Language of document : ECLI:EU:T:2018:1

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

16 janvier 2018 (*)

« REACH – Redevance due pour l’enregistrement d’une substance – Réduction accordée aux PME – Recommandation 2003/361/CE – Notion d’entreprise liée – Soumission d’une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » – Réduction de 50 % du montant du droit administratif applicable – Compétence de l’ECHA – Cessation de production de la substance »

Dans l’affaire T‑630/16,

Dehtochema Bitumat s. r. o., établie à Bělá pod Bezdězem (République tchèque), représentée par Me P. Holý, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée initialement par MM. J.-P. Trnka, E. Maurage et Mme M. Heikkilä, puis par M. Trnka et Mme Heikkilä, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SME(2016) 3038 de l’ECHA, du 7 juillet 2016, constatant que la requérante ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la réduction de redevance prévue pour les moyennes entreprises et lui imposant un droit administratif,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Dehtochema Bitumat s. r. o., est une société de droit tchèque ayant exercé une activité de fabrication de substances chimiques soumises à une obligation d’enregistrement auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), en vertu du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).

2        Le 30 novembre 2010, la requérante a procédé à l’enregistrement de la substance asphalte oxydé au titre du règlement no 1907/2006. Lors de la procédure d’enregistrement, elle a déclaré qu’elle était une « moyenne entreprise » au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36). Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction du montant de la redevance due sur le fondement de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

3        Le même jour, l’ECHA a émis la facture no 10024752, d’un montant de 16 275 euros, correspondant à la redevance due par une moyenne entreprise, dans le cadre d’une soumission conjointe, pour une quantité supérieure à 1 000 tonnes. Cette facture a été acquittée par la requérante.

4        Par courrier du 28 mars 2013, l’ECHA a informé la requérante que le statut de petites et moyennes entreprises (ci-après les « PME ») qu’elle avait déclaré faisait l’objet d’une procédure de vérification. L’ECHA a invité la requérante à fournir des informations et des documents de nature à prouver son éligibilité à la catégorie des « moyennes entreprises ». Dans ce courrier, l’ECHA a également informé la requérante qu’elle pouvait déposer une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte », lui permettant de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif qui serait dû au titre de la rectification.

5        Le 11 juillet 2013, la requérante a indiqué dans le système informatique REACH-IT que la fabrication de la substance asphalte oxydé avait été interrompue.

6        Par courriers en date du 29 juillet et du 24 septembre 2015, l’ECHA a demandé, à nouveau, à la requérante les éléments permettant de prouver l’exactitude de sa déclaration de taille d’entreprise.

7        Le 14 octobre 2015, la requérante a envoyé à l’ECHA les documents suivants la concernant : un extrait du registre de commerce du 5 octobre 2015, les états financiers certifiés pour l’année 2009 et le bilan annuel pour l’année 2008. Elle a demandé de prolonger de 90 jours le délai afin de présenter la documentation restante, mais n’a pas fourni d’information supplémentaire par la suite.

8        Par courrier électronique en date du 18 mai 2016, l’ECHA a communiqué à la requérante une appréciation préliminaire de son statut. Elle a considéré que, en raison de ses relations avec d’autres sociétés, la requérante devait être considérée comme une « grande entreprise » et non comme une PME.

9        Par courrier de l’ECHA du 2 juin 2016, la requérante a été informée du fait que la procédure de vérification était recommencée en tchèque en raison d’une décision récente prise par la chambre de recours de l’ECHA selon laquelle une entreprise visée par une procédure de vérification avait le droit de voir cette procédure menée dans la langue officielle de l’État membre dont elle était ressortissante. Les premiers échanges ayant été conduits en anglais, l’ECHA a décidé de recommencer la procédure de vérification.

10      Dans ce courrier du 2 juin 2016, l’ECHA a réitéré sa position selon laquelle la requérante ne pouvait pas être considérée comme une « moyenne entreprise ». Elle a, par ailleurs, rappelé à la requérante que celle-ci avait la possibilité de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif dû en déposant une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte ».

11      Le 16 juin 2016, la requérante a présenté par courrier électronique à l’ECHA une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » signée.

12      Ayant reçu cette déclaration, l’ECHA a adopté la décision SME(2016) 3038, du 7 juillet 2016 (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, elle a indiqué que la requérante relevait de la catégorie des « grandes entreprises » au sens de la recommandation 2003/361 et ne pouvait bénéficier, à ce titre, de la redevance réduite applicable aux « moyennes entreprises ».

13      L’ECHA en a conclu, dans la décision attaquée, que la requérante était redevable, d’une part, d’une somme correspondant à la différence entre le montant de la redevance déjà acquittée et le montant de la redevance applicable aux « grandes entreprises » et, d’autre part, d’un droit administratif correspondant à 2,5 fois le gain financier résultant de sa déclaration incorrecte de taille d’entreprise. Elle a réduit ce montant de 50 %, car la requérante avait déposé une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte ».

14      En conséquence, l’ECHA a annexé deux factures à la décision attaquée, à savoir la facture no 10058331, d’un montant de 6 975 euros, au titre de la différence entre la redevance acquittée lors de l’enregistrement et la redevance due par les « grandes entreprises », et la facture no 10058352, d’un montant de 8 718 euros, au titre du droit administratif.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

16      Le mémoire en défense de l’ECHA a été déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2016.

17      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2017.

18      La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2017.

19      Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée ;

–        annuler la décision attaquée.

21      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée comme étant irrecevable ou à tout le moins non fondée ;

–        rejeter le recours en annulation ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de sursis à exécution

22      Dans la requête, la requérante demande le sursis à l’exécution de la décision attaquée au motif qu’elle ne fabrique plus la substance asphalte oxydé et que l’enregistrement de cette substance est suspendu.

23      Dans le mémoire en défense, l’ECHA conteste cette demande au motif que celle-ci n’a pas été présentée par acte séparé. L’ECHA soutient également que la requérante n’a pas démontré l’urgence permettant le sursis. Pour ces deux raisons, la demande devrait être considérée comme étant irrecevable.

24       À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure, une demande de sursis à exécution doit être présentée par acte séparé. En l’espèce, la demande a été présentée dans la requête. Il s’ensuit qu’elle est irrecevable.

 Sur la demande en annulation

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur d’appréciation concernant la taille de la requérante

25      La requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée, car elle a été adoptée à la suite d’une appréciation erronée de sa taille par l’ECHA. Dans le cadre de son appréciation préliminaire portant sur la taille de la requérante, l’ECHA aurait ajouté, à tort, à l’effectif, au chiffre d’affaires et au total du bilan de cette dernière les données de trois entreprises qui ne seraient ni des « entreprises liées » ni des « entreprises partenaires » de la requérante au sens de la recommandation 2003/361.

26      L’ECHA conteste l’argumentation de la requérante.

27      À titre liminaire, il convient de relever que la réglementation applicable en la matière renvoie à la recommandation 2003/361 aux fins de définir les PME.

28      Tout d’abord, l’article 3, point 36, du règlement no 1907/2006 indique que les PME sont des petites et moyennes entreprises « conformément à la définition qui figure dans la recommandation [2003/361] ».

29      De plus, l’article 2 du règlement (CE) no 340/2008 de la Commission, du 16 avril 2008, relatif aux redevances et aux droits dus à l’ECHA en application du règlement no 1907/2006 (JO 2008, L 107, p. 6), prévoit que la définition d’une moyenne entreprise doit être entendue « au sens de la recommandation 2003/361 ».

30      La recommandation 2003/361, à laquelle renvoient ces deux règlements, contient une annexe dont le titre I concerne la définition des micro-, petites et moyennes entreprises.

31      En vertu de l’article 1er de cette annexe, est considérée comme entreprise toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique.

32      L’article 2 de l’annexe de la recommandation 2003/361, de son côté, fixe l’effectif et les montants financiers définissant les catégories d’entreprises.

33      Dans le cas d’une « entreprise autonome », c’est-à-dire une entreprise qui n’est pas qualifiée d’« entreprise partenaire » ou d’« entreprise liée », la détermination des données, pour calculer ces montants, s’effectue sur la base des comptes de cette entreprise, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de ladite annexe.

34      Dans le cas d’une « entreprise liée », la détermination des données s’effectue sur la base des comptes et des autres données de l’entreprise ou, s’ils existent, des comptes consolidés de l’entreprise ou des comptes consolidés dans lesquels l’entreprise est reprise par consolidation, conformément à l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361.

35      En vertu de l’article 6, paragraphe 2, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361, pour apprécier si une « entreprise liée » peut être qualifiée de PME, il y a lieu d’ajouter, aux données visées au point 34 ci-dessus, « 100 % des données » des entreprises directement ou indirectement liées et qui n’ont pas déjà été reprises dans les comptes par consolidation.

36      En l’espèce, l’ECHA a constaté que le capital de la requérante était intégralement détenu par l’entreprise OxfordCourt Ltd. Elle a, par ailleurs, indiqué que cette dernière entreprise détenait 100 % du capital de trois autres entreprises, à savoir UAB Mida LT, Stroykomplektinvest OOO et Tehno Invest OOO (ci-après, collectivement, les « entreprises “sœurs” »).

37      Sur ce fondement, l’ECHA a informé la requérante qu’elle la considérait comme étant liée à OxfordCourt ainsi qu’aux entreprises « sœurs ».

38      L’ECHA est par la suite arrivée à la conclusion préliminaire selon laquelle la requérante avait dépassé les valeurs définies, pour les PME, dans la recommandation 2003/361 et qu’elle entrait donc dans la catégorie des « grandes entreprises ».

39      Pour parvenir à cette conclusion, l’ECHA s’est fondée sur les données financières et l’effectif des entreprises « sœurs ».

40      Les parties s’opposent, devant le Tribunal, sur la question de savoir si la requérante pouvait être considérée comme une entreprise liée aux entreprises « sœurs » et si les données de ces dernières pouvaient par conséquent être incluses dans le calcul de sa taille.

41      La requérante admet que son capital et les capitaux des entreprises « sœurs » sont détenus, dans leur intégralité, par la même entreprise, à savoir OxfordCourt. Elle soutient toutefois, en substance, que la notion d’« entreprise liée » ne s’applique pas aux entreprises « sœurs », c’est-à-dire aux entreprises dont le capital est détenu dans sa majorité par la société mère qui détient, elle-même, dans cette proportion, le capital de la requérante.

42      À cet égard, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 3, de l’annexe de la recommandation 2003/361 précise les critères permettant de déterminer si des entreprises sont « liées » afin d’apprécier si ces dernières relèvent de la catégorie des PME.

43      L’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361 prévoit :

« Sont des “entreprises liées” les entreprises qui entretiennent entre elles l’une ou l’autre des relations suivantes :

a)      une entreprise a la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d’une autre entreprise ;

[…] »

44      L’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, de l’annexe de la recommandation 2003/361 ajoute que « [l]es entreprises qui entretiennent l’une ou l’autre des relations visées au premier alinéa à travers une ou plusieurs autres entreprises […] sont également considérées comme liées ».

45      Cette disposition doit être interprétée au regard du considérant 9 de la recommandation 2003/361, selon lequel il convient de distinguer les différents types d’entreprises « [a]fin de mieux appréhender la réalité économique des PME et [d’]exclure de cette qualification les groupes d’entreprises dont le pouvoir économique excéderait celui d’une PME ».

46      Elle doit également être considérée, selon le considérant 11 de la recommandation 2003/361, à l’aune de la directive 83/349/CEE du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l’article 54, paragraphe 3, sous g), du traité, concernant les comptes consolidés (JO 1983, L 193, p. 1), modifiée en dernier lieu par la directive 2001/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, modifiant les directives 78/660/CEE, 83/349 et 86/635/CEE en ce qui concerne les règles d’évaluation applicables aux comptes annuels et aux comptes consolidés de certaines formes de sociétés ainsi qu’à ceux des banques et autres établissement financiers (JO 2001, L 283, p. 28), dont les articles 1 et 41 lus conjointement, précisent que sont visées par la notion d’entreprises « liées » toutes les entités dont le capital est détenu par une même entreprise mère à concurrence de 50 % des parts ou plus.

47      La même approche se trouve au cœur de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349 (JO 2013, L 182, p. 19). Dans cette directive, qui a remplacé la directive 83/349/CEE, l’article 2, point 12, indique que des « entreprises liées » sont deux entreprises ou plus faisant partie d’un groupe tandis que le point 11 de ce même article définit le « groupe » comme une entreprise mère et l’ensemble de ses entreprises filiales.

48      Au vu de ces considérations, l’ECHA a pu considérer à bon droit que les entreprises « sœurs », dont le capital est détenu dans sa majorité par l’entreprise mère de la requérante, étaient liées à celle-ci au sens de la recommandation 2003/361. La requérante n’ayant pas démontré que l’ECHA avait commis une erreur sur ce point, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité de la « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » signée par la requérante

49      La requérante avance trois arguments par lesquels elle fait valoir qu’est illégale la « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » qu’elle a signée et sur la base de laquelle l’ECHA a adopté la décision attaquée.

50      Premièrement, la requérante soutient avoir été induite en erreur par l’ECHA. En effet, elle aurait introduit une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » en tenant compte de l’appréciation préliminaire de son statut par l’ECHA. Toutefois, elle se serait rendu compte par la suite que cette appréciation préliminaire de l’ECHA comportait une erreur en ce que cette dernière aurait considéré comme entreprises qui lui étaient « liées » des entreprises qui ne pourraient être qualifiées comme telles suivant la recommandation 2003/361.

51      À cet égard, il convient de relever que, comme indiqué dans les points 27 à 48 ci-dessus et pour les raisons qui y sont mentionnées, la requérante n’a pas démontré que l’ECHA avait commis une erreur dans l’appréciation de sa taille.

52      Ainsi, le premier grief de la requérante invoqué pour établir l’illégalité de la « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » doit être rejeté.

53      Deuxièmement, la requérante allègue que la « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » qu’elle a remplie est illégale, car elle a été faite sous la pression de la promesse d’une réduction de la redevance et du droit administratif dus. Or, l’ECHA n’aurait pas réduit, dans la décision attaquée, le montant de la redevance d’enregistrement due, mais uniquement celui du droit administratif applicable.

54      À cet égard et à la lecture de la lettre de l’ECHA du 2 juin 2016, il apparaît que seule une réduction de 50 % du montant du droit administratif applicable a été annoncée dans l’hypothèse où la requérante remplirait, signerait et remettrait une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte ».

55      Il s’ensuit que, étant fondé sur une affirmation erronée, ce grief doit être rejeté.

56      Troisièmement, la requérante affirme que la « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » qu’elle a été invitée à remplir par l’ECHA ne trouve aucun fondement dans le règlement no 340/2008.

57      À cet égard, il convient de relever que, en application de l’article 11, paragraphe 5, du règlement no 340/2008, il appartient au conseil d’administration de l’ECHA de fixer, sous réserve de l’avis favorable de la Commission européenne, le montant du droit administratif imposé aux entreprises lorsqu’elles se trouvent dans l’incapacité de démontrer qu’elles relèvent de la catégorie d’entreprises déclarée.

58      En exécution de cette disposition, le conseil d’administration de l’ECHA a adopté la décision MB/D/29/2010, du 12 novembre 2010, sur la classification des services pour lesquels des droits sont perçus.

59      Cette décision a été modifiée par la décision MB/21/2012/D final, du 12 février 2013, adoptée par le conseil d’administration de l’ECHA et ajoutant à l’article 4 le paragraphe 4, selon lequel les entreprises qui ont déclaré une taille ne correspondant pas à leur catégorie peuvent bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif si elles corrigent leur erreur en communiquant à l’ECHA, dans le délai imparti, la catégorie à laquelle elles appartiennent. Dans les considérants de cette décision modificatrice, le conseil d’administration de l’ECHA a précisé que la disposition ainsi ajoutée visait à encourager les entreprises déclarantes à corriger leur erreur afin de réduire la charge de travail de l’ECHA.

60      Cette possibilité de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif a été portée à la connaissance de la requérante lorsque la procédure de vérification a été ouverte à son égard.

61      Ayant fait usage de cette possibilité et ayant ainsi bénéficié de cette réduction, la requérante conteste toutefois la légalité de la réduction de 50 % sur le montant du droit administratif prévue à l’article 4, paragraphe 4, de la décision MB/D/29/2010 telle que modifiée. Selon elle, les entreprises qui font l’objet d’une procédure de vérification doivent, conformément au règlement no 340/2008, avoir la possibilité de prouver qu’elles ont le statut de PME et qu’elles peuvent bénéficier d’une réduction de redevance. L’ECHA ne pourrait ainsi, sous peine de violer ledit règlement, empêcher les entreprises d’administrer cette preuve en leur proposant de déposer une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte ».

62      À cet égard, il convient de relever que, à supposer que ce grief puisse être interprété comme soulevant une exception d’illégalité à l’encontre de la décision MB/D/29/2010 telle que modifiée, il serait en tout état de cause non fondé.

63      En effet, la possibilité de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif n’empêche pas les entreprises visées par une procédure de vérification de présenter des documents et des arguments en vue de démontrer qu’elles relèvent de la catégorie d’entreprises qu’elles ont déclarée. Le dépôt d’une « déclaration de taille d’entreprise incorrecte » n’est qu’une faculté, dont elles peuvent faire usage, si elles le souhaitent, lorsqu’elles ne sont pas en mesure de démontrer qu’elles relèvent de la catégorie déclarée, afin de réduire le montant du droit administratif imposé. Rien ne les empêche, toutefois, de continuer la procédure de vérification et de tenter de démontrer leur statut de PME.

64      En l’espèce, dans sa lettre du 2 juin 2016, l’ECHA a informé la requérante de son appréciation préliminaire et expressément donné à la requérante la possibilité de présenter des éléments et des arguments démontrant que, contrairement à ce qu’elle estimait, elle répondait aux exigences à satisfaire pour bénéficier du statut de PME. L’annexe de cette lettre précisait que, « [si] les informations et les données sur la base desquelles les conclusions de l’ECHA [s’étaient] fondées ne refl[étai]ent pas correctement la situation du déclarant et que la taille de l’entreprise d[eva]it être évaluée autrement que telle qu’établie de manière préliminaire par l’ECHA, [la requérante était invitée à] présenter [ses] arguments ainsi que les pièces justificatives […] dans les 14 jours à compter de la date de la notification de la présente lettre ». La requérante a toutefois décidé de faire usage de la « déclaration de taille d’entreprise incorrecte ».

65      Par ailleurs, la question des conditions dans lesquelles une réduction du droit administratif peut intervenir a trait au montant du droit administratif, lequel est fixé par le conseil d’administration de l’ECHA, conformément à l’article 11, paragraphe 5, du règlement no 340/2008, lui conférant cette compétence comme indiqué au point 57 ci-dessus.

66      La compétence accordée au conseil d’administration de l’ECHA sur ce point est encadrée de deux manières : d’une part, elle doit obtenir l’avis favorable de la Commission et, d’autre part, les décisions prises par elle dans ce cadre doivent être conformes au droit de l’Union européenne et en particulier aux règlements applicables en la matière.

67      S’agissant de la première de ces conditions, il est constant que la décision MB/21/2012/D final, qui a introduit la faculté pour les entreprises de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif, a obtenu un avis favorable de la Commission le 4 février 2013, comme l’indique le texte de cette décision.

68      En ce qui concerne la deuxième condition, il convient de relever que le règlement no 340/2008, applicable en la matière, prévoit que la finalité du droit administratif imposé par l’ECHA est de décourager la transmission de fausses informations (considérant 11) et qu’il appartient à l’entreprise déclarante de prouver qu’elle peut bénéficier de la réduction de la redevance réservée aux PME afin d’éviter l’imposition d’un droit administratif (article 13, paragraphe 4).

69      Or, la possibilité de bénéficier d’une réduction de 50 % sur le montant du droit administratif ne porte atteinte à aucun de ces principes.

70      À la lumière des développements exposés ci-dessus, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’arrêt de la production de la substance enregistrée

71      La requérante fait valoir que l’enregistrement de la substance asphalte oxydé est suspendu depuis le 11 juillet 2013 et que la production de cette substance est arrêtée depuis 2011. Pour ces raisons, l’ECHA aurait dû s’abstenir de réclamer les montants dont la requérante est redevable en vertu de la décision attaquée.

72      À cet égard, il convient de relever que la raison d’être de la redevance est, conformément à l’article 74, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, de financer les activités de l’ECHA consistant à évaluer les activités des entreprises déclarantes, c’est-à-dire, notamment, à examiner les propositions d’essai, à contrôler la conformité des enregistrements et les informations communiquées et à effectuer le suivi de l’évaluation des dossiers.

73      Or, ces activités ont lieu à chaque enregistrement, indépendamment de la durée de production ou d’importation de la substance.

74      Pour cette raison, le règlement no 1907/2006 ne prévoit aucun remboursement des frais engagés au titre de l’enregistrement et la redevance est due même en cas d’arrêt de production ou d’importation de la substance enregistrée.

75      En outre, lorsque l’ECHA vérifie qu’une entreprise s’est correctement acquittée de la redevance, les données prises en compte sont celles qui étaient pertinentes au moment où a été effectué l’enregistrement.

76      Par conséquent, il convient de rejeter le troisième moyen et, partant, les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La demande de sursis à l’exécution de la décision SME(2016) 3038 de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), du 7 juillet 2016, est rejetée comme irrecevable.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Dehtochema Bitumat s. r. o. est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 janvier 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le tchèque.