Language of document : ECLI:EU:C:2020:739

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 17 septembre 2020 (1) (i)

Affaire C710/19

G. M. A.

contre

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Article 45 TFUE – Demandeurs d’emploi – Droit de séjourner pour rechercher un emploi – Durée du séjour – Délai raisonnable accordé au demandeur d’emploi pour prendre connaissance des offres d’emploi pouvant lui convenir et pour prendre les mesures lui permettant d’être embauché – Obligations de l’État membre d’accueil – Obligation du demandeur d’emploi – Directive 2004/38/CE – Article 14, paragraphe 4, sous b) – Maintien du droit de séjour – Conditions – Articles 15 et 31 – Garanties procédurales – Pouvoirs d’une juridiction nationale dans le cadre de l’examen d’un recours en annulation contre une décision qui refuse la reconnaissance d’un droit de séjour de plus de trois mois à un citoyen de l’Union à la recherche d’un emploi »






I.      Introduction

1.        Les demandeurs d’emploi exercent leur droit de libre circulation simultanément sur le fondement des articles 45 et 21 TFUE (2) : un citoyen de l’Union européenne demandeur d’emploi est un travailleur au sens de l’article 45 TFUE. Les demandeurs d’emploi se trouvent donc au point où convergent le marché intérieur et la citoyenneté de l’Union.

2.        C’est dans ce cadre que j’examinerai le présent renvoi préjudiciel, qui a été adressé à la Cour par le Conseil d’État (Belgique) et porte sur l’interprétation de l’article 45 TFUE et de la directive 2004/38/CE (3), notamment l’article 14, paragraphe 4, sous b), et les articles 15 et 31 de celle-ci.

3.        La présente affaire s’inscrit dans le contexte d’une demande introduite par un ressortissant grec afin d’obtenir un droit de séjour de plus de trois mois en qualité de demandeur d’emploi, ayant fait l’objet d’une décision de refus avec ordre de quitter le territoire de l’autorité belge compétente.

4.        Les questions posées par la juridiction de renvoi dans cette affaire portent, en substance, d’une part, sur l’étendue des droits et des obligations des demandeurs d’emploi, notamment en matière de charge de la preuve, dans le cadre de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 et, d’autre part, sur le point de savoir si les États membres sont tenus d’accorder à ces personnes, aux fins de rechercher un emploi, un délai raisonnable, qui ne peut pas être inférieur à six mois. Ces questions offrent à la Cour l’occasion de préciser la portée des garanties procédurales prévues par la directive 2004/38 pour les demandeurs d’emploi ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

5.        L’article 6 de la directive 2004/38, intitulé « Droit de séjour jusqu’à trois mois », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité. »

6.        L’article 14 de cette directive, intitulé « Maintien du droit de séjour », dispose, à son paragraphe 4, sous b) :

« À titre de dérogation aux dispositions des paragraphes 1 et 2 et sans préjudice des dispositions du chapitre VI, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement lorsque :

[…]

b)      les citoyens de l’Union concernés sont entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi. Dans ce cas, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent être éloignés tant que les citoyens de l’Union sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à chercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés. »

7.        L’article 15 de ladite directive, intitulé « Garanties procédurales », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les procédures prévues aux articles 30 et 31 s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. »

8.        L’article 31 de la même directive, intitulé « Garanties procédurales », dispose à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1. Les personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision prise à leur encontre pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

[…]

3. Les procédures de recours permettent un examen de la légalité de la décision ainsi que des faits et circonstances justifiant la mesure envisagée. Elles font également en sorte que la décision ne soit pas disproportionnée, notamment par rapport aux exigences posées par l’article 28. »

B.      Le droit belge

9.        L’article 39/2, paragraphe 2, de la loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers du 15 décembre 1980 (4) (ci-après la « loi du 15 décembre 1980 ») prévoit :

« Le Conseil [du contentieux des étrangers] statue en annulation, par voie d’arrêts, sur les autres recours pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir. »

10.      Aux termes de l’article 40, paragraphe 4, point 1º, de cette loi :

« § 4. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner dans le Royaume pour une période de plus de trois mois s’il remplit la condition prévue à l’article 41, alinéa 1er [,] et :

1º s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans le Royaume ou s’il entre dans le Royaume pour chercher un emploi, tant qu’il est en mesure de faire la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances réelles d’être engagé ».

11.      Aux termes de l’article 50, paragraphe 1 et paragraphe 2, point 3º, sous a) et b), de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (5) (ci-après l’« arrêté royal du 8 octobre 1981 ») :

« § 1. Le citoyen de l’Union qui envisage de séjourner plus de trois mois sur le territoire du Royaume et qui prouve avoir sa citoyenneté conformément à l’article 41, alinéa 1er, de la loi [du 15 décembre 1980], introduit une demande d’attestation d’enregistrement auprès de l’administration communale du lieu où il réside au moyen d’un document conforme au modèle figurant à l’annexe 19.

[…]

§ 2. Lors de la demande ou au plus tard dans les trois mois après la demande, le citoyen de l’Union, selon le cas, doit produire les documents suivants :

[…]

3º demandeur d’emploi :

a) une inscription auprès du service de l’emploi compétent ou copie de lettres de candidature ; et

b) la preuve d’avoir une chance réelle d’être engagé compte tenu de la situation personnelle de l’intéressé, notamment les diplômes qu’il a obtenus, les éventuelles formations professionnelles qu’il a suivies ou prévues et la durée de la période de chômage ».

III. Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

12.      Le 27 octobre 2015, G. M. A., ressortissant grec, a introduit une demande d’attestation d’enregistrement en Belgique afin d’obtenir un droit de séjour de plus de trois mois dans cet État membre en qualité de demandeur d’emploi.

13.      Le 18 mars 2016, cette demande a été rejetée par décision de l’Office des étrangers de Belgique (ci-après « l’Office »), au motif que G. M. A. ne remplissait pas les conditions requises par la législation belge pour bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois (ci-après la « décision litigieuse »). En effet, selon l’Office, d’une part, la documentation produite par G. M. A. ne laissait pas supposer que celui‑ci avait une chance réelle d’être engagé et, d’autre part, G. M. A. n’avait pas encore effectué de prestations salariées en Belgique depuis sa demande d’attestation d’enregistrement. Par conséquent, les autorités belges ont enjoint à G. M. A. de quitter le territoire belge dans les 30 jours suivants la décision litigieuse.

14.      Par arrêt du 28 juin 2018, le Conseil du contentieux des étrangers (CCE), juridiction compétente pour examiner en première instance la légalité des décisions de l’Office, a rejeté le recours introduit par G. M. A. à l’encontre de la décision litigieuse.

15.      G. M. A. s’est alors pourvu en cassation devant la juridiction de renvoi. Il a fait valoir, en premier lieu, qu’il découle de l’article 45 TFUE et de l’arrêt Antonissen (6), premièrement, que les États membres ont l’obligation d’accorder un « délai raisonnable » aux chercheurs d’emploi provenant d’un autre État membre, afin de permettre à ces personnes de prendre connaissance, dans l’État membre d’accueil, des offres d’emploi susceptibles de leur convenir et de prendre les mesures nécessaires pour être engagées ; deuxièmement, que ce délai ne peut en aucun cas être inférieur à six mois et, troisièmement, que l’État membre d’accueil doit autoriser la présence sur son territoire d’un chercheur d’emploi pendant toute la durée de ce délai sans exiger de celui‑ci qu’il apporte la preuve d’avoir une chance réelle d’être engagé. Selon G. M. A., il ressort également d’une lecture conjointe de l’article 7, paragraphe 3, et des articles 11 et 16 de la directive 2004/38 qu’un délai inférieur à six mois ne saurait être considéré comme « raisonnable ».

16.      En second lieu, G. M. A. a fait valoir que, postérieurement à l’adoption de la décision litigieuse, à savoir le 6 avril 2016, il avait été engagé par le Parlement européen en tant que stagiaire. Cette circonstance aurait démontré que G. M. A. disposait de chances réelles d’être engagé et qu’il aurait donc pu bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois. Dès lors, en ne prenant pas en considération son engagement, le CCE aurait violé les articles 15 et 31 de la directive 2004/38, ainsi que les articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). En effet, il ressortirait de ces dispositions que les juridictions compétentes pour contrôler la légalité d’une décision administrative portant sur le droit de séjour d’un citoyen de l’Union doivent procéder à un examen exhaustif de toutes les circonstances pertinentes et prendre en considération tous les éléments de fait qui sont portés à leur attention, même si ces éléments sont postérieurs à la décision en cause.

17.      Eu égard à ces considérations, G. M. A. fait valoir que le CCE aurait dû écarter les règles de procédure nationales ayant transposé incorrectement les articles 15 et 31 de la directive 2004/38, à savoir l’article 39/2, paragraphe 2, de la loi du 15 décembre 1980, sur le fondement desquels le CCE n’a pas tenu compte de l’engagement en tant que stagiaire postérieur à la décision litigieuse.

18.      La juridiction de renvoi considère que la solution du litige au principal dépend de la manière dont la Cour interprétera les dispositions du droit de l’Union en cause au principal. En effet, si l’article 45 TFUE ou les articles 41 et 47 de la Charte ainsi que les articles 15 et 31 de la directive 2004/38 devaient être interprétés dans le sens préconisé par G. M. A., celui-ci devrait bénéficier d’un droit de séjour de plus de trois mois.

19.      C’est dans ces conditions que le Conseil d’État (Belgique) a, par décision du 12 septembre 2019, parvenue au greffe de la Cour le 25 septembre 2019, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 45 [TFUE] doit-il être interprété et appliqué en ce sens que l’État membre d’accueil a l’obligation, premièrement, d’accorder un délai raisonnable à un chercheur d’emploi en vue de lui permettre de prendre connaissance des offres d’emploi susceptibles de lui convenir et de prendre les mesures nécessaires aux fins d’être engagé, deuxièmement, d’admettre que le délai pour effectuer la recherche d’un emploi ne peut en aucun cas être inférieur à six mois et, troisièmement, d’autoriser la présence sur son territoire d’un chercheur d’emploi pendant toute la durée de ce délai, sans exiger de celui-ci qu’il apporte la preuve d’avoir une chance réelle d’être engagé ?

2)      Les articles 15 et 31 de la directive [2004/38] et les articles 41 et 47 de la [Charte] ainsi que les principes généraux de primauté du droit de l’Union et de l’effet utile des directives doivent-ils être interprétés en ce sens que les juridictions nationales de l’État membre d’accueil ont l’obligation, dans le cadre de l’examen d’un recours en annulation contre une décision qui refuse la reconnaissance d’un droit de séjour de plus de trois mois d’un citoyen de l’Union, de prendre en compte de nouveaux éléments intervenus postérieurement à la décision prise par les autorités nationales lorsque ceux-ci sont susceptibles d’opérer une modification de la situation de la personne concernée qui n’autoriserait plus une limitation des droits de séjour de celle-ci dans l’État membre d’accueil ? »

20.      Des observations écrites ont été déposées par G. M. A., les gouvernements belge, danois, polonais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission européenne. La Cour a décidé de ne pas tenir d’audience, estimant être suffisamment informée pour statuer.

IV.    Analyse

A.      Sur la persistance du litige au principal

21.      Je dois rappeler que la Cour a déjà jugé qu’il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt de la Cour rendu à titre préjudiciel. Partant, la Cour est susceptible de vérifier d’office la persistance du litige au principal (7).

22.      En l’occurrence, le litige au principal porte sur le rejet d’une demande d’attestation d’enregistrement en Belgique en qualité de demandeur d’emploi introduite le 27 octobre 2015 par G. M. A. dont l’objet était d’obtenir un droit de séjour de plus de trois mois dans cet État membre, le Conseil d’État (Belgique) ayant été saisi d’un pourvoi contre l’arrêt du CCE du 28 juin 2019, par lequel celui-ci avait rejeté le recours formé par l’intéressé contre la décision litigieuse.

23.      Or, il ressort de la décision de renvoi ainsi que des observations de la Commission que, à la suite d’une nouvelle demande introduite par G. M. A. le 25 avril 2016, une attestation d’enregistrement lui a été délivrée par la Commune de Schaerbeek (Belgique) le 6 mai 2017 et que, depuis le 24 novembre 2016, G. M. A. est titulaire d’une carte E valide jusqu’au 7 juillet 2021.

24.      La Commission considère, par conséquent, qu’il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question préjudicielle, en raison de la disparition de l’objet de la demande d’enregistrement en qualité de demandeur d’emploi de G. M. A.

25.      Toutefois, la juridiction de renvoi estime que l’intérêt à la cassation existe encore, eu égard, en substance, à la possibilité d’obtenir un droit de séjour permanent de manière plus rapide en cas d’annulation de la décision litigieuse. En effet, si tel était le cas, la période de séjour ininterrompue de cinq ans prévu à l’article 16 de la directive 2004/38 nécessaire pour obtenir ce droit de séjour commencerait à courir à partir de la date à laquelle a été introduite la demande d’attestation d’enregistrement en Belgique, soit le 27 octobre 2015.

26.      Je considère donc que le litige au principal est toujours pendant devant la juridiction de renvoi et qu’une réponse de la Cour à la seconde question préjudicielle posée demeure utile pour la solution de ce litige.

B.      Sur la première question préjudicielle

1.      Remarques liminaires sur la portée de la première question préjudicielle

27.      Je rappelle d’emblée qu’il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, il appartient à cette dernière de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (8).

28.      À cet égard, la première question préjudicielle vise certes l’interprétation de l’article 45 TFUE. Toutefois, en vue de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi et compte tenu des éléments figurant dans sa décision, il convient de comprendre cette question en ce sens que, par celle-ci, cette juridiction demande, en substance, si l’article 45 TFUE et l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 doivent être interprétés en ce sens que l’État membre d’accueil est tenu, premièrement, d’accorder un délai raisonnable à un demandeur d’emploi en vue de lui permettre de prendre connaissance des offres d’emploi susceptibles de lui convenir et de prendre les mesures nécessaires aux fins d’être engagé, deuxièmement, de reconnaître que le délai pour effectuer la recherche d’un emploi ne peut en aucun cas être inférieur à six mois et, troisièmement, d’autoriser la présence sur son territoire d’un demandeur d’emploi pendant toute la durée de ce délai sans exiger de celui-ci qu’il apporte la preuve d’avoir une chance réelle d’être engagé.

29.      Pour répondre à cette question, je procéderai à une analyse en deux temps. En premier lieu, j’exposerai la portée du droit de libre circulation des ressortissants d’un État membre à la recherche d’un emploi dans un autre État membre, telle qu’elle résulte de l’article 45 TFUE, interprété par la Cour dans sa jurisprudence, notamment dans l’arrêt Antonissen (9). En second lieu, j’analyserai, eu égard aux circonstances de la présente affaire et dans le cadre de la directive 2004/38, l’étendue des droits conférés aux demandeurs d’emploi par l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, interprété à la lumière des articles 21 et 45 TFUE.

2.      Bref aperçu de la jurisprudence relative au droit de séjour des demandeurs d’emploi : l’arrêt Antonissen

30.      En premier lieu, je rappelle que l’article 45 TFUE dispose que la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union et comporte notamment le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques, de répondre à des emplois effectivement offerts et de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres. Il découle donc de cet article qu’un ressortissant d’un État membre à la recherche d’un emploi a le droit de se déplacer librement sur le territoire d’autres États membres.

31.      En deuxième lieu, s’agissant du droit des ressortissants d’un État membre d’entrer sur le territoire d’un autre État membre et d’y séjourner, aux fins voulues par l’article 45 TFUE, notamment pour y rechercher ou exercer une activité professionnelle, salariée ou indépendante, plusieurs arrêts méritent l’attention, notamment les arrêts Royer (10), Antonissen (11) et Commission/Belgique (12).

32.      C’est dans l’arrêt Royer que le droit de séjour des demandeurs d’emploi a été évoqué pour la première fois par la Cour. Dans cet arrêt, elle a déclaré que ce droit constitue un droit directement conféré par l’article 48 du traité CEE (devenu article 45 TFUE) ou, selon le cas, par les dispositions prises pour la mise en œuvre de cet article (13).

33.      Dans cette ligne jurisprudentielle, l’arrêt Antonissen (14) est particulièrement important, dans la mesure où il porte, comme la présente affaire, sur la question de savoir si la législation d’un État membre peut limiter dans le temps le droit de séjourner des ressortissants d’autres États membres pour rechercher un emploi. Cet arrêt a fait suite à une demande de décision préjudicielle présentée par une juridiction anglaise dans le cadre d’un litige opposant un ressortissant belge aux autorités anglaises au sujet d’une décision de rejet, par ces dernières, d’un recours visant un arrêté d’expulsion.

34.      La Cour a commencé par rappeler que la libre circulation des travailleurs consacrée à l’article 48, paragraphes 1 à 3, du traité CEE (devenu article 45, paragraphes 1 à 3, TFUE) fait partie des fondements de l’Union, que les dispositions qui consacrent cette liberté doivent être interprétées largement et qu’une interprétation stricte de cet article compromettrait les chances réelles d’un ressortissant d’un État membre qui est à la recherche d’un emploi d’en trouver un dans les autres États membres et priverait, dès lors, cette disposition de son effet utile (15). En outre, elle a précisé que l’article 48, paragraphe 3, du traité CEE (devenu article 45, paragraphe 3, TFUE) énonce de façon non limitative certains droits dont bénéficient les ressortissants des États membres dans le cadre de la libre circulation des travailleurs et que cette liberté implique le droit pour ces ressortissants de circuler librement sur le territoire des autres États membres et d’y séjourner aux fins d’y rechercher un emploi (16).

35.      La Cour a ensuite examiné si le droit de séjour que le ressortissant d’un État membre à la recherche d’un emploi dans un autre État membre tire de l’article 48 du traité CEE (devenu article 45 TFUE) pouvait être limité dans le temps. À cet égard, elle a jugé que l’effet utile de cet article est garanti dans la mesure où la législation de l’Union, ou, à défaut de celle‑ci, la législation d’un État membre, accorde aux intéressés un délai raisonnable qui leur permette de prendre connaissance, sur le territoire de l’État membre concerné, des offres d’emploi correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés (17).

36.      Quant à la durée de ce droit de séjour, la Cour a, enfin, écarté la pertinence d’un délai de trois mois (18). Néanmoins, elle a ajouté que, en l’absence de disposition de l’Union fixant un délai pour le séjour des ressortissants d’autres États membres à la recherche d’un emploi dans un État membre, un délai de six mois n’apparaît pas, en principe, comme insuffisant et qu’un tel délai ne met pas en cause l’effet utile du principe de libre circulation. La Cour a toutefois précisé que si, après l’écoulement de ce délai, l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances véritables d’être engagé, il ne saurait être contraint de quitter le territoire de l’État membre d’accueil (19).

37.      En outre, il me semble opportun de rappeler à ce stade que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de « travailleur » au sens de l’article 45 TFUE revêt une portée autonome et ne doit pas être interprétée de manière restrictive (20). En effet, en ce que cette notion définit le champ d’application d’une liberté fondamentale prévue par le traité FUE, elle doit être interprétée de façon extensive (21). Ainsi, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que doit être qualifiée de « travailleur », au sens de l’article 45 TFUE, une « personne à la recherche réelle d’un emploi » (22).

38.      En troisième et dernier lieu, il convient de relever que, après l’introduction de la citoyenneté de l’Union dans les traités, les conditions du maintien du droit de séjour des demandeurs d’emploi établies dans l’arrêt Antonissen (23) ont été réaffirmées par la Cour, notamment dans l’arrêt Commission/Belgique (24) dans lequel elle a jugé qu’un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 48 CE (devenu article 45 TFUE) en obligeant les ressortissants des autres États membres qui cherchent un emploi sur son territoire à quitter automatiquement ce dernier après l’expiration d’un délai de trois mois.

39.      Après l’introduction de la citoyenneté de l’Union dans les traités et l’adoption de la directive 2004/38, les conditions du maintien du droit de séjour des demandeurs d’emploi établies dans l’arrêt Antonissen (25), sur lesquelles la Cour est appelée à se prononcer dans la présente affaire, ont été codifiées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette directive.

40.      C’est à la lumière de ces considérations que je vais maintenant examiner la première question préjudicielle.

3.      L’étendue des droits et des obligations des demandeurs d’emploi dans le cadre de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 interprétée à la lumière des articles 21 et 45 TFUE

41.      À l’heure actuelle, l’article 21 TFUE dispose que tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. Ainsi, s’agissant des demandeurs d’emploi, l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 prévoit qu’un citoyen de l’Union qui entre sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi ne peut en être éloigné tant qu’il est en mesure de faire la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances réelles d’être engagé.

42.      Néanmoins, même si, par cette disposition, le législateur de l’Union a codifié les conditions du maintien du droit de séjour des demandeurs d’emploi établies par la Cour, en reproduisant les termes de l’arrêt Antonissen (26), ladite disposition ne précise pas si l’État membre d’accueil a l’obligation d’accorder à ces demandeurs un délai raisonnable en vue de leur permettre de prendre connaissance des offres d’emploi susceptibles de leur convenir et de prendre les mesures nécessaires aux fins d’être engagés. De plus, il convient de relever que l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 ne fait aucune mention du délai de six mois considéré comme « raisonnable » par la Cour dans cet arrêt.

43.      C’est sur ce dernier point que je vais me pencher à présent. Je souhaite d’ores et déjà indiquer que je rejoins la position de la Commission selon laquelle l’interprétation de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 doit tenir compte du fait que le droit de séjour des demandeurs d’emploi est garanti directement par l’article 45 TFUE, tel qu’interprété par la Cour dans sa jurisprudence.

a)      Sur l’obligation des États membres d’accorder un délai raisonnable

44.      Je relève d’emblée que toutes les parties intervenant au litige ayant soumis des observations partagent la position selon laquelle l’État membre d’accueil est tenu d’accorder un délai raisonnable aux demandeurs d’emploi.

45.      Je partage cet avis. En effet, ainsi que je l’ai relevé, il ressort de l’arrêt Antonissen (27), ainsi que de la jurisprudence ultérieure à celui‑ci (28), que, dans la mesure où la législation de l’Union ne prévoit pas expressément une limitation du droit de séjour des demandeurs d’emploi, les États membres sont tenus, afin de ne pas priver d’effet utile l’article 45 TFUE, d’octroyer un délai raisonnable pour permettre aux intéressés de prendre connaissance, sur le territoire de l’État membre concerné, des offres d’emploi correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés (29).

46.      La question se pose toutefois de savoir si l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, lu à la lumière de l’article 45 TFUE, tel qu’interprété par la Cour dans sa jurisprudence, impose aux États membres d’accorder un délai minimal de six mois à un citoyen de l’Union à la recherche d’un emploi dans l’État membre d’accueil.

b)      Sur l’obligation des États membres d’accorder un délai minimal de six mois et sur celle des demandeurs d’emploi en matière de charge de la preuve pendant la durée de ce délai et après son expiration

47.      Les positions des parties divergent en ce qui concerne l’interprétation du point 21 de l’arrêt Antonissen (30) et, donc, de l’article 45 TFUE, ainsi que de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38. À cet égard, G. M. A. et la Commission soutiennent dans leurs observations écrites que les États membres sont tenus d’accorder un délai minimal de six mois aux demandeurs d’emploi pendant lequel ceux-ci ne seraient pas obligés de prouver qu’ils ont des chances réelles d’être engagés. En revanche, les gouvernements belge, danois et du Royaume-Uni considèrent que le point 21 de cet arrêt ne saurait être interprété comme imposant aux États membres d’octroyer aux demandeurs d’emploi un tel délai minimal et que, pendant toute la durée de celui-ci, le demandeur d’emploi doit prouver qu’il a une chance réelle d’être engagé.

48.      Je ne partage entièrement aucun de ces deux points de vue, et ce pour les raisons que j’exposerai dans les présentes conclusions.

1)      La place de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 dans l’économie de celle-ci : le droit de séjour de plus de trois mois d’un demandeur d’emploi n’est pas soumis aux conditions fixées à l’article 7 de cette directive

49.      En premier lieu, je voudrais rappeler que la directive 2004/38 a été adoptée, notamment, sur le fondement de l’article 40 TCE (devenu article 46 TFUE), qui concernait les mesures visant à réaliser la libre circulation des travailleurs, telle qu’elle était définie à l’article 39 (devenu article 45 TFUE).

50.      En deuxième lieu, je souligne que la directive 2004/38 vise à faciliter l’exercice du droit fondamental et individuel de circulation et de séjour conféré directement aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE et à renforcer ce droit (31).

51.      Eu égard à cet objectif, le législateur de l’Union a instauré un système qui couvre différents types de droits pour différentes catégories de citoyens. Dans le cadre de la présente affaire sont concernés, d’une part, le droit de séjour jusqu’à trois mois prévu à l’article 6 de la directive 2004/38, qui n’est soumis à aucune condition ni à aucune formalité autre que l’obligation de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité (32), et, d’autre part, le droit de séjour de plus de trois mois qui lui, en revanche, est subordonné aux conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38. Ainsi, bien que, conformément à l’article 6 de la directive 2004/38, tous les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, le droit de séjour de plus de trois mois, prévu à l’article 7 de cette directive (33), est reconnu uniquement à certaines catégories de citoyens (actifs, inactifs, étudiants) qui remplissent les conditions énumérées à cet article (être un travailleur salarié ou non salarié, avoir des ressources suffisantes et une assurance maladie complète, poursuivre des études, y compris une formation professionnelle, etc.) (34).

52.      Or, l’article 14 de la directive 2004/38, intitulé « Maintien du droit de séjour », vise, à son paragraphe 4, sous b), une catégorie  de citoyens de l’Union (35) qui n’est nullement mentionnée à l’article 7 de cette directive et qui, en conséquence, n’est pas soumise aux conditions fixées à ce dernier article, à savoir les demandeurs d’emploi qui cherchent, pour la première fois, un travail dans l’État membre d’accueil. En effet, l’article 14, paragraphe 4, de la directive 2004/38 prévoit une situation dérogatoire aux articles 6 et 7, mentionnés à l’article 14, paragraphe 1 et 2. Dans le système de la directive 2004/38, le droit de séjour des demandeurs d’emploi, qui trouve sa source directement dans l’article 45 TFUE, est abordé uniquement à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette directive, qui prévoit le maintien du droit de séjour des citoyens de l’Union à la recherche d’un premier emploi qui remplissent les conditions énoncées à cette disposition.

2)      Les conditions énoncées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38

53.      Les conditions énoncées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 reprennent littéralement  les conditions du droit de séjour fixées par la Cour au point 21 de l’arrêt Antonissen (36), dans lequel celle-ci, après avoir considéré qu’un délai de six mois n’apparaît pas, en principe, comme insuffisant pour permettre aux intéressés de prendre connaissance, dans l’État membre d’accueil, des offres d’emploi correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagés, a déclaré que « [s]i, après l’écoulement du délai en question, l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances véritables d’être engagé, il ne saurait toutefois être contraint de quitter le territoire de l’État membre d’accueil » (37).

54.      À cet égard, je rappelle que, dans l’arrêt Antonissen, la Cour a jugé que les dispositions du droit de l’Union régissant la libre circulation des travailleurs ne font pas obstacle à ce que la législation d’un État membre prévoie qu’un ressortissant d’un autre État membre entré sur son territoire pour y chercher un emploi puisse être contraint, sous réserve d’un recours, de quitter ce territoire s’il n’y a pas trouvé un emploi au bout de six mois, à moins que l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances véritables d’être engagé (38).

55.      À la lecture de l’ensemble du raisonnement suivi par la Cour, le sens à donner aux expressions « si, après l’écoulement du délai en question, l’intéressé apporte la preuve » et « s’il n’y a pas trouvé un emploi au bout de six mois, à moins que l’intéressé apporte la preuve » me semble évident. En effet, il ressort clairement de cet arrêt (39) que si la Cour a précisé les conditions du maintien du droit de séjour supplémentaire, que le législateur de l’Union a, ensuite, codifiées, à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, à savoir que la personne concernée est en mesure de faire la preuve, d’une part, qu’elle continue à chercher un emploi et, d’autre part, qu’elle a des chances réelles d’être engagée, ce n’est que pour la situation où le délai considéré comme « raisonnable », à savoir un délai de six mois, a expiré.

56.      En ce qui concerne la première condition, j’insiste sur le fait que la Cour et, ensuite, le législateur de l’Union ont choisi d’utiliser l’expression « continuer à chercher un emploi ». Il découle clairement du choix de ce verbe que le demandeur d’emploi doit prouver, dans un premier temps, c’est‑à‑dire pendant toute la durée du délai considéré comme « raisonnable », qu’il est effectivement et activement à la recherche d’un emploi et, dans un second temps, c’est-à-dire après l’écoulement de ce délai, qu’il « continue » sa recherche active d’emploi.

57.      En revanche, la seconde condition, relative à l’obligation pour le demandeur d’emploi de prouver qu’il a des chances véritables d’être engagé, ne saurait être exigée qu’après l’écoulement du délai considéré comme « raisonnable ».

58.      Cette interprétation est non seulement logique mais également conforme au choix du législateur de renforcer le statut de demandeur d’emploi dans le cadre de la directive 2004/38 en codifiant, à l’article 14, paragraphe 4, de cette directive, les conditions du  maintien du droit de séjour des citoyens de l’Union à la recherche d’un premier emploi dans l’État membre d’accueil fixées par la jurisprudence de la Cour.

59.      En outre, s’agissant de cette seconde condition, le gouvernement belge soutient dans ses observations écrites que l’obligation de G. M. A. de démontrer l’existence d’une chance réelle d’être engagé, prévue à l’article 40, paragraphe 4, de la loi du 15 décembre 1980, découle du point 38 de l’arrêt Vatsouras et Koupatantze (40). Il ressortirait en effet de cet arrêt que les ressortissants d’un État membre à la recherche d’un emploi dans un autre État membre doivent démontrer qu’ils ont établi des liens réels avec le marché du travail de ce second État membre.

60.      Je ne suis pas convaincu par cette approche qui, à mon avis, est fondée sur une lecture erronée de l’arrêt en question.

61.      En effet, une telle exigence pour le demandeur d’emploi, consistant à démontrer qu’il a établi des liens réels avec le marché du travail de l’État membre d’accueil, ne concerne que la situation où le citoyen de l’Union à la recherche de travail demande à cet État membre une prestation destinée à faciliter l’accès à l’emploi, ce qui n’est nullement le cas de G. M. A. Ainsi, la Cour a déclaré qu’il est légitime qu’un État membre n’octroie une telle prestation qu’après que l’existence d’un lien réel du demandeur d’emploi avec le marché du travail de cet État membre a pu être établie (41). En effet, je rappelle que l’arrêt Vatsouras et Koupatantze (42)se fonde sur l’arrêt Collins, dans lequel la Cour a considéré que toute personne à la recherche d’un emploi et exerçant son droit à la libre circulation doit établir un « lien » avec l’État d’accueil en vue de bénéficier des allocations de recherche d’emploi (43).

3)      La finalité et la genèse de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38

62.      La finalité et la genèse de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 corroborent, elles aussi, l’interprétation proposée aux points 51 à 58 des présentes conclusions.

63.      S’agissant, en premier lieu, de la finalité de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, le considérant 9 de celle‑ci énonce clairement que les citoyens de l’Union doivent avoir le droit de séjourner dans l’État membre d’accueil pendant une période ne dépassant pas trois mois sans être soumis à aucune condition ni à aucune formalité autre que l’obligation de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité, sans préjudice d’un traitement plus favorable applicable aux demandeurs d’emploi, selon la jurisprudence de la Cour. Il ressort de ce considérant, d’une part, que la jurisprudence de la Cour, notamment celle de l’arrêt Antonissen (44), demeure valable pour l’interprétation de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 et, d’autre part, qu’il ne saurait être exigé de respecter les conditions énoncées à cette disposition relatives au maintien du droit de séjour du demandeur d’emploi pendant les trois mois de séjour légal d’un citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil. Pour sa part, le considérant 16 de la directive 2004/38 énonce que, en aucun cas, une mesure d’éloignement ne devrait être arrêtée à l’encontre de demandeurs d’emploi tels que définis par la Cour, si ce n’est pour des raisons d’ordre public et de sécurité publique.

64.      S’agissant, en second lieu, de la genèse de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, il me semble important de rappeler que l’article 6 de la proposition initiale de la Commission (45) et l’article 8 de la résolution législative du Parlement (46) prévoyaient un droit de séjour jusqu’à six mois qui n’était soumis à aucune condition. Toutefois, cette disposition a été modifiée par le Conseil de l’Union européenne, ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs de sa position commune (47), afin de fixer, conformément au nouvel article 6 de la directive 2004/38, cette période à trois mois, tout en soulignant que les demandeurs d’emploi bénéficient toutefois d’un traitement plus favorable, reconnu par la jurisprudence de la Cour. Cette modification, intervenue au cours du processus législatif de la directive 2004/38, confirme, ainsi que je l’ai fait valoir au point 63 des présentes conclusions, la volonté du législateur de l’Union de renforcer le statut des demandeurs d’emploi. En outre, il ressort de l’exposé des motifs de cette position commune que l’article 14 de la directive 2004/38 « précise dans quelles circonstances un État membre peut éloigner des citoyens de l’Union s’ils ne satisfont plus aux conditions qui leur permettent de bénéficier du droit de séjour »(48).

65.      Il ressort clairement tant de la finalité que de la genèse de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 que le législateur de l’Union a entendu que le demandeur d’emploi qui cherche un travail pour la première fois dans l’État membre d’accueil puisse bénéficier d’un traitement plus favorable, tel que reconnu par la jurisprudence de la Cour.

66.      Ce constat m’amène à examiner la question suivante : s’agissant du délai pour chercher un emploi, que faut-il comprendre par un « traitement plus favorable », reconnu par la jurisprudence de la Cour ?

67.      Je note, en premier lieu, que le choix du législateur de l’Union d’opérer un renvoi à la jurisprudence de la Cour, notamment l’arrêt Antonissen (49), témoigne clairement, ainsi que je l’ai exposé au point 63 des présentes conclusions, de sa volonté de reconnaître l’importance de cette jurisprudence pour l’interprétation de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 et, donc, de faire bénéficier les demandeurs d’emploi d’un traitement plus favorable. Cela étant précisé, il ne saurait être considéré que, en opérant un tel renvoi, le législateur ait entendu valider un délai fixe de six mois. Il me semble que, en affirmant dans cet arrêt qu’un tel délai « n’apparaît pas, en principe, comme insuffisant » et « ne met pas en cause l’effet utile du principe de libre circulation », la Cour a tout simplement considéré le délai de six mois prévu par la législation nationale en cause dans cette affaire comme un délai raisonnable.

68.      Je rappelle, en deuxième lieu, que l’article 6 de la directive 2004/38 prévoit un droit de séjour jusqu’à trois mois pour tous les citoyens de l’Union sur le territoire d’un autre État membre qui n’est soumis à aucune condition.

69.      Toutefois, lorsque le citoyen de l’Union ayant quitté son État membre d’origine avec la volonté de chercher un emploi dans l’État membre d’accueil décide de s’enregistrer en qualité de demandeur d’emploi pendant les trois premiers mois de séjour, il relève, à partir de la date de cet enregistrement, du champ d’application de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38. Néanmoins, compte tenu du fait que, selon le législateur de l’Union, le demandeur d’emploi bénéfice d’un traitement plus favorable, comme il ressort expressément du considérant 9 de cette directive, on ne saurait exiger d’un demandeur d’emploi de faire la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances réelles d’être engagé pendant les trois mois de séjour légal dont dispose tout citoyen de l’Union (50). En revanche, pendant une période considérée comme « raisonnable » à partir de la fin de ce séjour légal, les autorités nationales peuvent exiger que le demandeur d’emploi apporte la preuve qu’il continue à chercher un emploi. C’est uniquement après l’écoulement de ce délai raisonnable que ces autorités peuvent exiger que l’intéressé soit en mesure de prouver qu’il a des chances réelles d’être engagé.

70.      De même, le ressortissant d’un État membre ayant exercé son droit à la libre circulation en tant que citoyen de l’Union qui, initialement, n’avait pas la volonté de chercher un travail sur le territoire de l’État membre d’accueil (51) et qui décide, après l’écoulement de la période initiale de trois mois de séjour, de s’enregistrer en qualité de demandeur d’emploi relève, à partir de ce moment, du champ d’application de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38. Ce citoyen doit donc disposer d’un délai raisonnable lui permettant de prendre connaissance, dans l’État membre d’accueil, des offres d’emploi correspondant à ses qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d’être engagé, sans être tenu d’être en mesure d’apporter la preuve qu’il a des chances réelles d’être engagé.

71.      En effet, dans les deux cas de figure exposés au points 69 et 70 des présentes conclusions, il s’agit de citoyens qui cherchent, pour la première fois, un emploi dans l’État membre d’accueil.

72.      Par ailleurs, le délai dont bénéficie un demandeur d’emploi après la période initiale de trois mois de séjour légal sur le territoire de l’État membre d’accueil doit, pour pouvoir être  considéré comme raisonnable, être suffisant pour ne pas vider de sa substance le droit reconnu à l’article 45 TFUE (52). Ainsi, notamment, un délai de trois mois à compter de la fin de la période initiale de trois mois de séjour légal ne me paraît pas déraisonnable ou, dans les termes utilisés par la Cour, « n’apparaît pas, en principe, comme insuffisant » et ne met pas en cause l’effet utile de l’article 45 TFUE (53).

73.      En outre, en permettant à ces citoyens de connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations, un délai raisonnable à compter de la fin de la période de trois mois de séjour légal est de nature à garantir un certain niveau de sécurité juridique et de transparence dans le cadre du droit de séjour prévu à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 et garanti directement par l’article 45 TFUE.

74.      Cela étant précisé, je pense qu’il serait souhaitable que les demandeurs d’emploi disposent d’un délai fixe pour chercher un premier emploi dans l’État membre d’accueil, pendant lequel il ne leur serait pas imposé d’être en mesure d’apporter la preuve qu’ils ont des chances réelles d’être engagés. Toutefois, la Cour ne saurait se substituer au législateur de l’Union et c’est à celui-ci que revient la tâche d’introduire un tel délai. À mon sens, établir un délai fixe permettrait de garantir un niveau plus élevé de sécurité juridique et de transparence dans le cadre du droit de séjour des demandeurs d’emploi.

75.      Je voudrais ajouter, en troisième et dernier lieu, que certaines vérifications préalables sont nécessaires afin de considérer qu’un demandeur d’emploi continue à chercher un emploi et qu’il a des chances réelles d’être engagé conformément à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38. Ainsi, il incombe à l’autorité nationale ou au juge national de vérifier si ce citoyen recherche sérieusement et effectivement un emploi. À cet égard, l’autorité nationale ou le juge national peuvent vérifier, notamment, si celui-ci est enregistré auprès de l’organisme en charge des demandeurs d’emploi, envoie périodiquement des candidatures (un curriculum vitae plus une lettre de motivation) ou passe des entretiens d’embauche concernant des offres d’emploi correspondant à ses qualifications professionnelles.

76.      En outre, lors de ces vérifications, les autorités nationales ou le juge national doivent prendre en compte la réalité du marché du travail national, c’est-à-dire la durée moyenne de recherche d’un emploi, dans l’État membre concerné (54), dans le secteur correspondant aux qualifications professionnelles de la personne concernée. Le fait que cette personne ait refusé des offres ne correspondant pas à ses qualifications professionnelles ne saurait être pris en compte pour considérer qu’elle ne remplit pas les conditions de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38.

77.      De plus, compte tenu du fait que les demandeurs d’emploi cherchent un premier emploi dans l’État membre d’accueil, la circonstance de n’avoir jamais travaillé dans l’État membre d’accueil ne saurait être prise en compte dans le cadre desdites vérifications pour considérer qu’ils n’ont pas de chances réelles d’être engagés.

4.      Conclusion intermédiaire

78.      Il ressort de l’analyse qui précède que les États membres sont tenus d’accorder aux citoyens de l’Union à la recherche d’un emploi un délai raisonnable durant lequel ces derniers doivent prouver qu’ils sont à la recherche d’un emploi. Ce n’est qu’après l’écoulement de ce délai que ces citoyens doivent prouver, conformément à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, non seulement qu’ils continuent de rechercher un travail, mais également qu’ils ont des chances réelles d’être engagés. À cet égard, un délai de trois mois à compter de la fin de la période initiale de trois mois de séjour légal sur le territoire de l’État membre d’accueil n’apparaît pas comme déraisonnable.

C.      Sur la seconde question préjudicielle

79.      Il ressort de la décision de renvoi et des documents du dossier dont dispose la Cour que, dans son recours devant le CCE, G. M. A. a fait valoir le fait qu’il avait été engagé par le Parlement en tant que stagiaire, le 6 avril 2016, afin de démontrer qu’il avait eu des chances réelles d’être engagé et qu’il y avait lieu d’annuler la décision litigieuse.

80.      Or, en affirmant que, conformément à l’article 39/2, paragraphe 2, de la loi du 15 décembre 1980, il exerçait un contrôle de légalité sur les décisions de l’Office et ne disposait pas d’un pouvoir de réformation de celles-ci lui permettant de prendre en considération l’engagement de G. M. A. par le Parlement, le CCE n’a pas pris en compte ce changement de circonstances.

81.      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur le point de savoir si les articles 15 et 31 de la directive 2004/38, ainsi que le principe de protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que les juridictions de l’État membre d’accueil, lorsqu’elles examinent la légalité d’une décision refusant le droit de séjour de plus de trois mois d’un citoyen de l’Union à la recherche d’un emploi, doivent prendre en compte tout changement de circonstances dans la situation du demandeur d’emploi intervenant après que les autorités compétentes ont pris la décision limitant son droit de séjour, en écartant, au besoin, les dispositions procédurales nationales si un tel changement de circonstances démontre que le demandeur d’emploi bénéficiait d’un tel droit de séjour.

82.      Le gouvernement belge et G. M. A. défendent des positions opposées à cet égard.

83.      Le gouvernement belge soutient que, dans une situation telle que celle de G. M. A., il ne ressort ni des travaux préparatoires de la directive 2004/38 ni du fait que les dispositions de cette directive doivent respecter l’article 47 de la Charte que les juges nationaux devraient disposer d’un droit de réformation des décisions des autorités nationales limitant le droit de circulation d’un citoyen de l’Union.

84.      En revanche, G. M. A. fait valoir que les articles 15 et 31 de la directive 2004/38 doivent faire l’objet d’une interprétation conforme à l’article 47 de la Charte. Par conséquent, les juridictions nationales effectuant un contrôle de légalité des décisions prises en application des règles de l’Union en matière de libre circulation des personnes devraient prendre en considération les éléments de fait intervenus après ces décisions lorsque ces éléments sont susceptibles de démontrer l’existence de chances réelles, pour le demandeur d’emploi, d’être engagé. À cet égard, G. M. A. affirme que l’arrêt Orfanopoulos et Oliveri (55) est applicable à la présente affaire.

85.      Avant d’aborder l’analyse de la jurisprudence de la Cour relative à la protection juridictionnelle au titre des articles 15 et 31 de la directive 2004/38, j’examinerai brièvement les garanties procédurales prescrites à ces articles et leur application aux décisions limitant la libre circulation des citoyens de l’Union à la recherche d’un emploi.

1.      L’application des garanties procédurales prescrites aux articles 15 et 31 de la directive 2004/38 aux demandeurs d’emploi

86.      Je rappelle, en premier lieu, que l’article 15 de la directive 2004/38, intitulé « Garanties procédurales », prévoit, à son paragraphe 1,  que « [l]es procédures prévues aux articles 30 et 31 s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille  prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique » (56). Cet article régit ainsi les garanties procédurales relatives à l’éloignement des citoyens de l’Union ayant séjourné dans l’État membre d’accueil en qualité de « bénéficiaires » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

87.      En l’occurrence, il est constant que G. M. A, qui est un ressortissant grec et, donc, un citoyen de l’Union, a exercé son droit à la libre circulation en se rendant et en séjournant dans un État membre autre que celui dont il possède la nationalité. Il s’ensuit que G. M. A. a la qualité de « bénéficiaire » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et que sa situation relève du champ d’application de l’article 15 de celle-ci.

88.      En outre, comme je l’ai rappelé, l’article 15 de la directive 2004/38 s’inscrit dans le chapitre III de celle-ci qui concerne, notamment, le droit de séjour jusqu’à trois mois (article 6), le droit de séjour de plus de trois mois (article 7) ainsi que le maintien du droit de séjour prévu aux articles 6 et 7 de cette directive, pour autant que les bénéficiaires de ces droits répondent aux conditions énoncées à ces articles (article 14). Par ailleurs, ainsi que je l’ai indiqué (57), l’article 14, paragraphe 4, de la directive 2004/38 prévoit une situation dérogatoire aux articles 6 et 7, mentionnés à l’article 14, paragraphes 1 et 2. À cet égard, l’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette directive prévoit le droit de séjour des citoyens de l’Union à la recherche d’un emploi (58), ainsi que les conditions que doivent remplir ces citoyens pour être en mesure de maintenir ce droit.

89.      Dès lors, il ressort clairement non seulement du libellé de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2004/38, mais également de son contexte, ainsi que de la finalité de cette directive (59), que cette disposition est applicable aux situations relevant de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de ladite directive. Le champ d’application de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2004/38 recouvre donc une décision de refus d’une demande de reconnaissance d’un droit de séjour de plus de trois mois, assortie d’un ordre de quitter le territoire de l’État membre d’accueil et adoptée, comme c’est le cas dans le litige au principal, pour des raisons sans rapport avec un quelconque danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique.

90.      Cela étant précisé, la question se pose maintenant de savoir si les articles 15 et 31 de la directive 2004/38, lus à la lumière de l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que les juridictions nationales doivent prendre en considération des changements de circonstances survenus après l’adoption des décisions qui restreignent les droits de libre circulation et de séjour, en écartant, au besoin, les dispositions procédurales nationales, si ces changements démontrent que le demandeur d’emploi disposait d’un tel droit de séjour.

2.      La jurisprudence pertinente de la Cour relative à la protection juridictionnelle au titre des articles 15 et 31 de la directive 2004/38

91.      Ainsi qu’il ressort des points qui précèdent, dans la mesure où l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2004/38 s’applique aux situations visées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de celle-ci (60), les garanties procédurales prescrites aux articles 30 et 31 de cette directive sont également applicables, par analogie, aux citoyens de l’Union à la recherche d’un emploi. Ces articles prévoient un certain nombre de garanties procédurales que les États membres doivent respecter en vue d’une éventuelle limitation du droit de séjour d’un citoyen de l’Union.

92.      Il faut donc, à mon avis, partir de l’analyse de ces dispositions, tel qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour.

93.      J’observe, ainsi qu’il ressort de cette jurisprudence, que l’article 31, paragraphes 1 et 3, de la directive 2004/38 a vocation à s’appliquer dans le cadre de l’article 15 de celle‑ci (61).

94.      Pour sa part, l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2004/38 dispose que les citoyens de l’Union ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision limitant, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, leur droit de libre circulation et de libre séjour dans les États membres.

95.      À cet égard, je rappelle que la Cour a indiqué, s’agissant notamment de l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2004/38 et du droit d’accès aux voies de recours juridictionnelles qui doit être assuré conformément à cette disposition, que dès lors que de tels recours relèvent de la mise en œuvre du droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les modalités procédurales de ces recours, destinées à assurer la sauvegarde des droits conférés par la directive 2004/38, doivent respecter, notamment, les exigences découlant du droit à un recours effectif énoncées à l’article 47 de la Charte (62).

96.      À son tour, l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2004/38 dispose que les procédures de recours doivent non seulement permettre un examen de la légalité de la décision concernée ainsi que des faits et des circonstances justifiant celle-ci, mais également assurer que la décision en cause ne soit pas disproportionnée (63).

97.      À cet égard, s’agissant du contrôle juridictionnel de la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales compétentes, la Cour a jugé que le juge national doit notamment vérifier si la décision attaquée repose sur une base factuelle suffisamment solide. Ce contrôle doit porter sur le respect des garanties procédurales, qui revêt une importance fondamentale permettant au juge de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation étaient réunis (64).

98.      Que cela signifie-t-il en pratique pour le contrôle que doit effectuer la juridiction de renvoi dans le cadre du litige au principal ? Cette juridiction semble considérer qu’elle devrait pouvoir examiner les changements de circonstances intervenus postérieurement à la décision prise par les autorités compétentes lorsque ceux-ci sont susceptibles d’opérer une modification de la situation du citoyen de l’Union concerné qui n’autoriserait plus une limitation des droits de séjour de celui-ci dans l’État membre d’accueil.

99.      Pour répondre à cette question ainsi que pour la solution du litige au principal, il me semble utile d’analyser l’arrêt Orfanopoulos et Oliveri (65), auquel font référence les parties.

3.      L’arrêt Orfanopoulos et Oliveri

100. Je commencerai mon analyse en indiquant que, selon moi, la solution dégagée dans l’arrêt Orfanopoulos et Oliveri (66) est applicable mutatis mutandis à la situation de G. M. A. dans le cadre du litige au principal.

101. Dans cet arrêt, la Cour a interprété l’article 3 de la directive 64/221/CEE (67), qui a précédé la directive 2004/38 (68). La Cour, après avoir rappelé que le contrôle juridictionnel, qui est en principe régi, dans le cadre de l’autonomie procédurale, par le droit procédural national, doit être effectif (69), a jugé, au point 82, que s’oppose à une pratique nationale selon laquelle les juridictions nationales ne sont pas censées prendre en considération, en vérifiant la légalité de l’expulsion ordonnée à l’encontre d’un ressortissant d’un autre État membre, des éléments de fait intervenus après la dernière décision des autorités compétentes pouvant impliquer la disparition ou la diminution non négligeable de la menace actuelle que constituerait, pour l’ordre public, le comportement de la personne concernée (70).

102. La Cour a fondé cette approche sur le constat selon lequel ni le libellé de l’article 3 de la directive 64/221 ni la jurisprudence de la Cour ne fournissent d’indications plus précises en ce qui concerne la date à retenir pour déterminer le caractère « actuel » de la menace (71). À cet égard, il me semble également, ainsi qu’il résulte des points précédents, que ni l’article 31, paragraphes 1 et 3, de la directive 2004/38 ni la jurisprudence de la Cour ne donnent d’indications précises et ciblées concernant la prise en compte, par le juge qui exerce le contrôle juridictionnel, de changements de circonstances survenus après l’adoption de la décision d’une autorité nationale limitant le droit de séjour d’un citoyen de l’Union. Néanmoins, je suis d’accord avec l’observation de la Commission dans sa réponse aux questions posées par la Cour, selon laquelle, si le constat posé dans l’arrêt Orfanopoulos et Oliveri (72) n’a pas été repris expressément à l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2004/38, il ne fait aucun doute que son interprétation ne peut pas l’ignorer (73).

103. Dans ce contexte, et compte tenu du fait que nous sommes dans le cadre de la libre circulation de travailleurs et de la citoyenneté de l’Union, il me semble pertinent d’analyser la seconde question plutôt sous l’angle du principe d’effectivité que sous celui de l’article 47 de la Charte.

104. En premier lieu, je rappelle qu’il est de jurisprudence constante que toute procédure nationale de contrôle juridictionnel doit permettre à la juridiction saisie d’un recours en annulation d’une telle décision d’appliquer effectivement, dans le cadre du contrôle de la légalité de celle-ci, les principes et les règles du droit de l’Union pertinents (74).

105. En second lieu, selon moi, le principe d’effectivité exige que les juridictions nationales qui exercent le contrôle juridictionnel de la marge d’appréciation dont disposent les autorités nationales compétentes disposent de la faculté de prendre en compte les changements de circonstances survenus après l’adoption d’une décision administrative concernant la situation d’un citoyen de l’Union. En effet, la situation d’un citoyen de l’Union à la recherche d’un emploi peut, par sa nature, évoluer après la prise d’une telle décision. Dès lors, tout changement de circonstances dans la situation du citoyen concerné survenu après que les autorités compétentes ont pris la décision limitant son droit de séjour doit également être pris en compte lors du contrôle juridictionnel (75).

106. Notamment, le juge qui effectue ce contrôle doit pouvoir prendre en compte un tel changement lorsqu’il concerne l’application des conditions énoncées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38. À cet égard, je rappelle que cette disposition prévoit que le citoyen de l’Union ne peut être éloigné tant qu’il remplit les deux conditions cumulatives suivantes : être en mesure de faire la preuve qu’il continue à chercher un emploi et avoir des chances réelles d’être engagé.

107. En l’espèce, il est constant que le changement de circonstances intervenu postérieurement à la décision prise par les autorités nationales limitant les droits de séjour de G. M. A. est étroitement lié aux conditions d’application énoncées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, à savoir le fait que, après la prise de la décision litigieuse, il a été engagé par le Parlement.

108. Je suis d’avis qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas de tenir compte de l’évolution de la situation d’un citoyen de l’Union, se heurte au principe d’effectivité en ce qu’elle empêche le juge national d’assurer l’application effective de l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, interprété à la lumière de l’article 45 TFUE. Autrement dit, si le contrôle que sont appelées à exercer les juridictions compétentes ne pouvait pas porter sur les conditions énoncées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de cette directive, l’efficacité de ce contrôle serait considérablement réduite. Dans ces conditions, il incombe au juge qui exerce le contrôle juridictionnel d’assurer une protection effective des droits découlant du traité et de la directive 2004/38, en écartant la règle du droit national en cause.

109. Dans la mesure où il résulte de ma proposition que la juridiction de renvoi est tenue d’écarter l’application des règles nationales concernées, je suis d’avis qu’il n’y a pas besoin d’examiner la compatibilité de ces règles avec l’article 47 de la Charte.

4.      Conclusion intermédiaire

110. Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que tout changement de circonstances dans la situation d’un citoyen de l’Union à la recherche d’un emploi intervenant après que les autorités compétentes ont pris la décision limitant son droit de séjour doit être pris en compte lors du contrôle juridictionnel de cette situation, notamment lorsque ce changement concerne les conditions du maintien du droit de séjour d’un demandeur d’emploi énoncées à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38. Dans ces conditions, il incombe au juge qui exerce le contrôle juridictionnel d’assurer une protection effective des droits découlant du traité et de la directive 2004/38 en écartant la règle du droit national en cause.

V.      Conclusion

111. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Conseil d’État (Belgique) de la manière suivante :

1)      L’article 45 TFUE et l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, telle que modifiée par le règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, doivent être interprétés en ce sens que l’État membre d’accueil est tenu, d’une part, d’accorder un délai raisonnable à un demandeur d’emploi à compter de la fin de la période initiale de trois mois de séjour légal afin de lui permettre de prendre connaissance des offres d’emploi susceptibles de lui convenir et de prendre les mesures nécessaires aux fins d’être engagé et, d’autre part, d’autoriser la présence sur son territoire d’un demandeur d’emploi pendant toute la durée de ce délai sans exiger de celui-ci qu’il apporte la preuve d’avoir une chance réelle d’être engagé. Ce n’est qu’après l’écoulement de ce délai que ce demandeur d’emploi doit prouver, conformément à l’article 14, paragraphe 4, sous b), de la directive 2004/38, non seulement qu’il continue de rechercher un travail mais également qu’il a des chances réelles d’être engagé.

2)      Les articles 15 et 31 de la directive 2004/38, ainsi que le principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens que les juridictions de l’État membre d’accueil, lorsqu’elles examinent la légalité d’une décision refusant le droit de séjour de plus de trois mois d’un citoyen de l’Union à la recherche d’un emploi, doivent prendre en compte tout changement de circonstances dans la situation du demandeur d’emploi intervenant après que les autorités compétentes ont pris la décision limitant son droit de séjour, en écartant, au besoin, les dispositions procédurales nationales, si ce changement démontre que le demandeur d’emploi disposait d’un tel droit de séjour.


1      Langue originale : le français.


i      Les notes en bas de page 2 et 35 du présent texte ont fait l’objet d’une modification d’ordre typographique, postérieurement à sa première mise en ligne.


2      Voir Reynolds, S., « (De)constructing the Road to Brexit : Paving the Way to Further Limitations on Free Movement and Equal Treatment », D. Thym (ed.), Questioning EU Citizenship. Judges and the Limits of Free Movement and Solidarity in the EU, Hart Publishing, Londres, 2017, p. 57 à 87, en particulier p. 73.


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34) (ci-après la « directive 2004/38 »).


4      Moniteur belge du 31 décembre 1980, p. 14584.


5      Moniteur belge du 27 octobre 1981, p. 13740.


6      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


7      Arrêt du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, EU:C:2016:675, point 24 et jurisprudence citée).


8      Voir, en dernier lieu, arrêt du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, point 179 et jurisprudence citée).


9      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


10      Arrêt du 8 avril 1976 (48/75, EU:C:1976:57).


11      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


12      Arrêt du 20 février 1997 (C‑344/95, EU:C:1997:81).


13      Voir arrêt du 8 avril 1976, Royer (48/75, EU:C:1976:57, point 31 et dispositif). Voir, également, arrêt du 23 mars 1982, Levin (53/81, EU:C:1982:105, point 9), dans lequel la Cour a affirmé que « le droit d’entrer et de séjourner sur le territoire d’un État membre se rattachent, respectivement, à la qualité de travailleur ou de personne exerçant une activité salariée ou souhaitant y accéder ». Mise en italique par mes soins.


14      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


15      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, points 11 et 12).


16      Voir arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 13). La Cour a ajouté, au point 14 de cet arrêt : « Cette interprétation du traité correspond d’ailleurs à celle du législateur [de l’Union], comme l’indiquent les dispositions prises pour la mise en œuvre du principe de libre circulation, notamment les articles 1er à 5 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 2), dispositions qui supposent le droit pour les ressortissants [de l’Union] de se déplacer pour rechercher un emploi dans un autre État membre et, par conséquent, le droit d’y séjourner ». Mise en italique par mes soins.


17      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 16). Voir, également, arrêt du 26 mai 1993, Tsiotras (C‑171/91, EU:C:1993:215, point 13).


18      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 20).


19      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 21). Voir, également, arrêt du 26 mai 1993, Tsiotras (C‑171/91, EU:C:1993:215, point 13).


20      Voir, notamment, arrêts du 26 février 1992, Bernini (C‑3/90, EU:C:1992:89, point 14) ; du 8 juin 1999, Meeusen (C‑337/97, EU:C:1999:284, point 13) ; du 7 septembre 2004, Trojani (C‑456/02, EU:C:2004:488, point 15) ; du 17 juillet 2008, Raccanelli (C‑94/07, EU:C:2008:425, point 33) ; du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, point 26) ; du 21 février 2013, N. (C‑46/12, EU:C:2013:97, point 39), ainsi que du 1er octobre 2015, O (C‑432/14, EU:C:2015:643, point 22).


21      Voir, à cet égard, arrêts du 21 février 2013, N. (C‑46/12, EU:C:2013:97, point 39 et jurisprudence citée), et du 19 juin 2014, Saint Prix (C‑507/12, EU:C:2014:2007, points 33).


22      Arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala (C‑85/96, EU:C:1998:217, point 32 et jurisprudence citée). Je dois rappeler que, dans cet arrêt, la Cour a mis le droit à l’égalité de traitement au profit des citoyens de l’Union au-au-delà des dispositions relatives à la libre circulation de travailleurs. Voir, à cet égard, mes conclusions, dans les affaires jointes Rendón Marín et CS (C‑165/14 et C‑304/14, EU:C:2016:75, point 109).


23      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


24      Arrêt du 20 février 1997 (C‑344/95, EU:C:1997:81, points 12 à 19). Voir, en ce qui concerne des allocations de recherche d’emploi, arrêt du 23 mars 2004, Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172, point 37), dans lequel la Cour a interprété les dispositions du traité relatives à la libre circulation des travailleurs, pour la première fois, à la lumière des dispositions du traité sur la citoyenneté de l’Union. Dans le cadre de l’accord d’association CEE‑Turquie, voir arrêt du 23 janvier 1997, Tetik (C‑171/95, EU:C:1997:31, points 32 à 34).


25      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


26      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


27      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


28      Voir point 38 des présentes conclusions.


29      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, points 13 et 16). Voir, également, arrêt du 26 mai 1993, Tsiotras (C‑171/91, EU:C:1993:215, point 13).


30      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


31      Voir, notamment, arrêt du 11 avril 2019, Tarola (C‑483/17, EU:C:2019:309, point 23 et jurisprudence citée).


32      Selon l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, ce droit est maintenu tant que les citoyens de l’Union ou les membres de leur famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.


33      En effet, aux termes de l’article 14, paragraphe 2, de cette directive, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour de plus de trois mois s’ils remplissent les conditions énoncées, notamment, à l’article 7 de celle-ci, qui visent à éviter qu’ils ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.


34      À cet égard, il ressort des observations de G. M. A. que, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, de l’arrêté royal du 8 octobre 1981, lu en combinaison avec l’article 42, paragraphe 4, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, tout citoyen de l’Union qui envisage de séjourner plus de trois mois en Belgique est obligé d’introduire une demande d’attestation d’enregistrement auprès de l’administration communale du lieu où il réside dans les trois mois de son arrivée et que, en vertu de l’article 50, paragraphe 2, de cet arrêté royal, cette obligation s’applique également aux demandeurs d’emploi. À cet égard, il convient de préciser que la Commission, dans ses observations, souligne à juste titre que l’article 8 de la directive 2004/38, relatif aux « formalités administratives à charge des citoyens de l’Union » lorsque ces citoyens veulent séjourner sur le territoire d’un État membre pour une période supérieure à trois mois, ne prévoit la possibilité pour les États membres d’imposer l’enregistrement auprès des autorités compétentes qu’aux catégories des citoyens de l’Union visées à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, ainsi que cela ressort expressément de l’article 8, paragraphe 3, de celle‑ci. Par conséquent, les demandeurs d’emploi ne sauraient se voir imposer une telle obligation d’enregistrement, même lors de la recherche d’emploi pendant une période supérieure à trois mois. Une telle obligation serait contraire tant à l’article 45 TFUE qu’à l’article 8 de la directive 2004/38.


35      La doctrine a également souligné cet aspect. Voir, notamment, Shuibhne, N.N., et Shaw, J., « General Report », U. Neergaard, C. Jacqueson et N. Holst‑Christensen, Union Citizenship : Development, Impact and Challenges, The XXVI FIDE Congress in Copenhagen, 2014, Congress Publications, Copenhague, 2014, vol. 2, p. 65 à 226, en particulier p. 112 : « The position of jobseekers has long been – and continues to be – treated distinctively. »


36      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


37      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 21). Mise en italique par mes soins.


38      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, point 22 et dispositif).


39      Arrêt du 26 février 1991, Antonissen (C‑292/89, EU:C:1991:80, points 21 et 22).


40      Arrêt du 4 juin 2009 (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, points 21 et 22).


41      À cet égard, je rappelle que, après avoir affirmé, au point 37 de cet arrêt, que, « compte tenu de l’instauration de la citoyenneté de l’Union et de l’interprétation du droit à l’égalité de traitement dont jouissent les citoyens de l’Union, il n’est plus possible d’exclure du champ d’application de l’article 39, paragraphe 2, CE une prestation de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi sur le marché du travail d’un État membre », la Cour a déclaré, au point 38 du même arrêt, qu’« il est [...] légitime qu’un État membre n’octroie une [prestation de nature financière destinée à faciliter l’accès à l’emploi sur le marché du travail d’un État membre] qu’après que l’existence d’un lien réel du demandeur d’emploi avec le marché du travail de cet État a pu être établie ». Arrêt du 4 juin 2009, Vatsouras et Koupatantze (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344, points 38 et 39).


42      Arrêt du 4 juin 2009 (C‑22/08 et C‑23/08, EU:C:2009:344).


43      Arrêt du 23 mars 2004, Collins (C‑138/02, EU:C:2004:172). Voir note 24 des présentes conclusions.


44      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


45      Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, COM(2001) 257 final (JO 2001, C 270 E, p. 154).


46      Résolution législative du Parlement européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, COM(2001) 257 – C5-0336/2001 – 2001/0111(COD) (JO 2004, C 43 E, p. 48).


47      Position commune (CE) n° 6/2004 arrêtée par le Conseil, le 5 décembre 2003, en vue de l’adoption de la directive 2004/[38]/CE du Parlement européen et du Conseil du [...] relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, C 54 E, p. 12).


48      Mise en italique par mes soins.


49      Arrêt du 26 février 1991 (C‑292/89, EU:C:1991:80).


50      Voir, à cet égard, Shuibhne, N. N., « In search of a status : where does the jobseeker fit in EU free movement law ? », D. Edward, A. Komninos et J. MacLennan, Ian S. Forrester – A Scot without Borders – Liber Amicorum, vol. 1, 2017, p. 139 à 152, en particulier p. 148.


51      Il convient de noter que les motifs des déplacements des ressortissants d’un État membre vers d’autres États membres peuvent être très variés.


52      Cieśliński, A., et Szwarc, M., Prawo rynku wewnętrznego. System Prawa Unii Europejskiej, tome 7, sous la direction de Kornobis-Romanowska, D., C.H. Beck, Varsovie, 2020, p. 310.


53      Il ressort de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions, du 25 novembre 2013, relative à la libre circulation des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles : cinq actions pour faire la différence [COM(2013) 837 final, p. 6] que « les demandeurs d’emploi peuvent séjourner jusqu’à six mois sans conditions, voire davantage s’ils font la preuve qu’ils ont des chances réelles de trouver un emploi ». Voir, également, site public d’information de la Commission « L’Europe est à vous », disponible à https://europa.eu/youreurope/citizens/residence/residence-rights/jobseekers/index_fr.htm#just-moved : « Si vous n’avez pas trouvé d’emploi au bout des six premiers mois, les autorités peuvent évaluer votre droit de séjour. Pour cela, elles vous demanderont de prouver : que vous recherchez activement un emploi ; que vous avez de bonnes chances d’en trouver un. »


54      Il ressort des observations de G. M. A. que la durée moyenne pour trouver un emploi en Belgique est de sept mois.


55      Arrêt du 29 avril 2004 (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262).


56      Mise en italique par mes soins.


57      Voir point 52 des présentes conclusions.


58      Lequel trouve sa source directement dans l’article 45 TFUE.


59      Voir point 50 des présentes conclusions.


60      Voir points 86 à 89 des présentes conclusions.


61      Arrêt du 10 septembre 2019, Chenchooliah (C‑94/18, EU:C:2019:693, point 82). En revanche, il ressort du point 83 de cet arrêt que tel n’est pas le cas de l’article 30, paragraphe 2, de l’article 31, paragraphe 2, troisième tiret, et de l’article 31, paragraphe 4, de la directive 2004/38, dont l’application doit être strictement limitée aux décisions d’éloignement prises pour des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces dispositions ne trouvent donc pas à s’appliquer aux décisions d’éloignement visées à l’article 15 de cette directive. Voir, également, mes conclusions dans cette affaire (C‑94/18, EU:C:2019:433).


62      Arrêt du 10 septembre 2019, Chenchooliah (C‑94/18, EU:C:2019:693, point 84). Voir, également, arrêts du 12 juillet 2018, Banger (C‑89/17, EU:C:2018:570, point 48), et du 4 juin 2013, ZZ (C-300/11, EU:C:2013:363, point 50).


63      Arrêt du 10 septembre 2019, Chenchooliah (C‑94/18, EU:C:2019:693, point 85). Voir, également, arrêts du 12 juillet 2018, Banger (C‑89/17, EU:C:2018:570, point 48), et du 17 novembre 2011, Gaydarov (C‑430/10, EU:C:2011:749, point 41) : « [Ainsi, les personnes concernées] doivent disposer d’un recours juridictionnel effectif contre une décision, au titre de cette disposition, permettant de contrôler en fait et en droit la légalité de cette décision au regard du droit de l’Union. »


64      Mise en italique par mes soins. Arrêt du 12 juillet 2018, Banger (C‑89/17, EU:C:2018:570, point 51).


65      Arrêt du 29 avril 2004 (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262).


66      Arrêt du 29 avril 2004 (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262).


67      Directive du Conseil du 25 février 1964 pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 56 du 4 avril 1964, p. 850).


68      L’article 3 de la directive 64/221 prévoyait que les mesures en cause devaient être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet et que la seule existence de condamnations pénales ne pouvait automatiquement motiver ces mesures.


69      Arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, point 80) : « S’il est vrai qu’il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, il n’en demeure pas moins que ces modalités ne doivent pas être de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire. »


70      Arrêt du 29 avril 2004 (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262). Cette approche a été confirmée, notamment, dans le cadre de l’interprétation de l’accord d’association CEE‑Turquie, dans l’arrêt du 11 novembre 2004, Cetinkaya (C‑467/02, EU:C:2004:708, points 45 et 46). Les enseignements dégagés de cet arrêt ont été codifiés dans plusieurs dispositions de la directive 2004/38. Ainsi, l’article 27, paragraphe 2, de cette directive exige que les « mesures d’ordre public ou de sécurité publique » soient fondées, notamment, sur les circonstances actuelles concernant l’individu visé par de telles mesures. Voir, également, l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2004/38. Voir arrêt du 11 novembre 2004, Cetinkaya (C‑467/02, EU:C:2004:708, point 46).


71      Arrêt du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262, point 77).


72      Arrêt du 29 avril 2004 (C‑482/01 et C‑493/01, EU:C:2004:262).


73      Voir, à cet égard, arrêt du 17 avril 2018, B et Vomero (C‑316/16 et C‑424/16, EU:C:2018:256, point 94).


74      Arrêt du 6 octobre 2015, East Sussex County Council (C‑71/14, EU:C:2015:656, point 58 et jurisprudence citée).


75      Guild, E., Peers, S., et Tomkin, J., The EU Citizenship Directive A Commentary, 2e édition, Oxford University Press, Oxford, 2019, p. 297 : « Le libellé de [l’article 31, paragraphe 3, de la directive] indique que le contrôle juridictionnel peut être limité aux faits et circonstances sur lesquels la décision proposée est fondée. Toutefois, tout changement de circonstances depuis que les autorités de l’État ont pris la décision doit également être pris en compte dans l’examen par le tribunal de l’affaire dont il est saisi. Comme il s’agit d’une question d'ingérence dans le droit d’entrée et de séjour de l’individu au titre du droit de l’Union, c’est la situation à la date de l’audience qui devrait être déterminante. »