Language of document : ECLI:EU:C:2006:32

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

12 janvier 2006 (*)

«Manquement d’État – Règlement (CE) nº 659/1999 – Aides d’État dans le secteur agricole – Présentation des rapports annuels durant les années 2000 et 2001 – Lignes directrices pour l’examen des aides nationales»

Dans l’affaire C-69/05,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 11 février 2005,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Grand-Duché de Luxembourg, représenté par M. S. Schreiner, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. G. Arestis (rapporteur) et J. Klučka, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1       Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ne communiquant pas, avant le 1er juillet 2001 et au plus tard avant le 30 juin 2002, les rapports annuels sur tous les régimes d’aides d’État existant dans le secteur agricole durant les années 2000 et 2001, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 88, paragraphe 1, CE et 21, du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1, ci-après le «règlement»), tels que mis en œuvre par la communication de la Commission intitulée «Lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole», publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 1er février 2000 (JO C 28, p. 2, ci-après les «lignes directrices»).

2       L’article 88, paragraphe 1, CE prévoit que la Commission procède à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans les États membres et propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

3       Selon l’article 21, paragraphe 1, du règlement, les États membres communiquent à la Commission des rapports annuels sur tous les régimes d’aides existants qui ne sont pas soumis à une obligation spécifique de présentation de rapports par une décision conditionnelle. La présentation de ces rapports dans le secteur agricole est régie par les lignes directrices.

4       Conformément au point 23.2.4 sous a) desdites lignes directrices, un rapport portant sur tous les régimes d’aides à ce secteur dans l’État membre concerné devra être présenté pour la première fois à la Commission avant le 1er juillet 2001 et ultérieurement, au plus tard le 30 juin de chaque année.

5       En vertu du point 23.4 de ces mêmes lignes directrices, la Commission invite les États membres à confirmer par écrit, au plus tard le 1er mars 2000, qu’ils acceptent ces propositions de mesures utiles et présume qu’un État membre les accepte s’il ne donne pas sa confirmation, à moins que ce dernier ne communique expressément son désaccord par écrit. En l’espèce, le Grand-Duché de Luxembourg n’a jamais contesté par écrit les mesures utiles contenues dans lesdites lignes directrices.

6       Considérant que les rapports annuels susmentionnés ne lui avaient pas été transmis, la Commission a engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE. Après avoir mis le Grand-Duché de Luxembourg en demeure de présenter ses observations, la Commission a, le 9 juillet 2004, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

7       La réponse du 30 août 2004 des autorités luxembourgeoises à cet avis ayant fait apparaître que lesdits rapports n’étaient pas finalisés ni transmis à la Commission, celle-ci a décidé d’introduire le présent recours.

8       Le Grand-Duché de Luxembourg ne conteste pas le manquement qui lui est reproché. Il indique toutefois que le retard dans la transmission des rapports annuels est dû à des changements itératifs au niveau de l’organisation du personnel ainsi qu’à un manque de ressources humaines du ministère compétent. Par ailleurs, cet État membre souligne la priorité absolue accordée à la finalisation de ces rapports et invite la Cour à rejeter le recours ou, tout au moins, à suspendre la procédure dans l’attente d’un désistement de la Commission.

9       Il convient de relever tout d’abord que la Cour a reconnu le caractère contraignant des lignes directrices en matière d’aides d’État qui ont été acceptées par un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 1996, Ijssel-Vliet, C-311/94, Rec. p. I-5023, point 42).

10     Ensuite, il suffit de rappeler qu’un État membre ne saurait exciper de situations internes pour justifier le non-respect des obligations et délais résultant du droit communautaire (voir, notamment, arrêt du 27 novembre 1990, Commission/Italie, C‑209/88, Rec. p. I‑4313, point 11).

11     Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2003, Commission/Espagne, C‑333/01, Rec. p. I‑2623, point 8, et du 1er avril 2004, Commission/Luxembourg, C‑375/03, Rec. p. I‑3557, point 7).

12     Or, en l’espèce, il est constant que, à l’expiration du délai prescrit dans l’avis motivé, le Grand-Duché de Luxembourg n’avait pas communiqué les rapports annuels.

13     Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours introduit par la Commission comme fondé.

14     En outre, la seule constatation du manquement s’oppose à ce qu’il soit fait droit à la demande des autorités luxembourgeoises, tendant à ce que la procédure soit suspendue dans l’attente d’un hypothétique désistement de la Commission (voir, notamment, arrêt du 19 février 2002, Commission/Luxembourg, C‑366/00, Rec. p. I‑1749, point 12).

15     Il résulte de ce qui précède que, en ne communiquant pas, avant le 1er juillet 2001 et au plus tard avant le 30 juin 2002, les rapports annuels sur tous les régimes d’aides d’État existant dans le secteur agricole durant les années 2000 et 2001, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 88, paragraphe 1, CE et 21, paragraphe 1, du règlement, tels que mis en œuvre par les lignes directrices.

 Sur les dépens

16     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Grand-Duché de Luxembourg et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      En ne communiquant pas, avant le 1er juillet 2001 et au plus tard avant le 30 juin 2002, les rapports annuels sur tous les régimes d’aides d’État existant dans le secteur agricole durant les années 2000 et 2001, le Grand-Duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 88, paragraphe 1, CE et 21, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE], tels que mis en œuvre par la communication de la Commission intitulée «Lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole», publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 1er février 2000.

2)      Le Grand-Duché de Luxembourg est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.