour constituer une interruption de l’infraction ne saurait être examinée dans l’abstrait. Au contraire, il convient de l’apprécier dans le contexte du fonctionnement de l’entente en question (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 483 et jurisprudence citée).

221    Enfin, lorsqu’il peut être considéré que la participation d’une entreprise à l’infraction s’est interrompue et que l’entreprise a participé à l’infraction avant et après cette interruption, cette infraction peut être qualifiée de répétée si – tout comme pour l’infraction continue – il existe un objectif unique poursuivi par elle avant et après l’interruption, ce qui peut être déduit de l’identité des objectifs des pratiques en cause, des produits concernés, des entreprises qui ont pris part à la collusion, des modalités principales de sa mise en œuvre, des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et, enfin, du champ d’application géographique desdites pratiques. L’infraction est alors unique et répétée et, si la Commission peut infliger une amende pour toute la période infractionnelle, elle ne le peut, en revanche, pour la période pendant laquelle l’infraction a été interrompue (arrêts du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T‑147/09 et T‑148/09, EU:T:2013:259, point 88, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 484).

222    En l’espèce, au titre du contexte du fonctionnement des infractions en cause, lequel est pertinent aux fins d’apprécier si la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel implique l’existence d’une interruption de la participation d’une entreprise en application de la jurisprudence citée au point 220 ci-dessus, il convient effectivement de prendre en compte le caractère quotidien de la fixation des taux du JPY LIBOR. Il en découle nécessairement qu’une manipulation desdits taux voit ses effets limités dans le temps et nécessite d’être réitérée aux fins que lesdits effets se poursuivent.

223    À cet égard, il convient de rappeler que, dans les circonstances où la poursuite d’un accord ou de pratiques concertées exige des mesures positives particulières, la Commission ne peut présumer la poursuite de l’entente en l’absence de preuve de l’adoption desdites mesures (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, points 2803 et 2804).

224    Il en découle que la démonstration de la participation d’Icap à des infractions uniques et continues et, partant, de l’engagement de sa responsabilité pour l’ensemble des périodes infractionnelles impliquait de la part de la Commission la mise en exergue de mesures positives adoptées par Icap sur une base, sinon quotidienne, du moins suffisamment limitée dans le temps. Dans le cas contraire, il appartenait à la Commission de retenir l’existence d’infractions uniques et répétées et de ne pas inclure dans les périodes infractionnelles retenues à l’encontre d’Icap les intervalles pour lesquels elle ne dispose pas d’éléments de preuve de sa participation.

225    Il convient d’examiner conjointement, pour chacune des infractions en cause, les deux griefs avancés par les requérantes.

a)      Sur la durée de la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2007

226    En ce qui concerne la période infractionnelle retenue à l’égard d’Icap pour l’infraction UBS/RBS de 2007, ainsi qu’il a déjà été explicité aux points 128 à 131 ci-dessus, la connaissance par Icap des objectifs communs à UBS et à RBS repose sur la seule conversation du 14 août 2007, mentionnée au considérant 106 de la décision attaquée. Or, si cette conversation permettait à Icap de comprendre l’existence d’une infraction entre UBS et RBS, il demeure que l’information qui y figurait était doublement limitée. D’une part, elle ne concernait que des manipulations portant sur le taux du JPY LIBOR à six mois. D’autre part, elle visait uniquement une manipulation de ce taux à la hausse.

227    En premier lieu, il convient de relever que sont mises en exergue au considérant 107 de la décision attaquée des demandes de M. H., alors trader d’UBS, à M. R., membre du personnel d’Icap, émises les 15, 16 et 17 août 2007 et visant des taux à six mois élevés. Force est de constater que de telles demandes sont conformes au sens de la conversation du 14 août 2007 et s’inscrivent toutes dans un bref intervalle de temps. Il en découle nécessairement qu’elles sont à même de prouver la participation d’Icap à une infraction unique et continue jusqu’à cette date.

228    En second lieu, il convient toutefois de relever que les éléments de preuves subséquents pris en compte par la Commission à l’encontre d’Icap concernent soit des maturités de taux différentes de celles évoquées dans la conversation du 14 août 2007, soit des manipulations de taux allant dans un sens opposé au contenu de ladite conversation.

229    Ainsi, la demande de M. H., alors trader d’UBS, à M. R., membre du personnel d’Icap, en date du 20 août 2007, mentionnée au considérant 107 de la décision attaquée, visait des taux élevés pour le JPY LIBOR à trois mois, alors qu’Icap n’avait été informée que d’un accord entre UBS et RBS sur une hausse des taux à six mois. Plus encore, la demande de M. H. à M. R. du 22 août 2007, mentionnée au considérant 108 de ladite décision, sollicite des taux bas pour le JPY LIBOR à six mois, soit l’inverse du contenu de l’accord entre UBS et RBS, tel qu’il a été porté à la connaissance d’Icap.

230    Ainsi, tout au moins à compter du 22 août 2007, Icap pouvait raisonnablement considérer que l’infraction UBS/RBS avait cessé. Partant, à défaut d’information subséquente portée à la connaissance d’Icap quant à une continuation ou une réitération de la collusion entre UBS et RBS, il ne saurait lui être reproché d’avoir participé à cette infraction à compter de cette date.

231     Partant, le troisième moyen doit être accueilli pour autant que la décision attaquée a constaté la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2007 après le 22 août 2007.

b)      Sur la durée de la participation d’Icap à l’infraction Citi/RBS

232    En ce qui concerne la période infractionnelle retenue à l’égard d’Icap pour l’infraction Citi/RBS, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas la participation d’Icap à ladite infraction pour les dates auxquelles la Commission apporte des éléments de preuve. Leur argumentation tend uniquement à contester le caractère continu de cette participation pour l’ensemble de la période infractionnelle retenue, à savoir du 3 mars au 22 juin 2010.

233    À cet égard, il convient d’observer qu’il ressort du point 5.3.5 de la décision attaquée, portant sur la « facilitation » par Icap de l’infraction Citi/RBS, que la Commission n’apporte d’élément de preuve qu’à l’égard des dates suivantes : 3 et 4 mars 2010 (considérants 142 à 144), 28 et 29 avril 2010 (considérants 146 et 147), 4 mai 2010 (considérant 149), 12 mai 2010 (considérant 148), 13 mai 2010 (considérant 149), 25 mai 2010 (considérant 150), 15 juin 2010 (considérant 151) et 22 juin 2010 (considérant 152).

234    En premier lieu, dès lors que l’ensemble des comportements reprochés à Icap consistaient à obtenir, à la demande de M. H., désormais trader de Citi, des informations de RBS portant sur le niveau de ses futures soumissions auprès du panel JPY LIBOR ainsi que, parfois, de les influencer, il en découle nécessairement qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une infraction unique.

235    En second lieu, s’agissant du bien-fondé de la qualification d’infraction continue appliquée à l’infraction en cause, il convient de relever que, si, à compter du 28 avril et jusqu’au 22 juin 2010, la Commission apporte la preuve d’une intervention régulière d’Icap et à des intervalles relativement fréquents, aucun élément de preuve n’est fourni s’agissant de la période allant du 5 mars au 27 avril 2010, soit pendant plus de sept semaines.

236    De plus, si les éléments de preuve portant sur les 3 et 4 mars 2010 démontrent clairement une intervention d’Icap à la demande de M. H., désormais trader de Citi, aux fins d’obtenir une baisse des soumissions de RBS auprès du panel JPY LIBOR, il en découle également que M. H. recherchait une baisse ponctuelle du JPY LIBOR à trois mois aux fins d’améliorer ses positions le 3 mars 2010. Il ne peut en être déduit l’existence d’un accord-cadre par lequel RBS aurait accepté de modifier sur une plus longue période ses soumissions dans le sens souhaité par M. H.

237    Il en découle que, pour les raisons exposées aux points 222 à 224 ci-dessus et au regard notamment du caractère quotidien de la fixation des taux du JPY LIBOR, l’absence d’éléments de preuve d’une intervention d’Icap pour une période aussi longue aurait dû conduire la Commission à conclure à une interruption de sa participation entre le 5 mars et le 27 avril 2010.

238    Partant, le troisième moyen doit être accueilli pour autant que la décision attaquée a constaté la participation des requérantes à l’infraction Citi/RBS entre le 5 mars et le 27 avril 2010.

c)      Sur la durée de la participation d’Icap aux infractions Citi/DB et Citi/UBS

239    En ce qui concerne la légalité des périodes infractionnelles retenues à l’encontre d’Icap pour les infractions Citi/DB et Citi/UBS, les requérantes contestent tant la pertinence des éléments de preuve retenues à l’encontre d’Icap que le caractère continu de sa participation auxdites infractions.

240    En ce qui concerne, en premier lieu, la pertinence des éléments de preuve pris en compte par la Commission s’agissant de l’infraction Citi/UBS et de l’infraction Citi/DB, il convient de relever ce qui suit.

241    S’agissant, premièrement, de la conversation du 7 avril 2010 mentionnée aux considérants 154 et 160 de la décision attaquée, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 152 à 155 ci-dessus, il convient de relever qu’elle portait sur une infraction différente de celles retenues par la Commission. Ainsi, de la même manière qu’il a été considéré que ladite conversation était en elle-même insusceptible de démontrer la connaissance par Icap des infractions en cause, il doit en être déduit qu’elle ne peut constituer une preuve de sa participation à l’infraction Citi/DB.

242    S’agissant, deuxièmement, des demandes de M. H., désormais trader de Citi, à M. R., membre du personnel d’Icap, en date du 18 mai et du 23 mai 2010 envisagées aux considérants 155 et 161 de la décision attaquée, pour des raisons analogues à celles explicitées au point 163 ci-dessus, il doit être conclu qu’Icap pouvait raisonnablement prévoir qu’elles s’inscrivaient dans le cadre de la mise en œuvre d’une collusion entre Citi, DB et RBS. C’est, dès lors, à juste titre que la Commission les a prises en compte.

243    Il en va de même, troisièmement, de la communication entre M. R. et M. G., membres du personnel d’Icap, visant à un ajustement du bulletin visé au point 15 ci-dessus en date du 1er juin 2010, envisagée aux considérants 157 et 163 de la décision attaquée, dans la mesure où cette communication est postérieure aux demandes mentionnées au point 242 ci-dessus et peut, dès lors, apparaître comme leur mise en œuvre. Cela est, en outre, confirmé par la conversation du lendemain, le 2 juin 2010, entre M. R. et M. H., désormais trader de Citi, mentionnée aux considérants 156 et 162 de ladite décision, dans laquelle M. R. informe M. H. que M. G. a effectué les modifications souhaitées.

244    Enfin, quatrièmement, et s’agissant de l’infraction Citi/DB, c’est également à juste titre que la Commission a pris en compte la conversation du 7 juin 2010, mentionnée au considérant 158 de la décision attaquée, dès lors que, pour les raisons exposées au point 157 ci-dessus, le contenu de celle-ci démontre clairement la connaissance par Icap de l’existence d’une collusion entre Citi et DB.

245    En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’examen du bien-fondé de la constatation par la Commission du caractère continu de la participation d’Icap à l’infraction Citi/DB entre le 7 avril et le 7 juin 2010, force est de constater que la décision attaquée ne repose sur aucun élément de preuve d’une quelconque demande adressée à Icap en faveur d’une manipulation des soumissions auprès du panel JPY LIBOR avant le 18 mai 2010. En revanche, postérieurement à cette date, il ressort des points 242 à 244 ci-dessus que la Commission apporte la preuve d’une intervention régulière d’Icap et à des intervalles relativement fréquents jusqu’au 7 juin 2010.

246    Il s’ensuit que c’est à tort que la Commission a fixé comme point de départ de la participation d’Icap à l’infraction Citi/DB le 7 avril 2010, alors qu’elle est à même de démontrer une telle participation seulement à compter du 18 mai 2010.

247    Partant, le troisième moyen doit être accueilli pour autant que la décision attaquée a constaté une participation des requérantes à l’infraction Citi/DB entre le 7 avril et le 18 mai 2010.

248    En ce qui concerne, en troisième lieu, l’examen du bien-fondé de la constatation par la Commission du caractère continu de la participation d’Icap à l’infraction Citi/UBS entre le 28 avril et le 2 juin 2010, il suffit de rappeler que la Commission se fonde sur les mêmes éléments de preuve que ceux mis en exergue dans le cadre de l’infraction Citi/DB. Il s’en déduit nécessairement que c’est à tort que la Commission a fixé le départ de ladite participation le 28 avril 2010, alors qu’elle est à même de démontrer une telle participation seulement à compter du 18 mai 2010.

249    Partant, le troisième moyen doit être accueilli pour autant que la décision attaquée a constaté une participation d’Icap à l’infraction Citi/UBS entre le 28 avril et le 18 mai 2010.

d)      Sur la durée de la participation d’Icap à l’infraction UBS/DB

250    En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée s’agissant de la période infractionnelle retenue à l’encontre d’Icap pour l’infraction UBS/DB, à savoir du 22 mai au 10 août 2009, il convient, en premier lieu, d’observer que les requérantes ne contestent pas la pertinence des éléments de preuve retenus à l’encontre d’Icap.

251    En second lieu, il ressort du point 5.3.4 de la décision attaquée et plus particulièrement des considérants 129 à 139 de ladite décision que la Commission apporte la preuve d’une intervention régulière d’Icap, à des intervalles très fréquents et sur l’ensemble de la période infractionnelle retenue. C’est, dès lors, à bon droit que la Commission a retenu une participation continue d’Icap à l’infraction UBS/DB du 22 mai au 10 août 2009.

252    Au vu de ce qui précède, il convient de faire droit au présent moyen et d’annuler l’article 1er, sous a), de la décision attaquée en ce qu’il constate la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2007 après le 22 août 2007, l’article 1er, sous d), de ladite décision en ce qu’il constate sa participation à l’infraction Citi/RBS entre le 5 mars et le 27 avril 2010 ainsi que l’article 1er, sous e) et f), de cette décision en ce qu’il constate sa participation aux infractions Citi/DB et Citi/UBS antérieurement au 18 mai 2010.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de la présomption d’innocence et de bonne administration

253    Dans le cadre du présent moyen, les requérantes estiment que la décision attaquée doit être annulée en raison des références existant dès la décision de 2013 au comportement d’Icap et avancent deux griefs tirés d’une violation, d’une part, du principe de la présomption d’innocence et, d’autre part, du principe de bonne administration.

254    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

255    Dans la mesure où la décision attaquée, en ce qu’elle retient la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2008, encourt l’annulation pour les motifs exposés aux points 133 à 145 ci-dessus, il suffit d’examiner le présent moyen à l’égard des infractions UBS/RBS de 2007, UBS/DB, Citi/RBS, Citi/DB et Citi/UBS.

256    S’agissant du grief tiré de ce que la décision de 2013 aurait été adoptée en violation du principe de la présomption d’innocence, il convient de rappeler que ledit principe constitue un principe général du droit de l’Union, énoncé désormais à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, lequel s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, points 72 et 73 et jurisprudence citée).

257    Le principe de la présomption d’innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Elle s’oppose ainsi à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (arrêts du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 106 ; du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, EU:T:2007:306, point 76, et du 16 septembre 2013, Villeroy & Boch Austria/Commission, T‑373/10 et T‑374/10, non publié, EU:T:2013:455, point 158).

258    En l’espèce, premièrement, il convient de relever que, dans la partie de la décision de 2013 intitulée « Description des faits », la Commission explicite, notamment aux considérants 43, 45, 46, 49, 50, 54, 56, 59, 60, 62 et 64, comment Icap aurait « facilité » les infractions en cause imputées aux banques participant à la procédure de transaction.

259    Force est de constater que ces passages, s’ils figurent dans la partie de la décision de 2013 relative au rappel des faits et ne comprennent pas en tant que tels une qualification juridique au regard de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, font néanmoins ressortir de manière particulièrement nette la position de la Commission quant à la participation d’Icap aux comportements infractionnels retenus à l’égard des banques concernées. À cet égard, la lecture du considérant 45 de ladite décision est particulièrement révélatrice de l’existence d’une position arrêtée de la Commission sur cette question, dès lors qu’elle y énonce ce qui suit :

« […] Icap a tenté d’influer sur sa soumission de taux JPY LIBOR en l’orientant dans la direction souhaitée par le trader d’UBS ; […] à certaines occasions, en communiquant des informations trompeuses à certaines banques du panel via des bulletins […], présentés comme des “prédictions” ou des “perspectives” quant au niveau auquel les taux JPY LIBOR seraient fixés [ ; c]es informations trompeuses avaient pour but d’influencer certaines banques du panel qui ne participaient pas aux infractions afin qu’elles soumettent des taux JPY LIBOR conformes aux “prédictions” ou “perspectives” ajustées. »

260    Deuxièmement, si le considérant 51 de la décision de 2013 précise que ladite décision ne concerne pas la qualification juridique du comportement d’Icap, ni sa responsabilité, il demeure que la position de la Commission quant à la qualification juridique du comportement d’Icap ainsi que l’engagement de sa responsabilité au titre des six infractions en cause pouvait aisément être déduite de la lecture de cette décision.

261    En effet, d’une part, au considérant 69 de la décision de 2013, la Commission reprend le contenu du point 130 de l’arrêt du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission (T‑99/04, EU:T:2008:256), auquel elle renvoie, dans lequel le Tribunal a explicité les conditions d’engagement de la responsabilité d’une entreprise au titre de ce qu’elle qualifie de « facilitation » d’une infraction. D’autre part, ladite décision se réfère, notamment, dans l’intitulé de ses points 4.1.2.1, 4.1.2.3, 4.1.2.4 et 4.1.3, à la « facilitation » des infractions concernées par Icap.

262    Troisièmement, il convient de relever que la décision de 2013 constitue une décision définitive, « mettant fin à l’action » au sens de la jurisprudence citée au point 257 ci-dessus.

263    À cet égard, le parallèle effectué par la Commission lors de l’audience entre l’expression d’une position sur la légalité du comportement d’Icap dans la décision de 2013 avec celle qui pourrait figurer dans une communication des griefs est dépourvu de pertinence. En effet, dans cette seconde configuration, l’entreprise concernée est en mesure de faire valoir utilement sa défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive. Ayant décidé de ne pas participer à la procédure de transaction, les requérantes n’ont pas été en mesure de faire valoir leur point de vue avant l’adoption de ladite décision. De même, la possibilité pour les requérantes d’exercer leurs droits de la défense à l’occasion du recours introduit contre la décision attaquée n’ôte rien au fait que, dans une décision définitive antérieure à cette dernière décision, la Commission avait déjà émis un constat formel sur la participation d’Icap à six infractions à l’article 101 TFUE.

264    Enfin, quatrièmement, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la Commission tirée, en substance, de ce que les références à la participation de tiers peuvent être nécessaires pour l’évaluation de la culpabilité de ceux qui participent à une procédure de transaction. La Commission rappelle que la recherche d’une plus grande rapidité et efficacité constitue l’un des objectifs de la procédure de transaction et en déduit qu’il serait contraire à la réalisation de ces objectifs de permettre à une partie ne souhaitant pas transiger de retarder l’adoption de la décision de transaction à l’égard des autres parties.

265    À cet égard, il convient de rappeler que, si le principe de la présomption d’innocence est inscrit à l’article 48 de la charte des droits fondamentaux, laquelle dispose en application de l’article 6 TUE de la même valeur que les traités, la procédure de transaction trouve son origine dans un règlement adopté par la seule Commission, sur le fondement de l’article 33 du règlement n° 1/2003, à savoir le règlement n° 622/2008, et qu’elle revêt un caractère facultatif tant pour la Commission que pour les entreprises concernées.

266    Partant, les exigences liées au respect du principe de la présomption d’innocence ne sauraient être altérées par des considérations liées à la préservation des objectifs de rapidité et d’efficacité de la procédure de transaction, aussi louables soient-ils. C’est, au contraire, à la Commission qu’il appartient d’appliquer sa procédure de transaction d’une manière qui soit compatible avec les exigences de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux.

267    Certes, ainsi que le Tribunal l’a rappelé dans son arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission (T‑456/10, EU:T:2015:296, point 71), lorsque la transaction n’implique pas tous les participants à une infraction, la Commission est en droit d’adopter, d’une part, à la suite d’une procédure simplifiée, une décision ayant pour destinataires les participants à l’infraction ayant décidé de transiger et reflétant pour chacun d’entre eux leur engagement et, d’autre part, selon une procédure ordinaire, une décision adressée aux participants à l’infraction ayant décidé de ne pas transiger.

268    Toutefois, la mise en œuvre d’une telle procédure de transaction « hybride » doit se faire dans le respect de la présomption d’innocence de l’entreprise qui a décidé de ne pas transiger. Partant, dans les circonstances où la Commission estime qu’elle n’est pas en mesure de se prononcer sur la responsabilité des entreprises participant à la transaction sans se prononcer également sur la participation à l’infraction de l’entreprise qui a décidé de ne pas transiger, il lui appartient de prendre les mesures nécessaires – dont l’éventuelle adoption à une même date des décisions portant sur l’ensemble des entreprises concernées par le cartel, ainsi qu’elle l’a fait dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission (T‑456/10, EU:T:2015:296) – permettant de préserver ladite présomption d’innocence.

269    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la Commission a violé la présomption d’innocence d’Icap à l’occasion de l’adoption de la décision de 2013. Il y a, certes, lieu de constater que cette violation de sa présomption d’innocence à l’occasion de l’adoption de la décision de 2013 ne peut avoir une incidence directe sur la légalité de la décision attaquée, compte tenu du caractère distinct et autonome des procédures ayant donné lieu à ces deux décisions.

270    Toutefois, il convient de vérifier si une telle constatation par la Commission de la participation d’Icap aux infractions en cause préalablement à la décision attaquée est susceptible de l’entacher d’un défaut d’impartialité objective de sa part et, partant, d’une violation du principe de bonne administration figurant à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, ainsi que les requérantes le soutiennent dans le cadre de leur second grief.

271    En application d’une jurisprudence constante, la Commission est tenue de respecter au cours d’une procédure administrative en matière d’ententes le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154 et jurisprudence citée).

272    Aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

273    Seule la notion d’impartialité objective fait l’objet du présent moyen. Les requérantes soutiennent, en substance, que des doutes légitimes existent concernant l’impartialité objective de la Commission, dès lors qu’elle devait se prononcer sur le bien-fondé de ses propres appréciations.

274    Force est cependant de constater qu’un tel grief ne saurait en lui-même, dans les circonstances de l’espèce, entraîner l’annulation de la décision attaquée. En effet, il convient de relever que la Commission n’a exercé aucune marge d’appréciation à l’occasion de la qualification des infractions en cause ou de l’examen de la participation d’Icap qui aurait pu être viciée par un défaut d’impartialité objective, ainsi qu’en atteste le contrôle entier appliqué par le Tribunal dans le cadre de l’examen des premier, deuxième et troisième moyens.

275    À cet égard, il convient de relever que les critiques des requérantes portaient sur le bien-fondé de la qualification d’infractions par objet retenue par la Commission (premier moyen) ainsi que des constatations de la participation d’Icap auxdites infractions (deuxième et troisième moyens).

276    En ce qui concerne, premièrement, la participation d’Icap aux infractions en cause, le point de savoir si un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission a pu avoir une incidence sur la légalité de la décision attaquée se confond avec la question de savoir si les constatations opérées dans ladite décision sont dûment étayées par les éléments de preuve que la Commission a produits (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 270, et du 16 juin 2011, Bavaria/Commission, T‑235/07, EU:T:2011:283, point 226), étudiée dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième moyens.

277    Ainsi, à supposer qu’un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission ait pu l’amener à constater à tort la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2008 ou pour certaines périodes des infractions UBS/RBS de 2007, Citi/RBS, Citi/DB et Citi/UBS, il convient de relever que la décision attaquée encourt déjà l’annulation à cet égard.

278    S’agissant des autres constatations opérées dans la décision attaquée, l’irrégularité tenant à un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission ne pourrait entraîner l’annulation de ladite décision que s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, cette décision aurait eu un contenu différent (arrêt du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 283). Or, en l’espèce, dans le cadre de l’exercice d’un contrôle entier des motifs pertinents de cette décision, il a été constaté que, à l’exception des aspects mentionnés au point 277 ci-dessus, la Commission avait établi à suffisance de droit la participation d’Icap à cinq des six infractions en cause.

279    En ce qui concerne, deuxièmement, la qualification d’infractions par objet retenue dans la décision attaquée, il y a lieu, pareillement, de conclure que l’irrégularité tenant à un éventuel défaut d’impartialité objective de la Commission n’a pas pu avoir une incidence sur le contenu de ladite décision, dès lors que, en réponse au premier moyen, il a été conclu que l’application d’une telle qualification aux infractions en cause n’était entachée d’aucune erreur de droit ou d’appréciation.

280    Il convient, partant, de rejeter le quatrième moyen.

5.      Sur le cinquième moyen, portant sur la détermination du montant des amendes

281    Par le présent moyen, les requérantes contestent le montant des amendes dont le paiement leur a été infligé. Dans ce cadre, elles avancent plusieurs griefs dont celui d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

282    Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord ce dernier grief.

283    Les requérantes soutiennent que la Commission était liée par ses lignes directrices de 2006 et que l’application du paragraphe 37 desdites lignes directrices impliquait qu’elle justifie les raisons pour lesquelles elle s’écarte de sa méthodologie générale. Elles estiment que la décision attaquée ne contient pas de justification appropriée à cet égard et que les amendes auraient dû être déterminées sur la base des commissions de courtage perçues par Icap. Elles ajoutent que la Commission ne fournit pas non plus de motivation suffisante s’agissant de la détermination du montant des amendes infligées. Elles considèrent que la méthodologie explicitée par la Commission dans ses écritures ou au cours d’une réunion s’étant tenue lors de la procédure administrative revêt un caractère trop complexe, arbitraire et inadapté.

284    La Commission rétorque, en réponse à l’allégation tirée d’une insuffisance de motivation du choix de ne pas calculer l’amende sur la base des frais de courtage, que ses raisons sont clairement explicitées au considérant 287 de la décision attaquée.

285    En ce qui concerne l’allégation d’une insuffisance de motivation quant à la méthode de calcul des amendes appliquée, la Commission observe que les requérantes, au cours de la procédure administrative, ont été informées de la méthode qui serait appliquée. Elle ajoute que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit, dès lors qu’il est fait référence à la gravité, à la durée ainsi qu’à la nature de la participation d’Icap aux infractions en cause. Tout en soulignant ne pas y être tenue, elle fournit dans ses écritures des explications additionnelles quant à la méthodologie qu’elle a suivie dans ladite décision.

286    Il convient de rappeler que, au point 9.3 de la décision attaquée, relative au calcul du montant des amendes, la Commission a, premièrement, souligné avoir fait application du paragraphe 37 de ses lignes directrices de 2006, lequel précise que les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier qu’elle s’écarte de la méthodologie figurant dans lesdites lignes directrices (considérants 286 à 288). Deuxièmement, elle y a précisé avoir appliqué une réduction appropriée à l’occasion de la détermination du montant de base de l’amende pour les infractions Citi/UBS et Citi/DB, pour lesquelles elle suppose qu’Icap a adopté le même comportement, aux fins d’éviter un niveau de sanctions disproportionné, sans fournir de précision sur le niveau de ladite réduction (considérant 289). Troisièmement, en ce qui concerne la détermination du montant de base de l’amende, elle a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée des infractions en cause ainsi que la nature de la participation d’Icap, sans fournir d’explications quant à l’incidence de ces éléments sur les montants de base retenus (considérants 290 à 296). Quatrièmement, en ce qui concerne la détermination du montant final des amendes, en l’absence de circonstances aggravantes ou atténuantes ou de dépassement du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, il a été fixé au même niveau que le montant de base (considérants 297 à 300).

287    Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Dans cette perspective, la motivation exigée doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 146 à 148 et jurisprudence citée ; du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, points 114 et 115, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 44).

288    En outre, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150 ; du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 116, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 45).

289    Lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices de 2006, par lesquelles elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant, comme en l’espèce, sur le paragraphe 37 de ces lignes directrices, ces exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur (arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 48). À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante ayant reconnu que les lignes directrices énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 53, et du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 60 et jurisprudence citée). Cette motivation doit être d’autant plus précise que le paragraphe 37 des lignes directrices se limite à une référence vague aux « particularités d’une affaire donnée » et laisse donc une large marge d’appréciation à la Commission pour procéder à une adaptation exceptionnelle des montants de base des amendes des entreprises concernées. En effet, dans un tel cas, le respect par la Commission des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, dont l’obligation de motivation, revêt une importance d’autant plus fondamentale (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

290    La jurisprudence a encore précisé que la motivation devait donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 149 ; du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 74, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 46).

291    À l’égard d’une décision infligeant une amende, la Commission est tenue de fournir une motivation, notamment quant au montant de l’amende infligée et quant à la méthode choisie à cet égard (arrêt du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, EU:T:2006:270, point 91). Il lui appartient d’indiquer, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende (arrêt du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, EU:T:2011:362, point 243). Elle doit néanmoins expliquer la pondération et l’évaluation qu’elle a faites des éléments pris en considération (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 61).

292    En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que les raisons pour lesquelles la Commission a décidé de s’écarter de la méthodologie figurant dans les lignes directrices de 2006, en faisant application de leur paragraphe 37, peuvent être déduites de la lecture du considérant 287 de la décision attaquée. Elles résultent de la circonstance qu’Icap n’était pas active sur le marché des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais et que, partant, la prise en compte de la valeur des ventes, à savoir les frais de courtage perçus, ne permettrait pas de refléter la gravité et la nature des infractions en cause.

293    En second lieu, force est toutefois de constater que le considérant 287 de la décision attaquée ne fournit pas de précisions quant à la méthode alternative privilégiée par la Commission, mais se contente de l’assurance générale de ce que les montants de base reflèteraient la gravité, la durée et la nature de la participation d’Icap aux infractions en cause ainsi que la nécessité de garantir que les amendes ont un effet suffisamment dissuasif.

294    Rédigé de la sorte, le considérant 287 de la décision attaquée ne permet ni aux requérantes de comprendre le bien-fondé de la méthodologie privilégiée par la Commission ni au Tribunal de vérifier celui-ci. Cette insuffisance de motivation se retrouve également aux considérants 290 à 296 de ladite décision, lesquels ne fournissent pas les informations minimales qui auraient pu permettre de comprendre et de vérifier la pertinence et la pondération des éléments pris en considération par la Commission dans la détermination du montant de base des amendes, cela en violation de la jurisprudence citée au point 291 ci-dessus.

295    Il ressort des écritures des parties que la question de la méthodologie que la Commission envisageait d’utiliser aux fins de calculer le montant des amendes aurait été abordée au cours d’une discussion avec les représentants des requérantes, durant la procédure administrative. Si, en application de la jurisprudence citée au point 288 ci-dessus, la motivation d’un acte attaqué doit être examinée en prenant en compte son contexte, il ne saurait être considéré que la tenue de telles discussions exploratoires et informelles peut dispenser la Commission de son obligation d’expliciter, dans la décision attaquée, la méthodologie qu’elle a appliquée aux fins de déterminer les montants des amendes infligées.

296    Au point 176 du mémoire en défense, la Commission met en exergue l’existence d’un test en cinq étapes destiné à calculer le montant de base des amendes. Toutefois, en application de la jurisprudence citée au point 290 ci-dessus, une telle explicitation fournie au stade de la procédure devant le Tribunal ne peut être prise en compte aux fins d’apprécier le respect par la Commission de son obligation de motivation.

297    Au vu de ce qui précède, il convient de constater que, en ce qui concerne la détermination des amendes infligées à Icap pour les infractions en cause, la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation.

298    Le cinquième moyen doit, partant, être accueilli et l’article 2 de la décision attaquée doit être annulé dans son entièreté, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs de ce moyen ni ceux du sixième moyen, lequel porte exclusivement sur la légalité dudit article.

299    En outre, dans la mesure où l’article 2 de la décision attaquée est annulé dans son entièreté, il n’est pas nécessaire d’examiner les conclusions en réformation, présentées à titre subsidiaire par les requérantes.

 Sur les dépens

300    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

301    En l’espèce, les requérantes ont obtenu satisfaction pour une partie substantielle de leurs conclusions. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens et trois quarts de ceux des requérantes.

302    Enfin, pour autant que les requérantes demandent la condamnation de la Commission aux dépens et « autres frais exposés dans le cadre du présent litige », il convient de rappeler que, en application de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, sous a), de la décision C(2015) 432 final de la Commission européenne, du 4 février 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39861 – Produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens), est annulé en ce qu’il vise la période postérieure au 22 août 2007.

2)      L’article 1er, sous b), de la décision C(2015) 432 final est annulé.

3)      L’article 1er, sous d), de la décision C(2015) 432 final est annulé en ce qu’il vise la période allant du 5 mars au 27 avril 2010.

4)      L’article 1er, sous e), de la décision C(2015) 432 final est annulé en ce qu’il vise la période antérieure au 18 mai 2010.

5)      L’article 1e, sous f), de la décision C(2015) 432 final est annulé en ce qu’il vise la période antérieure au 18 mai 2010.

6)      L’article 2 de la décision C(2015) 432 final est annulé.

7)      Le recours est rejeté pour le surplus.

8)      Icap plc, Icap Management Services Ltd et Icap New Zealand Ltd sont condamnées à supporter un quart de leurs propres dépens.

9)      La Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les trois quarts des dépens d’Icap, d’Icap Management Services et d’Icap New Zealand.

Prek

Buttigieg

Schalin

Berke

 

      Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2017.

Signatures

Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative à l’origine de la décision attaquée

B. Décision attaquée

1. Produits en cause

2. Comportements reprochés à Icap

3. Calcul de l’amende

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité d’un document et d’un chef de conclusions

1. Sur la recevabilité du quatrième chef de conclusions des requérantes

2. Sur la contestation de la recevabilité d’un courrier des requérantes

B. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré des erreurs dans l’interprétation et l’application de la notion de restriction ou de distorsion de concurrence « par objet » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs dans l’application de la notion de « facilitation » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de la jurisprudence

a) Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance par la Commission des critères jurisprudentiels de la « facilitation »

1) Sur le premier grief, relatif à l’absence de démonstration de la connaissance par Icap de l’existence d’une collusion entre les banques concernées dans le cadre de certaines des six infractions en cause

i) Sur la preuve par la Commission de la connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2007

ii) Sur la preuve par la Commission de la connaissance par Icap du rôle joué par RBS dans l’infraction UBS/RBS de 2008

iii) Sur la preuve de la connaissance par Icap du rôle joué par DB et UBS dans les infractions Citi/DB et Citi/UBS

2) Sur le troisième grief, contestant la contribution d’Icap aux objectifs communs des banques concernées

3) Sur le deuxième grief, contestant l’existence d’une intention de la part d’Icap de contribuer à la réalisation des objectifs communs aux banques concernées

b) Sur la troisième branche, tirée du caractère erroné des motifs de la décision attaquée relatifs à l’utilisation par Icap de ses contacts aux fins d’influencer les soumissions de certaines banques

c) Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de sécurité juridique

3. Sur le troisième moyen, tiré du caractère erroné de la durée des infractions en cause

a) Sur la durée de la participation d’Icap à l’infraction UBS/RBS de 2007

b) Sur la durée de la participation d’Icap à l’infraction Citi/RBS

c) Sur la durée de la participation d’Icap aux infractions Citi/DB et Citi/UBS

d) Sur la durée de la participation d’Icap à l’infraction UBS/DB

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de la présomption d’innocence et de bonne administration

5. Sur le cinquième moyen, portant sur la détermination du montant des amendes

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.